Etancher la soif au Maroc
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Etancher la soif au Maroc
Dossier © DGCD/R.Van Vaerenbergh étancher la soif La station d'épuration de Ouarzazate, alimentée par le lac du barrage Mansour Eddahbi. Construite avec le soutien de la Belgique, elle pourvoit 40.000 personnes en eau potable. En 1995, à peine 15% de la population rurale marocaine avait accès à l'eau potable. Aujourd'hui, ce chiffre est passé à 85%. Un résultat de développement plus que probant, même si les défis restent considérables. Le voyageur qui quitte Agadir, la station balnéaire la plus populaire du Maroc lovée entre les terrains de golf et d'immenses serres de légumes, pour prendre la route du sud, arrive brusquement dans un environnement différent après quelques dizaines de kilomètres. C’en est fini des champs riches et du paysage vert tendre; ici ce sont des collines dénudées et des arbrisseaux grêles qui dominent le paysage. Raccordement d'eau à la maison "Les nappes phréatiques autour d'Agadir s’arrêtent ici", explique Laurent Delucchi. En tant qu'ingénieur à la Coopération Technique Belge, il travaille déjà depuis un 6 dimension novembre-decembre 2009 certain nombre d'années à l'approvisionnement en eau dans le sud du Maroc. "En 2003, nous avons construit dans ce secteur un château d'eau qui permet d’approvisionner 4.300 personnes via des points d’eau centraux. Nous avons également équipé d’installations sanitaires quatre écoles des alentours, de sorte que les filles n’abandonnent plus l'école. Représentée au sein d’une association d'usagers, la population locale a été associée au projet. Les usagers ont fourni 5% du coût, le reste était à charge du gouvernement et de la municipalité. Il s’agit peut-être d’une petite somme, mais ainsi, ils assument la coresponsabilité du bon fonctionnement du système." Mais entre-temps, le débit du château d'eau est devenu insuffisant parce que la consommation d’eau potable a quintuplé entre 2003 et 2009. Hanane Ellouxe, de l’ONEP, la société marocaine de l’eau, nous donne l’explication : "D’une part, du fait de l’accroissement de la population mais surtout parce que les gens ont très vite eu un raccordement à l'eau dans la maison et que, par conséquent, ils se sont mis à consommer plus d’eau. Afin de garantir l’approvisionnement en eau de la région, l'ONEP a commencé une extension du réseau hydrologique à partir du barrage situé à proximité. Les châteaux d’eau existants seront intégrés au réseau." Maroc : Accès à l'eau potable au Maroc © DGCD/R.Van Vaerenbergh Un peu plus loin, se trouve Ait Ilourgane, un des 110 villages qui seront bientôt raccordés au réseau d'eau. Dans une petite salle, Fatima Boulayoun explique aux femmes du village ce qu’elles peuvent en attendre et les interroge sur leurs besoins. Et ces besoins semblent être très nombreux. Ces dernières années, en raison des pluies peu fréquentes, la région est confrontée à des sécheresses. Beaucoup d’habitants ont dû vendre leur bétail et sont partis vers les villes. L'eau de pluie recueillie en hiver dans les mathfia, les citernes souterraines traditionnelles, n’est pas suffisante et n'est pas potable. Et le prix pour l'eau potable – de préférence directement à la maison – sera-t-il abordable ? Mais, bien que l’eau potable soit clairement une question prioritaire, quelques femmes réclament également du travail et des revenus, ou des autobus scolaires pour les enfants. Parce que, quitter le village, on préfère ne pas le mettre sur la liste des options. Depuis des années, la Belgique soutient le Maroc dans sa fourniture d'eau potable aux habitants. Mohamed Jahia, 70 ans, en tire ses profits. Approvisionnement en eau, et ensuite ? Ouarzazate, ville du cinéma et décor, notamment, des films Gladiator et Astérix et Obélix, compte environ 40.000 habitants. Pour son eau potable, elle dépend du lac de barrage situé à 30 km de là et dont l'eau doit d'abord passer par une station d’épuration. © DGCD/R.Van Vaerenbergh Avoir de l’eau ou partir pour la ville Des agriculteurs sur une diguette de dérivation au oued Draâ. Une fois en ville, l'eau est utilisée non seulement pour la boisson mais aussi pour la lessive ou comme eau sanitaire. Le mauvais état du réseau d’égouts faisait que les eaux usées devenaient peu à peu une menace pour les réserves en eau et pour La Belgique double sa coopération avec le Maroc Les Gouvernements marocains et belges ont signé le 24 novembre 2009 à Rabat un nouveau programme indicatif de coopération pour la période 2010-2013. 