Juillet 2010 * N°2 - Maison des Sciences de l`Homme

Transcription

Juillet 2010 * N°2 - Maison des Sciences de l`Homme
RAMATRANS
Revue Africaine
des Affaires Maritimes
et des Transports
African Review of Maritime Affairs and Transportation
Juillet 2010 * N°2
Semestriel * ISSN en cours
Sous la direction de :
Co-directeur :
Martin NDENDÉ
Éric DIBAS-FRANCK
Professeur à l’Université de Nantes
Directeur de l’Institut Eurafrique Export
Expert juridique international
Docteur en Droit
Chargé de cours à la Faculté de Droit
de l’Université Marien NGOUABI
Articles et études doctrinales
• La sécurité maritime en Méditerranée :
quelle politique européenne ? ■ Martin NDENDÉ
• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffisances du Droit face
au trafic illicite de déchets dangereux ■ Marie BOURREL et Joseph BREHAM
• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport
en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI
• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes
généraux du droit de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE
• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL
• Extraversion croissante des économies des aires protégées
estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest :
quels impératifs de gouvernance ? ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER,
Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA,
Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA
Chroniques et informations
Une publication
de l’Institut
Eurafrique
Export
Avec le soutien de
l’Université de Nantes
et de la MSH
Ange Guépin.
Bibliographie
Textes et documents
Perspectives de développement
du Port Autonome de Pointe-Noire
Les perspectives d’avenir du Port Autonome
de Pointe-Noire se fondent sur la mise en
œuvre du programme d’investissement prioritaire, dont l’une des principales composantes est l’aménagement, la gestion et l’exploitation d’un terminal à conteneurs moderne,
dans le cadre d’un partenariat public/privé.
A cet effet une convention de concession
du terminal à conteneurs a été signée le 23
décembre 2008 entre le Port Autonome de
Pointe-Noire et le Groupement Bolloré.
Le programme d’investissements prioritaires
qui se chiffre à 454 milliards de FCFA, dont
374 milliards FCFA à la charge du Groupement Bolloré et 80 milliards de FCFA à la
charge du Port Autonome de Pointe-Noire et
des Bailleurs de fonds (Agence Française de
Développement, Banque Européenne d’Investissement et Banque de Développement
des Etats de l’Afrique Centrale) comprend les
opérations suivantes :
- le rempiétement et l’allongement du quai
G afin d’obtenir un linéaire accostable de
800 m à une profondeur de -15 m ;
- le rempiétement du quai D sur une longueur 750 m à une profondeur de -13 m ;
- l’aménagement d’un terminal à conteneurs
de 38 ha et d’une zone logistique d’empo-
tage et de dépotage de 4,5 ha ;
- l’allongement de la digue extérieure de protection du port de 300 mètres linéaires ;
- les dragages d’approfondissement du chenal d’accès et du bassin portuaire ;
- la réhabilitation et l’extension des réseaux
d’électricité, d’eau et d’assainissement ;
- la mise en place des équipements de
manutention comprenant à terme, entre
autres, 14 portiques de quai et 34 portiques
de parc de type RTG ;
- l’acquisition des remorqueurs de grande
puissance et des vedettes de pilotage, de
lamanage et hydrographique ;
- etc.
Les appels d’offres internationaux relatifs aux
travaux du quai G et de la digue de protection ont étés lancés en août 2009. Les appels
d’offres pour les autres lots du programme,
réseaux d’eau et d’électricité ont étés lancés
en novembre 2009.
Le démarrage des travaux est prévu pour
juillet 2010 et la durée d’exécution de l’ensemble du programme est de 42 mois environ.
La réalisation de ce programme ambitieux
permettra au port de Pointe-Noire de faire
un véritable saut technologique, de bénéficier d’une capacité de traitement du trafic
de plus d’un million de conteneurs par an et
de recevoir des navires porte-conteneurs de
type Aframax transportant 7000 EVP.
Elle permettra également de faire de PointeNoire la porte d’entrée du Congo et de son
hinterland comprenant tout le bassin du Congo et les corridors de Bangui à Brazzaville,
de Kinshassa à Kisangani et de Pointe-Noire
au Cabinda d’une part et d’autre part, la plateforme de transbordement de la Côte Ouest
Africaine.
Au-delà du programme d’investissements
prioritaires, le Port Autonome de PointeNoire a ciblé un certain nombre d’actions à
entreprendre à court et moyen terme. Cellesci concernant :
1. la facilitation des procédures de passage
portuaire de la marchandise
2. la création d’un guichet unique
3. la mise en œuvre d’une politique de gestion des ressources humaines axées sur
une adaptation tant quantitative que qualitative du personnel qui se traduit par le
rajeunissement des effectifs et la résorption du déficit en personnel qualifié dans
les différents emplois portuaires.
Atouts et potentialités du Port Autonome de Pointe-Noire
Une position géographique privilégiée
Situé dans le golfe de Guinée, à mi-chemin
entre le Sud et l’Ouest de l’Afrique, le Port
de Pointe-Noire occupe une position géographique stratégique. Cette situation est un
avantage essentiel pour les compagnies de
navigation, car, à la croisée des grands axes
maritimes, le Port sert de relais entre l’Europe Atlantique, la Côte Est des Etats Unis,
la Côte Est de l’Amérique du Sud, d’une part,
et l’Afrique du Sud, le sous continent Indien,
et l’extrême Orient d’autre part. Le Port de
Pointe-Noire est surnommé Porte Océane de
l’Afrique Centrale.
Un Port aux accès faciles et sûrs
Le Port de Pointe-Noire est fier d’être parmi
les Ports de la Côte Ouest Africaine à présenter des caractéristiques physiques et des facilités de navigation attractives. Port extérieur
gagné sur la mer, il est sur la Côte Ouest
de l’Afrique au-dessous de Dakar l’un des
rares ports en eau profonde, allant jusqu’à
-13,20 m, et pouvant recevoir des navires
calant 34 pieds et mesurant 234 m de longueur. L’entrée et sortie des navires s’effectuent dans des conditions d’accès excellentes
à travers un bassin portuaire d’une superficie
de 84 ha qui s’ouvre sur la baie par une passe
d’entrée de 180 m de largeur, prolongée par
un chenal d’accès d’une longueur de 1 200 m
dragué à -11,50 m. Son bassin est l’un des
plus tranquilles de la sous-région parce que
protégé par une digue intérieure longue de
1 800 m. En outre, les conditions océaniques
et climatiques font du Port de Pointe-Noire
un Port aux accès faciles.
Des infrastructures adaptées
2 861 m linéaires de quai, dont :
• 2 135 m pour le Port Commercial avec 11
postes en eau profonde allant de -7,30 m à
-13,20 m et 4 postes à quai de faible profondeur allant de -3,70 m à -9 m.
• 726 m pour la zone logistique pétrolière,
avec des fonds de -4 m à -6 m.
• Le terminal pétrolier de Djeno situé à
3 800 m de la côte, est le site de chargement en mer des cargaisons pétrolières.
Des installations spécialisées
• Un terminal à conteneurs de 38 ha en cours
d’aménagement.
• Des parcs à bois d’une superficie totale de
188 873 m2.
• Deux installations frigorifiques.
• Des dépôts de stockage d’hydrocarbures.
• Un silo à ciment d’une capacité de 10 000
tonnes.
• Un silo à céréale d’une capacité de 15 000
tonnes.
Des services de qualité
Le Port fonctionne 24 heures sur 24. Il met
à la disposition de sa clientèle les services
suivants :
• Le pilotage et le remorquage réalisés par un
personnel hautement qualifié ;
• La répartition navale avec un slip way d’une
capacité de 700 tonnes et un chantier de
réparation disposant d’un important équipement en machines outils ;
• Les avitaillements en eau douce et en hydrocarbures sont assurés par oléoduc ou
camion citerne ;
• Deux sociétés d’avitaillements maritimes
approvisionnent les navires en vivres ou
denrées ;
• L’acconage, la manutention, le transit, le
stockage, la consignation sont concédés à
des opérateurs privés efficaces et expérimentés ;
• La sécurité de l’exploitation, grande priorité
de l’administration portuaire fait de ce port
l’un des plus sûrs d’Afrique.
Une assistance permanente aux opérateurs
Le personnel, disponible et à l’écoute permanente de la clientèle, apporte une assistance
régulière et soutenue à tous les intervenants
portuaires grâce à sa nouvelle politique commerciale plus dynamique.
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Message du Port Autonome de Pointe-Noire
Pour tout contact ou renseignements, s’adresser aux coordonnées ci-dessous :
Institut Eurafrique Export – c/o Prof. Martin NDENDÉ
Complexe scientifique Stade Marcel Saupin (MSH - IEA nord-sud)
5 allée Jacques Berque - 44021 Nantes Cedex 1 (France)
Tél : 00-(336)-09-87-37-13 / Tél-Fax. 00-(332)-40-14-15-87 / Tél-Fax. 00-(332)-40-48-39-53
[email protected]
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Sommaire
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Juillet 2010 • N°2
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Articles et études doctrinales
10
• La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ?
■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité
des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export
18
• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffisances du Droit face au trafic illicite
de déchets dangereux ■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique
(C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM, Avocat au barreau
de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET
34
• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport
en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires,
Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa
42
• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit
de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé,
Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)
53
• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit,
Chargé de cours à l’Université de Lille II
58
• Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes,
côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest :
quels impératifs de gouvernance ?
■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP,
Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)
Chroniques et informations
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75
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82
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• Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature - 21-23 septembre 2009
• Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime
12-16 octobre 2009 - Durban (Afrique du Sud)
• « La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »
Séminaire international - 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)
• Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc
et la République du Congo
• Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français
• « Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » - Séminaire international
18-19 mars 2010 - Yaoundé (Cameroun)
• Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo
• Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports
Bibliographie
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95
97
98
• Ouvrages parus
• Thèses soutenues
• Thèses en préparation
• Vous trouverez dans vos journaux…
Textes et documents
104
105
• Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo
• Joola : abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais
Maquette : Monodia Nantes • Traductions : Constance Cournède (MSH-IEA) • Impression : Rézo La Haye-Fouassière • Diffusion : L’Harmattan 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
6/
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Comité scientifique
Juillet 2010 • N°2
C O M I T É
S C I E N T I F I Q U E
Présidents d’honneur :
M. Samir AMIN
M. Pierre BONASSIES
Professeur Emérite de Sciences Economiques
des Universités de Poitiers, Paris et Dakar
Directeur du Forum du Tiers-Monde
Président du Forum Mondial des Alternatives
Professeur Emérite de l’Université d’Aix-Marseille III
Président honoraire de l’Association Française du Droit Maritime
Premier Vice-Président de l’Institut Méditerranéen
des Transports Maritimes, IMTM
Président exécutif :
Martin NDENDE
Professeur à l’Université de Nantes
Directeur de l’Institut Eurafrique Export
Secrétaire Général :
Eric DIBAS-FRANCK
Docteur en Droit
Chargé de cours à l’Université Marien NGOUABI (Brazzaville, Congo)
Membres :
- Ahmet BA, Avocat au Barreau de Dakar (Sénégal), Spécialiste de Droit maritime
- Jean-Pierre BEURIER, Professeur émérite de l’Université de Nantes, Directeur honoraire du CDMO, Expert international
- Victor-Emmanuel BOKALLI, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Yaoundé II - Soa (Cameroun)
- Isabelle BON-GARCIN, Maître de conférences à l’Université de Lyon-II (Lumière), Directrice Scientifique de l’IDIT (Rouen)
- Fatima BOUKHATMI, Professeur à l’Université d’Oran (Algérie), Directrice du Laboratoire de Droit des Transports et des Activités Portuaires
- Pierre CARIOU, Professeur d’Economie maritime et portuaire à l’Université Maritime Mondiale (Malmö, Suède)
- Cécile de CET-BERTIN, Maître de conférences à l’Université de Brest, Directrice du Master Droit des Espaces et Activités maritimes
- Alexandre CHARBONNEAU, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux-I, Spécialiste de Droit social maritime
- Patrick CHAUMETTE, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur de l’Observatoire des Droits des marins
- Karim COULIBALY, Directeur Général de l’Académie Régionale des Sciences et Techniques de la Mer, ARSTM (Côte d’Ivoire)
- Philippe DELEBECQUE, Professeur Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne), Président de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris
- Stéphane DOUMBE-BILLE, Professeur à l’Université de Lyon-III, Directeur du Master et du Centre de Droit international, Expert ONU et OIF
- Joseph EGWURUBE, PhD Political Sciences, Lecturer in the English and Maritime Departments, University of Nantes (France)
- Jacques GUILLAUME, Géographe, Professeur à l’Université de Nantes, Géolittomer, UMR 6554 LETG-CNRS
- Patrick GUILLOTREAU, Maître de conférences à l’Université de Nantes, Spécialiste d’Economie maritime, Expert auprès de l’IRD
- Ibrahima KHALIL DIALLO, Maître de conférences à l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar, Sénégal), Spécialiste de Droit maritime
- Lilia KHODJET El KHIL, Docteur en Droit, Chargée de programmes Organisation Maritime Internationale / REMPEC (Malte)
- Emeric LENDJEL, Maître de conférences et Directeur du Master de Transports internationaux, Université de Paris-I (Panthéon Sorbonne)
- Miloud LOUKILI, Professeur, Université Mohammed V, Rabat-Agdal, Maroc, Pdt Assoc. Marocaine d’Etudes et de Recherches Internationales
- Didier R. MARTIN, Professeur émérite, Université Paris XI-Sceaux
- Gaston NGAMKAN, Docteur en Droit, Spécialiste de Droit maritime, Avocat au Barreau du Cameroun (Douala)
- Joseph NGUENE NTEPPE, Docteur en Droit, Enseignant à l’Université de Douala, Juriste au Conseil National des Chargeurs du Cameroun, CNCC
- Françoise ODIER, Présidente honoraire de l’Association Française du Droit Maritime, Consultante M.O. Conseil (Paris)
- Gwénaele PROUTIERE-MAULION, Maître de conférences à l’Université de Nantes, Directrice du CDMO
- Robert REZENTHEL, Docteur en Droit, Secrétaire Général du Grand Port de Dunkerque
- Guy ROSSATANGA-RIGNAULT, Professeur à l’Université Omar BONGO ONDIMBA (Gabon), Conseiller et Expert national
- Patrice SALINI, Consultant, Professeur associé à l’Université Paris-IV (Sorbonne), Spécialiste d’Economie des Transports
- Louis SAVADOGO, Juriste au Greffe du Tribunal International du Droit de la mer (Hambourg), Maître de conférences Université Cergy-Pontoise
- Abdul SHERIFF, Professor, Executive Director of Zanzibar Indian Ocean Research Institute, ZIORI (Zanzibar, Tanzania)
- Nora TALBI, Professeur à l’Université Mohamed V – Rabat Souissi (Maroc), Directrice LP-Droit des transports de marchandises
- Paul TOURRET, Directeur de l’Institut Supérieur d’Economie Maritime, ISEMAR (Saint-Nazaire, France)
- Imed ZAMMIT, Head of Unit Maritime and Inland Water Transport, African Union Commission (Addis Ababa, Ethiopia)
Contacts avec le Comité scientifique et l’équipe rédactionnelle de la Revue
Institut Eurafrique Export c/o Prof. Martin NDENDE
Complexe Scientifique du Stade Marcel Saupin (MSH-IEA Nord Sud)
5, Allée Jacques Berque – B.P. 12105 – 44021 Nantes Cedex 1 (France)
Tél : 00(336)09-87-37-13 / Tél-Fax : 00(332)40-14-15-34 / Tél-Fax : 00(332)40-48-39-53
Mail : [email protected] ou [email protected]
Site internet : www.msh.univ-nantes.fr
(voir rubrique : La Recherche / Projets agrées / « Programmes Thématiques »)
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Éditorial
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Arab-African Maritime Law Cooperation:
A plea for a common cause of development
by Prof. Nader M. IBRAHIM (1)
Associate Professor of Commercial and Maritime Law,
Arab Academy for Science, Technology and Maritime Transport
N
otwithstanding absence of empirical studies on the relation between ‘rule of law’ (2) and development (3), one
will not challenge reason by the conclusion of their interrelation (4). And, without claiming expertise in this specific domain, and which should interest Africa, a typical development
region, cooperation between African shipping lawyers is expected to support African development (5).
Governmental institutions in Africa and the Arab World did
not regretfully pay much attention to private shipping law; it might be a low priority for their agendas which are full with rather
complicated political matters.
One should not disregard due critique to follow academics and
their institutions; since they are the lighthouse of their concerned
countries in this regard. Academics from developing world do not
have many excuses; thanks to the benefits of globalization, they
enjoy a variant means of low cost communication, and which
would enable them to better serve issues of maritime rule of
law in their countries. It is true that we still have limited financial
resources for such mission, but through cooperation between the
different nongovernmental institutions the burden will be reduced and attainable outputs will be received.
In the Arab World we do not have a periodical that traces
and supports development of maritime law, something like that
of the Droit Maritime Français (DMF). Absence such enlightening
(1) Created by The Arab League (21 member States) in Alexandria, Egypt,
(http://www.aast.edu). Author’s Email: [email protected]
(2) Different definitions are given to the concept of ‘rule of law’; the author
aligns with that which refers to supremacy of law. See, Okoye, A. “The Rule
of Law and Sociopolitcal Dynamics in Africa”, in: Human Rights, the Rule
of Law and Development in Africa, Ed., Zeleza, T., and McConnaughay, Ph.,
University of Pennsylvania Press, 2004, p. 27.
(3) See the conclusion of this statement mentioned at the proceedings of the
American Bar Association (ABA), on the “Rule of Law and Sustainable Development”, April 16, 2007, New York, and which the ABA calls the “white
paper”, at p. 3, footnote 6. Available at <http://www.abanet.org/intlaw/
committees/division_chair/section/Economic_Development_White_Paper.pdf> (last visited June 20, 2010).
(4) It has been stated that “Security of property rights and integrity of contract
underpin, respectively investment and trade, which in return fuel economic
growth and development”. Cited from: Haggard, S., Maclnryve, A., and
Tiede, L., “The Rule of Law and Economic Development”, 11 Annual Review
of Political Science 205 (2008).
(5) Only four Maritime Law Associations from the Africa enjoy full membership
to the CMI, two of them from Arab countries. The MLAs belong to: Morocco,
Nigeria, Tunisia and South Africa. The author wishes to refer also to the Arab
Society for Commercial and Maritime Law, ASCML, and which he represents
as a board chairman. ASCML enjoys a consultative status with CMI and managed to attract the attention of both the CMI and UNCITRAL in its annual
conferences (CMI in its 2009, and UNCITRAL in both 2009 and 2010).
guidance is among the reasons of limited
academic research and confused application of international maritime conventions
in Arab courts. Researchers are left with almost primary resources of information and courts are not assisted
with interpretative academic guidance.
With cooperation among shipping law academics of the Arab
World and their African colleagues, an open-source of shipping
law guidance might be put to the benefit of the developing societies. This will help building up expertise, and bring the developing countries in a better active participation with the international process of creating and developing maritime law (6).
Uniform law is not created by few countries, it is the compromise of all, under a consensus; the African Mediterranean Arab
countries once shared in the development of the medieval lex
marcatoria and which included a sub-department of a lex maritima (7). Nothing prevents them from doing it again; it is advised
for a renaissance.
In this context, the author extends a plea to the shipping law
academia of the Arab World, namely in North Africa to support
the initiatives of Prof. Martin NDENDE in sharing active role in an
African maritime forum comprised of two projects: the Institute
Eurafrique Export and la Revue Africaine des Affaires Maritimes et
des Transports. Africa and the Arab World share the same agenda
of needs for a better rule of law, an essence for development.
(6) Lately, Mr. Castellani from the UNCITRAL called upon both African countries
and Arab World for further participation in the creation and adoption of
modern international trade law. See, Catellani L., “International Trade Law
Reform in Africa”, 10 Yearbook of Private International Law 547 (2008) also
his paper presentation under the title of “Promoting the Adoption of the
United Nations Convention on Contracts for the International Sale of Goods
(CISG) in the Arab world”, a paper presented in the 4th Arab Conference for
Commercial and Maritime Law Conference on “The Economic and Legal
Aspects for the Development of Seaborne Trade in the Euro-Med: In Commemoration of the 30th Anniversary of the CISG”, Bibliotheca Alexandrina,
May 29-30, 2010.
(7) Prof. Albert Kritzer states that through the medieval Norman Occupation of
Tunisia, and which used to be called at the time “Ifriqiyya”, many concepts
of Muslim law (namely Maliki doctrine) helped development of the common law of England, also “The lex mercatoria owes its establishment to
the international trade fairs, of which, much can be attributed to the Islamic
and Eastern influences”. See his paper “Influence of Islam on the Western
Legal Culture: Part II”, distributed in the 4th Arab Conference for Commercial
and Maritime Law Conference, op. cit. On lex maritima William Tetley, “The
General Maritime Law – The Lex Maritima”, 20 Syracuse Journal of International Law and Commerce 105 (1994).
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Hommage au Juge Engo
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In memoriam Paul Bamela Engo
(1931-2010)
L
a communauté internationale en général,
l’Afrique ainsi que son pays le Cameroun en
particulier, ont récemment appris, avec un
profond regret, le décès de M. le Juge Paul Bamela Engo, survenu à Yaoundé le 26 avril 2010,
à l’âge de 79 ans.
M. le Juge Bamela Engo fut en effet Membre du
Tribunal International du Droit de la mer (TIDM),
de 1996 à 2008.
Cette éminente juridiction internationale, basée
à Hambourg en Allemagne, nous a fait l’honneur
de nous communiquer, pour les besoins de cet
hommage rendu par notre Revue, l’époustouflant
curriculum vitae de son regretté membre, ainsi
que la lettre de son Président à la famille du défunt (voir ce document p. 104). Qu’elle en soit sincèrement remerciée au nom de l’ensemble du continent, et au nom de tous
ceux qui, à travers le monde, ont côtoyé, connu ou simplement
apprécié ce remarquable juriste.
Avant son élection en qualité de Juge au Tribunal,
Son Excellence Paul Bamela Engo exerça diverses fonctions internationales au service de son
pays, notamment celles d’Ambassadeur et de
Représentant permanent du Cameroun auprès
de l’Organisation des Nations Unies. Le TIDM se
plait à rappeler qu’il joua un rôle majeur en tant
que Président de la Première Commission de la
Troisième Conférence des Nations Unies sur le
droit de la mer (1973-1982). Celle-là même qui
devait conduire à l’élaboration de la Convention
des Nations-Unies de 1982 (dite Convention de
Montego-Bay) sur le Droit de la mer. C’est donc
l’un des « Pères spirituels » de la Charte suprême
de la mer et des océans que nous honorons à travers ces modestes lignes, pour son action, son courage, et pour
l’exemplarité et l’universalisme de son noble magistère.
Repères biographiques
relations amicales et la coopération entre les Etats (ONU) (président du
comité de rédaction 1966, président 1967), Sixième Commission de
l’Assemblée générale des Nations Unies (vice-président 1969, président 1970), Comité ad hoc chargé de l’étude des utilisations pacifiques
du fonds des mers et des océans au-delà des limites de la juridiction
nationale (ONU) (président du Sous-Comité I 1971), Comité des utilisations pacifiques du fonds des mers et des océans au-delà des limites
de la juridiction nationale (ONU) (président de la première Commission
1972-1973), troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la
mer (Représentant spécial du chef de l’Etat camerounais à compter de
1973, président de la Première Commission 1973-1982), Commission
présidentielle sur le droit de la mer (président 1980-1984), Conseil pour
la Namibie (président du Comité permanent III, 1984); Président du
Groupe africain qui a négocié la Déclaration sur la situation économique critique en Afrique à l’Assemblée générale (président 1984-1985),
Chef de délégation (1984-1990); Commission des droits de l’homme
des Nations Unies (vice-président 1985), Commission du désarmement
des Nations Unies (vice-président 1985-1988 ; président du Groupe de
travail III, 1985-1988), Conférence ministérielle de l’Organisation de
l’Unité Africaine à Lomé (Rapporteur général et chef de la délégation
camerounaise 1985), Comité préparatoire de la Conférence internationale sur la relation entre le désarmement et le développement (19851986), troisième Conférence pour les annonces de contributions à la
Campagne mondiale pour le désarmement (vice-président 1986), Chef
de délégation à la première mission de sensibilisation du Conseil des
Nations Unies pour la Namibie en Asie (Singapour, 1986), Vice-Président de l’Assemblée générale des Nations Unies (1987-1988), Conseil
d’administration de l’UNICEF (vice-président du Bureau 1989). Association du droit international de l’environnement (Gouverneur pour la région Afrique 1989-1996) ; membre de la délégation camerounaise au
Comité consultatif (Nigeria et Cameroun) sur les questions relatives à la
délimitation des frontières (1996).
Publications : Auteur de nombreux ouvrages et articles sur le droit
international, dont Africa’s contribution to Development of International
Law : Africa and International organizations.
Lieu et date de naissance : (Cameroun) le 5 octobre 1931.
Formation : Avocat, juriste, admis au barreau anglais (Middle Temple
Inn, Londres, 1959).
Membre du Tribunal du Droit international de la mer depuis le
1er octobre 1996 ; réélu à dater du 1er octobre 1999, jusqu’en
2008.
Parcours professionnel : Conseiller juridique de la Couronne (Her Majesty’s Crown Counsel), circonscriptions judiciaires de Lagos (Nigeria)
et des Southern Cameroons (1959-1961) ; magistrat, Southern Cameroons (1961-1965) ; haut membre de la Commission judiciaire fédérale
du Cameroun (1961-1969) ; Ministre plénipotentiaire, hors hiérarchie
(depuis 1969) ; agent adjoint du Cameroun dans l’affaire Northern
Cameroon (Cameroun c. Royaume-Uni) devant la Cour internationale
de Justice (1963) ; ministre conseiller à l’ambassade du Cameroun à
Bonn, Allemagne (1964) et à l’ambassade du Cameroun à Washington
(1965-1968) ; Représentant permanent adjoint du Cameroun auprès
de l’Organisation des Nations Unies (1968-1973) ; conseiller technique
au cabinet du Ministre des affaires étrangères (1973-1982) ; chargé de
cours sur le droit de la mer à l’Institut des relations internationales du
Cameroun, Université de Yaoundé (1973-1979) ; chargé de cours sur la
Common Law anglaise à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM) (1973-1979) ; Ambassadeur, Représentant permanent
du Cameroun auprès de l’Organisation des Nations Unies (1984-1991,
et de 1996 à son élection en qualité de juge au TIDM) ; conseil principal
du Cameroun dans l’Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigeria) devant la Cour internationale de Justice (de 1995 à son élection en qualité de juge au TIDM).
Qualité de membre et autres fonctions : Barreaux camerounais et
nigérian (depuis 1959) ; délégation camerounaise : deuxième Conférence au sommet des chefs d’Etat africains au Caire (conseiller juridique
1964), sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies (1965-1990,
1996), Comité spécial des principes du droit international touchant les
Que la terre de ses ancêtres africains lui soit légère…
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Juillet 2010 • N°2
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Articles
et études doctrinales
10
• La sécurité maritime en Méditerranée :
quelle politique européenne ?
■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et
Sécurité des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export
18
• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffisances du Droit
face au trafic illicite de déchets dangereux
■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.),
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes,
et Joseph BREHAM, Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET
34
• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire
de transport en droit Ohada
■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires,
Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa
42
• Le transport maritime de passagers à l’épreuve
des principes généraux du droit de la responsabilité
■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé,
Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)
53
• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit,
Chargé de cours à l’Université de Lille II
58
• Extraversion croissante des économies des aires protégées
estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de
l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ?
■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP,
Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)
10/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
La sécurité maritime en Méditerranée :
quelle politique européenne ?
par ■ Martin NDENDÉ,
Professeur à l’Université de Nantes,
Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités maritimes et océaniques »
Directeur de l’Institut Eurafrique Export
Summary
The Mediterranean sea is both a highly strategic area, a sea well known in the field of claims for its numerous accidents and
risks, and from an environmental point of view a fragile area often assaulted by pollution of all kinds. All bordering states are very
concerned. Given the immensity and urgency of the issues involved, the European Union seems to want and bring a boost to joint
action: the EU wants to lead the states in the sub-region to move from a traditional policy of membership and collaboration on
regional normative instruments to a new policy of enhanced cooperation in security and maritime safety.
Introduction
Chacun le sait, la Méditerranée se présente comme une
mer intracontinentale et semi-fermée autour de laquelle se
penchent l’Europe, l’Afrique et l’Asie (1). Faut-il d’ailleurs rappeler qu’étymologiquement, cette « Mare medi terra », selon l’expression rendue célèbre par Isidore de Séville au VIIe siècle, doit
son nom du fait qu’elle est littéralement une « mer au milieu
des terres » ? C’est ce qui fait son immense richesse et toute sa
complexité socio-politique, mais c’est aussi ce qui lui confère
(1) Les Pays qui bordent la Méditerranée sont :
- Au Nord : la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce et la Turquie.
- Au Sud : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, et l’Egypte.
- A l’Est : le Liban, la Syrie, Israël, et le Territoire palestinien de Gaza.
- A l’Ouest : l’Espagne et le Royaume-Uni (avec Gibraltar).
- Au Centre : Malte et Chypre.
Les principales îles de la Méditerranée sont :
- A l’Est : Chypre, la Crète et Rhodes.
- Au Centre : la Corse, la Sardaigne, la Sicile et Malte.
- A l’Ouest : Les Baléares.
Pour une étude juridique approfondie des zones maritimes dans cette région, v° Institut du Droit Economique de la mer : « Les zones maritimes en
Méditerranée », Revue de l’INDEMER, Actes du Colloque de Monaco, 4-6
octobre 2001, n°6.
une dimension géostratégique majeure, car paradoxalement
cette mer semi-fermée constitue un lieu de passage privilégié
des échanges internationaux et intercontinentaux.
• Un espace hautement stratégique
La Méditerranée est un espace politique de première importance qui regroupe 22 Etats et territoires riverains, et qui compte près de 430 millions d’habitants, soit 7% de la population
mondiale. L’Union européenne représente, de loin, le principal
partenaire maritime d’un très grand nombre d’Etats de cette
région (notamment ceux du Maghreb), et le transport maritime
se taille la part du lion dans les échanges de marchandises entre les deux rives de cette mer.
En 2000, pratiquement 146 millions de tonnes de marchandises ont été exportées ou importées par voie maritime par l’UE,
en direction ou en provenance des Partenaires méditerranéens,
soit près de 74% (en tonnage) de l’ensemble des échanges (2).
C’est en effet une zone importante pour le trafic maritime sur
les routes du Moyen orient et d’Asie : 1900 navires commerciaux y circulent chaque jour, soit 30% du trafic mondial ; 28%
(2) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen
sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport »
- Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 final, p.5.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
du trafic mondial des hydrocarbures y transitent, ce qui renforce
notamment la place stratégique du Détroit de Gibraltar et du
Canal de Suez.
En ce qui concerne en particulier le transport maritime d’hydrocarbures, il ressort que le commerce maritime de produits
pétroliers et dérivés entre l’UE et les 12 Partenaires méditerranéens (imports/exports) atteignait déjà en 2001 quelque 63
millions de tonnes (3). Si, plus globalement, l’on inclut tous les
produits pétroliers et dérivés qui transitent par la région euroméditerranéenne, on atteint alors aujourd’hui le chiffre de 395
millions de tonnes transportées par quelques 800 tankers (4)
sillonnant en permanence la Méditerranée. Il s’agit d’un trafic
particulièrement dense dans une zone éminemment fragile d’un
point de vue environnemental. Les récents naufrage de l’Erika
et Prestige font planer le spectre d’une catastrophe similaire
dans les eaux méditerranéennes, dont les effets seraient encore
plus désastreux (5). Rien que le port de Marseille-Fos reçoit 3800
pétroliers par an, et c’est à juste titre le premier port pétrolier de
la Méditerranée, mais aussi forcément l’un des plus exposés.
• Une sinistralité de très grande ampleur
La décennie 70-80 a laissé quelques affreux souvenirs avec
plus de 90 déversements accidentels de pétrole :
- Explosion du pétrolier « Urquiola » le 12 mai 1976 dans la Baie
de la Corogne en Espagne, avec un déversement de 100.000
tonnes de pétrole brut.
- Accidents en 1978 du « MT Pavlos », et du « MV Sophia D »
(mazout lourd).
- Accident du « MT Chemical Venturer » (1979).
- Accident du « MV Maria Speranza » (1980).
- Incendie du pétrolier grec « Cavo Cambanos » au large de Tarragone avec 220.000 tonnes de naphte.
- Incendie et explosion du pétrolier « Irènes Sérénades » au
large des côtes grecques (Pylos) en 1980 : déversement de
40.000 tonnes.
Les années 90 ont été tout aussi préoccupantes, avec pas
moins 53 accidents, dont 11 cas de pollution par hydrocarbures
combinant des accidents d’ampleur moyenne avec de véritables
catastrophes.
Citons en premier la catastrophe du super pétrolier chypriote
« Haven » devant Gênes (Italie) le 11 avril 1991 : 133.000 tonnes. Ce fut la plus importante marée noire en Méditerranée (6).
Mais à côté du « Haven », il est possible de déplorer pas moins
de 7 autres accidents majeurs en méditerranée au cours de ces
dernières années (7).
(3) Eurostat. Programme Medstat.
(4) Etude réalisée par BEICIP dans le cadre du projet MEDA « Soutien aux groupes Ad Hoc du Forum euro-méditerranéen de l’énergie ».
(5) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen
sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport »
- Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 final, p.14.
(6) E. AMATO : « Un Programme de restauration environnementale 12 ans
après : l’épave du Haven », Communication aux journées d’information
du CEDRE du 6 oct. 2003 sur « Le traitement des épaves potentiellement
polluantes ».
(7) Nous citerons notamment :
- l’accident de la « Val Rosendra » en 1990 (produits chimiques liquides).
- la collision entre le pétrolier « Agip Abruzzo » et le ferry « Moby Prince »
le 10 avril 1991 en face de Livourne, provoquant 140 morts dans l’incendie.
- l’accident de l’ « Alessandro Primo » (1991).
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En marge des accidents, les pollutions volontaires par dégazages représentent 600.000 tonnes par an dans cette région.
De même la pollution par les déchets toxiques se révèle extrêmement alarmante, avec notamment d’importants déversements de mercure, de cadmium, ou autres produits hautement
toxiques (8), et c’est le cas par exemple du déversement dans
les eaux libanaises de 2411 tonnes de déchets de la Sté Jelly
Wax en septembre 1987, ou encore les déversements répétés
du cargo « Zanoobia ». Enfin, les pollutions d’origine tellurique,
particulièrement désastreuses et dévastatrices (9), semblent
laisser les Etats dans une situation d’impuissance et de total
désarroi…
Dans un article publié en 2007 dans le Courrier international,
un expert rappelait à juste titre que la Méditerranée est malheureusement la mer la plus polluée du monde !!! (10)
• Une préoccupation majeure pour l’Agence Européenne de la Sécurité Maritime
Selon l’Agence Européenne de la sécurité maritime (AESM)
qui se préoccupe beaucoup de la situation qui prévaut en Méditerranée (11), l’on a dénombré au cours de la seule année 2007,
pas moins de 128 sinistres (contre 110 sinistres en 2006), et
parmi lesquels : 11 naufrages, 20 échouements, 63 abordages,
20 cas d’incendie ou d’explosion, 14 autres types de sinistres…
En ce qui concerne, par exemple, le transport des passagers, il
nous suffira de citer la terrible catastrophe du ferry « Al-Salam
Bocaccio 98 » dans les eaux égyptiennes le 02 Février 2006,
avec près de 1400 morts (12).
Selon la même Agence Européenne, la sinistralité totale en
Méditerranée représente 17% de la sinistralité maritime en Europe. Il apparaît, enfin, dans cette étude que la majorité des
accidents maritimes en Méditerranée (soit 90%) surviennent
entre les côtes grecques et italiennes ; et que dans l’ensemble,
en marge des pollutions accidentelles causées par les navires,
les abordages représentent, selon les années, entre 40 et 50%
des accidents dans cette région maritime.
• Une mer exposée à de multiples autres dangers
Outre d’être devenue un grand carrefour des circuits de l’im-
- celui du « Gerol Chernomorya » en 1992 (pétrole brut).
- celui de l’ « Iliad » en 1993 (pétrole brut).
- celui du « Giovanna » en 1998 (essence).
- celui du « Castor » en 2001 (essence).
- ou encore celui du pétrolier « Al Samidoun » : déversement de 10.000 m3
(8.600 tonnes) de brut de brut dans le canal de Suez en 2004.
(8) Angelo TURSI : « Les différentes formes de pollution de la mer : La Méditerranée et les déchets toxiques », in « Les incidences de la pollution du
milieu marin méditerranéen sur le Droit maritime », 4-5-6 Juillet 1991,
Université Saint-Esprit Kaslik (USEK), Faculté de droit JBEIL-BYBLOS, Communauté des Universités méditerranéennes, Ecole Universitaire de droit pour
les pays méditerranéens, Liban 1992, pp.39 et suiv.
(9) Pascale HILBERER-ROUZIC : « La protection des mers européennes fermées
ou semi-fermées contre la pollution marine d’origine tellurique (Mer du
Nord, Mer Baltique, Mer Méditerranée) », Thèse Droit, Paris-I, 1996, 571
pages.
(10) Pablo LINDE : « Méditerranée : la mer la plus polluée du monde », Courrier
international du 27 juillet 2007.
(11) AESM : Revue des accidents maritimes en 2007, Agence Européenne
de la Sécurité Maritime, AESM (EMSA en Anglais), Publiée en 2008 http://www.emsa.europa.eu
(12) V° P. NGO MBOGBA : « De l’urgence des MOU dans les pays du Sud »,
Revue Africaine des Affaires maritimes et des Transports (Ramatrans), éd.
L’Harmattan, n°1- 2009, pp.19 et suiv.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
migration clandestine par voie maritime, la Méditerranée est
aussi, hélas, une gigantesque « autoroute du cannabis »
Les menaces terroristes constituent également une préoccupation majeure des Etats de cette sous-région. Depuis les
évènements du 11 septembre 2001, le secteur touristique y a
accusé une baisse sensible d’activité, en particulier en Egypte,
Israël, Jordanie, Syrie et Turquie. Cette baisse est d’autant plus
préoccupante que le secteur touristique pèse d’un poids important dans le PIB de la plupart de ces pays et constitue une
source d’entrée de devises non négligeable (13).
Les guerres y apportent également leur lot de désolation.
Faut-il rappeler qu’au cours de la Guerre du Golfe de 1991, par
exemple, 700.000 tonnes d’hydrocarbures (au moins) furent
déversées dans la Méditerranée orientale à la suite des conséquences des bombardements des installations pétrolières ?
Qui pourrait également oublier les conséquences désastreuses des bombardements israéliens du 14 juillet 2006 de l’aire
de stockage de fioul de la centrale électrique de Jiyeh au Liban,
à une vingtaine de kilomètres au sud de Beyrouth ? En effet,
près de 15 000 tonnes de fioul furent directement déversées
en mer Méditerranée, souillant tout le littoral libanais, du sud
de Beyrouth jusqu’aux rivages syriens, avec des dégâts considérables sur la faune et la flore, mais également sur les activités
portuaires, touristiques et halieutiques (14). En valeur absolue,
ce drame fut comparé à celui de l’Erika survenu en France en
1999.
Face à l’immensité et à l’urgence des enjeux en présence,
l’Union Européenne semble vouloir apporter un coup d’accélérateur à l’action commune : elle veut entraîner les Etats de la
sous-région à passer d’une politique traditionnelle d’adhésion et
de collaboration à l’égard des instruments normatifs régionaux
(I) à une politique nouvelle de coopération renforcée en matière de sécurité et de sûreté maritimes (II).
(13) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen
sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport »
- Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 final, p.5.
(14) M. FABRE-MAGNAN et M. NDENDE : « Brèves réflexions sur la pollution
des côtes libanaises suite aux bombardements israéliens », Article publié
à la Revue Maritime, n°477, Décembre 2006, p.84.
I • Une politique traditionnelle d’adhésion
et de collaboration à l’égard des instruments
normatifs régionaux sur la Méditerranée
Bien avant la signature des principales Conventions internationales en vigueur, et notamment celle de Barcelone de 1976,
le souci de coopération des Etats méditerranéens s’était traduit
par l’organisation d’une « Conférence intercommunale organisée
par la Fédération mondiale des villes jumelées Cités-Unies »,
à Beyrouth en Juin 1973. L’Europe en tant que communauté
politique y était absente (15), ce qui traduisait parfaitement à
cette époque les limites (voire l’absence totale) d’une politique
européenne de sécurité maritime et de protection de l’environnement en Méditerranée (16). Dans le premier « Programme
d’action de la Communauté Européenne pour l’environnement »
daté du 22 novembre 1973, la Méditerranée en tant que telle
n’est d’ailleurs mentionnée que de façon très marginale.
Dans son « Deuxième programme d’action… » en date du
17 mai 1977, la Communauté européenne s’était tout juste bornée à mentionner la Convention de Barcelone de 1976 et à
indiquer que la Commission s’efforcera de favoriser sa mise en
œuvre.
C’est à partir de son « Troisième programme d’action… », en
1983, que la Communauté européenne commencera à exprimer sa volonté politique de prendre des initiatives spécifiques
en faveur de la Méditerranée et de la coopération dans cette
région. En réalité, un accident était passé par là…
En effet, le premier accident qui a rendu nécessaire une
coopération internationale et la mobilisation des Etats européens dans le cadre du Protocole d’urgence de la Convention de
Barcelone et en faveur d’un Etat riverain sinistré fut le naufrage
survenu le 7 juin 1980 du navire « Ro/Ro Zénobia », au large
de Larnaca à Chypre, et qui provoqua une fuite de 275 tonnes
de mazout lourd de l’épave. A cette époque, Chypre qui n’avait
pas de moyens suffisants pour faire face à une pollution d’une
telle envergure en fut sinistré, et obligé de faire appel à la coopération régionale et internationale (17). C’est alors que la Communauté européenne a entrepris de se préoccuper davantage
et plus fermement des problèmes de sécurité maritime dans
l’espace méditerranéen.
(15) Cette Conférence avait établi une « Charte de Protection de la Méditerranée » instituant trois organismes intercommunaux, et notamment :
- une Commission d’arbitrage chargée d’assurer l’application des Conventions internationales et trancher les conflits de pollutions entre villes
membres ;
- un Bureau de liaison, chargé d’élaborer une réglementation de l’environnement, voire un Code international des Villes du Bassin Méditerranéen ;
- un Fonds commun, alimenté par les pays industrialisés, les pays producteurs de pétrole et les organisations internationales concernées.
V° Joseph KARAM : « Unification des règles applicables aux eaux de la mer
Méditerranée – Mesures juridiques de protection », in « Les incidences de
la pollution du milieu marin méditerranéen sur le Droit maritime », 4-5-6
Juillet 1991, Université Saint-Esprit Kaslik (USEK), Faculté de droit JBEILBYBLOS, Communauté des Universités méditerranéennes, Ecole Universitaire de droit pour les pays méditerranéens, Liban 1992, pp.55 et suiv.
(16) Pour une étude du processus de maturation très progressive de cette
politique, v° L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protection de l’environnement marin dans la Méditerranée », Institut du Droit
Economique de la mer : « Convergences méditerranéennes », in Revue
de l’INDEMER, Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142
et suiv.
(17) CEDRE, op.cit.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
A• L’adhésion de la Communauté au dispositif
normatif régional sur la sécurité maritime en Méditerranée
Alors que la ratification des Conventions internationales est
avant tout une démarche propre aux Etats, l’Union Européenne
a voulu traduire son implication dans le domaine de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement marin en
Méditerranée en adoptant depuis des décennies, un nombre
considérable de mesures législatives ou réglementaires conduisant à intégrer l’arsenal normatif méditerranéen dans le Droit
communautaire (18).
C’est ainsi qu’une Décision 77/585/CEE du Conseil en date
du 25 juillet 1977, permet à la Communauté d’adhérer à la Convention de Barcelone de 1976 pour la protection de la mer
Méditerranée contre la pollution, ainsi qu’au Protocole relatif à la
prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opérations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs. Dans
la même lancée, la Communauté a adhéré par une Décision
81/420/CEE du Conseil en date du 19 mai 1981, au Protocole
adopté par les Etats côtiers en 1976 concernant la coopération
en matière de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée
par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de
situation critique (dit « Protocole d’urgence »). C’est ce Protocole
qui a conduit à la création du REMPEC (Centre Régional Méditerranéen pour l’Intervention d’Urgence contre la Pollution Marine
Accidentelle, basé à Malte) qui est devenu le principal levier
opérationnel de la coopération euro-méditerranéenne dans le
domaine de la prévention des accidents et pollutions marines
en Méditerranée.
En 1999, le Conseil a adopté une série d’autres décisions
relatives aux modifications de la Convention de Barcelone, si
bien qu’en 2002 on pouvait déjà comptabiliser l’adhésion de la
Communauté européenne à un total de seize protocoles autour
de la Convention de Barcelone. Le Protocole créant le REMPEC a
été complètement amendé en 2001 (Nouveau « Protocole d’urgence ») et également adopté récemment en Droit communautaire par une Décision 2004/575/CE du Conseil, en date du 29
avril 2004. De même, l’UE collabore activement à la « Stratégie
régionale de prévention contre la pollution de l’environnement
marin par les navires » adoptée en 1997 par les Etats riverains
de la Méditerranée.
Cette politique juridique volontariste, qui couvre beaucoup
d’autres sujets, a ainsi permis à la Communauté de mettre ses
Etats membres au diapason des règles régissant la sécurité maritime et la protection de l’environnement marin en Méditerranée, ce qui a permis une unification appréciable du Droit dans
cet espace géographique.
(18) V° L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protection de
l’environnement marin dans la Méditerranée », v° Institut du Droit Economique de la mer : « Convergences méditerranéennes », Revue de l’INDEMER, Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142 et suiv.
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B• Le partenariat des Etats au sein du Mémorandum sur la Méditerranée (MOU-Med)
• Une création soutenue par l’Union Européenne
La création d’un Mémorandum régional sur le contrôle des
navires par l’Etat du port en Méditerranée a été décidée, avec
les encouragements de la Communauté européenne, à la suite de la Résolution A.682 (17) de l’OMI adoptée en 1991 sur
« la coopération régionale en matière de contrôle des navires
et rejets ». C’est ainsi que différentes autorités maritimes vont
signer le 11 juillet 1997 à la Valette (à Malte) le Mémorandum
de Méditerranée (en abrégé « MOU-Med ») qui était ouvert à
tous les Etats riverains qui n’étaient pas signataires du Mémorandum de Paris de 1982. Parmi les Etats signataires de cet instrument, on pouvait ainsi mentionner l’Algérie, Chypre, l’Egypte,
Israël, Malte, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, la Jordanie, le Liban
et l’Autorité palestinienne. Cependant, la Lybie et la Syrie ont
décidé ne pas y adhérer. Pour confirmer son soutien et sa solidarité l’Union Européenne en tant qu’organisation communautaire ainsi que certains Etats membres pris individuellement (et
notamment l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie) vont décider de se joindre à ce Mémorandum en qualité d’observateurs,
aux côtés de diverses autres organisations internationales telles
que l’OMI, l’OIT et l’AISC.
• Un dispositif fidèlement inspiré du Mémorandum de
Paris de 1982
Bien qu’ayant fixé modestement son taux de contrôle à 15%
au lieu de 25%, le Mémorandum de Méditerranée a été fidèlement calqué sur celui de Paris dans toutes ses principales dispositions, c’est-à-dire aussi bien en ce qui concerne les objectifs
généraux, que les procédures d’inspection ou d’immobilisation
des navires (19). C’est ainsi qu’il est prévu un contrôle visant à
faire respecter les Conventions pertinentes de l’OMI (20) ; il comprend :
- d’une part, une obligation d’information sur les navires
sous-normes, et notamment l’établissement d’une liste noire
des navires sous-normes en circulation dans l’espace régional
du MOU,
- et d’autre part, la centralisation de l’information reçue du
Centre d’information (basé à Casablanca au Maroc) par un Secrétariat du MOU (basé à Alexandrie en Egypte) qui construit
une base de données et établit des statistiques.
Ce dispositif rejoint ainsi d’autres Mémorandums du même
type en vigueur à travers le monde
• Mais c’est un dispositif à parfaire…
Outre ses difficultés internes (insuffisance de moyens humains, faiblesses en formation des inspecteurs, manque d’infrastructures, défaillance des Etats en matière de cotisations au
budget du MOU mais également sur les contrôles à effectuer),
on relève certaines difficultés qui concernent plus spécifique-
(19) Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du fait du
transport maritime de marchandises », Bibliothèque du Centre de Droit
Maritime et des Transports, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2003,
pp.261 et suiv.
(20) Lignes de charge (1966), SOLAS (1974, et ses protocoles), MARPOL
(1973/1978), STCW (1978), COLREG (1972), OIT n°147 sur les normes
minima à bord des navires marchands (1976), Code ISM (1993), etc.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
ment la présence européenne (21). Nous laisserons de côté
le cas de Chypre et de Malte qui, avant l’entrée dans l’Union
Européenne, constituaient de très mauvais élèves au sein du
MOU-Med. Au-delà des Etats membres, des études sérieuses
considèrent, en effet, que la « régionalisation du Port state control » au niveau méditerranéen constitue un échec puisque le
MOU-Med ne concerne que les ports des Etats du Sud et de l’Est
de la Méditerranée, les Etats de l’Union européenne c’est-à-dire
ceux du Nord de la Méditerranée étant déjà tous engagés dans
le Mémorandum de Paris.
Selon les mêmes experts, l’écart s’est encore creusé depuis
la communautarisation du Mémorandum de Paris par la Directive communautaire de 1995 qui rend obligatoire les contrôles
par l’Etat du port au sein de l’Union Européenne, alors que ces
contrôles demeurent facultatifs dans le cadre du MOU-Med ce
qui en fait en définitive un instrument inefficace fondé sur du
« droit mou » (soft law). On se retrouve, en conséquence, en
présence d’une « fracture régionale », avec au Nord de la Méditerranée le respect d’un contrôle plus rigoureux et renforcé
(avec les conséquences juridiques qui en découlent, et notamment la possibilité de déclencher des recours en manquement
devant les juridictions communautaires), et au Sud et à l’Est de
la Méditerranée, le constat d’un contrôle laxiste, voire largement illusoire ou inexistant.
II • Une politique nouvelle de coopération
renforcée dans le domaine de la sûreté et de
la sécurité maritimes
Suite aux catastrophes de l’Erika et du Prestige, la Commission européenne a immédiatement réagi, dans le sens
d’une politique de renforcement de la coopération maritime,
en proposant l’application accélérée des « Paquets Erika », un
certain nombre d’initiatives complémentaires concernant plus
particulièrement les problèmes posés par le transport par mer
de produits très polluants comme le fioul lourd, ainsi qu’une
coordination renforcée au sein de l’Organisation Maritime Internationale (22). La Commission estime qu’il est fondamental
que ces propositions trouvent leur prolongement au plan euroméditerranéen, afin de tirer pleinement les conséquences de
ces dernières catastrophes. Ceci passe par un rapprochement,
et à terme une harmonisation, des législations des Partenaires
méditerranéens avec l’acquis communautaire et la législation
internationale (23).
Loin de se confiner à la sécurité des navires et à la protection de l’environnement marin, cet effort considérable de
coopération recouvre également aujourd’hui la question délicate et voisine de la « sûreté maritime » (terrorisme, piraterie,
trafics de stupéfiants, immigration clandestine…). L’ensemble
se décline en une multiplication (parfois un peu déroutante)
(21) Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du fait du
transport maritime de marchandises », op.cit., p.269.
(22) COM (2002) 681 final du 3/12/2002, Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil suite au naufrage du pétrolier
« Prestige ».
(23) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen
sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport »
- op.cit., p.14.
de « Programmes » et « Plans », mais aussi par le sentiment
rassurant d’un nouvel élan en faveur d’une coopération plus
diversifiée et intégrant désormais « sécurité » et « sûreté »
maritimes dans les objectifs des Etats.
A• La multiplication des Programmes et Plans
communautaires sur la sécurité maritime en Méditerranée et leurs limites
• Création d’un cadre institutionnel Euro-Méditerranéen pour la coopération dans les transports
Au niveau régional, un Forum Euro-méditerranéen des
Transports a été créé en 1998 et constitue l’enceinte de référence pour le développement de la coopération régionale
dans le secteur des transports. Il est organisé et présidé par
la Commission européenne, et se compose des haut-fonctionnaires des transports des Etats Membres de l’UE et des Partenaires méditerranéens. De manière plus opérationnelle a été
également instituée une « Conférence euro-méditerranéenne
des Ministres des transports ». Dans ce double cadre, l’UE et
les Partenaires méditerranéens discutent et arrêtent conjointement les principes et modalités de la coopération dans le
domaine de la sécurité maritime, dans le droit fil des Paquets
Erika et des mesures « Prestige » (24). Parmi les grands principes
souvent réaffirmés au sein de ces deux instances de coopération maritime, on pourrait rappeler :
- l’interdiction du transport de fioul lourd par des pétroliers à
simple coque,
- la nécessité de renforcer les sanctions pénales contre les responsables d’accidents de pollution résultant de négligences
flagrantes,
- l’instauration de mesures de protection renforcée des eaux
côtières, en particulier la mer territoriale et la zone économique exclusive (ZEE),
- le bon exercice des compétences de l’Etat du pavillon,
- le suivi et le contrôle du trafic (VTMIS méditerranéen, inspections par l’Etat du port),
- le renforcement de la sécurité et de la sûreté des navires et
des installations portuaires dans la région,
- l’urgence de la mise en place d’un Plan d’action régional des
transports.
C’est également au sein de cette instance binaire que se
décident toutes les politiques de programmation et de planification dans le domaine de la sécurité maritime, en s’inscrivant
en outre, en ce qui concerne la protection de l’environnement
marin, dans le cadre des programmes d’action pluriannuels élaborés par l’Union Européenne (25).
(24) Cf. COM (2002) 681 final. Ces propositions concernent l’interdiction du
transport de fioul lourd par des pétroliers à simple coque, l’introduction
de sanctions pénales pour les responsables d’accidents de pollution résultant de négligences flagrantes, la mise en place d’un système d’agrément
communautaire des certificats de compétence des marins délivrés en dehors de l’UE, le renforcement du système de “reporting” par les pilotes
de ports, et des mesures de protection renforcée des eaux côtières, en
particulier la mer territoriale et la zone économique exclusive (ZEE).
(25) Pour une étude détaillée de cette importante politique de planification, v°
L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protection de l’environnement marin dans la Méditerranée », v° Institut du Droit Economique
de la mer : « Convergences méditerranéennes », Revue de l’INDEMER,
Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142 et suiv.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Depuis la Conférence euro-méditerranéenne des Ministres
de transport tenue à Marrakech en 2005, l’Union Européenne
avait en effet présenté un exposé sur la coopération euro-méditerranéenne en matière de transport, en identifiant notamment certaines priorités (par exemple dans le domaine de la
sûreté) et en les mettant en exergue dans un document stratégique appelé « Plan régional de transport 2007-2013 ».
• Le Programme MEDA de Coopération régionale entre l’Union Européenne et ses Partenaires méditerranéens (26)
Pourquoi un tel dispositif et en quoi consiste-t-il ?
Le programme MEDA se veut un « Programme de partenariat économique euro-méditerranéen » mis en place
par l’Union Européenne pour favoriser, dans le cadre de la Convention de Barcelone et de ses Protocoles, la lutte contre la
pollution de la Méditerranée. Il s’agit plus concrètement d’un
programme de partenariat et de financement européen :
- pour faire face à l’immobilisme des Etats méditerranéens en
matière de politiques de protection de l’environnement marin (27),
- pour soutenir l’action du REMPEC en matière de lutte contre
les pollutions,
- pour combattre la pollution opérationnelle provenant des navires (28),
- et enfin pour encourager la mise en place d’un Plan d’Action
visant à doter les ports méditerranéens d’installations de réception des déchets et résidus polluants provenant des navires, dans le respect des exigences de la Convention MARPOL
et de la Directive communautaire du 27 novembre 2000 (29).
En effet, un état des lieux du contexte méditerranéen et
certains rapports avaient laissé apparaître ces dernières années
et dénoncé fortement (30) :
- la faible amélioration de la situation d’organisation des Etats
méditerranéens en matière de lutte contre la pollution de la
mer par les rejets provenant des navires ;
(26) Programmes 2000-2006 INTERREG III A Espagne / Maroc ; III B MEDOC
et ARCHIMED.
(27) C’est ainsi que l’Union Européenne finance à hauteur d’environ 1.750.000
euros un « Projet régional pour le développement de zones maritimes et littorales protégées dans la région de la Méditerranée », dit
Projet MedMPA, et qui vise notamment à réaliser des actions concrètes
aidant les Etats riverains à assumer leurs obligations relatives à l’application de la Convention de Barcelone et de son protocole concernant la les
zones spécialement protégées et la bio-diversité (dit Protocole SPA).
(28) V° sur ce problème, J.N. BREHON : « La prévention contre les déballastages en mer », Le Monde Economie, 4 novembre 2000, p. IV ; M. LE
TALLEC : « Pollutions volontaires : début du combat », Le Marin, 8 déc.
2000, n°2787, p.6.
(29) V° le « Plan d’action concernant la mise en place d’installations de réception portuaires adéquates dans le Bassin Méditerranéen », Le Caire
(Egypte), 16-19 déc. 1991, Malte éd. OMI/PNUE/REMPEC, 1991, réf. REMPEC/WG.4/4-Appendice IV.
A l’échelle intra-européenne, la mise en place de telles installations a été
organisée et obéit en effet à une Directive 2000-59/CE du Parlement et
du Conseil en date du 27 novembre 2000, JOCE n°L.332 du 28/12/2000,
p.0081.
(30) « Rapport de la réunion des Experts nationaux sur les installations de réception portuaires en Méditerranée », Le Caire (Egypte), 16-19 déc. 1991,
Malte éd. OMI/PNUE/REMPEC, 1991, réf. REMPEC/WG./4.
Adde : Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du
fait du transport maritime de marchandises », Bibliothèque du Centre de
Droit Maritime et des Transports, Presses Universitaires d’Aix-Marseille,
2003, pp.261 et suiv.
Juillet 2010 • N°2
/15
- l’absence d’une volonté politique suffisamment forte pour faire face individuellement et conjointement à leurs problèmes
communs ;
- l’absence de moyens financiers pour assurer la construction
d’installations de réception, ou la modernisation d’installations existantes ;
- l’insuffisance d’une mise en œuvre effective par les Etats,
des réglementations en matière de sécurité maritime et des
sanctions appropriées
- le manque de personnel qualifié dans de nombreux ports
méditerranéens ;
- ou encore l’absence de coordination régionale satisfaisante
et de coopération régionale pour le contrôle des navires par
l’Etat du port et pour la surveillance des voies de navigation.
• Le Programme « SAFEMED »
Le programme SAFEMED (ou « Projet de coopération
euro-méditerranéenne sur la sécurité maritime et la prévention de la pollution par les navires ») qui a été lancé en
novembre 2005 constitue, dans son domaine, l’une des réalisations majeures de l’Union Européenne de ces dernières années.
Doté initialement d’un financement européen de 4,5 millions
d’euros, ce projet vise deux objectifs majeurs et globaux :
- l’amélioration durable de la protection des eaux méditerranéennes contre les risques d’accidents en mer et de pollution
marine ;
- et la réduction, dans le sillage de l’activité de l’OMI et la dynamique du Programme MEDA, du fossé existant entre le cadre
réglementaire international et la législation effectivement applicable dans l’espace méditerranéen en matière de sécurité
maritime.
Ce Projet s’attaque ainsi très concrètement :
- à la mise en œuvre effective de la législation sur les pavillons
nationaux et le contrôle effectif des sociétés de classification ;
- au renforcement du contrôle de la sécurité de la navigation,
à travers notamment l’établissement d’un système de suivi
du trafic méditerranéen, compatible avec les systèmes en vigueur au sein de l’Union Européenne notamment depuis une
Directive communautaire du 27 juin 2002 (31) ;
- la protection accrue de l’environnement méditerranéen, en
mettant un accent particulier sur le respect des engagements
issus de la Convention de Barcelone, l’éradication des obstacles à l’application des conventions internationales de l’OMI,
et la lutte contre les rejets illicites d’hydrocarbures en mer ;
- et enfin, la formation et le renforcement qualitatif et quantitatif des effectifs de fonctionnaires des administrations maritimes des pays de l’espace méditerranéen.
Lors de la 4ème réunion du « Forum Euro-méditerranéen des
transports » tenue à Bruxelles le 7 Février 2008, les représentants de l’Union Européenne ont informé les membres du Forum qu’à la lumière de l’expérience positive du projet SAFEMED,
il avait été décidé de conclure à compter de 2009 et avec la
collaboration de l’OMI et du REMPEC, un nouvel accord baptisé
(31) Directive du Parlement et du Conseil du 27 juin 2002, JOCE, L.208, du 5
août 2002 – Pour un commentaire de ce texte, v° P.BONASSIES : « Le droit
positif français en 2002 », DMF H.S n°7-Juin 2003, ss. n°7, pp.11-12
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
SAFEMED-II, pour la mise en œuvre du nouveau projet MEDA,
et destiné à succéder et à compléter le dernier projet SAFEMED,
avec un budget global de 5,5 millions d’euros (32).
On le voit donc, l’Union Européenne s’investit ici, directement et très fortement, aux côtés de ses partenaires méditerranéens, et en particulier dans l’intérêt des moins développées,
pour soutenir leur action et pour favoriser une véritable dynamique régionale dans le domaine de la sécurité maritime et
de la protection de l’environnement marin. Et il est clair que
cette coopération est appelée à se renforcer davantage encore
avec le projet européen de développement des autoroutes de
la mer dans le Bassin méditerranéen (33) et surtout face aux
grands défis liés à l’insécurité dans la région.
• Les faiblesses et limites de la coopération communautaire
Comme en matière d’aide au développement tout le problème reste à savoir jusqu’où doivent aller de telles politiques
et dans quelle mesure elles ne risqueraient pas de déresponsabiliser les principaux concernés. Il règne également un certain
sentiment de confusion devant la grande diversité et l’empilement des « Plans » et « Programmes » communautaires. Certaines initiatives nationales ou bilatérales semblent par ailleurs
constituer un double emploi avec les dispositifs internationaux
ou communautaires :
- le cas du « Réseau Virtual Regional Maritime traffic center »
initié par la marine italienne et crée pour partager l’information maritime qui recoupe certaines missions du MOU-Med ;
- le cas de l’Accord franco-italo-monégasque relatif à la protection des eaux du littoral méditerranéen, signé à Monaco
le 10 mai 1976, qui a prévu une collaboration étroite entre
les services compétents des trois gouvernements pour lutter
contre la pollution de leurs eaux territoriales et intérieures,
entre St-Raphaël et La Spezia. On a ici le sentiment d’une
fragmentation, d’une balkanisation, ou d’une miniaturisation
d’une coopération initialement voulue comme régionale et
plus élargie.
On pourrait également, entre autres, déplorer :
- une mauvaise coordination entre les actions visant spécifiquement la sécurité maritime avec les autres actions développées dans le cadre de la coopération dans les secteurs de
la justice, de l’immigration, et des douanes.
- une coordination peu satisfaisante entre le MOU-Med sur le
(32) V° compte-rendu du « Forum Euro-méditerranéen des transports - Groupe
de travail sur le transport maritime, Sous-groupe de travail sur la sécurité
maritime », 4ème réunion, Bruxelles, 7 Février 2008.
