Avis CAE - Philippe Herzog
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Avis CAE - Philippe Herzog
Conseil d’analyse économique Commentaire sur le rapport « Economie politique de la LOLF » (de Boissieu – Lorenzi – Sanson – Awkright) DES RESPONSABILITES POLITIQUES POUR LA REFORME DE LA GESTION PUBLIQUE J’ai vécu dans ma jeunesse la préparation de la Rationalisation des Choix Budgétaires. C’était l’époque où Jean Denizet a pu dire – et quelles que soient nos sensibilités politiques nous pensions comme lui – : « avec la Comptabilité nationale, nous allons changer le monde »1. Puis la déception est venue, mais notre exigence d’une plus grande rationalité de la part de l’Etat n’a pas faibli. Elle est au contraire encore plus grande aujourd’hui, et l’exigence d’éthique la renforce. Car l’Etat ne parvient pas à préparer l’avenir, ni à porter un contrat social implicite reliant les Français autour d’impératifs de responsabilité et de solidarité. L’espoir renait avec la LOLF. En mobilisant mon expérience politique et ce que j’ai appris en participant à la mission sur la dette publique animée par Michel Pébereau, je veux appuyer cet excellent rapport, enrichi de remarquables contributions. Je n’ai pas de divergence avec lui et je souhaite surtout souligner les conditions de réussite d’une réforme dont le sens est une amélioration significative de la gestion publique. Comme les auteurs je pense que la LOLF n’est pas neutre, car sa mise en œuvre exige des changements de comportement profonds des dirigeants politiques, des fonctionnaires, et des citoyens. Révéler les préférences - et les préjugés - de l’Etat, expliciter ses objectifs et évaluer l’efficacité de ses actes, plus encore que « substituer un fonctionnement managérial à un fonctionnement juridique (par la norme) », c’est assumer une éthique de responsabilité et un devoir d’efficacité. Deux conditions politiques Une forte volonté et un vaste effort de consensus : voilà deux conditions politiques requises pour réussir. L’expérience de tous les pays qui ont réformé leur gestion publique l’atteste. Face à des défis comparables aux nôtres (voir la contribution de Jacques Mistral), et singulièrement la montée alarmante de la dette publique, des gouvernements et des sociétés ont eu le courage de réformes difficiles au Canada, en Suède, en Italie (action du premier gouvernement Prodi, où la contrainte a été acceptée pour pouvoir entrer dans l’euro), ou encore en Belgique (où les voies complexes de recherche du consensus méritent examen). A contrario l’histoire passée montre l’échec de tentatives positives en raison des carences politiques (voir l’étude de François Ecalle sur la RCB et le Comité National d’Evaluation). Un consensus gauche-droite – miraculeux ! – a permis de fabriquer la LOLF (merci à Alain Lambert et Didier Migaud). Et c’est à l’unanimité que les membres de la mission Pébereau ont adopté leur rapport pour le retour à l’équilibre des finances publiques. Mais si la LOLF améliore le cadre d’exercice de la politique budgétaire, elle ne peut suffire à changer celle-ci. Quand la presse fait déjà écho d’une « certaine désillusion » des élus2, on a envie de leur dire 1 Rapporté par André Vanoli dans son ouvrage « Une histoire de la Comptabilité nationale » (éditions La Découverte, Repères). 2 Voir Les Echos du 31.10.06 1 qu’il vaut mieux agir plutôt que d’attendre : c’est à eux et aux gouvernements de faire vivre la réforme. La campagne de l’élection présidentielle ne nous rassure qu’à moitié. D’importantes dépenses sociales et publiques sont annoncées alors que la situation économique de la France est dégradée : faible taux d’emploi, faible potentiel de croissance, déficits extérieurs, dette publique élevée et engagements croissants pour les retraites. Le débat est vif sur les conditions du financement. Mais il est très faible sur la politique économique et la réforme de l’Etat, ce qui n’augure pas bien de la réunion de nos deux conditions – volonté et consensus – quand il s’agit d’améliorer la gestion publique. Selon les rapporteurs, il y aurait une option de gauche et une