La croissance externe - Modus Operandi, european

Transcription

La croissance externe - Modus Operandi, european
Modus
Operandi
La croissance externe comme outil de développement
Philippe de La Houplière – Modus Operandi – Octobre 2010
La croissance d’une entreprise est dite externe lorsqu’elle s’effectue par le rachat d’une autre entreprise. En ce sens, elle
s’oppose à la croissance interne – ou organique – par laquelle l’entreprise ne grandit que par ses ressources propres.
(Ce texte est issu de la conférence-débat tenue dans le cadre du forum « Entreprendre en Beaujolais » qui s’est tenu le
25octobre 2010 au Palais des Expositions de Villefranche-sur-Saône).
E
tymologiquement, le mot « croissance » vient du latin
crescere qui signifie naître, venir à la vie. Ce n’est donc
qu’au terme d’une usurpation d’usage qu’il a pris le sens le
sens que nous lui connaissons aujourd’hui et dont les
dictionnaires courants donnent les définitions suivantes :
fait, action de croître, de grandir ; fait d’augmenter, de se
développer, de se propager ; augmentation sur le long
terme de la production de biens et de services d’une
économie.
Pourquoi la croissance externe ?
Et tout d’abord, pourquoi la croissance tout court ?
La croissance à tout prix est-elle nécessaire, indispensable à
la survie de l’entreprise ?
Cette question n’est pas à l’ordre du jour de cet exposé,
mais nous évoquerons ici simplement les deux grandes
lignes d’une stratégie d’entreprise qui peuvent justifier ou
rendre nécessaire une opération de croissance : tout
d’abord une stratégie défensive pour éviter de se laisser
distancer par la concurrence et défendre son territoire, que
ce dernier soit géographique ou qu’il relève du métier de
l’entreprise ; ensuite une stratégie offensive qui vise à
pendre avantage d’événements qui surviennent pour
étendre son champ d’action. A supposer que la croissance
soit donc effectivement nécessaire, encore conviendrait-il de
répondre immédiatement à une série de questions
conséquentes : pour quelle finalité, comment, à quel rythme
et avec quel danger pour l’entreprise.
D’une manière synthétique, la vie de l’entreprise connaît
plusieurs phases successives :
-
la
la
la
la
la
phase
phase
phase
phase
phase
de
de
de
de
de
création
démarrage
décollage
stabilisation
maturité
C’est lorsque la phase de la maturité est atteinte que se
pose généralement la question de la croissance. Le chef
d’entreprise peut refuser le processus de croissance pour
des raisons telles que la perte de contrôle, la prise de risque
qu’il juge excessive, ou encore pour une estimation
pessimiste du potentiel marché. Il peut à l’inverse adopter
une stratégie de croissance.
Dans un premier temps nous allons rappeler ce qui oppose
la croissance externe et la croissance organique avec un
bref aperçu des avantages et inconvénients relatifs de
chacune d’elle. Relatifs, parce que la situation de chaque
entreprise représente un cas particulier et qu’il serait
dangereux de vouloir en la matière établir des règles
générales universelles.
La croissance organique, aussi appelée croissance interne
par opposition à la croissance externe, s’appuie sur les
seules ressources internes à l’entreprise elle-même : son
propre savoir-faire, son propre parc-machines, son propre
potentiel humain etc. Elle se traduit par une augmentation
de son chiffre d’affaire.
Les écueils principaux de la croissance interne sont :
• Les éventuels handicaps concurrentiels dus à la trop faible
taille de la PME, et de ce fait l’insuffisance des économies
d’échelle,
• Le manque de ressources financières de la PME pour
autofinancer son développement,
• La capacité de réaction des entreprises concurrentes de
taille plus importante et aux moyens financiers plus
significatifs,
• L’accroissement de la structure qui génère des coûts non
productifs.
A l’inverse, la croissance externe fait appel aux ressources
de l’entreprise nouvellement acquise pour permettre à
l’ensemble un bond significatif en termes de taille et de
force de frappe sur le marché.
Les raisons d’échecs de la croissance externe résident
globalement dans le manque de préparation et dans la
mauvaise conduite de l’opération qui induisent un retard
significatif sur les effets d’échelle et les gains en synergie.
Croissante interne ou organique
Les avantages de la croissance interne sont entre autres :
• C’est une croissance progressive dans le cadre d’un
processus continu, et dont l’entrepreneur garde la
maîtrise,
• L’entreprise reste maître de ses savoir-faire,
• Elle génère des emplois et suscite un climat social
favorable compte tenu des possibilités de promotions
internes.
