Fiche résumé sur « La vérité et l`expérience

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Fiche résumé sur « La vérité et l`expérience
Fiche résumé sur « La vérité et l’expérience » - T.STG – P. Serange 2010
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Fiche résumé sur « La vérité et l’expérience »
I°) La vérité comme adéquation du discours à la réalité
A°) Le doute comme méthode et l’évidence comme critère pour déterminer le vrai
La vérité ne se présente pas spontanément à l’esprit humain. Comment puis-je savoir si quelque chose est vrai ou est
faux ? On voit ici resurgir le problème de la croyance, de l’opinion et des préjugés. Il s’agit, par notre raison, de se libérer de
nos croyances et d’atteindre la vérité. Les croyances sont subjectives (relatives au sujet : à la personne qui y croit) ; la vérité
est objective (elle est indépendante du sujet ; en cela elle semble un absolu).
Si l’homme recherche le vrai, selon quels critères pourra-t-il déterminer qu’il l’a trouvée ? Nous avons vu que, par
réflexion (=retour critique de l’esprit sur lui-même pour faire le tri entre ses idées), et par l’exercice du doute méthodique
mis en œuvre par Descartes, nous pouvions déterminer une vérité indubitable (=qui n’est pas objet de doute) : le cogito,
« Je pense donc je suis ». Selon Descartes, il s’agit d’une vérité fondamentale et fondatrice dont on doit partir pour trouver
les autres idées vraies. Si nous doutons de tout, dans une première étape, dans une seconde étape nous apparaîtront
comme évidentes les idées vraies. C’est pour Descartes l’intuition (=vision de l’esprit) qui va nous permettre de déterminer
ce dont nous ne pouvons pas douter, qui correspond donc à ce qui est vrai. Ainsi, peu à peu, dans les Méditations
Métaphysiques, il va prouver que le monde existe. Si nos sens peuvent nous tromper, au terme d’une longue recherche, je
peux déterminer ce qui est vrai, et qui m’apparaît de manière évidente comme vrai. Descartes conseille en effet : « de ne
recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter la précipitation
et la prévention et ne comprendre rien de plus en mes jugements que ce qui se présenterait si clairement et si
distinctement à mon esprit que je n'eusse aucune occasion de la mettre en doute ». (Discours de la méthode, IIe partie).
B°) La vérité comme accord de la réalité au discours qui la décrit
C’est ainsi que nous pouvons peu à peu connaître le monde, ses lois scientifiques, comme la loi de la gravitation
universelle de Newton. Cela permet une maîtrise technique : pour Descartes il nous faut nous « rendre comme maîtres et
possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, VIe partie). Comme le disait déjà Galilée, physicien célèbre du XVIIe
siècle, « le monde est écrit en langage mathématique ». Il s’agit donc, de par nos observations et théories, et de par nos
expériences scientifiques, de le décrypter en en découvrant peu à peu les mécanismes.
Mais précisément : cela montre que la vérité consiste dans l’accord d’un discours avec la réalité (la loi que j’énonce
doit correspondre à la réalité du monde et bien la décrire pour que je dise que cette loi est vraie). Cette définition (vérité
comme accord entre le discours et la réalité) est d’Aristote (disciple de Platon). Elle permet dès lors de comprendre
l’erreur : l’erreur est un discours qui ne correspond pas à la réalité. La réalité (venant de « res », en latin, qui signifie chose)
est l’ensemble de ce qui existe (on parle aussi de réel). La vérité est donc l’adéquation (accord) entre le discours et ce qui
existe. Un objet n’est ni vrai ni faut : il existe. Ne pourra être dit vrai ou faux qu’un jugement (ou un discours, une idée, …).
Cela peut être schématisé ainsi :
La vérité
DISCOURS
L’erreur
RÉALITÉ
DISCOURS
RÉALITÉ
Cela tendrait à montrer que la vérité est unique, et qu’elle a besoin de permanence. 2+2=4, voilà une vérité
universelle qui ne doit pas être remise en question. Cela est justifié par Platon qui explique que ce qui est vrai l’est toujours.
Il existe une Idée de la Vérité, dans un monde qui n’est pas le nôtre, le « monde intelligible » d’où vient notre âme avant
notre naissance et où elle retourne après notre mort. Nous pouvons, pour lui, viser cet idéal de vérité unique dans notre
monde changeant (qu’il appelle « monde sensible »), et, par le progrès que nous faisons dans nos connaissances, dévoiler
peu à peu la vérité qui préexiste à nos découvertes. Le terme grec pour vérité est d’ailleurs alétheia, qui signifie dévoilement.
Est vrai ce qui dévoile une partie de l’Idée de la vérité, pour Platon.