(33) Il est clair, selon les autorités européennes, que le Bassin méditerranéen
constitue un terrain privilégié pour le développement de ces Autoroutes
de la Mer qui seront donc un élément-clé du réseau euro-méditerranéen
de transport. Ainsi, dans le cadre de l’exercice de révision des orientations
communautaires du réseau transeuropéen de transport, amorcé dans le
cadre du Groupe Van Miert, une priorité va être accordée à plusieurs Autoroutes de la Mer en Méditerranée, reliant Malte et Chypre au reste de
l’Union européenne ainsi qu’aux pays des rives Sud et Est de la Méditerranée. Une autoroute de la mer reliant le nord de la Grèce au Sud-Est de la
Turquie et au Proche-Orient, et desservant la région des Balkans ainsi que
Chypre, pourrait également être envisagée.
V° Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 final, p.7.
contrôle des navires par l’Etat du port
de Paris.
(34)
et le Mémorandum
Face à l’immobilisme et au manque d’efficacité des administrations maritimes des Etats riverains l’on se demande
aujourd’hui s’il n’est pas souhaitable que ces administrations
puissent devenir membres « associés » de l’Agence européenne pour la sécurité maritime. Mais la question n’est pas à l’ordre
du jour, et pour l’instant cette Agence n’offre pleinement ses
services qu’aux Etats membres de l’Union, et propose exceptionnellement quelques services de formation et d’assistance
technique aux partenaires méditerranéens lorsqu’ils en font la
demande (35). Ce qui est déjà, somme toute, fort appréciable…
B• Les perspectives nouvelles de la coopération
communautaire en matière de sécurité et de sûreté
maritimes
• Le renforcement de la sûreté des installations maritimes et portuaires
Depuis les évènements tragiques du 11 septembre 2001 et
les attentats terroristes contre le pétrolier français « Limburg »
et le patrouilleur américain « USS Cole » au large du YEMEN, la
question de la sûreté des installations maritimes et portuaires
est devenue une préoccupation majeure à travers le monde,
et encore plus dans l’espace méditerranéen qui est malheureusement connu pour être un espace souvent instable et une
zone de tensions permanente. C’est ainsi que tous les Etats se
sont sentis concernés par l’entrée en vigueur de la Convention
ISPS (International Code for Ship and Port Security) adoptée à
la Conférence diplomatique de l’OMI du 12 décembre 2002, et
qui constitue désormais le cadre juridique du combat mondial
contre ce fléau dans les mers et dans les ports.
La Méditerranée avec un trafic maritime surchargé et plus
de 300 ports ne pouvait échapper à une telle dynamique. Ainsi,
la Commission européenne dans sa communication de 2003 au
Conseil et au Parlement avait conclu que, de son point de vue,
la coopération euro-méditerranéenne devrait s’articuler autour
des axes suivants, notamment en ce qui concerne le renforcement de la sécurité et de la sûreté maritimes (36) :
- promouvoir, tant au niveau bilatéral que régional, l’harmonisation des législations des Partenaires méditerranéens avec
l’acquis communautaire et la législation internationale dans le
domaine de la sécurité maritime ;
- favoriser l’adoption par les Partenaires méditerranéens des
règles internationales en matière de sûreté maritime et aérienne et la mise en place par ces pays de mécanismes de
contrôle efficace du respect de ces règles ;
(34) Le MOU méditerranéen a été signé en 1997 par l’ensemble des Partenaires méditerranéens et a son secrétariat basé à Casablanca. L’adhésion de
Malte et Chypre à l’UE constituera un lien fort entre le MOU méditerranéen et le Mémorandum de Paris dans la perspective d’une Méditerranée
plus sûre et plus propre.
(35) V° sur ce point, Compte-rendu du « Forum Euro-méditerranéen des transports - Groupe de travail sur le transport maritime, Sous-groupe de travail
sur la sécurité maritime », 4ème réunion, Bruxelles, 7 Février 2008.
(36) V° Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen
sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport »
- Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 final.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
- en fonction des disponibilités financières du programme
MEDA et des contributions attendues des partenaires euroméditerranéens, mettre en place un Institut euro-méditerranéen de la sécurité et de la sûreté dans l’un des Partenaires
méditerranéens.
Dans sa Directive 2005/65/CE relative à la sûreté des installations maritimes et portuaires, la Commission introduit cette
nouvelle politique dans l’arsenal juridique communautaire et
insiste sur la nécessaire coopération régionale et en particulier
avec les partenaires méditerranéens.
• La lutte contre les trafics illicites et les circuits d’immigration clandestine
Ces questions sont devenues une préoccupation majeure
de l’Union Européenne dans ses rapports avec ses partenaires
de méditerranéens. A côté des questions traditionnelles concernant la sécurité maritime, elles trouvent un écho renforcé dans
le Rapport du Parlement européen (dit Rapport Willi PIECYK) du
21 avril 2008, ainsi que dans le « Livre bleu » de la Commission
sur une politique maritime intégrée (PMI) du 10 octobre 2007
qui tient compte lui-même du « Livre vert élaboré dans la Commission : « Vers une politique maritime de l’Union : une vision
européenne des océans et des mers » (37).
Le Rapport du Parlement européen met, notamment, l’accent sur le rôle crucial de l’espace méditerranéen et des régions
ultra-périphériques dans la lutte contre la contrebande et l’immigration clandestine, et éventuellement contre les risques de
piraterie et invite l’Union Européenne à renforcer ses dispositifs
de coopération en leur direction.
• Quelles nouvelles perspectives dans le cadre de
l’Union pour la Méditerranée ?
Lancé en 1995, dans le cadre du Processus de Barcelone
dit « EUROMED », le Projet politique d’une « Union pour la Méditerranée » a été solennellement réaffirmé au cours de l’appel de Rome du 20 déc. 2007 par le Président français Nicolas
SARKOZY. Il s’en était suivi une Réunion des Chefs d’Etats et de
Gouvernements le 13 juillet 2008 à Paris. Mais une « Union »
pour quoi faire ? Et quel intérêt pour la mer ? Dans l’esprit des
décideurs politiques, ce grand projet devait permettre la réalisation d’objectifs urgents et particulièrement bénéfiques pour
(37) Bruxelles, 7 juillet 2006, COM(2006) 275 final.
Juillet 2010 • N°2
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l’intérêt commun de tous les Etats de la région :
- Instituer un partenariat entre les pays du pourtour de la Méditerranée,
- Créer un espace de libre-échange économique,
- Favoriser une coopération renforcée dans les tous les domaines (y compris dans le domaine des affaires maritimes, des
transports et de l’environnement).
La Déclaration commune du Sommet de Paris du 13 juillet
2008 souligne par exemple « l’urgence d’une dépollution de la
Méditerranée à l’horizon 2020 » (car elle constitue un vrai trait
d’union entre les peuples riverains, et pour qu’elle redevienne
vraiment la « Grande Bleu » selon l’expression de l’Ambassadeur Alain ROY, Responsable du projet). Cette Déclaration rappelle également le projet de la mise en place des « autoroutes
maritimes » (notamment entre Alexandrie et Tanger), et elle
réaffirme, enfin, la nécessité d’accorder une attention particulière à la « coopération dans le domaine de la sûreté et de
la sécurité maritimes », dans la perspective d’une intégration
globale da la région méditerranéenne.
Il est cependant bien clair que cet ambitieux projet communautaire suscite beaucoup de scepticisme des deux côtés des
rives de la Méditerranée. Beaucoup observent, avec regret, qu’il
ne s’agit pas véritablement d’« intégration », mais d’une simple
« coopération », ce qui à leurs yeux s’avère très insuffisant et
très peu novateur compte tenu des enjeux en présence.
D’autres s’interrogent plus malicieusement : ne veut-on pas
simplement se servir du Sud de la Méditerranée comme un
« pare-choc » entre l’Europe et l’Afrique ? D’autres, enfin, n’y
voient qu’un simple prétexte pour imposer à toute la région la
véritable et sempiternelle préoccupation de l’Europe, à savoir
la lutte contre les trafics illicites et les circuits de l’immigration
clandestine.
Mais quel que soit le bien fondé de ces critiques ou accusations, le fait est incontestable : l’Europe et les différents Etats
des deux rives de la Méditerranée sont indéfectiblement liés
dans un environnement commun, et ont bien compris la nécessité et l’urgence de faire de la « Mare medi terra » un lieu de
dialogue et d’action communautaires, mais également un cadre
écologique à préserver et un lieu de sécurité commune. L’heure
est certainement venue, aujourd’hui, de donner un nouveau
coup d’accélérateur à ce noble projet… ■
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
L’Affaire du « Probo Koala »
ou les insuffisances du Droit face au trafic illicite
de déchets dangereux
par ■ Marie BOURREL (1),
Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.),
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes,
et Joseph BREHAM (2),
Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET.
Summary
Despite an important legal framework dedicated to shipment of waste at both global and regional scale, illegal shipments still
growing especially between developed and less developed countries. The illegal discharge of toxic waste from the Probo Koala in
2006 in Ivory Coast, highlighted the difficulty of taking binding action against all stakeholders involved whereas injured people have
to own up to the failures and gaps of legal existing tools. This is even more critical concerning ship generated waste and cargo residues. Indeed, due to maritime specificities, this type of waste is not included in the general legal framework. Consequently, specific
rules must be applied. Although the Probo Koala called at several european ports, none decided to stop the ship. Nevertheless, if
the Port State Control could have been used as initially predicted, the ship should not have been able to leave the european waters
and finally drop illegal waste in environmentally unsound facilities.
As long as no priority would be given at the global scale to punish and to compensate damages, through criminal sanctions,
illegal shipment of waste will increase.
La plupart des indicateurs statistiques publiés récemment
montrent que les sociétés actuelles doivent faire face à une
forte augmentation du volume des déchets produits dont une
proportion grandissante de déchets toxiques. Ainsi près de 300
millions de tonnes de ces déchets autres auraient été produits à
travers le monde en 2000 (3). Si l’information disponible sur les
mouvements transfrontières de ce type de déchets s’est particulièrement améliorée ces vingt dernières années, il demeure très
difficile de délivrer une estimation précise des quantités de déchets produits et transportés au niveau mondial. Toutefois, selon
les informations rapportées par les Parties à la Convention de
Bâle en 2000, près de 3,5 millions de tonnes de déchets dangereux auraient fait l’objet de mouvements transfrontières (4).
Malgré un dispositif juridique a priori abouti en la matière et
dont la préoccupation principale est de limiter les mouvements
transfrontières de déchets dangereux, la mise à jour de réelles
filières établies entre pays développés et pays sous-développés
(1) Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de
Droit et des Sciences Politiques de Nantes.
(2) Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET.
(3) Global Environment Outlook (GEO) 4, L’environnement pour le développement, PNUE, 2007, p.317.
(4) GEO4, L’environnement pour le développement, PNUE, 2007, p.319.
ou en développement reste toujours d’actualité. De tels trafics
permettent encore à des sociétés de traiter avec des Etats souverains souvent très endettés et avides de devises étrangères,
tout ceci sur fond de transports effectués au moyen de navires exploités sous pavillon de libre immatriculation plus connus
sous le terme de « pavillons de complaisance ».
La prise de conscience de la Communauté internationale en
matière de mouvements transfrontières de déchets dangereux
remonte au début des années 1980 avec tout d’abord le scandale des fûts de dioxine de l’usine Seveso (5), puis les affaires
des navires Khian Sea (6), Karin B (7) et Zanoobia (8) et enfin la
(5) A la suite de la catastrophe de l’usine chimique ICMESA plus connue sous
le nom de « catastrophe Seveso » survenue le 10 juillet 1976 en Italie, 41
fûts contenant des déchets issus du démantèlement des installations en
l’occurrence de la dioxine, avaient en effet disparus après leur passage de
la frontière franco-italienne. Ils seront retrouvés en mai 1983 en France
dans l’Aisne, dans un abattoir désaffecté où ils avaient été transportés
illégalement.
(6) En 1986, ce cargo est devenu tristement célèbre après avoir tenté de se débarrasser dans différents ports sud-américains de sa cargaison de cendres
toxiques (15 000 tonnes) chargées à Philadelphie. Disparu un moment, le
navire réapparaît en 1998 à Singapour sous le nouveau nom de Pelicano.
V. COOKE(A) et CHAPPLE (W), Guilty by Association ? The Case of the Karin B
Scare, European Journal of Law and Economics, vol.5, 1998, pp.5-12.
(7) Ce cargo construit en 1987 et qui navigue encore aujourd’hui sous le nom
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
mise à jour de plusieurs contrats d’exportation de milliers de
tonnes de déchets dangereux aux fins d’élimination conclus entre des sociétés implantées dans des pays développés et certains pays du tiers-monde. La Société civile découvre alors que
les déchets produits en masse dans les pays industrialisés et
dont il devient très coûteux de se débarrasser sont transportés
et abandonnés dans des pays économiquement moins avancés
et rarement pourvus des installations adaptées. C’est sur cette
carence en savoir faire et en équipement que le marché d’exportation de déchets se construit. Les coûts de traitement et
d’élimination proposés alors par les pays d’importation excluent
de leur logique les exigences sanitaires et sécuritaires érigées
pourtant en standards dans les pays développés, permettant
ainsi aux mécanismes économiques traditionnels que sont l’offre et la demande d’asseoir un peu plus la pérennité de tels
trafics. Dès lors, les déchets produits et transportés dans ces
pays sont généralement abandonnés sans qu’aucun véritable
contrôle ou une gestion adaptée pour la santé humaine ou la
protection de l’environnement ne soit pris en compte.
Le déversement sauvage des déchets transportés par le navire Probo Koala en Côte d’Ivoire, dans la nuit du 19 au 20 août
2006, en est une parfait illustration. C’est l’étude de ce cas qui
fait l’objet de la présente communication.
Le Probo Koala, vraquier battant pavillon du Panama (9), appartenant au moment des faits à une société armoriale grecque (10) et affrété par la Société TRAFIGURA (11) disposant de son
centre opérationnel à Londres (Royaume-Uni), de son adresse
fiscale à Amsterdam (Pays-Bas) et de son siége social à Lucerne
(Suisse), a en effet servi à acheminer des déchets répondant à
la qualification de « déchets dangereux » au sens du droit inter-
(3) de Patara, toujours sous pavillon italien, avait alors servi en 1987 à transporter 6 000 bidons de déchets toxiques qui après plusieurs tentatives
auprès de nombreux ports européens avaient illégalement été déchargés
sur la plage de Koko au Nigeria. Sous les pressions répétées du gouvernement nigérian et de la Communauté internationale, l’Italie avait finalement
réimporté les déchets en 1988 ; GREENHOUSE (S), Toxic Waste Boomerang : Ciao Italy !, New York Times, 3 septembre 1988. Voir également
COOKE(A) et CHAPPLE (W), Guilty by Association ? The Case of the Karin B
Scare, European Journal of Law and Economics, vol.5, 1998, pp.5-12.
(8) Cargo immatriculé en Syrie, le Zanoobia a écumé toutes les mers du globe
de l’Italie à Salonique en passant par Djibouti pour déposer sa cargaison
de 200 tonnes (10 876 barils) de déchets toxiques provenant de plusieurs
entreprises italiennes rattachées à des multinationales suisses dont CIBA
GEIGY, SANDOZ et SIKA. Il arrive finalement en Italie en 1988 sans avoir pu
se débarrasser de ses déchets.
(9) Ce navire à simple coque de 48 077 tonnes de port en lourd, construit en
1986, a longtemps été exploité sous pavillon britannique et norvégien. Il
opère aujourd’hui sous le nom de Gulf Jash.
(10) Il s’agissait de la société PRIME MARINE MANAGEMENT. Le Gulf Jash appartient aujourd’hui à la société GULF NAVIGATION HOLDING PJSC.
(11) La société TRAFIGURA a été créée en 1993 par Claude Dauphin, actuel
président du conseil d’administration, et Eric de Turckheim. Cette multinationale est spécialisée dans le négoce des marchandises comme le
pétrole brut, les produits raffinés, les concentrés de métaux et les métaux
raffinés. Elle fournit également les navires et les installations nécessaires
à leur transport et à leur stockage. La Société mène ses activités à travers
plusieurs entités, notamment la société-mère, TRAFIGURA BEHEER BV qui
est basée au Pays-Bas ; la filiale londonienne, TRAFIGURA LIMITED, en
charge de la gestion des opérations du groupe et enfin le groupe de
société PUMA dont fait partie PUMA INTERNATIONAL CI basée en Côte
d’Ivoire et dont la participation à la catastrophe survenue à Abidjan ne
peut être réfutée.
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national (12) et communautaire (13) en Côte d’Ivoire en août 2006
et ce, via les ports européens d’Amsterdam (Pays-Bas) (14), de
Paldiski (Estonie) (15) et de Las Palmas (Espagne) (16). Ces déchets
ont par la suite été déposés dans dix huit sites à travers Abidjan
entraînant l’empoisonnement de milliers d’habitants et le décès
de seize d’entre eux.
A l’origine de cette catastrophe sanitaire et environnementale, le manquement à l’obligation communautaire d’envergure
internationale de déposer les résidus de cargaison du navire
dans le port d’Amsterdam. En effet, après d’âpres négociations
entre l’affréteur (la Société TRAFIGURA) et la société agréée (la
Société Amsterdam Port Services - APS) (17) pour la réception
des déchets et une hausse soudaine des tarifs demandés par
celle-ci pour procéder aux opérations (18), les résidus ont été
rechargés à bord du navire sur ordre de l’affréteur. Le navire
est alors reparti sans encombre pour l’Estonie où il arrive le 9
juillet et en repart trois jours plus tard. Trois escales suivent :
l’une à Las Palmas (Iles Canaries), la deuxième à Lomé (Togo)
et la troisième à Lagos (Nigeria). Pendant ce trajet, la société
PUMA ENERGY CI, filiale de TRAFIGURA en Côte d’Ivoire (19), prend
attache avec la société TOMMY (20) pour que celle-ci assure le
(12) Selon l’article 1 §1 de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992, les déchets
dangereux sont définis comme tels soit par les législations nationales, soit
en combinant les annexes I et III de la Convention. Texte in Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 1673, 1992, p.57 et s.
(13) V. l’article 1 § 4 de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux ; JOCE, n°L 377, 31 décembre
1991, p. 20 et s.
(14) Le navire accoste en effet au port d’Amsterdam le 2 juillet 2006 et reprend la mer le 5 juillet 2006.
(15) Le navire restera au port de Paldiski entre le 9 et le 12 juillet 2006.
(16) Le navire accoste le 23 juillet 2006 au port de Las Palmas.
(17) Le navire s’était en effet manifesté auprès de la société APS afin de débarquer dans le port 554 m3 de résidus de cargaisons liquides contenant
des hydrocarbures, désignés généralement sous le terme de « slops ».
(18) Les coûts présentés pour réaliser de telles opérations ont en effet été
fortement augmentés, passant de 20 €/m3 à 900 €/m3 du fait de la
présence en quantité de substances inhabituelles pour des résidus de
cargaison traditionnels.
(19) La société TRAFIGURA est l’actionnaire unique de la société PUMA INTERNATIONAL CI dont l’objet social est le stockage et la vente des produits
pétroliers sous douane. Il appert de différents documents que la société
PUMA INTERNATIONAL CI est intervenue de manière active dans le mouvement transfrontière des déchets toxiques à l’origine de l’empoisonnement de la population ivoirienne et des atteintes à l’environnement. Pour
preuve, le message électronique envoyé le 17 Août 2006 par M. Marrero
(responsable des opérations pour l’essence, le GPL et le Naphta) à M. Kablan (administrateur général adjoint de PUMA INTERNATINAL CI) précisant
la nature et la composition de la cargaison et les informations transmises
par M. Ugborugbo (Société WAIBS) à M. Kablan au sujet des règlements
consécutifs au déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire.
(20) Les statuts de cette compagnie, adoptés le 10 mai 2006, ont été enregistrés le 24 mai 2006 à la Direction du recouvrement de la Direction
générale des impôts à Abidjan. Il ressort de ces statuts que la compagnie
TOMMY a pour objet : la vidange, l’entretien des navires, la fourniture de
matériels mécaniques, électriques, frigorifiques et divers, la représentation commerciale, l’importation, l’exportation et la commercialisation de
divers produits, la construction, la restauration de bâtiments et l’exploitation de tout établissement industriel ou commercial. La Société TOMMY
venait juste d’obtenir son agrément et d’hériter de ces opérations jusque
là détenues par une société concurrente, l’INDUSTRIE DE TECHNOLOGIE
ET DE L’ENERGIE. Malgré son peu d’expérience, TOMMY va présenter au
commandant du port, l’agrément du ministre des transports l’autorisant à
réceptionner les déchets et à les déverser à la décharge d’Akouédo.
20/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
déchargement des déchets (21). Le navire arrive finalement le 19
août 2006 dans le port d’Abidjan où les déchets sont confiés à
divers prestataires qui procéderont à leur déversement sauvage
dans plusieurs sites inadaptés autour de la capitale ivoirienne (22).
Dès le lendemain, plusieurs plaintes sont déposées par des habitants « gênés » par les odeurs putrides qui se répandent dans
les différents districts de la capitale ivoirienne. Le Centre ivoirien
anti-pollution (CIAPOL) déclenche alors une enquête destinée à
déterminer la provenance de ces odeurs. Le Probo Koala est immédiatement identifié comme étant à l’origine des émanations
suffocantes. Devant le refus de l’équipage de laisser monter les
inspecteurs du CIAPOL à bord, seuls des prélèvements effectués
sur des matières tombées à quai à l’occasion des opérations de
transbordement seront analysés. Les résultats mentionneront la
présence d’une forte dose de sulfure d’hydrogène et par voie de
conséquence la haute toxicité des déchets déversés. Alors que
l’immobilisation du navire s’imposait, les autorités ivoiriennes le
laissent quitter le port d’Abidjan le 22 août 2006. Le navire ne
sera finalement bloqué qu’un mois plus tard au port de Paldiski.
L’OCDE fut la première à s’atteler à l’élaboration d’instruments juridiques spécifiques destinés à contrôler efficacement
les mouvements transfrontières de déchets dangereux. Aussi le
Conseil des ministres de l’OCDE a-t-il adopté en 1984, une Décision-Recommandation enjoignant les Etats membres à « contrôler les mouvements transfrontières de déchets dangereux et,
à cet effet, [à] veiller à ce que les autorités compétentes des
pays concernés reçoivent en temps utiles des informations appropriées concernant de tels mouvements » (23). Cette décision
est d’ailleurs généralement présentée comme constituant le
premier acte normatif à l’origine d’une stratégie globale destinée à mieux contrôler les mouvements transfrontières de déchets dangereux (24).
(21) Le groupe TRAFIGURA a choisi la COMPAGNIE TOMMY SARL comme principal
prestataire pour « l’enlèvement et le traitement » des déchets toxiques.
Voir le courriel adressé le 18 août 2006 par M. Paul Short (TRAFIGURA) à
M. David Adja (WAIBS SHIPPING) et autres. Il ressort de ce courriel que la
société WAIBS SHIPPING est mandatée pour éliminer les « eaux sales ».
TRAFIGURA donne ordre à WAIBS SHIPPING de « coordonner cette opération [élimination des déchets toxiques] avec la société COMPAGNIE TOMMY
SARL ».
(22) Voir le courriel du 17 août 2006 envoyé par M. Marrero à M. Kablan et
ainsi libellé : « [… Veuillez noter que nous aimerions décharger environ
528 m3 d’eaux sales du PROBO KOALA […] ». Voir également la réponse
de M. Marrero contenue dans le point 2.6 du questionnaire envoyé par la
Commission Nationale d’Enquête sur les Déchets Toxiques dans le District
d’Abidjan (CNEDT) commission à M. Marrero et M. Short, selon laquelle
TRAFIGURA est l’affréteur à terme du Probo Koala ; réponse au questionnaire de la Commission Nationale d’Enquête sur les Déchets Toxiques
dans le District d’Abidjan. Voir également le courriel envoyé par M. Short
à M. Adja, représentant de WAIBS SHIPPING et dans lequel il nomme la
société WAIBS SHIPPING en qualité d’« affréteur » et la société TOMMY
comme agent en charge de « l’élimination d’eaux sales ».
(23) Décision et Recommandation du Conseil de l’OCDE du 1er février 1984, sur
les mouvements transfrontières de déchets dangereux, COM(83)180 Final.
(24) Cette stratégie s’est vue par la suite progressivement affinée au moyen de
l’adoption de plusieurs instruments juridiques tels que la Résolution du Conseil du 20 juin 1985 relative à la coopération internationale en matière de
mouvements transfrontières de déchets dangereux, C(85)100 ; la DécisionRecommandation du 5 juin 1986 sur les exportations de déchets dangereux
à partir de la zone de l’OCDE, C(86)64 Final ; la Décision-Recommandation
du 27 mai 1988 sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux,
C(88)90 Final; la Résolution du Conseil des 18 et 20 juillet 1989 sur le
contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux, C(89)112
Final ou encore la Décision C(92)39/Final du 30 mai 1992.
Par la suite, plusieurs principes fondamentaux développés
dans ce cadre ont été repris en droit international (25) et intégrés par le droit communautaire des déchets (26). Trois grands
principes ont ainsi été dégagés : le principe du traitement des
déchets dans le pays d’origine, le principe de non-discrimination
et le principe de la responsabilité du producteur de déchets.
L’apport majeur de ce développement normatif réside en
l’adoption d’un texte à portée internationale : la Convention de
Bâle entrée en vigueur le 5 mai 1992 et qui compte aujourd’hui
plus de 170 Etats Parties (27). Outre de proposer une uniformisation de la notion de « déchets dangereux » (28), cette convention pose comme principe fondamental, l’interdiction absolue
d’exporter des déchets dangereux vers un Etat qui en interdit
l’importation, qui n’a pas donné son autorisation spécifique à
l’importation ou qui n’a pas les moyens de les gérer selon des
« méthodes écologiquement rationnelles » (29) et enfin, l’exportation des déchets vers un Etat non partie ou vers l’Antarctique.
Le principe d’interdiction est par ailleurs complété par la
procédure dite de « consentement préalable en connaissance
de cause » selon laquelle toute exportation effectuée sans consentement serait réputée illicite. Il en est de même pour les
mouvements de déchets à destination ou en provenance d’Etats
non parties à moins qu’il existe un accord spécial les autorisant. Le texte envisage également de prévenir à la source de
telles expéditions en contraignant les Parties à s’assurer que les
déchets dangereux soient « gérés de manière écologiquement
rationnelle ».
Pourtant, malgré une position tranchée de la Communauté
internationale et les efforts entrepris pour aboutir à l’adoption
d’un cadre juridique global contraignant destiné à prévenir les
mouvements transfrontières de déchets toxiques, plusieurs affaires nées de contrats conclus entre de hauts fonctionnaires
gouvernementaux des pays du Sud et des entreprises situées
(25) Et plus spécifiquement par les Lignes Directrices du Caire sur la gestion
écologiquement rationnelle des déchets dangereux adoptées le 17 juin
1987 sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) (Décision 14/30) et la Convention de Bâle sur le contrôle
des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination adoptée le 22 mars 1989 ; Nations Unies, Recueil des Traités, vol.
1673, 1992, p.57..
(26) Notamment la directive 84/631/CEE du Conseil des Communautés européennes du 6 décembre 1984 relative à la surveillance et au contrôle
dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dangereux (JOCE, n°L 326, 13 décembre 1984, p.31), modifiée par la directive
86/279/CEE du Conseil du 12 juin 1986 ; JOCE, n°L 181, 4 juillet 1986,
p.13.
(27) En effet, au 23 juillet 2009, 172 Etats parties étaient recensés. Voir
le site de la Convention de Bâle consultable à l’adresse suivante :
http://www.basel.int/ratif/convention.htm.
(28) La Convention de Bâle retient une définition large de la notion de « déchets dangereux » puisqu’elle prévoit dans son article 1er que seront considérés comme tels les déchets appartenant à l’une des quarante-cinq
catégories listées dans son Annexe I ainsi que ceux dont la législation
nationale de l’Etat d’exportation, d’importation ou de transit les classe
comme tels ; Convention de Bâle, art.1 § 1.
(29) L’article 2 § 8 de la Convention de Bâle stipule que « la gestion écologiquement rationnelle » s’entend de « toutes mesures pratiques permettant
d’assurer que les déchets dangereux ou d’autres déchets sont gérés d’une
manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l’environnement contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets ».
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
majoritairement dans des pays du Nord ont été révélés (30). Face
à l’afflux des déchets toxiques sur le continent africain, l’Organisation de l’unité Africaine (OUA) adopte lors de la Conférence d’Addis-Abeba de 1988 (31), une résolution dans laquelle le
déversement de déchets toxiques sur le continent africain est
qualifié de « crime contre l’Afrique et les populations africaines » (32). Les entreprises et multinationales concernées par ces
déversements sont ainsi enjointes à cesser de telles pratiques
et à prendre en charge la dépollution des zones contaminées.
Cette initiative développée au niveau régional est malheureusement restée sans réelles conséquences, essentiellement du
fait d’un défaut de valeur juridiquement contraignante. C’est
d’ailleurs en grande partie pour cette raison, ajoutée au mécontentement des pays africains face au texte de la Convention
de Bâle, que l’OUA parvient à faire adopter la Convention de
Bamako sur l’interdiction d’importer les déchets dangereux en
Afrique et le contrôle de leurs mouvements transfrontières (33).
Adopté le 30 janvier 1991 (34) et entré en vigueur le 20 mars
1996, ce texte reprend les principes fondamentaux de la Convention de Bâle tels que les principes de notification et l’obligation de réimporter. La Convention de Bamako retient toutefois
un champ d’application plus large que celui de la Convention
internationale dont il s’inspire (35) en ce qu’elle interdit toutes les
importations en Afrique des déchets dangereux en provenance
des Etats non parties, ainsi que les déversements des déchets
en mer et dans les eaux intérieures.
Ce dispositif juridique est par ailleurs complété par de nom-
(30) Ainsi en octobre 1987, un contrat de ce type fut signé entre la GuinéeBissau et la société suisse INTERCONTRACT SA. Son objet prévoyait que le
pays de réception acceptait « le dépôt sur son territoire, de déchets industriels toxiques en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord » et ce,
pour 50 000 tonnes de déchets au minimum par an contre 40 dollars par
tonne de déchets déversés. Cet accord assurait ainsi une rentrée annuelle
de 2 milliards de dollars pour la République de Guinée-Bissau. V. ROELANTS DU VIVIER (F), Les vaisseaux du poison, eéd. Sang de la terre, Paris,
1988, pp.19 et s. ; PAMBOU TCHIVOUNDA (G), L’interdiction de déverser
des déchets toxiques dans le tiers-monde : le cas de l’Afrique, A.F.D.I.,
vol.34, 1988, p.716. Un deuxième exemple mérite d’être relevé : celui
du contrat conclu en janvier 1988 entre SESCO Ltd et le gouvernement
du Bénin. L’entreprise parvien à négocier l’envoi de 5 millions de tonnes
de déchets toxiques par an et ce, pour une durée de 10 ans en échange
du paiement par la société de 2,5 dollars la tonne. Sous la pression de
l’Entente européenne pour l’environnement (E.E.E), du Nigeria et du Togo,
le Bénin a finalement abandonné le projet.
(31) Résolution du 23 mai 1988 du Conseil des ministres relative au déversement des déchets nucléaires et industriels en Afrique, CM/Res. 1153 (XLVIII). Il est par ailleurs intéressant de relever que la Côte d’Ivoire a adopté
le 17 juillet 1988, à la suite de cette résolution, une loi punissant d’une
peine allant jusqu’à vingt ans de réclusion et amende, la personne qui serait impliquée dans un achat, vente, importation ou stockage de déchets
dangereux ; International Legal Materials, 1989, vol.28, p.391 et s.
(32) CM/Res. 1153 (XLVIII), paragraphe 1.
(33) Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l’interdiction d’importer
les déchets dangereux en Afrique et le contrôle de leurs mouvements
transfrontières in Droit International de l’Environnement – Accords Multilatéraux, Kluwer International, London, The Hague, Boston, 1991,
BzUB7/11/93, 991 :08.
(34) Parmi les 51 Etats africains qui ont participé à l’élaboration de la Convention, 12 l’ont signée le 30 janvier 1991. Il s’agit du Bénin, du Burkina
Faso, du Burundi, de la Centrafrique, de la Côte d’Ivoire, de l’Egypte, de la
Guinée, de la Jamahiriya Arabe Libyenne, du Mali, du Niger, du Sénégal et
du Togo ; in Registre des Traités internationaux et autres Accords dans le
domaine de l’environnement, 1993.
(35) Sur ce point voir PEREZ MARTIN (M.T), Que fait le village planétaire de ses
déchets dangereux ?, Bruylant, Bruxelles, 2001, pp.28 et s.
Juillet 2010 • N°2
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breuses dispositions du droit communautaire adoptées en vue
de prévenir les expéditions de déchets dangereux en provenance de la Communauté européenne. Le droit communautaire
occupe une place importante dans l’affaire du Probo Koala car
l’enchaînement des faits à l’origine de la catastrophe écologique
et sanitaire a eu lieu sur le territoire européen. En matière de
transport international des déchets, deux textes communautaires sont à retenir : le règlement 259/93 du 1er février 1993
relatif à la surveillance et au contrôle des transferts des déchets
à l’intérieur, à l’entrée et à la sortie de la Communauté (36) qui
intègre les dispositions de la Convention de Bâle dans le corpus
juridique communautaire, ainsi que le règlement 1013/2006 du
14 juin 2006 sur les transferts frontaliers de déchets (37) qui renforce et clarifie le cadre juridique applicable et qui interdit l’exportation des déchets pour élimination dans les pays non-membres de l’Union Européenne ou de l’Accord Européen de Libre
Echange (AELE). Sur la base des prescriptions contenues dans
ces textes, les transports de déchets sont soumis, en théorie, à
de nombreuses procédures et à de multiples contrôles destinés
à garantir le respect des principes issus du droit international.
Mais là encore l’affaire du Probo Koala démontre que l’articulation des diverses règles énoncées soulève des difficultés,
notamment au regard du régime juridique spécifique applicable
aux déchets d’exploitation et résidus de cargaison correspondant respectivement aux déchets produits par le fonctionnement du navire et à ceux produits à l’occasion du transport de
la cargaison. Du fait de leur particularisme, ces déchets ne sont
pas couverts par la Convention de Bâle mais relèvent de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par
les navires adoptée à Londres le 2 novembre 1973 sous les
auspices de l’Organisation maritime internationale (OMI), telle
que modifiée par le Protocole du 17 février 1978 (38) y afférent
(Convention MARPOL), et au plan régional, par la directive communautaire 2000/59/CE du 20 novembre 2000 (39). Selon ces
textes, le navire a l’obligation de déposer ses déchets à terre,
les Etats parties et Etats membres devant disposer d’installations de réception portuaires adéquates.
Dans l’affaire du Probo Koala, toutes ces prescriptions restèrent lettre morte. Le navire réussira finalement à déposer sa
cargaison toxique loin des côtes européennes c’est-à-dire loin
d’un corpus juridique qui se veut contraignant.
L’étude des faits à l’origine de ce qui est désormais présenté
comme la pire catastrophe sanitaire et environnementale que la
Côte d’Ivoire ait connue, démontre le rôle central du non-respect
de l’obligation de réception portuaire des résidus de cargaison
du navire dans la matérialisation du trafic illicite ( I ), auquel les
(36) Règlement 259/93 du Conseil, du 1er février 1993 relatif à la surveillance
et au contrôle des transferts des déchets à l’intérieur, à l’entrée et à la
sortie de la Communauté ; JOCE, n°L 30, 6 février 1993, pp.1 et s.
(37) Règlement 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin
2006 concernant les transferts de déchets ; JOUE, n°L190, 12 juillet 2006,
pp.1 et s.
(38) La Convention MARPOL est entrée en vigueur le 2 octobre 1983 ; Texte de
la Convention in Recueil des traités et accords de la France, 1983, n°49,
pp. 15 et s.
(39) Directive 2000/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2000 sur les installations de réception portuaires pour les déchets
d’exploitation des navires et les résidus de cargaison ; JOCE, n°L 332, 28
décembre 2000, pp.81 et s.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
mécanismes juridiques de réparation et de sanction n’apportent
qu’une réponse limitée et donc insatisfaisante ( II ).
I • Du non-respect de l’obligation de réception portuaire des résidus de cargaison du
navire au transfert manifestement illicite des
déchets
Désireuse de faire face aux menaces potentielles constituées par les déchets dangereux pour la vie humaine et l’environnement, la Communauté internationale est intervenue pour
adopter des mécanismes de prévention destinés à anticiper sur
les conséquences des mouvements transfrontières de déchets
dangereux. Le contrôle par l’Etat du port constitue un maillon
important de cette approche préventive. Tout dysfonctionnement peut alors devenir lourd de conséquences, notamment
lorsqu’un navire parvient à passer outre à l’obligation de dépôt de ses résidus de cargaison dans une installation portuaire
adaptée (A). Car si la production de déchets dangereux ne constitue pas en soi un acte illicite ou interdit, tel n’est pas le cas du
transport non autorisé et non contrôlé. Force est d’admettre cependant que le système de responsabilité prévu en la matière
peut se révéler lacunaire et défaillant (B).
A• La nature particulière des déchets du navire à
l’origine du transfert illicite.
Les résidus de cargaison ne répondent pas à la classification
traditionnelle opérée entre les déchets en fonction de leur caractère banal et/ou de leur dangerosité car il s’agit, par nature,
d’éléments à fort potentiel de nuisances. C’est d’ailleurs ce type
particulier de « déchets de navire » que nous retrouvons à l’origine des faits de l’affaire du Probo Koala. Ayant enfreint l’obligation de déposer ces résidus lors de son passage dans les eaux
et ports sous juridiction communautaire (1), le navire a permis
d’acheminer illégalement jusqu’en Côte d’Ivoire une cargaison
de déchets toxiques constituée principalement de ses propres
résidus de cargaison dont la nature juridique s’est trouvée modifiée au cours du voyage (2).
1. La problématique de la réception portuaire des déchets générés par l’exploitation normale des navires.
Les résidus de cargaison peuvent être classés en deux catégories : les solides et les liquides. Les premiers englobent les
résidus de cargaison de produits chimiques secs transportés en
vrac et les résidus solides liés à d’autres types de cargaison. Les
résidus de cargaison liquides peuvent quant à eux être subdivisés entre ceux contenant des hydrocarbures et ceux contenant
des produits chimiques. Les résidus contenant des hydrocarbures correspondent aux eaux de nettoyage de citernes mélangées aux hydrocarbures ainsi qu’aux résidus restant en fond de
citerne après dessèchement. Ils sont généralement désignés
sous le terme de « slops ». Les résidus contenant des produits
chimiques sont principalement identifiés en fonction du plus ou
moins fort degré de dangerosité qu’ils représentent. Ainsi, certains sont des produits dits « spécialisés » du fait justement de
leur dangerosité particulière ou de leur nature et nécessitent
un traitement particulier. D’autres correspondent à des produits
courants et n’imposent aucune condition particulière de manutention.
Sur les navires récents, ces différents types de résidus sont
clairement identifiés et séparés les uns des autres afin d’en faciliter l’abandon (40). Les vraquiers polyvalents de plus ancienne
construction tel que le Probo Koala produisent des déchets d’exploitation et des résidus de cargaison particulièrement difficiles à récupérer et à traiter. En effet, cette catégorie de navires
désignés également sous le terme d’ « OBO », présente pour
particularité de pouvoir transporter simultanément ou successivement des hydrocarbures (Oil), du vrac solide ou liquide (Bulk)
et des minerais (Ore), ce qui explique que les eaux de lavage
des soutes à cargaison sont généralement très « sales » et reconnues pour la complexité de leur gestion.
Le droit applicable aux déchets d’exploitation des navires
et résidus de cargaison relève principalement du droit international et plus particulièrement des règles contenues dans les
annexes I (« prévention de la pollution par les hydrocarbures »),
II (« par les substances liquides nocives transportées en vrac »),
IV (« par les eaux usées des navires ») et V (« par les ordures
des navires ») de la Convention MARPOL (41).
Du point de vue régional, la Communauté européenne a
intégré l’exigence de mise en place d’installations de réception portuaires en adoptant, le 27 novembre 2000, la directive
2000/59/CE (42) sur les installations de réception portuaires pour
les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison. Cette directive, entrée en vigueur le 28 décembre 2000,
s’applique à tous les navires quel que soit leur pavillon, qui font
escale ou opèrent dans le port d’un Etat membre (43), ainsi qu’à
tous les ports des Etats membres (44).
Le dépôt des déchets et résidus dans les installations de
réception est au regard du droit communautaire applicable, une
obligation qui ne souffre de dérogations que dans des cas précis (45) et dont le respect doit être prouvé aux autorités portuaires par une attestation ou un certificat remis par l’exploitant des
installations de réception (46).
(40) En pratique, les ports réceptionnent généralement les résidus de cargaison à quai ou au moyen d’appontements reliés par canalisations à des
stations de déballastage. Il peut également s’agir de quais ou d’appontements équipés de bacs de plus faibles dimensions et capables de recevoir
les « slops » à titre temporaire avant leur reprise et leur retraitement par
l’industrie pétrolière.
(41) Notons que les annexes I et II de cette convention internationale entrée
en vigueur le 2 octobre 1983 ont été ratifiées par les Pays-Bas, l’Estonie
et l’Espagne.
(42) Directive 2000/59/CE, préc.
(43) Directive 2000/59/CE, art.3 al.a).
(44) Directive 2000/59/CE, art.3 al.b).
(45) Par exemple, un navire pourra être autorisé à prendre la mer pour le port
d’escale suivant sans avoir déposé ses déchets d’exploitation s’il s’avère
qu’il dispose d’une capacité de stockage suffisante à moins qu’il y ait de
bonnes raisons de croire que le port prévu pour procéder au dépôt, ne
dispose pas d’installations adéquates ; directive 2000/59, art.7 § 2. Par
contre, dans le silence de la directive européenne, aucune dérogation ne
peut être admise pour les résidus de cargaison.
(46) Lorsque pour les navires effectuant des lignes régulières l’obligation de
dépôt est assouplie, l’exigence de justification par le capitaine du navire
d’un certificat de dépôt ou d’un contrat de dépôt et du paiement de la
redevance est maintenue. L’attestation de dépôt devra d’ailleurs être validée par les autorités portuaires.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
La directive 2000/59/CE ne contient aucune disposition particulière sur des transferts potentiels de déchets d’exploitation
et/ou de résidus de cargaison même si son article 12 dispose
que l’Etat membre de réception des déchets du navire doit considérer cette opération comme une mesure de libre pratique (47)
et, par conséquent, empêcher que les mesures douanières nationales ne constituent un obstacle à la libre circulation de ces
substances au sein du marché communautaire. Aussi, si aucune
installation de traitement appropriée n’existe à proximité d’un
port national mais qu’une telle structure existe dans un autre
pays de la Communauté européenne, alors le transfert doit pouvoir s’effectuer librement au nom du principe de libre circulation
des marchandises. Autrement dit, les déchets provenant des
navires entrent dans le régime du droit commun régissant la
matière à partir du moment où ils sont mis à terre.
Sur le fondement du principe pollueur-payeur, la directive
2000/59/CE permet d’imputer au pollueur le coût social de
la pollution qu’il engendre. Par voie de conséquence, les Etats
membres, sur le fondement du principe de subsidiarité, ont
pour obligation de veiller à la mise en place d’une redevance
perçue sur les navires et devant permettre de couvrir les coûts
d’utilisation des installations de réception portuaires engendrés
par le dépôt des résidus de cargaison (48). En matière de résidus,
le paiement de la redevance incombe à l’utilisateur de l’installation et le recours aux prestataires privés pour réceptionner les
déchets du navire peut expliquer une hausse des charges.
Le droit international de la mer encadre la répression des
infractions aux règles internationales de prévention de la pollution par les navires en mettant à la charge des Etats du pavillon,
des Etats côtiers et des Etats du port, le soin d’élaborer des
lois et règlements utiles à la préservation et à la maîtrise de la
pollution (49). C’est d’ailleurs sur ce fondement que les actions
et stratégies entreprises par la Communauté européenne en la
matière placent les inspections effectuées au titre du contrôle
par l’Etat du port (PSC) (50) au cœur de leur dispositif. Sur la base
des obligations contenues dans la directive 2000/59/CE, ces
inspections doivent permettre de s’assurer, au moyen du contrôle des registres et certificats, que les navires se trouvant dans
un port de la Communauté respectent les prescriptions relatives
(47) Le principe de libre pratique conduit à ce que des produits en provenance
d’Etats tiers à la Communauté mais ayant subi les formalités douanières
prévues puissent librement circuler sur l’ensemble du territoire communautaire.
(48) Directive 2000/59, art.10.
(49) Une certaine marge de manœuvre est tolérée si ce n’est que tous les Etats
concernés doivent veiller à ce que leurs lois et règlements ne soient pas
moins efficaces que les règles et normes internationales. Toutefois, sous
réserve de certaines conditions, le droit international accepte que des
normes nationales plus sévères puissent être adoptées, notamment pour
lutter contre les rejets des navires ; Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer du 10 décembre 1982, art. 211. Texte de la Convention in
Nations Unies, Recueil des Traités, vol.1834, p.3.
(50) Directive 95/21/CE du Conseil, du 19 juin 1995, relative aux contrôles
des navires par l’Etat du port (JOCE, nºL 157, 7 juillet 1995, pp.1-19) communautarisant les prescriptions du droit international contenues dans le
Mémorandum d’entente sur le contrôle des navires par l’Etat du port signé le 26 janvier 1982 (Memorandum of Understanding, « MoU »), la
directive 95/21/CE fait du seuil d’inspection de 25 % une obligation
communautaire qui pourra alors être sanctionnée par une condamnation pour manquement émanant de la Cour de Justice des Communautés
Européennes (CJCE).
Juillet 2010 • N°2
/23
au dépôt de leurs déchets d’exploitation et de leurs résidus de
cargaison.
L’affaire du Probo Koala met en évidence l’existence de
failles importantes dans le dispositif juridique communautaire
relatif à la réception portuaire des déchets d’exploitation et résidus de cargaison. Le navire a ainsi pu passer d’un port d’un Etat
membre à l’autre sans avoir à attester du dépôt de ses résidus
auprès des autorités portuaires alors même que le déroulement
des faits de l’espèce permettent d’envisager que le navire était
non seulement dans l’incapacité de se conformer à l’obligation
de dépôt dans le port estonien (« prochain port d’escale »)
du fait d’un défaut d’installations de réception adaptées mais
aussi dans l’impossibilité de présenter les documents justificatifs nécessaires. Il est par ailleurs difficile de comprendre que
l’autorisation de recharger ses résidus à bord lui a été donnée
au port d’Amsterdam (51). Ces éléments ont pourtant échappé
aux mailles des prérogatives du contrôle par l’Etat du port d’au
moins trois Etats membres (Pays-Bas, Estonie et Espagne) et
sont totalement passés sous silence par l’inspection menée le
11 juillet 2006 au port de Paldiski au terme de laquelle seules
deux irrégularités sans rapport avec les résidus de cargaison ont
été relevées.
Pourtant tout porte à croire que si les obligations prévues par
les différents actes de droit dérivé mentionnés jusqu’ici avaient
été respectées, le navire et sa cargaison de déchets toxiques
auraient été identifiés dès le port de Paldiski et, pour peu que
l’on fasse preuve d’un peu d’imagination ou de pragmatisme, les
résidus n’auraient pas pu être rechargés sur le navire à Amsterdam. D’ailleurs, il est intéressant de relever que si l’affréteur (52)
s’efforce depuis lors à présenter les résidus déchargés du navire
lors de son passage aux Pays-Bas comme étant constitués d’un
mélange de gazole, d’eau et de soude caustique résultant du
ballastage du navire (53), les résultats publiés le 14 mai 2009
par l’Institut d’analyse légale des Pays-Bas (54) mentionnent que
l’odeur « d’œuf pourri » qui se dégageait du navire dès le 2
juillet, lors de son entrée dans le port d’Amsterdam, provenait
certainement du sulfure d’hydrogène (55) c’est-à-dire un composé de soufre connu pour ses propriétés létales notamment
lorsqu’il est inhalé (56). S’il est vrai que le sulfure d’hydrogène est
naturellement présent dans le pétrole, le gaz naturel ou les gaz
volcaniques ; il peut aussi être généré par différentes opérations
industrielles tel que le traitement des eaux usées ou le raffinage
de pétrole. Or, c’est bien à un raffinage clandestin que le navire
est suspecté de s’être livré. Cette hypothèse est par ailleurs con-
(51) A noter que dès décembre 2006, la mairie d’Amsterdam, par la voix
de l’adjointe au maire, admettait publiquement être « responsable des
erreurs commises au port », erreurs qui ont permis au navire de recharger
ses déchets et de quitter le port ; Amsterdam s’estime aussi responsable
de la pollution du « Probo Koala », La Croix, 7 décembre 2006.
(52) La société TRAFIGURA BEHEER BV.
(53) Journal de la Marine Marchande, 22 septembre 2006, pp.14-15.
(54) Ces analyses scientifiques ont été menées à partir de prélèvements effectués à Abidjan et ordonnées par la justice néerlandaise dans le cadre
d’une procédure qui s’est ouverte en juin 2008 à l’encontre de TRAFIGURA,
du capitaine du Probo Koala, la Ville d’Amsterdam et la société APS.
(55) Selon cette étude, les déchets déversés illégalement en Côte d’Ivoire
contenaient au moins deux tonnes de cette substance.
(56) CESSOU (S), Probo Koala : premier élément de preuve contre Trafigura,
RFI,15 mai 2009.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
fortée par le fait que s’il s’agissait des seuls résidus de cargaison
générés par le navire, la société APS n’aurait eu aucune raison
de majorer les coûts de réception et de traitement inhérents au
dépôt de ces produits.
2. La modification de la nature des déchets considérés.
Engoncé dans des définitions variées et de plus en plus
opportunistes, le déchet reste un bien particulier pour lequel
il est impossible de donner une définition stricte. Pour autant,
au regard de la définition retenue par la Convention de Bâle,
reprise par le droit communautaire (57) et de nombreuses législations nationales, sont des « déchets » les « (…) substances ou
objets qu’on élimine, qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est
tenu d’éliminer en vertu des dispositions du droit national » (58).
Au sein de cette catégorie générale, se dresse la summa divisio opposant « déchets dangereux » et « déchets inertes ». Si
la gestion des déchets inertes concentre son attention sur les
problématiques de valorisation et d’élimination, celle des « déchets dangereux » impose la prise en compte d’impératifs spécifiques. Ce type de déchets définis de manière extensive par
la Convention de Bâle (59), présentent pour particularité d’être
identifié comme tel du fait de son impact potentiel à l’égard de
la santé humaine et de l’environnement.
Sont toutefois exclus du champ d’application de la Convention de Bâle les déchets radioactifs (60) et les déchets générés
par l’exploitation normale des navires (61). Or, en l’espèce, les
déchets déchargés à Amsterdam correspondent ab initio à cette
exclusion. La question se pose alors de savoir si le fait de les
avoir déchargés puis rechargés à bord du navire ne fait finalement pas obstacle au maintien de cette qualification.
Il ressort en effet d’une lecture combinée de la Convention
de Bâle et de la Convention MARPOL que la notion de « rejet »
est au cœur de l’identification de la catégorie des déchets de
navire (62). Or, selon la Convention MARPOL, est « rejet » « (…)
tout déversement provenant d’un navire, quelle qu’en soit la
cause, (et comprend) tout écoulement, évacuation, épanchement, fuite, déchargement par pompage, émanation ou vidan-
(57) Dès 1975, une définition du « déchet » est proposée en droit communautaire notamment par la directive 75/442/CE du Conseil, du 15 juillet
1975 relative aux déchets (JOCE, nºL 194, 25 juillet 1975) modifiée par
la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril
2006 relative au aux déchets (JOUE, n°L 114, 27 avril 2006). A noter que
la Communauté européenne adhère à la Convention de Bâle en 1993
(décision 93/98/CE du Conseil, du 1er février 1993; JOCE, nºL 39, 16 février
1993, pp.1 et 2) et en intègre les dispositions au moyen du règlement
259/93 du Conseil, du 1er février 1993 concernant la surveillance et le
contrôle des transferts de déchets à l’intérieur et à la sortie de la Communauté (JOCE, n°L 30, 6 février 1993, pp.1-28).
(58) Convention de Bâle, art.2 § 1.
(59) En effet, puisqu’elle prévoit dans son article 1er que seront considérés
comme tels les déchets appartenant à l’une des quarante-cinq catégories
listées dans son Annexe I ainsi que ceux dont la législation nationale de
l’Etat d’exportation, d’importation ou de transit les classe comme tels ;
Convention de Bâle, art.1 § 1.
(60) Convention de Bâle, art.1 § 3.
(61) Convention de Bâle, art.1 § 4.
(62) Ainsi l’article 1 § 4 de la Convention de Bâle stipule que « les déchets
provenant de l’exploitation normale d’un navire et dont le rejet fait l’objet
d’un autre instrument international sont exclus du champ d’application de
la présente Convention ».
ge » (63). Il est clair que cette définition ou plus précisément les
éléments qu’elle envisage comme susceptibles de constituer un
« rejet » correspondent bien à l’opération de pompage par laquelle les résidus de cargaison sont généralement réceptionnés
au port. De fait, deux remarques s’imposent.
Premièrement, les déchets rechargés à Amsterdam furent
présentés comme étant des résidus de cargaison traditionnels
et nécessitaient donc d’être pompés par la société agréée du
port. Dès lors, non seulement le fait d’avoir rechargé ces déchets à bord à l’issue des négociations commerciales entre l’affréteur et ladite société ne saurait constituer un « rejet » au
sens des conventions internationales pertinentes mais de plus,
cette initiative semble avoir entraîné une modification de la nature des déchets considérés. Il ne s’agit alors plus du tout de
déchets provenant de l’exploitation normale du navire (64) exclus
du champ d’application de la Convention de Bâle mais d’une
cargaison de déchets chargée à bord du navire. Par voie de
conséquence, toute opération née à partir de ce moment précis
obéit à un régime juridique différent de celui retenu en matière de déchets d’exploitation et résidus de cargaison, régime
juridique en principe adapté à la dangerosité de tels déchets
et aux risques que leur transport occasionne à l’égard de la
santé humaine et de l’environnement naturel. A l’appui de cette
considération, le fait que le texte de référence en matière de
réception portuaire des déchets des navires, c’est-à-dire la Convention MARPOL, ne prévoit dans aucune de ses dispositions la
possibilité de recharger de tels déchets à bord d’un navire. Une
telle omission s’explique tout d’abord par l’objectif général poursuivi par la Convention MARPOL qui est de prévenir la pollution
du milieu marin en permettant aux navires de décharger leurs
déchets d’exploitation et résidus lors de leur passage dans les
ports et non de se livrer à des opérations de déchargement-rechargement qui amplifient le risque de pollution. Ensuite parce
que l’idée maîtresse qui gouverne le principe de réception portuaire des déchets d’exploitation et résidus de cargaison est de
recueillir à terre des substances nuisibles susceptibles de porter
atteinte à l’environnement en général et au milieu marin en
particulier (65).
Deuxièmement, l’analyse des faits porte à croire que les
déchets présentés par le Probo Koala à la Société APS ne pouvaient bénéficier de la qualification de déchets provenant de
l’exploitation normale d’un navire dans la mesure où le seuil
de produits toxiques présents dans les échantillons révélait une
altération des résidus auxquels on peut légitimement s’attendre
en matière de réception portuaire. C’est d’ailleurs uniquement
pour cette raison que la Société APS a informé l’affréteur de
l’augmentation du coût de réception et de traitement des déchets. Dès lors, n’est-il pas possible de suggérer que ces déchets
particuliers et dont la dangerosité a été démontrée (66), ne peuvent être perçus que comme étant des « déchets dangereux »
soumis aux dispositions de la Convention de Bâle, de la Convention de Bamako et du droit communautaire ?
(63) Convention MARPOL, art.2 § 3, al.a).
(64) Convention de Bâle, art.1 § 4.
(65) Convention MARPOL, 1er considérant.
(66) La toxicité des déchets du navire semble acquise notamment pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s’est prononcée dans ce sens. V.
la note d’information sur les déchets toxiques à Abidjan rédigée par l’OMS
– Région de l’Afrique, 15 septembre 2006.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Si la Société TRAFIGURA avait voulu faire entrer dans la catégorie des déchets provenant de l’exploitation normale des navires les résidus générés à l’occasion des opérations de raffinage
clandestin dénommé « blending » (67), auxquelles le navire est
suspecté de s’être livré avant son arrivée à Amsterdam et ce,
dans le but d’échapper aux prescriptions contenues dans cet
arsenal juridique, il est fort à parier qu’elle n’aurait pas procédé
autrement.
B• Une articulation défaillante et lacunaire du
système de responsabilité relatif au transfert illicite
de déchets.
Dès lors que des déchets dangereux sont exportés dans un
pays autre que celui dans lequel ils ont été produits, l’opération
d’exportation nécessite une autorisation, un suivi et un contrôle
de la part de l’Etat d’exportation. Les procédures relatives à ces
différentes prescriptions doivent en effet permettre de prévenir tout transfert illicite de déchets toxiques et permettre par
là même aux différentes autorités impliquées de réagir efficacement avant que les déchets soient déplacés et abandonnés
sans que les précautions nécessaires n’aient été prises. Si le
régime juridique gouvernant les situations de transferts illicites
de déchets toxiques peut sembler abouti (1), il demeure que
les systèmes de contrôle et de responsabilité qui en découlent
manquent tragiquement d’efficacité en pratique (2).
1. Le régime juridique du trafic illicite.
La question de la responsabilité encourue du fait d’un trafic
illicite de déchets dangereux est abordée par l’article 9 de la
Convention de Bâle. Selon cette disposition, sera réputé illicite
le mouvement de déchets toxiques effectué sans qu’aucune notification n’ait été donnée à tous les Etats concernés (68) ou lorsque le mouvement de déchets a été effectué sans le consentement écrit de l’Etat importateur (69) ; lorsque le mouvement de
déchets a été effectué avec le consentement écrit de tous les
Etats concernés mais dont le consentement aurait été obtenu
par falsification, fausse déclaration ou fraude (70), le mouvement
de déchets non conforme aux documents de suivi (71) ou enfin le
mouvement de déchets qui entraîne une élimination délibérée
de déchets en violation des dispositions de la Convention et des
principes généraux du droit international (72).
(67) L’Association Robin des Bois avançait, dès septembre 2006, que le Probo
Koala aurait, au moyen du procédé « Merox » et de catalyseurs, procédé
au raffinage clandestin de sa cargaison chargée en juin à Gibraltar ; v.
le dossier de presse de l’association consultable à l’adresse suivante :
http://www.cawa.fr/IMG/pdf/probo_koala_dossier_de_presse.pdf
(68) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.a.
(69) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.b.
(70) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.c.
(71) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.d.
(72) Et notamment le Principe 21 de la Déclaration de Stockholm adoptée lors
de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement qui s’est tenue à
Rio de Janeiro (Brésil) du 5 au 16 juin 1992, qui stipule que « conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international,
les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon
leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres Etats ou
dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». V. le texte
de la Déclaration in RGDIP, vol.77, 1973, pp. 350 et s.
Juillet 2010 • N°2
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Dans l’esprit de la Convention de Bâle, celui qui se livre à un
trafic illicite de déchets dangereux envisage volontairement et
consciemment de passer outre les prescriptions qu’elle contient.
De fait, une telle expédition constitue une forme aggravée de
mouvement transfrontières de déchets dangereux justifiant de
l’ériger en infraction pénale (73) et de la sanctionner comme
telle.
Outre cette obligation de principe, la Convention impose
que dans l’hypothèse où les déchets ne peuvent êtres éliminés selon des méthodes écologiquement rationnelles, les différentes parties concernées seront tenues individuellement (74)
ou solidairement (75) de veiller au retour des déchets dans le
pays d’exportation. A défaut, les personnes identifiées comme
ayant concouru aux dommages pourront voir leur responsabilité
engagée. La première d’entre elles est le producteur de déchets
présentée par la Convention de Bâle comme celle « (…) dont
l’activité produit des déchets dangereux ou d’autres déchets
(...) » (76). Il pourra s’agir d’une personne physique ou morale.
Lorsque le producteur est inconnu, la Convention établit une
présomption à la charge de la personne en possession et/ou
possédant le contrôle des déchets (77). En dehors de cette hypothèse, le fait que le producteur soit à l’origine du risque exercé
sur la santé humaine et l’environnement alors même qu’il s’enrichit de cette activité, suffit à le désigner comme responsable
des dommages nés de cette activité. De plus, si un transport de
déchets toxiques est organisé pour lui permettre de procéder
à l’élimination de ses déchets, cela implique de confier cette
opération à un éliminateur, ce qui engendre de nouveaux risques. Il semble alors légitime de faire peser sur le producteur
l’obligation de choisir un transporteur et une entreprise d’élimination dotés du savoir-faire nécessaire pour acheminer les
déchets de manière conforme aux précautions requises par le
texte de portée international afin de prévenir toute atteinte à la
vie humaine et à l’environnement (78).
Face à l’implication potentielle de multiples acteurs liés par
ce mouvement de déchets, la Convention de Bâle propose en
cas de dommages nés d’une telle expédition de retenir en premier lieu la responsabilité du producteur des déchets dangereux puis celle de l’exportateur qui a organisé le transport, du
transporteur à proprement parler et enfin celle de l’importateur
chargé de la réception des déchets dangereux avant leur transfert à une personne en charge de leur élimination.
La réparation qui est envisagée par la Convention internationale ressort du droit privé dont l’objectif est de parvenir à réparer le dommage occasionné et doit donc être dissociée de la
responsabilité internationale. Mais, silencieuse quant aux mécanismes de responsabilité et d’indemnisation à enclencher en
(73) Convention de Bâle, art.4, § 3.
(74) Convention de Bâle, art. 9 § 2, al. a).
(75) Convention de Bâle, art. 9 § 3 et art. 9 § 4.
(76) Convention de Bâle, art. 2 § 18.
(77) Convention de Bâle, art.2 § 18.
(78) Le paragraphe 5 du Préambule de la Convention de Bâle souligne à ce
titre que « les Etats devraient veiller à ce que le producteur s’acquitte des
obligations ayant trait au transport et à l’élimination des déchets dangereux et d’autres déchets d’une manière qui soit compatible avec la protection de l’environnement, quel que soit le lieu où ils sont éliminés ».
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
cas de dommages occasionnés par un trafic illicite, la Convention de Bâle confie le soin aux législations nationales de prévoir
des mécanismes appropriés pour prévenir et sanctionner de tels
comportements ; d’où l’importance de pouvoir compter sur un
ensemble harmonisé de règles de droit interne relatives à la
responsabilité et à l’indemnisation des victimes (79). A défaut, il
est fort probable de voir se mettre en place des filières de transport de déchets dangereux vers des Etats dotés de législations
laxistes permettant ainsi aux industriels de se débarrasser de
leurs déchets toxiques aux moindres coûts financiers, sociaux et
environnementaux.
En l’espèce, le déversement de 530 tonnes de déchets toxiques déversés dans le district d’Abidjan répond aux éléments de
définition du trafic illicite et ce, à plusieurs titres. Non seulement
aucun des Etats cités dans les faits ne s’est vu notifier le mouvement de déchets dangereux mais aucune autorisation expresse
d’importation n’a été délivrée par la Côte d’Ivoire, pays importateur. De plus, aucun document de suivi spécifique ne semble
avoir été émis. Enfin, il est incontestable que le déversement
des déchets en Côte d’Ivoire puisse être qualifié « d’élimination
délibérée » réalisée en violation des dispositions de la Convention et des principes du droit international ce que pudiquement,
le rapport de la mission d’assistance technique de la Convention
de Bâle en Côte d’Ivoire avance en affirmant que « ces déchets
n’auraient jamais dû être éliminés de façon indiquée dans la
description des éléments » (80).