option de droite pour mettre en œuvre la LOLF. C’est vite dit. Il faut d’abord un sérieux diagnostic des réalités et des « tendances lourdes » (pour parler comme le regretté Claude Gruson). Il doit être partagé autant que possible, car le déni des réalités est un terrible poison politique. Une guérilla gauche-droite incessante a contribué à négliger cet effort, en lui préférant l’antienne bien connue « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ». De sorte que la société n’est pas assez largement avertie des problèmes – heureusement a-t-elle pu entendre les analyses de la mission Pébereau et de la Cour des Comptes, et montrer son intérêt. Cela étant, les rapporteurs ont raison de pointer une différence d’options gauche/droite portant sur les statuts et la réorganisation de l’Etat. En somme la gauche préférerait une prestation des services d’intérêt général par l’administration publique alors que la droite accepterait de les déléguer plus au secteur privé (sous contrôle public). Soit, mais n’a-t-on le choix qu’entre un conservatisme corporatiste et la privatisation ? En fait, s’il y a bien plusieurs options, chacune doit être responsable : une réforme du public est nécessaire pour assumer mieux la responsabilité d’efficacité, la gestion privée doit assumer des responsabilités sociales, le public et le privé doivent coopérer au lieu de s’opposer. Aucune de ces options n’est facile. Ainsi la réforme du public n’est possible qu’en résolvant des problèmes redoutables : peut-on changer les comportements dans le cadre actuel de la fonction publique ? Provoquer une compétition raisonnable dans le domaine public ? Le poids du corporatisme est tel que toute option exige une légitimité forte, un nouveau contrat social, donc un consensus assez large. A propos de la rationalité de l’Etat Le rapport élabore le concept de « révélation des préférences ». Il me paraît équivoque, et d’abord parce que deux enjeux sont mêlés, et non un seul : élaborer des choix collectifs ; accomplir des actes publics. Les rapporteurs écrivent : « fonder les choix publics sur une fonction de bien-être social ». Je dirais autrement : 1) définir (ou re-définir) les choix de société sans ignorer les enjeux économiques ; 2) réformer et gérer les administrations publiques de façon efficace pour réaliser ces choix. Et dans les deux cas, il faut s’interroger sur le couple Etat-société. 1) L’Etat est-il un Sujet ? Non, c’est un ensemble d’institutions portant des intérêts différents face à une société elle-même plurielle. Référons-nous à la science politique du gouvernement démocratique (Jean Leca) : son rôle, c’est l’agrégation des préférences et la finalisation (réunir la société autour d’objectifs communs). Le défi démocratique est donc plus vaste que le défi de rationalité. Il n’y a pas d’agrégation des préférences et de finalités partagées sans éducation, information, délibération 2 publique fondant une légitimité. Et l’éthique de responsabilité et de solidarité ne se dissout pas dans la raison : elles se combinent. Les choix collectifs puisent dans l’éthique, et celle-ci doit assumer les réalités, sinon elle n’est pas responsable. 2) La rationalité dans la gestion publique ne concerne pas seulement l’Etat, mais aussi la société. Je renvoie à la théorie économique d’Herbert Simon sur les processus de décision dans les sociétés et environnements complexes : il ne faut pas miser sur la descente top down d’une rationalité, mais sur la mise en synergie de stratégies différentes, avec partage d’objectifs et partenariats pour la mise en œuvre. Aujourd’hui tout particulièrement, l’Etat doit associer la société à l’exercice de redéfinition ex ante des missions, et à l’évaluation ex post des résultats, avec l’organisation d’un feed back vers les missions. Il faut viser une co-responsabilité Etat – société. Cela étant les observations du rapport sur la nécessité au moins de démontrer les préférences ex post sont bien utiles. Ainsi des « préférences » majeures sont-elles masquées, par exemple l’enseignement secondaire privilégié par rapport au supérieur, le RMI confondu