Il faut donc pour Platon distinguer le monde de l’apparaître, où nous vivons, le « monde sensible », où ne pouvons
avoir que des approximations de vérité, du monde de l’être, le monde des Idées, c’est-à-dire le « monde intelligible » où la
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Vérité est présente de manière absolue. Mais comme le « monde sensible » est une imitation imparfaite du « monde
intelligible, qui lui est parfait, nos approximations dans notre dévoilement de l’Idée de Vrai permettront d’énoncer la vérité
de ce monde sensible, imitation approximative du monde intelligible. Nous pouvons résumer cela dans un schéma :
MONDE INTELLIGIBLE = parfait, monde des Idées, Idée de Vérité
Imitation
approximation
MONDE SENSIBLE = imparfait, notre monde, nos vérités
Cette définition de la vérité paraît correcte, si le discours a bien un lien avec la réalité existante, comme nous l’avons
vu avec Aristote. Mais qu’est-ce qui m’assure que la représentation que je me fais du monde est correcte ? Avec cette
séparation en deux mondes, Platon ne nous met-il pas sur la voie d’une séparation entre la réalité en soi, que nous ne
pourrions pas connaître, et la réalité pour nous ? Que devient alors la notion de vérité ?
II°) L’expérience permet et limite la vérité
A°) Seuls peuvent être connus des phénomènes dont nous faisons l’expérience (= que nous vivons) : KANT
Pour Kant, en effet, nous ne connaissons pas les « choses en soi », c’est-à-dire la réalité en elle-même. Nous n’en
connaissons que les représentations que nous en faisons. Pour lui, la réalité en soi est inconnaissable, et donc une vérité
comme adéquation avec cette réalité impossible à déterminer, ce qu’il explique dans la Critique de la Raison Pure, dont on
peut exposer schématiquement la thèse principale :
affecte
CHOSE EN SOI
= réalité
a conscience de
NOTRE ESPRIT
PHÉNOMЀNES
= représentations
LIMITE DU CONNAISSABLE
Notre esprit, pour Kant, par sa faculté de « raison », qui est « universelle », tente bien de toujours accéder à la réalité
en soi, d’en savoir toujours plus. Elle motive une autre faculté universelle de notre esprit, que Kant appelle
« l’entendement », à toujours plus fouiller le monde pour découvrir de nouvelles lois scientifiques. Nous avons des données
qui viennent du monde par nos sens. Cette faculté de recevoir les données des sens est nommée par Kant « sensibilité ». Elle
est passive. L’entendement, lui, organise ces données, et tente de connaître ainsi le monde. C’est une faculté active pour
Kant, motivée par la raison. La raison aimerait connaître ce qui cause dans notre esprit l’expérience que nous faisons du
monde : elle voudrait connaître la ou les chose(s) en soi. Mais nous ne pouvons faire l’expérience des choses en dehors des
représentations que nous en avons. Notre esprit, par la sensibilité et l’entendement, transforme la chose en soi en chose
pour nous, aussi appelée « phénomène », pour Kant. Nous ne pouvons connaître que des phénomènes, pour Kant, c’est-àdire ce dont nous faisons l’expérience. Voilà pourquoi Kant dit que « la raison restera toujours insatisfaite face à
l’expérience » (Prolégomènes, §57).
Mais par conséquent, la seule vérité à laquelle nous ayons accès n’est pas en adéquation avec la réalité en soi. Elle
n’est qu’un discours en adéquation avec notre expérience du monde, la réalité pour nous. Elle est connaissance des
phénomènes. La plus grande erreur, pour Kant, comme on l’a déjà vu avec « La raison et la croyance », serait de penser que
l’on peut connaître en dehors de notre expérience (connaître Dieu, connaître le commencement du monde). Notre pouvoir
de connaissance a des limites ; la vérité à laquelle nous accéderons proviendra donc de l’expérience, même s’il faudra tout le
pouvoir de l’esprit pour l’organiser. Comme il le dit dans la Critique de la Raison Pure : « Si toute connaissance commence
avec l’expérience, elle ne dérive pas toute de l’expérience ».
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La vérité doit dès lors remplir deux critères, déjà distingués dans ce que nous avons vu dans « La raison et la
croyance » : la validité logique du raisonnement ; et l’adéquation de ce raisonnement avec notre expérience, pour Kant. Un
jugement sera vrai s’il est logique (s’il respecte les principes logiques) et qu’il se fonde sur notre expérience, c’est-à-dire la
manière dont nous vivons notre rapport au monde. L’expérience (au sens du vécu) est donc pour Kant nécessaire à la vérité.