Sur le fondement des éléments de droit mentionnés ci-dessus et notamment l’article 9 para. 5 de la Convention de Bâle,
il incombait aux Etats impliqués de sanctionner pénalement
l’expédition de déchets toxiques effectuée entre Amsterdam et
Abidjan via les ports de Paldiski, de Las Palmas, de Lomé, et de
Lagos. Le déroulement des faits de l’espèce traduisent sur ce
point une inertie généralisée.
2. L’ineffectivité du système de responsabilité relatif
au trafic illicite.
Parce que l’objectif premier du dispositif mis en place par
la Convention de Bâle est de prévenir les atteintes susceptibles
d’être causées à la santé humaine et à l’environnement (81), plusieurs obligations pèsent sur les Etats concernés ou susceptibles
de l’être par un mouvement transfrontières de déchets dangereux. Certaines de ces obligations visent tout particulièrement
les exportations par navire. Plusieurs cas sont envisagés. Tout
d’abord, l’Etat d’importation et l’Etat d’exportation doivent empêcher le départ du navire qui transporterait des déchets si le
pays de destination n’a pas donné son accord (82). De plus, ces
(79) Cet objectif de disposer de règles nationales harmonisées entre elles était
par ailleurs visé dans les Lignes directrices et Principes du Caire relatifs à
la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et notamment dans son Principe 29. V. la Décision 14/30 du Conseil d’administration du PNUE du 17 juin 1987.
(80) V. le rapport de la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle
en Côte d’Ivoire (20 novembre-1er décembre 2006) dans le contexte de la
Décision V/32, annexé à la note du Secrétariat de la Convention de Bâle
relative à la Décision VIII/1 sur la Côte d’Ivoire, en date du 2 juillet 2007,
UNEP/CHW/OEWG/6/2.
(81) Convention de Bâle, principe 1 du Préambule.
(82) Convention de Bâle, art.4 § 1, al.b.
mêmes Etats sont tenus de bloquer toute cargaison dangereuse
pour laquelle l’Etat d’importation n’aurait pas donné par écrit
son accord spécifique (83). L’Etat d’exportation doit par ailleurs
interdire une telle expédition s’il a toutes les raisons de croire
que les déchets ne seront pas gérés selon des méthodes écologiquement rationnelles (84) et, corrélativement, l’Etat d’importation est tenu d’empêcher toute entrée sur son territoire s’il
sait que ces méthodes font défaut (85). Enfin, toutes les Parties
sont tenues d’interdire l’importation et/ou l’exportation de tout
déchet vers des Etats non Parties (86).
Conformément à la possibilité reconnue par le droit international de conclure des accords régionaux dans des domaines déjà couverts par une norme générale de droit international (87), la Convention de Bamako vient ici en principe opposer
des obligations confortatives. En effet et à l’instar de ce qui est
prévu dans la Convention de Bâle, la Convention de Bamako
interdit tout mouvement transfrontières de déchets dangereux
vers l’Afrique (88). Par conséquent, les Etats africains ont bien la
possibilité d’effectuer des mouvements de déchets entre eux
nullement en dehors du périmètre défini par le droit régional.
Cette limite est par ailleurs renforcée par le texte de 1991 qui
reprend à son compte l’incrimination pénale dégagée à l’égard
du trafic illicite de déchets dangereux en provenance de parties
non contractantes (89) et enjoint à son tour les Parties à adopter
une législation nationale appropriée pour imposer des sanctions
pénales (90) à toute personne impliquée (91) dans de tels trafics.
Dans l’affaire du Probo Koala, aucune de ces obligations n’a
été respectée et aucun dispositif de contrôle n’a fonctionné apportant ainsi la preuve pratique des limites du droit international
de l’environnement et de ses mécanismes d’application.
Se pose alors la question de la réaction de chacun des Etats
concernés. En effet, ainsi que cela a été mentionné dans les dé-
(83) Convention de Bâle, art.4 § 1, al.c.
(84) Convention de Bâle, art.4 § 2, al.e.
(85) Convention de Bâle, art.4 § 2, al.g.
(86) Convention de Bâle, art.4 § 5.
(87) Le fait que la Convention de Bamako ait été adoptée postérieurement
à la Convention de Bâle et qu’un conflit de normes du fait de la ratification de traités successifs portant sur la matière puisse apparaître pourrait
pousser le juriste à s’interroger sur la validité de la Convention signée en
1991. Or, eu égard aux principes contenus dans la Convention de Vienne
sur le droit des traités, l’articulation de ces deux conventions ne pose
aucune difficulté. Il suffit en effet de mentionner que le traité postérieur,
en l’occurrence la Convention de Bamako est compatible avec le traité
antérieur c’est-à-dire la Convention de Bâle et que conformément à l’article 41 paragraphe 1 de la Convention de Vienne de sur le droit des traités, la conclusion d’accords régionaux est permise par la norme générale
dès lors que seront prévues, dans la norme particulière, des dispositions
équivalentes ou plus strictes que les dispositions qu’elle contient. Cela
est d’ailleurs envisagé à l’article 11, paragraphe 2 de la Convention de
Bamako conformément à ce qui avait été préalablement dégagé par la
norme générale et plus précisément par l’article 11 de la Convention de
Bâle. Texte de la Convention de Vienne sur le droit des traités in Nations
Unies, Recueil des Traités, vol.1155, p.331 et s.
(88) Convention de Bamako, art.4 § 1.
(89) Convention de Bamako, art. 6 § 16.
(90) La Convention de Bamako précise par ailleurs que de telles sanctions
devront être « suffisamment sévères pour punir ces actions et avoir un
effet préventif » ; Convention de Bamako, art.9 § 2.
(91) A ce titre, pourront être pénalement sanctionnées, les personnes qui planifient, commettent ou collaborent à des trafics illicites ; Convention de
Bamako, art.9 § 2.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
veloppements précédents, l’une des obligations imposée par la
Convention de Bâle aux Etats Parties est d’intégrer dans l’ordre
juridique interne des dispositions permettant à défaut de prévenir, de sanctionner pénalement le trafic illicite. La réponse a été
des plus limitées. C’est d’ailleurs sur ce constat que le rapport de
la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle en
Côte d’Ivoire a souligné que de « graves défaillances dans l’application des règlements pertinents, tant au titre de la Convention de Bâle, de la Convention MARPOL que de la Convention de
Bamako sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux et
le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique et la
gestion des déchets dangereux produits en Afrique » (92).
II • Réparation et sanction des comportements illicites.
La Convention de Bâle ne résout pas la question de la responsabilité à retenir en présence d’un dommage né d’un mouvement transfrontières de déchets dangereux, mettant ainsi en
lumière l’inopérabilité et les faiblesses des mécanismes d’indemnisation et de sanction prévus en théorie (A) au profit d’un
recours forcé à des mécanismes de sanction et de réparation
plus généraux (B).
A• Inopérabilité et faiblesses des mécanismes
d’indemnisation et de sanctions spécifiques.
Les efforts fournis par la Communauté internationale pour
parvenir à imposer un régime harmonisé de responsabilité et
d’indemnisation applicable en cas trafic illicite de déchets dangereux notamment au travers du Protocole de Bâle, ne permettent pas pour l’heure, une réponse adaptée (1). Dans l’attente
d’une entrée en vigueur de ce dispositif, les questions de l’indemnisation des préjudices occasionnés et des sanctions possibles relèvent des ordres juridiques nationaux (2).
1. L’inapplicabilité du Protocole de Bâle.
Conscient de la nécessité de parvenir à une position internationale harmonisée en matière de responsabilité des Parties
impliquées dans un trafic illicite de déchets toxiques, le PNUE
a mandaté un Groupe de travail chargé d’élaborer un protocole
additionnel à la Convention de Bâle sur la responsabilité et l’indemnisation (93). La Conférence des Parties a quant à elle, adopté une décision intitulée « Responsabilité et indemnisation »
par laquelle elle a décidé de créer un groupe de travail spécial
en charge d’étudier et de mettre au point un projet de pro-
(92) V. le paragraphe 3 al e) du rapport de la mission d’assistance technique de
la Convention de Bâle en Cote d’Ivoire (20 novembre-1er décembre 2006)
dans le contexte de la décision V/32 annexé à la note du Secrétariat de
la Convention de Bâle relative à la Décision VIII/1 sur la Côte d’Ivoire, 2
juillet 2007, UNEP/CHW/OEWG/6/2.
(93) V. le rapport du directeur exécutif du PNUE remis le 7 juillet 1992, à la
première réunion de la Conférence des Parties à la Convention de Bâle,
UNEP/CHW.1/2. Voir aussi la Résolution 3 de la Convention de Bâle du
7 juillet 1992, UNEP/CHW.1/4 ainsi que la Résolution des Nations Unies
44/226 du 22 décembre 1989 « on trafic in and disposal, control and
transboundary movement of toxic and dangerous products and wastes »,
reprinted. In Kwiatkowska/Soons (1993), p.84.
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tocole sur la responsabilité et l’indemnisation des dommages
résultants des mouvements transfrontières et de l’élimination
de déchets dangereux (94). Ce Protocole sur la responsabilité et
l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements
transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux (Protocole de Bâle) a finalement été adopté le 10 décembre 1999
lors de la cinquième réunion de la Conférence des Parties à la
Convention de Bâle. Son objectif premier est d’établir un régime
de responsabilité et d’indemnisation adéquate et rapide et ce,
même en présence d’un cas de trafic illicite. Cet objectif répond
aux exigences contenues dans le Principe 13 de la Déclaration
de Rio sur l’environnement et le développement (95) selon lequel
les Etats sont tenus d’élaborer une législation nationale relative
à la responsabilité et l’indemnisation des victimes de pollution
et d’atteintes à l’environnement dans des « (..) zones situées
au-delà des limites de leur juridiction par des activités menées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle » (96).
Eu égard à l’article 3 paragraphe 1 du Protocole sont concernés les « dommages résultant d’un incident survenant au
cours du mouvement transfrontière ou de l’élimination de déchets dangereux et autres déchets, y compris le trafic illicite
(…) » (97). La notion d’ « incident » recouvre quant à elle « tout
événement ou série d’événements ayant la même origine qui
occasionne un dommage ou constitue une menace grave et
imminente du dommage » (98). Les dommages indemnisables
sont définis comme correspondant à « la perte de vie humaine
ou tout dommage corporel » (99), « la perte de tout bien ou les
dommages causés à tout bien autre que les biens appartenant
à la personne responsable (…) » (100), « la perte de revenus qui
proviennent directement d’un intérêt économique fondé sur
l’exploitation de l’environnement, résultant d’une atteinte à l’environnement (…) » (101), « les coûts des mesures de restauration de l’environnement endommagé (…) » (102) et « le coût des
(94) Décision de la Conférence I/5, UNEP/CHW.1/24, 1992.
(95) Cette Déclaration fut adoptée par la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio de Janeiro
(Brésil) du 3 au 14 juin 1992 ; A/CONF.151/26 (Vol.I). Elle est disponible
à l’adresse suivante :
http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm#three.
(96) Le Principe 13 de la Déclaration de Rio stipule en effet que « Les Etats
doivent élaborer une législation nationale concernant la responsabilité de
la pollution et d’autres dommages à l’environnement et l’indemnisation
de leurs victimes. Ils doivent aussi coopérer diligemment et plus résolument pour développer davantage le droit international concernant la
responsabilité et l’indemnisation en cas d’effets néfastes de dommages
causés à l’environnement dans des zones situées au-delà des limites de
leur juridiction par des activités menées dans les limites de leur juridiction
ou sous leur contrôle ».
(97) Convention de Bâle, art.3 § 1.
(98) Convention de Bâle, art.2 § 2 , al.h). Notons que cette définition renvoie à
celle retenue pour le terme « événement » dans la Convention de Lugano
sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement adoptée sous l’égide du Conseil de l’Europe le
21 juin 1993 (non en vigueur) et dont l’article 2 paragraphe 16 précise
qu’il s’agit de « tout fait instantané ou continu, ou toute succession de
faits ayant la même origine, qui cause ou qui crée une menace grave
et imminente de dommage ». Le texte de la Convention de Lugano est
consultable à l’adresse suivante : http://conventions.coe.int/treaty/FR/
Treaties/Html/150.htm
(99) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), i.
(100) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), ii.
(101) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), iii.
(102) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), iv.
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mesures préventives (…) » (103). Malgré l’ambition dégagée par
sa rédaction et le caractère innovant des modes de réparation
envisagées, ce Protocole n’est, faute de ratifications nécessaires,
toujours pas entré en vigueur (104).
2. Un recours insatisfaisant aux mécanismes nationaux de responsabilité pour faute.
Par conséquent, la question de la responsabilité et des conséquences juridiques qui découlent de dommages engendrés
par un mouvement transfrontières de déchets dangereux relève, en l’état actuel du droit, des lois nationales de chaque pays
et ce, conformément au principe fondateur de la responsabilité
aquilienne selon lequel celui qui occasionne un dommage à
autrui est tenu de le réparer. Pour être actionné, ce régime nécessite l’établissement d’une faute, d’un dommage et d’un lien
de causalité. Un grand nombre de législations admettent que la
faute puisse être intentionnelle ou commise par négligence.
En matière de mouvements transfrontières de déchets dangereux, la faute pourra être constituée par le comportement du
producteur qui violerait une obligation de faire ou de ne pas
faire ou même s’il est établi qu’il y a manquement à la diligence
que l’ordre juridique impose. Sur cette base, le producteur de
déchets toxiques à l’origine d’une atteinte à la vie humaine et
à l’environnement devra personnellement répondre des préjudices occasionnés.
Par voie de conséquence, recourir à un agent économique
douteux, non qualifié ou insuffisamment qualifié, suffirait à
permettre de rechercher la responsabilité du producteur (105), a
fortiori si ce dernier avait connaissance que le transporteur ou
l’éliminateur allait traiter les déchets dangereux de manière illicite ou « non écologiquement rationnelle ». Il incombera alors
au plaignant de démontrer les éléments constitutifs de la faute.
Dans tous les cas, dès lors que l’action sera engagée sur le fondement de la responsabilité pour faute, le producteur ne pourra
être tenu pour responsable que s’il est possible de démontrer
qu’il a failli à ses obligations de vérifier que toutes les dispositions pratiques et légales devant présider au transport de déchets dangereux ont été respectées. Cette obligation de moyen
qui pèse sur le producteur devrait selon nous être interprétée de
telle sorte qu’elle permette de retenir une obligation de résultat
c’est-à-dire parvenir à traiter ses déchets de manière écologiquement rationnelle. Rester sur une interprétation primaire de
cette obligation conduirait à admettre qu’il suffit au producteur
de déchets dangereux de démontrer que toutes les précautions
ont été prises pour répondre à l’obligation de diligence (« due
diligence ») et ainsi à s’exonérer de sa responsabilité, conception qui semble dépassée dans le cadre de dommages occasionnés aux populations et/ou à l’environnement du fait d’un
transport illicite de déchets toxiques.
(103) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), v.
(104) Selon l’article 29 du Protocole de Bâle, ce dernier entrera en vigueur le
90e jour suivant le dépôt du 20e instrument de ratification, d’acceptation, de confirmation formelle, d’approbation ou d’adhésion. Au 28 juillet
2009, seuls 13 Etats (le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Danemark,
la Finlande, la France, la Hongrie, le Luxembourg, Monaco, la Suède, la
Suisse, la Yougoslavie et le Royaume-Uni) ont signé le Protocole.
(105) SMETS (H), Les actes de l’OCDE sur les mouvements transfrontières de
déchets dangereux, Séminaire sur les aspects juridiques internationaux
de la gestion des déchets, Bruxelles, 28 février 1991.
Dans le cas de l’affaire qui nous intéresse, la Côte d’Ivoire,
qui ne dispose pas des installations adaptées au traitement des
déchets toxiques, aurait pu exiger de la part du producteur des
déchets toxiques c’est-à-dire la Société TRAFIGURA que les déchets illégalement déversés soient repris (106) afin d’être éliminés de manière conforme aux dispositions de la Convention de
Bâle. Si cette possibilité a été envisagée, elle aura été absorbée
par le règlement transactionnel de la situation.
B. Le recours à des mécanismes de sanction et de
réparation plus généraux.
L’extrême faiblesse, voire l’inadéquation, des mécanismes
de sanctions prévus par les instruments internationaux pertinents couplés à une incorporation lacunaire de ces mécanismes
dans les législations nationales ont obligé les avocats et juristes intéressés par l’affaire du Probo Koala à mettre en œuvre
« les forces imaginantes du droit » si chères à Mireille DelmasMarty (107). Le caractère multinational de cette catastrophe a, dés
le départ, engendré de multiples difficultés de compétences juridictionnelle et/ou législative. Les conditions dans lesquelles le
Probo Koala était exploité au moment des faits parlent d’ellesmêmes : un groupe de sociétés anglo-suisses, créé et dirigé par
des Français, affrétant un vraquier battant pavillon panaméen,
opéré grâce à un équipage d’origine russe, déchargeant en Côte
d’Ivoire des déchets produits dans les eaux internationales… Les
chefs de compétences envisageables (civils et /ou pénaux) à
travers le prisme des différentes législations susceptibles d’accueillir une action, étaient légion.
La justice ivoirienne fut la première à se prononcer dans
l’affaire du Probo Koala (1) mais fort de la certitude qu’une recherche judiciaire de la responsabilité des auteurs principaux de
cette tragédie ne pourrait prospérer en Côte d’ivoire, des fors
alternatifs ont été recherchés (2).
1. Les limites de la procédure ivoirienne.
La première réaction des autorités ivoiriennes fut d’inculper
et de placer sous mandat de dépôt MM. Dauphin et Valentini,
respectivement président du conseil d’administration et responsable pour l’Afrique de l’Ouest de TRAFIGURA, alors présents en
Côte d’Ivoire. Dès le 18 septembre 2006, ils furent avec M. Kablan, administrateur général adjoint de PUMA INTERNATIONAL CI
(filiale de TRAFIGURA en Afrique), inculpés et placés sous mandat de dépôt pour avoir violé les dispositions de la loi ivoirienne
portant protection de la santé publique et de l’environnement
contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires
et des substances nocives ; plusieurs dispositions du Code pénal
ivoirien (108) ; les dispositions de la Convention de Bâle sur les
mouvements transfrontières des déchets dangereux ainsi que
plusieurs articles du Code de l’environnement ivoirien (109).
En parallèle, les 5 et 17 octobre 2006, l’Etat ivoirien a assigné
les sociétés TRAFIGURA BEHEER BV, TRAFIGURA Ltd et la société
(106) Convention de Bâle, art.9 § 2, al. a).
(107) DELMAS-MARTY (M), Les forces imaginantes du droit, Seuil, 2004,
439 p.
(108) Et plus précisément, les articles 342 al. 4, 343 et 348 du Code pénal
ivoirien.
(109) Tels que les articles 97, 99 et 101 du Code de l’environnement ivoirien.
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PUMA ENERGY CI devant les tribunaux civils ivoiriens, aux fins
d’obtenir leur condamnation solidaire au versement immédiat
d’une somme provisionnelle de 100 milliards de francs CFA (110)
ainsi qu’au paiement de sommes devant être déterminées par
un collège d’experts désignés par le Tribunal.
Cependant, le 22 décembre 2006, Messieurs Dauphin et Valentini ont bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté provisoire prononcée par le juge en charge de l’instruction ouverte
devant le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau.
Celle-ci fut frappée d’appel par le Procureur de la République.
Finalement, après la signature entre les Parties TRAFIGURA
et l’Etat de Côte d’Ivoire, le 13 février 2007, d‘un protocole d’accord à la légalité contestable, Messieurs Dauphin, Valentini et
Kablan ont été remis en liberté (111). Aux termes de ce protocole,
les Parties TRAFIGURA se sont engagées à verser à l’Etat de la
Côte d’Ivoire la somme forfaitaire et définitive de 95 milliards
de Francs CFA, environ 145 millions d’Euros, répartie comme
suit : 73 milliards de Francs CFA destinés à la réparation des
préjudices subis par la Côte d’Ivoire ainsi qu’à l’indemnisation
des victimes (112) et 22 milliards de Francs CFA destinés au remboursement des frais de dépollution (113). Par ailleurs, l’Etat de
Côte d’Ivoire, souhaitant construire une usine de traitement des
déchets ménagers dans le District d’Abidjan, les Parties TRAFIGURA se sont également engagées, à travers la société PUMA,
à payer, sous forme d’aide à l’Etat de Côte d’Ivoire, la somme
de 5 milliards de Francs CFA (114). L’Etat ivoirien s’est quant à lui
engagé à « garantir les Parties Trafigura qu’il fera son affaire
de toute réclamation au titre des événements » et à « prendre
toutes les mesures appropriées visant à garantir l’indemnisation
des victimes des événements » (115). En conséquence de quoi,
l’Etat s’est désisté « formellement de l’action en responsabilité
et en dommages et intérêts actuellement pendante devant la
première chambre du Tribunal de première instance d’ABIDJANPLATEAU et de sa constitution de partie civile devant les juridictions d’instruction dans les poursuites engagées contre les
Parties Trafigura » (116).
Trois remarques s’imposent quant à la légalité de ce protocole d’accord. Tout d’abord, cet accord ne mettait pas, au regard
de la stricte orthodoxie juridique, fin aux possibilités de poursuites pénales puisque, ainsi que le rappelait le Procureur de
la République prés le Tribunal de première instance d’AbidjanPlateau, il n’intervenait que sur la partie civile, les poursuites
au pénal étant alors maintenues (117). Par ailleurs, le fait que le
protocole d’accord signé entre l’Etat ivoirien et TRAFIGURA soit
assimilable, au regard du droit ivoirien et plus spécifiquement à
l’article 2044 du Code civil ivoirien (118), à une transaction, sup(110) Ce qui correspond à un peu plus de 150 millions d’euros au 16 novembre
2009.
(111) Remise en liberté qui interviendra le 14 février 2007.
(112) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.1
al.1er.
(113) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.1
al.2er.
(114) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.4.
(115) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.3.
(116) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.4.2.
(117) Interview du Procureur de la République près le Tribunal de première
instance d’ABIDJAN PLATEAU, Le Matin d’Abidjan, 22 février 2007.
(118) Selon l’art.2044 du Code civil ivoirien, le protocole était une transaction
définie comme étant « (…) un contrat par lequel les parties terminent
une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».
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posait que seules les parties signataires ne se trouvent liées
sans pour autant que cela empêche la poursuite du Ministère
public. Dès lors et parce que seul l’Etat de Côte d’Ivoire avait
signé ce protocole, aucune autre victime, personne physique
ou morale, ne pouvait donc se voir tenue par ses termes. Rien
dans ce protocole d’accord ne pouvait légalement empêcher les
victimes de chercher à obtenir à la fois l’indemnisation de leurs
préjudices et la sanction des responsables, que ce soit devant
les juridictions ivoiriennes ou étrangères.
La deuxième remarque qui semble s’imposer tient au fait
que selon l’article 2046 du Code civil ivoirien (119), il est possible
de transiger sur les intérêts civils d’un délit sans pour autant
abolir la poursuite du Ministère public. Or, les personnes nommément désignées par cette plainte étaient poursuivies en
Côte d’Ivoire non seulement pour des délits mais également
pour complicité de crime d’empoisonnement. Ainsi, au regard
du droit ivoirien (120), la validité de cette convention semble des
plus contestables.
Enfin, le fait que la signature de ce protocole soit intervenue la veille de la libération de Messieurs Dauphin, Valentini et
Kablan suggère une implication de la sphère politique dans le
règlement de cette affaire. Si certaines voix se sont faites entendre pour s’insurger contre une interaction possible entre la
signature du protocole et la libération des prévenus, il demeure
que la Banque internationale pour le commerce et l’industrie
de Côte d’Ivoire a bien émise une lettre de crédit documentaire
pour assurer le paiement des montants dus au titre de la transaction passée entre le président de Côte d’Ivoire et les Parties
TRAFIGURA.
Cette immixtion du politique dans le judiciaire a convaincu
les différents observateurs qu’il ne serait pas possible d’obtenir
que la justice ivoirienne se penche sereinement sur les responsabilités dans cette catastrophe. Des fors alternatifs ont alors
été recherchés.
2. La nécessaire délocalisation des instances.
Hors de Côte d’Ivoire, les juges anglais, français et hollandais
pouvaient se voir reconnaître compétents. Les trois fors ont été
saisis, avec des résultats pour le moins contrastés.
Pour des raisons procédurales évidentes, les juges français
ont vu engager devant eux la responsabilité pénale des auteurs,
les juges anglais ont, pour leur part, connu de la responsabilité
civile de TRAFIGURA et les juges hollandais se sont vu saisis des
événements produits sur le territoire néerlandais, à savoir le
débarquement et rembarquement des déchets en violation des
conventions internationales sus mentionnées.
Le droit processuel civil français ne permettant pas d’actions
de groupe, les victimes ont fait le choix d’engager la responsabilité pénale de la société TRAFIGURA. La compétence pénale
française se fonde, en premier lieu, sur le principe de territo-
(119) Selon l’art.2046 du Code civil ivoirien, « on peut transiger sur l’intérêt
civil qui résulte d’un délit. La transaction n’empêche pas la poursuite du
ministère public».
(120) Droit ivoirien qui était applicable en ce qui concerne la légalité formelle
de l’acte en vertu du principe « locus regit actum ».
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
rialité, selon lequel les juridictions françaises - et partant la loi
française - sont compétentes pour toute infraction commise sur
le territoire de la République. Mais ce principe de territorialité a
été élargi par la jurisprudence avant d’être repris dans le Code
pénal de 1994. Depuis, deux autres principes peuvent éventuellement fonder la compétence des juridictions françaises :
le principe de compétence universelle et le principe de compétence personnelle. Si le principe de compétence universelle
est réservé à un certain type d’infraction extrêmement limité,
le principe de compétence personnelle peut quant à lui, être
invoqué pour quasiment toutes les incriminations. Ce principe
se fonde sur les articles 113-6, 113-7 et 113-8 du Code pénal en
vertu desquels les juridictions françaises sont compétentes pour
les infractions commises à l’étranger sous certaines conditions.
Rappelons qu’en matière pénale la compétence législative suit
la compétence juridictionnelle ; en d’autres termes les juridictions françaises appliqueront le droit pénal français et lui seul.
Tout d’abord, il est nécessaire que l’auteur (compétence fondée sur le principe de personnalité active) ou la victime (compétence fondée sur le principe de personnalité passive) de l’infraction soit française. Ensuite, la compétence est fonction de la
qualification de l’infraction.
Le droit pénal a vocation à poser les limites de l’interdit,
à définir - en creux - le contrat social. C’est la justification de
cette gradation dans la reconnaissance de la compétence des
juridictions pénales françaises. En d’autres termes, une contravention ne trouble pas suffisamment l’ordre public pour que les
juridictions françaises s’en saisissent lorsqu’elle est commise à
l’étranger, le trouble causé par un délit ne justifie la compétence
des juridictions françaises que si le contrat social du pays où
l’infraction est commise est lui aussi troublé et sous réserve que
le comportement soit incriminé dans le pays de commission. Un
crime est, pour sa part, en lui-même une atteinte suffisamment
grave au contrat social, un trouble suffisamment important à
l’ordre public pour que, quel que soit son lieu de commission,
les juridictions françaises soient compétentes dès lors que son
auteur et/ou sa victime sont de nationalité française. Cette gradation de la reconnaissance de la compétence française, si elle
est justifiée en théorie, cause des difficultés pratiques importantes.
En premier lieu, il convenait de s’interroger sur l’adéquation
possible entre la qualification de l’infraction et le trouble réel à
l’ordre public causé par l’infraction. Si d’aucuns n’hésitent pas à
appeler de leurs vœux la corporation des atteintes graves à l’environnement dans le corpus des crimes contre l’humanité (121),
la réalité du droit pénal en est encore loin. En effet, outre un
déficit de sanction des plus criants - que nombre d’acteurs dénoncent à juste titre - l’arsenal punitif est des plus limités. Loin
de couvrir l’intégralité du spectre des peines potentielles, les
infractions les plus sévèrement sanctionnées ne sont que des
délits. Or il ne fait aucun doute, et l’affaire du Probo Koala en est
un exemple des plus flagrants, que toute atteinte à l’environnement a pour conséquence - outre la destruction des biotopes,
de la faune et de la flore – d’engendrer d’importants dommages
(121) L. NEYRET (L), Le crime contre l’humanité, Que sais-je ?, PUF, 2009,
128 p.
à la vie humaine. La répression en France des atteintes à l’environnement, quand bien même les auteurs ou des complices
français sont bénéficiaires, voire instigateurs, est des plus compliquées.
Les autres difficultés causées par cette gradation de la reconnaissance de la compétence française ne sont que la conséquence de cette inadéquation conceptuelle. Nombre de praticiens du droit, conscients des injustices induites par ces règles,
tentent de les contourner. Ainsi pour éviter le « filtre du parquet », qui est la difficulté pratique la plus importante, il est
nécessaire d’arracher une qualification criminelle, quitte à forcer
les concepts.
Dans l’affaire du Probo Koala, la compétence française
n’aurait, a priori, pas dû poser de difficultés insurmontables, trois
victimes étant franco-ivoiriennes et les dirigeants de l’entreprise
TRAFIGURA de nationalité française.
En outre, les faits de déversement illégal de déchets toxiques commis en Côte d’Ivoire pouvaient recevoir, outre l’évidente qualification d’homicide involontaire, une qualification
criminelle.
La qualification d’empoisonnement ne pouvait toutefois pas
être retenue. En effet, depuis les arrêts de la cour de Cassation
relatifs à l’affaire « du sang contaminé », l’empoisonnement est
un meurtre spécial qui nécessite comme tous les homicides volontaires un dol spécial c’est-à-dire la volonté de tuer (l’ « animus necandi »). Une simple comparaison exégétique des textes
et plus spécifiquement des articles 221-1 (122) et 221-5 (123) du
Code pénal suffit à démontrer que dans l’esprit de ses rédacteurs un empoisonnement n’était pas un meurtre par l’emploi
de substance mortifère mais un attentat à la vie d’autrui par
l’utilisation de substance de nature à entraîner la mort. Ainsi,
l’élément moral nécessaire pour que soit constitué un empoisonnement n’est nullement la volonté de donner la mort à
autrui mais seulement la volonté d’administrer une substance
de nature à entraîner la mort.
Si la différence peut apparaître comme subtile, elle a, comme souvent en matière de droit, des conséquences pratiques
importantes. En l’espèce, il ne fait aucun doute et personne ne
l’a soutenu que les auteurs des déversements aient voulu la
mort des seize Ivoiriens et les atteintes à l’intégrité physique
des centaines de milliers d’autres victimes. Ainsi, une qualification de meurtre ne pouvait pas être envisagée.
Malgré tout, deux autres qualifications criminelles pouvaient
être retenues : l’administration de substances nuisibles ayant entraîné la mort et la destruction d’un bien avec un produit de nature à mettre en danger la vie des gens, lorsque la circonstance
aggravante que l’infraction aura conduit à ce qu’une personne
subisse une interruption temporaire de travail est réalisée.
L’administration de substances nuisibles, défini par l’article
222-15 du Code pénal, est un empoisonnement qui, au lieu
d’utiliser des substances mortifères, se contente de substances
(122) Le meurtre est défini en l’article 221-1 du Code pénal comme « (..) le fait
de donner volontairement la mort à autrui ».
(123) L’article 221-5 du code pénal définit l’empoisonnement comme « le fait
d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances
de nature à entraîner la mort (…) ».
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nuisibles. Cette infraction ne nécessite pas d’ « animus necandi » et lorsqu’elle a eu comme conséquence d’entraîner la mort
d’autrui, alors elle reçoit une qualification criminelle. Cette qualification fut évidemment envisagée mais assez vite écartée,
en ce que les résidus de cales du Probo Koala n’étaient pas des
substances nuisibles mais bien des substances mortifères.
Ainsi, la qualification criminelle la plus évidente restait l’infraction définie aux articles 322-6 et suivants du Code pénal,
c’est-à-dire « la destruction, la dégradation ou la détérioration
d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un
danger pour les personnes (...) ».
Parce que l’élément matériel (124) et l’élément moral (125)
auxquels pouvaient être apportées des circonstances aggravantes (126) semblaient constitués, la catastrophe du Probo Koala
était bien susceptible de revêtir une question criminelle.
Finalement et contre toute attente, la Chambre de l’Instruction de Paris dans un arrêt du 11 avril 2008 a confirmé l’irrecevabilité de la constitution de partie civile des plaignants ivoiriens. Ainsi, à suivre la Cour d’appel, l’infraction de dégradation
de biens d’autrui avec un produit de nature à mettre en danger
la vie des gens nécessiterait un dol spécial : la volonté explicite
de porter atteinte aux biens d’autrui.
En parallèle, les victimes avaient décidé de saisir les juridictions anglaises. Le Royaume-Uni reconnaît un système d’action
de groupe qui a permis à plus de 31 000 victimes de devenir
parties à la plus importante instance jamais ouverte devant un
juge anglais.
Le système de « Group Action » à l’anglo-saxonne diffère
grandement de la « Class Action » américaine. Le principe reste néanmoins similaire dans sa construction : une faute ou un
comportement à l’origine de dommages similaires subis par un
groupe de plaignants. Afin de ne pas submerger le tribunal en
charge de l’action de groupe, les pays reconnaissants ce type
d’action ont tous recours à un mécanisme de représentation.
En Angleterre, il revient au juge de choisir parmi les parties demanderesses un ou plusieurs «test claimants» dont le cas est un
« test case », c’est-à-dire dont la solution aura force de loi. Pour
délimiter le groupe victime, deux mécanismes existent : l’ « opt
in » ou l’ « opt out ». Selon le mécanisme de l’ « opt-out », issu
(124) Notamment en ce qui concerne les biens protégés par cette incrimination (atteinte aux habitations des plaignants), les moyens utilisés (toxicité avérée), la détérioration des biens (perte de la valeur patrimoniale
des habitations des plaignants).
(125) L’infraction réprimée par l’article 322-6 du Code pénal est intentionnelle.
L’auteur de l’infraction doit avoir agi en connaissance de l’efficacité du
moyen mis en œuvre et du danger qu’il représente pour les personnes. Quant à la connaissance de l’efficacité du moyen, les mis en cause
ne pouvaient ignorer que déverser des déchets hautement toxiques et
extrêmement malodorants au milieu d’une zone habitée allait, entre
autres nuisances, entraîner une détérioration des habitations environnantes. Pour ce qui est de la connaissance du danger pour les personnes,
les représentants de TRAFIGURA, spécialistes en produits pétroliers, ne
pouvaient ignorer que le « raffinage sauvage » auquel s’est adonné le
navire entraîne la création de déchets composés d’éléments sulfurés et
d’hydrogène sulfuré, hautement toxiques.
(126) Telle que celle prévue par l’article 322-7 alinéa 1 du Code pénal (lorsque l’infraction a entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 8
jours) ou encore celle prévue par l’article 322-10 du Code pénal (lorsque
l’infraction a entraîné la mort).
Juillet 2010 • N°2
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du système américain, sont considérés comme membres du
groupe les personnes qui ne se sont pas manifestées et celles
qui ont expressément manifesté leur volonté d’agir dans le cadre de cette action de groupe. A contrario, ne sont pas membres
du groupe ceux qui ont expressément dit ne pas vouloir agir
dans le cadre de cette action, un délai d’exclusion étant parfois
fixé par le juge.
Le mécanisme de l’ « opt-in » impose la conclusion d’un accord explicite pour faire partie du groupe. Le groupe ne sera
constitué que de ceux qui ont expressément manifesté leur
volonté d’être représentés à l’instance. L’action repose sur un
mandat exprès et le silence vaut refus. C’est la méthode qui a
été retenue par le droit anglais.
Une fois le groupe constitué et le « solicitor principal » désigné pour mener les poursuites au nom des requérants, l’action
est introduite par une demande intitulée « Group Litigation Order ». L’action de groupe fait ensuite l’objet d’une décision sur la
recevabilité distincte du jugement à l’issue de laquelle le juge
autorise ou non l’exercice de l’action. Pour être autorisée, l’action
de groupe doit préalablement remplir certaines conditions dites
de recevabilité et définies par chaque législation nationale. Si
les conditions de recevabilité sont remplies (127), le juge autorisera l’action de groupe.
En règle générale, la transaction peut être conclue à toute
étape de la procédure. Elle doit faire l’objet d’une notification et
être approuvée par le juge. L’homologation n’est cependant pas
prévue dans le système anglais dans la mesure où la transaction
n’oblige pas nécessairement l’ensemble des parties à l’action et
n’empêche pas la poursuite de l’action. A défaut de règlement
amiable et si l’action de groupe est déclarée recevable, le juge
se prononcera sur le fond du litige.
Dans notre affaire, le Group Litigation Order avait été rendu
et 31 000 Ivoiriens avait décidé de se joindre à la procédure. Les
divers éléments apportés par les demandeurs avaient conduit
TRAFIGURA a reconnaître qu’elle avait effectivement commis un
«breach of duty of care» en faisant déverser les déchets dans
tout le district d’Abidjan. Pour faire un parallèle imparfait avec
notre responsabilité délictuelle, le « breach of duty of care »
correspond à notre faute délictuelle. Ainsi, ne restait plus qu’à
démontrer les dommages subis par les victimes et le lien de
causalité entre ces dommages et le déversement des déchets.
C’est à cet instant que TRAFIGURA et les victimes ont décidé de transiger (128). Les 31 000 victimes ont donc obtenu
31 000 000 euros en échange, une fois encore, de l’abandon
des poursuites à l’égard du Groupe.
Quant aux poursuites engagées devant le juge hollandais, la
Société APS a été condamnée le 5 février 2009 pour violation
des lois de protection de l’environnement. En conséquence, elle
a dû s’acquitter d’une amende de 450 000 euros. Par ailleurs,
(127) En règle générale, il faut que les questions de droit soulevées soient
communes ou identiques, similaires ou connexes aux membres du
groupe, que l’action de groupe présente un avantage par rapport aux
autres procédures et que le requérant soit un représentant approprié
des membres du groupe.
(128) Transaction intervenue le 19 septembre 2009.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
l’un de ses anciens dirigeants a également été condamné à
240 heures de travaux d’intérêt général, dont la moitié avec
sursis (129).
Le 1er juin 2010, s’est ouvert à Amsterdam, un procès à
l’encontre de TRAFIGURA, le capitaine du Probo Koala (130), le
consignataire du navire (131), la Société APS, l’ancien directeur
de celle-ci (132) et la ville d’Amsterdam. Le verdict a été rendu
le 23 juillet 2010. Au terme du jugement rendu par la Cour
néerlandaise statuant au pénal (133), TRAFIGURA a été reconnue
coupable d’infraction à la législation néerlandaise relative aux
mouvements transfrontières de déchets dangereux (134) et condamnée à s’acquitter du paiement d’une amende s’élevant à
1 million d’euros. Le capitaine a été reconnu coupable des chefs
de « (…) complicité dans la livraison de marchandises, sachant
que de telles marchandises présentaient des dangers à l’égard
de la vie et de la santé humaine, et pour avoir dissimulé la nature dangereuse de ces marchandises » (135), ainsi que de faux
en écriture (136). Il a par conséquent été condamné à une peine
d’emprisonnement de cinq mois avec sursis avec une mise à
l’épreuve de deux ans. Le consignataire du navire a quant à
lui été reconnu coupable du même chef d’accusation imputé
au capitaine (Section 174, Code pénal néerlandais) mais acquitté du chef d’accusation de faux en écriture. Le Président de
la Cour néerlandaise a prononcé à son égard une condamnation
en paiement d’une amende de 25 000 euros. La société APS et
son ancien directeur ont tous les deux été reconnus coupables
de violation à la loi sur l’environnement (137) mais in fine acquittés, la Cour ayant reconnu qu’ils avaient commis une « erreur
juridique excusable » (138).
Si cette décision présente une importance incontestable
dans le traitement juridique accordé jusque-là à l’affaire du
(129) La société APS condamnée dans l’affaire du Probo Koala, AFP, 6 février
2009 ; Déchets toxiques du Probo Koala/ La société Amsterdam Port
Services condamnée, All Africa, 6 février 2009.
(130) Sergueï CHERTOV.
(131) Naeem AHMED.
(132) Evert UITTENBOSCH.
(133) La Cour néerlandaise a statué en tant que tribunal de district (Rechtbank).
L’équivalent dans le système juridique français serait le Tribunal de grande instance. Aux Pays-Bas, le tribunal de district voit sa formation évoluer
selon la nature en contentieux (civil, administratif, pénal). Dans l’affaire
du « Probo Koala », c’est la Chambre criminelle qui a statué.
(134) Section 10.60, Europese Verordening Overbrenging Afvalstoffen (Environnement Management Act). Il s’agit du texte transposant en droit national
les obligations nées de la ratification par les Pays-Bas de la Convention
de Bâle et de l’intégration des exigences communautaires y relatives,
adoptées par voie de directives et de règlements.
(135) « (…) complicity in the delivery of goods, in the knowledge that these
goods are harmful to the life or the health of persons, and for having concealed this harmful nature », traduction non officielle de la Section 174
du Code pénal neerlandais (Section 174, Wetboek van Strafrecht).
(136) Section 225, Wetboek van Strafrecht.
(137) Section 10.37, Wet milieubeheer.
(138) Le fait justificatif tel qu’il est admis en droit néerlandais correspond à
« (…) an excusable error of the law » ; Summary of verdicts in BOOM II
Case, 23 juillet 2010, traduction non officielle. Pour la Cour, cela ressortait de l’autorisation qui avait été donnée initialement à la Société APS
par les services d’inspection environnementaux de la Ville d’Amsterdam
de recharger les déchets à bord du navire. A noter que ce fait justificatif semble emprunter les caractères principaux de ceux reconnus en
droit français et plus particulièrement ceux de « l’ordre de la loi » et du
« commandement de l’autorité légitime » (C.pé, art.122-4). Considérant
en effet que l’infraction avait été autorisée par le biais des ordres reçus
d’une autorité supérieure, la Cour a jugé que la Société APS et son ancien
directeur en tant qu’agents, pouvaient bénéficier de l’impunité.
« Probo Koala », en permettant notamment le prononcé de
peines autre que des dédommagements financiers, il est néanmoins dommageable que la Cour se soit déclarée incompétente
pour juger de la responsabilité de la Ville d’Amsterdam. Le rôle
des autorités nationales et notamment des entités en charge
des pouvoirs de police qui auraient du permettre l’immobilisation du navire au port, est prépondérant dans l’enchainement
des faits de l’affaire. La Commission européenne, saisie par les
associations ROBIN DES BOIS et SHERPA (139), d’une plainte pour
non respect du droit communautaire aura à se prononcer prochainement sur le rôle des autorités nationales dans la survenance de la catastrophe. Par ailleurs, la Cour d’appel de La Haye
saisie par GREENPEACE en 2009, statuera dans quelques jours
sur la recevabilité d’une plainte déposée contre TRAFIGURA pour
le déversement illégal des déchets en Côte d’Ivoire. Tout porte
donc à affirmer que l’affaire du « Probo Koala » est loin d’être
arrivée à son terme et peut nous réserver encore de nombreux
rebondissements.
Conclusion
L’affaire du Probo Koala a non seulement mis en évidence
que le trafic de déchets dangereux vers les pays en développement est une réalité et ce, malgré les efforts réalisés par la
Communauté internationale et l’Union Européenne mais aussi
qu’il existe une faille entre l’articulation des différents instruments juridiques pertinents. Force est d’admettre qu’il est et
restera difficile pour les victimes de ce genre de catastrophe
d’obtenir une indemnisation des préjudices dont elles souffrent
et ce, sans que des modifications des systèmes de prévention et
de sanction ne soient envisagées sur les plans national, régional
et international.
Ainsi que l’illustrent tragiquement les faits développés, le
trafic illicite des déchets dangereux et ses conséquences sur
la santé humaine et l’environnement constituent de nouveaux
défis auxquels les mécanismes juridiques classiques permettent
difficilement de répondre alors même que peu d’incidents font
l’objet d’un compte rendu et que ce type de trafic augmente
de manière exponentielle, charriant avec lui la mise en place
de filières toujours plus opaques et dont les ramifications avec
les trafics d’armes et de stupéfiants sont aujourd’hui clairement
établies. A ce titre, les institutions de la Convention de Bâle
ont décidé de coopérer avec l’Organisation mondiale des douanes et l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) (140) pour prévenir et déceler les cas de trafic illicite de déchets dangereux.
Si la Communauté internationale a pensé pouvoir réagir en
opposant au problème des mouvements transfrontières de déchets toxiques l’adoption d’instruments juridiques spécifiques
(139) Plainte déposée le 2 avril 2010.
(140) Le Secrétariat de la Convention de Bâle et Interpol ont conclu le 4 novembre 1999 un Mémorandum d’accord destiné à permettre un développement et un renforcement de la coopération entre les deux organismes. Le texte du Mémorandum est disponible en anglais à l’adresse
suivante : http://www.interpol.int/public/ICPO/LegalMaterials/cooperation/agreements/Basel1999.asp
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Pour autant, la capacité des écosystèmes à éliminer les déchets toxiques étant quasi-inexistante, les conditions de leur
gestion impose que des précautions drastiques soient prises
afin de réduire au maximum les atteintes subies par les individus et l’environnement. Encore faut-il admettre qu’eu égard au
principe de souveraineté des Etats, seuls ceux qui l’ont expressément accepté pourront se voir liés par d’éventuelles avancées.
C’est justement pour dépasser cet obstacle qu’il nous apparaît
primordial de développer, sur le plan international, un système
de contrôle de la légalité et qu’un droit de recours des individus, des organisations internationales et des Etats soit consacré
en matière d’atteintes transfrontières à l’environnement et à la
santé humaine.
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La priorité doit toutefois être donnée aujourd’hui au renforcement du cadre juridique existant et à la prévention des expéditions illicites de déchets toxiques. De fait, d’autres solutions
sont à envisager.
En premier lieu, un soutien technique et financier devrait
être assuré par les pays industrialisés en faveur des Etats africains. C’est d’ailleurs ce qu’encourage la Convention de Bâle dans
son article 10 consacré à la « Coopération internationale ». Au
cœur de ce dispositif, la formation d’experts africains et le développement de programmes de gestion adaptée des déchets
dans cette zone. C’est sur ce fondement qu’un projet a été lancé
récemment par le PNUE afin d’aider la Côte d’Ivoire et d’autres
pays africains à améliorer la gestion des déchets dangereux
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières (141).
Un effort significatif devrait en outre être consenti sur le
plan international afin d’obtenir une harmonisation de la notion
de « déchets dangereux » et des sanctions pénales applicables
en matière de trafic illicite.
Enfin et parce que les contrôles effectués en amont constituent la pierre angulaire de cette stratégie, un renforcement des
contrôles exercés par les autorités compétentes et notamment
par les autorités portuaires est indispensable à la prévention des
trafics illicites. ■
© Greenpeace
destinés à en réglementer la gestion, il demeure que le développement de normes juridiques toujours plus contraignantes
dans les pays développés producteurs de déchets et le renforcement de la concurrence internationale encouragent les industriels à contourner les réglementations existantes et les pays
d’importation, à bénéficier de cette manne leur permettant de
s’émanciper de l’exportation de matières premières caractérisée par une grande instabilité et de fortes spéculations.
Juillet 2010 • N°2
(141) V. le communiqué de presse intitulé « Côte d’Ivoire : le PNUE lance
aujourd’hui un projet pour mieux gérer les déchets dangereux », émis
par le PNUE le 17 juin 2008.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Le big-bang de la responsabilité
du commissionnaire de transport
en droit Ohada
par ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI,
Doctorant en Droit des Affaires
Juriste à Congo Terminal, Pointe-Noire
Summary
The liability of the freight forwarder has seen an explosion in Africa with the advent of the OHADA uniform law, especially since
the entry into force of the Uniform Act relating to general commercial law. The upheaval just seems apparent since the foundation
of contractual liability of the forwarder remains the same i.e. the fault. But in reality the legal consequences of this real big bang are
far more important.
La responsabilité s’entend de la capacité de prendre une
décision sans en référer préalablement à une autorité supérieure (1). Dans le langage juridique, la responsabilité désigne
l’obligation de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution
d’un contrat (c’est en d’autres termes, la responsabilité contractuelle), soit de la violation du devoir général de ne causer aucun
dommage à autrui par son fait personnel, ou du fait des choses
dont on a la garde, ou des personnes dont on doit répondre (il
s’agira selon les cas, de la responsabilité délictuelle ou quasi
délictuelle du fait personnel, ou des choses dont on a la garde,
ou des personnes dont on répond) (2). Le commissionnaire de
transport peut encourir une responsabilité contractuelle et délictuelle. Seule sa responsabilité contractuelle sera traitée dans
le cadre de la présente étude. La responsabilité contractuelle ne
peut être prononcée que lorsqu’il y a inexécution d’une obligation contractuelle, un dommage et un lien de causalité entre
les deux (3).
(1) V. Dictionnaire Le petit Larousse.
(2) Sur la responsabilité civile, V. Code civil, art. 1382 et s. ; sur la responsabilité
contractuelle, cf. : MAZEAUD (H, L et J), (ouvrage collectif), Leçons de droit
civil, Paris, Montchrestien, T.2, 1973, 1184p. ; TERRE (F), et al. Droit civil :
Les obligations, Paris, Dalloz, 8ème éd. 2002.
(3) FABRE-MAGNAN (M), Les obligations, Paris, PUF 2004, p. 572.
Intermédiaire de commerce (4), le commissionnaire de transport est « chargé d’organiser ou de faire exécuter sous sa responsabilité les opérations d’acheminement des marchandises
selon les modes de son choix pour le compte du commettant »
(art. 2-21 Code Communautaire de la Marine Marchande de la
CEMAC, ci-contre CCMM).
Le régime de responsabilité du commissionnaire de transport a connu un éclatement avec l’avènement du droit uniforme
(4) Voir à propos des intermédiaires de commerce, le Livre IV de l’AUDCG
portant sur « Les intermédiaires de commerce », notamment l’art. 137 :
« L’intermédiaire de commerce est celui qui a le pouvoir d’agir, ou entend
agir, habituellement et professionnellement pour le compte d’une autre
personne, le représenté, pour conclure avec un tiers un contrat de vente
à caractère commercial ». Le Titre II du Livre IV précité consacre une place
de choix au commissionnaire en matière de vente et d’achat : « ... (c’) est
celui qui se charge d’opérer en son propre nom, mais pour le compte du
commettant, la vente ou l’achat de marchandises moyennant une commission » (art. 160). L’AUDCG assimile le commissionnaire de transport au
commissionnaire à la vente ou à l’achat et lui reconnaît par conséquent la
qualité d’intermédiaire de commerce : « Le commissionnaire expéditeur,
ou agent de transport qui, moyennant rémunération et en son propre nom,
se charge d’expédier ou de réexpédier des marchandises pour le compte
de son commettant, est assimilé au commissionnaire... » (art.172). Cette
assimilation nous semble tout à fait logique, dans la mesure où l’art. 3 de
l’AUDCG reconnaît aux opérations de transport la qualité d’actes de commerce.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
OHADA (5), notamment depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général (ci-contre AUDCG). Ce
bouleversement semble simplement apparent dans la mesure
où le fondement de la responsabilité contractuelle du commissionnaire de transport demeure le même à savoir, la faute. Cette
faute pouvant résulter selon les cas, soit du retard à la livraison,
soit des pertes et avaries survenues à la marchandise (6).
Contrairement à la position adoptée par la Cour de cassation
française dans le débat qui l’opposait à la doctrine, au doyen Rodière (7) en l’occurrence, il est désormais acquis en droit OHADA,
que le commissionnaire de transport peut engager sa responsabilité soit en qualité de transporteur de la marchandise, soit en
qualité d’auxiliaire de transport, sur le fondement unique de la
faute contractuelle, résultant soit du fait du retard à la livraison,
soit du fait des pertes et avaries survenues à la marchandise.
Il ressort en effet des dispositions de l’article 173 in fine de
l’Acte uniforme portant droit commercial général que le commissionnaire de transport « n’en est pas moins soumis, en ce
qui concerne le transport des marchandises, aux dispositions qui
régissent le contrat de transport ». L’exégèse de ce texte montre
clairement que le commissionnaire de transport qui assure luimême tout ou partie du transport de la marchandise revêt, par
le fait de la loi, la qualité de transporteur pour cette phase de
l’opération, et demeure commissionnaire de transport pour les
autres phases, y compris le reste du transport, s’il ne transporte
lui-même la marchandise que sur une partie du trajet total. Ainsi,
le commissionnaire de transport peut-il exciper de deux qualités
distinctes dans une opération que son cocontractant considère
comme unique (8). Par conséquent, lorsqu’un dommage survient
(5) « Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les
Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » (art.10 Traité OHADA). V. à propos de la suprématie du
droit OHADA : POUGOUE (P.G.), Présentation générale et procédure en OHADA,
PUA, Yaoundé, 1998 ; KENFACK DOUAJNI (G.), « L’abandon de souveraineté
dans le traité OHADA », Recueil Penant, N° 830, mai-août 1999, p. 125.
(6) V. à propos du fondement de la responsabilité contractuelle du commissionnaire de transport, notre étude : « La condition juridique des auxiliaires
des transports maritimes dans la CEMAC », Mémoire DEA droit des Affaires,
Yaoundé II, 2005, pp. 64-69 ; Lamy transport (sous la dir. BRUNAT P.), t. 2 ;
éd. Lamy, Paris 1987, p. 61 et s.
(7) En France, un débat a divisé la doctrine et la jurisprudence. Lorsqu’à l’occasion d’une même opération, une entreprise intervient successivement en
tant que transporteur et en tant que commissionnaire de transport, et que
survient un dommage au cours du déplacement exécuté par ses soins, la
responsabilité de cette entreprise sera-t-elle celle d’un transporteur ou d’un
commissionnaire ? Autrement, il s’agit de savoir s’il convient, en pareille
hypothèse, d’appliquer l’adage « l’accessoire suit le principal » (et, donc, de
rattacher au régime de l’activité dominante toutes les opérations annexes
accomplies par l’entreprise) ou, au contraire, de « dépecer » la prestation
(et, donc, d’attribuer à l’entreprise, à chaque stade, la qualité juridique
correspondant à la nature effective de son intervention). Quoique visiblement dans l’embarras, le Doyen Rodière penchait plutôt pour cette seconde
solution (Traité général de droit maritime, t. III, n° 931 in fine), mais la jurisprudence paraît, au contraire, s’orienter vers l’unicité de régime juridique
par rattachement de l’accessoire au principal (Paris, 8 juillet 1974 ; 17 mars
et 6 mai 1982 ; 18 janvier 1983...).
(8) Il convient de signaler ici que le législateur uniforme OHADA consacre,
par les dispositions de l’art. 173 in fine de l’AUDCG, un droit de modification unilatérale du contrat en la faveur du commissionnaire de transport
qui peut, s’il le souhaite, devenir transporteur et bénéficier d’un régime
de responsabilité plus favorable que celui réservé au commissionnaire de
transport (V. à propos de ce régime de responsabilité la partie II de cette
étude). De même, le législateur OHADA consacre un droit de résiliation
unilatérale du contrat de transport de marchandise par route, par le seul
fait du transporteur routier (art. 7 al.2-3, 8 al.3 AUCTMR).
Juillet 2010 • N°2
/35
à la marchandise, la responsabilité du commissionnaire peut
être recherchée soit en tant que commissionnaire de transport,
soit en tant que transporteur, s’il a effectué lui-même tout ou
partie du transport. Il ne s’agit pas ici d’une option donnée à la
victime mais d’une exigence de procédure.
Le choix opéré par le législateur OHADA relatif à la dualité
des régimes de responsabilité du commissionnaire de transport
suscite quelques interrogations. Comment la victime peut-elle
mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire de transport, dès lors que ce dernier peut se prévaloir de deux qualités
distinctes et être par conséquent soumis à deux régimes de responsabilité ? Quelles sont les incidences de la distinction opérée
par l’article 173 de l’AUDCG ?
Le commissionnaire de transport agissant en cette qualité
ou en qualité de transporteur est soumis à une obligation de
résultat. Il pèse donc sur lui une présomption de responsabilité
en cas de dommage à la marchandise ou de retard à la livraison. Cependant, la mise en œuvre de sa responsabilité et le
régime de réparation des dommages causés à la victime varient
selon que le commissionnaire de transport a agit en qualité de
transporteur de la marchandise ou d’auxiliaire de transport ; d’où
l’intérêt de cette étude. Considérons successivement la responsabilité du commissionnaire agissant en qualité d’auxiliaire de
transport (I), et qualité de transporteur de la marchandise (II).
I • La responsabilité du commissionnaire
de transport agissant en qualité d’auxiliaire
de transport
La responsabilité du commissionnaire de transport agissant
en qualité d’auxiliaire de transport peut être envisagée au niveau de sa mise en œuvre (A) d’une part, et de la réparation
des dommages causés à la victime d’autre part (B).
A. La mise en œuvre de la responsabilité du
commissionnaire de transport agissant en qualité
d’auxiliaire de transport
Pour mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire
de transport agissant en cette qualité, la victime doit au préalable adresser à ce dernier des réserves au moment de la livraison
de la marchandise (1), avant de s’adresser au juge compétent
dans les délais de prescription (2), au risque de forclusion.
1. Des réserves à la livraison
« La morale du droit des réserves, écrit M. SERIAUX (9), pourrait se résumer ainsi : dans nombre de contrats qui font naître
à la charge de l’une des parties une obligation de transférer
matériellement une chose à l’autre partie, cette dernière a tout
intérêt à vérifier avec soin les biens qui lui sont remis. Si tel ou
tel aspect lui paraît sujet à critique, qu’elle n’accepte de recevoir ces biens qu’en faisant des réserves précises sur les points
(9) SERIAUX (A), note sous Aix-en-Provence, 18 mars 1982, D. 1983. 583.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
litigieux... Le résultat de ce laborieux exercice ne sera pas seulement de faciliter la preuve du dommage constaté. Bien souvent, les réserves du réceptionnaire constitueront la condition
nécessaire pour la sauvegarde de son éventuel recours contre
son cocontractant. Le contrat de transport en est une célèbre illustration ». L’exigence des réserves n’est cependant pas propre
au droit des transports ; il déborde largement ce cadre (10).
Toutes les règlementations régissant les transports de marchandises par mer, air ou terre (11), font obligation au destinataire de faire des réserves en cas de pertes ou de dommages.
Certaines exigent même des réserves en cas de retard à la livraison (12).
Les réserves impliquent que le destinataire (ou l’expéditeur)
tient l’exécution du contrat pour imparfaite ou défectueuse et
qu’il entend, éventuellement, rechercher la responsabilité du
commissionnaire de transport. En d’autres termes, par le truchement des réserves, le réceptionnaire indique au commissionnaire de transport que les marchandises lui sont parvenues
soit en mauvais état ou en quantité inférieure à celle portée au
document de transport, soit qu’elles lui ont été livrées au delà
du délai convenu. En l’absence de stipulation relative à la durée
de l’opération, le commissionnaire doit respecter un délai raisonnable en fonction des circonstances (13). Par les protestations,
l’ayant droit à la marchandise fait part au commissionnaire de
transport de ses griefs éventuels à l’issue du transport. Elles
assurent donc, au préalable, une fonction d’information au bénéfice du commissionnaire de transport. Vue sous cet angle,
l’obligation de faire des réserves s’apparente quelque peu à une
véritable obligation de renseignement à la charge du réceptionnaire (14). Le manquement du réceptionnaire à cette obligation
(10) En matière de construction de bâtiments à usage d’habitation par exemple, le maître de l’ouvrage doit signaler les désordres soit au moyen des
réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception, soit par voie de
notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception (art.
1792-6, al. 2 C.civ, issu de la loi du 4 janvier 1978). En l’absence de
telles réserves, la garantie de parfait achèvement ne jouera point pour
les désordres apparents lors de la réception (J-L. COSTA, La responsabilité des constructeurs d’après la loi du 4 janvier 1978, D. 1979, Chr. P.
35 ; P. MALINVAUD, P. JESTAZ, Commentaire de la loi du 4 janvier 1978,
Des responsabilités, JCP 1978. I. 2900). En matière de vente mobilière, la
réception sans réserves interdit à l’acquéreur de demander la résolution
de la vente pour non-conformité apparente de la marchandise vendue
(Com, 12 fév. 1980, D. 1981. 278, note Ch. AUBERTIN). En matière de bail,
il a été jugé que la réception sans réserves par le bailleur des locaux en
fin de bail éteint son action en réparation pour vices apparents (Paris, 9
juillet 1979, G.P 1981. I. Som. 8. ; Trib. Inst. Pontarlier, 19 juillet 1974, G.P.
1975. I. Som. 156).
(11) A l’exception de la convention de Berne qui prévoit un mode particulier de
constatation des dommages, V. art. 45 et s.
(12) AKAM AKAM (A), Les réserves à la livraison : Etudes des diligences des réceptionnaires dans les transports maritimes, terrestres et aériens, Thèse,
Aix-Marseille, 1991, p. 2.
(13) V. à propos du délai raisonnable, NGOMO MBASSA (Y.S), La notion du raisonnable en droit des contrats, Mémoire DEA droit des Affaires, Yaoundé
II, 2005, 81 p. ; Paris, 23 mars 1983. D. 1983. IR. 125 ; FORTIER (V), « Le
contrat du commerce international à l’aune du raisonnable », JDI, II. 1992 ;
KHAIRALLAH (G), « Le raisonnable en droit privé français : développements récents », RTD civ, 1984, p. 441 et s. ; LEGROS (R), « L’invitation
au raisonnable », Rev rég. de droit, Namur Luxembourg, 1976. I. 5 et s. ;
PERELMAN (Ch.), « Le raisonnable et le déraisonnable en droit », Archives
de la philosophie de droit, t. 23, 1978, p. 35 et s.
(14) Sur l’obligation de renseignement en général, V. De JUGLART, « Obligation
de renseignement dans les contrats », RTD civ. 1945. 1 et s. ; ALISSE :
L’obligation de renseignement dans les contrats, Thèse, Paris, 1975 ;
peut s’avérer fatale pour ce dernier. En effet, faute de réserve,
les marchandises sont réputées livrées dans les délais convenus ou raisonnables d’une part et en bon état et en quantité
indiquée dans le document de transport d’autre part. Un tel réceptionnaire perd en définitive tout recours contre le commissionnaire de transport, par sa propre négligence.
En définitive, un réceptionnaire diligent doit examiner minutieusement la marchandise avant d’en accuser réception. En cas
de retard à la livraison, perte ou avarie, il doit faire constater ce
retard, cette perte ou cette avarie, par l’entremise d’un huissier
de justice ou d’un commissaire aux avaries. Ce constat lui permet de conserver son recours contre son cocontractant.
2. De la saisine du juge compétent
La saisine du juge requière de préciser avec exactitude deux
éléments d’une importance capitale. Il s’agit d’agir dans les délais d’une part, et de s’adresser au juge compétent d’autre part.
En vertu des dispositions de l’article 3 de l’AUDCG, le commissionnaire de transport est commerçant, étant donné qu’il
accomplit des actes de commerce et en fait sa profession habituelle, comme l’indique l’art.2 du même texte. Pour engager
sa responsabilité, la victime doit agir dans les délais prescrits
par l’art. 18 de l’AUDCG qui dispose : « Les obligations nées à
l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si
elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ».
La computation des délais court en principe à partir de la date
convenue pour la livraison. A défaut de livraison, ce délai court
à partir de la date à laquelle un commissionnaire diligent était
censé livrer la marchandise. Dépassé ce délai de cinq ans, l’ayant
droit à la marchandise perd définitivement son recours contre
le commissionnaire.
Lorsqu’elle agit dans les délais de recours, l’ayant droit à la
marchandise doit s’adresser au juge territorialement et matériellement compétent.
La compétence matérielle (ratione materiae) du juge étant
déterminée par la qualité du défendeur (du commissionnaire
de transport en l’espèce), l’ayant droit à la marchandise doit
adresser sa requête aux fins d’indemnisation, soit au tribunal
de commerce, soit à la chambre commerciale du tribunal de
première instance, du tribunal d’instance ou de grande instance,
selon les Etats.