avec l’aide sociale. Et le champ public est tronqué : les administrations sociales et territoriales, non incluses dans l’Etat, sont actuellement hors de l’exercice de rationalisation. Quant aux avis extérieurs (Cour des Comptes, etc…), ils ne lient pas le gouvernement. Dans cet esprit, la mise en œuvre de la LOLF exigera une très large recherche de rationalité : - - - toutes les administrations doivent être mobilisées et coordonnées : étatiques, sociales, territoriales (sachant que le domaine régalien ne représente plus que 30% du Budget). la réforme des finances publiques ne doit pas être séparée de la révision du système réglementaire et législatif. En Europe comme aux Etats-Unis, on n’échappe pas au besoin d’une better régulation. la relance du public et du privé étant de plus en plus en jeu dans la prestation des services publics (cf. l’éducation elle-même), il faut une doctrine claire de la coresponsabilité dans les partenariats public-privé. la France est dans l’Union européenne. François Riahi a raison : la contrainte extérieure est un stimulant pour la réforme intérieure. Encore faut-il la positiver. Est-il sain de dénigrer sans cesse le Pacte de stabilité ? Faut-il revenir encore sur les critères du Pacte réformé (par exemple en demandant une « règle d’or » pour sortir les dépenses d’investissement) ou plutôt choisir fermement une norme intérieure cohérente avec ce PSC ? La définition des missions et des critères d’efficacité est cruciale Le choix des contenus (les rapporteurs parlent de « culture ») prime (conditionne) la réorganisation. La phrase du philosophe canadien John Saul s’applique particulièrement à la France, où les procédures écrasent l’élaboration des contenus : « nous sommes assaillis de réponses à des questions qui n’ont jamais été posées »3. La définition des buts (missions, objectifs) des services publics a été négligée. Or la performance ne se conçoit que si la mission est claire. Alexandre Siné et Brice Lannaud soulignent que la mesure de la performance est fortement contestée. Notre société n’a pas réellement reconçu les buts depuis des décennies, et l’administration ne mesure pas ses coûts 3 Cf. Les bâtards de Voltaire – La dictature de la raison en Occident, Paris, Payot, 2000. 3 (il s’agirait de rapporter des dépenses à des résultats identifiés). Faute de quoi elle demande toujours plus de dépense au prétexte que c’est nécessaire pour améliorer la prestation. Il faut imposer l’effort de discussion des buts et des coûts. On touche là à la substance même des choix collectifs, à la capacité de les concevoir et les partager en co-responsabilité. Les députés ont souligné l’incomplétude, la complexité, et les biais des indicateurs de performance. Or ceux-ci ont été choisis unilatéralement par l’administration. Il est crucial de remettre en cause le monopole centralisé de la définition des indicateurs et de ne pas s’en remettre à l’auto-évaluation administrative. Le rapport tire une sonnette d’alarme quand il écrit que « la démarche de performance n’a pas eu pour l’instant d’impact majeur sur la réallocation des ressources publiques, sauf exception ponctuelle ». Pourtant en 2006, 2 276 budgets opérationnels de programme et 17 369 unités opérationnelles de gestion sont déjà en place. Pour toutes les grandes missions la définition de la performance est hautement problématique. Ainsi pour la gestion du marché du travail, l’élévation du taux d’emploi et de sa qualité est encore plus importante que la baisse du taux de chômage. Pour les services publics, l’Europe essaie d’obliger l’Etat à révéler ses buts, mais il y a loin de la coupe aux lèvres (par exemple qu’est-ce que le service universel ?). Prenons l’exemple de la LOLF dans l’Education nationale pour les lycées. Dans la revue des anciens polytechniciens La Jaune et la Rouge4, N. Toutlemonde (ancien recteur), A. Boissinot (recteur), J. C. Emin (direction de l’évaluation et de la prospective) soulignent chacun le retard dans l’identification des objectifs. La technique gestionnaire précède les choix, et la jonction est difficile entre des objectifs nationaux