80 millions d’euros y sont prévus, un doublement par rapport au programme précédent. Le nouveau programme continuera à soutenir les agriculteurs les plus fragiles et à prendre en main la gestion intégrée et durable des ressources en eau, avec l’assainissement comme élément principal. La concentration géographique dans les zones rurales de la Région du Souss-Massa-Draâ est maintenue, un déploiement vers les Régions de l’Oriental et du Nord est prévu l'eau potable. C’est pourquoi une station d’épuration a été construite en 2007 avec l’aide de la Belgique. Cette station purifie actuellement environ 70% des eaux usées de la ville qui, après traitement, sont utilisées en partie pour l'irrigation. Malgré quelques problèmes au démarrage, comme l'odeur pénétrante causée par la station, la gestion de l'eau à Ouarzazate est un bon exemple de la combinaison nécessaire entre l’approvisionnement en eau et l’épuration des eaux usées. Pour le Maroc, une bonne gestion économe de l'eau constitue sans doute le défi le plus important pour pouvoir améliorer le bien-être de ses habitants. Avec 90% des réserves d'eau disponibles exploitées, dont environ 80% pour l'agriculture, 10% pour l'eau potable et 3% pour l'industrie, l’eau est vitale pour chaque secteur de la société marocaine. Les pouvoirs publics en sont conscients et pourront également compter sur l'aide belge dans leurs plans à venir. Reinout Van Vaerenbergh novembre-decembre 2009 dimension 7 Dossier © DGCD/R.Van Vaerenbergh Un oasis DE DATTES Marché aux dattes de Tamgrout, vallée du Drâa, 8 heures du matin. Même si le mois d’octobre touche progressivement à sa fin, ici, dans le sud du Maroc, le soleil amorce déjà son ascension. Les ânes convoient leur attelage surchargé de mânes de dattes en se frayant un passage à travers les vendeurs amassés. "Tout a été vendu", se félicite Mohamed Leheraut, accroupi derrière son étalage parfaitement aménagé fait de caisses de bois remplies de fruits mordorés. "La récolte d’une semaine complète, soit 40 caisses de 6 kilos, est partie en à peine 2 heures à un bon prix. Mais c’est au mois d’août, pendant le ramadan, que j’ai fait les meilleures affaires. Par tradition, c’est à cette période que l’on mange le plus de dattes. La demande est donc bien plus importante, ce qui m’a permis de les vendre au double du prix actuel. Grâce aux pluies de cette année, nous avons pu irriguer les dattiers en suffisance et réaliser ainsi une excellente récolte." 8 dimension novembre-decembre 2009 L’eau, élément indispensable à l’agriculture Mohamed est l’un des nombreux cultivateurs de dattes que compte la vallée du fleuve Drâa. Le long des contreforts du massif montagneux de l'Atlas, six oasis se succèdent sur près de 200 km et représentent quelque 26 000 hectares de terre fertile. Les deux hectares que Mohamed cultive avec ses frères, dans l’oasis de Tinzouline, offrent les moyens de subsistance pour toute sa famille, soit 18 personnes. Pour la quasi-totalité des habitants de la vallée du Drâa, l’agriculture, dont la pratique est basée sur le système traditionnel à 3 couches, constitue la source de revenus la plus importante. La couche supérieure des oasis est formée par les palmiers dattiers, véritables piliers économiques de la région et fierté de ses habitants. Dans leur ombre, les arbres fruitiers prospèrent : figuiers, grenadiers ou amandiers. Entre les deux, on cultive les céréales, les plantes fourragères, les légumes ou le henné. Mais ici, la pratique de l’agriculture est inéluctablement liée à l’irrigation. Les récoltes, et par conséquent les revenus de la population locale, sont directement tributaires des disponibilités en eau, une denrée rare, instable et précieuse dans cette région