Quant à la détermination de la juridiction territorialement
compétente, on tient généralement compte du domicile du
défendeur (du commissionnaire de transport en l’occurrence).
L’ayant droit à la marchandise s’adressera ainsi au juge du
siège social ou du principal établissement du commissionnaire
de transport. Les parties peuvent également déterminer ellesmêmes le juge territorialement compétent. A défaut d’un tel ac-
(24) BOYER (Y), L’obligation de renseignement dans la formation du contrat,
Thèse, Aix, 1977 ; FABRE-MAGNANT, De l’obligation d’information dans les
contrats, Thèses Paris I, éd. 1992 ; Le TOURNEAU (Ph.), « De l’allégement
de l’obligation de renseignement ou de conseil », D. 1987, Chr. P. 101.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
cord, le demandeur est recevable d’engager l’action en responsabilité du commissionnaire de transport devant la juridiction
dans le ressort de laquelle le contrat s’exécute ; ce qui peut être
soit le lieu de la prise en charge, soit celui de la livraison (15).
La reconnaissance de la responsabilité du commissionnaire
de transport donne à l’ayant droit à la marchandise le droit à la
réparation du préjudice subit.
B. La réparation des dommages causés par le
commissionnaire de transport agissant en qualité
d’auxiliaire de transport
Lorsque sa responsabilité est mise en jeu, le commissionnaire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport
peut soit en être exonérée (1), soit réparer le dommage causé
à la victime (2).
1. Les causes d’exonération du commissionnaire de
transport
Le commissionnaire de transport bénéficie des mêmes causes d’exonération, qu’il soit poursuivit en qualité de commissionnaire ou de transporteur. A chaque fois qu’il évoque une cause
d’exonération, le commissionnaire de transport doit apporter la
preuve suffisante que le dommage survenu à la marchandise
est imputable à cette cause seule. Lorsqu’il ne va pas au bout de
sa démonstration, il est présumé être lui-même responsable. La
règle est consacrée en droit civil : « Actori incumbit probatio »,
celui qui allègue une prétention doit la prouver. La preuve que
le dommage survient d’une cause d’exonération pèse uniquement sur le commissionnaire de transport. L’article 173 in fine
de l’AUDCG énumère deux causes d’exonération du commissionnaire de transport : le fait d’un tiers et la force majeure ; à
cela s’ajoutent la faute ou l’ordre de l’ayant droit et le vice propre
de la marchandise. Nous analyserons le fait d’un tiers et la faute
ou l’ordre de l’ayant droit d’une part (a), et la force majeure et
le vice propre de la chose d’autre part (b).
a) Le fait d’un tiers et de la faute ou de l’ordre de l’ayant droit
pouvant exonérer le commissionnaire de transport
C’est une règle consacrée en droit des obligations : le fait
d’un tiers peut être considéré comme cause d’exonération,
lorsque ce fait a constitué pour le débiteur un obstacle à la
réalisation de ses engagements. Cette cause d’exonération du
commissionnaire de transport trouve son fondement dans l’article 173 de l’AUDCG. Seulement, le législateur n’exprime pas la
plénitude de sa pensée. Le texte aurait sans nul doute gagné
en clarté, en définissant le tiers au contrat de commission, ou
(15) V. Cass. civ, 13 janvier 1983, G.P. 1982. II. 243, obs. VIATTE ; TGI Brazzaville,
27 mai 1995, Marc Foulquié C/ SOCOPAO-Congo, note LOKO-BALOSSA
(E.J.), Juridis Périodique n° 31, p 74 et s. En l’espèce, un contrat est conclu à Abidjan entre Marc Foulquié et la SOCOPAO-Air service dans le but
de faire acheminer par voie aérienne le véhicule automobile du sieur
Marc Foulquié d’Abidjan à Brazzaville. Le véhicule automobile est livré
avec retard considérable et de nombreuses avaries. Après avoir cité la
SOCOPAO devant la chambre commerciale du TGI de Brazzaville, à la suite
d’une exécution défectueuse et tardive de l’obligation contractuelle, Marc
Foulquié obtint gain de cause.
Juillet 2010 • N°2
/37
plus largement dans le contrat de transport de la marchandise ;
la notion de tiers au contrat étant aujourd’hui controversée (16).
Ce mutisme législatif est critiquable dans la mesure où l’AUDCG
était adopté alors qu’en France, le débat sur les parties et les
tiers au contrat était encore pendant (17). Ce débat opposait les
tenants de la théorie dite du bloc contractuel, à ceux qui prônaient un élargissement des parties au contrat (théorie du lien
contractuel). Le législateur OHADA a certainement jugé qu’il serait précoce de se prononcer en faveur de telle ou telle autre
thèse, dans un débat qui ne lui semble pas encore clos. Le législateur OHADA se prononcera certainement à l’avenir, à l’occasion
d’une révision éventuelle de l’AUDCG.
Le contrat de commission, en vertu duquel le commissionnaire s’engage à faire acheminer les marchandises d’un point
à l’autre, met en présence plusieurs opérateurs. Si à l’origine,
seules deux personnes (le commettant et le commissionnaire
de transport) sont liées, la réalisation des opérations connexes
du transport ainsi que le déplacement de la marchandise fait
toujours appel à d’autres intervenants. Ces derniers peuvent
être considérés comme des tiers au contrat de commission liant
l’expéditeur au commissionnaire. Mais, l’éclatement du contrat
de commission en plusieurs contrats (transport, acconage, transit...) fait indubitablement éclater le bloc contractuel qui existait
au moment de la formation. Dès lors, le contrat de commission
peut s’étendre à plusieurs parties. Ainsi, l’acconier, le transitaire
et le transporteur qui interviennent dans les différentes phases
de l’exécution du contrat de commission ne peuvent pas être
considérés comme des tiers. Ils sont de plein droit des parties
au contrat. Le commissionnaire ne peut donc pas invoquer, pour
s’échapper de sa responsabilité, un fait quelconque imputable à
l’un de ces professionnels. En France, le Code de commerce fait
d’ailleurs bien de souligner que le commissionnaire de transport
est garant du fait du commissionnaire intermédiaire auquel il
adresse la marchandise. On en déduit qu’il répond d’une manière générale, de toute personne au service duquel il recourt
pour la réalisation de ses engagements.
Le tiers au contrat de commission est donc celui qui n’a
aucun lien contractuel, à quelque degré que se soit, en rapport
avec le déplacement de la marchandise. Il peut s’agir d’un acconier qui cause un dommage à la marchandise, qu’il n’était pas
mandaté de charger ou décharger. C’est la position que devrait
retenir la jurisprudence de la Cour Commune de Justice d’Arbitrage (CCJA), en prônant un élargissement des parties au contrat
de transport des marchandises.
Le fait d’un tiers peut conduire à une exonération partielle
du commissionnaire de transport lorsqu’il a contribué à la réalisation du dommage sans pour autant constituer un cas de force
majeure pour la personne poursuivie. Ce qui signifie que le
dommage a deux causes et plus précisément, que la personne
(16) V. à propos des tiers au contrat : GHESTIN (J), « La distinction des parties
et des tiers au contrat », JCP. 1992. I. 3628 ; du même auteur, « Nouvelles
propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des
tiers », JCP. 1994, p. 777 ; THIBIERGE-GUELFUCCI (C), « De l’élargissement
de la notion de partie au contrat... à l’élargissement de la portée du principe de l’effet relatif », RTD civ. 1994, p. 257 et s. du même auteur :
« Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997,
p. 357 et s.
(17) Idem.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
poursuivie et le tiers sont coauteurs. Or, en matière de responsabilité civile délictuelle, lorsque plusieurs auteurs ont contribué
à la réalisation d’un même dommage, ils sont tenus in solidum
de le réparer (18).
Cependant, lorsque le fait du tiers présente les caractères de
la force majeure, il est traité comme telle c’est-à-dire qu’il rompt
le lien de causalité. En d’autres termes, le défendeur est totalement exonéré, et c’est ce tiers que la victime doit naturellement
poursuivre, sur le terrain de la responsabilité délictuelle.
Outre le fait du tiers, le Commissionnaire de transport peut
également être exonéré en cas de faute ou de l’ordre de l’ayant
droit.
La faute ou l’ordre de l’ayant droit, est une attitude fautive
de ce dernier qui entrave la bonne exécution du contrat de
transport. Ainsi, dans une espèce, la Cour d’appel de Paris a-telle déchargé le transporteur de sa responsabilité en estimant
qu’il a pris toutes les dispositions de route nécessaire et que
le retard survenu avait pour cause exclusive l’insuffisance des
pièces destinées à la douane dont l’établissement incombait à
l’expéditeur (19).
L’ordre de l’ayant droit qui exonère le transporteur est une
instruction donnée à ce dernier soit au moment de la signature
du contrat, soit au moment au cours de son exécution. Cet ordre
doit revêtir un caractère fautif et direct avec le dommage. Dans
l’AUCTMR, cet ordre peut revêtir plusieurs formes. Commet ainsi
une faute pouvant exonérer le transporteur, le chargeur qui admet expressément dans la lettre de voiture que la marchandise
soit transportée à bord des véhicules ouverts et non bâchés.
Il en est de même lorsqu’il emballe mal les marchandises, y
appose maladroitement des marques et numéros, ou lorsque la
manutention, le chargement, l’arrimage ou le déchargement de
la marchandise est effectuée par l’expéditeur ou le destinataire
ou par des personnes agissant pour le compte de l’un d’entre
eux (art. 17 AUCTMR). Dans ce cas, le défaut d’arrimage et de
calage des marchandises est imputable à l’expéditeur (20).
Quid de la force majeure et du vice propre de la marchandise ?
b) La force majeure et le vice propre de la marchandise
La force majeure (21) est tout événement imprévisible, irrésistible et insurmontable, empêchant le débiteur d’exécuter
(18) Civ. 4 déc. 1939, DC, 1941. 124, note HOLLEAUX : « Chacun des coauteurs
d’un même dommage, conséquence de leur faute respective, doit être
condamné in solidum, à la réparation de l’entier dommage, chacune de
ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu’il ait lieu de
tenir compte du partage de responsabilité auquel les juges du fond ont
prononcé entre les coauteurs et qui n’affecte que les rapports réciproques
de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation au
regard de la partie lésée ».
(19) Paris, 2 décembre 1981, B.T. 1982, p. 76, cité par NOUKEU KELOJO (S.A.),
in La responsabilité du transporteur de marchandises par route, Mémoire
de DEA, Yaoundé II, 2003
(20) Cass. Com, 3 oct. 1989, Bull. civ. IV, n° 245.
(21) V. à propos de la force majeure : ANTONMATTEI (PH), Contribution à
l’étude la force majeure, LGDJ, 1992, préf. B. TEYSSIE ; du même auteur,
« L’ouragan sur la force majeure », JCP. 1996, éd. G.I. 3907 ; RADOUANT
(J), Du cas fortuit et de la force majeure, Thèse, Paris 1919.
son obligation. Elle marque la rupture du lien de causalité entre
l’inexécution de l’obligation contractuelle et le dommage causé
à la victime. La force majeure rend en effet impossible l’exécution de l’obligation et anéantit par conséquent la faute du
débiteur ainsi que sa responsabilité. L’exécution de l’obligation
étant impossible par suite d’un cas de force majeure, c’est tout
le contrat qui disparaît, sans aucune compensation possible
pour le débiteur de l’obligation devenue impossible. Le commissionnaire qui n’exécute pas son obligation par suite d’un cas de
force majeure, ne peut pas non plus réclamer le paiement à son
cocontractant. Il supporte cependant la charge de la preuve.
Il a été jugé que la faute du transporteur auquel le commissionnaire a eu recours ne saurait constituer un cas de force majeure (22). Mais un incendie qui a pris naissance dans une maison
voisine et qui s’est étendu aux locaux d’un commissionnaire de
transport, détruisant les colis qui y étaient entreposés, constitue
pour ledit commissionnaire un cas de force majeure l’exonérant
de toute responsabilité (23).
La force majeure est également une cause d’exonération
pour le Commissionnaire agissant en qualité de transporteur.
L’article 17-1 AUCTMR l’énonce en ces termes : « Le transporteur
est exonéré de responsabilité s’il prouve que la perte, l’avarie
ou le retard a eu pour cause...des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne
pouvait remédier ». L’article 18 de la convention de Montréal
cite également la force majeure comme cause d’exonération du
transporteur aérien de marchandises. La solution est la même
en droit maritime : « Le transporteur est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison... à moins qu’il ne prouve
que lui-même, ses préposés et mandataires ont pris toutes les
mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l’événement » (art. 5-1 Règles de Hambourg).
Outre la force majeure, le commissionnaire de transport
peut être également exonéré, en invoquant la nature ou le vice
propre de la marchandise.
La notion de vice propre de la marchandise est susceptible
d’interprétations diverses. Rodière et Mercadal soutiennent que
le vice propre de la chose résulte de la « nature intrinsèque de
cette chose ». Ils citent en exemple le caractère périssable de
certaines denrées et précisent que le vice n’est pas un défaut
de la chose. Pour d’autres auteurs cités par Noukeu Kelojo (24), ce
qui caractérise le vice propre, c’est la tare qui affecte la chose
remise au transporteur et qui l’expose de ce fait à une détérioration au cours du transport. Ainsi en est-il en cas de pré réfrigération d’une denrée périssable transportée sous température
dirigée (25) ou d’un défaut de fabrication, ou encore de denrées
attaquées par des bactéries.
(22) Cass. Com, 12 mai 1969, B.T. 1969, p. 234.
(23) Cass. Com, 26 janvier 1953, BAC, 1953, p. 26.
(24) Op. cit.
(25) Com, 13 avril 1970, B.T., p.189 ; Paris, 15 février 1991, B.T.L. 1981, p.289
qui a exonéré le transporteur pour des avaries subies par la viande livrée
en état de quasi putréfaction en statuant, que la cargaison serait parvenue
en parfait état à destination si avant sa remise au transporteur, la réfrigération avait été effectuée conformément à la réglementation en vigueur.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Faute d’exonération, le commissionnaire de transport a
l’obligation de réparer le préjudice causé à l’ayant droit à la marchandise.
2. La réparation des dommages causés par le commissionnaire de transport
Lorsque le commissionnaire de transport n’est pas exonéré,
il est tenu de réparer le préjudice subit par l’ayant droit à la
marchandise conformément au régime de réparation résulte de
droit commun des contrats. L’article 1147 du Code civil français
dispose à cet effet : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu,
au paiement des dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution,
toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient
d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée... ». Ainsi,
le commissionnaire de transport doit-il réparer l’entier préjudice
subi par son cocontractant résultant du retard à la livraison ainsi
que des pertes et avaries. Il rembourse à ce dernier la valeur
de la marchandise perdue ou endommagée, les frais dépensés
pour les besoins de transport et les formalités y relatives, majorés le cas échéant, des intérêts calculés par le juge.
Juillet 2010 • N°2
/39
dommage causé à la marchandise est survenu par le fait et à
l’occasion du contrat de commission. Le problème se pose lorsque le commissionnaire cesse de ne se comporter comme simple organisateur, et devient lui-même transporteur et souvent à
l’insu de son cocontractant. Comment ce dernier apportera-t-il
la preuve de cette nouvelle qualité ? En pratique, l’ayant droit
à la marchandise se bornera à rechercher la responsabilité du
commissionnaire de transport agissant en cette qualité. C’est
plutôt au commissionnaire de transport qui estime s’être comporté comme transporteur maritime, terrestre ou aérien d’en
apporter la preuve. Il y aura alors renversement de la charge
de la preuve. Il est ainsi lorsque le connaissement, la lettre de
voiture ou la lettre de transport aérien aurait été émis au nom
du commissionnaire de transport. Ce document pourra servir de
preuve que le commissionnaire a entendu prendre la qualité de
transporteur maritime, routier ou aérien. Il devra donc assumer
la responsabilité y relative (27).
La question de la preuve de l’intervention du commissionnaire de transport en qualité de transporteur ayant été résolue,
reste alors celle des délais et des voies de recours.
2. Les délais et les voies de recours
Le commissionnaire de transport poursuivit en qualité de
transporteur, bénéficie d’un régime de responsabilité plus favorable que lorsqu’il intervient en qualité d’auxiliaire de transport.
II • La responsabilité du commissionnaire
de transport agissant en qualité de transporteur terrestre, maritime ou aérien
Comme dans la première partie, la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur
comprend deux volets : sa mise en œuvre d’une part (A), et la
réparation des dommages d’autre part (B).
A. La mise en œuvre de la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de
transporteur de la marchandise
Pour mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire
de transport agissant en qualité de transporteur, la victime doit
avant tout émettre des réserves contre ce dernier, au moment
de la livraison de la marchandise (26). Il faut en outre prouver
qu’il a agit en qualité de transporteur de la marchandise (1), et
s’adresser au juge compétent (2).
1. La preuve de la qualité de transporteur
En droit civil français, la charge de la preuve incombe au
demandeur (art. 1315 C.civ). Lorsque survient un dommage à
la marchandise à la suite d’un contrat de commission, la charge
de la preuve du dommage pèse sur le demandeur c’est-à-dire,
l’ayant droit à la marchandise. Il doit prouver en effet que le
(26) Cf. première partie, sous-titre 1) Des réserves à la livraison.
Les délais de recours dont dispose l’ayant droit à la marchandise pour engager la responsabilité du commissionnaire de
transport agissant en qualité de transporteur varient selon le
mode de transport utilisé par ce dernier.
Le délais de recours est d’une année lorsqu’il s’agit du transport par route. L’article 25-1 de l’AUCTMR dispose à cet effet :
« Toute action découlant d’un transport régi par le présent Acte
uniforme se prescrit par un an à compter de la date de livraison
ou, à défaut de livraison, de la date à laquelle la marchandise
aurait dû être livrée. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute
équivalente au dol, cette prescription est de trois ans ». L’alinéa
2 de ce texte ajoute que pour être recevable, l’action en responsabilité contre le transporteur routier doit obligatoirement être
précédée d’une réclamation écrite faite au transporteur ou au
dernier transporteur au plus tard soixante jours après la date de
la livraison de la marchandise ou, à défaut de livraison, au plus
tard six mois après la prise en charge de la marchandise.
Cette exigence est proche à la procédure administrative
contentieuse en ce que le requérant qui veut poursuivre l’administration par la voie contentieuse est tenu de formuler un
recours administratif préalable. L’option de la réclamation écrite
préalable faite au transporteur routier peut s’avérer périlleuse
pour le demandeur (ayant droit à la marchandise). D’une part,
il peut voir sa demande rejetée par le juge au motif qu’il n’a
pas adressé de réclamation écrite préalable ; d’autre part, pour
aboutir aux mêmes fins, le transporteur peut feindre de ne jamais avoir reçu une quelconque réclamation écrite de la part de
l’ayant droit à la marchandise. La réclamation écrite préalable
doit alors se faire par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout autre moyen laissant trace écrite. Pour garantir le recours de l’ayant droit à la marchandise, le législateur
(27) Lamy transport (S/dir. BRUNAT P.), t. 2, Paris 1987, p. 60.
40/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
aurait dû trouver une formule faisant obligation au transporteur
routier d’informer le chargeur qu’en cas de retard à la livraison,
perte ou avarie, ce dernier devrait préalablement informer le
transporteur au moyen d’une réclamation écrite. Il pèse de ce
fait sur l’ayant droit à la marchandise une véritable obligation
d’information (28) à l’endroit du transporteur d’une part. Et d’autre
part, une obligation légale de solutionner préalablement tout
litige né d’une exécution défectueuse du contrat par un arrangement amiable avec le transporteur fautif, avant d’envisager un
quelconque recours au juge. Cependant, le législateur OHADA
n’indique pas le délai qui doit s’écouler entre la réclamation
préalable faite au transporteur et la saisine du juge, lorsqu’à la
suite de ladite réclamation, la victime n’a pas obtenu gain de
cause. Le problème des délais étant l’un des piliers de la procédure, le législateur est vivement invité à se prononcer sur la
question. Dans l’attente de cette prononciation, le juge fera sans
doute application de la notion du délai raisonnable.
Il en résulte que le manquement au devoir d’information et
à l’obligation de recours préalable fait perdre à la victime son
recours contre le transporteur fautif.
Il est à première vue très étonnant de constater que le législateur uniforme OHADA s’accroche à l’écrit lorsque se posent
des problèmes de mise en œuvre de la responsabilité du transporteur routier de marchandises. Au moment de la conclusion
du contrat en effet, l’écrit n’est requis qu’à titre de preuve, son
défaut n’affectant point l’efficacité même du contrat (29). Mais
à l’analyse, il s’agit ici de la consécration d’une formule bien
connue dans les transports de marchandises. Le réceptionnaire
doit s’assurer que les marchandises reçues sont livrées dans
les délais conformes, sans dommage quelconque. Il s’agit en
d’autres termes de l’obligation faite au réceptionnaire d’émettre
des réserves (30) contre le transport routier, afin de sauvegarder
son recours contre ce dernier.
Le délai de prescription est deux ans lorsque le commissionnaire effectue le transport maritime ou aérien des marchandises : « Toute action relative au transport de marchandises par
mer en vertu de la présente convention est prescrite... dans un
délai de deux ans » (art. 20 Règles de Hambourg, voir aussi l’art.
35 Convention de Montréal).
(28) V. De JUGLART, « Obligation de renseignement dans les contrats », RTD civ.
1945. 1 et s. ; ALISSE : L’obligation de renseignement dans les contrats,
Thèse, Paris, 1975 ; BOYER (Y), L’obligation de renseignement dans la
formation du contrat, Thèse, Aix, 1977 ; FABRE-MAGNANT, De l’obligation
d’information dans les contrats, Thèses Paris I, éd. 1992 ; Le TOURNEAU
(Ph.), « De l’allégement de l’obligation de renseignement ou de conseil »,
D. 1987, Chr. P. 101.
(29) « Le contrat de transport de marchandise existe dès que le donneur
d’ordre et le transporteur sont d’accord pour le déplacement d’une marchandise moyennant un prix convenu » (art. 3 AUCTMR). Commentant ce
texte, Mme Dorothé SOSSA, in (Additif) OHADA, Traité et Actes uniformes
commentés et annotés, dit que le contrat de transport de marchandises
par route se forme « solo consensu » - comme en matière de vente
civile : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise
de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la
chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix
payé » (art. 1583 C.civ) – dès l’accord sur le déplacement de la marchandise et le prix.
(30) V. à propos des réserves : AKAM AKAM (A.), Thèse précitée.
Quant aux voies de recours, rappelons que le commissionnaire est commerçant (tout comme le transporteur) ; la victime
s’adressera donc au tribunal de commerce comme indiqué plus
haut (31).
Lorsqu’il y a certitude que le commissionnaire de transport a
agi en qualité de transporteur, et que la victime réclame réparation dans les délais, elle doit être indemnisée selon les dispositions régissant le mode de transport en présence.
B. La réparation des dommages causés par le
commissionnaire de transport agissant en qualité
de transporteur de la marchandise
Le commissionnaire de transport agissant en qualité de
transporteur terrestre, maritime ou aérien peut également être
exonéré de tout ou partie de sa responsabilité, comme indiqué
précédemment (32). A défaut d’être exonéré, le commissionnaire
agissant en qualité de transporteur répare les dommages causés à la victime, tout en bénéficiant d’un régime légal de plafonnement ou de limitation de responsabilité (1), régime qu’il
peut perdre dans certaines circonstance (2).
1. De la limitation de la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur
terrestre, maritime ou aérien
Ce régime varie selon le mode de transport utilisé par le
commissionnaire de transport.
En cas d’avarie, perte totale ou partielle de la marchandise,
l’indemnité due par le transporteur routier ne peut excéder
5.000 Francs CFA par kilogramme de poids brut de la marchandise (art.18 AUCTMR). Lorsqu’il y a retard à la livraison, si l’ayant
droit prouve qu’un dommage supplémentaire a résulté du retard, le transporteur est tenu de payer pour ce préjudice une
indemnité qui ne peut dépasser le prix du transport.
Aux termes de l’article 6 des Règles de Hambourg, le transporteur maritime est en droit de limiter sa réparation sur les
pertes, avaries ou dommages sur les marchandises à hauteur de
835 DTS par colis ou unité ou alors, 2,5 DTS par kilogramme (soit
1700 F. cfa). L’article 6-1-a des Règles de Hambourg dispose :
« La responsabilité du transporteur pour préjudice résultant des
pertes ou dommages subis par les marchandises... est limitée à
une somme équivalent à 835 unités de compte par kilogramme
de poids brut des marchandises perdues ou endommagées ».
Lorsqu’il y a retard à la livraison, cette responsabilité équivaut à
une somme correspondant à deux fois et demi le fret payable
pour les marchandises ayant subi le retard mais n’excédant pas
le montant total du fret payable en vertu du contrat de transport
de marchandise par mer (art. 6-1-b Règles de Hambourg).
En cas de dommage subit à la suite d’un transport aérien, la
responsabilité du transporteur aérien est limitée à la somme de
4150 DTS. Mais l’on peut aussi retenir une limitation de 17 DTS
par kilogramme (art.22 Convention de Montréal).
(31) V. première partie : La saisine du juge compétent.
(32) Cf. Première partie, 1) Les causes d’exonération du commissionnaire de
transport.
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Le principe légal de limitation de responsabilité des dommages causés à la victime du fait du transport des marchandises est très favorable au transporteur seul, au grand damne des
chargeurs et des ayants droit à la marchandise qui se trouvent
privés du bénéfice des règles de droit commun relatives à la
réparation intégrale des dommages subis. Le législateur a sans
doute pris en compte les risques inhérents aux transports des
marchandises et la difficulté pour les transporteurs de couvrir
tous les risques y relatifs. Cette limitation est d’ailleurs assortie
de déchéances.
2. La perte de la limitation de la réparation
Il n’est pas exclu que le transporteur routier, maritime ou
aérien se voie refuser le bénéfice du plafonnement de la responsabilité. Ce refus peut résulter soit du comportement de l’expéditeur, soit de celui du transporteur lui-même.
L’expéditeur qui par précaution, voudrait éviter de se voir
opposer par le transporteur la limitation de sa responsabilité,
est tenu de faire une déclaration de valeur ou une déclaration
d’intérêt spécial à la livraison. Cette déclaration doit figurer dans
Juillet 2010 • N°2
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la lettre de voiture, le connaissement, la lettre de transport aérien ou dans tout autre document en tenant lieu.
Par ailleurs, le comportement fautif du transporteur, de ses
préposés ou de ses mandataires peut lui faire perdre le bénéfice
de la limitation de responsabilité. Ainsi, lorsque le transporteur
se trouve coupable d’un acte ou d’une omission qu’il a commis,
soit avec l’intention de provoquer cette perte, cette avarie ou
ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte,
cette avarie ou ce retard en résulterait probablement (art. 211 AUCTMR ; art. 8 Règles de Hambourg). Ce principe découle
du droit commun des contrats notamment, de l’article 1147 du
Code civil français qui pose comme limite au bénéfice du droit
à l’exonération, la mauvaise foi du débiteur ; la jurisprudence y
assimile la faute lourde (33) ou inexcusable.
Dans tous les cas, lorsque le transporteur perd le bénéfice
du plafonnement de la réparation, il est soumis au régime de
droit commun et répare alors tout le préjudice dans son intégralité. ■
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(33) Com, 7 mai 1980, JCP. 1990. II. 19473, note Rodière.
Président : Wilfrid Guy César NGUESSO
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Le transport maritime de passagers
à l’épreuve des principes généraux
du droit de la responsabilité
par ■ Mady Marie BOUARE,
Docteur en Droit privé
Maître Assistant Associé
Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)
Summary
Like other maritime disasters that occurred in the world, the tragedy of «JOOLA” appears for the State of Senegal as the measure
of its inability to fulfill its obligations for the protection and management of public economic policy. Beyond that, it shows the limits
of the «informal» in the governance of public affairs. This tragedy, we must admit, can be repetitive. It therefore seems appropriate
to consider the responsibility of the passenger shipping line, which reveals a conflictual questioning in relation to general principles
of tort law.
1. Prolégomènes. A l’image d’autres catastrophes maritimes survenues dans le monde (1), la tragédie du “JOOLA” (2)
apparaît pour l’Etat du Sénégal comme une mesure d’incapacité de remplir ses obligations de protection et de direction de
(1) Le naufrage le 6 mars 1987 du car-ferry britannique Herald-of-freeenterprise, survenu après l’accident de l’aéroglisseur Princess Margaret à
Douvres le 30 mars 1985, rapproche considérablement comme les grands
naufrages des années 1940 ou 1950 (Lamoricière, Champollion, AndréaDoria), l’Europe, si soucieuse de sécurité maritime, de catastrophes qui
paraissaient réservées aux pays du tiers-monde (25 mai 1983 : 326 morts
sur le Nil. – 23 mars 1985 : 250 morts au Bengla-Desh. – 11 juin 1985 :
103 morts à Timor. – 14 août 1985 : 161 morts, encore au Bengla-Desh.
– 18 janvier 1986 : 108 morts en Indonésie. – 11 avril 1986 : 129 morts en
Chine. - 20 avril 1986 : 200 morts au Bengla-Desh. – 25 mai 1986 : 224
morts au Bengla-Desh. – 11 novembre 1986 : 200 morts à Haïti, et, tout
récemment, le naufrage aux Philippines, le 20 décembre 1987, du DoñaPaz avec ses 1 600 morts, au moins...) ou même aux pays de l’Est (5 juin
1983 : 250 morts dans le naufrage de l’Alexandre Souvarov. – 1er septembre 1986 : 398 morts dans le naufrage de l’Amiral Nakhinov).
(2) Le navire M/S le “Joola” assurant la liaison maritime Dakar Ziguinchor et
dont la gestion nautique et la gestion commerciale avaient été confiées à
la Marine nationale a appareillé le jeudi 26 septembre 2002 aux environs
de 13 h par temps calme. Il a mouillé à l’escale de Karabane à 16 h 30 mn
pour ensuite appareiller à 18 h 05 mn à destination de Dakar. Le dernier
contact qu’il a eu avec la Marine nationale remonte à 22 h : aucun incident n’avait alors été signalé. C’est au large des côtes sous juridiction gambienne, aux environs de 23 h qu’il a connu des difficultés de manœuvre à
16,8 nautiques de la pointe de SANIANG à la position latitude 13° 12,8 N
– Longitude 017° 05,6 W. Il devait chavirer quelques minutes plus tard
(vers 23 h 10 mn). Il avait à son bord de très nombreux passagers estimé
l’ordre public économique. Au-delà, elle montre les limites de
“ l’informel ” dans la gouvernance des affaires publiques. Cette
tragédie, il faut en convenir est répétitible (3). Il apparaît donc
pertinent de s’interroger sur la responsabilité du transporteur
maritime de passagers, qui révèle un questionnement conflictuel par rapport aux principes généraux du droit de la responsabilité.
Aujourd’hui, notoirement on peut souligner la forte compétition économique qui oppose le transport transocéanique de
(2) à 1220, mais aussi du fret. Seuls soixante cinq (65) rescapés auront été
recensés à la suite des opérations de secours organisées dès le lendemain
du drame. Ce naufrage intervenu aux larges des côtes gambiennes dans
la nuit du 26 au 27 septembre 2002 a fait quelque 1863 morts d’après le
discours sur la politique générale du premier ministre sénégalais Idrissa
Seck en date du 3 février 2003 Ce bilan est plus important que celui du
Titanic en 1912.
(3) Voir CISSE Abdoullah, « Tragédie du Joola ou le mal sénégalais », revue
Africajuris n°35/ 2002, p.4. En témoignent aussi l’état du réseau routier
et du parc automobile où des “cercueils roulants” défient tout entendement humain devant la force publique muette et aveugle, n’osant prendre
aucune mesure tendant à assurer la sécurité des personnes et des biens.
Pis encore, des occupations anarchiques et l’irrespect des règles de constructibilité induisent des interrogations essentielles relatives à l’inexistence
ou à l’ineffectivité de schémas directeurs, de plan d’occupation des sols ou
d’urbanisme, tant il ne se passe pas un mois sans que le “vouloir” légitime
d’habitation des populations ne conduise à leur perte dans l’écroulement
de leur lieu de vie ne répondant pas aux règles de l’art en la matière.
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passagers au transport aérien, pour affirmer néanmoins la très
forte résistance du commerce maritime de passagers qui est
très loin de disparaître. Ce dernier est des plus visibles et il est
même plausible que le volume annuel de passagers déplacé
soit supérieur à ce qu’il était au moment des grands chantiers
navals. Singulièrement, il faut relever dans ce sillage, la multiplication d’une autre utilisation des déplacements sur les océans
que constitue la croisière maritime qui postule un aspect positif
de récréation, de délassement, mais dont le contentieux juridique n’est guère distinctif des litiges du transport de passagers
proprement dit. Dans cette perspective, si un événement accidentel venait à se produire, inévitablement la question des
responsabilités se poserait.
Du latin Responsus, la responsabilité signifie l’obligation de
répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les
conséquences pénales et civiles, soit envers la victime, soit à
l’égard de la société. Le droit de la responsabilité est un droit
né des conflits, il est donc aisé d’y voir une réponse naturelle
au progrès des techniques, à la multiplication des machines,
engins, appareils, tout spécialement des autos. Cependant des
auteurs comme Fauconnet (4) trouvent dans la responsabilité
non plus un attribut appartenant à la personne consciente et
libre, mais une réalité sociale, l’ensemble des émotions collectives que suscite le crime.
Le naufrage du navire le “JOOLA” appartenant à l’Etat Sénégalais a impliqué donc la question de la responsabilité. Loin
d’obérer le conflit juridique qu’elle pose, cette responsabilité
est aisée à définir dans la mesure où c’est l’Etat sénégalais par
sa plus haute représentation qui s’est déclaré être responsable de la tragédie du JOOLA (II). Cette déclaration lourde de
conséquences nous impose à opérer une première lecture sur
l’obligation générale de sécurité qui pèse sur le transporteur
maritime de personnes (I).
I • L’obligation générale de sécurité du
transporteur maritime
2. Législation applicable. Elle est composée pour l’essentiel, du Code de la marine marchande et de la pêche (loi n°6232 du 22 mars 1962) plus précisément dans son livre II portant
obligations commerciales en matière maritime, et de la loi (6362 du 10 juillet 1963) relative à la partie générale du code
des obligations civiles et commerciales (COCC) et qui dans sa
deuxième partie (livre IV) traite du contrat de transport terrestre.
En effet, le transport terrestre nous intéresse relativement à la
tragédie du “JOOLA” dans la mesure de l’appréciation de l’article
640 « les dispositions du présent titre s’appliquent au contrat de
transport terrestre, ferroviaire ou fluvial de personnes ou marchandises ». Il est acquis que le navire le “JOOLA” effectuait bien
une partie de son trajet sur le fleuve Sénégal avant de rejoindre
les eaux maritimes. S’il faut reconnaître que ce passage est de
moindre importance et en conséquence, faire application de la
(4) Etude durkheimienne, la responsabilité, 1920.
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théorie de l’accessoire, pour en définitive ne reconnaître que le
trajet maritime, il importe cependant de considérer l’ensemble
de la trajectoire dans la mesure de l’appréciation des diligences
de sécurité pour asseoir la responsabilité du transporteur. Il découle de ce constat qu’il faille combiner dans cette tragédie à la
fois le code de la marine marchande aux dispositions relatives
du code des obligations civiles et commerciales en matière de
transport terrestre, ferroviaire ou fluvial.
A ce droit interne, il convient de souligner que le Sénégal
est partie en matière maritime à la Convention de Bruxelles
de 1924, révisée en 1978 et en 1979, et à la Convention de
Hambourg de 1978 qui a renforcé la matière et est entrée en
vigueur le 1er novembre 1992. Ainsi, le Sénégal a dénoncé la
Convention de Bruxelles amendée. S’agissant du transport de
passagers, deux conventions internationales viennent compléter ce dispositif. Il s’agit d’une part de la Convention de Bruxelles du 29 avril 1961 qui unifie certaines règles en matière de
transport de passagers par mer, et d’autre part de la Convention
d’Athènes du 13 décembre 1974 afférente au transport par mer
de passagers et de leurs bagages.
Ces Conventions n’intéressent pas a priori la tragédie du
“JOOLA” dans la mesure où le trajet considéré demeure dans les
eaux territoriales sénégalaises, le navire quittant un port local à
destination d’un autre port sénégalais. Il faut cependant nuancer
cette affirmation. En effet, le naufrage a lieu au large des côtes
de la Gambie, ce qui peut impliquer la prise en considération
des conventions internationales, même si ces dernières régissent principalement le transport de marchandises.
En droit sénégalais, le contrat de transport est défini aux
articles 639 à 641 du COCC comme le contrat par lequel le transporteur s’oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un
voyageur qui s’oblige à acquitter le prix du passage. Il faut en
conséquence déterminer ce que sont les obligations principales
du transporteur maritime de passagers et leur nature juridique
(A) avant d’examiner la faute du transporteur qui découle de la
mauvaise exécution du contrat de transportabilité et de navigabilité (B).
A. Variations théoriques sur l’obligation de sécurité du transporteur maritime
3. Obligations principales du transporteur maritime
de passagers. Le transport maritime ou fluvial de passagers
s’inscrit dans le cadre classique des relations contractuelles entre un transporteur et un passager. Il faut de ce fait constater
que le passager doit non seulement payer le prix du transport,
mais relativement à son comportement être diligent et prudent
car pèse sur lui une obligation générale de respect des consignes de sécurité. Cette dernière peut être appréciée par rapport
au comportement normal d’un bon père de famille. Il faut tout
de même faire remarquer que l’appréciation de ces relations
incombant au voyageur demeure de moindre importance comparativement à celles pesant sur le transporteur qui est caractéristiques d’une rigidité et d’une lecture moins confortable. Traditionnellement elles ont trait aux concepts de “transportabilité”
et de “navigabilité” d’une part et aux mesures propres à assurer
la sécurité du passager d’autre part. Dans le naufrage du bateau
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le “JOOLA”, la navigabilité et la transportabilité ne se départissent point de l’obligation générale de sécurité qui à notre
sens recouvrent les obligations de moyens et de résultat qui
induisent l’arrivée à bon port du passager aux termes des dispositions contractuelles obligeant le transporteur au passager.
4. Navigabilité du “JOOLA” et sécurité des passagers.
Le concept de navigabilité implique que le navire soit en état
d’assurer techniquement et matériellement le trajet et ce dernier doit s’apprécier durant toute la durée d’exécution du contrat. On peut de ce fait dans un premier temps s’interroger sur
l’état du navire. Cela implique concrètement des appréciations
techniques relatives à l’âge du bateau, au tonnage ou aux révisions essentielles obligatoires. Au delà dans cette perspective, il
est nécessaire de dépasser l’approche des éléments techniques
et matériels et intégrer des éléments extérieurs qui ont une
influence sur la navigabilité. A cet effet, la prise en considération des éléments qui gouvernent l’environnement paraît importante. Ces considérations ont trait à l’élément sur lequel le
navire va transporter ses passagers à savoir, la mer, le fleuve ou
la rivière, mais aussi aux données variables météorologiques.
Enfin, navigabilité et transportabilité obligent à l’effectivité de
la sécurité des voyageurs et des marchandises, en sus de la
confortabilité du voyage. Au demeurant ces paramètres condamnent toutes surcharges de passagers ou de bagages.
Nonobstant ces remarques d’usage, la navigabilité traditionnellement commande l’observation par le transporteur d’un
navire de passagers de toute une contraignante réglementation
technique. Cette dernière dérive au plan national, d’une transposition de la Convention de Londres de 1974 dite SOLAS (5). Et
l’appréciation de la nature juridique des obligations incombant
au transporteur ne semble pas aisée d’un premier abord. Mais
l’on s’accorde généralement relativement aux conséquences de
leur inexécution ou mauvaise exécution à reconnaître soit une
obligation de moyen soit une obligation de résultat. En effet,
toute impossibilité ou toute interruption dans le processus de
transportabilité offre au transporteur en invoquant la force majeure, la possibilité de dégager sa responsabilité. Dès lors l’on
est en droit de penser que ce dernier est bien tenu d’une obligation de résultat.
5. Commencement et fin de l’obligation de sécurité. A
notre sens, les différentes approches relativement au contenu
de l’obligation de sécurité doivent être entendues par rapport à
la question de savoir si l’on est dans le cadre d’une obligation
de moyen ou de résultat ? En droit sénégalais, la combinaison
des articles 7 et 645 alinéas 1 du code des obligations civiles
et commerciales permettent d’apporter une réponse précise. En
effet, si l’article 7 offre une option au débiteur qui peut garantir
au créancier l’exécution d’une obligation précise ou s’engager
simplement à apporter tous les soins d’un bon père de famille à
l’exécution de son obligation, l’article 645 alinéa 1 du code des
obligations civiles et commerciales dispose clairement que tout
transporteur est tenu de conduire le voyageur sain et sauf. En
cette dernière occurrence, il est incontestable que l’obligation
de sécurité peut être circonscrite en une obligation de résultat.
(5) Solas (Safety of life at sea) du 1er décembre 1974.
Cette conception qui permet d’arrimer l’obligation de sécurité
à celle de résultat trouve un début d’explication d’une part en
la professionnalisation du débiteur qui s’est spécialisé dans le
transport et en a fait son activité principale. En conséquence,
la relation de confiance qui s’installe induit la dichotomie traditionnelle admise entre le professionnel et le consommateur.
Ce dernier bénéficiant d’une acception au terme de laquelle,
la confiance placée lui interdit une appréciation des moyens
et de la qualité de l’engin utilisé par le débiteur. D’autre part,
l’explication peut aussi être recherchée d’une manière générale par rapport au comportement passif du voyageur qui outre
l’obligation d’acquitter le prix du voyage doit s’abstenir de tout
mouvement susceptible de créer un risque dans le transport.
Le contrat de transport consacre donc l’obligation de sécurité
qui prend naissance à sa formation. Aussi tout naturellement
il est usuel de se poser la question de savoir quand naît cette
obligation ? En d’autres termes le débiteur est-il tenu à partir du
moment où le voyageur s’est libéré de son obligation de payer
le prix convenu ? Le constat est qu’une réponse affirmative peut
d’emblée occulter certaines situations où indéniablement, le
débiteur serait dans l’impossibilité d’y répondre. Tel est le cas
par exemple d’une situation précontractuelle où effectivement
il y a un commencement d’exécution nécessitant un achat du
titre de transport avec cependant un différé du commencement
du voyage. Il faut bien considérer dans ce cas que le contrat
est juridiquement acceptable, mais son effectivité pose bien
des interrogations relativement à l’obligation de sécurité qui
s’agrège intrinsèquement à la personne du voyageur, dés lors
qu’il commence le voyage. En effet, l’absence de concordance
entre la date de validité du contrat et le début de commencement du voyage commande à considérer dans cette hypothèse
l’inexistence de l’obligation de sécurité. Les mêmes incertitudes
interrogatives demeurent dans les hypothèses de transport où
le voyageur subit des contraintes d’attente alors que le billet est
effectivement acquitté. Il importe en effet de déterminer dans
toutes ces hypothèses, le moment où effectivement le débiteur
est tenu par cette obligation de sécurité.
Sur ces questions, le droit sénégalais ne se départit point des
solutions dégagées prétorienne ment par le droit français. En effet aux termes de l’alinéa 2 de l’article 645 du code des obligations civiles et commerciales « l’obligation de sécurité pèse sur
le transporteur dès l’instant où le voyageur accède au véhicule
ou, le cas échéant, aux installations spécialement aménagées
par le transporteur en vue du transport ». L’effectivité du contrat
de transport se conçoit dans le cadre de l’accès au navire ou aux
quais d’embarquement. Il s’agit là véritablement de principes de
solution justes et acceptables à la définition du commencement
de l’obligation de sécurité où le voyageur est en droit d’attendre
que sa personne soit assurée d’éventuels risques du fait du contrat qu’il a passé avec le transporteur.
Evidemment si l’on accepte que l’obligation de sécurité est
assurée à partir de l’accès au navire ou aux quais, celle-ci ne
saurait prospérer au delà à savoir à partir du moment où le
voyageur a quitté le navire ou les emplacements prévus à son
embarquement. Cette obligation de sécurité implique cependant
à notre sens que le débiteur puisse exercer une surveillance sur
le voyageur. Dans les hypothèses d’achat préalable de billet et
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d’attente dans des emplacements prévus à cet effet, la rigueur
de ce principe peut être quelque peu atténuée par la liberté
d’aller et de venir du voyageur. C’est donc qu’il faut reconnaître
l’ineffectivité de cette obligation dans le sens d’une interruption
provisoire. C’est aller dans le sens de l’opposition de la responsabilité personnelle du transporteur à celle du voyageur dés lors
que ce dernier ne s’est pas comporté en véritable bon père de
famille dans sa liberté de mouvance.
6. Déterminants de la responsabilité du transporteur
maritime de passagers. La caractérisation des déterminants
de la responsabilité peut être recherchée par rapport aux facteurs déclenchants de la mesure, par rapport aux spécificités de
l’action en responsabilité. En cette occurrence, l’effectivité de
l’obligation de prudence et de diligence est suffisante à dégager
la responsabilité du transporteur, d’autant plus qu’il appartiendra
à la victime ou à ses ayants droits d’apporter la preuve du nonrespect de cette obligation. Il faut cependant en toute hypothèse considérer l’événement accidentel. S’agit-il d’un accident
individuel, isolé ou, au contraire, d’un accident collectif ? L’accident collectif est sans aucun doute le déclenchant qui peut être
imputé aisément au transporteur en apportant la preuve d’un
dysfonctionnement de l’entreprise de transport. Cette situation
est caractéristique du cas du naufrage du navire le “JOOLA”, où
de facto la doctrine reconnaît l’imputation d’une présomption
de faute à l’encontre du transporteur. Cette responsabilité affirmée et reconnue n’offre d’autre alternative au responsable que
de prouver l’absence de faute personnelle ou de ses préposés.
Ce qui pratiquement entraîne la perte des différentes limitations
de responsabilité dés lors qu’il est apporté la preuve d’un dol ou
de faute inexcusable de sa part, relativement au dommage corporel. Faute inexcusable appréciée en général comme le fait ou
l’omission personnelle... commis témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement.
B. La faute : mauvaise exécution des obligations
de navigabilité et de transportabilité
7. Notion de la faute. D’origine ancienne, cette notion
peut être appréciée à travers le fait de faillir ou de manquer
à quelque chose. Ce que définit le droit sénégalais comme le
manquement à une obligation préexistante de quelque nature
que ce soit (6). On voit ainsi qu’elle a un contenu très large et
peut ne pas toujours être soutenue par la culpabilité. Il faut
cependant noter que généralement cette conception de défaillance, faillite ou manquement est consubstantielle à la faute
juridique. Dans cette perspective, il est impliqué une idée de
sanction, de réprobation sociale à l’encontre du débiteur qui a
manqué ou inexécuté son obligation. Dans cette logique l’on
est amené indubitablement à émettre un jugement personnel
qui en définitive est un jugement fondé sur la réalité en fonction d’une valeur sociale acceptée ou attendue. Cette thèse est
unanimement admise et en matière de responsabilité, que la
faute traduit une définition subjective ou objective, il existe toujours le sentiment d’une culpabilité au moins sociale. Le manquement à une obligation s’inscrit dans l’idée de faire quelque
chose qu’on n’aurait pas dû faire ou de ne pas faire quelque
chose qu’on aurait dû faire (7).
(6) Art 119 du code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.
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8. Définition de la faute. Si le droit français ne définit pas
la faute (8), le droit sénégalais aux termes de l’article 119 du
code des obligations civiles et commerciales la définit comme
tout manquement à une obligation préexistante de quelque nature que ce soit. Cette définition large au contenu flou, voire
malléable doit néanmoins à notre sens être rapprochée dans
une acception large de la négligence et l’imprudence qui sont
des fautes, ou de la référence au concept de bon père de famille relativement à la détermination de la théorie de la faute
contractuelle.
Il y a dans la caractérisation de la faute immanquablement
une inclination à la révélation des traits négatifs dans le comportement de l’auteur de la faute. Il s’agit de la recherche d’un
standard qui permet de mesurer la distance entre le modèle dit
normal et le déterminant dit fautif. En définitive, la faute souligne l’absence de diligence et de prudence, de raisonnabilité par
rapport à une norme de comportement de l’agent impliqué à
respecter ses obligations fondamentales inhérentes ou non au
(7) Aujourd’hui, le rôle de la faute dans le droit de la responsabilité civile
pourrait être ainsi résumé : si elle occupe toujours une place essentielle en
théorie, son importance pratique a considérablement décru. Le rôle théorique capital que conserve la faute en droit positif s’explique de plusieurs
façons. D’une part, toute faute dommageable continue à avoir vocation à
engager la responsabilité personnelle de son auteur ; et une faute simple
suffit en principe. Réciproquement la faute est, en principe, nécessaire pour
mettre en oeuvre la responsabilité du fait personnel. Ces principes sont
exprimés par le droit positif. Ils ne souffrent que de rares exceptions, dont
la portée est d’ailleurs limitée. Dans le domaine de la responsabilité du
fait personnel, il existe donc toujours un principe général de responsabilité
civile pour faute ; la faute est le fondement de cette responsabilité. Le rôle
de la faute demeure, d’autre part, important au stade de la contribution à la
dette lorsqu’il existe plusieurs personnes obligées à la réparation du dommage. C’est la faute qui, bien souvent, fonde alors le recours du solvens.
De même, dans les rapports entre le responsable et la victime, la faute
de celle-ci conserve un effet partiellement exonératoire de responsabilité.
Enfin, dans la responsabilité du fait d’autrui, la faute semble demeurer
au moins une condition de mise en oeuvre de la responsabilité, si elle
n’en est plus toujours le fondement. Telle est spécialement le cas de la
responsabilité délictuelle des commettants du fait de leurs préposés où la
faute du préposé est exigée pour engendrer la responsabilité du commettant, même si le comportement de ce dernier est indifférent. Pourtant, ce
rôle que conserve la faute dans les principes, est aujourd’hui en net recul
au regard de ses applications pratiques. Les responsabilités indirectes du
fait des choses et du fait d’autrui ne sont pas toutes fondées sur la faute
du responsable, bien au contraire. On sait en effet que la jurisprudence a
créé de toutes pièces un véritable principe général de responsabilité de
plein droit du fait des choses, par une interprétation audacieuse. Quant
aux responsabilités du fait d’autrui, elles peuvent souvent être engagées
indépendamment de toute faute prouvée contre le responsable (cas du
commettant notamment). Tout ceci confirme la tendance objectiviste marquant l’évolution du droit de la responsabilité civile ; tendance qui, à n’en
pas douter, se développera dans l’avenir. Ainsi, le domaine effectif de la
responsabilité pour faute se restreint-il progressivement à mesure que la
responsabilité objective gagne du terrain. Ceci au point que l’on a parfois parlé de « principe de responsabilité subsidiaire », tellement est vaste
aujourd’hui le domaine des responsabilités sans faute. De fait, il semble
bien en effet que, désormais, la faute n’ait plus en pratique qu’un rôle de
dernier recours des victimes qui ne peuvent se prévaloir de dispositions
plus favorables. Mais, quoique subsidiaire, le principe de la responsabilité
pour faute n’en demeure pas moins essentiel, car il constitue pour les victimes un minimum de protection que le droit leur assure pour la réparation
de leurs dommages. D’ailleurs, dans la responsabilité contractuelle, la faute
conserve un rôle essentiel à jouer. Et il en va de même en certains domaines (atteinte à un droit de la personnalité, concurrence déloyale...) où elle
demeure la seule source de responsabilité.
(8) H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité de la responsabilité civile, t. I, 6e éd.
n° 380.
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contrat engagé. C’est ce qu’exprime une doctrine autorisée en
énonçant que la faute est une « erreur de conduite telle qu’elle
n’aurait pas été commise par la personne la plus avisée… » (9).
Cette thèse est au demeurant partagée par la majeure partie
de la doctrine (10), même si certains restent très hésitants sur
la question de la disparition de l’élément subjectif d’imputabilité (11).
quête technique rendue le 4 novembre 2004 relève un grand
nombre d’irrégularités (12). Ainsi le navire ne répondait à aucune
des normes de sécurité prescrites en matière de navigabilité.
En effet, la navigabilité implique que le navire détienne tous
les certificats de sécurité (13) délivrés par la marine marchande
sénégalaise. Au jour du naufrage le navire ne disposait d’aucun
de ces titres de sécurité.
9. Appréciation et synthèse. En conclusion, la faute n’est
autrement déterminée que par des devoirs ou obligations dont
le manquement assoie la faute génératrice de responsabilité.
Et l’on s’accorde à reconnaître que ces violations peuvent être
classées en une obligation de résultat ou en une obligation de
moyens. Et dans ce sens, l’écart de conduite serait beaucoup
plus constitutive de l’obligation de moyen, car, relativement à
l’obligation de résultat l’on est fondé à croire la faute présumée
dés l’instant où l’obligation déterminée attendue n’est pas atteinte. En définitive, la définition donnée par le droit sénégalais à savoir que la faute n’est autre qu’un manquement à une
obligation préexistante de quelque nature que ce soit permet
d’unifier les thèses classiques et modernes qui ont été émises
sur la faute. Même si cette définition creuse ne permet point
d’occulter la controverse relative à la question de savoir si la
faute doit ou non conserver une coloration morale ?
Relativement à la navigabilité commerciale, il convient de
souligner que la capacité permise par le constructeur pour recevoir des passagers est de 580 passagers y compris les membres d’équipage du navire. Or il découle des enquêtes de la
Commission que le navire avait appareillé avec un chargement
d’environ 1220 passagers estimé à 96,6 tonnes. Ce chiffre à
notre sens ne tient pas compte des clandestins « resquilleurs »
avec ou sans la complicité des membres de l’équipage. Ce que
témoigne le bilan officiel de l’ordre de 1800 passagers, qui est
contesté par certains, car devant être revu à la hausse.
10. Ambiguïté d’une responsabilité contractuelle et
délictuelle. Les obligations de résultat constituent la prémisse
dans le droit positif de la responsabilité contractuelle. La convention qui lie les parties constitue un accord sur les éléments
essentiels sur lesquels les cocontractants se sont accordés. Chacun devant remplir ses obligations sous peine de voir le contrat
dénoncé. Et les stipulations contractuelles précisent l’issue, le
résultat effectif, et non pas seulement les diligences mises en
œuvre de part et d’autre pour arriver à une réelle satisfaction
des parties. Dans ce champs contractuel, pèse donc sur le débiteur une obligation très lourde qui implique que le créancier
soit tenu quelque peu à une réserve de non réciprocité tant que
le débiteur ne se sera pas libéré de son obligation. Cette constante se retrouve aussi dans le cadre de la responsabilité dans la
mesure où le comportement incriminé et sanctionné repose sur
la non exécution d’un devoir déterminé sans se préoccuper de
savoir si le débiteur a oui ou non mis en œuvre tous les moyens
nécessaires pour s’accorder à la norme.
11. L’innavigabilité du “JOOLA” : une faute ? Le navire
sénégalais était-il en état de prendre la mer ? En d’autres termes, ce navire était-il complètement apte à exécuter le déplacement promis dans de bonnes conditions de sécurité tant pour
le navire lui-même que pour les personnes et la marchandise ?
A la navigabilité nautique, le rapport de la Commission d’en-
(9) (H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité préc. n° 439. – Adde, H., L. et J. Mazeaud
et F. Chabas, Leçons, n° 453).
(10) Parmi lesquels, V. P. Esmein : RTD civ. 1933, p. 649. – G. Marty et P. Raynaud, op. cit., M. Dejean de la Batie, Cours d’Aubry et Rau, préc. et Appréciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, .
– Ph. Le Tourneau, op. cit., – A. Bénabent, – Rappr. B. Starck, H. Roland et
L. Boyer, Droit civil, Obligations, librairies techniques, 4e éd., t. I, n° 279 et
307. – Adde, A. Rabut, A. Pirovano, M. Puech, J. Penneau.
(11) (G. Viney, op. cit., n° 444 in fine et 593. – J. Flour et J.-L. Aubert, op. cit.,
n° 601 s.).
Concernant le fret, la Commission a relevé après auditions et
études des manifestes de chargement, qu’il n’y avait point de
marchandises en cales et que toute la cargaison était disposée
dans le garage à l’avant et dans les racks sans aucun système de
saisisage conformément aux dispositions réglementaires, alors
que ledit système existait. Il en est de même des quatre voitures légères à l’avant, un Pick up 4X4, un camion isotherme et un
camion moyen pour un poids total estimé à trente tonnes, soit
dans le garage un tonnage total de 55 tonnes.
A ce chargement, il faut additionner l’existence dans les
fonds ou œuvres vives de 103,1 tonnes de combustibles, d’eau
douce et de provision. Dans ces conditions, il faut souligner que
le navire “JOOLA” avait une réserve de stabilité très faible, à
peine supérieure aux minima imposés par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) concernant les critères de stabilité.
Le concept d’innavigabilité est à rebours de la navigabilité
qui implique que le transporteur a exercé une diligence raisonnable pour mettre son navire en bon état pour naviguer en
mer.
12. Vice caché du navire “JOOLA” ? Le rapport d’enquête
technique série dans le temps et les causes du naufrage deux
défaillances au niveau de la conception du navire. En effet, la
Commission relève d’une part que tous les ballasts sont centraux, ce qui ne permet aucunement de redresser une gîte
par un transfert ou embarquements de ballast. Et les seules
citernes latérales sont réservées au combustible ; la capacité de
la pompe de transfert installée sur ces tanks (2m3/heure) est
très insuffisante à redresser une éventuelle gîte. Elle note par
(12) Ce rapport de la commission technique est consultable sur le site :
www.Kassoumaye.com/
(13) Un acte d’immatriculation qui est en général composé d’un certificat ou
titre de nationalité et d’un certificat d’origine ; un rôle d’équipage, un
permis de navigation en cours de validité ; les certificats ou brevets de
compétences des officiers ; un certificat de franc-bord ou d’exemption ;
un certificat de sécurité matériel armement ; un certificat de sécurité incendie, un certificat de sécurité radio ; un certificat de sécurité de construction ; un certificat de sécurité pour navire à passagers ; une licence
d’exploitation radio ; un certificat international de jaugeage ; un certificat
de classification coque et machine ; un certificat MARPOL ; une patente de
santé ; enfin un certificat de dératisation et de désinsectisation.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
ailleurs que les hublots du pont principal sont si bas (franc-bord
faible c’est-à-dire 1,008 m) qu’ils embarquent de l’eau à partir
de 20° de gîte). Il est vrai par ailleurs que l’OMI exige aux navires passagers d’éviter d’avoir une gîte supérieure à 10° (critères
de stabilité à l’état intact).
La question de l’innavigabilité du navire sénégalais relativement à une responsabilité du constructeur a bien été posée
par la Commission chargée de l’enquête technique à la suite du
naufrage. Il faut en effet comprendre qu’au titre de la possibilité
de s’exonérer de sa responsabilité, le vice caché afférent à l’innavigabilité prend une importance considérable dans la mesure
où il permet au transporteur d’apporter la preuve qu’il a mis
en œuvre tous les moyens nécessaires, raisonnables à assurer
la navigabilité du bateau. Ainsi dans cette perspective, seul le
regard d’un expert ou du transporteur professionnel, qualifié en
la matière aurait pu poser la question de l’empêchement du
navire de prendre la mer. Autrement, relativement à ce vice, on
peut dire que le transporteur ne serait tenu qu’à une obligation
de moyens qui lui permettrait de dégager sa responsabilité s’il
en apportait la preuve. D’ailleurs ce qu’admet la Convention de
Bruxelles aux termes de son article 4.
Les vices cachés qui ont été constatés par la Commission
d’enquêtes sont ils de nature à exonérer le transporteur ? Relativement à l’obligation de sécurité qui pèse sur le transporteur,
obligation qui définit à la fois celle de moyens et de sécurité, la
jurisprudence se positionne restrictivement quant à l’admission
de ce vice caché, dés lors qu’il est apporté la preuve que le débiteur de l’obligation de transport maritime connaissait ou aurait
pu connaître, au prix d’un examen simple et normal, le défaut
dont souffrait le navire (14).
Le navire le “JOOLA” n’a bénéficie d’aucun des certificats de
sécurité imposés par la loi et les conventions internationales. En
effet, concrètement, il est admis que la production des certificats des sociétés de classification peut permettre au transporteur d’apporter la preuve que toutes les mesures diligentes et
prudentes ont été consacrées pour assurer la sécurité du navire
et donc sa navigabilité. Il faut cependant souligner qu’en doctrine (15) comme en jurisprudence (16), la production des dits certificats ne dégage pas de facto le débiteur de sa responsabilité.
Il n’y a là qu’une présomption simple qui peut être aisément
combattue, même si, la compétence et la technicité des sociétés de classification rendent cette défense difficile. Il reste
qu’une expertise permet néanmoins de la combattre (17).
(14) Se reporter, par exemple à l’abondante jurisprudence citée par Rodière,
Traité, op. cit., t. II, n. 649, p. 286, note 6 ; en dernier lieu Rouen 27 oct.
1983, Saint-Dominique : Dr. mar. fr. 1984, p. 240, qui refuse de considérer comme un examen sérieux, une simple vérification superficielle du
navire).
(15) Rodière, Traité, op. cit, t. II, n. 650.
(16) (exemple Rouen 8 nov. 1952 : Dr. mar. fr. 1953, p. 84.
(17) (Cass. com. 30 nov. 1948 : Dr. mar. fr. 1950, p. 115) : « l’examen de l’installation par le Bureau Veritas, avant le chargement du navire, ne suffit pas à
démontrer la diligence raisonnable du transporteur, en vue de prévoir et
d’empêcher tout accident ».
Sur la question des vices cachés : M. de Juglart, Le vice de la chose en
droit maritime : essai de synthèse : Dr. mar. fr. 1982, p. 67.)
Juillet 2010 • N°2
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Le navire le “JOOLA”, propriété de l’Etat du Sénégal est bien
un navire de type transbordeur à passagers adapté aussi bien
en navigation en rivière qu’en navigation maritime dans la limite de 84 nautiques, c’est-à-dire à 6 heures de la côte. A ce
titre sa navigabilité impliquait le respect total des normes de
sécurité en la matière. L’ampleur du naufrage jamais égalé à ce
jour témoigne à la fois de disfonctionnement dans sa gestion,
mais aussi d’irrespect total de la l’obligation générale de sécurité en transgressant toute la réglementation et les conventions
signées par l’Etat sénégalais. A ce titre sa responsabilité est
largement engagée et reconnue. Cette responsabilité politique
doit cependant être dépassée, en posant la question de la mise
en danger de la personne d’autrui. D’où l’affirmation d’une responsabilité pénale des personnes concernées.
II • Une responsabilité déclarée de l’Etat
sénégalais
13. Faute inexcusable des autorités étatiques. Dans
une allocution radiotélévisée (18), quelques jours après le naufrage, le président de la république a reconnu publiquement la
responsabilité de l’Etat sénégalais. Ce dernier est pleinement
et entièrement responsable et toutes les mesures tendant à
établir la vérité, ainsi que les modalités d’indemnisation et les
sanctions à l’encontre des personnes reconnues coupables par la
justice seront effectivement prises pour assurer aux victimes et
à leurs ayants droits la reconnaissance de cet Etat. En procédant
ainsi, la controverse sur la responsabilité n’avait plus lieu d’être,
elle reposait sur la reconnaissance explicite de la faute étatique,
faute au demeurant inexcusable qui excluait une hypothétique
limitation de responsabilité. Le concept de faute inexcusable a
trouvé une première application en droit aérien. Aujourd’hui la
notion a un champs d’expression beaucoup plus large, car on la
retrouve notamment en droit du travail, mais aussi en matière
de législation sur les accidents de la route (19).