A l’opposé, les inconvénients majeurs de la croissance
interne sont :
• Elle ne permet pas toujours de suivre la rapidité de
croissance du marché,
• Elle ne favorise pas les sauts technologiques,
• En cas de forte croissance, elle induit un risque de perte
de productivité par suite d’un fort taux d’embauches,
• Elle peut entraîner une diminution de la rentabilité en cas
d’endettement important,
• Elle est susceptible de générer des tensions sociales du
fait de la charge permanente induite par la croissance,
• Enfin elle comporte un risque de dilution de la culture
maison par manque de temps et d’attention accordés à
l’intégration des « nouveaux » embauchés.
Croissante Externe
Parmi les avantages de la croissance externe, on peut citer
de manière non exhaustive :
• Elle permet d’atteindre rapidement la « taille critique », de
« suivre » en cas d’évolution rapide du marché, éventuellement de contrer un concurrent dangereux, ou encore
de réaliser une diversification rapide,
• Elle facilite la pénétration de marchés difficiles ou mal
connus,
• Elle permet d’assurer une certaine autonomie en matière
d’approvisionnement et / ou de commercialisation,
• Elle autorise généralement des économies d’échelle.
Elle présente aussi des limites qu’il convient de ne pas sousestimer, et plus particulièrement :
• Le risque de perte de maîtrise du management en cas
d’intégration de nouveaux partenaires,
• La nécessité d’une bonne évaluation de la prise de risque
et une d’une bonne maîtrise du coût de l’opération (sous
estimation),
• L’existence et l’identification d’une cible,
La croissance externe – Octobre 2010
• Des conflits sociaux qui peuvent résulter de la réorganisation et des écarts de culture d’entreprise
commercial particulier avec les entreprises qu’elle possède
déjà. La croissance conglomérale est essentiellement
opportuniste
• De nouvelles contraintes légales et règlementaires.
Les différentes modalités de la croissance externe
(Rappel)
Les différents types de croissante externe
Le choix de la croissance externe doit reposer sur des
motivations rigoureuses qui relèvent nécessairement d’une
stratégie réfléchie.
D’un point de vue juridique, la croissance externe s’analyse
comme un achat des titres de propriété.
Il peut s’agir d’une participation simple (rachat d’une partie
ou de la totalité du capital de la cible) ou croisée (échange
de participations au capital). Ce rachat peut s’effectuer en
direct ou au travers d’une holding de tête qui pourra
intégrer l’ensemble des services communs (finance, RH,
achats etc.). Il peut s’agir d’une fusion : création d’une
nouvelle société et dissolution des entreprises fusionnées. Il
peut s’agir d’une fusion absorption : la société rachetée est
intégrée à la société absorbante et est ensuite dissoute.
Sauf à prendre le risque d’un échec, il ne peut y avoir de
croissance externe opportuniste que si elle repose sur une
réflexion préalable quant à la finalité de l’opération.
La croissance externe peut être
• Homogène lorsqu’il s’agit de regrouper des entreprises
fabriquant des produits semblables,
• Fonctionnelle lorsque le regroupement concerne des
entreprises qui fabriquent des produits différents
répondant à une même fonction.
D’un point de vue financier, les modalités peuvent relever
de la négociation bi- ou multilatérale, d’une OPA ou d’une
OPE.
Globalement on définit deux grands types de croissance
externe qui répondent à des logiques stratégiques différentes.
La croissance externe se finance généralement par
l’endettement et par les gains qui sont attendus de
l’opération en terme de taille critique, de productivité, de
puissance d’achat, et des diverses synergies potentielles.
On parle alors de croissance externe horizontale et de
croissance externe verticale.
Verticale
Amont
Horizontale
Marché
Les Conditions de réussite de la croissance externe
Une opération de croissance externe ne saurait relever ni du
hasard ni d’un simple opportunisme, mais d’abord et avant
tout d’un choix stratégique qui suppose que l’entreprise se
prépare pour être en mesure de saisir la bonne opportunité
lorsqu’elle se présentera. Lorsque l’opération de croissance
externe aura été finalisée sur un plan juridique et financier,
il sera trop tard pour mettre en place les conditions de sa
réussite. Par contre, il faudra être en mesure de dérouler
l’action selon des plans prévus et préparés.
Horizontale
Gamme
Verticale
Aval
Croissance externe horizontale
Le projet d’entreprise
La croissance horizontale consiste à étendre son rayon
d’action commercial par l’extension et la pénétration du
marché. Elle se subdivise elle-même en deux stratégies
distinctes :
La première condition indispensable pour la réussite d’une
opération de croissance externe relève de la mise en place
d’un projet d’entreprise fort, clair et accepté. L’entreprise
qui en acquiert une autre doit être saine. Elle doit avoir une
stratégie claire et des valeurs fortes et partagées, elle doit
savoir où elle va et à quelles échéances. A chacun des
niveaux hiérarchiques, son personnel doit être opérationnel.
