Une Nuit Pas Comme Les Autres

Transcription

Une Nuit Pas Comme Les Autres
Une Nuit Pas Comme Les Autres
Pièce en un acte
Acteurs
Pierre et Susanne (épouse de Pierre).
Lieu
Chambre à coucher.
Au lever du rideau
Pierre et Susanne sont allongés sur le lit. Susanne est sur le côté droit. Ils dorment.
Pierre ronfle. La couverture n’est pas assez longue pour couvrir leurs pieds. Pierre porte
des chaussettes trouées, et un bonnet qui couvre ses oreilles. Les cheveux de Susanne
sont décoiffés.
Susanne
(Un petit bruit surgit au fond de la chambre. Susanne se réveille effrayée. Elle tourne ses
yeux dans tous les sens. Après quelques secondes de silence elle croit l’avoir entendu
dans son rêve et referme ses yeux. Après un moment le même bruit resurgit. Elle
soulève immédiatement son buste.)
Ah mon Dieu !
(Tout en haletant elle tourne sa tête dans tous les sens.)
Pierre
(Répliquant inconsciemment tout en ronflant.)
Tout puissant !
Susanne
(Elle regarde son mari avec étonnement. Après un certain moment, elle s’aperçoit de
l’odeur fétide de l’air ambiant et bouche son nez. À cet instant-là, elle entend encore une
fois le même bruit. Elle pose sa main droite sur sa poitrine.)
Mon Dieu !
Pierre
(Il cesse de ronfler pour un moment et s’apprête à répliquer comme la dernière fois.)
Susanne
(Elle avale sa salive puis tourne à son mari tout en pointant sa main gauche vers lui.)
Tout puissant !
Pierre
(Lorsque Pierre entend cela il ne dit rien, mais donne son approbation en ronflant.)
Ron ron !
Susanne
(Le même bruit resurgit. Elle commence à paniquer. Elle s’adresse à son mari avec une
voix basse.)
Pierre !
(Pierre ne l’ayant pas entendue, elle lève un petit peu sa voix.)
Pierre ! Réveille-toi !
Pierre
(Avec agacement.)
Hmm !
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Susanne
(Tout en le secouant, ses regards sont fixés sur la source du bruit.)
Mais réveille-toi, te dis-je !
Pierre
(Il réplique avec agacement. Et quand il termine sa phrase il tousse.)
Hmm ! Fous-moi la paix, j’ai encore sommeil !
Susanne
(Frustrée.)
Eh ben, si tu te réveilles pas maintenant, tu te réveilleras peut-être jamais, car…
(Le même bruit resurgit avant même de terminer sa phrase, la mettant en pleine
panique. Elle le secoue encore une fois mais avec plus de force.)
Réveille-toi..s’il te plaît !
Pierre
(Il soulève lentement son buste. Il a de la peine à ouvrir ses yeux. Il réplique avec
dégoûtation.)
Quoiii ! Qu’est-ce qu’il y a !!
Susanne
J’entends du bruit.
Pierre
(Il réfléchit un peu tout en fixant son regard vers le plafond et fermant un de ses yeux.)
Ouais chérie. À cause de ta cuisine délicate de la veille, j’ai pas arrêté de péter toute la
nuit.
(Tout en reprenant sa position allongée.)
Désolé, tu le mérites pas !
Susanne
[En aparté : je pense qu’il a pété sa cervelle aussi.]
Je te dis que j’entends du bruit au fond de la chambre..pas au quartier général !!
Pierre
(Il soulève encore une fois son buste mais un peu plus vite et la regarde.)
Quelle chambre !!
Susanne
(Elle réplique sarcastiquement.)
Oh ! J’ai vraiment oublié que j’habite avec mon mari dans un château.
(Puis ajoute avec colère.)
Est-ce qu’on a d’autres chambres que celle-ci ?!
Pierre
(Il la regarde fixement. Il se tourne pour allumer la bougie puis il s’adresse à elle.)
Où ça ?
Susanne
(Elle lui indique la source du bruit.)