Dans le naufrage du “JOOLA” la faute inexcusable demeure
le fondement de la responsabilité de l’Etat propriétaire et transporteur de passagers maritimes. Il convient cependant de souligner que sa détermination pose l’interrogation de son arrimage
par rapport à un référentiel donné. En d’autres termes, la faute
inexcusable doit elle relever d’une appréciation inhérente au
fait que son auteur avait conscience du danger et de ses conséquences, ou sa caractérisation doit elle être axée sur le modèle
comportemental d’un individu normal placé dans les mêmes
circonstances de la cause ? Plus juridiquement la faute inexcusable doit elle être appréciée concrètement ou abstraitement ?
Le droit sénégalais qui en la matière ne diverge point du
droit français va dans le sens d’une appréciation in concreto
dans la mesure où l’obligation de sécurité qui commande la
(18) Le 1er Octobre 2002.
(19) Cf. G. Brière de l’Isle, La faute inexcusable : D.S. 1970, chr. 73. - Y. SaintJours, La notion de faute inexcusable en matière d’accidents du travail :
J.C.P. 81, II, 19642, sous un arrêt de l’Ass. plén. 18 juill. 1980. – J. Cabannes, Erreur de navigation et faute inexcusable du droit aérien : D.S. 1974,
48. – R. Rodière, La faute inexcusable du transporteur aérien : D.S. 1978,
chr. 31).
48/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
responsabilité du transporteur maritime impose la prise en considération de tout facteur accidentogène, ce qui à notre sens
implique la conscience du transporteur maritime. Une étude
des décisions rendues dans le domaine de la faute inexcusable
abonde dans le sens d’un parallélisme avec la faute lourde. Ce
faisant la jurisprudence privilégie une appréciation in abstracto,
la recherche de la conscience du danger n’est nullement utile
à l’engagement de la responsabilité du transporteur maritime
de passagers (20). En conséquence la question de l’évaluation de
la lourde responsabilité qui pèse sur les autorités chargées de
l’exploitation nautique et commerciale du JOOLA doit être posée
(A). Cette responsabilité au demeurant classique qui peut dériver vers une responsabilité pénale, n’écarte point cependant la
possibilité pour le législateur sénégalais réformer le code pénal
pour incriminer la mise en péril de la personne d’autrui (B).
A. Variations théoriques d’une responsabilité pénale à une responsabilité politique
14 Faute civile et faute pénale. L’une des interrogations
qui paraît capitale dans le naufrage du JOOLA est de savoir si
les responsables qui ont été désignées et reconnues coupables
ont oui ou non commis une faute pénale ou simplement une
faute civile ? A notre avis, il est important de dissocier les deux
notions. En effet, la faute pénale implique un paramétrage
« personnel » relativement à la spécificité de chaque incrimination. Ce qui au demeurant est à l’opposé d’une appréciation très
large qu’on peut avoir de la faute civile. Il convient cependant
de nuancer ce propos dans la mesure du rapprochement contemporain de la faute pénale à la faute civile dans la caractérisation des infractions involontaires aux termes du code pénal
français où peuvent être poursuivis ceux qui par « maladresse,
imprudence, inattention, négligence » ou manquement à une
obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les
règlements auront, selon les cas, commis un homicide ou causé
une incapacité de travail. La généralité des termes utilisés bien
que ne dérogeant point au sacro saint principe de la légalité des
délits semble à notre sens consacrer une réelle corrélation à la
faute civile (21), même si la doctrine criminaliste est relativement
réservée (22) sur ce point. En définitive pour les opposants pénalistes, la faute pénale doit recevoir une appréciation concrète
par opposition à une appréciation abstraite qui relèverait de la
faute civile.
Relativement au naufrage du JOOLA, le rapprochement de
la faute pénale de la faute civile ne nous incommode point. Il
est vrai qu’en théorie et en logique juridique, cette confusion
peut être utilement critiquée (23). Cependant on peut aussi logiquement admettre cette thèse dès lors qu’il est accepté au
(20) G. Légier, La faute inexcusable de la victime d’un accident de la circulation
régi par la loi du 5 juillet 1985, D.S. 1985, chr. 97).
(21) Cass. civ., 18 déc. 1912 : S. 1914, 1, p. 249, note Morel ; DP 1915, 1, p. 17.
L’unité des fautes ne vaut toutefois que pour les infractions involontaires
entraînant des dommages corporels, non pour les délits d’imprudence
n’entraînant que des dommages matériels.
(22) C. Rokofyllos, Le concept de lésion et la répression de la délinquance
par imprudence, LGDJ 1963. – A. Pirovano, Faute civile et faute pénale,
LGDJ 1966. – Y. Hannequart, La responsabilité pénale de l’ingénieur, Liège
1959. – A. Chavanne, Le problème des délits involontaires : Rev. sc. crim.
1962, p. 241.
pénal comme au civil, que toute attitude contraire à la norme
générale de conduite prudente et diligente peut et doit être
sanctionnée. Ainsi, la faute traduite comme un manquement à
un devoir général exprimé unifie cette dualité dans la mesure
où l’on concevrait mal qu’un même comportement soit considéré au civil comme une imprudence, mais non au pénal. A ce
titre l’inexcusabilitè du non respect des règles prudentielles les
plus élémentaires en matière de transport maritime de passagers fonde plus que jamais la caractérisation et l’acceptation
d’une faute pénale des autorités immédiates en charge de la
gestion nautique et commerciale, et plus lointaine des autorités
politiques par la mise en danger de la personne d’autrui.
15. A la recherche des responsables du naufrage du
bateau “JOOLA”. Traditionnellement l’Etat constitue un abstractum susceptible cependant d’exercer un pouvoir de direction et de coercition par le biais des différentes institutions qui le
représentent. Sa finalité est la vocation générale, la satisfaction
des intérêts supérieurs de la Nation. En ce sens l’engagement
de sa responsabilité civile ou pénale paraît difficile en raison
de la fiction qu’il constitue. Si en théorie, il en est ainsi, la responsabilité de l’Etat se dévoile cependant à travers ses organes
représentatifs, qu’ils soient moraux ou à travers des personnes
physiques travaillant au nom et pour le compte de cet Etat.
L’Etat n’est donc pas de facto irresponsable, dans la mesure où
la représentativité offre la possibilité de la reconnaissance de
sa responsabilité. En l’espèce le démembrement institutionnel
étatique est le ministère du transport et par définition le ministre du transport chargé d’assurer le respect des mesures de
sécurité en matière de transport, même si la gestion nautique
et commerciale fut confiée au ministère des forces armées. La
responsabilité au demeurant politique, civile, voire subsidiairement pénale, s’arrime donc en définitive par rapport à ce double
commandement exercé sur le navire “JOOLA”.
Le ministre du transport avait la charge d’assurer la transportabilité des passagers et la navigabilité du bateau. Donc en
définitive, de faire respecter les réglementations en vigueur
relativement à la sécurité des personnes et des biens dans le
domaine du transport. A ce titre la lourde mission qui pesait sur
lui l’obligeait par rapport à sa finalité de service public d’influer
fortement de son poids politique et de sa mission régalienne à
l’effectivité des mesures sécuritaires, en s’opposant à la mise
en service d’un navire qui ne répondait à aucune des normes
de sécurité. Il faut en déduire qu’il a commis une faute et ceci
de manière délibérée. Cette faute dont l’inexcusabilité fonde à
notre sens la pénalité, est constitutive de la mise en danger de
la personne d’autrui. L’objection selon laquelle le fait que la gestion ait été confiée au ministère des forces armées ne saurait
faire disparaître la pleine et entière responsabilité du ministre
du transport. En effet, il est vrai qu’on peut ergoter dans l’esprit
d’une certaine hiérarchisation et d’un classement des ministères
(23) Ph. Bonfils, L’action civile, Essai sur la nature juridique d’une institution,
PUAM, 2000, n°335 et s., p. 383 et s. Du même auteur Commentaire,
Cour de Cassation, 2e civ. 16 sept. 2003. Dalloz 2004, n° 11. p 721 et s.
Cet arrêt aux dire de cette doctrine a consacré la dualité des fautes civile
et pénale non intentionnelle. Confirmant ainsi, la Loi du 10 juillet 2000 qui
avait supprimé le principe d’identité des fautes pénale et civile même si
sa portée avait pu sembler incertaine.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
dans le gouvernement, pour ainsi déclarer que le rôle dévolu
à l’armée et donc l’utilisation du navire entrait dans un objectif
plus global de sécurisation mais aussi de pacification de la zone
sud en rébellion depuis plus d’une quinzaine d’année. En conséquence le défaut des certificats de sécurité et la mise en conformité par rapport aux conventions internationales dépassaient
logiquement, les élémentaires obligations d’assurer la sécurité
du transport du ministère concerné. Ce faisant la responsabilité
du ministre concerné ne saurait être engagée.
Cette analyse à notre avis ne peut être soutenue, tant il est
vrai que si deux logiques peuvent s’affronter, la sécurité des
biens et des personnes dans le domaine du transport en général
prends une importance capitale qui ne saurait souffrir d’un privilège d’intérêt général supérieur du ministère des forces armées.
Il ne saurait y avoir de variabilité d’importance des missions
de service public dans un pays en voie de développement. La
compétence primant, dés lors que l’on ne saurait défendre les
intérêts de l’Etat par rapport à la spécificité du ministère, il faut
prendre le courage de démissionner et non de cautionner un
comportement politique coupable en fermant les yeux sur la
navigabilité d’un navire défaillant (24).
16. Une responsabilité politique avérée. Il n’est plus besoin de démontrer le rattachement de la faute commise par le
ministre chargé du transport dans le cadre de ses fonctions. Cette infraction caractérisée pose indibutablement la question de
sa responsabilité politique. En tant qu’entité appartenant à un
gouvernement, on aurait pu poser la question d’une responsabilité plus que collective, tant, il ne s’agit point d’un seul ministère
mais de deux ministères dont les agissements coupables ont
été couverts par leur supérieur hiérarchique. Ce serait donc une
démission du gouvernement en place et non simplement de la
sanction des deux ministres, et ceci pour plus de cohérence et de
lisibilité dans la gouvernance des affaires publiques. Poser cette
interrogation relative à une sanction collégiale implique deux
observations. Il faut en effet relever d’une part que cette possibilité était offerte au Président de la République qui par cette
décision prenait toute la mesure des incroyables dysfonctionnements et incompétences de l’action de son gouvernement. Par
là même il déterminait sa responsabilité et démontrait à son
peuple qui venait de le porter à la magistrature suprême, qu’il
rompait avec la politique de ses prédécesseurs de clientélisme,
de gabegie et d’incompétence notoire. Que la confiance qu’il
venait à peine de recevoir deux ans plus tôt s’inscrivait dans
une relation de responsabilisation et de détermination dans la
conduite d’une politique de satisfaction de l’intérêt général. Le
limogeage et redéploiement des deux ministres responsables
n’ont pas à notre avis opéré cette rupture nécessaire (25). Par
ailleurs, il faut aussi souligner que l’opposition sénégalaise aurait
pu se saisir de la question et appeler légalement à la démission
du gouvernement devant l’insuffisance des mesures prises par
(24) Les commissions de visite technique art 37 ; les visites de partance art
39 et les mesures d’interdiction d’appareiller art 40 du Code de la Marine
marchande sénégalaise étaient applicables au Joola, c’est-à-dire que le
ministère de l’équipement et des transports conservait ses prérogatives
légales vis-à-vis de ce navire.
(25) Il faut cependant nuancer cette critique, dans la mesure où le 5 novembre
2OO2, le premier ministre et tout son gouvernement étaient démis de
leurs fonctions.
Juillet 2010 • N°2
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le Chef de l’Etat. En effet, cette possibilité est ouverte dans le
cadre de la Loi fondamentale sénégalaise en présentant une
motion de censure. Dans cette optique, nous sommes fondé
à croire que leur inaction est caractéristique d’une complicité
dans le sens de la complicité d’une politique de démagogie et
de protection des intérêts réciproques d’un aérophage politique
aux dérives manifestes (26).
Les contours de cette responsabilité politique et pénale
achevés soulèvent incontestablement l’urgence pour le législateur sénégalais de moderniser son code pénal en consacrant le
délit de mise en danger de la personne d’autrui.
B. Réforme du Code pénal : incriminer la mise en
péril de la personne d’autrui
17. Le délit de risques causés à autrui. Le droit Pénal
sénégalais ne connaît pas du délit de mise en danger de la
personne d’autrui. Introduit dans le dispositif répressif français,
il est destiné à prévenir surtout l’insécurité routière et les accidents du travail. Ce délit de risques causés à autrui peut être
défini comme le fait d’exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou le règlement. Cette infraction
nouvelle postule que la notion de risque puisse servir de point
de départ à des poursuites. Cette position n’est pas nouvelle, car
elle se manifestait déjà en droit pénal des affaires relativement
au délit d’abus de biens sociaux à travers le risque d’exposition
de la personne morale à des sanctions pénales ou fiscales. Ce
qui est caractéristique à travers cette incrimination, est la détermination du comportement dangereux que ce dernier ait abouti
conscencieusement ou non vers un objectif déterminé ou pas.
Il y a donc une stigmatisation du caractère comportemental,
peu importe le but d’atteinte effective à la vie ou à l’intégrité
physique (27). En définitive, on peut dire que cette incrimination
révèle une fonction pédagogique et une fonction de responsabilisation et cette infraction est consommée par le seul fait des
comportements périlleux. Relativement au naufrage du JOOLA,
cela concerne le fait d’affréter un navire sans aucun certificat
de sécurité et en surcharge, comportement irresponsable de
nature à porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui sans qu’il
en résulte la mort ou des blessures graves.
18. La violation d’une obligation de sécurité ou de prudence. Le code de la marine marchande du Sénégal aux termes
de son article 35 prévoit que les navires doivent être munis de
titre de sécurité à savoir un permis de navigation et un certificat
de franc-bord. Et ces navires doivent remplir relativement à la
délivrance des dits certificats, des conditions techniques prévues
par décrets, conditions qui sont examinées par des commissions
de visite, dont la commission centrale de sécurité, la commission de visite de mise en service, et la commission de visite
(26) Mady Marie Bouare, Le délit d’abus de biens sociaux : approche comparative critique de la transposition du droit français au Sénégal. Thèse, ANRT
diffusion février 2004.
(27) P. Philippot, Les infractions de préventions, Thèse Nancy II, 1977.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
annuelle. Enfin aux termes de l’article 39 du dit code, les navires
peuvent être contrôlées à l’occasion de visite de partance.
Il y a donc tout un corpus juris, une réglementation effective
qui détermine un ensemble d’obligation à finalité sécuritaire
que l’armateur du “JOOLA” aurait dû respecter avant d’entamer
les différentes rotations entre la région de la Casamance et
de Dakar. En cela comparativement à l’élément légal du délit
prévu par le droit français, la mise en danger des passagers du
“JOOLA” est établie. Il faut en outre souligner que cette violation
doit résulter d’un comportement manifeste. A ce titre, il faut dire
d’une part que concernant la commission de visite de mise en
service que cette dernière a pour finalité de vérifier que le navire répond bien à toutes les règles de sécurité avant d’être mis
en exploitation. Elle délivre les premiers certificats de sécurité,
ensuite de quoi, elle rédige le rapport de mise en service dans
lequel on trouve tous les éléments et équipements liés à la sécurité du navire et se trouvant à son bord. Il s’agit d’un document
de référence pour suivre l’évolution de la sécurité du navire. Ce
document de visite de mise en service n’a pas été retrouvé dans
le dossier de sécurité du navire. Par ailleurs, relativement à la
commission de visite annuelle, celle-ci est chargée de l’examen
des navires en vue du renouvellement éventuel des titres de
sécurité. Or la Commission d’enquête a eu connaissance de six
rapports de visites annuelles, ce qui laisse supposer que la visite
n’était pas effectuée régulièrement. Cette commission conclut
que pour son dernier voyage, le bateau le “JOOLA” a appareillé
sans attendre la visite de la commission de sécurité.
Ces comportements dangereux des autorités chargées de la
gestion nautique et commerciale du bateau “JOOLA” constituent
des violations manifestes de la diligence et de la prudence inhérentes à l’obligation spécifique de sécurité du transporteur de
passagers maritimes. En conséquence, il y a manifestement exposition de la personne d’autrui à des blessures et dangers mortels. La qualification de mise en danger est déterminée dans ce
naufrage. Elle l’est d’autant plus que le commandant du navire
ainsi que ses supérieurs connaissaient le risque qu’encourait le
bateau relativement à la violation des dispositions sécuritaires
spécifiques au navire mais aussi à l’acharnement dans la gestion
commerciale par une surcharge impensable. Le risque de voir
ce bateau couler était réel, et celui de réel naufrage collectif des
passagers effectif.
19. L’exposition d’autrui à risque de mort ou de blessures. Les différentes interrogations relatives au délit de mise
en danger peuvent se résumer à la question de savoir s’il y
a réellement mise en danger de la personne d’autrui. Sans
doute il existe un risque à toute entreprise de transport, fut-il
un transport maritime. En conséquent, ce risque est intrinsèque
au contrat et l’obligation de sécurité et les mesures envisagées
et prises effectivement ne peuvent l’obérer. Il faut de ce fait
conclure que le risque zéro n’existe pas dans ce domaine. Une
telle analyse à notre sens, ne prend pas à sa juste mesure les
déterminants du contrat de transport maritime à savoir le glissement accepté des obligations de moyen et de résultat en
une obligation plus lourde de sécurité. Cette dernière implique
nonobstant l’aléa, le dépassement du risque normal, éventuel,
par la prise en considération du risque anormal qui se définirait
comme d’une extrême gravité, direct et immédiat du fait de la
conjonction du comportement dangereux du transporteur à des
événements extérieurs qu’il ne maîtrise point. Il appert qu’en
ce qui concerne ce naufrage le plus important à ce jour qu’est
celui du “JOOLA”, qu’il faille aller dans le sens de la définition
d’une présomption irréfragable de mise en danger de la personne d’autrui. En cela nous allons manifestement dans le sens
contraire de la jurisprudence au terme de laquelle l’exposition
d’autrui à un risque mortel ne doit découler que de l’ensemble
des circonstances de fait qui entourent cette violation au moment même où elle a eu lieu et qu’il faut donc interpréter la
gravité au cas par cas (28).
Si cette position est totalement admissible surtout en matière de circulation routière et matière d’accident du travail, il
faut à notre sens considérer que le transport maritime constitue
un domaine spécial. En effet si l’on peut aisément dans ces domaines maîtriser les éléments environnements, l’on peut difficilement y faire face en matière maritime. Il faut de ce fait redoubler les diligence et prudence dans les tentatives de maîtrise
de ses différents composants dans la mesure où la violation
de la norme de prudence ou de sécurité est de nature à coup
sur à créer un accident corporel. L’on n’ergote pas en terme de
probabilité, mais de l’assurance effective de la survenance d’un
accident mortel. Ainsi pour paraphraser un auteur célèbre, « Ce
n’est pas une simple indiscipline que l’on cherche à sanctionner,
mais un danger réel par l’indifférence volontaire aux valeurs
sociales que manifeste l’agent (29).
20. Les autorités concernées peuvent être poursuivies
pénalement. A l’image de l’histoire du sang contaminé que
la France a connu la fameuse formule « responsables mais pas
coupables » utilisée par les différentes autorités politiques incriminées ne saurait être réitérée dans la tragédie du navire
Joola. A notre entendement, la responsabilité n’emporte pas
toujours la culpabilité. Mais tel n’est pas le cas dans le naufrage du “JOOLA” où la responsabilité plus qu’avérée implique
une culpabilité plus que corrélative. Que celle politique puisse
être le limogeage ne saurait effacer la responsabilité pénale des
concernées. Même si le droit sénégalais méconnaît le délit de
mise en danger de la personne d’autrui, ce dernier peut dériver
de la lourde responsabilité qui pèse sur les ministres des pays
en voie de développement. En effet, dans ces pays, il y a une
sorte de consécration et de l’officialisation de la compétence.
Les meilleurs parmi les meilleurs, telle devrait être la devise, et
fort logiquement rejeter le fatalisme culturel qui empêche de
ne pouvoir poursuivre quelqu’un si manifestement il a manqué
à ses obligations les plus essentielles et qui ont été constitutives
non seulement de l’exposition de la personne d’autrui à une
mort certaine, mais ont entraîné réellement la mort dans le plus
grand naufrage du monde. Parce qu’ils ont méconnu toutes les
mesures de prudence et de diligence, parce qu’ils ont méconnu
les valeurs essentielles, le respect de la vie humaine, les autorités politiques doivent être considérées pénalement responsa(28) CA Douai, 26 oct.1994, Bull. inf.C.Cass.1994, p.1207 ; D.1995, Jur.p.172,
note P. Couvrat et Massé) a relaxé le conducteur d’une voiture fiable et
bien entretenue qui s’était rendu coupable d’un très grand excès de vitesse sur une autoroute déserte, rectiligne et sèche, en de bonnes conditions météorologiques.
(29) Y. Mayaud, la volonté à la lumière du nouveau code pénal, Mélanges
Larguier, 1993, p.203.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
bles et encourir de lourdes sanctions. Effectivement, la prison,
nonobstant l’indemnisation des victimes et les peines complémentaires d’interdiction d’exercice d’une activité politique nous
paraissent légitimes. Ce faisant, il s’agit d’instaurer une réelle
visibilité et transparence, un réel décodage des missions et des
fonctions des élus de la République.
21. Les peines encourues. Dans la perspective de l’instauration d’un délit de mise en danger de la personne d’autrui,
il appartiendra au législateur des prévoir des sanctions très lourdes afin d’éviter que pareil catastrophe ne puisse se reproduire
au Sénégal. Aussi, il faut convenir que cette incrimination peut
recouvrer un domaine d’application très large. Ainsi en sera-t-il
dans le domaine du transport quel qu’il soit, de la protection de
l’environnement du fait des industries chimiques qui ne respectent aucune norme de sécurité pour les populations environnantes, de la santé publique et enfin dans le domaine de la construction. Les personnes reconnues coupables pourront encourir une
peine d’emprisonnement effective ainsi que de fortes amendes.
Si aux termes d’une politique préventive, il est avéré que les
mesures de prudence, diligence et de sécurité pour prévenir le
risque potentiel n’ont pas été respectées, et que le résultat a entraîné une mort d’homme ou des blessures, il faudra considérer
l’aggravation des facteurs risques et sanctionner les personnes
reconnues coupables beaucoup plus lourdement. A cette peine
devra également s’ajouter obligatoirement l’interdiction d’exercer directement ou indirectement à titre définitif ou pour une
durée déterminée une ou plusieurs activités professionnelles ou
sociales, voire des activités à titre d’élus politiques.
22. Epilogue Sénégalaise. Le 07 août 2003, le Procureur
général prés la Cour d’appel de Dakar concluait à un non lieu
de la procédure pénale déclanchée à la suite de la tragédie du
“JOOLA” dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002 au motif que
seul le Commandant du bateau était responsable. Ce dernier
ayant péri dans le naufrage, l’action publique s’éteignait en conséquence. Cette thèse ne nous satisfait point dans la mesure où
il est aisément démontré d’une part que ce dernier était sous
le commandement de la Marine nationale, et que d’autre part,
c’est en connaissance de cause que le ministère du transport
a laissé navigué un bateau dépourvu de tous les certificats de
sécurité obligatoires en matière de transport maritime. Il en résulte que ces responsables politiques pouvaient et devaient être
poursuivies sous le fondement d’homicide et blessures involontaires du fait d’une violation manifeste et délibérée d’une obligation de sécurité. Par ailleurs, même si notre analyse n’aborde
point cet aspect, les responsables concernés relevaient aussi de
l’incrimination pénale de défaut d’assistance de personnes en
péril dans la mesure il est effectivement prouvé que les passagers du bateau suite au naufrage sont restés de 23 h à 6 h du
matin sans être secourus.
23. Epilogue des Autorités Judiciaires Françaises. La
Justice française a été saisie par les familles des victimes françaises en 2003 et a ouvert une instruction du chef d’homicides involontaires et non assistance à personne en péril. Le 13
septembre 2008, le juge d’instruction français du Tribunal de
Grande Instance d’Evry a lancé des mandats d’arrêt contre des
personnalités sénégalaises, dont un ex-Premier ministre, dans
le cadre de l’information judiciaire ouverte en France sur le nau-
Juillet 2010 • N°2
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frage du “JOOLA” à la suite de la plainte de familles de victimes
françaises de ce drame.
Il faut à notre sens considérer deux arguments d’importance
dans cette affaire à savoir d’une part la question de la Convention d’entraide judiciaire du 29 mars 1974 qui lie la France
au Sénégal et d’autre part la question de la compétence d’une
juridiction française dans le naufrage du “JOOLA”. S’agissant de
la première, le constat est que à plusieurs reprises, les Autorités
sénégalaises ont refusé l’exécution des commissions rogatoires
internationales délivrées le 21 novembre 2003 et le 10 juin
2005 en invoquant une atteinte portée à la souveraineté, la
sécurité et l’ordre public du Sénégal. Argument au demeurant
recevable puisque prévus par la Convention de 1974. Et finalement, quant le Sénégal a autorisé le juge d’instruction à se rendre au Sénégal du 14 au 18 janvier 2008, ce juge n’a pu à cette
occasion, effectuer tous les actes d’enquête envisagés et au
sujet de desquels, il avait reçu des assurances. S’agissant en second lieu de la compétence des juridictions françaises, il résulte
de l’article 689 du Code de procédure pénale et l’article 113 alinéa 7 du Code pénal que les auteurs ou complices d’infractions
commises hors du territoire français peuvent être poursuivis et
jugés par les juridictions françaises lorsque la Loi française est
applicable. En droit français, seule la qualité de Français de la
victime directe de l’infraction commise à l’étranger en l’espèce
la compétence personnelle passive, attribue donc compétence
aux lois et juridictions françaises.
C’est dans ce contexte que le juge d’instruction, afin de poursuivre son enquête a délivré neuf mandats d’arrêt. Il s’agit d’une
décision strictement judiciaire et qui trouve un fondement dans le
fait que le juge d’instruction français a la compétence de décerner
des mandats d’arrêt internationaux aux personnes visées dans la
plainte des familles de victimes, surtout lorsque ces personnes
n’ont jamais déféré à ses convocations. En effet, il résulte de l’article 131 du Code de procédure pénale français que si la personne
est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République
française, le juge d’instruction, après avis du Procureur, peut décerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine
d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave.
24. Quid de la suite de ces mandats d’arrêts internationaux ? A l’analyse du droit positif sénégalais deux obstacles
s’opposent à l’exécution de ces mandats. Ils relèvent d’une part
du fait que la hiérarchisation du Parquet sénégalais et le fort lien
de dépendance du Procureur général prés la Cour d’Appel de
Dakar, au ministre de la Justice constituent une limite exécutoire
à cet ordre donné à la force publique de rechercher la personne
désignée et de la conduire à la maison d’arrêt désignée dans le
mandat. D’autre part, aussi bien le droit sénégalais que le droit
français s’oppose à ce que leur propre citoyen puisse faire l’objet d’une extradition relativement à une infraction commise sur
leur propre territoire en invoquant la nationalité de la victime
du pays demandeur. Il faut en conclure l’impossibilité d’exécuter
ces mandats tant que les personnes visées demeureront sur le
territoire sénégalais. Leur finalité n’est donc en définitive que de
régler la procédure entamée sans que les personnes visées par
ces mandats aient été entendues. En cela même, le juge d’instruction reste dans son office qui est de pourvoir à la diligence
de toutes les mesures nécessaires pour entendre les personnes
concernées et à défaut justifier de la délivrance d’un mandat
d’arrêt qui n’a pas prospéré. ■
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
BIBLIOGRAPHIE
DISPOSITIONS SPECIFIQUES SENEGALAISES
Loi 63-22 du 07 mars 1963 portant Constitution sénégalaise.
Loi 63-62 du 10 juillet 1963 portant Code des obligations civiles
et commerciales.
Loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal.
Loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale.
Loi 66-70 du 13 juillet 1966 portant Code des obligations relatives aux contrats spéciaux.
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
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les juridictions répressives, Dr. mar. fr. 1980, 178
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18961
P. CHAUVEAU, Rétrospectives d’actualités, Dr. mar. fr. 1971, 7 ;
L’irrecevabilité de l’action civile du passager devant les juridictions répressives, D.S. 1970, 81 ; J.C.P.78, II, 18803 ; D.S.
1978, 552
E. DU PONTAVICE, L’irrecevabilité de l’action civile du passager
devant les juridictions répressives, Dr. mar. fr. 1971, 13
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mer de passagers et de leurs bagages, Dr. mar. fr. 1976,
451
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transports, t. III, n. 1007 s. (et bibliographie citée n. 1007,
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R. RODIÈRE, E. DU PONTAVICE, Droit maritime, 10e éd., n. 395 s.,
Dalloz, 1986
J. BRETHE, DE LA GRESSAYE, a théorie de la responsabilité en
droit civil et en droit pénal, Rev. gén. droit 1927-1928, 282
G. BRIÈRE, DE L’ISLE, La faute inexcusable, D. 1970, chron. p. 73
La faute intentionnelle, D. 1973, chron. p. 259
La faute dolosive, Tentative de clarification, D. 1980, chron.
p. 133
A. COEURET, La faute inexcusable et ses applications jurisprudentielles, Gaz. Pal. 1987, 2, doctr. 819 ; La faute intentionnelle,
ou cent fois sur le métier..., D. 1993, chron. p. 75
P. ESMEIN, Le fondement de la responsabilité contractuelle rapproché de la délictuelle, RTD civ. 1933, p. 633 ; La faute et sa
place dans la responsabilité civile, ibid. 1949, p. 481
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t. II, p. 101
J. GHESTIN, La faute intentionnelle du notaire dans l’exécution de
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H. GROUTEL, La faute intentionnelle vue par la Chambre criminelle, Resp. civ. et assur. 1990, chron. p. 16
R. JAMBU-MERLIN, Dol et faute lourde, D. 1955, chron. p. 84
Ph. JESTAZ, L’obligation et la sanction. À la recherche de l’obligation fondamentale, Mélanges P. Raynaud, 273
G. LEGIER, La faute inexcusable de la victime d’un accident de
la circulation régi par la loi du 5 juillet 1985, D. 1986, chron.
p. 97
Ph. LE TOURNEAU, Le principe de la responsabilité pour faute
est-il un principe général du droit, Nouveau Rép. Commaille
1983, 23 ; La verdeur de la faute dans la responsabilité civile
(ou de la relativité de son déclin), RTD civ. 1988, p. 505
G. MARTY, Illicéité et responsabilité, Études L. Julliot de la Morandière, 339
H. MAZEAUD, Essai de classification des obligations, RTD civ.
1936, p. 1 ; La faute objective et la responsabilité sans faute,
D. 1985, chron. p. 13
H. MAZEAUD, La faute objective et la responsabilité sans faute,
D. 1985, chron. p. 13
L. MAZEAUD, L’assimilation de la faute lourde au dol, DH 1933,
chron. p. 49
D. NGUYEN, THANH-BOURGEAIS, Contribution à l’étude de la faute contractuelle : la faute dolosive et sa place actuelle dans
la gamme des fautes, RTD civ. 1973, p. 496
M. PLANIOL, Études sur la responsabilité civile, Rev. crit. législ.
et jurisp., 1905, p. 283
R. ROBLOT, De la faute lourde en droit privé français, RTD civ.
1943, p. 1
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1978, chron. p. 31
B. STARCK, Observations sur le régime des clauses de non-responsabilité ou limitatives de responsabilité, D. 1974, chron.
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P. VERON, De la faute inexcusable en matière d’accident de travail, RGAT 1943, p. 315
G. VINEY, Remarques sur la distinction entre faute intentionnelle,
faute inexcusable et faute lourde, D. 1975, chron. p. 263
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
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Les concessions portuaires
par ■ Robert RÉZENTHEL
Docteur en droit
Chargé de cours à l’Université de Lille II
Summary
Contrary to appearances, the concept of port concession is poorly defined and is therefore often overused. Nevertheless, Case
law tries to bring a little more clarity. A better understanding of the legal environment of this contract and its proper management
in port environment require to better define its purpose and scope, better specify its duration and its financial conditions, and better
organize the details of its extinction at the end of the contract.
Les grandes infrastructures de transport (aérodromes, ports,
canaux, autoroutes, voies ferrées...) sont indispensables à toutes les économies nationales, et sont réalisées et exploités par
l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics
ou concédées à des entités de droit public ou de droit privé.
En matière portuaire, l’Etat s’est intéressé aux concessions
d’outillage public principalement à partir de la circulaire ministérielle du 30 janvier 1915 à laquelle étaient annexés des cahiers
des charges type, qui n’avaient pas de valeur réglementaire. A
diverses reprises ces documents ont été modifiés, mais n’ont
jamais reçu de consécration législative ou réglementaire. C’est
également le cas pour le cahier des charges type des concessions de ports de plaisance annexé à la circulaire ministérielle
n° 69 du 29 décembre 1965.
Le Code des ports maritimes a toutefois prévu une procédure
d’instruction (1) préalable à l’octroi des concessions d’aménagement et d’exploitation d’outillage public portuaire ou de ports de
plaisance, à laquelle s’ajoute la procédure relative à l’octroi des
délégations de service public résultant de la loi n° 93-122 du 29
janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption
et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques (dite « loi Sapin »).
(1) Art. R 122-8 et R 122-9, R 132-1, R 141-2, R 611-2, R 623-2 du Code des
ports maritimes.
La notion de concession est parfois galvaudée, de simples
autorisations d’occupation du domaine public sont qualifiées à
tort de « concessions » (2), sauf lorsque la convention confère
également la gestion d’un service public (3). Dans les ports maritimes, les autorisations d’outillage privé avec obligations de
service public ne sont pas des concessions, il s’agit en pratique
d’équipements utilisés pour les besoins propres du pétitionnaire, lequel peut les mettre occasionnellement à la disposition
du public. Il n’y a pas dans cette hypothèse de service public
organisé.
En l’absence de définition précise de la concession d’outillage public portuaire, c’est la jurisprudence qui contribue à clarifier
ce concept.
I • La notion de concession
Les juridictions tant administratives que judiciaires ne sont
jamais tenues par la qualification donnée par les parties, il
revient au juge d’en vérifier le bien-fondé. Les concessions,
comme les affermages et leurs sous-traités font partie de la
catégorie des délégations de service public.
(2) CAA Marseille 5 juin 2008 – C.C.I d’Avignon et de Vaucluse – req.
n°06MA01656
(3) CAA Bordeaux 4 septembre 2008 – C.C.I de Rochefort et de Saintonge – req.
n° 05BX01758
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Selon l’article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
modifiée, « Une délégation de service public est un contrat par
lequel une personne morale de droit public confie la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire
public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée
aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut
être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens
nécessaires au service ».
Ce texte fixe la ligne de partage entre la concession et le
marché public. Le mode de financement du prestataire de services et la prise de risques liée à l’exploitation constituent les principaux critères de distinction entre la concession et le marché
public. La rémunération substantielle versée par les usagers (4)
sous la forme d’une redevance caractérise la délégation de service public, et donc la concession. Les ressources de la concession peuvent provenir pour partie des subventions accordées au
concessionnaire par des tiers (5).
Le fait de confier l’exploitation d’ouvrages existants à un tiers
constitue une convention d’affermage (6). Ainsi, le renouvellement d’une concession sans obligation de construire de nouveaux ouvrages doit être qualifié d’affermage. La courte durée
d’exploitation d’un ouvrage public peut également constituer un
critère de l’affermage (7).
Pour sa part, le marché public donne lieu au paiement de
la prestation par le maître d’ouvrage ou la personne publique
bénéficiaire, et non par des tiers. C’est ainsi qu’une concession a
été requalifiée en marché public par le juge (8).
aménagement d’ouvrages publics ou exploitation d’un service
public, dans le cas du terminal, l’exploitant assure une activité
purement industrielle (la manutention) qui ne constitue pas en
principe une activité de service public (13).
Enfin, la concession se distingue de la convention de partenariat « public-privé » résultant de l’Ordonnance n° 2004-559
du 17 juin 2004 modifiée. Selon l’article 1er de ce texte : « Le
contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel
l’Etat ou un établissement public de l’Etat confie à un tiers, pour
une période déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou
la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou
la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels
nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur
financement à l’exception de toute participation au capital. Il
peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi
que des prestations de services concourant à l’exercice, par la
personne publique, de la mission de service public dont elle
est chargée... La rémunération du cocontractant fait l’objet d’un
paiement par la personne publique pendant toute la durée du
contrat. Elle est liée à des objectifs de performance assignés au
cocontractant. Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat
de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au
nom et pour le compte de la personne publique, le paiement
par l’usager final de prestations revenant à cette dernière ». Ces
contrats de partenariat sont des marchés publics ainsi que l’a
jugé le Conseil d’Etat (14).
La jurisprudence communautaire adopte les mêmes critères
de distinction que la jurisprudence interne française. C’est ainsi
que la Cour de justice des communautés a jugé que : « La différence entre un marché de services et une concession de services réside dans la contrepartie de la prestation de services (9).
«Un marché public de services» au sens des directives 2004/18
et 2004/17 comporte une contrepartie qui est payée directement par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services (10).
L’on est en présence d’une concession de services lorsque le
mode de rémunération convenu tient dans le droit d’exploiter le
service et que le prestataire prend en charge le risque lié à l’exploitation des services en question (11) » (12). Nous verrons que
malgré la distinction entre les deux catégories de conventions,
certaines règles communes leur sont applicables.
Ajoutons que récemment, à propos de la notion de concession, le Tribunal administratif de Nice a jugé (15) que l’agrément
d’une entreprise de lamanage par le directeur du port constituait une délégation de service public, donc une concession
ou un affermage. En réalité, selon le Conseil d’Etat (16), c’est la
forme juridique de l’agrément qui détermine son régime, ainsi
lorsqu’il est accordé par une décision unilatérale il s’agit en principe d’une mesure de police, tandis que lorsqu’il résulte d’une
convention, c’est une délégation de service public.
Il convient également de distinguer la concession par rapport à la convention de terminal (ou d’exploitation de terminal).
Tandis que dans la première hypothèse, il y a nécessairement
II • L’environnement juridique de la concession
(4) CE 30 juin 1999 – syndicat mixte du traitement des ordures ménagères
Centre-Ouest, Seine-Marnais – Rec. p. 229.
(5) CE 20 octobre 2006 – Commune de Andeville – req. n° 289234.
(6) CE 29 avril 1987 – Commune d’Elancourt – Rec. p. 153.
(7) CE 3 juin 1987 – société nîmoise de tauromachie et de spectacles – LPA
15 juin 1988.
(8) CE 11 décembre 1963 – Ville de Colombes – Rec. p. 612.
(9) CJCE 10 septembre 2009, WAZV Gotha, C-206/08, point 51.
(10) CJCE 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec. p. I-8585, point 39.
(11) CJCE 13 novembre 2008, Commission/Italie, C-437/07, points 29 et 31.
(12) CJCE 15 octobre 2009 – Acoset SpA – C-196/08, point 39.
L’environnement juridique de la concession est sur certains
aspects commun à d’autres contrats d’occupation du domaine
public portuaire.
La concession est un contrat administratif soumis aux principes généraux de cette catégorie de contrats, avec la particularité que le droit d’exploiter un service public ou de réaliser des
ouvrages publics donne lieu à une autorisation d’occupation du
domaine public portuaire.
(13) Avis CE Sect. Trav. Public. 14 avril 2009.
(14) CE 29 octobre 2004 – Jean-Pierre R... - req. n° 26981.
(15) TA Nice 7 juillet 2009 – SARL Service maritime du port de Nice e.a.- req.
n° 0603279, DMF 2009 p. 856 note R. Rézenthel.
(16) CE 22 mars 2000 – M et Mme Lucien X... - req. n° 207804.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Juillet 2010 • N°2
/55
En droit interne, la liberté de choix du concessionnaire constitue depuis longtemps l’un des grands principes du régime de
la concession (17), et le juge administratif a considéré (18) que les
dispositions relatives au droit de la concurrence étaient sans
effet sur le maintien en vigueur de ce principe. Toutefois, les
règles de transparence et de mise en concurrence ont été essentiellement imposées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
modifiée, avec une exception importante, à savoir que selon
l’article 41 b) de ce texte les règles relatives aux délégations
de service public ne s’appliquent pas, en particulier la mise en
concurrence : « Lorsque ce service est confié à un établissement public sur lequel la personne publique exerce un contrôle
comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et
qui réalise l’essentiel de ses activités pour elle et à condition
que l’activité déléguée figure expressément dans les statuts de
l’établissement ».
permis de construire pour les superstructures, et en tant que de
besoin, l’étude d’impact, l’enquête publique, l’autorisation ou
la déclaration au titre de la loi sur l’eau, consultation du conseil
portuaire sauf dans les ports maritimes non autonomes ou dans
les grands ports maritimes.
La jurisprudence communautaire rappelle que si les concessions ne sont pas soumises aux règles des marchés publics,
elles doivent néanmoins respecter le droit de la concurrence
et l’obligation de transparence (19). L’exception prévue en droit
interne au profit des établissements publics, au premier rang
desquels il y a les chambres de commerce et d’industrie concessionnaires de l’outillage public, connaît des limites. En effet,
dans les ports à gestion décentralisée, ces établissements relèvent de l’Etat et la collectivité territoriale n’exerce pas un pouvoir de tutelle sur ces derniers. En outre, en cas de transfert sans
mise en concurrence de la concession portuaire à une société
portuaire, ainsi que le permet l’article 35 de la loi n° 2006-10 du
5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des
transports, encore faut-il que l’intégralité du capital soit détenu
par des personnes de droit public (20). Or, récemment, la Cour de
Justice a estimé que si en cours de contrat, le capital de l’entreprise concessionnaire (ou titulaire d’un marché public) était
ouvert, même partiellement, aux actionnaires privés, la mise
en concurrence devenait obligatoire tant que le contrat n’est pas
arrivé à expiration (21).
III • La gestion des concessions portuaires
En tout état de cause, dès lors que selon l’article L 410-1
du Code de commerce, les règles relatives à la concurrence :
« s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes
publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public », il est interdit aux concessionnaires
de pratiquer un abus de position dominante (par exemple sur
les tarifs) ou des ententes illicites par la conclusion de contrats
d’exclusivité (22).
Pour la réalisation des travaux dans le cadre de la concession d’outillage public ou de port de plaisance, le concessionnaire est soumis à la procédure d’instruction de droit commun :
(17) CE 16 avril 1986 – C.L.T – Rec. p.97.
(18) CE 23 juillet 1993 – Compagnie générale des eaux – Rec. p. 226.
(19) CJCE 6 avril 2006 – ANAV – C-410/04 point 21.
(20) CJCE 15 octobre 2005 – Parking Brixen GmbH – C-231/03 point 58.
(21) CJCE 10 septembre 2009 – Société SEA – C-573/07 point 53 ; « Les sociétés
portuaires fragilisées par la jurisprudence communautaire » R. Rézenthel
– JMM 18 septembre 2009 p. 11.
(22) Cass. Com. 7 juillet 2009 – société Lafarge ciments – pourvois n° 08-15609
et 08-16094.
Il convient de souligner la situation singulière imposée par
la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire,
en tant qu’elle interdit aux grands ports maritimes de posséder
à l’avenir des outillages publics (dont les « biens de retour »
concédés), et par voie de conséquence, d’accorder des concessions d’outillage public. Il s’agit d’une mesure qui pénalisera les
chargeurs et les entreprises de manutention en cas de carence
du secteur privé pour la gestion des grands équipements de
manutention.
Le recours à la concession n’est pas systématique, certains
outillages publics peuvent donner lieu à des autorisations d’occupation temporaire du domaine public dès lors que leur gestion
n’intervient pas dans le cadre d’un service public. Cette faculté
de choix a été reconnue (23) par le Conseil d’Etat pour l’exploitation d’une forme de radoub et de ses abords. Les conventions
d’exploitation de terminal (ou de terminal) peuvent également
permettre l’exploitation des outillages publics par l’opérateur, en
même temps qu’il utilise ses outillages privés.
Contrairement aux concessions aéroportuaires soumises à
un cahier des charges type approuvé par voie réglementaire,
le concédant d’outillage public portuaire et de port de plaisance
dispose d’une liberté assez étendue pour établir le cahier des
charges de la concession.
1 – L’objet et le périmètre de la concession
Il convient de définir un objet ni trop étroit, ni trop large.
L’étendue des missions confiées au concessionnaire ne doit pas
être détaillée à l’excès. Il est possible de faire le parallèle avec la
« spécialité » des établissements publics, à propos de laquelle
le Conseil d’Etat a admis que des missions complémentaires
pouvaient être implicitement admises (24).
Il y a lieu de considérer que le concessionnaire de l’outillage
public dans un port maritime ou fluvial ne saurait avoir l’exclusivité de l’exploitation des outillages portuaires. Les entreprises
de manutention ne sont pas tenues d’utiliser l’outillage public,
mais l’usage d’outillages privés peut être soumis à des mesures
de police ayant pour objet d’assurer la sécurité des personnes et
des biens sur le port.
Le périmètre de la concession contribue à déterminer les
ouvrages concédés, circonstance qui permet de définir les
(23) CE 10 juin 2009 – Port autonome de Marseille – req. n° 317671.
(24) Avis CE Ass. 7 juillet 1994 annexé à l’étude de S.Rodriguez sur l’ « Actualité du principe de spécialité des entreprises publiques » - RFDA 1994
p. 1146.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
responsabilités en cas de dommages. La concession doit être
exploitée sur des terrains appartenant au gestionnaire du port
(autorité concédante), mais pas obligatoirement à l’intérieur des
limites administratives du port. Lorsque le périmètre concédé se
situe à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé, ce
sont les règles de la domanialité publique qui s’appliquent pour
l’ensemble de la concession (25).
2 – La durée des concessions
L’article R 631-3 du Code des ports maritimes dispose que :
« Les concessions d’établissement ou d’exploitation d’infrastructures ou de superstructures portuaires ne peuvent être consenties pour une durée supérieure à cinquante ans. Les autres
concessions, conventions et autorisations d’occupation de toute
nature du domaine public ne peuvent être consenties pour une
durée supérieure à trente-cinq ans ». Ce texte appelle deux remarques, d’une part, il est inclus dans le livre VI du code des
ports maritimes consacré aux ports relevant des collectivités territoriales ou de leurs groupements, et d’autre part, il ne saurait
primer les dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
modifiée. Il résulte en effet de l’article 40 de cette loi que : « Les
conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité
en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque
les installations sont à la charge du délégataire, la convention
de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée,
de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne
peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement
des installations mises en œuvre ».
Le texte poursuit : « Une délégation de service public ne
peut être prolongée que :
a) Pour des motifs d’intérêt général. La durée de la prolongation ne peut alors excéder un an ;
b) Lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécution du service public ou l’extension de son champ géographique et à la demande du délégant, de réaliser des
investissements matériels non prévus au contrat initial,
de nature à modifier l’économie générale de la délégation et qui ne pourraient être amortis pendant la durée
de la convention restant à courir que par une augmentation de prix manifestement excessive ».
Le législateur a voulu éviter la création de rentes de situation qui favoriseraient les concessionnaires en place. C’est également la position de la Cour de justice des communautés qui a
estimé (26) qu’une concession d’une durée de vingt ans ne pouvait pas être prorogée pour une durée de dix ans.
La question s’est posée de savoir si les limites de la durée
des conventions fixées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993
modifiée s’appliquaient aux contrats de concession en vigueur
à cette époque. Le Conseil d’Etat a jugé (27) qu’il y avait lieu de
ne pas porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle,
(25) L’ensemble des terrains aménagés pour l’exploitation de la concession
font partie du domaine public (Avis CE sect. Int. Et T.P du 31 janvier 1995
– EDCE 1995, n° 47, p. 407.
(26) CJCE 9 mars 2006 – Commission c/ Espagne – C-323/03 point 44.
(27) CE 29 novembre 2002 – commune de Barcarès c/ M. Attal – DMF 2003 p.
617 note R. Rézenthel et A. Lemonnier de Gouville.
mais que l’application des normes nouvelles aux contrats en
cours est envisageable s’il existe un motif d’intérêt général suffisant lié à un impératif d’ordre public. La Haute Juridiction a
considéré que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifiée
« répond à un impératif d’ordre public qui est de garantir, par
une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des
opérateurs économiques aux contrats de délégation de service
public et la transparence des procédures de passation », et que
cet impératif implique « non seulement qu’aucune stipulation
relative à la durée du contrat, convenue entre les parties après
la date d’entrée en vigueur de la loi, ne peut méconnaître les
exigences prévues par son article 40, mais en outre, que les
clauses d’une convention de délégation de service public qui
auraient pour effet de permettre son exécution pour une durée
restant à courir, à compter de la date d’entrée en vigueur de la
loi, excédant la durée maximale autorisée par la loi, ne peuvent
plus être régulièrement mises en œuvre au-delà de la date à
laquelle cette durée maximale est atteinte » (28).
3 – Les aspects financiers de la concession
En règle générale, le cahier des charges des concessions
d’outillage public ou de port de plaisance met les travaux d’aménagement et d’entretien à la charge du concessionnaire. Toutefois, certaines charges ne peuvent pas incomber au concessionnaire, comme l’intervention de la police nationale ou de la
gendarmerie (29) ou les contrôles douaniers (30) ou sanitaires (31).
Le concessionnaire verse de surcroît au concédant une redevance, qui, outre un terme fixe, peut comporter un terme
variable eu égard au volume d’activité réalisé ou au chiffre d’affaires.
S’il a été jugé qu’une redevance d’occupation du domaine
public ne constitue pas nécessairement la contrepartie d’un service rendu, elle doit cependant prendre en compte les avantages (32) dont bénéficient les occupants en raison de leur localisation près des ouvrages d’infrastructure. Une redevance très
faible (33) pourrait être considérée comme une aide d’Etat (34) au
sens du traité CE, tandis qu’une redevance élevée pourrait être
qualifiée d’abus de position dominante.
Le concessionnaire peut à son tour percevoir une redevance
d’occupation de la part de ses sous-traitants et des occupants
du domaine concédé, de même qu’il perçoit les redevances
d’usage des outillages publics concédés. Le barème de ces redevances est approuvé à l’issue d’une instruction administrative
(28) CE Ass. 8 avril 2009 – compagnie générale des eaux – req. n° 271737.
(29) CE Ass. 30 octobre 1996 – Christine Wajs – req. n° 136071 et 142688 ;
pour l’exercice de la police municipale (CAA Marseille 30 avril 2003 –
Compagnie générale de stationnement – req. n° 99MA01946).
(30) CJCE 11 août 1995 – Société Edouard Dubois et fils – aff. n° C-16/94, Rec.
p. I-2421 points 18 et 19.
(31) CJCE 5 février 1976 – Bresciani – aff. n° 87/75, Rec. p. 129 point 10.
(32) CE 10 février 1978 - ministre de l’économie et des finances c/ Scudier
- Rec. p. 66.
(33) Une redevance symbolique constitue un revenu au regard du droit fiscal,
elle justifie l’assujettissement de l’occupant à la taxe foncière (CE 16 novembre 1998 - ministre de la mer c/ Commune d’Arcachon - recours n°
47.685 et 47.741).
(34) A propos du port de Cruxhaven (Allemagne) - Décision de la Commission
n° 85/515/CEE du 11 février 1987 - JOCE. n° L 295 du 20 octobre 1987
p. 25.
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comportant l’avis du conseil portuaire dans les ports non autonomes, il a un caractère réglementaire (35).
Le contrôle du barème des tarifs d’usage des outillages publics par le concédant doit être fondé sur le respect de l’intérêt
général, un refus d’homologation ne saurait être justifié par le
niveau « suffisant » de la rémunération du concessionnaire (36).
Certains aspects financiers peuvent apparaître en fin de la
convention à l’occasion du rachat ou du retrait de la concession.
4 – L’échéance des concessions portuaires
Le terme fixé par le cahier des charges détermine la fin de
la concession. Toutefois, celle-ci peut être anticipée soit pour un
motif d’intérêt général, soit à titre de sanction en cas de faute
grave de la part du concessionnaire. Dans la première hypothèse, il n’y a pas lieu d’entendre le point de vue du concessionnaire, car il ne lui revient pas de discuter du bien-fondé du motif
d’intérêt général, en revanche, dans la seconde hypothèse, il
s’agit d’une sanction, et il y a lieu pour le concédant de respecter
les droits de la défense en invitant le concessionnaire à exposer
son point de vue avant de prendre la décision de retrait.
La fin de la concession implique l’exécution de plusieurs obligations. Si le cahier des charges le prévoit, le concessionnaire
peut être tenu de remettre les lieux dans leur état initial ; il doit
céder les biens de reprise si le concédant en fait la demande (37).
Dans l’hypothèse où la concession se poursuit avec un autre
concessionnaire, le concessionnaire initial peut supporter la remise en état des ouvrages.
En cas de résiliation anticipée de la convention, le concessionnaire a le droit en principe à une indemnité de rachat. Celleci correspond en règle générale à la moyenne des sept derniers
exercices comptables (avant le retrait) déduction faite des deux
moins bons. L’annuité ainsi obtenue est versée au concessionnaire jusqu’au terme initialement prévu de la concession.
Sauf lorsque le retrait intervient pour faute du concessionnaire, le concédant supporte les annuités d’emprunts (souscrits
dans l’intérêt de la concession) restant à courir. En outre, le concédant doit reprendre le personnel (38) affecté à la concession en
application de l’article L 1224-1 du Code du travail.
(35) CE 28 mai 1984 - association des usagers du port de Bandol - req.
n° 35.587 ; C.E. 31 mars 1995 - M. Desaunay - A.J.D.A. 1995 p. 562 concl.
M. J. Arrighi de Casanova
(36) CE 31 octobre 1980 – ministre de l’équipement et de l’aménagement du
territoire c/ société du port de pêche de Lorient – Rec. p. 397.
(37) A défaut d’accord sur le prix de cession, il appartient au tribunal saisi de
trancher.
(38) Cass. Soc. 14 janvier 2003 – commune de Théoule-sur-mer – DMF 2003
p. 415 note R. Rézenthel. Toutefois, l’article L 1224-1 du code du travail
ne s’applique pas pour le directeur de la concession si le concessionnaire
initial est une personne de droit public (CE 14 mai 2003 – C.C.I de NîmesUzès-Bagnols-le-Vigan c/ M. Vidal – DMF 2003 p. 689 note R. Rézenthel.
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La question se pose en fin de concession de la situation
des sous-traités. En principe ils arrivent à expiration en même
temps que la concession, toutefois l’article 21 de la loi n° 2009179 du 17 février 2009 relative à l’accélération des programmes
de construction et d’investissement publics et privés autorise,
avec l’accord du concédant, la conclusion de droits d’une durée
excédant celle de la convention de délégation de service public.
Ce texte a pour objectif d’encourager le financement d’ouvrages
réalisés sur le domaine public, dans l’intérêt des services publics
locaux (39).
A la suite de la décentralisation résultant de la loi n° 2004809 du 13 août 2004 modifiée, les collectivités territoriales ou
leurs groupements ont été substitués à l’Etat pour la gestion
des ports maritimes, et par voie de conséquence, ont perdu
la qualité de concessionnaire lorsqu’ils l’étaient. La Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que malgré la disparition
du concessionnaire, les contrats de sous-traités subsistaient (40).
Cette position avait été défendue par le Professeur Jean Dufau,
considérant que le législateur n’a pas voulu porter atteinte à
l’existence des contrats.
CONCLUSION
Le régime de la concession constitue depuis longtemps une
forme de partenariat « public-privé », mais aujourd’hui, sous
l’influence du droit communautaire, et des règles de l’économie
de marché, il y a lieu de le faire évoluer.
Le partenariat ne peut être envisagé que dans le contexte
d’un rapport de force équilibré. Les grands investisseurs, surtout
dans le domaine portuaire, ne sont pas attachés à un marché
national, leurs interventions sont planétaires. De plus, alors que
la concession fait peser un contrôle étroit sur les activités concédées, la différence de culture et d’expérience entre le concédant
et le concessionnaire peut être une source de conflit entre eux.
La convention de terminal instaurée dans les pays de l’Europe du Nord et utilisée à présent dans les grands ports maritimes français, a pour vocation de répondre à l’attente des
opérateurs, c’est-à-dire la reconnaissance d’une véritable autonomie de gestion, sous réserve toutefois du respect du droit de
la concurrence. ■
(39) « L’extension des autorisations domaniales dans les ports maritimes »
R. Rézenthel – Rev. « Les annales de la voirie » 2009 – n° 136 – juillet/
août – p. 21.
(40) CAA Marseille 15 mai 2003 – Commune de Saint-Laurent-du-Var – req.
n° 02MA01389.
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Extraversion croissante des économies
des aires protégées estuariennes, côtières et
marines (APECM) en Afrique de l’Ouest :
quels impératifs de gouvernance?
Le cas du Parc national de Conkouati-Douli (Congo), du Parc national
du Banc d’Arguin, (Mauritanie), du Parc national des oiseaux du Djoudj
(Sénégal), de la Réserve de biosphère du Delta du Saloum (Sénégal), et de
la Réserve de biosphère de l’archipel des Bijagos-Bolama (Guinée Bissau) (1)
par ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE
Centre for the Economics and Management of Aquatic Resources (CEMARE),
Department of Economics, University of Portsmouth
1-8 Burnaby Road, Portsmouth, PO1 3AE, Hants, Royaume-Uni ; [email protected]
■ Moustapha DEME,
Centre de recherches océanographiques de Dakar Thiaroye (CRODT)
PO Box 2241, Dakar, Sénégal
■ Abdoulaye DIOP,
Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD), Saint-Louis, Sénégal
■ Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA,
Centro de Investigaçao Pesqueira Aplicada (CIPA)
Avenue Amilcar Cabral, CP 102 Bissau, Guinée Bissau
■ Abou DAIM DIA,
Institut Mauritanien de recherche Océanographique et des Pêches (IMROP)
Casando, BP41, Nouadhibou, Mauritanie
■ Alphonse BAKALAKIBA,
Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche (PMEDP),
Pointe noire, Congo
Summary
Coastal, Estuary and Marine Protected Areas (CEMPA) in West Africa are nowadays subject to increased pressure of exposure of the
economies of international and regional markets, without any comparison to what has been observed so far. This phenomenon can be
described as an increasing opening-up of CEMPA’s economies in the way that external market forces are interfering more and more with
indigenous economies,which result in undermining the foundations of the creation of protected areas in this case: the protection of
fauna and flora. The current lack of consideration of commercial dynamics by the institutions in charge of managing the CEMPA, who still
focused on the conservation of emblematic species, will gradually lead to the dissolution of the local livelihoods, and it is replaced by an
economy of rent controlled by foreign businessmen. For the development of effective governance, this constitutes a major challenge.
Résumé
Les APECM de l’Afrique de l’Ouest sont aujourd’hui l’objet d’un processus d’exposition de leurs économies aux marchés internationaux
et régionaux sans aucune mesure avec ce qui a pu être observé jusqu’à présent. Ce phénomène, que l’on peut qualifier « d’extraversion
croissante », au sens d’une immixtion de plus en plus forte des forces du marché extérieur dans le fonctionnement des économies
autochtones, est en train de saper les fondements mêmes de la création des APECM : assurer la protection de la faune et de la flore.
L’absence de prise en compte des dynamiques commerciales par les institutions en charge de la gestion des APECM, focalisés sur
la conservation d’espèces emblématiques, a conduit progressivement à la dissolution du tissu économique et social de base et la mise
en place d’une économie de rente, à la solde d’agents allochtones. Pour l’élaboration d’une gouvernance effective, cela constitue un
défi de taille.
(1) Ce travail a été réalisé dans le cadre du programme de recherche européen
en coopération (INCO) intitulé « Cohérence des politiques de conservation
et de développement des aires protégées marines et côtières en Afrique
de l’Ouest » (programme initié par l’auteur principal de l’article) et du «
Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche » de la
FAO.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Introduction
Tant que les poissons abondaient le long des côtes et dans
les estuaires ouest-africains, peu de pêcheurs s’aventuraient
dans les APECM (2) en raison de leur difficile accès et leur éloignement des lieux de débarquement et de consommation. La
dégradation des écosystèmes marins et estuariens a progressivement changé cet état de fait et conféré un rôle nouveau aux
APECM : celui de dernier réservoir de biodiversité aquatique,
regorgeant de poissons à capturer ! En résulte, depuis quelques
années, une augmentation sans précédent des activités de capture et de cueillette des ressources halieutiques (3). Au premier
abord, cela prouve l’efficacité des méthodes de protection de la
biodiversité marine utilisées. Un regard plus perspicace y verra
plutôt le résultat d’un concours de circonstance : la protection
des ressources halieutiques a été garantie au sein des APECM
par effet induit car l’objectif initial de la création des aires protégées portait uniquement sur la conservation de l’avifaune (Banc
d’Arguin, Djoudj, Saloum, Bijagos) et des espèces emblématiques comme les tortues marines à Conkouati et aux Bijagos
ou encore des hippopotames marins, toujours dans les Bijagos.
En outre, les ressources aquatiques étaient considérées comme
une simple source de nourriture pour les espèces protégées,
d’où l’intégration de zones aquatiques dans les frontières des
aires protégées. En quelque sorte, les APECM sont aujourd’hui
victimes de leur succès, même si celui-ci est fortuit !
Un autre regard, de nature plus économique, verra, dans l’intérêt croissant porté par les pêcheurs aux APECM, une ouverture
des économies des populations résidentes au reste du monde
et plus particulièrement au marché international et régional. Le
constat du contrôle des activités de capture, de transformation
et de commercialisation par des agents allochtones ou par une
population résidente à leur solde, instille toutefois un premier
doute dans les capacités des populations autochtones à tirer
(2) L’expression « Aires Protégées Estuariennes, Côtières et Marines (APECM) »
est utilisée de manière générique pour désigner les cinq aires protégées
désignées en tant que parc ou réserve et réparties de la Mauritanie au
Congo (voir carte ci-après). Mis à part le Djoudj, les quatre APECM étudiées
représentent, avec les aires protégées de Gamba et Mayoumba, situées au
Gabon, les plus vastes zones de conservation du milieu côtier et marin de
l’Afrique de l’Ouest.
Le Parc national du Banc d’Arguin en Mauritanie constitue avant tout une
aire protégée côtière et marine (avec une grande étendue terrestre) dont
les chenaux marins ne sont que les formes résiduelles d’un ancien estuaire.
Le Parc national des oiseaux du Djoudj au Sénégal, situé en amont du fleuve
Sénégal, demeure influencé par le régime des eaux douces mais subit quelques influences maritimes avec notamment la salinisation croissance de
certaines terres. La Réserve de biosphère du Delta du Saloum toujours au
Sénégal subit d’avantage encore que le Parc national des oiseaux du Djoudj
l’influence de la mer, surtout depuis l’ouverture d’une brèche dans la pointe
de Sangomar. La Réserve de biosphère de l’archipel des Bijagos-Bolama en
Guinée Bissau est à la fois sous influence estuarienne puisqu’elle reçoit les
eaux de l’estuaire de la rivière Bissau et sous influence maritime puisque
l’archipel se trouve à la limite sud de l’upwelling ouest-africain. Le Parc national de Conkouati-Douli au Congo dispose d’une façade maritime et d’un
système estuarien, principalement sous la forme de lagunes. Afin d’alléger
le texte, le nom des APECM est mentionné de la manière suivante :
Parc National du Banc d’Arguin (Banc d’Arguin) : Banc d’Arguin
Parc National des oiseaux du Djoudj (PNOD) : Djoudj
Réserve de Biosphère du Delta du Saloum (Saloum) : Saloum
Réserve de Biosphère de l’Archipel Bijagos-Bolama (Bijagos) : Bijagos
Parc National de Conkouati-Douli (PNCD) : Conkouati.
(3) Aspects présentés dans le précédent numéro de la Revue Africaine des Affaires maritimes et des Transports (Ramatrans) n°1, Juillet 2009, pp. 44-49.