et des indicateurs de performance au niveau des établissements, en passant par des indicateurs spécifiques au niveau académie. La définition du socle des connaissances (prévue en 2007) est une clé. Toute la réforme de 2003 repose à juste titre sur l’observation que les missions de l’instruction publique dans le processus de démocratisation de masse et d’allongement des études n’ont jamais été définies. Ajoutons que ceci ne doit pas être laissé à l’Education nationale - même éclairée par un Haut comité -, mais concerne toute la société. Les critères de performance devraient servir à vérifier que tous les élèves d’un établissement progressent dans l’acquisition des connaissances5. De ce point de vue, le taux de réussite au baccalauréat n’est pas un bon indicateur : même si on le garde comme objectif national, ce qui est contestable, il est pervers au niveau de l’établissement. En effet les meilleurs lycées captent les meilleurs élèves. Il faut donc chercher la valeur ajoutée de l’établissement. Pour cela, on cherche des comparaisons au sein d’une catégorie (catégorie socio-professionnelle des parents), avec des indicateurs du type taux d’accès au bac (probabilité pour un élève effectuant toute sa scolarité dans le lycée d’obtenir son bac). Ou encore : proportion de bacheliers parmi les sortants (tous les élèves qui quittent le lycée quelles que soient les raisons et le moment). Mais on constate que dans une même catégorie, la population scolaire peut être de niveau initial très différent, or on n’a pas d’indice direct du niveau à l’entrée. 4 5 « De l’Ecole », mars 2006. Cet objectif n’est pas le seul : deux autres concernent les savoir faire et les comportements. 4 La réorganisation de l’Etat requiert partenariat et expérimentation Le rapport souligne un paradoxe : la LOLF oblige à réorganiser l’Etat, or elle est muette à ce sujet. Alain Lambert a voulu cet impact, qu’il faut maintenant assumer. La mise en œuvre de la LOLF exige une vaste restructuration : création de nouvelles entités (les programmes) ; élaboration d’une stratégie propre à chaque programme ; distinction claire entre stratégie et exécution ; précision de la responsabilité managériale (avec quatre niveaux théoriques). Le rapport souligne bien les difficultés : - l’incompréhension par les agents et leurs organisations du modèle de l’agence et du contrat et le soupçon de privatisation sont liés à la défense du statut. On préfère la délégation au contrat, on repousse l’évaluation. - les conflits dans la redistribution des pouvoirs sont multiples. Ainsi la distinction stratégie-exécution ne fonctionne que si les intérêts convergent, sinon les coûts du contrôle sont élevés. Sont aussi posés de difficiles problèmes de transversalité (cf. les « documents de politiques transversales ») et de coordination entre les niveaux de responsabilité (avec la question territoriale). Les préfets auront un rôle de coordination accru. Mais qui prime en cas de conflit statut- préfet ? - sur quels réseaux le responsable de programme peut-il s’appuyer pour exercer le contrôle interne ? Les rapporteurs soulignent que 28% seulement des programmes peuvent fonctionner selon le schéma simple : à une administration centrale, un réseau d’appui (et dans ce cas, gare à la consanguinité !). Il faut partager les réseaux (ce qui nécessite une polyvalence des agents) et mutualiser le back office (les fonctions de soutien). Cette analyse pourrait conduire à préciser les principes d’une ré-organisation. Je me contente de suggérer des options : - Faut-il réduire le périmètre de l’Etat ou bâtir des partenariats pour assumer les finalités d’intérêt commun ? Piloter et déconcentrer ou décentraliser et coopérer ? Garder les statuts et leur fragmentation ? Il est indispensable en tout cas de promouvoir la mobilité des agents sans laquelle toute la réforme est vouée à l’échec. Il ne faut pas confondre responsabilité et accountability. L’une et l’autre supposent formation, polyvalence, intéressement. La responsabilité centrale du politique doit être très explicite. La LOLF n’est pas qu’un outil, c’est un