Là-bas.
Pierre
(Il pousse un profond soupir d’épuisement tout en examinant du lit la source du bruit.)
C’est rien ma petite chérie.
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Susanne
(Elle le regarde avec un air d’étonnement.)
Comment ça « c’est rien » ?!!!
Pierre
(Tout en la regardant, il utilise sa main gauche pour accentuer sa réplique.)
Eh ben oui, je te dis que c’est rien !!
Susanne
Comment peux-tu en être tellement sûr, hein ?! J’ai entendu le bruit plusieurs fois !!
Pierre
(Tout en reprenant de nouveau sa position allongée.)
Et moi je n’ai rieeeen entendu.
Susanne
(Agacée.)
Bien sûr que tu vas rien entendre.
[En aparté : avec les interférences de tes éclatements gazeux.]
Pierre
Tu disais mon chou ?
Susanne
(Tout en levant sa voix.)
Rien !!
(Une toute petite pause.)
Bon, lève-toi !
Pierre
(Il lève un peu sa tête.)
Comment ça « lève-toi » ?!!
Susanne
Oui, lève-toi, et va voir s’il y a quelque chose qui ne va pas !
Pierre
(Tout en reposant sa tête et avec un air paresseux.)
Non. C’est très loin.
Susanne
(Étonnée, elle dirige ses regards vers le public puis exprime son agacement. Ensuite elle
s’adresse à lui.)
Lève-toi, te dis-je, je ne peux pas dormir, j’ai peur.
Pierre
(Tout en restant allongé.)
Mais, de quoi pourrais-tu avoir peur, hein ?!
[En aparté : d’ailleurs tu fais peur à tout le monde au quartier.]
Susanne
Comment ?! Mais de quoi parles-tu là ?!!
Pierre
De rien mon ange.
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Susanne
(Tout en faisant des mouvements verticaux avec sa tête.)
De rien, oui. T’as le culot de balbutier après que t’as rendu l’air irrespirable ?
Pierre
Je t’ai dit que je suis désolé..
Susanne
Alors, tu vas te lever ou pas ?
Pierre
Arrête de te faire du mauvais sang !
Susanne
(Elle lève un peu sa voix.)
Lève-toi.
(Puis, avec un ton affectueux.)
Je t’en supplie, mon amour.
Pierre
(Il soulève rapidement son buste. Il la regarde un moment.)
Ah ! Voilà un mot qui m’y oblige.
(Il va jusqu’au lieu incriminé et l’examine minutieusement. Il trouve un bout de papier
sur le sol. Il le prend et se tourne vers elle.)
Vois-tu chérie ? Ce n’était qu’un bout de papier qui se balançait à cause du courant d’air !
(Il frissonne légèrement, puis il retourne rapidement dans le lit.)
Ouh ouh !
Susanne
(Toujours en doute.)
Pierre
Quoi ? T’as toujours peur ?!!
Susanne
Je sais pas, je..
Pierre
Mais il n’y a rien qui pourrait perturber ta sérénité.
(Une petite pause.)
Tu peux même vérifier toi-même.
Susanne
(Avec hésitation.)
Tu crois ?!
Pierre
Oui ! Jette un coup d’œil pour dissiper tes doutes, vas-y.
Susanne
(Elle va jusqu’au lieu incriminé et l’examine également.)
Pierre
Chérie !
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Susanne
(Tout en examinant le lieu où Pierre a trouvé le bout de papier et sans tourner sa tête.)
Oui ?!
Pierre
Je ne savais pas que tu manquais de courtoisie.
Susanne
(Elle est surprise, mais elle continue à examiner le lieu sans tourner sa tête.)
Moi ? Comment ça ?!
Pierre
(Tout en souriant.)
Parce qu’il y a des amis qui veulent jouer avec toi depuis une seconde, mais toi, t’es
indifférente.
Susanne
(Elle regarde son mari avec étonnement.)
Des amis ?!!!
(Puis, elle tourne ses regards vers la source du bruit et sourit.)
Quels amis ?