Juillet 2010 • N°2
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parti d’une telle ouverture. Un second doute, encore plus prononcé, s’installe dès lors que l’on met à jour l’effet déstructurant
de l’ouverture économique sur le tissu économique et social des
populations. Ainsi, il semble que l’ouverture actuelle des APECM
au monde extérieur s’apparente à un processus d’extraversion
croissante en cela que le développement des activités extractives, de transformation et de commercialisation est impulsé
depuis l’extérieur et qu’il modifie à la fois le fonctionnement des
économies locales avec les structures sociales.
L’objectif du présent article est de présenter le phénomène
d’extraversion croissante des économies des APECM et les implications en matière de gouvernance. Le terme gouvernance
désigne le processus institutionnel et décisionnel à même de
concilier les objectifs du développement durable, à savoir la
croissance économique, l’équité sociale et la protection de l’environnement. Son utilisation, dans le contexte ouest-africain,
signifie que l’ère de la gestion des ressources naturelles sans
considération des activités humaines et les aspirations des populations en matière de bien être économique et social est tout
simplement révolu. En d’autres termes, tandis que le concept de
gestion renvoie à la protection du vivant, celui de gouvernance
induit la cohérence des actions de protection de la nature et
d’amélioration du bien-être des populations.
Trois parties structurent cet article. La première montre les
dynamiques spatiales de l’exploitation des ressources halieutiques ainsi que les aires d’influences des populations résidentes.
La deuxième présente la dynamique de commercialisation des
produits halieutiques en soulignant tout d’abord la manière dont
les APECM se trouvent de plus en plus sollicités pour satisfaire
une demande commerciale exogène et ensuite la prédominance des acteurs allochtones dans la mise en valeur des ressources naturelles. La troisième partie propose trois impératifs de
conservation, de bien-être et de re-connexion, destinés à servir
de support à l’élaboration d’une gouvernance des APECM.
Parc national du Banc d’Arguin
Parc national des oiseaux du Djoudj
Réserve de la biosphère
du Delta du Saloum
Réserve de
la biosphère
de l’Archipel
Bijagos-Bolama
Parc National de
Conkouati-Douli
Figure 1 : localisation des 5 APECM.
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Du plus loin au plus près :
des pêcheries hors de contrôle
Les aires d’exploitation marines varient considérablement
d’une APECM à une autre. L’explication se trouve en grande partie dans la nature de l’embarcation utilisée (planche à voile pour
le Banc d’Arguin, pirogue motorisée pour le Saloum, pirogue
monoxyle pour les Bijagos, Djoudj et Conkouati) (voir la figure
ci-dessous). Les populations résidentes du Banc d’Arguin, Djoudj, Bijagos, Conkouati ne sortent pas des limites de leur APECM
pour exploiter les ressources, alors que les pêcheurs sénégalais
du Saloum sont pour la grande majorité d’entre eux dispersés le
long des côtes du Sénégal et des pays voisins.
La figure ci-dessous présente le schéma de l’exploitation des
ressources naturelles (4) dans les cinq APECM en y intégrant la
présence des pêcheurs et transformateurs étrangers. Les principales sources de revenu (illustrées par des flèches plus ou
moins marquées) sont terrestres pour les populations résidentes du Djoudj, Saloum, Bijagos et Conkouati mais marines pour
le Banc d’Arguin. Il existe à ce titre une certaine complémentarité (ou saisonnalité) entre les activités marines elles-mêmes et
marines et terrestres (tout comme terrestres elles-mêmes) qui
permet une flexibilité de l’exploitation des ressources naturelles
(elle évite dans bien des cas la surexploitation et l’extermination
de certaines espèces).
Figure 2 : Limites et importance de l’exploitation des ressources naturelles et
plus particulièrement marines des cinq APECM par les populations résidentes
et étrangères.
Note : Les flèches en noir représentent les sources de revenu des populations résidentes,
celles en gris des exploitants allochtones. Les flèches sont plus ou moins larges selon leur
importance relative.
(4) Le cas des ressources terrestres n’est pas traité ici.
Si l’entièreté de la valeur marchande des ressources est réalisée le long de la frange côtière au Banc d’Arguin, c’est essentiellement à l’extérieur du Delta du Saloum que les pêcheurs
résidents du Saloum créent de la richesse. Le ramassage des
coquillages (5) et les activités de pêche de subsistance sur les
îles Bijagos confinent les exploitants aux plages et mangroves,
voire à quelques encablures du rivage. Il existe, pour le domaine
marin, une corrélation positive entre la distance et le caractère
commercial de l’activité. Par exemple, les Imraguens pratiquent
la pêche à l’épervier depuis le rivage pour leur substance et
capturent le mulet à l’aide de filets d’épaule alors que les activités commerciales nécessitent des sorties quotidiennes en mer
(qu’ils considèrent d’ailleurs comme étant de plus en plus longues et lointaines).
Les aires d’influence et de contrôle sont aussi limitées que
celles d’exploitation des ressources marines pour les mêmes
raisons : impossibilité de s’aventurer en pleine mer pour les pêcheurs Imraguens, Bijagos et Vili du fait de leurs embarcations
non motorisées et surtout de l’absence de connaissance du milieu marin distant. Cela signifie qu’ils ne sont pas à même de
contrôler ce qui se passe dans ces espaces marins. A l’opposé,
les pêcheurs du Delta du Saloum, et plus généralement du Sénégal, opèrent avec des longs rayons d’action et se retrouvent
de la sorte à contrôler des espaces-ressources le long des côtes
ouest-africaines qui ne peuvent l’être par les populations côtières.
Ce qui ressort de cette présentation, c’est l’immixtion des
pêcheurs étrangers et plus particulièrement sénégalais dans les
deux APECM de la Mauritanie et de la Guinée Bissau ainsi que
celle des pêcheurs migrants et des chalutiers étrangers et nationaux à Conkouati. Si dans le Banc d’Arguin, cela relève de
l’activité illégale, dans les Bijagos, le relevé des licences montre
que certains pêcheurs s’en acquittent tandis que d’autres passent outre (6). De même, si à Conkouati, les maîtres d’eau réglementent l’accès aux lagunes, étangs et rivières, il apparaît que
celui de la zone côtière est peu réglementé et surtout qu’aucun
contrôle n’est actuellement opéré (7). Plus spécifiquement :
• Les pêcheurs étrangers pêchent dans les deux aires marines qui sont bien pourvues en ressources. Le Saloum,
malgré la faiblesse de son capital naturel marin, accueille
des Gambiens et Guinéens pendant la saison à la crevette et des femmes gambiennes pendant la saison des
huîtres. Cela reste toutefois limité à la pêche à pied ou
la cueillette et tient pour partie à l’absence de pêcheurs
étrangers migrants dans la sous-région hormis les Sénégalais (8) et pour partie à la faible capacité des écosystèmes saumâtres à produire des espèces à forte valeur
commerciale (excepté les crevettes). Le Saloum apparaît
(5) La collecte des mollusques dans les Bijagos concerne essentiellement celle
des arches sur l’estran. Celle des huîtres se fait principalement dans la
partie insulaire de Bolama.
(6) Seulement 200 licences ont été enregistrées en 2003. La majorité d’entre
elles étaient des licences prises par des nationaux qui agissent comme
prête nom pour les pêcheurs étrangers. A partir de 2004, le prix des «
licences étrangers et nationaux » est pratiquement le même (alors qu’il
était significativement plus bas auparavant pour les nationaux) pour la plus
part des catégories afin de lutter contre ces abus.
(7) Un projet de contrôle et de surveillance de la zone maritime du Parc, initié
par le World Conservation Society (qui gère le Parc) est à l’étude en 2006.
(8) Une ambiguïté subsiste toutefois encore aujourd’hui : les pêcheurs sénégalais qui pêchent dans le Saloum sont-ils tous résidents de la réserve ?
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
donc comme une réserve sans pouvoir d’attraction pour
les pêcheurs non-résidents (9). Ce qui est tout l’opposé de
les Bijagos, du Banc d’Arguin et de Conkouati.
• Aucun contrôle ne peut être exercé par les populations
résidentes sur les espaces marins où exercent les pêcheurs étrangers. Même si certaines zones sont concomitantes, le contrôle n’est pas possible : dans le Banc
d’Arguin, les pêcheurs étrangers s’introduisent surtout la
nuit alors que les Imraguen pratiquent une pêche journalière diurne. L’idée en vogue de comité de plage afin
de contrôler les activités des pêcheurs locaux et étrangers ne peut trouver ici d’écho, ni d’ailleurs aux Bijagos
ou à Conkouati, où les pêcheurs résidents sont confinés
au rivage.
Au rythme où vont les choses, la question de la sécurité
alimentaire va très vite être devenir une préoccupation centrale des administrations des APECM. Les Bijagos ne jettent plus
les filets à l’eau : les ressources sont devenues tellement rares
autour des îles qu’ils renoncent à la pêche (10).
Démersaux
et
crevettes
16000t
Frais premier
choix 10000 t
Pélagiques
22500 t
Europe
10000 t
Frais second
choix 4300 t
Transformé
1700 t
Afrique
19000 t
Frais 4000 t
Transformé
18500 t
Sélaciens
1500 t
(9) Ou d’un pouvoir très limité dans la mesure où elle attire les pêcheurs
Guinée et Sénégalais ciblant l’ethmalose, une espèce dépourvue de tout
intérêt commercial hors de la Guinée et des zones en périphérie de la
réserve du Saloum. En d’autres termes, c’est aujourd’hui d’avantage l’absence de ressources de forte valeur ajoutée, tant à l’échelle du Saloum
que de celle de la sous-région, qui conduit à la résurgence de productions
fleurissantes par le passé mais abandonnées à la fin des années 1980 et
1990 faute de débouchés.
(10) Les chefs de village, les pêcheurs bijagos ainsi que les pêcheurs étrangers
interrogés formulent tous ce même constat de disparition progressive de
la pêche côtière des Bijagos.
/61
La filière des sélaciens ressemble fort à celle des petits pélagiques, du moins en ce qui concerne les carcasses. Les marchés
principaux sont ceux du Golfe de Guinée (Ghana et Nigéria en
tête) et les transformateurs de ces produits sont caractérisés
par une mobilité impressionnante (nous avons rencontré des
transformateurs ghanéens, maliens, guinéens au Banc d’Arguin,
Saloum et Bijagos). Les ailerons possèdent quant à eux leur
filière spécifique dont la production sous-régionale est rassemblée en Gambie avant d’être expédiée vers les marchés asiatiques (Anonyme, 2000).
Une empreinte extérieure
de plus en plus marquée
Des APECM au service de l’approvisionnement des marchés internationaux et régionaux
L’effet combiné de la diminution des captures de poissons
démersaux dans les eaux européennes et l’augmentation de la
consommation de poisson par habitant s’est traduit au cours des
deux dernières décennies par une augmentation significative
des importations européennes de produits halieutiques de forte
valeur commerciale (démersaux, crevettes, céphalopodes) en
provenance des pays africains (Failler P. et al., 2006). Cela s’est
traduit par un accroissement significatif du pouvoir d’attraction
des APECM mais aussi par une structuration de nouvelles filières
de produits halieutiques. La figure ci-dessous présente et quantifie les quatre principales filières qui peuvent être esquissées à
partir des profils de commercialisation de chacune des APECM :
démersaux, pélagiques, sélaciens et mollusques.
La filière la plus importante en volume est la filière des pélagiques transformés dont la majeure partie est destinée aux
marchés africains. Cette filière revêt une importance capitale
pour l’approvisionnement des populations autochtones, périphériques mais aussi pour celles des régions enclavées grâce
notamment à la forte valeur protéinique et énergétique de ces
espèces. Cette filière est très dynamique de par l’abondance
de petits pélagiques tout au long de la façade ouest-africaine
et de par les facultés d’adaptation aux changements de conditions d’exploitation (environnementales, politiques,…) dont font
preuve les acteurs de la filière, qui se traduit par une mobilité
importante des activités d’exploitation.
Juillet 2010 • N°2
Asie Sud Est
40 t
Carcasses
1460 t
Ailerons 40 t
Marché
Domestique
6400 t
Frais 600 t
Mollusques
3000 t
Transformé
2400 t
Autoconsommation
7560 t
Figure 3 : Schéma global des flux de produits des APECM (estimations équivalent poids vif).
Source : rapports nationaux et missions de terrain.
L’autre filière d’importance est celle des démersaux, principalement commercialisés en frais à destination des marchés
européens et dans une moindre mesure des villes de Nouakchott, Dakar et Pointe noire. L’importance de cette filière tient
plus à la valeur de la production qu’au volume qu’elle génère.
Les prix pratiqués sur les marchés internationaux pour des espèces démersales de qualité sont tels que la majorité des captures
est exportée pour alimenter les marchés occidentaux, le second
choix étant souvent écoulé sur les étals des grandes villes susmentionnées.
Les mollusques ne sont que peu exportés et si une quelconque commercialisation existe, elle est faite localement pour des
sous produits transformés. Cette activité reste essentiellement
une activité de subsistance et revêt une grande importance en
tant que source de protéine animale pour les populations locales. L’approvisionnement local (11) est aussi le fait d’une partie
des pélagiques frais et transformés qui ne transitent pas par
les circuits de distribution nationaux et internationaux et des
démersaux de seconde qualité impropres pour les marchés occidentaux.
(11) Le terme local s’entend ici au sens large, avec une partie du poisson
consommé directement dans les villages de production et dans la région
alentour.
62/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Une main mise structurelle et structurante des acteurs allochtones
Le lien tributaire des APECM vis-à-vis de l’extérieur par l’entremise des pêcheurs, transformateurs et commerçants allochtones est davantage mis en exergue à l’examen du contrôle des
principales filières halieutiques. Le tableau suivant en présente
les principales caractéristiques. Le terme « I » signifie Interne
ou le fait de la population résidente, par opposition, le terme
« E », veut dire Exogène ou réalisé par des exploitants, transformateurs ou commerçants allochtones nationaux ou étrangers.
L’utilisation de deux teintes (clair et foncé) a pour objectif de
faire ressortir la démarcation entre pratique résidente et pratique allochtone. Les notations entre parenthèse visent à renseigner un peu plus sur la nature du contrôle des filières. A noter
enfin que seules les principales configurations rencontrées sont
mentionnées ici.
Tableau 1 :
Contrôle des filières halieutiques dans les cinq APECM
Une configuration III est généralement le fait d’un processus d’autoconsommation, rencontré pour de nombreux produits
transformés ou pas. Négligée lors de l’examen de la valeur économique de l’exploitation et de la valorisation des ressources
halieutiques des APECM, elle est pourtant essentielle pour l’alimentation des populations résidentes. Par exemple, dans certaines îles, comme Orango (Bijagos), les populations consomment plus 130 kg de poisson par an et par habitant (équivalent
poids vif) à raison de trois repas de poisson par jour (une forte
consommation à également été observé autour des lagunes
à Conkouati). Dans le Banc d’Arguin, l’autoconsommation décline, non pas par manque de poisson débarqué, mais parce
que les pêcheurs Imraguen ciblent des espèces commerciales
au détriment de celles pour la consommation familiale. Dès
lors, les prises débarquées sont accaparées par les commerçants au détriment de la population. Cela atteint un tel point,
que se procurer du poisson frais pour le repas du soir dans les
villages Imraguen relève du défi et que, paradoxalement, la
consommation de sardines en boîtes en provenance du Maroc
y augmente chaque mois un peu plus ! Tout aussi préjudiciable
est la difficulté croissante qu’éprouvent les femmes Imraguen
à s’approvisionner en mulet pour la préparation des produits
traditionnels (Tichtar, Dhin, Lekhlia) car la majeure partie de
la production est commercialisée en frais. Aussi, la filière des
produits dits traditionnels (configuration IIE) connaît-elle une régression significative.
A l’opposé, les configurations EEE sont en plein essor. Elles
correspondent, pour l’essentiel, à l’exploitation, la transformation et la commercialisation par des allochtones d’espèces de
forte valeur marchande commercialisées en frais (pêchées de
manière légale ou pas) et, dans une moindre mesure, à celle,
par des femmes allochtones, des huîtres dans le Delta du Saloum et des coquillages dans les Bijagos et au Djoudj. Entre ces
deux configurations opposées (III et EEE) se trouvent un certain
nombre d’arrangements où résidents et allochtones se répartissent les tâches. Par delà leur présentation, il faut retenir que
les filières qui se terminent par E sont toutes commercialement
importantes. Cela signifie en clair que les populations résidentes
des cinq APECM sont dépourvues du contrôle du processus de
commercialisation de des ressources halieutiques d’importance
marchande (et dans bon nombre de cas de celui de la transformation : salé/séché, par exemple). Les filières mixtes (IEE) et
exogènes (EEE) gagnent de l’importance grâce à l’application
d’un savoir faire de la part des transformateurs étrangers et de
la mise en place de filières d’exploitation flexibles, disposant
d’un marché et de canaux de distribution fiables, capables de
s’adapter rapidement aux changements de conditions climatiques ou politiques (12). L’augmentation de la pêche étrangère
dans les Bijagos (on passe de 9 campements de pêche étrangers sur les Bijagos en 1991 à 30 en 2000 illustre bien l’ampleur
du phénomène (da Silva, A. O., 2002).
Un examen plus approfondi du contrôle des moyens de
production, de transformation et de commercialisation révèle
que certains chaînons des filières qualifiés I devraient recevoir
l’appellation E (tel qu’indiqué entre parenthèses dans le tableau
ci-dessus). Ce sont des maillons de filière qui sont contrôlés
financièrement par les commerçants dits résidents en raison de
leur filiation avec les familles résidentes mais qui ont installé
leur famille dans un centre urbain afin de pouvoir bénéficier
de meilleures conditions de vie (13). Ils tirent avantage de leur
ascendance et plus encore de leur positionnement social pour
influencer l’exploitation des ressources halieutiques dans les
APECM et transmutent la dépendance sociale en dépendan-
(12) La forte mobilité des commerçants et des transformateurs d’une AMCP à
une autre est éloquente.
(13) Essentiellement : possibilité de scolariser les enfants ; accès aux soins de
santé, à l’eau et l’électricité.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
ce économique (Ould Cheikh, A. W., 2003). Par exemple, les
commerçants dans le Banc d’Arguin, s’ils s’apparentent à des
Imraguen, agissent comme les commerçants allochtones en ne
réinvestissant pas les bénéfices issus de la vente du poisson
dans le Banc d’Arguin : ils le font dans les centres urbains de
Nouakchott ou de Nouadhibou, prouvant de la sorte que leur
engagement dans la filière halieutique est dicté par une motivation uniquement financière individualiste.
Impératifs pour une gouvernance des APECM
La gouvernance peut être définie comme le processus institutionnel et décisionnel à même de concilier les objectifs du
développement durable, à savoir la croissance économique,
l’équité sociale et la protection de l’environnement. Si le terme
est abondamment utilisé aujourd’hui par les décideurs publics,
les administrations des APECM ainsi que les ONG et bailleurs
de fonds, sa déclinaison pratique fait encore malheureusement
défaut. Cela s’explique pour l’essentiel par la mauvaise analyse
de la situation (14), notamment des déterminants commerciaux
ainsi que le manque d’expérience et de compétence qui se traduisent par l’application d’approches clé en main (15) de nature
mécaniste et réductionniste. En d’autres termes, on parle de
gouvernance mais on raisonne et agit toujours selon les principes généraux de gestion des ressources naturelles (16).
La vulnérabilité croissante des populations et l’accélération
des dommages environnementaux imposent pourtant une
prescription d’ordre moral à agir sur les fronts du bien-être humain et de la conservation de la nature. A ces deux impératifs
de gouvernance s’adjoint un troisième, celui de la re-connexion
des populations résidentes avec leur milieu environnant. La
présence humaine dans les APECM est consubstantielle aux
espaces/ressources. Les tentatives actuelles de s’émanciper
de la tutelle naturelle provoquent un effilochage des liens qui
unissent les populations et le milieu naturel sans pour autant
générer ni conservation ni bien-être humain. Aussi, convient-il
de proposer une gouvernance qui, vu l’urgence de la situation,
s’appuie sur les impératifs de conservation, de bien-être et de
re-connexion.
Impératifs de conservation
Les impératifs de conservation sont de trois ordres : un
changement de regard sur les APECM et les objectifs de conservation ; un changement des pratiques de conservation et
une nécessité d’articuler les savoirs. Le changement de regard
consiste avant tout à ne plus considérer les APECM comme des
îlots d’abondance servant à préserver les ressources naturelles d’intérêt mais bien comme des réservoirs où les acteurs
économiques viennent abondamment puiser. Pour certaines
APECM, le réservoir est déjà épuisé (Delta du Saloum) à l’exception notable de certains stocks à vaste capacité reproductive
(ethmalose, crevette), pour d’autres (Banc d’Arguin et Bijagos),
la situation apparaît moins critique dans l’ensemble. La disparition constatée de certaines espèces vulnérables comme les
(14) Essentiellement parce que les APECM sont encore perçues comme des
espaces de protection de la nature dont les préoccupations sociales et
économiques sont largement ignorées.
(15) Que l’on retrouve dans les nombreux guides pratiques du WWF, IUCN et
autres ONG.
(16) D’inspiration occidentale et également livré clé en main !
Juillet 2010 • N°2
/63
requins et raies et poissons démersaux côtiers ((Ducrocq, M.,
1999), (Bernardon, M., 1999), (Worms, J., 2002), (Deme, M.,
2004)) constitue toutefois un signe avant-coureur de la menace
qui pèse sur ces deux réservoirs. Les objectifs de conservation
doivent dès lors être revus en intégrant à la liste des espèces à
protéger, et pour lesquelles tous les efforts sont consentis, les
espèces qui présentent un intérêt commercial et celles qui font
l’objet d’une exploitation.
Le changement des pratiques de conservation porte sur la
prise en compte de l’APECM comme des espaces/ressources
formant plusieurs écosystèmes dont il importe, bien avant la
protection des espèces phares, de penser le maintien de leur
intégrité. Or, la santé des écosystèmes est encore de l’ordre du
discours dans les trois APECM. A titre anecdotique, la préoccupation récente pour la pêche dans le Banc d’Arguin survient alors
même que sont mis en avant les conséquences néfastes des
activités halieutiques pour les oiseaux. Comment en effet protéger les oiseaux ichtyophages alors que tous les poissons sont
pris dans les filets des pêcheurs ? L’élaboration d’indicateurs (17)
de santé des écosystèmes est à ce titre un pas vers la mise en
place de nouvelles pratiques de conservation. Particulièrement
attentifs aux changements altérant les espèces à la base des
écosystèmes ou les qualités des milieux marins et côtiers, de
tels indicateurs auraient le mérite de se situer très en amont
des indicateurs classiques (nombre d’oiseaux, de nichées, etc.)
et de dévoiler les changements qui passent inaperçus et dont
les conséquences ne sont appréciées que trop tard.
La nécessité d’articuler les savoirs constitue une prémisse à
la mise en place de toute gouvernance des APECM. Le constat
sur l’aménagement des activités de pêche dans les trois APECM
souligne l’inefficacité du système actuel basé sur une prise de
décision unilatérale (haut vers le bas), une non-acceptation des
mesures d’aménagement par les pêcheurs, une sous-utilisation
des connaissances, une absence de confiance réciproque (administration/pêcheurs), une transmission d’informations erronées et enfin une communication déficiente. Or pour conserver,
il faut connaître ! Et pour connaître, il faut associer les savoirs
des uns et des autres, en l’occurrence celui des pêcheurs, des
scientifiques et des administrateurs (de terrain surtout) par la
mise en place d’une plate-forme d’articulation de ces savoirs,
à la manière, par exemple, du modèle de co-viabilité développé par Le Fur et al. (1999). Un tel changement du processus
d’élaboration de la décision aurait le mérite d’enclencher un
processus participatif d’aménagement des activités halieutiques
qui soit nourri d’un savoir commun (18) et basé sur une confiance
mutuelle (Chaboud et Cury, 1999).
Impératif de bien-être
Les impératifs de bien-être portent sur quatre points : la
prise en compte du commerce comme élément moteur de la
vie des APECM ; la mainmise des populations sur les flux de produits ; l’application du principe de justice distributive et la mise
(17) Ainsi qu’un cadre analytique indispensable à la lecture des indicateurs
formulés.
(18) Cela renvoie au concept de ‘savoir commun’ qui pour notre propos devrait
s’articuler autour de trois points : les savoirs liés aux espaces/ressources ;
les savoirs relatifs aux modes d’accès et de gestion des ces espaces-ressources et ; les connaissances des paramètres économiques, financiers,
sociaux et politiques (Anonyme, 2002).
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
en place d’une politique d’intégration des APECM dans le paysage national. La prise en compte du commerce est primordiale
dans l’élaboration d’une gouvernance des APECM. Le commerce
agit en effet comme vecteur premier de la transformation des
activités économiques et habitudes de vie des populations. Il
fait sauter tous les verrous de la gestion conçue dans le but de
protéger les ressources halieutiques et ouvre les portes de l’exploitation tous azimuts. Les populations s’y font prendre d’autant
plus facilement qu’elles louent leur force de travail à cet exercice, sans trop bien se rendre compte qu’elles tuent la poule
aux œufs d’or. Mais plus grave est l’attitude des administrations
qui, au-delà de leur focalisation sur la gestion des ressources
halieutiques, perçoivent le commerce comme un moyen pratique d’apporter le progrès dans les APECM. Or le commerce, sous
sa forme actuelle, fonctionne avant tout comme un vecteur de
renforcement des inégalités à partir du moment où les termes
de l’échange ne sont pas équitables. L’ensemble des handicaps
qui touchent les systèmes productifs maritimes conforte une
situation d’otage institutionnel, propre à la culture de rente dans
l’agriculture, où les producteurs des APECM sont réduits à l’état
d’obligés économiques de commerçants venus de l’extérieur. Il
faut dès lors repenser le commerce dans les APECM à l’aune de
ses effets, qui peuvent être bénéfiques lorsqu’il est compris et
encadré, mais désastreux dès lors qu’il est laissé à lui-même.
Les populations résidentes doivent maîtriser les flux de produits afin de concourir à leur émancipation. L’essentiel de la valeur des productions halieutiques réalisées dans les APECM bénéficie aux systèmes économiques externes aux APECM. L’ajout
de valeur est réalisé par le commerce : les démersaux du Banc
d’Arguin sont vendus quatre fois plus chers aux portes du Parc
que dans les villages Imraguen ; le prix des crevettes fait plus
que quintupler dès la sortie du Saloum. En bref, le commerce des
produits maritimes ne profite pas aux populations résidentes. Le
prix de vente correspond bien plus à un dédommagement de
la force de travail qu’à une valorisation de la production. Or,
le développement des APECM ne peut faire l’économie d’une
mainmise résidente sur l’exploitation, la valorisation et surtout
le commerce des ressources extraites. De plus, les APECM ne
peuvent se permettre de laisser des pêcheurs étrangers exploiter leurs ressources sans aucune considération des besoins des
populations locales et de la santé des écosystèmes. Il est donc
fondamental de trouver des moyens pour stopper le processus
d’aliénation des populations résidentes de leurs espaces/ressources. Cela permettrait aux populations de prendre en main
leur avenir économique et faire des APECM des lieux de vie
et non de simples endroits de travail. Elles retrouveraient une
dignité qu’elles estiment avoir perdue (19).
L’application du principe de justice distributive (20) est un pas
de plus dans l’élaboration de la gouvernance. Tout d’abord, le
commerce engendre un éclatement progressif des structures
sociales des populations résidentes selon les réussites financières réalisées. La prévalence des phénomènes de tribalisme
accentue l’accaparement de la richesse par une élite et réintroduit en même temps une dépendance, économique et sociale,
des populations vis-à-vis de celle-ci (21). Ensuite, le commerce,
(19) D’après les enquêtes réalisées dans le cadre du programme CONSDEV.
(20) Se reporter à Roemer (1996) pour la formulation du concept.
(21) Que les volontés démocratiques et les élans économiques de ces dernières années avaient quelque peu estompées.
sous sa forme actuelle opère un transfert de richesse depuis
les APECM vers les centres urbains à leur périphérie. Les APECM
participent ainsi à l’épanouissement des villes au détriment des
populations résidentes qui ne profitent que si peu des effets du
commerce. Un mécanisme de gouvernance de justice distributive qui opère une redistribution équitable des richesses générées dans les APECM doit dès lors être mis en place afin d’améliorer les conditions d’existence des populations résidentes.
La mise en place d’une politique d’intégration consiste à
considérer les APECM comme des régions ou lieux ayant les
mêmes besoins sociaux que n’importe quelle région du territoire national. La volonté de préserver les milieux et dans une
certaine mesure les populations des méfaits des processus de
développement qui prévalaient ailleurs a peu à peu conduit à
mettre les APECM sous cloche. Les administrations des APECM,
avec la complicité des donateurs internationaux, se sont substituées aux administrations nationales de développement social
et économique en mettant en œuvre leurs propres programmes
sociaux. De là, l’État en a profité pour s’alléger d’une charge. Or,
le différentiel de développement social est de plus en plus fort
entre les populations qui vivent au sein des trois APECM (plus
particulièrement pour le Banc d’Arguin et les Bijagos) et celles
qui vivent à l’extérieur. Le déficit notable des infrastructures de
santé et d’éducation présentes dans les trois APECM atteste de
ce retard de développement social. De plus, le fait que les populations résidentes ont développé des modes de production
et de valorisation des ressources similaires à celles observées
à l’extérieur des APECM oblige à considérer les APECM comme
des entités géographiques au même titre que les zones campagnardes ou côtières qui font l’objet d’un plan d’aménagement
du territoire et de programmes de développement.
Impératif de re-connexion
Les impératifs de re-connexion concernent pour l’essentiel
le renforcement des liens entre les populations et la nature. La
perte de liens entre les populations et leur milieu naturel se fait
sentir au fur et à mesure qu’elles ont l’illusion de s’affranchir
de la tutelle de la nature pour la satisfaction de leurs moyens
d’existence. L’introduction de marchandises importées à usage
nourricier et domestique remplace les nombreux aliments et
ustensiles qui provenaient jadis de productions naturelles et incite à penser que l’on peut facilement se passer des ressources
locales. Plus grave sans doute est le fait que les populations
considèrent maintenant les espaces/ressources sous un angle
essentiellement marchand et non plus sous l’angle culturel qui
prévalait jusqu’à présent. Elles s’estimaient alors comme partie
prenante des espaces/ressources dans lesquels elles évoluaient.
L’émancipation des populations vis-à-vis de la nature, que l’on
peut considérer comme une forme d’entrée dans la modernité,
s’accompagne ainsi de graves séquelles sociétales tant la rapidité des changements déconstruit le tissu social existant. Il est
donc impératif que les populations renouent avec la nature et
retrouve le fil d’Ariane (22) qui leur a permis jusqu’à présent de
subvenir à leurs besoins tout en protégeant la nature. Le rôle
des Sages et des anciens est primordial dans le processus de
re-connexion car leur pouvoir de persuasion est encore fort.
(22) De la pelote de fil qu’Ariane remit à Thésée pour lui permettre de ne pas
s’égarer dans le Labyrinthe.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
Le rôle des femmes dans le tissage des liens naturels est
également à relever. Elles perçoivent la nature comme une entité qui se renouvelle de manière périodique et à laquelle elles
participent en mettant au monde des enfants et en les nourrissant grâce à ce qu’elles puisent dans les espaces/ressources.
Le temps des femmes est cyclique, celui des hommes linéaire
(Naouri, A., 2004). Ainsi, la nature ne commence pas à leur
naissance et ne finit pas à leur mort. La conception masculine
de la nature est au contraire très rectiligne en cela que l’homme perçoit inconsciemment son environnement naturel comme
commençant à sa naissance et s’achevant à sa mort. Il s’ensuit un comportement linéaire vis-à-vis de la nature qui incite
à vouloir prendre autant que la nature peut fournir. Cela montre l’importance à accorder aux femmes dans les processus de
réhabilitation des espaces/ressources endommagés ainsi que
dans l’amélioration des conditions de vie (Williams, S. B., A.-M.
Kibongui, et C. E. Nauen, 2004). D’autant plus qu’elles peuvent
être considérées comme les grandes perdantes de l’imprégnation des APECM par le commerce : la marchandisation des espaces/ressources est du ressort des hommes (Failler P., M. Deme,
A. Mendy, A. Saine, and M. Koroma, 2005). L’exemple le plus
illustratif est celui des femmes du Banc d’Arguin qui, face au
déclin de la pêche au mulet, se sont non seulement retrouvées
privées de leur fonction économique (transformation et conditionnement) mais aussi de source de nourriture et de revenus
substantiels pour leur foyer (compensé partiellement par l’augmentation des revenus de leurs maris, pêcheurs).
Juillet 2010 • N°2
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Conclusion
L’extraversion croissante des APECM que l’on peut caractériser par une perte du contrôle des moyens de production, des
processus de valorisation et de commercialisation des ressources naturelles, a conduit progressivement à une aliénation des
populations résidentes aux forces des marchés internationaux
et régionaux. Les APECM de l’Afrique de l’Ouest s’apparentent
de plus en plus à des espaces extractifs, tels des gisements
miniers ou pétroliers. L’appellation (23) “Aire protégée estuarienne, côtière et marine” n’est ainsi qu’un trompe-l’œil qui cache,
grâce à un phénomène de cécité collective et à une illusion
de contrôlabilité, une exploitation à tout va des ressources qui
ne correspond aucunement aux objectifs de conservation et ni
d’amélioration des conditions de vie des populations. Par rapport
à la combinaison des objectifs du développement durable sur
lequel s’appuie la gouvernance (croissance économique, équité
sociale et protection de l’environnement), cela se traduit par la
formulation de trois impératifs catégoriques de conservation,
de bien être et de re-connexion. La déclinaison pratique de ces
trois impératifs est de nature à redonner un sens et contenu à
l’appellation APECM et participer de la sorte à la mise en place
du Plan d’Action du Sommet de la Terre. ■
(23) En 1994, l’IUCN a défini les Aires Protégées (marines et terrestres) comme
des étendues « de terre et/ou de mer spécialement dédiées à la protection de la diversité biologique et des ressources naturelles et culturelles
qui y sont associées, et gérées par des moyens effectifs, législatifs ou
autres. » (Kelleher, G. 1994).
66/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Articles et études doctrinales
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/67
Chroniques
et informations
68
Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature 21-23 septembre 2009
71
Conférence de l’Union Africaine des Ministres
en charge du transport maritime - 12-16 octobre 2009 Durban (Afrique du Sud)
73
« La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports
dans un monde en mutation » - Séminaire international 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)
75
Signature d’un accord dans le domaine maritime
entre le Maroc et la République du Congo
75
Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français
76
« Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » Séminaire international - 18-19 mars 2010 Yaoundé (Cameroun)
82
Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo
83
Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports
68/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Les Règles de Rotterdam - 21-23 septembre 2009
Compte rendu de la Conférence de signature
21-23 septembre 2009 à Rotterdam
Par Aristide-Christian EBONGUE
Doctorant à la Faculté de Droit
de Nantes (CDMO)
Membre représentant
de l’Institut Eurafrique Export
à la Conférence
L’historique édifice de la Van Nelle Design Factory de Rotterdam
abritait, le 23 septembre 2009 dernier la cérémonie de signature
de la convention des nations unies sur le contrat de transport de
marchandises entièrement ou partiellement par mer. Organisée de
mains de maître par la Cité de Rotterdam et ses partenaires, cette
cérémonie fut le point culminant de trois jours de rencontres et
d’échanges marqués par la tenue d’un colloque placé sous la direction du professeur Van der Ziel. Ce fut l’occasion pour les nombreux
juristes et autres professionnels venus d’horizons les plus divers,
de se familiariser avec les principales dispositions de la nouvelle
convention désormais connue sous le nom de Règles de Rotterdam. Les travaux furent déclarés ouverts tout de suite après les
chaleureux mots de bienvenue de M. Ernst Hirsch Ballin, Ministre
de la justice des Pays-Bas, M. Renauld Sorieul, Secrétaire de la CNUDCI et de Mr Karl-Johan Gombrii, Président du CMI qui saisit cette
occasion pour rendre un vibrant hommage au professeur Francesco
Beligieri pour sa contribution l’avènement des nouvelles Règles (1).
Un important panel d’intervenants a alors été invité à se succéder
sur la tribune afin de présenter les principaux aspects des nouvelles
Règles de Rotterdam (RR).
Ouvrant le bal, monsieur Kofi Mbiah, Président Directeur Général du Conseil ghanéen des chargeurs et par ailleurs chef de la délégation du Ghana lors des travaux préparatoires de la convention,
s’est attelé, lors de sa présentation, à démontrer l’existence d’un
certain « équilibre des relations entre chargeur et transporteur »
dans le nouveau régime. Il est notamment revenu sur les circonstances qui ont rendu nécessaire l’avènement des Règles de Rotterdam, à savoir la coexistence dans l’ordre maritime international de
plusieurs instruments aux régimes de responsabilité concurrents.
Un travail aussi important, poursuivi-t-il, appelait nécessairement
un corpus de règles conséquent d’où la densité de ce texte qui a le
mérite d’être complet et explicite. D’aucuns ont décriés la grande
complexité des nouvelles règles, mais il ne s’agit selon monsieur
Mbiah que d’une apparence car, les Règles de Rotterdam recèlent
en leur cœur une méthode claire et structurée. Héritières de systèmes qui commençaient à montrer d’évidents signes d’essoufflement, les nouvelles Règles constituent un régime assez équilibré,
moderne et innovant, apportant plus de prévisibilité et de sécurité
dans les relations commerciales, ce qui devrait faciliter son intégration dans l’ordonnancement juridique international. De nombreux
points d’achoppement subsistent cependant, notamment sur le
(1) Cela remonte à l’époque où il ne s’agissait encore que d’un projet préliminaire d’instrument dont le CMI assurait le pilotage à la demande
de la CNUDCI. Pour de plus amples informations à ce sujet, consulter :
CNUDCI, document A/CN.9/WG.III/WP.21/Add.1, disponible sur Internet
au lien : http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V02/512/10/PDF/
V0251210.pdf?OpenElement
(2) V. art. 17 R.R. Il appartient désormais au chargeur d’apporter la preuve de
la faute du transporteur afin d’engager sa responsabilité en cas de dommage, ce qui constitue un dangereux précédent en matière de transport
international.
risque de confusion que pourrait engendrer le renversement de la
charge de la preuve instauré par les nouvelles Règles (2).
A sa suite le professeur Hannu HONKA, président de l’association
finlandaise de droit maritime et par ailleurs chef de la délégation
de la Finlande lors des travaux préparatoires de la convention, revenait sur les questions liées au champ d’application des nouvelles
règles ainsi que la liberté contractuelle qui occupe une place cardinale dans ce nouveau dispositif. Son champ d’application dépasse
désormais le cadre simplement maritime et s’ouvre également à
d’autres moyens de transport, ce qui en fait donc une convention
maritime “plus” : les contrats de transport conclus sous l’empire des
nouvelles Règles couvrent certes le trafic de ligne régulière, mais
aussi le tramping par le biais de contrats d’utilisation de tout ou partie du navire et voire en cas d’émission d’un document de transport
même émis sous forme électronique, ce qui est davantage clair que
l’ancien régime. Comme tout instrument international, les Règles
de Rotterdam s’imposent naturellement aux différentes parties au
contrat mais plus encore, aménagent une importante sphère où
peut s’exprimer la volonté de celles-ci, ce qui constitue un gage de
rééquilibrage des rapports de force entre partenaires d’affaires dans
le commerce international qui, faut-il le rappeler, est d’abord un
droit conventionnel. L’expression la plus achevée de ce libéralisme
accru sous Rotterdam reste sans doute l’instauration des contrats
de volume (3), concept sur lequel s’étendit abondamment monsieur Abhinayan Basu Bal par une approche à la fois juridique et
économique. Il s’employa en effet à mettre en relation les contrats
de service bien connus outre atlantique et les nouveaux contrats de
volume qui participeraient de l’impératif d’accroître la flexibilité des
engagements entre professionnels du transport et permettraient
enfin d’arrimer le contrat de transport de marchandises à l’évolution
du droit commercial international ce qui était inévitable.
Une fois ces précisions apportées, il s’est ensuite agit pour Le
professeur Diego Esteban Chami de l’Université de Buenos Aires
d’aborder les questions de responsabilité soulevées par les nouvelles règles, ce qu’il fit en détaillant les obligations contractuelles
du transporteur ; désormais, outre ses obligations traditionnelles,
le transporteur est astreint à une due diligence qui se veut maintenant constante tout au long du voyage. Il sera également tenu
de procéder de façon appropriée à la réception et la livraison des
marchandises, ce dont il n’avait pas à se préoccuper sous l’ancien
régime (4). Il pourra cependant faire jouer les clauses FIO qui sont
désormais intégrées dans la convention afin de limiter cette obligation. Sur le même ordre d’idée mais s’agissant cette fois des
« obligations et responsabilités du chargeur », le professeur Ibrahima Khalil Diallo de l’Université Cheikh Anta Diop a tenu à souligner
l’apport indéniable des Règles de Rotterdam qui ont grandement
enrichi les obligations du chargeur ; ainsi, à coté de ses obligations
traditionnelles, il est désormais astreint à un devoir d’information (5)
(sincérité et bonne foi), d’un véritable devoir de collaboration (6),
tout comme l’obligation de chargement ou déchargement de la
marchandise pourra désormais lui incomber sous l’effet de la clause
(3) Définis à l’article premier-2, les contrats de volume constituent l’un des
dispositifs des plus controversés des RR notamment en ce qu’ils permettent expressément aux parties de déroger aux dispositions de la convention en aménageant un régime plus souple que celui prévu par la
convention. V. articles 79 et 80 RR.
(4) En effet l’article 12 des RR qui le prévoit ne trouve pas d’équivalent aussi
bien dans les Règles de la Haye modifiées (article 3) que les Règles de
Hambourg (article 4).
(5) Articles 29, 32 RR.
(6) Article 28 RR.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/69
FIO (7). En cas de manquement du chargeur à ces obligations, il verra
sa responsabilité personnelle engagée et ce, même si les actes ou
omissions qui lui sont reprochés sont plutôt imputables à un tiers à
qui il a confié l’exécution de ses obligations (8). La présentation de
ces tiers fut l’objet de la communication du professeur Tomotaka
Fujita de l’Université de Tokyo qui relevait la grande diversité de
ces intervenants connus sous l’appellation de parties exécutantes
qui bénéficient d’importants moyens de protection par le jeu de la
clause Himalaya.
Sur la même lancée, le professeur Henry Hai Li, remplaçant
son homologue le professeur Yuzhuo Si empêché, s’est interrogé
sur « la nouvelle structure des bases de responsabilité du transporteur ». En effet, releva-t-il, la question de la responsabilité qui
se trouve au cœur des nouvelles règles brille par le caractère très
novateur de sa structure. Si la faute se trouve encore et toujours à
la base du dispositif, le mécanisme du système de responsabilité
sous Rotterdam n’a rien a voir avec tout ce que l’on a connu jusques
à lors ; en cas de dommage, la charge de la preuve pèse désormais
sur la personne du chargeur et le transporteur peut s’exonérer de
toute responsabilité en invoquant l’un des cas exceptés prévu par la
convention, ou prouver son absence de faute ou l’absence de faute
des tiers auxquels il aurait confié l’exécution de l’une quelconque
de ses obligations. Mais l’ayant droit de la marchandise peut faire
échec à ces manœuvres du transporteur s’il prouve que celui-ci
ou ses préposés ont pris une part active à la réalisation de l’évènement exceptionnel dont il se prévaut, ou s’il est impossible de
déterminer la cause du dommage (9).
Devant l’essor sans précédent de la conteneurisation et surtout
face à l’échec de la convention de 1980 sur le transport multimodal, il a beaucoup été question de régler une bonne fois cette
question en donnant une dimension multimodale à ce texte mais
devant le flou persistant, le professeur francesco Berlingieri précisa
que les Règles de Rotterdam n’avaient que des aspects multimodaux. En effet, les questions liées au transport de marchandises
ne se posent plus de la même manière. Anciennement de palan à
palan (RHV) puis de port à port (RH) il devenait urgent de s’adapter
à l’aire du temps puisque l’essentiel du transport de marchandise
se fait aujourd’hui par conteneurs ce qui justifie l’option d’un transport porte à porte. Les RR ne constituent pas une convention multimodale pour autant, ses dispositions n’ont en effet pas vocation
à primer sur les autres conventions internationales susceptibles de
recevoir application (10) dans le cadre de l’expédition qui doit seulement justifier d’un segment maritime au moins.
Qui les détient les marchandises transportées et qui les contrôle ? Entre les mains de qui doit être livrée la marchandise ? Ce
sont ces interrogations qui ont balisé la présentation du professeur
Charles Debattista de l’Université de Southampton selon lequel il
est tout naturel que l’acheteur de la marchandise (destinataire)
puisse en réclamer la livraison au moment et au lieu convenus (11).
Mais ce peut aussi être le vendeur qui n’aura peut-être pas été payé
et voire la banque qui aura peut-être accordé un crédit pour l’achat
de marchandises elle aura donc intérêt à savoir ce qu’il advient
de ladite marchandise. Dans ces derniers cas de figure, la livraison
pourrait se faire au moyen d’un document de transport négociable
qui peut également se présenter sous forme électronique (12), mais
peut également être faite en l’absence de tels documents au quel
cas certaines modalités doivent être observées (13). Le chargeur est
en principe la seule autorité habilitée à donner au transporteur des
instructions concernant la marchandise mais il peut transférer son
droit de contrôle à un tiers lors du contrat de transport, ce sera bien
souvent en faveur du destinataire (14). Si la marchandise est livrée
endommagée, l’ayant droit est alors fondé à saisir les juridictions
pour obtenir réparation.
Les professeurs Michael Sturley de l’Université du Texas et Sergey Lebedev de l’Institut des Relations Internationales de Moscou
se sont respectivement penchés sur les questions inhérentes à la
compétence ainsi qu’à l’arbitrage. Sous Rotterdam, comme sous
Hambourg, les parties au contrat de transport disposent d’un droit
d’action pour les litiges découlant d’un manquement à une obligation prévue par la convention. Il peut s’agir d’un recours juridictionnel et dans ce cas les parties soumettront leur litige devant la
juridiction qu’ils auront choisie dans le cadre d’un accord exclusif
d’élection de for si mention en avait été faite dans le contrat, autrement, elles disposent d’un vaste forum shopping (15). Mais il peut
également s’agir d’un recours non juridictionnel, ce qui préfigurerait
l’existence d’une clause compromissoire valide insérée dans le contrat (16). Toutefois, les dispositions sur la compétence et l’arbitrage
s’étant révélées potentiellement explosives et afin d’éviter d’attenter à la souveraineté des uns et des autres, elles ne lieront que les
Etats contractants qui, conformément à l’article 91 de la convention, déclarerons expressément vouloir s’y soumettre. Autant dire
qu’elles ne sont qu’optionnelles (17) ce qui est à déplorer face à la
nature de questions d’une telle importance.
Au terme de ce colloque, il se dégageait des relents de consensus, l’air ambiant en était littéralement imprégné et le sentiment largement rependus que les véritables problèmes n’avaient
pas été abordés était palpable. On n’avait fait que présenter la face
émergée de l’iceberg, l’essentiel selon toute vraisemblance étant
(7) Article 13-2 RR.
(8) Articles 30 et 34 RR.
(9) L’article 17 qui est le siège de la responsabilité du transporteur sous RR ne
brille ni par sa grande concision ni par sa grande clarté. On peut d’ors-etdéjà imaginer que le métier d’avocat va connaitre des jours glorieux dans
un proche avenir car il faudra du temps avant qu’une jurisprudence solide
soit bâtie afin d’apporter d’indispensables lumières sur ce régime de responsabilité qui s’apparente davantage à un parcours du combattant.
(10) Article 26 RR.
(11) Article 43 RR.
(12) Article 47 RR.
(13) Articles 45 & 46 RR.
(14) Articles 50 & 51 RR.
(15) Article 66 RR.
(16) Article 75 RR.
(17) Articles 74 & 78 RR.
70/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
le déclenchement du processus de signature et de ratification de la
convention. A l’annonce de la dernière signature seule une quinzaine d’Etats (18) s’étaient clairement engagés ce qui n’est pas grandchose en soit. Ce qui l’est davantage c’est de considérer la qualité
des Etats qui se sont engagé car même si l’absence des Royaumes
Unis est symptomatique, on peut noter le grand intérêt de certaines
grosses pointures comme les Etats Unis, l’Espagne et même la France pour les Règles de Rotterdam, ce qui est plutôt de bon augure.
S’il est également un point sur lequel tous les intervenants du colloque semblaient s’accorder, c’est qu’il s’agit d’un texte assez diffus,
dense et auquel une petite cure de précision et de concision n’aurait
pas fait de mal. Mais, compte tenu des travaux préparatoires et des
innombrables difficultés rencontrées, les Règles de Rotterdam sont
le meilleur résultat auquel on pouvait parvenir, renchérissaient-ils
en chœur, le but n’étant pas de faire une convention parfaite que
personne n’aurait ratifié, mais bien un texte utile et réaliste. En tout
cas, le moins que l’on puisse dire c’est que l’engouement suscité
par les Règles de Rotterdam est depuis retombé. Les premières
ratifications suffiront-elles à lui insuffler une énergie nouvelle ? Le
sort en est désormais jeté ! ■
Notre représentant en compagnie de membres de la délégation française,
M. Joret et le Professeur Delebecque.
Depuis son ouverture en juillet 2007, le port Tanger Med a reçu une large
panoplie de navires dont les plus grands porte-conteneurs du monde
avec leurs 400 mètres de longueur.
Tanger Med
PRÉSENTATION
Une situation exceptionnelle
Le port Tanger Med est la pierre angulaire d’une plateforme multimodale
performante grâce à sa situation stratégique sur le détroit de Gibraltar
à la croisée des plus grandes routes maritimes, ses infrastructures de
premier ordre et ses connections routières et autoroutières.
Intégré dans un circuit logistique international, il servira les zones logistiques et industrielles actuelles et futures et stimulera la compétitivité
des entreprises installées au Maroc en offrant un degré de connectivité
intercontinentale inégalée dans la Région.
Des partenaires de premier plan
Le complexe portuaire de Tanger Med a réussi à rassembler autour de
lui les meilleurs prestataires sur le marché du transport maritime. En installant dans le complexe portuaire les plus grands armements mondiaux
(Maersk, MSC, CMA-CGM) ainsi que des leaders portuaires comme Eurogate-Contship et PSA, Tanger-Med s’est inscrit dans les meilleures pratiques techniques, logistiques et managériales de l’économie globale.
Un port de dernière génération
Les équipements et l’infrastructure du port Tanger Med ont été conçus
en vue de recevoir les plus grands navires porte-conteneurs au monde
et de fonctionner aux meilleurs standards de productivité, de sécurité
et de sûreté.
Gestion et développement
Dans le cadre de sa stratégie de filialisation qui s’inscrit dans une logique
d’organisation par métiers, l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée crée
une société dédiée aux activités portuaires appelée « Tanger Med Port
Authority » (TMPA). Cette dernière récupère l’ensemble des actifs portuaires de Tanger Med et se voit déléguer l’ensemble des missions et prérogatives relatives à la gestion et au développement du complexe portuaire
Tanger Med et agit par conséquent en qualité d’Autorité Portuaire.
TMPA assure ainsi :
• la construction et la maintenance de l’infrastructure portuaire : digues,
dragages et ouvrages d’accostage ;
• le développement continu des activités et des capacités du complexe
portuaire ;
• la fonction d’autorité concédante des terminaux portuaires et des activités portant un caractère de service public ;
• l’exploitation en direct de certaines activités portuaires ;
• la fonction de police portuaire et la capitainerie du port ;
• l’organisation et la régulation des relations et des échanges entre les
acteurs de la communauté portuaire ;
• la promotion du port Tanger Med dans son ensemble.
> TMSA
Siège Social : Agence Spéciale Tanger Méditerranée, 23, rue Carnot,
6ème étage, 90 000 Tanger
Bureaux Casablanca
Adresse : Twin Center Tour A Etage 14 Bd Zerktouni Maarif 20100
Tél : + 212 (0) 22 95 55 00 - Fax : + 212 (0) 22 95 89 75/76
Email : [email protected]
Website : www.tmsa.ma
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(18) Il s’agissait notamment du Congo, du Danemark, de l’Espagne, des EtatsUnis d’Amérique, du Gabon, du Ghana, de la Grèce, la Guinée, Madagascar, le Nigéria, la Norvège, les Pays-Bas, hôtes de la cérémonie de
signature, la Pologne, le Sénégal, la Suisse et le Togo, liste à laquelle il
convient d’ajouter la France qui a signé plus tard dans la journée ainsi
que l’Arménie, le Cameroun le Niger et le Mali dont la signature s’est
respectivement faite le 29 septembre 2009 pour les deux premiers, et
les 22 et 26 octobre 2009 pour les deux derniers, à New-York en raison
vraisemblablement de complications procédurales internes. Ce qui fait
un total de vingt-et-une signatures à ce jour, sachant que 20 dépôts
d’instrument sont requis pour l’entrée en vigueur de la convention.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
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Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime
Deuxième session de la Conférence de l’Union Africaine des
Ministres en charge du transport maritime,
12-16 octobre 2009, Durban (Afrique du Sud)
« Créer une industrie du transport maritime
sûre, sécurisée et propre en Afrique »
Compte rendu de
Joseph NGUENE NTEPPE
Docteur en Droit
Juriste au Conseil National
des Chargeurs du Cameroun (CNCC)
Enseignant à l’Université de Douala
(Cameroun)
Rapporteur de la Conférence de Durban.
Reconnaissant l’importance croissante du secteur maritime
pour une nouvelle dynamique de la construction africaine, la Commission de l’Union Africaine s’est engagée dans le renforcement
d’une politique maritime intégrée, prenant en compte une approche globale de l’ouverture des pays africains sur la mer. Est-il besoin
de signaler que la réussite économique de certains continents tel
que l’Europe s’est construite avec l’utilisation des transports maritimes pour commercer avec le reste du monde ? Mais aussi fallait-il
mettre en place une politique maritime capable de protéger et de
soutenir l’activité économique.
Consciente de cet enjeu, la Commission de l’Union Africaine
s’est activée à mettre en place une stratégie maritime globale, afin
de faire de l’industrie africaine du transport maritime un secteur
vital pour les pays africains.
C’est dans ce contexte que la deuxième session de la Conférence
des Ministres de l’Union Africaine en charge des transports maritimes s’est tenue du 12 au 16 octobre 2009 à Durban en Afrique
du Sud, au Centre de Congrès Dr. Albert Luthuli (ICC) sur le thème
« Créer une industrie du transport maritime sûre, sécurisée
et propre en Afrique » et sous le patronage de Son Excellence
Sibusiso NDEBELE, Ministre des Transports de la République d’Afrique du Sud.
Cette conférence a connu un grand succès marqué notamment
par une forte participation de la Communauté maritime et portuaire
africaine, représentée au plus haut niveau par de nombreux Ministres en charge des transports maritimes.
De manière précise, ont pris part aux travaux, les représentants
des Etats membres suivants : Algérie, Angola, Bénin, Burkina Faso,
Burundi, Cap Vert, Cameroun, Congo, République Démocratique du
Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gabon,
Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Libye, Malawi, Mali, Mauritanie,
Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud,
Soudan, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Togo et Zambie.
Les organisations régionales, continentales et internationales
suivantes étaient également représentées : le Secrétariat du NEPAD, l’Organisation Maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
(OMAOC), l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest
et du Centre (AGPAOC), l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Est et Australe (PMAESA), l’Association Panafricaine pour
la Coopération Portuaire (PAPC), le MOU d’Abuja, l’Union des Conseils des Chargeurs Africains (UCCA), l’Organisation Hydrographique
Internationale (OHI), l’Union Européenne, l’Organisation Maritime
Internationale (OMI), la Commission des Nations Unies sur le Droit
Commercial International (CNUDCI), la Communauté pour le développement de l’Afrique Australe (SADC), l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD).
Les intenses travaux menés sous la coordination des experts et
consultants internationaux de haut niveau ont abouti à la définition
d’une politique maritime globale, opportune, et pragmatique, à travers l’adoption d’instruments pertinents de coopération et d’évaluation de la mise en œuvre de la politique préconisée.
I• La consécration d’une politique maritime
intégrale et opportune
L’approche globale de l’ouverture sur la mer induit nécessairement une ambition multisectorielle qui doit intégrer les moyens de
développer et de tirer le meilleur parti d’une économie maritime
en pleine expansion, tout en prenant en compte des impératifs de
sécurité, de sûreté maritimes et de protection de l’environnement
marin.
C’est dans cette optique que la Commission de l’Union africaine
a préparé des instruments juridiques pertinents qui ont été adoptés
par les Ministres en charge des transports maritimes, au cours de la
Conférence de DURBAN. Il s’agit précisément de la Charte africaine
des Transports maritimes et de la Résolution sur la sécurité, la sûreté et la protection de l’environnement marin en Afrique.
A- Une approche globale de la politique maritime dans la
Charte africaine des transports maritimes
Le texte de la charte adopté à Durban est le fruit des travaux
d’actualisation de l’ancienne Charte africaine des transports maritimes adoptée en 1993 mais jamais en vigueur faute de ratifications
étatiques suffisantes. Ce texte innove particulièrement dans le fond
par l’intégration de nouveaux chapitres visant à l’adapter aux mutations politiques, économiques, juridiques et techniques intervenues
dans l’industrie maritime.
Les préoccupations suivantes y ont ainsi été introduites :
- Sécurité et sûreté maritimes ;
- Protection de l’environnement marin ;
- Compétitivité et synergie des acteurs du sous-secteur ;
- Transport des marchandises et des personnes par les voies
navigables intérieures ;
- Développement du transport multimodal
- Création des bases de données ;
- Renforcement des capacités ;
- Financement des activités maritimes
- Mécanismes de suivi de la mise en œuvre de la Charte ;
- Dynamisation des Conseils des chargeurs.
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
A- CONTENU DU PLAN D’ACTION DU TRANSPORT MARITIME
La Charte envisage par ailleurs une coopération basée sur un
ensemble de principes et d’objectifs bien précis, de nature à redynamiser profondément l’industrie maritime africaine.
De manière globale, on peut remarquer que la Charte révisée
intègre d’importantes dispositions qui visent à l’adapter aux nouvelles problématiques que soulève actuellement le trafic maritime,
voire le transport multimodal international.
B- Une politique maritime opportune à travers l’adoption
de la Résolution sur la sécurité, la sûreté et la protection de
l’environnement marin en Afrique
A l’instar de la Charte, les Ministres ont également examiné
et adopté la Résolution sur la sûreté, la sécurité maritimes et la
protection du milieu marin en Afrique.
Cette résolution est opportune parce qu’elle intervient à un
moment où les pays africains se sentent fortement interpellés par
l’état préoccupant de la sûreté et de la sécurité du transport maritime en Afrique, à travers notamment :
- l’augmentation spectaculaire du nombre d’incidents de piraterie et de vol à main armée au large des côtes de la Somalie,
du Golfe d’Aden et du Golfe de Guinée, et par les conséquences fâcheuses que ces actes entraînent pour l’économie maritime africaine ; et
- le déversement des hydrocarbures et des déchets toxiques le
long des côtes africaines.
L’adoption de cette Résolution sur la sûreté constitue donc un
sérieux engagement des Etats membres à respecter leurs obligations en matière de sûreté et de sécurité maritimes ainsi que pour
la protection du milieu marin tels que définies par les conventions
internationales auxquelles ils sont parties.
Pour que les bonnes intentions contenues dans ces instruments
de politique maritime ne restent pas lettres mortes, la Commission
de l’Union Africaine a élaboré un plan d’action en vue d’assurer le
suivi de la mise en œuvre de cette politique.
II• L’affirmation d’une politique maritime
volontariste et pragmatique par l’élaboration
d’un plan d’action du transport maritime
Les orientations de la politique maritime africaine ne sont pas
simplement globales, mais se veulent aussi volontaristes et pragmatiques.
Dans cette optique, un plan d’action du transport maritime a été
adopté et actualisé par la Ministres en charge des transports maritimes, en vue, non seulement de transformer en actions concrète les
engagements politiques pris, mais aussi de pouvoir évaluer l’état
de leur mise en œuvre.
Les modalités de la mise en œuvre de la politique maritime et
portuaire de l’Union Africaine sont définies dans le Plan d’action du
transport maritime adopté à Abuja le 23 février 2007 et actualisé à
Alger le 25 avril 2008, puis à Durban en 2009.
Ce plan est composé de sept grands groupes d’actions, définissant chacun les objectifs poursuivis, les actions à entreprendre
et les modalités de suivi et d’évaluation des activités. Ces groupes
d’actions sont les suivants :
1) Mesures institutionnelles et juridiques ;
2) Renforcement des capacités humaines ;
3) Renforcement de la sécurité et de la sûreté du transport
maritime ;
4) L’amélioration des performances portuaires ;
5) Renforcement de la coopération interafricaine et internationale ;
6) Facilitation et financement des activités portuaires et maritimes ;
7) Perfectionnement des équipements de transport maritime.
La réalisation de chacun de ces groupes d’actions est placée
sous la responsabilité d’une institution chef de file qui doit agir dans
un délai bien déterminé et dont l’action est évaluée à partir des
éléments de vérification précis.
A l’heure actuelle, il n’existe pratiquement pas de mécanisme
de vérification de la mise en œuvre de ce plan d’action. D’où la nécessité de mettre effectivement en place certains outils pertinents
consacrés par la Charte africaine des transports maritimes.
B- PERSPECTIVES DE MISE EN ŒUVRE DU PLAN D’ACTION DU
TRANSPORT MARITIME
La Charte africaine des transports maritimes prévoit au moins
deux mécanismes susceptibles de favoriser une application fructueuse de la politique maritime qu’elle définit et qui est transformée
en actions concrètes par le plan d’action du transport maritime.
Il s’agit précisément de l’Unité continentale pour la coordination
des activités de coopération régionale dans les domaines du transport maritime et des opérations portuaires (article 5 de la Charte),
et du Comité de suivi de la mise en œuvre de la Charte (article 44).
Ce Comité est chargé notamment de :
- Promouvoir la mise en œuvre des principes et des objectifs
énoncés dans la Charte ;
- Contrôler et évaluer l’impact de la mise en œuvre de la Charte ;
- Elaborer, soumettre par les soins de la Commission et à l’intention des Etats parties, un rapport annuel et des recommandations sur l’état de la mise en œuvre de la Charte.
Il convient de signaler que la mise en place de ces organes de
coordination et de suivi devrait constituer une grande priorité pour
la Commission de l’Union Africaine, car en l’absence de tels organes, la volonté politique théoriquement affichée risquerait indéfiniment de ne pas être suivi d’effets. Ces organes de coordination et
de suivi auront vocation à favoriser une dynamique de coopération
plus forte entre les Etats membres de l’Union Africaine dans tous les
domaines visés par la Charte africaine des transports maritimes.
Cette vision est du reste conforme à la note d’espoir de réussir à créer une industrie du transport maritime sûre, sécurisée et propre en Afrique, affirmée par Son Excellence Sibusiso
NDEBELE, Ministre des Transports de la République d’Afrique du
Sud, lors de son discours de clôture de la Conférence de DURBAN
qui aura, à l’évidence, constitué un événement déterminant dans
l’amélioration de la politique maritime africaine. ■
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/73
« La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »
Séminaire International de l’Institut Eurafrique Export
Nantes, 16-27 Novembre 2009
Echos des travaux
Par Aristide Christian EBONGUE
Doctorant au CDMO de Nantes
Du 16 au 27 Novembre 2009, se déroulait à Nantes un Séminaire de formation destiné aux praticiens du secteur des activités
maritimes et des transports d’Europe et des pays ACP ainsi qu’à un
important panel d’étudiants profitant de cette occasion privilégiée
pour approfondir leurs connaissances sur le fonctionnement du commerce maritime international et ainsi avoir une meilleure compréhension des principales problématiques en découlant. Ce séminaire
qui se déclinait en deux parties longues d’une semaine et dont les
travaux se sont déroulés sur les sites de l’IFREMER, de la Faculté de
droit de Nantes et de la Maison des Sciences de l’Homme (MSH),
s’inscrivait dans la dynamique pédagogique initiée depuis quelques
années par l’Institut Eurafrique Export afin notamment de favoriser
le développement de la coopération économique Europe-ACP et la
constitution d’un cadre scientifique approprié d’étude, de formation
et de recherche. La première semaine dite de « Formation collégiale », était destinée à tous les séminaristes tandis que la seconde,
facultative, visait spécifiquement un « encadrement individualisé »
ouvert à ceux des participants qui en faisaient la demande afin
d’approfondir certaines thématiques abordée par les panelistes.