• d’une part, la recherche d’une extension du marché de
l’entreprise : il s’agit alors du rachat d’un confrère concentré sur des marchés où l’on n’est pas soi-même. La
complémentarité ou la non-complémentarité des gammes
de produits et services est laissée au second plan, car elle
ne relève pas de l’ambition initiale. L’analyse de la
clientèle de la cible constitue le critère déterminant.
En fonction des éléments en sa possession (cf. § veille ciaprès) l’entreprise doit avoir déterminé quel type de
croissance externe elle envisage et quel type de cible elle
recherche.
• d’autre part, la recherche d’une meilleure pénétration du
marché par une extension de gamme pour répondre à une
demande de la clientèle que l’on a déjà. La complémentarité des produits et services proposés sera ici
déterminante.
La veille
Le projet de rachat repose nécessairement sur une parfaite
connaissance de l’environnement global de l’entreprise :
• quel est le
d’évolution,
La croissance horizontale vise à faire des économies
d’échelle en optimisant le rendement de la clientèle existante (CA par client) et / ou de la gamme de produits (CA
par article).
marché,
quelles
sont
ses
perspectives
• quels sont les partenaires actuels et potentiels
(fournisseurs, distributeurs, prescripteurs etc.) et quels
sont les éventuels liens préférentiels entre les différents
acteurs du marché,
Croissance externe verticale
• quelles sont les technologies mise en œuvre et quels sont
les axes d’évolution technologiques perceptibles et
envisageables,
La croissance verticale répond à une logique d’intégration :
• on parle de croissance verticale amont lorsqu’il s’agit
d’intégrer un fournisseur ou un sous-traitant.
• quels sont les concurrents directs (actifs sur mon territoire
avec des produits directement concurrents) ou indirects
(actifs soit avec des produits similaires sur un territoire
différent soit avec des produits complémentaires sur le
même territoire)
• on parle de croissance aval lorsqu’il s’agit d’intégrer un
distributeur ou un intermédiaire qui agit entre soi et le
client.
L’objectif de la croissance verticale est une meilleure
maîtrise des coûts d’approvisionnement et de distribution,
ainsi que la recherche d’une moindre dépendance des
partenaires amont et aval, encore que sur ce dernier point,
les risques stratégiques doivent être analysés avec prudence
• quelles sont les contraintes, éventuellement légales et
règlementaires qui encadrent son action, y a-t-il une
évolution prévisible de ces contraintes ?
• etc.
Croissance externe conglomérale
Organisation et anticipation
La croissance est dite conglomérale lorsqu’elle ne répond à
aucune logique industrielle ou commerciale, mais relève
davantage d’une logique financière. C’est le cas par ex.
lorsqu’une holding reprend, dans l’espoir de la redresser,
une société en difficulté qui n’a pas de lien industriel ou
Les chances de succès d’une opération de croissance
externe supposent une anticipation en termes d’organisation. L’objectif de cette anticipation est de permettre à
l’entreprise, quand le moment sera venu, de consacrer une
2
La croissance externe – Octobre 2010
• un jour pour nommer le pilote de l’intégration de la cible
dans son nouveau groupe d’appartenance et pour lui
communiquer son plan de route
partie de ses forces à l’opération de croissance externe sans
que soit pénalisée la bonne marche quotidienne.
• Les structures - L’organisation de l’entreprise doit être
suffisamment claire pour savoir à l’avance comment et à
quels niveaux la coopération ou l’intégration vont
s’organiser avec la cible, une fois cette dernière identifiée.
Il ne s’agit pas de sur-dimensionner l’entreprise en
fonction d’une éventuelle future opération, mais de faire
en sorte qu’elle soit aussi réactive que possible au cas où
l’opportunité recherchée se déclencherait.
• 10 jours pour que pilote fasse le tour des hommes clé de
l’entreprise nouvellement acquise, constitue son équipe
d’intégration, et définisse les grands chantiers,
• 100 jours pour mener à bien le chantier d’intégration.
