Banque / Crédit - vivaldi

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Banque / Crédit - vivaldi
Rappel des conditions de mise en œuvre des articles 220 et 1415 du Code civil.
Source : Cass. civ. 1ère, 5 octobre 2016, n°15-24.616, FS-P+B
I – Les faits de l’espèce
Un époux marié sous le régime de la communauté universelle obtient un prêt bancaire de 400.000 € remboursable
en trois ans. En parallèle, il obtient également une autorisation de découvert. Manifestement, et expertise
graphologie à l’appui, l’épouse n’a pas donné son consentement ni à l’emprunt, ni au découvert.
L’époux décède et, en application de la convention matrimoniale, l’épouse recueille la communauté. Elle se voit
ainsi assigner en paiement par la banque, tant au titre du prêt non remboursé, que du solde débiteur du compte
bancaire, s’établissant à plus de 100.000 €.
En défense, l’épouse survivante oppose l’absence de consentement donné aux deux opérations, comme
l’exigeait pourtant son régime matrimonial en application de l’article 1415 du Code civil[1].
Les juges du fond accueillent favorablement cette argumentation en ce qui concerne le prêt bancaire, puisque
l’expertise graphologique révèle que l’épouse n’a effectivement pas donné son consentement, mais la rejette en
ce qui concerne le découvert en compte, puisque selon l’historique du compte le solde débiteur correspond à des
dépenses réalisées pour les besoins de la vie courante du ménage, en application de l’article 220 du Code civil[2],
relevant par conséquent de la catégorie des dettes communes.
L’épouse survivante se pourvoit en cassation.
II – L’arrêt de cassation partielle
S'agissant de l'ouverture de crédit, la Cour de cassation approuve les juges d'appel qui, ayant retenu à bon droit
que les dispositions de l'article 1415 du Code civil sont impératives et applicables aux époux mariés sous un
régime de communauté universelle, et qu'il incombait à la banque de s'assurer du consentement de l'épouse,
avaient exactement décidé que l'emprunt contracté par l'époux sans le consentement exprès de son épouse n'avait
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pu engager la communauté.
A l’inverse, concernant le découvert en compte, la Cour suprême rappelle qu'il résulte de l'article 220, alinéa 3, du
Code civil, que la solidarité entre époux n'a pas lieu pour les emprunts qui n'auraient été contractés que par un seul
d'entre eux, à moins qu'ils ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et
qu'aux termes de l'article 1415 du même code, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses
revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement
exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres ; et de préciser que ces règles sont
applicables au crédit consenti par découvert sur un compte bancaire. Aussi, en statuant comme elle l'avait fait,
sans constater le consentement de l'épouse au fonctionnement du compte à découvert ou que celui-ci avait
uniquement porté sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante, la cour d'appel n'a pas
donné de base légale à sa décision. L’arrêt d’appel est cassé sur ce motif.
III – Ce qu’il faut retenir
Qu'il s'agisse d'ouverture de crédit ou de découvert d'un compte, l'époux survivant marié sous le régime de la
communauté universelle, dès lors qu'il n'a pas expressément consenti au fonctionnement du compte ouvert au
nom de l'époux prédécédé, ne peut se voir poursuivi par la banque, sauf à ce qu'il soit constaté que le solde
débiteur ait uniquement porté sur des sommes modestes et nécessaires aux besoins de la vie courante, ce qui
n'était pas le cas en l'espèce.
L’interférence du régime matrimonial du client dans les relations avec sa banque ne doit jamais être négligée. Par
exemple, lorsque la caution est mariée sous le régime de séparation de biens, la proportionnalité de son
engagement doit s'apprécier au regard de ses seuls patrimoine et revenus[3].
Des difficultés peuvent naître aussi lors du divorce du client : par exemple, lorsque des époux emprunteurs se
séparent par consentement mutuel, et que la charge du prêt est attribuée à l’un des époux par la convention de
liquidation et partage de la communauté, celle-ci est-elle opposable de droit à la banque ? Autrement dit, ne peutelle plus poursuivre en paiement que l’époux attributaire du prêt ? Doit-elle subir la diminution de son assiette de
garanties personnelles et/ou réelles initialement consenties ? La réponse est binaire : si la banque n’a pas
expressément libéré l’ex-conjoint de l’attributaire, celui-ci demeure solidairement redevable de la dette. Cette
réponse découle du principe que la convention de liquidation et partage de communauté n’a qu’un effet relatif
entre les époux, dans leurs rapports contributifs.
Une preuve encore que le banquier doit être au fait des règles des régimes matrimoniaux.
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Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Art. 1415 C.civ. : « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un
cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre
conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. »
[2] Art. 220 C.civ. : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du
ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.
La solidarité n'a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du
ménage, à l'utilité ou à l'inutilité de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n'a pas lieu non plus, s'ils n'ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament
ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de
la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, ne soit pas
manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage. »
[3] Lire notre article sur le sujet : Cautionnement disproportionné : le régime matrimonial de la caution, ça
compte aussi !
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