désertique, qui a récemment assisté à l'exode de sa population vers les gran- Maroc : Agriculture des villes, en raison de la sécheresse de ces dernières années. Une utilisation aussi efficace que possible de l’eau et l’augmentation du rendement des cultures sont des conditions sine qua non à l’amélioration du niveau de vie des habitants. À cet égard, les autorités marocaines font preuve d’une grande détermination politique. Depuis plusieurs années, elles bénéficient en outre du soutien de la Belgique. Vers une meilleure gestion de l’eau Depuis 1972, l’eau de la vallée du Drâa est recueillie dans le barrage Mansour Eddahbi, d’où elle est ensuite redistribuée. En fonction des réserves du lac artificiel, l'eau est libérée plusieurs fois par an afin de permettre aux cultivateurs d'inonder leurs champs, pour remplir ensuite les nappes aquifères des oasis. De plus, l’usage de nouvelles techniques, plus économes, comme l’irrigation goutteà-goutte, forme une solution supplémentaire aux problèmes de carences en eau. Rachid Lahcini, un jeune cultivateur de 24 © DGCD/R.Van Vaerenbergh "Actuellement, le lac artificiel est pratiquement plein. Dans quelques jours, ils ouvriront les écluses. D’ici là, les fermiers s'emploient à préparer leurs terres. Mais le barrage n’est que le premier maillon de la chaine", souligne Abdessalam Majd. En tant que président de l’association locale des cultivateurs du village d’El-Had, il sait de quoi il parle. "L’eau du barrage ne permet qu’une irrigation temporaire des champs. Ménager la nappe phréatique en puisant l’eau avec parcimonie est bien plus important. Jusqu’il y a peu, chaque cultivateur disposait de son propre puits et assumait intégralement le coût de la pompe. Avec l'association, nous investissons aujourd’hui dans des pompes à plus haut débit et nous en partageons les coûts, ce qui nous permet de réduire celui de l’eau. Et puis, grâce à une meilleure répartition des parcelles et de leur irrigation, nous sommes parvenus à diminuer la consommation d'eau d’un tiers." La datte, aliment de santé, est riche en sucres, vitamine B, minéreaux, fibres et antioxydants. ans, irrigue depuis l’année dernière son hectare de palmiers dattiers au moyen d’un système de canalisations qui n’arrosent que le pied de l’arbre. "Cela demande un investissement important, mais grâce aux subsides des autorités marocaines, qui en assument 60 %, nous le rentabilisons en 4 ans. Ce système a prouvé sa rentabilité sur les grandes parcelles et il reste désormais à convaincre les cultivateurs de l’appliquer également sur leurs plus petites parcelles. Si j’ai du affronter la gouaille des villageois au début, aujourd’hui, il y en a déjà un qui a suivi mon exemple", sourit Rachid. Valeur ajoutée Produits phares des oasis, les dattes disposent d’un énorme potentiel. Cela explique les efforts qui sont consentis afin d’en améliorer la qualité et d’en parfaire la commercialisation. Ahmed Besbes est expert agronome et accompagne les cultivateurs dans cette mission. "Les palmiers dattiers ne sont pas toujours cultivés dans des conditions optimales. Nous conseillons aux cultivateurs d’élaguer les pousses latérales et de les replanter. En taillant les cimes, on peut également éviter aux dattiers des dépenses inutiles en eau et en énergie. Par ailleurs, nous aidons les cultivateurs à effectuer plus efficacement l’insémination manuelle des palmiers femelles au moyen du pollen des arbres mâles. Ensuite, nous les soutenons dans leur lutte contre le ‘bayout’, une maladie fongique dont sont atteints chaque année 4% des palmiers. Pour maximaliser les revenus qui proviennent des dattes, nous organisons des ateliers visant à les trier correctement, en fonction du type et de la taille, à les conserver plus longtemps, et à mieux les emballer et présenter lors de la vente. Enfin, nous incitons la population à manger plus de dattes toute l’année, et pas seulement en période de ramadan. Et si en plus, comme ce fut le cas cette année, nous bénéficions d'un peu de pluie, leurs efforts porteront inévitablement leurs fruits." Reinout Van Vaerenbergh novembre-decembre 2009 dimension 9