Pierre
Des souris sont à côté de toi depuis..
Susanne
(Lève sa tête par panique et fixe son regard. Puis avec un air d’effroi.)
Des quoi ??!!!!
Pierre
Ben, des souris.
Susanne
(Elle retourne rapidement dans son lit tout en hurlant de terreur.)
Aaah !!!
Pierre
(Il éclate de rire.)
Ha ha ha..
Susanne
(Elle se rend compte qu’elle vient d’être le dindon de sa farce, elle le bombarde de coups
avec sa babouche tout en répliquant crescendo.)
Conard ! Je te pardonnerai jamais, jamais..
Pierre
(Tout en riant.)
Aïe, Aïe !
Susanne
(Rassasiée mais fâchée. Elle croise ses bras et fixe ses regards vers le bas.)
Ne parle plus avec moi !
Pierre
Mon trésor..tu me connais très bien..le sens d’humour m’est inhérent, je ne..
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Susanne
(Elle le regarde avec rage tout en levant sa voix)
Oui, mais pas avec des souris !!!
Pierre
Ouais, tu as raison. Je m’excuse !
[En aparté : en fait j’ai toujours voulu comprendre l’origine de la haine qu’éprouvent les
femmes à l’égard des souris. J’ai même fait des recherches sur Google, mais hélas je n’ai
rien..]
Susanne
(Encore fâchée.)
Veux-tu éteindre la bougie, je veux bien dormir.
Pierre
(Il tend sa main droite vers elle.)
Pas avant de la taper.
Susanne
(Toujours fâchée elle hausse ses épaules.)
Pierre
Allons ! Tu sais que je t’aime.
Susanne
(Elle lance un petit rire de dédain tout en le regardant de travers.)
Pierre
Comment pourrais-je rigoler avec toi si je n’éprouvais pas de tendres affections pour toi,
hein?
Susanne
(Sa rage a diminué après avoir entendu cette phrase.)
Pierre
Susanne !
Susanne
(Ses bras toujours croisés, elle soulève sa tête et regarde en face d’elle.)
Oui !
Pierre
Tout à l’heure, tu m’appelais « mon amour ». Le suis-je vraiment
Susanne
Voilà une question bête tout au milieu de la nuit.
Pierre
[En aparté : je dois avouer que son amour demeure un mystère pour moi. Quand une
femme dit à son amant « je t’aime », elle le dit tout en regardant ses yeux. Moi, quand
elle me le dit, elle regarde mon nez. Je ne sais point si cette fois mon oncle Google
pourrait me rendre service sur ce sujet.]
Ben, vas-y tape-la, ne me fais pas souffrir plus que je souffre maintenant.
Susanne
(Elle tourne vers lui. Ses bras ne sont plus croisés.)
Ah bon ?! De quoi souffres-tu ? Pieeeerrre !!
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Pierre
De tes moqueries, Susanne !
Susanne
(Son étonnement est à l’apogée.)
Moi ?!! Me moquer de toi ?!!! Je rêve !!
(Sans le regarder, et tout en souriant avec dédain.)
Alors là, excuse-moi, mais il faut vraiment que tu mettes un masque à gaz avant d’aller
te coucher.
Pierre
Oui, je vais le faire. Mais, dis-moi d’abord, tout à l’heure quand tu disais « Oh ! J’ai
vraiment oublié que j’habite avec mon mari dans un château. », c’était quoi ça à ton
avis, hein ? Tu te moquais pas de ma pauvreté par hasard ?!!
Susanne
(Avec des regards effrayants.)
Pieeerrre !! Arrête ! Veux-tu ?!!
Pierre
(Affligé au point de pleurer. Il ne la regarde pas.)
Et moi qui me disais toujours que Susanne mérite le plus grand château du monde.
Susanne
(Avec un air consolant.)
Je ne doute point de tes sentiments Pierre !
(Un silence règne pendant 2-3 secondes)
Pierre
Susanne !
Susanne
Oui.
Pierre
Pourquoi m’aimes-tu ?