C’est le lundi 16 novembre dans la matinée que se sont ouverts
les travaux par une cérémonie sobre mais riche en couleurs qui
aura permis aux participants d’avoir une première approche des
grands enjeux de ce séminaire et de découvrir de la bouche même
du directeur de l’Institut Eurafrique Export, le Professeur Martin
NDENDE, cet important outil scientifique qu’est la « Revue Africaine
des Affaires maritimes et des Transport », dernière réalisation de
l’Institut. Son ambition est non seulement de rapprocher davantage
l’information des professionnels et praticiens des pays du Sud et
inversement, mais il s’agit encore et surtout d’une d’interface matérielle de vulgarisation du Droit et de la jurisprudence maritimes
africaines.
« La maîtrise des activités maritimes et des transports dans un
monde en mutation », volontiers engagée, le choix de cette thématique comme trame de fond de ce séminaire ne devait rien
au hasard. En effet, les travaux visaient quatre objectifs majeurs
lesquels ont gouverné de bout à bout les interventions des personnalités qui se sont succédées sur les planches des tribunes qui leur
étaient offertes.
la problématique de la protection des intérêts des chargeurs. Ce
furent autant de questions d’une brulante actualité sur lesquelles
se sont largement étendus les panélistes, pour ensuite se retrouver dans une Table-ronde axée sur « La dynamique de communautarisation du Droit des transports en Afrique » que modérait le
professeur M. NDENDE. Toutefois, la maîtrise des règles régissant
le commerce international n’est qu’une étape visant à préparer les
professionnels et autres personnels à faire face à un contentieux qui
tend à se développer dans les grande villes africaines à l’instar des
grande cités européennes.
II • Maîtrise du contentieux des activités
maritimes et des transports
Il existe en Afrique comme partout ailleurs un important contentieux des affaires maritimes et des transports certes moins ostentatoire mais qui n’en existe pas moins. La maîtrise de ce contentieux
continental nécessite au préalable que soient balisés et précisés un
certain nombre de paramètres c’est ce que le Professeur NDENDE
s’attela à établir en jetant un regard introspectif sur les différents
contentieux liés aux affaires maritimes en Afrique (contentieux-cargaisons dans le transport sous connaissement, accidents maritimes
et aériens, contentieux du transport multimodal, etc..). Par la suite,
le Professeur Christophe PAULIN (Université de Toulouse) est venu
préciser l’étendue des responsabilités encourues par le commissionnaire de transport dont le flou qui entoure parfois sa condition d’intermédiaire pose bien des difficultés dans l’appréciation de
sa responsabilité. Parce que contentieux rime également souvent
avec clauses attributives de compétence et clauses compromissoires, les parties au contrat de transport se trouvent bien souvent
liées par de telles clauses dont elles n’ont pas envisagé toutes les
incidences. D’où l’intervention du Professeur Philippe DELEBECQUE
(Paris-I, Panthéon-Sorbonne) qui a saisi cette occasion pour préciser
les contours des clauses d’élection de for et faire toute la lumière
autour de la voie de l’arbitrage maritime sous le prisme français afin
de mettre en relief les incidences de l’une et l’autre solution.
Les Professeurs Henri MODI KOKO (Doyen de la faculté de Droit
de Douala au Cameroun) et J.-P. PANCRACIO (de l’Université de Poitiers) se sont par la suite succédés à la tribune, le second pour
présenter Le Tribunal international du Droit de la mer, juridiction
maritime en développement et bien connue des maritimistes, et
le premier pour présenter la « Cour de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA » basée à Abidjan, une juridiction communautaire africaine moins bien connue des Européens mais qui offre aux Etats
africains de nouvelles et prometteuses perspectives en matière de
contentieux maritime.
I • Maîtrise des nouvelles réglementations III • Maîtrise des enjeux modernes de l’Ecointernationales et communautaires du do- nomie maritime et de la logistique portuaire
maine maritime et des transports
et multimodale
Il s’agissait ici pour les formateurs de revenir sur le produit du
processus normatif actuel du droit maritime international et des
transports afin de mettre en relief sa relative complexité et d’en
faciliter l’appropriation par les séminaristes ; ce fut ainsi l’occasion
pour M. Yann RABUTEAU (Consultant à Brest) de partager son point
de vue sur « La réforme des Conventions pétrolières et les mécanismes indemnitaires depuis les catastrophes de l’Erika et du Prestige » après que le professeur NDENDE a passé au crible la nouvelle
Convention de Rotterdam de 2009 dite Règles de Rotterdam, et
Alors que des plans de relance économique étaient péniblement votés de part et d’autre de la sphère économique mondiale
afin de tenter de juguler les effets néfastes d’une crise financière
et économique devenue mondiale, une fine analyse des principaux
mécanismes boursiers et financiers qui on précipité les économies
dans cette dangereuse posture s’imposait, ce d’autant que de la
crise des sub-primes devenue crise économique, on est passé à
une crise du shipping aux conséquences dramatiques sur le financement et la construction des navires. Ce fut l’objet de la conférence
74/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
du Professeur Yves PERRAUDEAU de l’Université de Nantes qui fut
bientôt rejoint par Mme Françoise ODIER, Professeur Associée à
l’Université Paris-I, dont le propos portait sur la libéralisation des
transports maritimes internationaux avec un accent particulier sur
la problématique de l’avenir des conférences maritimes depuis leur
interdiction au niveau européen.
A sa suite, Monsieur Yann Alix, Directeur de l’IPER, remplaçant
au pied levé le Dr. Romuald LACOSTE empêché, partagea avec les
séminaristes ses réflexions sur la dynamique portuaire et logistique en Afrique sub-saharienne et pour compléter cette intervention témoignant d’une riche expérience du terrain, monsieur Robert
REZENTHEL qu’on ne présente plus et M. Laurent FEDI (EuromedMarseille), sont successivement revenus, le premier sur l’évolution
du régime des concessions portuaires qui s’apparentent de plus en
plus à de véritables conventions de terminal, et le second sur les
régimes d’exploitation des terminaux portuaires en relevant notamment les difficultés que soulève l’absence d’une définition formelle
de la notion même de terminal portuaire qui rend tout aussi flous
les contours du concept d’exploitant de terminal portuaire dont la
reconnaissance par le droit maritime se fait toujours attendre. Une
table ronde sur le régime des ports au Maghreb co-présidée par
Mmes les Professeurs Nora TALBI de l’Université de Rabat-Souissi
au Maroc, et Fatima BOUKHATMI de l’Université d’Oran en Algérie, favorisa de très riches et enrichissants échanges sur différents
aspects de la logistique portuaire en Afrique, les cas du Maroc et
de l’Algérie ayant servi de trame de fond aux débats. Cette table
ronde a permis de revenir, entre autres, sur les grands atouts du
port de Tanger-Med comme plate-forme logistique des échanges
afro-asiatiques.
IV • Maîtrise de la sécurité et la lutte contre
la criminalité dans les transports maritimes
internationaux
L’on n’aurait su parachever un séminaire de formation sur les
activités maritimes et le transport sans aborder des sujets d’une
actualité aussi brulante que les questions de sécurité des personnes et des biens impliquées dans les expéditions maritimes. Ainsi
la piraterie et le terrorisme maritimes furent au centre des débats
de cette dernière journée de séminaire. Selon le Bureau maritime
international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été enregistrés
durant les vingt dernières années, un rapport de la RAND Corpora-
tion estime le nombre d’attaques et de tentatives d’attaques à 209
durant la période 1994-1999 et à 2 463 entre 2000 et fin 2006,
soit une augmentation exponentielle de ces pratiques depuis le
début du XXIe siècle (1). Un état des lieux fut ainsi dressé par un
important panel de conférenciers : d’abord le Colonel des troupes
de Marines Marc FONTRIER, suivi de MM. François GUIZIOU et Denis
OTSA’A NGUEMA tous deux Doctorants en Géographie à l’Université de Nantes (Laboratoire Géolittomer), sous la modération de
M. J.-Pierre BEURIER, Professeur Emérite de l’Université de Nantes. Cette entrée en matière leur a permis d’évoquer les nouvelles
stratégies de lutte contre la piraterie maritime qui ont connu un
retentissement particulier avec l’affaire du Ponant, mais aussi les
solutions nouvellement envisagées, à travers notamment l’adoption du fameux « Code de conduite de Djibouti » entre les Etats de
l’Océan indien, avec le soutien de l’OMI.
A leur suite, les Professeurs Nora TALBI et M. NDENDE animaient
une autre conférence-débat portant cette fois sur la problématique
de la sécurité des transports maritimes en Méditerranée. Celle-ci fut
suivie par la projection d’un film sur le rôle du facteur humain dans
la sécurité maritime réalisé par Mlle A. LE FRANCOIS, Doctorante au
CDMO et par la suite élevée au grade de Docteur en Droit. Tous les
membres de notre Institut s’associent pour saluer ici son remarquable travail et lui adressent leurs plus chaleureuses félicitations.
Pour clôturer les travaux de ce remarquable séminaire, d’autres
conférences-débats davantage portées sur des questions de sécurité maritime furent menées par deux doctorantes en Droit maritime
du CDMO, l’une par Mlle Marie BOURREL, sur la tragique affaire du
déversement des déchets toxiques par le navire « Probo Koala »
à Abidjan en août 2006, et l’autre par Mme Awa SAM-LEFEBVRE,
laquelle abordait la problématique des grandes catastrophes maritimes africaines, bien souvent méconnues outre-Atlantique, et notamment le naufrage du Joola (près de 2000 morts !).
Et, comme il est désormais de tradition pour les séminaires
organisés par l’Institut Eurafrique Export, c’est par une séance solennelle de remise des attestations des mains des autorités académiques et des Professeurs de l’Université de Nantes, mais également
par un dîner de gala hautement festif, que les divers participants
se sont quittés. Et en se promettant d’autres nouvelles retrouvailles
sous l’égide de l’Institut Eurafrique Export… ■
(1) The Maritime Dimension of International Security, RAND Corporation,
2008. Document disponible en ligne. Voir http://www.rand.org/pubs/
monographs/2008/RAND_MG697.pdf
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/75
Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc et la République du Congo
Rabat - Le Maroc et la République du Congo Brazzaville ont procédé, Mardi 23 février 2010 à Rabat, à la signature d’un accord de coopération dans le domaine maritime, avec pour objectifs la constitution d’assises solides
pour le développement de la coopération sur le plan du
transport maritime.
Cet accord qui porte essentiellement sur le développement
d’une coopération à même d’assurer des services maritimes suffisants pour couvrir les intérêts du commerce maritime entre
les deux pays, a été signé par le ministre de l’équipement et
des transports, Karim Ghellab, et le ministre délégué chargé de
la marine marchande de la république du Congo Brazzaville,
Martin Parfait Aimé Coussoud Mavoungou.
D’autres dispositions ont été consenties dans le cadre de
cet accord, à savoir le traitement non discriminatoire des navires dans les ports respectifs des deux pays, le renforcement
de la coordination dans les domaines de la sûreté et la sécurité
maritime, la protection du milieu marin contre la pollution, la
recherche et l’assistance en mer ainsi que sur la formation maritime et portuaire.
L’accord ambitionne, en outre, le développement de la coopération dans le domaine de l’exploitation des ports maritimes,
ainsi que l’institution d’une commission mixte permanente qui
veille sur la bonne application de cet accord.
Ghellab a exprimé, à cette occasion, sa satisfaction pour la
qualité des relations bilatérales entre les deux pays, soulignant
que cet accord qui s’inscrit dans le cadre de la coopération sussud vient couronner un ensemble d’accords précédents conclus
entre les deux pays dans le domaine technique et l’échange
d’expertises dans le domaine du transport maritime et la gestion des ports.
Et d’ajouter que cet accord constituera un signe fort pour les
sociétés des transports maritimes pour ouvrir des lignes directes
entre les ports de Casablanca et Tanger-Med d’une part et le
Port Autonome de Pointe-Noire, d’autre part.
Une mesure qui permettra de développer les échanges
commerciaux entre le Maroc et le Congo Brazzaville qui ont
atteint 550 millions de dirhams en 2008, un chiffre qui reste
en deçà des ambitions des deux pays, a noté le ministre, ajoutant qu’il reflète, cependant, une augmentation notoire dans le
volume des échanges qui a connu une hausse de 100 pc par
rapport à 2007.
Pour sa part, Martin Parfait Aimé, qui conduit une importante délégation comprenant de hauts responsables des administrations portuaire et maritime du Congo, a affirmé dans une
déclaration à la presse « que cet accord a la particularité de
favoriser et de faciliter les rapports commerciaux entre le Congo
et le Maroc, particulièrement pour le port de Tanger, Casablanca
et le Port Autonome de Pointe-Noire ».
Il a estimé également que les relations entre le Royaume et
la République sont « excellentes » sur tous les plans, ajoutant
que la délégation qu’il préside est « venue pour sceller cette
disponibilité de la république du Gongo pour recevoir tous les
produits qui viennent du Maroc ».
L’accord vient couronner une série de discussions bilatérales,
visant l’établissement d’une formulation commune d’un cadre
légal qui répond aux ambitions des deux parties dans le domaine du transport maritime, et qui ouvre de nouvelles horizons
pour développer la coopération entre les deux pays. ■
Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français
Juillet 2010 - Décoration en tant qu’Officier
dans l’Ordre du Mérite maritime français,
par Jean-François Valette,
ambassadeur de France au Congo,
de Monsieur Martin Parfait Aimé COUSSOUD MAVOUNGOU,
Ministre des Transports Maritimes et de la Marine Marchande
de la République du Congo.
76/
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
« Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? »
RAPPORT DE SYNTHESE DU SEMINAIRE INTERNATIONAL
SUR LES REGLES DE ROTTERDAM
(Yaoundé - Cameroun, Hôtel Mont-Fébé, 18-19 mars 2010)
Rapport présenté par
Prof. Martin NDENDE
Expert Juridique International
Professeur à l’Université de Nantes, France
Directeur du Master de Droit maritime et océanique
Directeur de l’Institut Eurafrique Export
***
Introduction
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports,
représentant son Excellence Monsieur le Premier Ministre
chef du Gouvernement,
Monsieur le représentant du Délégué du Gouvernement
auprès de la Communauté Urbaine de Yaoundé,
Mesdames et Messieurs les représentants de la CNUDCI et
des organisations Internationales et régionales,
Monsieur le Directeur Général du CNCC,
Messieurs les Directeurs Généraux et Secrétaires Généraux,
Honorables et chers collègues Professeurs,
Distingués invités,
Chers séminaristes,
Mesdames et Messieurs,
Il m’échoit la lourde, mais agréable responsabilité, de clôturer du point de vue scientifique, les riches travaux de ce Séminaire international de Yaoundé, organisé du 18 au 19 mars 2010
autour de la nouvelle Convention maritime internationale signée
sous l’égide des Nations-Unies le 23 septembre 2009, et désormais
connue sous le nom de « Règles de Rotterdam ».
Qu’il me soit tout d’abord permis, au nom de tous les
séminaristes, experts et conférenciers, de remercier très sincèrement et respectueusement le Gouvernement et les autorités
camerounaises de cette magnifique initiative.
C’est en effet, comme l’a si bien souligné son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports, une occasion exceptionnelle qui a permis d’ouvrir, pour la première fois en Afrique, un
dialogue extrêmement sérieux avec la CNUDCI et les organisations
internationales spécialisées, mais aussi des échanges approfondis
et très opportuns entre les différents responsables et experts africains autour de cette importante Convention internationale.
Nous profitons de cette occasion pour féliciter chaleureusement Monsieur Auguste MBAPPE PENDA, le Directeur
Général du CNCC, pour son investissement personnel et celui
de l’ensemble de son équipe, mais également pour la coopération exemplaire et très fructueuse menée avec la CNUDCI et avec
l’Union des Conseils de Chargeurs africains (UCCA) pour la réussite
de cette grande rencontre maritime internationale en terre camerounaise.
Qu’il me soit enfin permis, à titre personnel, de vous confier l’émotion sincère et la gratitude qui sont les miennes en tant
qu’universitaire, Expert, et ressortissant camerounais de la diaspora,
d’avoir été invité pour venir exposer devant vous, Mesdames et
Messieurs, le Rapport de synthèse de ce Séminaire international
de Yaoundé.
La Convention internationale sur laquelle nous venons de
nous pencher, pendant deux jours, est probablement, et nos
travaux l’ont bien montré, l’un des textes juridiques les plus
révolutionnaires de ce début du XXIe siècle.
Beaucoup d’experts à travers le monde n’ont-ils pas affirmé qu’il
s’agissait du texte juridique le plus audacieux du Droit des transports et que par sa modernité elle mérite d’être considérée comme
« la Convention internationale du IIIe millénaire » ?
Parallèlement, et a contrario, des voix ne se sont-elles pas élevées à travers le monde, y compris à travers l’Afrique, pour inciter
les Etats à la prudence face à cette Convention jugée trop complexe
et trop problématique ?
Il a été souligné que même si l’Afrique n’a pas été très présente
aux premiers rendez-vous de sa rédaction au sein du Groupe III (2
délégués au début), elle s’est amplement rattrapée à Vienne et
à New-York, lors des dernières sessions des Travaux de la CNUDCI (avec plus de 20 délégués), et a tenu au cours des différentes
rencontres à réaffirmer son volontarisme à l’égard de ce texte international.
Comme le rappelait très justement M. le DG du Conseil Gabonais des chargeurs, il faut désormais mettre un terme à l’idée
anachronique qui voudrait que l’Afrique soit toujours absente des
grandes décisions qui gouvernent le monde.
On peut à ce propos observer, comme l’a confirmé avec satisfaction Mme Kate LANNAN, représentant de la CNUDCI,
qu’aujourd’hui ce texte extrêmement décisif pour l’avenir du
monde maritime a été signé par 21 Etats, représentant 25% du
commerce mondial, et parmi lesquels on dénombre 11 Etats africains, soit la moitié des signataires :
>> 7 d’Afrique de l’Ouest : Ghana, Mali, Niger, Sénégal, GuinéeConakry, Nigéria,Togo
>> 3 d’Afrique centrale : Cameroun, Congo et Gabon
>> 1 de l’Océan indien : Madagascar
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
1- Arménie
2- Cameroun
3- Congo
4- Danemark
5- Espagne
6- Etats-Unis d’Amérique
7- France
8- Gabon
9- Ghana
10- Grèce
11- Guinée
12- Madagascar
13- Mali
14- Niger
15- Nigéria
16- Norvège
17- Pays-Bas
18- Pologne
19- Sénégal
20- Suisse
21- Togo
29 septembre 2009
29 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
25 septembre 2009
26 octobre 2009
22 octobre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
23 septembre 2009
Monsieur le DG du CNCC a d’ailleurs souligné dans son Allocution d’ouverture combien le Cameroun est clairement favorable
à ce texte adopté à l’Assemblée générale des Nations-Unies en
présence de son Chef d’Etat, le Président Paul BIYA.
Mais la profondeur de nos travaux et la richesse de nos échanges montrent bien que le volontarisme des Etats africains n’est pas
synonyme d’aveuglement et que de nombreuses préoccupations
existent et doivent s’exprimer sans démagogie.
De ce point de vue, l’intitulé retenu par les organisateurs de ce
Séminaire est parfaitement symptomatique des interrogations générées par ce texte à travers le continent, et illustre bien les espoirs
et les attentes des Etats africains dont on sait qu’ils sont, pour l’instant, majoritairement liés par les Règles de Hambourg de 1978.
La question qui nous est posée est franche et directe : « Les
Règles de Rotterdam : Quel apport pour l’Afrique ? »
Le Ministre d’Etat chargé des Transports pendant son allocution.
Juillet 2010 • N°2
/77
Le DG du CNCC, qui a d’emblée reconnu que cette Convention
n’est pas une panacée, a exprimé dans son allocution le souhaitait
que nos travaux puissent conduire à dire clairement aux Etats en
quoi cette Convention serait meilleure que celle de Hambourg de
1978.
Et cette double problématique exigeait de nous des réponses
toutes aussi franches et sans équivoque.
Et c’est bien ce qu’a voulu également rappeler très solennellement son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé
des transports, en attirant l’attention des experts sur la nécessité
de tirer toute la quintessence de la nouvelle Convention de manière
à éclairer les Etats sur l’opportunité de la ratifier ou d’y adhérer plus
tard, et en ayant particulièrement conscience que les Etats africains
n’ont plus aujourd’hui de compagnies d’armement maritimes et
sont devenus des Etats essentiellement de chargeurs.
Je crois, Mesdames et Messieurs, que nous pouvons légitimement affirmer que grâce à la CNUDCI et à tous les experts ici
présents, nos travaux nous ont permis de mieux comprendre la
grande richesse des Règles de Rotterdam et des enjeux d’avenir
que cette nouvelle Convention représente pour le continent africain
et pour l’ensemble de la communauté internationale.
1. Participation
Placé sous le haut patronage de Son Excellence Monsieur le
Premier Ministre Chef du Gouvernement, le Séminaire international
de Yaoundé a connu une participation massive d’experts et séminaristes venus de différents pays et de différents secteurs d’activités.
Les cérémonies d’ouverture et de clôture se sont déroulées sous
la présidence effective du Ministre d’Etat, Ministre des Transports
du Cameroun, représentant le Premier Ministre Chef du Gouvernement.
Les experts invités étaient originaires aussi bien des pays développés que des pays en développement et représentaient la
quasi-totalité des continents du monde, en l’occurrence, l’Afrique,
l’Europe, l’Asie et l’Amérique.
78/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Ont précisément pris part aux travaux, des séminaristes représentant des entreprises et des organisations professionnelles
du secteur portuaire, maritime et para-maritime, la Douane, les
Ministères des transports et des Relations extérieures, les Conseils des chargeurs, les compagnies d’assurance, les universités, les
Chambres de commerce, les cabinets d’avocats et les juridictions
étatiques. Les pays africains suivants étaient représentés : le Bénin,
le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Gabon, le Ghana, la
Guinée, le Mali, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine, le
Sénégal et le Togo.
Les organisations internationales suivantes étaient également
représentées : la Commission des Nations Unies Pour le Droit Commercial International (CNUDCI), le Comité Maritime International
(CMI), l’Union des Conseils des Chargeurs Africains (UCCA) et la
Commission Internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sanga (CICOS).
2. Déroulement des travaux
Grâce à une judicieuse méthodologie dite de l’escalier,
nos travaux se sont déroulés autour de 5 sessions parfaitement
complémentaires et permettant une découverte progressive et par
étapes de cette Convention.
SESSION I
La 1ère session présidée par M. Auguste MBAPPE PENDA, DG
du CNCC, consistait en une « Introduction aux Règles de Hambourg », de manière à permettre aux participants de remonter à la
genèse et aux sources de cette nouvelle Convention.
Partant du constat de l’absence d’un système juridique international véritablement satisfaisant, Mme Kate LANNAN a souligné
que l’avènement des Règles de Rotterdam s’explique par la volonté
d’une véritable harmonisation du Droit des transports maritimes
internationaux prenant en compte les grandes mutations de l’industrie maritime, et notamment la conteneurisation, le transport
multimodal, et le développement du commerce électronique, et en
mettant un terme à l’insécurité juridique qui prévaut actuellement
à cause de la superposition nuisible de plusieurs conventions internationales concurrentes.
A ses yeux, la participation directe de nombreuses organisations professionnelles (BIMCO, FIATA, CCI, IUMI, etc) à sa rédaction,
et aux côtés des Etats, confère à cette Convention à la fois un pragmatisme et un universalisme très appréciables et il n’est pas dès
lors étonnant, à ses yeux, qu’elle ait été signée à la fois par de
grandes nations maritimes et par des PVD, ce qui lui donne au passage un avantage majeur sur les Règles de Hambourg.
Cette première session a également permis à notre collègue,
M. le Prof. FUJITA, de souligner toute la richesse des Règles de
Rotterdam qui ont volontairement réglé en détail, grâce à ses 96
articles, nombre de questions juridiques actuellement oubliées ou
réglées de manière trop superficielle par les Règles de la HayeVisby ou par les Règles de Hambourg, à l’image par exemple des
règles sur les documents de transport, sur les contrats de volume,
sur le commerce maritime électronique, ou même sur le transport
multimodal trans-maritime.
L’orateur a ainsi tenté d’apporter une réponse à tous ceux qui
critiquent régulièrement la longueur excessive et la complexité des
Règles de Rotterdam.
A son avis, la CNUDCI a volontairement fait le choix de la clarté
et de la précision dans sa politique normative, de manière à renfor-
cer la sécurité juridique et de répondre plus efficacement aux besoins précis des opérateurs du commerce maritime international.
Mr. KOFFI MBIA, DG du Ghana Shippers’ Council, a profité
de son allocution pour démontrer que la vertu majeure des Règles de Rotterdam c’est de sortir de la conception fataliste et traditionnelle selon la quelle les Règles de la Haye-Visby protègent
essentiellement les armateurs, tandis que les Règles de Hambourg
protègeraient davantage les intérêts des chargeurs.
A ses yeux, l’intérêt des Règles de Rotterdam c’est en effet
d’effectuer plutôt une synthèse très appréciable, un savant mélange entre les deux anciennes conventions internationales, ce qui
contribue à créer les conditions d’un véritable équilibre d’intérêts et
des droits entre transporteurs et chargeurs, pratiquement comme
dans un match de ping-pong.
De son point de vue, l’abondance de dispositions sur les obligations des chargeurs (Chapitre 7, art. 27 et suiv.) constituent, non
pas un alourdissement de leurs responsabilités par rapport à ceux
des transporteurs, mais plutôt une clarification très opportune de
leur situation juridique.
Il a par conséquent conclu son propos en plaidant pour un arrimage de l’Afrique aux Règles de Rotterdam qui constituent, à son
avis, « le meilleur tunnel à prendre » pour aller à la rencontre de
nos partenaires économiques étrangers.
Mais l’on notera que l’optimisme du conférencier n’a pas suffit
à dissiper les inquiétudes de certains intervenants (représentant du
Ministère camerounais des transports, délégation ivoirienne, etc)
qui ont attiré son attention sur la nécessité, pour les Etats africains,
d’observer au préalable l’attitude des grandes nations maritimes et
des nouvelles puissances économiques telles que la Chine, avant
de s’engager dans cette nouvelle Convention.
Cette attitude prudente, réfléchie et rigoureuse a été parfaitement comprise par la représentante de la CNUDCI qui a indiqué que
les Etats arabes (Déclaration d’Alexandrie) et les grandes nations
comme l’Allemagne ont également choisi de prendre tout le temps
nécessaire pour la réflexion et la concertation, ce qui confirme au
passage l’immense intérêt du présent Séminaire organisé par le
Cameroun.
SESSION II
La 2ème session présidée par M. Sérigne THIAM DIOP, Secrétaire Général de l’UCCA, mettait en évidence « les obligations et
responsabilités des parties contractantes ».
Pour le Président de séance, les chapitres 4 à 7 régissant ces
questions méritent un intérêt majeur, car ils constituent « l’épine
dorsale de la Convention ».
Le Professeur Khalil DIALLO qui exposait sur les obligations du transporteur (Chapitre 4, art. 11 et suiv.) a tout d’abord
procédé à une comparaison entre les régimes des différentes conventions internationales en présence.
Revenant sur la problématique de la longueur et du souci de
détail qui caractérisent la Convention de Rotterdam il a soutenu,
rejoignant en cela M. KOFFI MBIA (du Ghana), que ce style anglosaxon loin d’être un handicap constitue plutôt un véritable atout sur
le plan de la rigueur normative.
Ce souci de rigueur normative lui a paru salutaire à propos des
différentes obligations du transporteur, par exemple en matière de
navigabilité (nautique et commerciale).
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/79
Saisissant habilement cette occasion pour mettre en exergue la
mémorable tragédie du navire sénégalais Joola qui a fait près de
2000 morts en 2002 au large des eaux gambiennes, notre collègue
a indiqué ici le rôle positif susceptible de jouer les Règles de Rotterdam dans le sens d’un renforcement de la sécurité dans le transport
maritime des marchandises en Afrique et dans le monde.
sécurité maritime et de protection de l’environnement, expliquait
parfaitement les rigueurs de la nouvelle Convention, notamment
en cas de dommages graves ou de mauvaise foi, et le conférencier
reconnaît très sincèrement que les chargeurs ne sont pas sortis de
l’auberge et auraient mérité les mêmes protections que tous les
autres opérateurs de la chaîne de transport.
En conclusion il a salué la richesse de la nouvelle Convention
sur le traitement des obligations du transporteur, et y a relevé de
véritables avancées par rapport à la Convention de Hambourg.
Plusieurs intervenants (le cas d’un assureur) ont fortement déploré cette situation désavantageuse qui sera fortement pénalisante
pour les chargeurs africains et ceux des PVD en général, et le Prof.
DIALLO en a profité pour suggérer une coopération renforcée entre
assureurs et Conseils de chargeurs africains, pour une meilleure
maîtrise de ce nouvel instrument juridique.
Le Professeur Anders MÖLLMANN du Danemark a mis l’accent sur l’article 17 de la Convention, texte fondamental et central sur la responsabilité du transporteur maritime.
Considérant que ce texte est plus clair que celui des Règles
de Hambourg, il a souligné que la présomption de responsabilité
prévue par lui n’était pas irréfragable puisque le dispositif prévoit la
preuve contraire à travers l’absence de faute puis à travers de multiples causes d’exonération reconnues au transporteur, mais également avec la possibilité pour le chargeur de ré-engager à nouveau
cette responsabilité par la preuve d’une faute du transporteur, et
ainsi de suite, comme dans une véritable partie de « ping-pong
juridique ».
Mais un de mes voisins qui l’écoutait très attentivement a soupiré en se demandant « mais pendant combien de temps peut
durer ce match, et est-ce que les chargeurs africains auront assez
de moyens financiers pour payer les expertises permettant de balancer à leurs adversaires le smash victorieux ? ». Je pense que son
soliloque médite réflexion…
Le Prof. MÖLLMANN se prononçant sur les dangers possibles
liés à la liberté contractuelle, a amplement relativisé ces dangers
en soutenant que la Convention de Rotterdam avait prévu plusieurs
garde-fous permettant très efficacement de combattre les risques
d’abus, par exemple la possibilité ouverte au chargeur d’exercer
librement son choix entre le contrat classique soumis aux Règles
de Rotterdam ou un contrat de volume prévoyant la liberté contractuelle.
Il en a conclu que les Règles de Rotterdam étaient, de son
point de vue, assez appréciables par leur clarté et leur souplesse,
et qu’elles constituaient une véritable chance d’uniformisation internationale du Droit maritime, surtout face aux menaces de replis
régionalistes qui se manifestent de plus en plus à travers le monde,
y compris en Europe.
Maître Gaston NGAMKAN avait la délicate mission d’exposer les différentes obligations des chargeurs découlant du
Chapitre 7 (article 27 et suiv).
Ayant observé au préalable que les Règles de Hambourg ont
adopté en ce domaine quelques dispositions utiles mais très insatisfaisantes, l’orateur a indiqué que les Règles de Rotterdam apportaient un renouveau très intéressant de la matière.
C’est le cas, par exemple, à travers l’apparition d’un personnage nouveau appelé « chargeur documentaire » qui est
en réalité bien souvent le vendeur FOB, mais également à travers
par exemple une obligation de coopération et de fourniture d’informations et d’instructions (art. 28 et 29).
Mais c’est aussi le cas à travers l’existence d’une obligation spéciale de déclaration et d’information concernant les
marchandises dangereuses (art. 32), toutes déclarations mensongères étant dans tous les cas sévèrement sanctionnées, d’autant
plus que le chargeur ne pourra bénéficier d’aucune limitation légale
de réparation en cas de dommages causés par ses marchandises.
Il a démontré que ce régime particulier, dicté par des besoins de
SESSION III
La 3ème session placée sous la présidence de Mme Kate LANNAN, Juriste à la CNUDCI, s’est préoccupée de répondre à la question de savoir « Que régissent les Règles de Rotterdam ? ».
Le Professeur FUJITA qui s’est penché sur la question du
champ d’application a montré que la Convention pouvait, en plus
des parties contractantes, couvrir les tiers aux contrats (par exemple la responsabilité de la « partie dite « exécutante », art. 1er §6 et
19, ou la responsabilité du transporteur pour fait d’autrui, art. 18),
mais encore en vertu des articles 12 et 82, à la fois les transports de
« port à port », et les transports « door to door », y compris dans
le cadre d’un transport multimodal trans-maritime, ce qui constitue
un attrait majeur de cette nouvelle Convention.
Par la suite, il est ressorti de la communication du Professeur Manuel ALBA que cette problématique particulière du transport multimodal trans-maritime trouve des réponses satisfaisantes
non seulement dans l’article 82, mais encore dans l’article 26 qui
tranche notamment la question délicate des conflits entre les Règles de Rotterdam et les différentes Conventions unimodales
susceptibles de s’appliquer avant ou après le transport par mer.
C’est le cas par exemple de la Convention CMR sur le transport
routier, mais nous sommes nombreux à avoir également pensé ici
à l’Acte uniforme OHADA sur le contrat de transport par route, ce
qui ne manquera pas d’intéresser bon nombre d’Etats africains, et
même certaines villes comme Yaoundé qui constitue au Cameroun,
comme le rappelait le représentant du Délégué du Gouvernement,
la ville de transit du transport multimodal à destination de l’Hinterland et des Pays enclavés voisins que sont la RCA et le Tchad.
Le Professeur NDENDE et le Professeur ALBA.
80/
Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Le Professeur ALBA a conclu en démontrant combien ces règles de conflit de sont respectueuses des autres Conventions internationales et traduisent la souplesse et le caractère pratique des
Règles de Rotterdam, même si toutes les zones d’ombre sont loin
d’être aplanies.
Les débats très fournis qui ont clôturé cette 3ème session se sont
poursuivis le lendemain matin.
SESSION IV
La 4ème session, placée sous la supervision de notre collègue le
Professeur Tomotaka FUJITA, s’est intéressée à examiner en profondeur certains « Aspects des transports régis par les Règles
de Rotterdam ».
Le Prof. Manuel ALBA a d’abord tenu à expliquer que la modernisation et l’uniformisation de la documentation applicable aux
transports et voulues par les Règles de Rotterdam (notamment
dans ses chapitres 3 et 8) constituent désormais une exigence majeure de la mondialisation et une condition sine qua none de la
facilitation du commerce maritime.
A ses yeux, la flexibilité de cette Convention sur la transmissibilité et la négociabilité des documents, y compris pour les documents électroniques et les documents de transport multimodal, font
notamment de cette nouvelle Convention un instrument juridique
parfaitement adapté aux besoins des échanges internationaux.
Prenant ensuite la parole, le Prof. Khalil DIALLO qui abordait la question de la livraison (chapitre 9, art. 43 à 49) a expliqué
que les Règles de Rotterdam sont venues combler de nombreuses lacunes juridiques, par exemple en ce qui concerne le sort des
marchandises en souffrance (art.48), ou l’exercice d’un droit de rétention par le transporteur (art.49), même si l’on peut déplorer, à
ses yeux, un manque de précision sur la définition précise de la
livraison ou sur la transmission de l’avis d’arrivée.
Il en a profité pour attirer l’attention de l’assemblée sur les difficultés rencontrées en Afrique concernant le paiement du fret à
destination, l’identification du destinataire, l’utilisation de faux documents, ou concernant, les lourdeurs administratives et douanières qui gênent souvent l’obtention d’un accusé de réception, et le
conférencier a expliqué que les Règles de Rotterdam apportaient
quelques réponses à ces différentes problématiques, tout comme
d’ailleurs l’art.12 de l’Acte uniforme OHADA sur les sûretés.
Enfin, le Prof. Anders MÖLLMANN qui avait volontairement
choisi de limiter son exposé aux aspects principaux du droit de
contrôle et des transferts des droits, a démontré que le problème
central c’est que les différentes parties à une opération du commerce international cherchent avant tout à préserver leurs intérêts,
surtout en cas d’ouverture d’un crédit documentaire.
A son avis, la réglementation du « droit de contrôle » par la
nouvelle Convention (art. 50 et suiv.) et la clarification des mécanismes de transfert de droits (art. 57 et suiv.) permettront nécessairement une meilleure protection des intérêts des ayant-droit aux
marchandises, et c’est une excellente chose pour tous les chargeurs
du monde, et ceux d’Afrique en particulier.
Des débats très fructueux ont clôturé cette session, notamment sur la modalités de la vente par le transporteur des marchandises en souffrance, sur les difficultés d’enlèvement ou de livraison dans les ports africains, ou encore sur la complexité des
règles relatives à l’exercice du droit de contrôle, le représentant
du Bénin, M. DJIBRIL qui a participé aux travaux du Groupe III, y
voyant même à ce niveau certaines contradictions rédactionnelles
dans la Convention.
SESSION V
La 5ème et dernière session de notre Séminaire international,
placée sous l’autorité de M. KOFI MBIAH, DG du Ghana Shippers’
Council, a été très largement processuelle et s’est focalisée sur le
« Régime du contentieux » découlant de la nouvelle Convention.
Cette Session a été complétée par un Atelier sur les connais-
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
sements camerounais et des études de cas, ainsi que par un
exposé complet sur l’abondante activité normative de la CNUDCI,
par M. Arsène SINGA YONGA.
Maître NGAMKAN déplorant l’autisme des Règles de la HayeVisby et soulignant les améliorations apportées par les Règles de
Hambourg grâce à son système de forum shopping (art. 21 et 22),
a affirmé que la démarche des Règles de Rotterdam c’est, tout en
s’inspirant du système du forum shopping, d’avoir très curieusement prévu dans ses Chapitres 14 et 15 (art. 66 à 78), un système
assez complexe et finalement préoccupant, par exemple à propos
des « accords d’élection de for » prévus par l’art. 67.
Il a déploré à la fois l’excès de liberté contractuelle, la mauvaise
lisibilité de ces textes et le risque de voir la Convention immoler les
petits chargeurs.
Il a néanmoins salué les intéressantes dispositions prévues par
la Convention en faveur de l’arbitrage (art.75 à 78), et en matière
d’exécution des décisions judiciaires rendues à l’étranger, grâce notamment à l’art.73, ce qui est, à ses yeux, propres à rassurer les
plaideurs.
Il a conclu son propos en indiquant que le nouveau Code CEMAC
constituait à ses yeux un meilleur modèle, puisqu’il s’est efforcé de
mieux concilier les systèmes de Hambourg et de Rotterdam.
Madame Kate LANNAN de la CNUDCI a pour sa part souligné
l’intérêt, l’originalité et les montants satisfaisants des nouveaux
plafonds de limitation de réparation prévus par les Règles de Rotterdam (Chapitre 12, art. 59 à 61).
Elle a souligné combien ces avancées étaient intéressantes
pour les chargeurs, même si certains déplorent que les chargeurs
ne puissent inversement bénéficier du même droit à la limitation.
Observant au passage qu’aucune Convention internationale ne
prévoit une telle limitation en faveur des chargeurs, elle a indiqué
que le Groupe III n’a pas réussi à faire évoluer cette problématique, mais qu’à l’inverse la nouvelle Convention a pu apporter des
solutions satisfaisantes en matière procédurale, à commencer par
un accord complet sur un délai de 2 ans pour l’exercice des actions
en justice.
Conclusion
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports,
représentant son Excellence Monsieur le Premier Ministre
chef du Gouvernement,
Monsieur le représentant du Délégué du Gouvernement
auprès de la Communauté Urbaine de Yaoundé,
Mesdames et Messieurs les représentants de la CNUDCI et
des organisations Internationales et régionales,
Monsieur le Directeur Général du CNCC,
Messieurs les Directeurs Généraux et Secrétaires Généraux,
Honorables et chers collègues Professeurs,
Distingués invités,
Chers séminaristes,
Mesdames et Messieurs,
Pour conclure ce rapport de synthèse, il me plait de souligner
que de mon point de vue, les travaux de notre séminaire ont
permis de mettre en évidence trois enseignements majeurs qui
caractérisent parfaitement cette Convention.
1• C’est d’abord une Convention voulue comme un instrument de compromis entre le système de la Haye-Visby et celui
de Hambourg, et ce Séminaire nous a permis de mesurer toutes ses
Juillet 2010 • N°2
/81
ambitions en faveur d’une unification définitive et très souhaitable
du Droit des transports maritimes internationaux.
2• C’est ensuite une Convention extrêmement riche et
novatrice et les nombreuses communications que nous avons
écoutées pendant deux jours ont, je le crois, amplement convaincu
les plus sceptiques d’entre nous.
3• Mais c’est aussi, et enfin, comme toute œuvre humaine, une Convention nécessairement imparfaite et forcément
problématique, et les riches débats que nous avons suivi ont parfaitement mis en évidence un certain nombre de ses failles ou
dangers.
Au moment de nous séparer, une mélodie bien connue d’un
célèbre chanteur français parcourt certainement l’esprit de tous les
responsables nationaux ici présents : « Et maintenant, que vaisje faire ? »…
« Et maintenant, que vais-je faire ? »…
Au risque de décevoir certaines attentes exprimées au début de
ce Séminaire, il ne nous revient pas ici de pointer aux Etats africains
la voie à suivre.
A vrai dire, cette voie se dessine déjà d’elle-même, par exemple avec les 11 signatures des Etats africains à Rotterdam, et il me
plait de reprendre ici la formule de M. le DG du CNCC qui affirmait,
dans son allocution, que les Règles de Rotterdam annoncent de
profondes mutations et l’avènement d’un nouvel ordre maritime international en marge duquel le Cameroun et l’Afrique
ne sauraient se placer.
Mais l’Afrique, qui a connu le naufrage de toutes ses compagnies maritimes par un libéralisme maritime trop féroce et étant
désormais, à quelques exceptions près, un continent majoritairement composée de chargeurs, doit savoir qu’elle n’aura plus le droit
à l’erreur, puisque son industrie maritime se trouve déjà au bord
du précipice.
L’Afrique doit donc impérativement, comme tous les autres
continents, s’accorder le temps de la réflexion et de la concertation,
car la précipitation excessive est toujours mauvaise conseillère.
Alors tout en travaillant résolument pour Rotterdam, disons-le
clairement et courageusement :
Festina lente, Festina lente… Hâtons-nous lentement,
hâtons-nous lentement.
Mais avançons ensemble…
Et qu’il me soit permis, en votre nom à tous, de remercier à
nouveau tous les participants et de rassurer Madame la représentante de la CNUDCI, en lui disant que si le Gouvernement camerounais a tenu à organiser ce Séminaire africain à Yaoundé, la ville
aux 7 collines, et en particulier ici à Mont-Fébé, c’est aussi parce
depuis les hauteurs de cette colline la visibilité devient totale à des
dizaines de kilomètres, et enfin parce que nous sommes sur l’une
des collines les plus fertiles où l’on plantait autrefois les premiers
cacaoyers qui ont vu naître la ville de Yaoundé.
Alors soyez convaincue, Madame, que la graine que nous avons
plantée ensemble ici à Yaoundé, au cours de ce Séminaire, n’est
pas tombée dans un désert, mais sur l’un des sols les plus fertiles
d’Afrique…
Je vous remercie de votre aimable attention. ■
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo
Mise en place au Congo d’un « Centre Opérationnel
de la Marine » pour la sécurité et la sûreté du Golfe de
Guinée : Cadre juridique et procédures opérationnelles
M. Thérard Doriant I.
MIENAHOU, Officier de marine
(Enseigne de vaisseau de 1ère
classe), en service à la Division
Doctrine d’Emploi de l’Etatmajor de la Marine nationale
du Congo, bénéficie actuellement d’un séjour de formation
à l’Université du Nantes, au
Centre de Droit Maritime et
Océanique (CDMO). Il est l’un
des boursiers 2010-2011 du Programme japonais de bourses
d’études des Nations Unies et de la Nippon Foundation sur les
affaires maritimes et droit de la mer. Son sujet de recherche a
été placé, sur demande des Nations-Unies sous la direction du
Prof. Martin NDENDE, Directeur du Master de « Droit et Sécurité
des Activités Maritimes et Océaniques » et de l’Institut Eurafrique Export à l’Université de Nantes.
Le Golfe de Guinée, de par sa position géostratégique majeure (croisée des grands axes maritimes) et sa richesse incontestée en ressources pétrolifères et halieutiques est en proie à
une série menaces (piraterie maritime, risques d’accidents et de
pollutions, enfouissement de déchets, exploitation frauduleuse
des ressources halieutiques et océaniques, etc) à un rythme
tel qu’il a été très rapidement classé comme zone maritime
dangereuse par la communauté maritime Internationale . Cette
situation a activement interpellé les différents pays riverains de
cette région sensible.
Devant cette situation préoccupante et compliquée par une
tendance récente à la « somalisation » de ce Golfe à très forte
potentialité pétrolière, certains Etats riverains ont procédé à la
réanimation de la CEEAC (Communauté Economique des Etats
d’Afrique Centrale) pour la hisser au rang de plateforme communautaire de sécurisation du Golfe de Guinée. Pour ce faire, il
a été mis en place une équipe d’experts pour une Etude visant
à mettre en place une « Stratégie commune de sécurisation des
intérêts vitaux en mer des Etats ».
Aux fins de l’exécution des missions de ladite « Stratégie »
fondée sur la coordination des unités navigantes des différentes
marines militaires de ses Etats membres, le groupe d’experts a
proposé la création de trois organes civilo-militaires dont le plus
important pour cette recherche est le « Centre Opérationnel de
la Marine » (COM). Le COM est l’organe de mise en œuvre tactique de la « Stratégie » nationale et communautaire. Il est situé
dans chaque Etat membre. La recherche confiée à M. MIENAHOU
se focalise principalement autour du COM de la République du
Congo, organe conduisant l’action tactique des unités coercitives
sur le théâtre d’opérations et du cadre juridique d’évolution des
forces engagées dans la stratégie.
L’objectif assigné à sa recherche qui s’inscrit dans le cadre
de la sécurité et de la sûreté maritimes du Golfe de Guinée est
par conséquent :
- d’abord, d’élaborer une ébauche de chaîne fonctionnelle opérationnelle d’un COM à l’instar de ceux des préfectures maritimes françaises qui en sont dotées ainsi que les profils de
personnels qui s’y rattachent ;
- ensuite, d’esquisser des procédures de déploiement d’une
équipe de visite à l’égard d’un navire à contrôler, puis éventuellement à arraisonner ;
- et enfin, la mise en place d’une sorte de bréviaire juridique
(Guide de droit maritime) encadrant l’action des unités tactiques appelées à intervenir dans le cadre de la « Stratégie »,
afin d’éviter des maladresses juridiques dans leur interaction
(contrôle, arraisonnement) avec les navires à contrôler.
Mots clés : Golfe de guinée - Sécurité et sûreté maritimes
- Centre opérationnel de Marine - Visites et arraisonnements
- Procédures et Guide juridiques - Marines militaires - CEEAC et
Congo - Action de l’Etat en mer - Harmonisation juridique.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Juillet 2010 • N°2
/83
Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports
Par Martin NDENDE
Professeur à l’Université de Nantes
Directeur du Master de Droit Maritime et Océanique
Directeur de l’Institut Eurafrique Export
***
I • LÉGISLATION
1• Union Africaine - Charte africaine des transports maritimes
- Adoption
Le plus grand évènement juridique à l’échelle continentale, au cours
des derniers mois, aura incontestablement été dans le domaine des
transports, l’adoption le 16 octobre 2009 à Durban en Afrique du
sud, de la nouvelle Charte africaine des transports maritimes (AU/
MT/MIN/1 (II), Union Africaine, 2ème Conférence des Ministres de
l’Union Africaine en charge des transports maritimes, Durban, 1216 oct. 2009). Pour plus de détails sur cet important évènement et
sur les principales dispositions de cet instrument normatif à vocation
continentale (le seul du genre au monde), qu’il nous soit permis de
renvoyer nos lecteurs à l’exposé circonstancié développé par le Dr.
Joseph NGUENE NTEPPE dans la présente Revue (v° supra, Nouvelles
et Informations, pp. 71-72). Qu’il nous suffise donc de limiter notre
propos ici à des considérations générales, qu’elles soient rétrospectives ou prospectives.
Rappelons tout d’abord, à titre rétrospectif, qu’une telle Charte n’est
pas, à proprement parler une nouveauté dans le paysage maritime
africain ou dans les Annales de l’Union Africaine (ex-OUA, Organisation de l’Unité Africaine). En effet, la toute première Charte édictée
sur le continent, dans le domaine maritime, fut la « Charte d’Abidjan »
pour une politique communautaire des transports maritimes, élaborée
le 6 mai 1975 par 17 Chefs d’Etats d’Afrique de l’ouest et du centre,
et qui sera institutionnalisée à Accra, le 25 Février 1977 par la signature de vingt Etats (v° Martin NDENDE : « La construction du Droit des
transports maritimes en Afrique », in Mélanges offerts au Professeur
Pierre BONASSIES, Editions Moreux, Paris 2001, pp.239 et suiv.; Nouvelle mouture enrichie publiée à la Revue Congolaise des Transports et
des Affaires Maritimes n°1, 2004). Cette Charte régionale permettra la
création de la toute première organisation communautaire des transports maritimes en Afrique, sous le nom de Conférence Ministérielle
des Etats d’Afrique de l’Ouest et du Centre sur les Transports Maritimes, CMEAOC/TM. Cette institution ayant son siège à Abidjan et qui a
été rebaptisée OMAOC (Organisation Maritime de l’Afrique de l’Ouest
et du Centre) comprend aujourd’hui 25 Etats d’Afrique de l’Ouest et du
Centre, Etats enclavés compris. On peut ainsi dire que cette première
Charte fut, non pas un instrument juridique à vocation normative classique (elle ne régissait aucune matière particulière), mais davantage
le creuset organique et philosophique d’une politique maritime communautaire en gestation dans une région précise (l’Afrique de l’ouest
et du centre).
Quant à la deuxième Charte connue, elle fut élaborée à Addis-Abeba
le 11 juin 1994 par l’OUA et se trouve ainsi aujourd’hui remplacée par
celle qui nous intéresse ici. Elle constituait déjà un instrument juridique
de portée normative visant, entre autres, la définition d’une politique maritime commune et l’harmonisation des législations maritimes
des différents Etats membres de l’OUA dans des matières les plus
diverses (Réglementation du trafic, transport multimodal, cabotage,
activité des auxiliaires de transport, financement et développement
des flottes marchandes, etc.). Mais les immenses bouleversements
du contexte maritime mondial avaient compromis les chances d’application de cette Charte de 1994 et rendu rapidement son contenu
anachronique ou problématique (par exemple à propos du sort du
Code de conduite des conférences maritimes de la CNUCED de 1974).
D’où donc l’initiative de l’Union Africaine conduisant à l’adoption d’une
nouvelle Charte au cours de la Conférence internationale de Durban
de 2009.
Cette nouvelle Charte se veut à la fois moderne, à portée continentale,
et bien plus opérationnelle que la précédente. Elle se donne pour
objectif de « définir, exprimer clairement et mettre en œuvre une politique harmonisée des transports maritimes, à même de promouvoir
une croissance et un développement durables des flottes marchandes
africaines et de promouvoir la coopération entre les Etats membres
de la même région et entre les régions » (art.3) ; elle reconnaît, au
préalable, dans son Préambule « le rôle des transports maritimes dans
la facilitation et le développement du commerce entre l’Afrique et les
autres régions du monde et la nécessité de mettre en œuvre une politique efficace en matière de transports maritimes en vue de promouvoir le commerce intra-africain et le commerce entre les Etats africains
et les autres continents ». Elle y souligne également « la nécessité
d’établir et de renforcer la coopération pour coordonner et harmoniser
les politiques, règlements et procédures maritimes, portuaires et des
voies de navigation intérieures tant au niveau des relations mutuelles
que de celles avec les Etats tiers ». Pour ce faire, cette Charte comporte jusqu’à 52 articles, traitant entre autres :
- de la mise en place d’un cadre institutionnel permettant la coopération maritime et portuaire (art. 5 et s.) et le renforcement de
la coopération entre Compagnies maritimes ou entre Conseils des
chargeurs (art. 9 et suiv.),
- du développement du commerce de transit et de la coopération
entre Etats sans littoral et Etats de transit (art. 17 et suiv.),
- du développement du transport multimodal et de la gestion des
ports (art. 21 et suiv.),
- de l’amélioration de la sécurité et de la sûreté maritimes (art. 23 et
suiv.),
- de la protection du milieu marin (art. 28 et suiv.),
- du développement des ressources humaines et renforcement des
capacités (art. 36 et suiv.),
- des engagements des Etats à l’égard de la Charte, parmi lesquels la
mise en place de « Plans d’action nationaux » des transports maritimes et par voie navigable (art. 40 et suiv.) ainsi que de « Comités
de suivi » (art. 44).
On pourrait cependant, à titre prospectif, s’interroger sur l’avenir de ce
nouvel instrument juridique continental. Bien que sa mise en œuvre
ait été prévue après « ratification, acceptation ou approbation » d’au
mois quinze Etats membres » (art.48-§2 et art.49), il ne s’agit pas pour
autant d’une Convention internationale au sens classique du terme
et avec toutes les conséquences qui en découleraient (notamment à
travers son respect assuré par les Etats parties et par leurs tribunaux
– V° sur cette problématique en France, Martin NDENDE : « La position du droit français au regard des conventions internationales de
droit maritime privé », DMF déc. 2006, pp.931 et suiv.). Cette Charte
ne constitue pas, non plus, une norme ayant le pouvoir coercitif d’un
Règlement ou d’une Directive communautaires. Il s’agit plutôt d’un
instrument normatif de politique maritime communautaire, régissant certes des matières bien déterminées, mais dont l’application
rigoureuse n’est absolument pas garantie, et dont la violation ne fait
nullement l’objet de sanctions précises de la part de la Commission
de l’Union africaine ou de la future Cour de Justice africaine. Il s’agit
donc de toute évidence d’un instrument de « soft law », c’est-à-dire
de « droit mou », et dont l’absence de caractère coercitif risque de
donner les mêmes résultats décevants que le MOU d’Abuja ou celui
de Méditerranée (v° Amour Chr. ZINSOU : « Le MOU d’Abuja : un accord administratif pertinent difficilement appliqué dans la région de
l’Afrique de l’ouest et du centre », Rev. Afr. Aff. marit. & Transp. n°1,
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
2009, pp.25 et suiv. ; adde : sur le même Mémorandum, Thèse Droit,
Univ. Nantes, 2010). Il est craindre, en conséquence, que les Etats ne
se limitent à faire de ce texte un instrument purement déclaratoire, au
lieu de s’en servir comme un réel instrument juridique au service du
développement. Puisse l’avenir nous prouver le contraire. Et ce serait
alors une réelle bénédiction pour le secteur maritime africain…
2• Piraterie – Eaux africaines - Océan indien et Golfe d’Aden
- Mesures de lutte et de coopération - Code de conduite de Djibouti de 2009
Pour faire face aux fléaux de la piraterie et des nouvelles formes de
criminalité en mer, les Etats africains n’assistent pas en spectateurs à
la sécurisation de leurs espaces maritimes par des puissances étrangères. Une réelle prise de conscience et une véritable politique de
coopération bilatérale ou multilatérale se mettent progressivement en
place et se développent. Dans les Etats du Golfe de Guinée quelques
initiatives heureuses (bien qu’encore timides) ont été déjà prises, à
l’image de l’Accord de sécurisation maritime du 6 mai 2009 (v° Martin
NDENDE, Chron. Euro-africaine des affaires maritime, Rev.Afr. Aff. marit. & Transp., n°1 Juill. 2009, p.75, ss. n°14). Les Etats de l’océan indien
et du Golfe d’Aden sont allés encore plus loin que leurs homologues
d’Afrique centrale. C’est ainsi qu’un Code communautaire – dit Code de
conduite de Djibouti – a été mis en place par les Etats de cette sousrégion, sous l’égide de l’OMI.
Le Code de conduite de Djibouti tire son origine de la « Réunion sousrégionale sur la sûreté maritime, les actes de piraterie et les vols à
main armée à l’encontre des navires à l’intention des États des régions
de l’Océan Indien occidental, du Golfe d’Aden et de la Mer Rouge »
qui s’était tenue à Djibouti du 26 au 29 janvier 2009. Dix-sept (des 21)
États de la région y avaient assisté. En outre, 12 États qui n’étaient pas
de la région (ex/ Canada, USA, Inde, Italie, Nigéria), quatre organes
et programmes des Nations Unies, neuf organisations intergouvernementales (dont l’Union Européenne et INTERPOL) et trois organisations
non gouvernementales (dont le PAM) y avaient également participé
en tant qu’observateurs. Les Etats présents à cette réunion ont ainsi
voté une Résolution sur l’adoption d’un Code de conduite « concernant
la répression des actes de piraterie et des vols à main armée à l’encontre des navires dans l’océan Indien occidental et le golfe d’Aden ». Ce
Code a été signé le 29 janvier 2009 par les représentants de Djibouti,
de l’Éthiopie, du Kenya, de Madagascar, des Maldives, des Seychelles,
de la Somalie, de la République-Unie de Tanzanie et du Yémen. Il reste
ouvert à la signature d’autres pays de la région au Siège de l’OMI et a
pris effet à la date à laquelle il a été signé (donc le 29 janvier 2009).
Ainsi que le rappelle le Rapport de synthèse de l’OMI, les signataires
du Code sont convenus de coopérer, d’une manière conforme au droit
international, pour :
a) arrêter les personnes que l’on soupçonne sérieusement d’avoir
commis des actes de piraterie et des vols à main armée à l’encontre des navires, mener des enquêtes à leur sujet et les traduire en
justice, y compris celles qui incitent à commettre ces actes ou les
facilitent intentionnellement ;
b) interdire et saisir les navires suspects et les biens qui se trouvent
à leur bord ;
c) secourir les navires, les personnes et les biens qui font l’objet d’actes de piraterie et de vols à main armée et simplifier la prise en
charge, le traitement et le rapatriement appropriés des gens de
mer, des pêcheurs, du personnel de bord et des passagers qui ont
fait l’objet de ces actes, en particulier ceux qui ont subi des actes
de violence ; et
d) mener des opérations communes, aussi bien entre États signataires
qu’avec les marines des pays qui ne sont pas de la région, comme,
par exemple, désigner des agents de la force publique ou d’autres
agents habilités qui embarqueront à bord de navires ou d’aéronefs
patrouilleurs d’un autre signataire.
En outre, le Code prévoit le partage des renseignements connexes, par
l’intermédiaire d’un certain nombre de centres et de points de contact
nationaux, au moyen des infrastructures et des dispositifs existants
pour les communications navire/côtière/navire (à savoir, le Centre de
coordination de sauvetage maritime régional de Mombasa (Kenya) et
le Centre de coordination de sauvetage sous-régional de Dar es-Salaam (République-Unie de Tanzanie) ainsi que le centre d’information
maritime régional qui est passe d’être établi à Sanaa (Yémen).
Les signataires se sont également engagés à examiner leur législation nationale afin de s’assurer que les lois en place dans leur pays
permettent de faire tomber sous le coup du droit pénal les actes de
piraterie et les vols à main armée à l’encontre de navires et qu’il
existe des dispositions appropriées permettant l’exercice du pouvoir
juridictionnel, la conduite d’enquêtes et la poursuite en justice des
auteurs présumés.
Souhaitons que ce précieux instrument de coopération régionale contre la criminalité en mer connaisse un grand succès par son efficacité
sur le terrain, car la situation demeure encore très alarmante (v° Ass.
Nationale de la République Française : « Rapport d’information n°1670
déposée par la Commission de Défense Nationale et des Forces armées sur la piraterie maritime », et présenté par Christian MENARD,
Député, Paris 13 mai 2009). Il faut justement se réjouir de ce qu’à
côté de nombreux Etats, l’OMI, la Ligue Arabe, l’Union Européenne
et l’Union Africaine (depuis le sommet de Durban de 2009) œuvrent
auprès des Etats concernés pour renforcer cette efficacité par une plus
grande coopération internationale...
3• Criminalité en mer - Piraterie maritime et attaques à main
armée contre les navires – Coopération Euro africaine – Opération Atalanta – Accord UE/Seychelles
Les Etats africains confrontés au phénomène de la piraterie et de la
criminalité en mer, et conscients de leurs limites militaires, ont pour
la plupart résolument choisi de coopérer avec les organisations internationales et des partenaires étrangers solides et fiables pour lutter
contre ce redoutable fléau (Sur le cas des poursuites dirigées contre
les pirates somaliens ayant attaqué le voilier français « Le Ponant »,
Cass.crim., 16 septembre 2009, Navire « Le Ponant », DMF nov. 2009,
obs. Pierre BONASSIES). L’Accord conclu en décembre 2009 entre
l’Union Européenne et la République des Seychelles est à ranger dans
cette dynamique (Accord entre l’Union européenne et la République
des Seychelles relatif au statut des forces placées sous la direction de
l’Union européenne dans la République des Seychelles dans le cadre
de l’opération militaire de l’Union européenne Atalanta, JO L. 323 du
10.12.2009, p. 14–19 - Décision 2009/916/PESC du Conseil du 23
octobre 2009). Pour fixer le socle d’une coopération efficace et sereine, cet Accord a réglé par le menu les rapports entre les deux Parties contractantes. Selon ses termes (article 4) et pour les besoins de
l’opération, l’État hôte accorde aux forces placées sous la direction de
l’Union européenne (dites « EUNAVFOR ») et contribuant à l’opération
ATALANTA la liberté de déplacement et de circulation sur son territoire,
y compris ses eaux et son espace aérien. La liberté de déplacement
dans les eaux de l’État hôte comprend notamment l’arrêt et le mouillage en toutes circonstances. Pour les besoins de l’opération, l’EUNAVFOR peut se livrer, sur le territoire de l’État hôte, y compris dans sa
mer territoriale et son espace aérien, au lancement, à l’appontage
ou à l’embarquement d’aéronefs ou d’engins militaires, sous réserve
de l’obtention de l’autorisation de l’autorité de l’État hôte responsable
pour la sécurité des vols. Pour ces mêmes besoins, les sous-marins
de l’EUNAVFOR ne sont pas tenus de naviguer en surface ni d’arborer
leur pavillon dans la mer territoriale de l’État hôte. L’EUNAVFOR et les
moyens de transports qu’elle affrète peuvent utiliser les routes, ponts,
transbordeurs, aéroports et ports sans devoir acquitter de redevances, péages, taxes et droits similaires. L’EUNAVFOR n’est pas exemptée
de contributions d’un montant raisonnable pour les services dont elle
bénéficie à sa demande, dans les mêmes conditions que celles qui
sont prévues pour les forces armées de l’État hôte. L’article 5 fixe les
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
privilèges et immunités reconnus à cette force par l’Etat hôte : les installations de l’EUNAVFOR et ses navires et aéronefs sont inviolables. Il
n’est pas permis aux agents de l’État hôte d’y pénétrer sans le consentement du commandant de la force de l’Union européenne. Lorsqu’ils
entrent sur le territoire de l’État hôte, qu’ils le quittent ou qu’ils s’y
trouvent, ils sont exemptés des dispositions en matière de passeport
et de visa, des inspections menées dans le cadre des formalités d’immigration et du contrôle douanier. Les installations de l’EUNAVFOR,
leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que ses
moyens de transport, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition,
réquisition, saisie ou mesure d’exécution. L’EUNAVFOR, ainsi que les
biens et les ressources dont elle dispose, où qu’ils se trouvent et quel
qu’en soit le détenteur, jouissent de l’immunité de juridiction. Les archives et les documents et la correspondance officielle de l’EUNAVFOR
sont inviolables à tout moment et en quelque lieu qu’ils se trouvent,
etc. A l’inverse, cette force doit, selon les termes de l’article 2, respecter les lois et les règlements de l’État hôte et s’abstenir de toute action
ou activité incompatible avec les objectifs de l’opération. L’EUNAVFOR communique régulièrement au gouvernement de l’État hôte le
nombre des membres de son personnel qui sont stationnés sur le
territoire de l’État hôte, ainsi que l’identité des navires, aéronefs et
unités opérant dans les eaux de l’État hôte ou faisant escale dans ses
ports. Les véhicules, aéronefs, navires et autres moyens de transport
de l’EUNAVFOR portent un marquage d’identification et/ou des plaques d’immatriculation distinctifs, qui sont notifiés préalablement aux
autorités compétentes de l’État hôte (article 3). L’EUNAVFOR a le droit
d’arborer le drapeau de l’Union européenne et des signes distinctifs,
tels qu’insignes militaires, titres et symboles officiels, sur ses installations, véhicules et autres moyens de transport. Les uniformes du personnel de l’EUNAVFOR portent un emblème distinctif. Les drapeaux ou
insignes nationaux des contingents nationaux participant à l’opération
peuvent être arborés sur les installations, véhicules et autres moyens
de transport et uniformes de l’EUNAVFOR, selon la décision du commandant de la force de l’Union européenne.