engagement. Quelle responsabilité du gouvernement ? Et du Parlement ? Des engagements politiques explicites Plus qu’une simple révélation des préférences, pour laquelle les élections nationales donnent des indications, il faut que les nouveaux dirigeants prennent des engagements pour 2007- 5 2012. Ils doivent se fixer des normes de comportement ET un agenda de réforme des structures de l’Etat. Sinon, l’effort sera repoussé ou minimisé, et les conflits seront croissants. Une norme globale est nécessaire, qui devrait traduire un engagement pour contenir la dette publique : retour à l’équilibre budgétaire. La commission Pébereau propose des options pour atteindre ce but6. Puisque le problème national est la drogue à la dépense publique, elle propose de ne plus augmenter son montant global. Le taux des prélèvements obligatoires devrait rester stable jusqu’au retour à l’équilibre. Bien sûr des restructurations profondes des dépenses (en plus et en moins) devront être effectuées afin de mieux préparer l’avenir et de restaurer l’équité ; et la structure des prélèvements pourra être modifiée en fonction des mêmes objectifs. En cas de recettes exceptionnelles, elles doivent servir soit à abonder le Fonds de Réserve des Retraites, soit à désendetter les administrations publiques. D’autres options peuvent être envisagées : par exemple une hausse des impôts pour financer une hausse des dépenses. Mais il faut assumer ses choix : l’économie et sa compétitivité ne suivront pas spontanément. Compte tenu de l’importance des réformes, qui n’iront pas sans des remises en cause, il conviendrait de proposer aux Français un nouveau pacte social : 1) assumer le défi démographique. Pour créer plus de ressources disponibles et rétablir l’équité, augmenter le taux d’emploi et donner priorité à des solidarités axées sur l’insertion et la qualification ; 2) construire la société de la connaissance, car le multiplicateur keynésien est défaillant et soutenir la demande suffit nullement pour la croissance et le développement durable. Les impératifs sont le développement et la mobilisation des capacités humaines, de nouvelles politiques industrielles, la promotion de l’innovation (qui relie les idées aux marchés). 3) Définir les co-responsabilités : toutes les administrations doivent entrer dans la réforme (donc l’Etat, les collectivités territoriales – décentralisation + coopérations – et la sécurité sociale). Le public, le privé, et leurs partenariats. La population et ses organisations, ce qui appelle une vaste promotion du dialogue et de la formation économique et sociale. 4) L’Europe est un plus. Il ne s’agit pas seulement de s’inscrire dans le PSC puisqu’il faut un retour à l’équilibre budgétaire, donc faire mieux que rester dans les clous des 3% de déficit. Ainsi re-crédibilisée, la France pourrait en même temps prendre l’initiative de proposer un véritable budget européen permettant à l’Union de contribuer aux fonctions communes nécessaires à la croissance (ex : infrastructures). Un agenda sans retard pour une restructuration des finances publiques en cinq ans La mise en œuvre de la LOLF pour 2006-2007 a été rendue difficile en l’absence de choix collectifs délibérés et partagés, et d’une organisation suffisante de l’évaluation. 6 Rompre avec la facilité de la dette publique : pour des finances publiques au service de notre croissance économique et de notre cohésion sociale, La Documentation française, janvier 2006. 6 La LOLF 2008 ne doit pas être manquée, soit parce qu’elle se préparerait seulement dans les clous de la précédente, soit en cas de changement de majorité parce que le nouveau gouvernement aurait d’autres priorités. L’équation est difficile ! Il faut dès l’été 2007 préciser les engagements, en 2008 développer les restructurations, et viser une loi exemplaire pour 2009. La définition claire des objectifs sociétaux et des contraintes sur les ressources doit être au cœur d’un contrat de législature. Elle donnera substance aux grandes missions et permettra une macro-répartition des plafonds de dépenses publiques. Ensuite le travail de définition des