Susanne
Parce que t’es unique.
Pierre
Oui, mais qu’est-ce qui me fait unique pour toi?
Susanne
Ton nez long.
Pierre
[En aparté : Ah ! Enfin le mystère s’est éclairci. Heureusement qu’elle trouve pas mes
oreilles uniques, sinon on la prendrait pour une loucheuse.]
Tu sais, j’ai toujours rêvé d’être un parfumeur.
Susanne
Ah bon ?!
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Pierre
(En frimant.)
Oui, mon odorat est d’une grande subtilité au point que je peux sentir des odeurs de loin,
de loin…
[En aparté : pourtant il y a une chose qui fracasse ma tête, je ne sais pas pourquoi dans
tous mes rêves je ne sens que des odeurs nauséabondes.]
Susanne
(Faisant des grimaces et des gestes avec ses mains comme si elle voulait lui dire «Ahh,
si tu en savais la cause ! ». Après un moment, et avec un ton normal.)
Pierre !
Pierre
Oui, mon ange.
Susanne
On dit que les hommes qui ont un nez long ont une remarquable personnalité. Est-ce
vrai ?
Pierre
(Embarrassé par cette question, il s’en enfuit en posant une autre.)
Ah oui, effectivement. Et toi ? Qu’est-ce que tu en penses ?!
Susanne
(Au début elle regarde en face d’elle, puis au milieu de la phrase elle regarde son mari
avec un sourire affectueux.)
Ben, je trouve que c’est vrai.
Pierre
(Tout en regardant ses pieds.)
Et que dit-on de ceux qui ont des pieds longs ?
Susanne
Aucune idée !
(Elle tourne ses regards vers le public.)
Je ne sais pas quelle magie pourraient avoir des pieds longs.
(Elle réplique avec des regards soupçonneux. À la fin elle fronce ses sourcils.)
Ben, à mon avis, ils seraient des voleurs, après tout, ça leur aidera à prendre la fuite, tu
trouves pas ?
Pierre
Et pourquoi tu me regardes comme ça ?
Susanne
(En riant.)
Ha ha ha..Sois pas si fâché !
(Avec un air rassurant.)
T’es une exception !
Pierre
Ah oui ? Comment donc ?
Susanne
Tu as juste volé mon cœur.
(Puis en souriant.)
Et ce n’est guère un crime.
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Pierre
T’as raison. Et c’était la plus belle chose que j’ai jamais volée.
Susanne
(Étonnée.)
Quoiiii ?!!!
Pierre
(Il avale sa salive.)
Je dis, que ton cœur est la plus belle chose que l’on peut voler.
(Il fait un sourire innocent.)
Par contre, moi, je pense que les gens qui ont des pieds longs ont un avenir florissant.
Susanne
(Elle pointe sa main gauche vers ses pieds et réplique tout en se moquant de lui.)
Oui, ça se voit clairement !!
Pierre
(Tout en essayant de cacher sa chaussette trouée.)
Bon, je pense que c’est assez pour une causerie en pleine nuit.
Susanne
(Tout en bâillant.)
Ouais, aaah je suis épuisée.
(Tout en lui souriant.)
Allons dormir chéri.
Pierre
(Tout en lui souriant.)
Ooooh !
Susanne
Quoi !
Pierre
(Tout en souriant et bougeant légèrement sa tête à droite et à gauche.)
Je vois des souriii..
Susanne
(Horrifiée.)
Aaah !!!
Pierre
..des souriiires sur ton visage caresser mon cœur.
Susanne
(Agacée. Elle réplique crescendo.)
Ne parle plus avec moi.
Tu comprends ?? Jamais plus !!
Pierre
(Il éteint la bougie tout en riant.)
Fais de beaux rêves ma rose !
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Susanne
(Elle met ses doigts sur son nez mais sans le boucher pour exprimer sa répugnance, et
réplique avec agacement.)
Je te souhaite les rêves les plus nauséabonds du monde.
Raji LABABIDI
Mercredi-soir 01 décembre 2010
Casablanca - Maroc
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