Il n’est pas l’objet de cet exposé de rentrer dans le détail du
processus d’intégration. Néanmoins, il est indispensable de
souligner que la réussite de l’opération de croissance interne
est conditionnée
• Les hommes - Les hommes clés doivent avoir été
identifiés et fidélisés. Ils doivent être formés et préparés
au rôle qui sera le leur dans le cadre de l’opération de
croissance envisagée et en fonction du type de croissance
qui sera réalisée. Les services dont ils sont éventuellement
responsables doivent être structurés et organisés de
manière à poursuivre sereinement leur activité lorsque
l’opération de croissance sera menée. Les partenaires
sociaux doivent être informés en temps et en heure des
projets de l’entreprise, pour lever par avance les difficultés
et les tensions qui pourraient résulter de l’opération de
croissance. Les éventuels points de résistance potentielle
au changement doivent avoir été identifiés.
• par la rapidité de l’obtention des synergies envisagées,
• par l’accompagnement humain au changement,
• par la bonne communication interne sur l’avancement du
projet et
• par le respect du budget prévu pour l’opération.
Conclusion
En conclusion, permettez-moi de vous présentez quelques
chiffre relatifs à un sondage réalisé par l’institut IFOP du 16
au 29 avril 2008 auprès d’un échantillon de 1.004
dirigeants, représentatif des entreprises françaises de 50
salariés et plus, hors secteur agricole.
• Le plan d’action - Il ne peut pas être question de définir
par avance le plan d’action détaillé de l’opération de
croissance externe tant que la cible n’est pas identifiée.
Néanmoins il est souhaitable d’en avoir établi la trame
générale, d’avoir identifié et nommé les pilotes dans
chacun des domaines concernés par l’opération de
croissance externe envisagée. Lorsque cela est possible, il
est souhaitable de mettre en place un calendrier général
qui sera ajusté en temps voulu.
Le contexte économique général était certes différent, mais
les résultats de ce sondage sont néanmoins instructifs
compte tenu des fortes majorités qui s’en dégagent :
• Près de la moitié des dirigeants (45 %) envisage de
recourir au rachat de société par croissance externe au
cours des 5 prochaines années.
• Parmi les dirigeants ayant eu recours à la croissance
exogène ces 5 dernières années, 93 % d’entres eux se
déclarent satisfaits des opérations de rachat réalisées.
La décision
La phase de négociation avec la cible envisagée doit
permettre d’éclairer le repreneur sur les réelles forces et
faiblesses de la cible et sur les réelles synergies potentielles
entre les deux entreprises. Non seulement cette phase va
permettre de préciser les conditions financières de la
reprise, mais elle doit éclairer le repreneur sur le plan des
actions qui seront à conduire une fois l’accord finalisé. En
effet, la capacité du repreneur à mettre rapidement en
œuvre les synergies possibles constituera un élément
déterminant de la réussite du projet de croissance externe.
C’est donc déjà à ce stade que le plan d’action doit être
précisé.
Parmi les principaux bénéfices mis en avant par les
dirigeants, ceux-ci citent par ordre d’importance :
• 90% : le rachat d’entreprise a renforcé notre image et
notre notoriété,
• 88% : le rachat d’entreprise nous a permis d’accroître nos
parts de marché,
• 80% : le rachat de société nous a permis d’optimiser notre
capital humain,
• 78% : la croissance externe nous a permis d’améliorer
notre résultat d’exploitation,
• 74% : le rachat société nous a permis d’accélérer notre
croissance interne.
L’intégration
Quel que soit le mode de croissance retenu (fusion,
acquisition simple), le repreneur n’a qu’un temps limité pour
réussir son opération. En effet, l’opération de reprise est
attendue et observée aussi bien à l’intérieur des deux
entreprises mais également à l’extérieur par l’ensemble des
opérateurs du marché. A l’intérieur, elle peut susciter des
inquiétudes pour l’emploi (suppressions de postes en
doublon, mutations, réaffectations etc.) ou pour l’organisation du travail et, de fait, conduire à une dégradation du
climat social. A l’extérieur, les opérateurs sont sur l’expectative en attendant de voir ce qui va résulter de l’opération
d’acquisition.
La croissance externe apparaît donc comme un levier
important de croissance pour l’entreprise. Comme toute
aventure ou comme toute performance sportive, elle n’est
pas sans risque. Ces derniers ne se minimisent qu’au
travers d’une préparation parfaite et d’un accompagnement
professionnel. Reste à déterminer le bon moment pour
passer à l’action.
Le dicton prétend qu’il faut acheter au son du canon et
vendre au son du clairon. Mais le meilleur moment, c’est
avant tout celui où l’entreprise se sent prête. Les périodes
de tension économique comme celle qui prédomine depuis
quelques temps sont généralement porteuses d’opportunités
car propices à des recherches d’optimisation et de
synergies.
On a l’habitude de dire que l’opération de reprise se conduit
en trois étapes :
- oOo-
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