programmes sera possible. L’accord sur les objectifs conditionne l’élaboration technique. Si l’on fait à l’envers – on a déjà commencé –, il faut pouvoir se rattraper. Pour assumer la cohérence des objectifs et des indicateurs de performance, un comité interministériel ne suffit pas. Il faut des procédures de consultation plus largement ouvertes. Après quoi, comme le suggère le rapport, une certification des indicateurs sera utile. Le rapport contient des propositions fondamentales sur le champ de la réforme : - généraliser la LOLF à toute la sphère publique ; établir un cadre public à moyen terme (pluriannualité : 3 ans pour la gestion, 5 ans à titre indicatif) ; inclure les dépenses fiscales et cesser les facilités : la loi fiscale sera incluse dans la LOLF ; fusionner le budget de l’Etat et celui de la sécurité sociale, comme le proposent MM. Lambert et Migaud ; faire obligation d’un réexamen de la réglementation parallèlement à la restructuration des finances. Réorganiser, c’est responsabiliser Le pilotage politique exige une organisation exemplaire. Le Premier Ministre sera responsable et un Ministre d’Etat chargé de la réforme. Le Budget et la Fonction publique doivent être regroupés. Le rôle des directeurs sera revalorisé, les cabinets seront réduits. Le rapport souligne que la modification radicale des conditions du vote de la LOLF renforce les pouvoirs du Parlement : vote d’ensemble pour les évaluations de recettes ; débat et vote sur l’évolution de la dette ; vote des crédits par mission, donc débats sur les politiques publiques ;vote unique sur le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’Etat ; fin de la distinction entre mesures nouvelles et services votés. Mais la commission Pébereau souligne aussi l’obligation de recentrer le travail du Parlement sur l’analyse des résultats – sinon il ne sera pas pleinement responsable de ses actes. Ceci doit précéder les nouvelles décisions et appelle un gros travail consultatif. Mais ce n’est pas seulement le Sommet de l’Etat qui doit être réformé : c’est toute la structure de l’Etat et des administrations. L’économie des moyens et l’amélioration de la qualité des services ne peuvent en effet être réalisées à structures constantes. Il y a trop de niveaux actuellement (par exemple 17 000 intercommunalités pour 36 000 communes). Trop de duplications : il ne faut pas seulement « mettre sous tutelle les administrations défaillantes », il faut au moins supprimer les administrations redondantes. Le rapport a raison de demander un Conseil de surveillance pour chaque administration, avec une composition majoritairement extérieure (mais qui le nomme ?). Et comment imposer la coopération inter-administrative ? 7 La gestion de l’emploi des fonctionnaires, soulignons-le encore, est décisive. Trop de Corps, bien trop peu de mobilité. Détachements, recyclages, intéressement sont impératifs. La mesure de la qualité et de la productivité, la culture d’agence devraient faire l’objet d’une campagne nationale. Attention au risque d’un excès de comitologie. Pour y faire face, on doit rehausser la délibération en amont et l’évaluation en aval. Attention aussi à la notion d’audits systématiques : il y a de gros problèmes de qualité et de désintéressement du côté de l’offre d’expertises. Il convient que les acteurs de la société civile et de l’administration élaborent leurs propres capacités d’expertise. La revue des programmes doit être associée au principe d’une sunset legislation, ou clause de réexamen des règles : cette pratique anglo-saxonne est excellente et ne signifie pas une dérèglementation automatique. C’est au Parlement d’apprécier, et cela suppose qu’il dispose d’outils d’analyse et de consultation beaucoup plus développés qu’aujourd’hui. Il se passe quelque chose d’important aujourd’hui en France avec l’éveil des consciences au problème de la dette publique et avec la réforme des finances publiques. Ne laissons pas retomber la pâte. Soyons plus exigeants et travaillons dans la durée à tous les niveaux : l’essai n’est pas encore marqué, on verra ensuite comment le transformer. 8