B°) L’expérience construite en science
Le sens du mot expérience chez Kant est, nous l’avons vu, à rapprocher de notre vécu premier. Si, pour Kant, le
travail de l’entendement est de limiter les erreurs en permettant la connaissance, nous pouvons nous demander comment
se constitue, concrètement, cette connaissance. C’est dans un deuxième sens du mot expérience que se trouve la réponse :
c’est par l’expérience construite, en sciences, où l’on pose des hypothèses, où l’on mesure les phénomènes, que nous allons
pouvoir déterminer des vérités qui vaudront pour tous. Peu importe, comme le note Pierre Duhem, physicien français de la
fin du XIXe siècle, dans son livre La théorie physique, que ce que nous observons corresponde ou non à la réalité en soi ou
absolue. Ce qu’il faut, comme il le dit, c’est « sauver les phénomènes », c’est-à-dire abandonner la recherche de la vérité
absolue pour se concentrer sur la recherche des lois liant les phénomènes entre eux. En cela, il adhère au positivisme
d’Auguste Comte pour qui il faut « substituer, à l’inaccessible détermination des causes absolues, la simple recherche des
lois, c’est-à-dire des relations constantes entre phénomènes observés » (Discours sur l’esprit positif, §12).
Le but est donc de sortir de l’expérience immédiate, singulière, pour construire une expérimentation scientifique.
Autrement dit, il faut sortir du « fait coloré et divers », ou de « l’expérience première » dont parle Bachelard dans La
formation de l’esprit scientifique. Elle est un « obstacle » à la connaissance, c’est-à-dire à la détermination de lois vraies,
c’est-à-dire expliquant les phénomènes, puisqu’elle est naïve, immédiate et remplie de préjugés (cf texte p. 202 de votre
livre). « L’esprit scientifique doit se former contre la Nature », c’est-à-dire contre ce qui nous apparaît naturel dans notre
expérience du monde. Nous devons pour cela construire un protocole expérimental, énonçant des hypothèses et les
vérifiant. L’expérience scientifique n’est pas, pour Poincaré (cf texte 8 p.198 du livre, extrait de La science et l’hypothèse),
une simple « accumulation de faits » mais l’organisation de ces faits ; comme la maison n’est pas un simple « tas de pierres »
mais l’organisation de ce tas. Nous devons sortir, par la répétition des expériences où l’on mesure, du particulier, pour
généraliser. Pour Lagneau, en effet, c’est par la « mesure » que nous pouvons passer de la perception singulière à la
conception générale voire universelle, ce qu’il explique dans ses Célèbres leçons.
Ainsi, Claude Bernard, médecin du XIXe siècle, distingue dans le texte 9 p. 199-200 (extrait de l’Introduction à la
médecine expérimentale) le simple « observateur » de « l’expérimentateur ». Seul le dernier fait œuvre de science, selon trois
étapes de la méthode expérimentale qu’il énonce dans ce même livre : « Le fait suggère l’idée » (1) ; « L’idée dirige
l’expérience » (2) ; « Le fait vérifie l’idée » (3). Autrement dit, l’expérimentateur observe le monde et isole un fait. Il énonce
une hypothèse pour expliquer ce fait (1). L’hypothèse va être vérifiée par une mesure précise au sein d’une expérience
scientifique spécifique (2). Si ce qui se passe confirme l’hypothèse émise, elle est validée (3) : l’hypothèse devient donc
vérité. L’erreur, inévitable, est donc une hypothèse fausse, ou invalidée. Elle permet donc de progresser. Bachelard peut
donc dire de la vérité en science qu’elle est une « erreur rectifiée » (La formation de l’esprit scientifique).
Même si l’on peut penser, comme les empiristes, dont Locke est un des plus célèbres représentants, que « toutes
nos idées » viennent « de l’expérience » (Essai concernant l’entendement humain, Livre II, chapitre I, §2), il ne faut pas pour
autant négliger, comme le faisait remarquer Kant, le rôle organisateur de l’esprit humain. Pour Kant, il organise l’expérience
immédiate, mais, même en dehors de lui, c’est en organisant les faits, par une méthode scientifique, que nous pouvons
véritablement émettre des hypothèses pour expliqués les phénomènes observés, et les vérifier par le biais d’une expérience
construite qui mesure ses résultats et les interprète.
Ainsi la vérité semble avoir un lien profond avec l’expérience, à condition qu’elle soit débarrassée des préjugés que
comporte l’expérience première. Voilà le rôle de la raison dans l’expérience : remettre en cause nos croyances subjectives
pour parvenir à des vérités objectives ; et toujours désirer plus connaître, puisque, comme le dit Aristote au tout début de
son livre La Métaphysique, « Les hommes désirent naturellement savoir ». Il est donc dans leur nature de vouloir connaître la
vérité, dont des parties, unifiées en lois scientifiques, constitueront entre autres sa culture.

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