4• Transports aériens Europe/Afrique – Zone UEMOA – Libéralisation de services aériens - Accord aérien horizontal UE/UEMOA
Un évènement de taille, et particulièrement novateur, vient de se tenir
dans le ciel euro-africain. L’Union Européenne et l’UEMOA ont en effet
signé à Bruxelles, le 17 décembre 2009, un accord horizontal (daté du
30 novembre) sur les services aériens (Accord entre la Communauté
Européenne et l’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine sur
certains aspects relatifs aux relatifs aux services aériens, JOUE n° L56,
du 6 mars 2010, p.16 – adde : Cons. Déc. n°2010/144, 30 mars 2009
relative à la signature et à l’application provisoire dudit accord : JOUE
n°L56, 6 mars 2010, p.15). C’est une première en Droit communautaire, car cet accord multilatéral n’unit pas l’UE à un Etat, mais à un
groupe d’Etats membres d’une organisation régionale (Bénin, Burkina,
Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, et Togo). Il inaugure
ce qu’il conviendrait d’appeler désormais le « multi-bilatéralisme » (v°
Loïc GRARD, Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm.120). Les accords dits
« horizontaux » (et à la différence des accords dits « globaux » ou
« mixtes » qui font intervenir simultanément l’UE et les Etats) ont la
particularité de venir se superposer aux relations aériennes existantes
et relèvent de la compétence exclusive de l’UE laquelle ne négocie,
en la matière, que des questions relevant de l’Union, et à l’exclusion
de toute intervention des Etats. Ce nouvel accord vient ainsi se superposer à 47 accords bilatéraux sur les services aériens autrefois signés
séparément par lesdits Etats ouest-africains avec leurs homologues
européens (sur cette coopération ancienne et ses problèmes spécifiques (v° A.TANKOANO : « L’Union Economique et Monétaire Ouestafricaine et l’Union Européenne : la question du transport aérien », in
Loïc GRARD (ss. dir.) : « L’Europe des transports », La Documentation
française, 2005, p.519). Et cet important accord a la grande particularité
de venir soumettre les précédents accords aux exigences nouvelles du
Juillet 2010 • N°2
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Droit communautaire, et notamment en matière de libéralisation des
services aériens. Ainsi, et pour faire suite aux célèbres arrêts « open
sky » rendus par la CJCE le 5 nov. 2002 (Aff. C-466/98 à C-469/98, C471/98, C-472/98, C-475/98 et C-476/98), il supprime les restrictions
liées à la nationalité que comportaient les accords bilatéraux sur les
services aériens.
Très concrètement, il autorise les compagnies aériennes européennes à assurer les liaisons entre un Etat membre de l’UE où elles ont
un établissement et tous les Etats membres de l’UEMOA quels qu’ils
soient, si des droits de trafic sont disponibles. Inversement, il élargit
les possibilités ouvertes aux transporteurs de l’UEMOA d’exploiter des
vols à destination de l’UE au départ d’autres pays de l’UEMOA que
l’Etat leur ayant délivré une licence, en vertu d’une reconnaissance réciproque (v° Rev. Dr. transp. Févr. 2010, Alertes, Veille 13, p.3). En clair,
un transporteur ivoirien pourra acheminer des passagers en France
ou en Belgique en provenance du Sénégal ou du Bénin, à condition
qu’il ait un établissement dans ces deux Etats voisins membres de
l’UEMOA. A n’en pas douter, dès lors que l’essentiel des destinations
des compagnies de l’UEMOA sont européennes, cet accord constitue
une étape importante dans l’ouverture du marché africain et la consolidation des relations euro-africaines en matière de transport aérien.
De surcroît il aura incontestablement un « effet structurant » sur les
compagnies aériennes africaines (reconnaissance internationale des
licences et développement des établissements hors du pays du siège)
et favorisera certainement une plus grande coopération entre l’UE et
l’UEMOA sur nombre d’aspects importants tels que la sécurité et la
sûreté aériennes.
Malgré tout, ce nouvel accord ne manque pas de susciter quelques
constats plus réservés. En effet, et comme l’observe très pertinemment notre éminent collègue bordelais Loïc GRARD (v° Rev. Dr. transp.
op.cit.), l’on se demande si ce montage juridique ne contribue pas
davantage à aider à la libéralisation du ciel africain qu’à libéraliser
le ciel européen. A ce titre, nous partageons entièrement son point
de vue selon lequel l’article 6 qui exclut toute initiative contraire au
droit de la libre concurrence de l’UE va exactement dans cette même
direction. Ceci revient simplement à dire que le dispositif instauré par
l’accord favorise sournoisement les intérêts de l’UE et de ses compagnies aériennes au détriment des intérêts africains.
Or, l’une des lignes politiques communautaires majeures définie au
sein de l’UEMOA affirme qu’« il est nécessaire que la Commission
encourage les usagers à s’organiser pour être les contrepoids et les
bénéficiaires de la libéralisation (amélioration de la qualité de service
et baisse des prix liée à la concurrence) et élabore une réglementation
protégeant les droits des usagers » (v° cette ligne politique in « Le
Programme commun du transport aérien dans les Etats membres de
l’UEMOA », Commission UEMOA, Juin 2002).
Mais bien au-delà cette observation pessimiste, cet accord ne manquera pas de soulever de nouvelles interrogations sur l’avenir de la
commerce aérien entre l’UE et le reste de Afrique : en effet, quelles
seront les relations futures avec les autres organisations régionales et
notamment la CEMAC (six Etats d’Afrique centrale), ou la CEEAC (qui
intègre à la CEMAC la RD-Congo et les Etats des Grands lacs) ? Quelle
sera l’attitude de l’Union Africaine dont on connaît désormais l’engagement dans le secteur des transports ? Pourra-t-on s’orienter vers un
accord global de continent à continent libéralisant l’ensemble de la
relation aérienne ? (v° Maubert MASONAMA-MUANAMOSI : « Les relations aériennes entre l’Afrique noire et la Communauté européenne »,
Université Libre de Bruxelles, 26 septembre 2007 ; « La libéralisation
de l’accès aux marchés du transport aérien en Afrique (Yamoussoukro
1999) mise à l’épreuve par la politique américaine d’open skies : une
approche d’encerclement des marchés aériens africains », Afrilex
2001). C’est donc dire que le ciel africain est au cœur de vastes interrogations et projections juridico-politiques, et que les dirigeants africains
ont intérêt à en mesurer, très rapidement, les enjeux et la portée…
86/
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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
5• Transports aériens Europe/Afrique – Fiscalité des transports
-Trafics internationaux France/Kenya – Accord de Naïrobi - Accord fiscal contre les doubles impositions – Publication
La France vient de promulguer un Décret n° 2010-285 du 16 mars
2010 portant publication de l’Accord signé à Naïrobi, le 12 janvier
1996, avec le Gouvernement de la République de Kenya, en vue
d’éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en
trafic international (JORF 19 mars 2010, p.5484). Cet Accord prévoit de
s’appliquer aux impôts sur le revenu perçus pour le compte d’un Etat
contractant ou de ses collectivités locales, quel que soit le système
de perception (art.3). Sont considérés comme impôts sur le revenu
les impôts perçus sur le revenu total, ou sur des éléments du revenu, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation de
biens, ainsi que les impôts sur les plus-values. Le Décret stipule que
les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant qui proviennent
de l’exploitation d’aéronefs en trafic international, y compris les revenus d’activités accessoires à une telle exploitation, ne sont imposables que « dans l’Etat contractant où le siège de direction effective
de l’entreprise est situé » (art.5), et il précise également que les gains
d’une entreprise provenant de l’aliénation d’aéronefs exploités en trafic international ou de biens mobiliers affectés à l’exploitation de ces
aéronefs ne sont imposables que dans l’Etat contractant où le siège
de direction effective de l’entreprise est situé. Les autorités compétentes des deux Etats sont appelées à échanger les renseignements
nécessaires pour appliquer les dispositions du présent Accord, ou pour
prévenir la fraude ou l’évasion fiscales en ce qui concerne les impôts
visés par l’Accord (art.7). L’on mesure aisément, pour les transporteurs
aériens des deux pays, le soulagement découlant de telles dispositions fiscales au regard de l’injustice et de la férocité de la pratique
internationale des doubles impositions. Le Kenya qui est un grand pays
touristique et qui comporte l’une des plus importantes et dynamiques
flottes aériennes en Afrique (symbolisée par la Kenya Airways) ne
pourra que s’en réjouir…
6• Burkina Faso – Ancien Code de l’aéronautique civile – Révision – Adoption d’un Code de l’aviation civile
En vigueur depuis le 12 mai 1969 et devenu largement obsolète, le
« Code de l’aéronautique civile » du Burkina Faso nécessitait une révision depuis 1986. Un audit systématique de supervision de la sécurité
de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), effectué en
septembre 2007 et octobre 2009 à Ouagadougou, avait constaté des
insuffisances et incohérences du vieux Code de l’aéronautique civile
en vigueur dans le pays (v° OACI : « Rapport sommaire d’audit de la
Direction de l’Aviation civile du Burkina-Faso », Mission d’audit de la
supervision de la sécurité au Burkina Faso, Ouagadougou 11-15 oct.
1999). Il avait alors été recommandé que soit promulgué un nouveau
Code qui soit en adéquation avec la réglementation communautaire et
internationale, et avec l’organisation et les composantes du système
de l’aviation civile nationale. Le Gouvernement du Burkina, à l’issue de
cet audit, s’était engagé dans un « Plan d’action correctrice », à l’élaboration et à l’adoption d’un Code qui réponde aux normes exigées par
l’OACI, et tenant compte des accords régionaux et des dispositions de
la convention de Chicago et ses annexes, signée le 7 décembre 1944
par 52 pays (v° D. Evariste OUEDRAOGO : « Burkina Faso: Révision du
code de l’aéronautique civile du Burkina - Un nouveau plan de vol
tracé à Tenko », L’Observateur Paalga, 25 Juin 2009). Dans le même
temps, des événements majeurs étaient apparus dans le domaine
de l’aviation civile, créant une situation nouvelle qui ne pouvait, en
aucun cas, laisser les autorités nationales indifférentes. En particulier
les évènements du 11-septembre aux Etats-Unis, qui ont bouleversé le
monde entier, ont ouvert une nouvelle ère en matière de sécurité et
sûreté aériennes, et donné un nouvel élan à l’aéronautique mondiale
ainsi que de nouvelles exigences techniques que ne peuvent ignorer
les Etats africains (nouveaux systèmes de communication et de navigation, gestion du trafic, etc.). Sur le plan continental, une nouvelle
politique aéronautique africaine a été adoptée à travers la Déclaration
de Yamoussoukro d’octobre 1988 qui a été révisée par la mise en
œuvre d’une décision de 1999 relative à la libéralisation de l’accès
au marché du transport aérien en Afrique. Au plan sous-régional, de
nouvelles orientations ont été définies par l’UEMOA en vue d’un « Programme commun de transport aérien » avec pour principal objectif de
lutter contre la marginalisation des pays membres et de contribuer du
même coup, à la création d’un espace aérien sûr, efficace et ordonné.
En conséquence, réunis en séance plénière le mardi 06 avril 2010 et
tenant compte de tout ce qui précède, les députés ont examiné et
adopté (à l’unanimité) la loi portant Code de l’aviation civile (v° Larba
YARO : « Le Burkina se dote d’un Code de l’aviation civile », L’hebdomadaire du Burkina, n°571, du 09 au 15 avril 2010, www.hebdo.bf/
spip.php). Ce nouveau Code apporte des réponses adéquates aux critiques et faiblesses relevées par l’OACI dans ses Rapports d’audit, autour
de certains points principaux : la législation aéronautique de base, les
règlementations d’exploitation spécifiques, l’obligation en matière de
délivrance de licences de certification, d’autorisation et d’approbation
et la résolution des problèmes de sécurité et de sûreté. Le nouveau
texte adopté par les députés burkinabè comporte des innovations majeures comme la nouvelle dénomination de la loi qui est désormais
« Code de l’aviation civile » et non plus « Code de l’aéronautique civile ». On retient aussi que l’ensemble des dispositions existantes ont
fait l’objet de vérifications, et que les dispositions communautaires ont
été prises en compte. Fait important, le nouveau Code prenant appui
sur la Convention de Montréal de 1999, consacre un système moderne
de responsabilité du transporteur aérien avec une meilleure indemnisation des victimes et ayants-droit, ainsi qu’une obligation d’assurance, etc. Les principaux objectifs poursuivis par le Gouvernement
burkinabè en élaborant ce texte de loi étaient de disposer d’un « Code
de l’aviation civile moderne, efficace, accessible à tous les utilisateurs
(praticiens du droit, administrateurs, usagers, exploitants de l’aviation
civile) ». Mission accomplie ! Il ne reste plus maintenant qu’à s’en
imprégner et à l’appliquer dans l’intérêt de la promotion des transports
aériens et d’une plus grande sécurité dans le ciel du Burkina…
7• Maroc – Nouveau Code de la route - Adoption
Après trois années de débats au Parlement, entre Gouvernement,
syndicats et professionnels et pas moins de 275 amendements au
niveau de la Chambre des Représentants et 85 au sein de la Chambre
des Conseillers, le nouveau Code de la route marocain a finalement
été adopté en janvier 2010. Ce Code introduit le système des permis
à points recapitalisables moyennant une formation. Le conducteur disposera à la base un crédit maximal de 30 points pour le permis définitif et 20 points pour le permis provisoire (le premier ayant une validité
de dix ans et le second deux ans), qu’il perdra selon la gravité des
infractions commises. Les contrevenants pourront récupérer les points
perdus au bout de trois ans au lieu de 5 ans prévus dans le texte initial
en suivant une formation, tandis que ceux qui se verront retirer leurs
permis pourront repasser l’examen après 6 mois de suspension. Pour
le Gouvernement marocain, il ne s’agit pas uniquement d’un texte à
caractère coercitif mais plutôt d’une mesure qui procède d’une démarche pédagogique, dont l’objectif est de dissuader les conducteurs à
ne plus commettre d’infractions, en vue à terme de réduire le nombre des accidents de la route. Le nouveau Code prévoit trois classes
d’amendes transactionnelles forfaitaires (ATF). La première, comprise
entre 700 et 1400 dirhams (dhs) sanctionnera des infractions graves.
Les amendes de deuxième classe vont de 500 à 1 000 dhs. Elles
concerneront des infractions simples comme, l’usage manuel du téléphone portable durant la conduite. Enfin la troisième classe (de 300
à 600 dhs) sera relative au non respect des dispositifs d’accessoires
et de sécurité sur les véhicules, comme le non-port de la ceinture de
sécurité. Selon le Ministre marocain de l’Equipement et du Transport
(M. Karim GHELLAB), l’application de ces amendes sera entourée de
toutes les garanties de transparence et de légalité pour éviter les abus.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Il a indiqué que « ce projet, qui a bénéficié d’un consensus rarement
recueilli par d’autres textes, protègera les usagers, garantira les droits
des professionnels et contribuera à la mise à niveau du secteur dans
sa globalité » entrera en vigueur au début du mois d’octobre courant.
II • JURISPRUDENCE
8• ASECNA – Clauses attributives de compétence figurant dans
les documents de l’Agence – Opposabilité aux compagnies
aériennes – Relations d’affaires suivies
Un arrêt rendu dernièrement par la 1ère Chambre civile de la Cour de
cassation française aurait pu être rangée dans les tiroirs des décisions
« classiques » s’il ne s’était agi d’un contentieux international impliquant l’ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en
Afrique et à Madagascar), à propos d’une question d’opposabilité des
clauses attributives de juridiction aux compagnies aériennes africaines
ou étrangères qui bénéficient de ses services (Cass.1ère Ch.civ., 17 févr.
2010, SA Demavia c/ Sté Hewa Bora Airways et autres, Juris-Data
n°2010-051610, Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm.117, pp.32 et suiv.,
obs. Ph. DELEBECQUE – Pour un cas récent des difficultés rencontrées
en matière d’opposabilité des clauses attributives de juridiction dans
le contexte maritime africain, et retenant notamment, en l’espèce,
l’inopposabilité de la clause à un destinataire gabonais : v° CA Rouen,
2ème Ch., 5 févr. 2009, Sté Omnium Gabonais d’Assurances et de Réassurances et autres c/ Sté Bremen Overseas Chartering and Shipping
GMBH (BOSC)et autres, navire « You King », Juris-Data n°001633-2009,
DMF septembre 2009, p.690, obs. Aubin AMOUSSOU).
L’on sait que cette Agence assure les services de contrôle aérien audessus du continent africain puis en facture le coût aux compagnies
aériennes dont les avions survolent ce secteur. Parmi celles-ci figuraient justement les deux adversaires de l’ASECNA, en l’occurrence la
Société aérienne congolaise Hewa Bora Airways et la Société belge
Demavia, celle-ci se présentant comme agent et simple mandataire
de la société congolaise. Il était reproché à l’ASECNA et aux décisions
rendues par les juges du fond d’avoir, à propos d’un litige portant sur
le règlement de factures impayées, retenu la compétence du Tribunal
de commerce de Paris conformément aux dispositions d’un document
de l’Agence agrée par l’OACI, et alors selon le pourvoi formé par les
deux sociétés, qu’une clause attributive de compétence ne peut être
opposée à un plaideur qu’à la condition que ce dernier l’ait acceptée
par écrit, ou verbalement avec confirmation écrite, ou sous une forme
réglementaire. Ce pourvoi est rejeté par la Cour de cassation. L’arrêt
précité de la 1ère Chambre civile de ladite Cour énonce tout d’abord que
l’ASECNA étant chargée par les Etats contractants d’assurer la sécurité
du trafic aérien sur la zone et obligation lui étant faite de prendre en
charge tout avion la survolant, « il incombe aux compagnies aériennes opérant dans ce secteur, qui souscrivent un contrat d’adhésion,
de prendre connaissance des conditions écrites de la convention, en
particulier de la clause attributive de juridiction ». L’arrêt rappelle que
ces conditions et clauses sont affichées dans les aéroports de la zone
et régulièrement adressées aux sociétés dont Hewa Bora Airways et
Demavia. Enfin cet arrêt, venant au soutien de la décision de la Cour
d’appel, affirme que, compte tenu de l’ancienneté de leurs relations
d’affaires avec l’Agence aérienne, les deux sociétés ne pouvaient soutenir ignorer la clause attributive de juridiction reproduite sur chacune
des factures de l’ASECNA. En clair, les prestations de l’ASECNA s’inscrivant dans un véritable contrat d’adhésion (disons même un contrat
forcé) et la preuve de l’existence de relations d’affaires suivies étant
établie, la clause litigieuse doit pleinement être opposable aux sociétés qui bénéficient de ses services (Sur les prérogatives de puissance
publique de l’ASECNA, v° Martin NDENDE, Obs. sous Loi n°2007-11 du
04 janvier 2007, Chron. Euro-africaine des affaires maritime, Rev.Afr.
Aff. marit. & Transp., n°1 Juill. 2009, p.70). Mais alors pourquoi le choix
du Tribunal de commerce Paris par cette Agence publique ? La réponse
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coule de source et figure également dans l’arrêt : l’ASECNA est un établissement de droit public international dont le siège social est à Dakar, et le siège administratif à Paris. Les tribunaux de Dakar et de Paris
ont donc une égale vocation à connaître de son contentieux. Et surtout
chacun sait que les établissements publics à caractère industriel et
commercial (EPIC) comme l’ASECNA sont justiciables des juridictions
de droit commun pour leur contentieux de droit privé, en l’occurrence
ici le recouvrement de créances auprès de sociétés commerciales. Les
compagnies aériennes locales ou fréquentant le continent africain devraient très attentivement s’imprégner de ce particularisme…
9• Transport maritime de grumes de bois - Litige en matière
de mesurage d’un chargement de grumes provenant du Gabon - Contentieux du fret - Problématique du règlement d’un
fret complémentaire – Importance des usages professionnels.
A quelles conditions le transporteur maritime qui découvre, à destination, un chargement supérieur à celui déclaré au connaissement
peut-il obtenir règlement d’un complément de fret à la mesure de son
préjudice ? L’arrêt rendu le 08 juin 2010, par la Chambre commerciale
de la Cour de cassation française (Arrêt n°08-17.623, 641, arrêt du
08 juin 2010, Juris-Data n°2010-008810, SAS Etablissements Pierre
Robert & Compagnie Scierie de la Vallière c/Ibéria-West Africa Line
SL) permet de rendre compte, dans le transport des grumes de bois
(si important en Afrique sub-saharienne), de la place importante des
usages, et donc de la Lex mercatoria, sur les modalités de règlement
d’un tel fret.
Une société espagnole s’était vue confier l’acheminement sur un navire de plusieurs lots de grumes de Mayumba (Gabon) à Nantes au profit d’une société française. Au cours des opérations de déchargement,
la société espagnole de transport avait constaté qu’une quantité supérieure à la quantité déclarée avait été chargée. Un mesurage ayant
confirmé la surcharge, elle a émis une facture complémentaire de fret
qui n’a pas été payée par la société française. La cour d’appel de Rennes (2ème Ch.comm.), dans un arrêt du 17 juin 2008, avait condamné la
société française au paiement de la somme de 21 022,88 euros à la
société espagnole, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et avec le bénéfice de la capitalisation de l’article 1154 du Code
civil (C. civ., art. 1154). Ayant constaté que le document intitulé « Règles de mesurage ATIBT », ayant valeur d’usage, énonçait que pour les
lots de grumes défraîchis, une partie du roulant de la bille pouvait être
déduite à titre de réfaction pour défraîchissement et que le vendeur
devait alors faire apparaître dans la spécification deux volumes, le
« volume commercial » et le « volume réel », ce dernier étant pris en
compte par les administrations et les transporteurs, la cour d’appel,
qui n’avait pas à effectuer les recherches évoquées à la deuxième
branche que ses constatations rendaient inopérantes, n’a pas, selon
l’arrêt rapporté de la Chambre commerciale, dénaturé ce document. En
second lieu, ayant relevé que la société française ne justifiait pas d’une
quelconque dérogation par les parties à ces usages qu’elle ne pouvait
ignorer en sa qualité de professionnelle du bois, la cour d’appel n’a
pas non plus, selon la Chambre commerciale, dénaturé la convention
et les écritures de la société française. C’est incontestablement une
intéressante illustration de la place des usages professionnels (même
non codifiés) comme source du Droit. Les professionnels africains du
commerce international sont donc prévenus…
10• Catastrophe maritime – Transport de passagers – Naufrage du Joola – Sénégal - Poursuites pénales des autorités
sénégalaises en France
L’affaire de la tragédie du Joola vient de connaître son épilogue pénal
en France.
On se souvient que cette catastrophe maritime, souvent comparée
à celle du Titanic, est survenue dans la nuit du 26 au 27 septembre
2002 au large des côtes gambiennes. Le transbordeur M/S Joola, très
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
mal entretenu par son armateur (La Marine Nationale sénégalaise),
et naviguant en surcharge, transportait près de 2000 passagers partis
de Casamance pour Dakar. On comptera officiellement dans ce terrible
naufrage pas moins de 1863 morts.
L’Etat sénégalais reconnaîtra immédiatement ses lourdes responsabilités et proposera une indemnisation transactionnelle et forfaitaire
aux victimes. Mais ce fut sans compter que parmi celles-ci figuraient
des dizaines de touristes étrangers (et notamment français) qui dénoncèrent l’impunité des autorités sénégalaises devant ce drame. Les
victimes françaises porteront alors leur action devant des juridictions
répressives de l’Hexagone (à Evry), en particulier contre le Premier
Ministre du Sénégal (Mme Madior BOYE), le Ministre des Forces armées (M. Youba SAMBOU), ainsi que diverses autres personnalités
maritimes et publiques. Après moult péripéties politico-judiciaires (le
Sénégal menaçant de poursuivre par mesure de rétorsion le Premier
Ministre français et plusieurs autres responsables devant ses tribunaux), la décision tant attendue a été enfin rendue. La Chambre criminelle de la Cour de cassation, par son arrêt du 19 janvier 2010, s’est en
effet prononcée sur lesdites poursuites pénales à travers une décision
très décevante pour les victimes (Cass. crim. 19 janv. 2010, Juris-Data
n° 2010-051196, Rev. Dr. transp. Mars 2010, Comm.67, pp.24 et suiv.,
obs. M. NDENDE). Cet arrêt (voir p. 107) que nous espérons commenter plus profondément dans une prochaine livraison de notre Revue,
retient en substance la solution suivante : le navire Joola ayant été
mis en service pour permettre le désenclavement d’une région (la
Casamance) et étant constaté que l’Etat sénégalais assurait ainsi une
mission de service public non commercial, avec un navire géré par la
Marine nationale, armé par un équipage militaire et ayant le statut
de navire militaire, la Chambre de l’instruction a pleinement justifié
sa décision de prononcer l’annulation des mandats d’arrêts délivrés
à l’encontre du Premier Ministre et du Ministre des Forces armées de
cet Etat. L’arrêt ajoute que la coutume internationale qui s’oppose à la
poursuite des Etats devant les juridictions pénales d’un Etat étranger
s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’Etat
ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes, qui comme en l’espèce, relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné. Cet arrêt soulève d’abord
la question du respect de certaines règles de procédure pénale et
des droits fondamentaux à l’égard des personnes suivies : un mandat
d’arrêt international vaut-il « mise en examen » ? Dans le cas contraire
de telles personnes peuvent-elles être considérées comme « parties
au procès » et habilitées à exercer les voies recours ouvertes aux
personnes mises en examen ? Mais cet arrêt soulève surtout, avec
grande acuité, la problématique centrale des immunités à reconnaître
aux autorités maritimes et publiques étrangères. Pour notre part, nous
émettons des doutes que ce navire de commerce, quoique armé par
la Marine Nationale, puisse justifier le bénéfice du statut de « navire
de guerre ». Rappelons, à ce propos, que la Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 relative aux immunités des navires d’Etat (qui
aurait dû être citée en référence dans cet arrêt pour fixer le statut
du Joola) considère très précisément que les navires d’Etat affectés
à une activité commerciale sont assimilés aux navires privés et ne
génèrent en conséquence aucune espèce d’immunités, qu’elles soient
« de juridiction » ou « d’exécution » (art. 1er et 2). Seule en effet l’activité des navires d’Etat « affectés à une activité exclusivement gouvernementale et non commerciale » est fondée à générer de telles
immunités (v° art. 3 de la Convention de 1926, et sur l’ensemble de
ce sujet, M. NDENDE : « Les armements d’Etat et leur participation au
transport maritime », Thèse Droit, Université de Brest, 1990 ; adde :
T. Kochu THOMMEN : « Legal status of government merchant ships in
international law », Martinus Nijhoff, The Hague, Thesis London 1962).
La solution rendue dans cette affaire nous semble donc des plus discutables sous l’angle du Droit maritime international…
Mais l’on pourrait rétorquer ici que l’immunité des navires n’est pas
celle des hommes politiques. Certes. Mais l’arrêt ayant lié les deux
questions son argumentation s’en trouve fortement fragilisée. L’im-
munité reconnue aux autorités étrangères doit-elle se transformer
en instrument d’impunité ? Signalons, à titre de Droit comparé, que
d’autres grandes nations se refusent courageusement à une telle tentation. C’est ainsi que dans sa décision de principe dans l’Affaire Ferrini
rendue en 2004, la Cour de cassation italienne a décidé que, selon
le droit international contemporain, les États étrangers ne peuvent
plus bénéficier de l’immunité relativement à la juridiction civile des
autres États, en cas d’atteintes graves aux droits humains ou au droit
humanitaire, correspondant à des violations du Jus cogens. La Cour
italienne a depuis maintenu cette position, sans fléchir, dans une série
de décisions subséquentes, qui mériteraient d’être pris en exemple
(v° Riccardo PAVONI et Stéphane BEAULAC : « L’immunité des États et
le jus cogens en droit international. Étude croisée Italie/Canada », RJT
2009, n°43, pp.491 et suiv.). Le traitement de l’affaire du Joola nous
laisse donc assez songeur…
11• Protection sociale des marins - Période de guerre - Guerre
d’Algérie – Pension de retraite de marin français – Problématique du doublement de la durée dans le calcul de la pension
Les combattants de la Guerre d’Algérie peuvent-ils invoquer le bénéfice de l’article 11 du Code des pensions de retraite des marins français ? C’est à cette question délicate que répond un important arrêt de
la Cour de cassation mettant ainsi un terme à un débat sensible qui
semblait agiter ces derniers temps les deux rives normalement apaisées de la Grande bleue (Cass. 2ème ch. civ., 3 septembre 2009, ENIM
c/ Mahdad, Juris-Data n°2009-049362, Rev. Dr. transp. Déc. 2009,
Comm.246, pp.26 et suiv., obs. Stéphane CARRE). L’on connaît le grand
avantage prévu par ce fameux article 11 qui dispose que les temps de
navigation active et professionnelle accomplis sur des bâtiments français en période de guerre entrent en compte pour le double de leur
durée, pour le calcul des droits à pension de retraite. En effet, comme
le rappelle notre collègue Stéphane CARRE, par cet avantage accordé
aux marins, l’Etat français reconnaît la dangerosité des missions en
mer en période de guerre.
Face à cette problématique, la Cour d’appel de Paris adoptant une
position fort hardie avait répondu par l’affirmative à la question posée,
profitant d’un flou sur la notion de « période de guerre ». Le Code
des pensions de retraite des marins n’y apporte notamment aucune
précision, bien qu’il définisse à l’article R.6 des périodes de service
en mer entrant dans ces temps de guerre. Et l’on sait que parallèlement, la Loi n°99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution,
à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de
l’expression « à la guerre d’Algérie et aux combats en Tunisie et au
Maroc » (J.O. 20 oct. 1999, p.15647), vient modifier par quatre fois des
dispositions du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’une disposition du Code de la mutualité. Un
certain flou régnait donc de toute évidence. La hardiesse de l’arrêt de
la Cour d’appel de Paris consistait donc à interpréter et à appliquer les
textes précités de manière quelque peu généreuse à l’égard des combattants de cette guerre qui a provoqué tant de déchirures des deux
côtés de la Méditerranée. Cet arrêt est cependant censuré par la Cour
de cassation. Il est rappelé que les conditions fixées à l’article R.6 du
Code des pensions, et donnant droit au doublement des temps réels
de navigation, ne retiennent pas les services en mer durant la guerre
d’Algérie. La Cour de cassation ajoute également que la Loi du 18
octobre 1999 n’a ni pour objet, ni pour effet, de conférer aux marins
ayant servi pendant la Guerre d’Algérie, le bénéfice de la campagne
simple accordé en application de l’article 11 du Code des pensions
de retraite des marins français. Les lois sociales demeurent donc ici
d’application sourcilleuse et restrictive…
12• Navires libérien et égyptien – Pollution marine volontaire
– Eaux françaises - Sanctions pénales - Amendes records
Les capitaines d’un cargo libérien et d’un cargo égyptien, poursuivis
pour pollution volontaire, ont été condamnés le 24 juin 2009 à des
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
amendes record de 1 et 2 millions d’euros par le tribunal correctionnel
de Brest.
L’armateur égyptien du navire « Al Esraa » devait payer 90 % de
l’amende de 1 million d’euros, le reste étant à la charge du capitaine.
Lors de l’audience du 6 mai, la Procureure du tribunal correctionnel de
Brest avait requis 700.000 euros d’amende. Le 29 septembre 2008,
le navire avait été survolé par un avion des douanes avec dans son
sillage une nappe d’hydrocarbure longue de 14 km.
De son côté, l’armateur grec du « Valentia », cargo libérien, a été
condamné à payer 90 % de l’amende de 2 millions d’euros. Lors de
l’audience du 3 juin, la procureure avait requis une amende de 300.000
euros, fustigeant « le comportement de marins pas dignes de la marine marchande ». Le « Valentia », cargo roulier, avait été repéré au
large des côtes bordelaises par un avion des douanes, en novembre
2008, avec dans son sillage une trace d’hydrocarbure de 18 km.
Les capitaines des deux navires battant pavillons de deux Etats africains étaient jugés dans le cadre des dispositions législatives entrées
en vigueur en août 2008, qui ont porté les montants maximum des
amendes pour pollution volontaire à 15 millions d’euros, au lieu
d’1 million précédemment (sous l’égide de la Loi de 2004 dite Perben II). Cette évolution sévère et très remarquée est le fait de la Loi
n°2008-757 du 1er août 2008 (JORF 2 août) « relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au
droit communautaire dans le domaine de l’environnement » (Sur cette
Loi, v° Rapport du Sénateur Jean BIZET, n°348, Sénat 2007-2008 ; et
Rapport du Député Alain GEST, n°973, Ass.Nationale 19 juin 2008 ; Sur
l’ensemble du système répressif applicable aux pollutions de la mer
en France, v° Christophe MARQUES : « La répression des rejets illicites
d’hydrocarbures - 1983-2003 : 20 ans d’évolution législative et jurisprudentielle », DMF 2004, p.307 ; ibid : « La répression de la pollution
due aux rejets opérationnels des navires : un contentieux technique et
économique », in « Le Droit pénal de la mer », ouvrage collectif, ss. direct. Annie CUDENNEC, Presses Univ. de Rennes, 2006, spéc. pp. 121 et
suiv. ; B.BOULOC : « Rejets d’hydrocarbures : réflexion sur la preuve de
l’infraction et les dommages-intérêts », DMF Mars 2005, pp.195-204 ;
ibid : « Apparences d’hydrocarbures et présomption d’innocence »,
DMF Juill-Août 2005, pp.589 et suiv. ; P. JEANSON : « Rejets polluants
des navires : nouvelles dispositions répressives», Droit de l’Environnement, n°93, pp.250 et suiv. ; M. REMOND-GOUILLOUD : « MARPOL :
mode d’emploi – De quelques avancées dans la répression des rejets
prohibés d’hydrocarbures en mer », DMF Nov. 2002, p.899 ; P. BONASSIES : Chron. Droit positif, DMF Hors série n°8, Juin 2004, pp.11, au
n°8, et p.8 au n°2). L’on peut se demander pourquoi les Etats africains
(dont les mers sont souvent polluées impunément) ne pourraient pas,
à leur tour, s’inspirer de telles législations pour une meilleure protection de leur environnement marin et côtier…
III• PANORAMA D’ACTUALITÉ
13• Sécurité de la navigation aérienne en Europe - Liste noire
des compagnies aériennes – Présence des compagnies africaines indexées – Régime et effectivité juridique des listes
noires
La Commission Européenne publie régulièrement la liste des compagnies aériennes étrangères considérées comme bannies, indésirables,
et dangereuses dans l’espace communautaire. La dernière liste noire
vient d’être publiée (Comm. UE, Régl. (UE) n°273/2010 du 30 mars
2010 modifiant la liste communautaire des transporteurs aériens qui
font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté). Trois
transporteurs étrangers (dont un africain) se trouvent soumis à une interdiction totale d’exploitation dans l’espace de l’U.E., en l’occurrence
Ariana Afghan Airlines (Afghanistan), Siem Reap Airways International
(Cambodge), et Silverback Cargo Freighters (Rwanda). Sont frappés
d’interdiction tous les transporteurs de 17 pays, soit 278 compagnies
Juillet 2010 • N°2
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au total, et parmi lesquelles un grand nombre sont africaines : Angola,
Bénin, RD-Congo, Djibouti, Guinée Equatoriale, Gabon (à l’exception
de trois transporteurs soumis à des restrictions d’exploitation et à certaines conditions), Libéria, Congo, Sierra-Léone, Sao-Tomé et Principe,
Soudan, Swaziland et Zambie.
En France, un Parlementaire avait interrogé le Secrétaire d’Etat chargé
des transports sur l’uniformisation communautaire des listes des compagnies aériennes interdites d’accès dans l’espace aérien de l’Union
Européenne. Le drame survenu le 30 juin 2009 avec la Compagnie
Yemenia Airways, dont l’avion (sous-normes) avait crashé dans l’océan
indien (au large des Comores) provoquant 152 morts, a notamment
démontré les limites de cette fameuse liste. Au point où un une Proposition de loi a été immédiatement initiée (par Mme Odile Saugues)
visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les
compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (Sénat, Proposition de Loi n°2186 du 21 déc. 2009 (1)). Il est apparu
clairement qu’il existe un décalage entre la liste noire communautaire
et les « listes » nationales : une compagnie aérienne peut en effet
être interdite de vol au sein de l’un des Etats membres et continuer à
voler dans les autres pays de l’Union Européenne, faute d’inscription
sur la liste noire communautaire (Rev. Dr. transp. Févr. 2010, Alertes
17, pp.4 et 6). Pourtant, et quoi qu’il en soit, l’on ne saurait méconnaître une réelle efficacité aux listes noires. Leur intérêt n’est pas en soi
de générer des interdictions, mais d’améliorer la sécurité aérienne par
leur caractère incitatif. Le Ministre interpellé au Parlement souligne,
à ce propos, que depuis sa mise en place en 2005 la publication de
la liste noire communautaire et sa mise à jour trimestrielle ont ainsi
permis d’augmenter nettement la sécurité des passagers. Le processus
d’interdiction de certains transporteurs aériens sur le territoire communautaire repose sur les décisions du Comité de sécurité aérienne.
Tous les trois mois ce Comité étudie, sur la base des propositions des
Etats, l’inscription ou le retrait, partiel ou total, des compagnies identifiées par différentes sources (inspections au sol, audit des autorités de
surveillance…) comme présentant de potentiels défauts de sécurité.
Ce processus est et doit demeurer strictement communautaire, si bien
qu’un Etat européen ne peut unilatéralement mettre une compagnie
aérienne sur une liste d’interdiction nationale. L’harmonisation doit
donc passer par un respect collectif et volontariste de la liste communautaire.
14• Coopération Euro-Africaine en matière d’aviation civile
– Sécurité aérienne et Coopération technique, industrielle et
commerciale
La première conférence Euro-africaine sur l’Aviation civile s’est tenue
du 2 au 3 avril 2008 à Windhoek en Namibie sous les auspices de
la Commission Européenne et de l’Union Africaine, avec pour objectif « d’établir un dialogue politique sur les questions essentielles
que pose l’Aviation civile en matière de sécurité et de coopération
technique, industrielle et commerciale » (…). Cette heureuse initiative est à mettre au crédit du Vice-président de la Commission Européenne chargé des Transports, M. Antonio TAJANI, et du Commissaire
de l’Union Africaine chargé des Infrastructures, Dr Elham IBRAHIM, et
elle a ensuite a été réaffirmée lors du Sommet de l’UA à Addis Abeba
en février 2009. Cette idée est partie du constat que l’aviation civile
s’est considérablement développée ces dernières années et permet
de renforcer les liens culturels et économiques entre l’Afrique et l’Europe. Comme le soulignent les organisateurs, cette conférence, avait
pour but « d’établir un dialogue politique sur les questions essentielles
que pose l’aviation civile en matière de sécurité et de coopération
technique, industrielle et commerciale et de prévoir une feuille de
route pour une future coopération renforcée dans ce domaine ». Les
questions abordées concernaient notamment les nouveaux développements du marché et de la réglementation de l’aviation civile en
(1) www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2186.asp
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
Afrique et dans l’Union Européenne, les tendances du marché de l’industrie aéronautique, la sécurité aérienne, les besoins et potentialités
des infrastructures aéroportuaires, la gestion du trafic aérien et la coopération technologique et industrielle dans ce domaine, l’impact environnemental et les différentes perspectives de développement de
la coopération euro africaine en matière d’aviation civile (v° sur cette
importante initiative, v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA,
Nouvelle série n°5, Juillet 2009 et Agence Gabonews).
15• Renforcement de la coopération entre l’Union Européenne et l’Afrique en matière de transports
A l’occasion du forum Euro-africain tenu à Naples les 21 et 22 octobre
2009, la Commission européenne a manifesté son intention de renforcer la coopération entre l’Union européenne et l’Afrique dans le
domaine des transports. En effet, le Vice-président de la Commission
chargée des transports, M. Antonio TAJANI a constaté que la faiblesse
des infrastructures et des services de transport en Afrique est de nature à entraver son développement commercial. Selon lui, « un système
de transport efficace est indispensable pour accélérer ce processus ».
Constatant que l’Afrique n’est pas en mesure de faire face seule à
ces défis, il souligne qu’au contraire l’Union européenne dispose d’une
expérience en la matière, notamment grâce au système RTE-T (Réseau Transeuropéen de Transport). Afin d’encourager le développement des transports, la Commission européenne élaborera donc un
« Plan d’action » avec ses partenaires européens afin d’examiner, sur
une base permanente, les moyens d’amélioration et de renforcement
les liaisons de transport entre l’Afrique et l’Union européenne. Ce plan
devrait être rédigé avant la fin de l’année 2010 (Source : Comm. UE,
communiqué, IP/09/1560, 22 oct. 2009, adde : Rev. Dr. Transp. Déc.
2009, Veille, n°127, p.3). Cet outil de planification et de renforcement
de la coopération euro-africaine vient à point nommé…
16• Navigation fluviale – RD Congo - Insécurité –Naufrage d’un
bateau – Catastrophe fluviale – Surcharge et méconnaissance
de règles de sécurité
Après l’amoncellement inquiétant des crashs d’avions qui ont placé, au
cours des dix dernières années, ce pays en tête de peloton en matière
d’insécurité dans les transports aériens, la RD Congo va-t-elle devenir
également la championne des catastrophes et de l’insécurité de la
navigation fluviale ? On pourrait s’en inquiéter. Et pour cause…
Au moins 140 personnes ont péri noyées, le 28 juillet 2010, lors du
naufrage d’une embarcation transportant des passagers et des marchandises sur une rivière dans l’ouest de ce pays, région où les accidents de ce type sont fréquents en raison notamment de la surcharge
des bateaux. Ce bateau transportait officiellement 180 passagers, et
il n’est pas interdit de penser qu’il y en ait eu davantage (et corrélativement davantage de victimes) quand on mesure ici l’ampleur généralisée et démentielle du transport des passagers clandestins. Selon
les premiers éléments de l’enquête, seuls deux enfants ont survécu
au drame. Le naufrage s’est produit sur la rivière Kasaï, un affluent du
fleuve Congo, qui traverse sept des onze provinces de la RD-Congo, du
Bas-Congo (sud-ouest) au Katanga (sud-est) en passant par la province
Orientale (nord-est). L’embarcation, une baleinière qui transportait des
passagers et des marchandises, était partie de la localité de Mushie,
située à une trentaine de kilomètres de Bandundu, chef-lieu de la province du même nom, en direction de Kinshasa. D’après le porte-parole
du Gouvernement congolais (v° Le Point, 30 Juillet 2010), l’accident
s’est produit très exactement dans la localité de Mangutuka, à la limite
du Bandundu, lorsque la baleinière a « percuté des bancs de sable ».
Cette autorité (avant même la publication des Rapports d’enquête) a
mis en cause « la négligence du commandant de bord » qui aurait
accepté « la surcharge de passagers et de marchandises ». C’est le lieu
de rappeler ici qu’en fin novembre 2009, pas moins de 73 personnes
avaient déjà été tuées lors du naufrage de deux barges attachées
l’une à l’autre sur le lac Mai-Ndombe, dans cette même province de
296.000 km2, arrosée par plusieurs cours d’eau. Le transport fluvial est
l’un des plus usités en RDC, qui dispose de nombreux lacs et rivières.
Avec ses 4.700 kilomètres, le fleuve Congo est le plus important cours
d’eau de ce pays, où les naufrages sont fréquents. Outre la surcharge
des embarcations, les causes des accidents proviennent aussi très souvent du mauvais balisage des voies navigables, de l’absence de signalisation des bateaux et de l’inexpérience des pilotes. Enfin, la plupart
des embarcations ne remplissent aucune condition de sécurité (gilets,
bouées de sauvetage, signalisations lumineuses, etc.). L’on peut, dans
ces conditions, s’interroger fortement sur l’applicabilité et l’efficacité,
en ce pays, du Code de la navigation intérieure en zone CEMAC et en
RDC élaboré et adopté par le Règlement communautaire n°14/99/
CEMAC-036-CM-03 du 17 Décembre 1999.
Rappelons que cet important Code communautaire applicable aux six
Etats de la CEMAC (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale, RCA
et Tchad) ainsi qu’à la RD-Congo comprend pas moins de 155 articles dont bon nombre se préoccupent fortement de la sécurité de la
navigation dans les fleuves, lacs, rivières et canaux. Ainsi le Titre 2
(art. 3 à 17) se consacre à la sécurité dans les « voies de navigation
intérieure » ; le Titre 3 (art.18 à 74) aborde amplement la sécurité
proprement dite des « bâtiments de navigation intérieure » ; le Titre
4 (art.75 à 113) s’intéresse à la place et au rôle du « Personnel navigant », conscient de l’importance du facteur humain dans la sécurité
de la navigation. Quant aux Titres suivants, ils fixent et organisent respectivement les « Règles de route et de stationnement » (Titre 5, art.
114), la « Police sanitaire » (Titre 6, art.115 à 123), les « Dispositions
relatives à l’environnement » (Titre 7, art.124 à 130), « L’inspection
de la navigation intérieure » (Titre 8, art.131 à 141), ou encore « Le
régime disciplinaire et pénal » (Titre 9, art. 142 à 151), sachant que la
répression est souvent le meilleur gage du respect et de l’application
des normes juridiques. Alors la question mérite d’être posée devant
tant d’accidents : à quoi sert donc le Code communautaire de la navigation intérieure en zone CEMAC et en RDC ?....
17• Activités maritimes – Métiers de la mer – Formation – Accord France / Tunisie – Accord de Tunis de 2008
A l’image de la Convention STCW et d’autres textes de l’OMI et de l’OIT,
la réglementation internationale met régulièrement l’accent sur l’importance de la formation des gens de mer et des personnels engagés
dans les activités maritimes et portuaires. Or celle-ci n’est pas toujours
possible dans les pays en développement faute de moyens ou faute
de cadres formateurs de haut niveau. La coopération internationale
reste alors la meilleure solution. Un important accord en matière de
formation aux métiers de la mer a été signé le 12 février 2010 entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République tunisienne (Accord de Tunis du 30 avril 2008, publié par
Décret n°2010-133 du 10 février 2010, JORF 12 févr. 2010, p.2526).
Les deux Parties s’y sont engagées, considérant d’une part, l’évolution
du contexte mondial dans le secteur maritime et particulièrement celui de la flotte marchande, qui doit s’adapter à l’augmentation du trafic
maritime et doit faire face à une pénurie en personnel naviguant,
estimée à plus de 40.000 officiers pour armer la flotte mondiale ;
et considérant d’autre part, la situation particulière de la Tunisie, qui
entreprend une importante réforme dans les secteurs du transport,
du tourisme et de la pêche et se lance dans une politique de grands
projets maritimes tels que le port en eau profonde d’Enfidha et la
construction de marinas. Cet Institut a pour vocation de dispenser une
formation professionnelle théorique et pratique, initiale et continue.
Il a également pour vocation d’assurer la responsabilité de (i) l’ingénierie de la formation, (ii) la conception et le développement de
programmes de formation spécifiques aux métiers de la mer et de (iii)
l’élaboration des outils pédagogiques nécessaires à l’apprentissage en
milieu maritime et portuaire. Il aura, par ailleurs, une mission de facilitation d’insertion des nouveaux diplômés dans la vie professionnelle.
Les profils des formations pourront être de niveau pré et post bac,
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
pour former des techniciens de niveau BTS, BTP et CAP ainsi que des
formations complémentaires et spécifiques STCW et des petits brevets
de navigation maritime.
Des complémentarités seront recherchées avec les structures tunisiennes de formation maritime notamment pour augmenter le nombre
d’officiers navigants formés en Tunisie pour la satisfaction des besoins
notamment nationaux et européens. Par ailleurs, des synergies seront
recherchées avec les structures françaises de formation dans le domaine maritime (formation de formateurs, envois de stagiaires tunisiens
en France, convention d’utilisation de simulateurs de formation...).
18• Criminalité en mer - Piraterie et attaques à main armée
contre les navires – Union Européenne - Politique communautaire – Mesures d’auto protection et de prévention – Recommandations
La politique de l’Union Européenne en matière de lutte contre les actes de piraterie maritimes et les attaques à main armée contre les
navires est en constante amélioration, par souci d’efficacité et de
réalisme. L’on connaissait déjà l’opération militaire NAVFOR-Atalanta
visant à dissuader, prévenir et réprimer lesdits actes au large des côtes
de Somalie, et qui va se prolonger jusqu’au 13 décembre prochain.
Au-delà de cette opération incontestablement efficace, mais sûrement
perfectible, la Commission Européenne recommande parallèlement
aux Etats membres de porter à la connaissance des opérateurs maritimes les Circulaires OMI d’autoprotection (Comm. Recommandation
2010/159/UE, 11 mars 2010 relative aux mesures d’autoprotection
et de prévention des actes de piraterie et des attaques à main armée
contre les navires, JOUE n° L 67, du 17 mars 2010, p.13). Comme le
rappelle notre collègue Loïc GRARD, il s’agit d’un véritable « roadmap »
en cas d’attaque et/ou d’intervention militaire, à respecter avant de
traverser le Golfe d’Aden ou de transiter par les eaux somaliennes.
Le schéma retenu voudrait que la gestion du risque revienne d’abord
à celui qui y est exposé. De manière plus globale, la sûreté maritime
doit passer par la préparation des opérateurs aux dangers auxquels ils
sont exposés. Il convient cependant de souligner, avec notre collègue,
que les textes de l’OMI sont non obligatoires, et c’est bien la raison
pour laquelle la Commission européenne se contente de les recommander (v° Loïc GRARD : « L’autoprotection des navires contre les
actes de piraterie », Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm. 116, p.31).
19• Sécurité de la navigation maritime – Epaves dangereuses
– Collision avec un navire en circulation – Côte d’Ivoire – Port
d’Abidjan – Police portuaire - Problèmes juridiques
Un navire battant pavillon portugais en provenance de Malte a heurté, le 27 juillet 2010, une épave dans l’enceinte du port d’Abidjan
en Côte d’Ivoire. Le « Blumarlin » - c’est le nom du navire - a été
très gravement endommagé et a subi d’importantes voies d’eau. Ce
navire, un vraquier, a pu tout de même accoster aux quais 10 et 11.
Des plongeurs ont été sollicités pour vérifier l’ampleur des dégâts. Cet
incident a créé une sorte d’émoi dans le milieu portuaire où l’on n’ose
imaginer, après l’affaire du Probo-Koala, l’ampleur de la catastrophe si
ce navire contenait des produits dangereux comme le pétrole ou les
produits chimiques. Les agents des affaires maritimes et portuaires
dont la mission est de procéder à l’inspection technique de la navigabilité en ce qui concerne la conformité aux règles environnementales,
sécuritaires et de sûreté tout comme les gendarmes étaient également sous le choc. Beaucoup de spécialistes et observateurs de la vie
maritime ivoirienne marquent leur étonnement devant cet accident
que l’on aurait sans doute pu éviter. En effet, comme le fait remarquer un journaliste averti, Lanciné BAKAYOKO, l’épave aurait dû être
enlevée pour être jetée au cimetière des bateaux ou tout au moins
parquée dans la zone balisée. Aussi s’interroge-t-il sur l’éventualité
de la mise en cause de la responsabilité de l’autorité portuaire qui a
la charge de créer les conditions favorables au débarquement et à
l’embarquement des navires de commerce sur la plate-forme abidja-
Juillet 2010 • N°2
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naise. Une négligence d’autant incompréhensible, à ses yeux, que le
Port Autonome d’Abidjan a été admis, il y a quelques mois, à peine,
au code ISPS qui consacre sa certification. Beaucoup plus révoltant, à
son avis, est qu’un pilote commis par le port se trouvait à bord pour
aider le Capitaine du navire à accoster sans problème et qu’en outre,
en Côte d’Ivoire, n’existe pas (semble-t-il) de commission d’enquête
permanente pour statuer sur de tels manquements…
Cette affaire qui a fait plus de peur que de mal ne doit pas, en effet,
être négligée et doit fortement interpeller les autorités maritimes et
portuaires ivoiriennes et africaines sur la problématique de la gestion
des épaves dangereuses ou polluantes et la question de leur enlèvement. L’on sait à quel point la gestion de telles épaves est devenue très
préoccupantes dans un grand nombre de pays africains. Les Etats doivent donc veiller à se doter de législations appropriées en ce domaine
et s’investir résolument dans les opérations d’enlèvement de telles
épaves dans leurs eaux sous juridiction nationale. C’est aussi le lieu de
rappeler qu’un texte international a été adopté ces dernières années
en ce domaine, et sous l’égide de l’OMI, pour aider les Etats côtiers à
mieux gérer de telles épaves, notamment celles situées au-delà de la
mer territoriale. Il s’agit de la Convention de Naïrobi du 18 mai 2007 sur
l’enlèvement des épaves (v° sur l’analyse de ce texte, Adeline JUDE :
« L’enlèvement des épaves », Mémoire DESS Droit maritime et Transports, Université Aix-Marseille III, Année 2007-2008 ; Jean-Luc HALL :
« Les menaces des épaves maritimes et la Convention internationale
de Naïrobi sur leur enlèvement », 14ème Journées d’information du CEDRE, INHES La Plaine St-Denis, 5 mars 2009). Cette Convention répond
aux multiples préoccupations des Etats côtiers lorsqu’une épave qui se
trouve dans leur zone économique exclusive constitue un danger pour
la navigation ou l’environnement. Elle précise les droits et obligations
des Etats pour l’enlèvement de telles épaves et veille notamment à
ce que les armateurs demeurent strictement responsables des coûts
afférents au marquage et à l’enlèvement de toute épave dangereuse
ou polluante. Cette Convention constitue ainsi le premier instrument
international qui prévoit une responsabilité absolue, une assurance
obligatoire et une action directe en ce qui a trait aux épaves situées
au-delà des eaux territoriales des Etats côtiers. Elle mérite pour toutes
ces raisons de retenir très amplement l’attention des Etats africains et
de l’ensemble de la communauté internationale.
20• Immigration clandestine par voie maritime – Trafics illicites et criminels - Golfe de Guinée – Navire étranger – Mesures de police et d’enquêtes des Etats côtiers – Compétences
pénales
Le VM Sharon, battant pavillon guinéen et dont le port d’attache est
Conakry, aurait appareillé au Bénin fin septembre et a été arraisonné,
le 18 octobre 2009 au large de Libreville, avec près de 200 immigrés
clandestins, avant d’être reconduit hors des eaux territoriales gabonaises en vue de son retour au Bénin. Selon les autorités béninoises qui
ont ouvert une enquête, le nombre de passagers interceptés à bord de
ce navire était de 187 hommes et femmes, dont deux mineurs. Parmi
eux figuraient 83 Béninois, 57 Togolais, 16 Maliens, 18 Burkinabès,
7 Sénégalais, 4 Ghanéens et 2 Ivoiriens. Les enfants présents à bord
du navire avaient été immédiatement débarqués au Gabon (v° Info
Coordination marée noire, 1er novembre 2009).
Cette affaire soulève la délicate et chronique problématique des circuits d’immigration clandestine sur les côtes ouest africaines et qui
cachent souvent d’autres activités criminelles (esclavage d’enfants,
ramassage d’enfants-soldats ou de travailleurs illégaux, filières de
prostitution féminine ou de pédophilie, complicités des forces publiques et de certaines autorités dans divers trafics, etc.). Inversement,
les mesures d’arraisonnement et d’enquête déployées par les deux
Etats côtiers visités démontrent que la plupart des autorités maritimes
locales demeurent vigilantes dans la sous-région. Malgré tout, cette
affaire atteste de l’ampleur désespérante de certaines activités illicites attentatoires aux Droits de l’homme dans les espaces maritimes
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Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations
africains, et elle confirme malheureusement l’inanité locale des textes
juridiques nationaux, internationaux ou communautaires face à ces
phénomènes criminels.
Il est en effet à noter que nombre d’Etats de cette sous-région ont
bien ratifié la Convention de Montego Bay de 1982 sur le Droit de
la mer qui permet d’apporter des réponses juridiques efficaces à ces
situations. Rappelons que l’article 27 autorise l’Etat côtier à exercer sa
juridiction pénale sur les navires étrangers (avec arrestations et instructions pénales) en présence de certaines infractions ou en cas d’atteinte à l’ordre public ; l’article 33 régissant la zone contiguë autorise
l’Etat côtier à y exercer les contrôles nécessaires en vue de prévenir
et de réprimer toutes infractions en matière douanière, fiscale, sanitaire, et d’immigration. L’Article 99 portant interdiction de transport
d’esclaves dispose que « Tout Etat prend des mesures efficaces pour
prévenir et réprimer le transport d’esclaves par les navires autorisés
à battre son pavillon et pour prévenir l’usurpation de son pavillon à
cette fin… ». Les articles 100 et suivants incriminent et combattent la
piraterie, tandis que l’article 108 organise la lutte et la répression contre les trafics illicites de stupéfiants et de substances psychotropes. La
même Convention prévoit de nombreuses autres mesures juridiques
concrètes contre ces différents phénomènes criminels, et notamment
un droit de visite du navire étranger (article 110) et un droit de poursuite (article 111) par des navires de guerre (Pour une illustration dans
les eaux africaines, v° Cass. crim. 29 avril 2004, Juris-Data n°048146,
DMF nov. 2009, p.922, obs. Alexandra BELLAYER-ROILLE, à propos d’un
cas de Trafic de stupéfiants en mer au large de la Guinée-Conakry,
avec arraisonnement par un bâtiment de guerre français, suivi de déroutement et de détention à bord). Enfin, signalons également que les
pays du Golfe de Guinée membres de la CEMAC ont à leur disposition
un Code communautaire de la marine marchande élaboré en 1994 et
révisé en 2001 (et actuellement à nouveau en cours de révision) qui
complète ces différents moyens d’action (v° notamment sur les passagers clandestins, chap. IV- Articles 435 et suiv.). Les outils juridiques
sont donc bien disponibles en Afrique et prêts à l’emploi. Le reste
relève du volontarisme politique des Etats…
21• Règles de Rotterdam – Quel avenir en Afrique et dans le
monde ?
Discussions et rencontres internationales se multiplient sur l’accueil,
par les milieux scientifiques et professionnels, des Règles de Rotterdam adoptées par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 12 décembre 2009, et ouvertes à la signature des Etats le 23 septembre
2009, et sur l’avenir de cette Convention dans le concert des Nations.
Entre 2009 et 2010 plusieurs colloques, séminaires ou conférences se
sont déjà tenus en Afrique sur cette importante Convention dans des
villes emblématiques (Alexandrie, Casablanca, Alger, Cotonou, Dakar,
Yaoundé… et bientôt Douala en novembre 2010). On se souvient que
parmi les premiers signataires de cette nouvelle Convention figuraient
(en septembre 2009) une majorité d’Etats africains : 11 sur 21 (voir
Tableau ci-dessous). Après ce premier mouvement de sympathie, le
sentiment général qui semble actuellement se dégager à travers le
continent, au fil des rencontres, nous paraît plutôt être celui de la prudence et de l’attentisme, même si l’on a pu noter quelques positions
franchement réservées voire hostiles à ce texte en Afrique du Nord (v°
par exemple Dossier : « Les Règles de Rotterdam, un autre marché de
dupes concocté par les puissances maritimes ? » in Le Phare, Journal
des Echanges internationaux, des transports et de la logistique, n°131,
Mars 2010 ; adde : « Séminaire sur les Règles de Rotterdam à Casablanca », v° spéc. pp.10 et suiv.).
De son côté le continent européen se concerte également amplement
(en Espagne, en Finlande, en Suisse, en Angleterre, en Italie, etc, et
bien sûr… en France).
A travers la plume avertie de trois personnalités reconnues dans le
monde juridique des transports, la « Revue de Droit des transports »
éditée par le Juris-Classeur LexisNexis a dressé des comptes-rendus du
Colloque organisé du 20 au 21 mai à Marseille par l’Institut Méditerranéen des Transports maritimes sur ce texte (v° Philippe DELEBECQUE
et Valérie MAYER-BLIMONT : « Les Règles de Rotterdam seront-elles
les règles du Droit maritime du XXIème siècle ? », Rev. Dr. des transp.
Juill-Août 2010, Alertes, Focus 66, p.3 ; Laurent FEDI : « Les Règles de
Rotterdam : le droit des transports maritimes du XXIème siècle – Synthèse du Colloque IMTM des 20 et 21 mai 2010, Rev. Dr. transp. sept.
2010, Etude 9, p.11, 8 pages).
De cette rencontre marseillaise il semble se dégager un sentiment paradoxal que résument bien les deux premiers signataires : « si l’unanimité se fait aisément sentir sur l’importance que revêt aujourd’hui le
texte dans le cadre de l’unification du droit international de transport
de marchandises (le 1er jour des débats), en revanche les doutes, les
interrogations, les oppositions sont chez certains, fortes quant à sa ratification dans le contexte actuel (le 2ème jour) ». Ces auteurs observent
également que tandis que les juristes « maritimistes » (F.BERLINGIERI,
G. VAN ZIEL, A.VON ZIEGLER, S.ZUNARELLI, Ph.DELEBECQUE) soutiennent
les Règles de Rotterdam et font observer qu’elles sont de nature à moderniser considérablement le droit positif et à régler de nombreuses
questions difficiles,… en revanche chez les praticiens les opinions sont
plus tranchées. Les deux comptes-rendus présentent des sensibilités
et des convictions parfois assez différentes mais semblent en définitive s’accorder sur un point : s’agissant des perspectives de ratification,
à part l’Espagne (qui a d’ores et déjà signé et ratifié la Convention) et
les deux géants asiatiques (Chine et Corée) qui semblent vouloir se
décider, « la prudence et l’attentisme sont plutôt de mise » (Allemagne, Belgique, Maghreb, Ligue Arabe…). Et c’est bien pour cette raison que les partenaires les plus convaincus se mobilisent aujourd’hui
et sillonnent, à juste titre, de nombreux pays du monde (y compris
l’Afrique) pour tenter d’emporter la conviction des plus hésitants. En
Afrique un véritable débat et des études approfondies s’imposent,
comme dans toutes les autres régions du monde, car ce continent
dont la marine marchande se trouve actuellement en plein naufrage a
vraiment besoin d’être éclairé et de prendre le temps de la réflexion…
avant de se décider de franchir le dernier cap. Procéder autrement
serait totalement irresponsable ou suicidaire …
État
Arménie
Cameroun
Congo
Danemark
Espagne
États-Unis d’Amérique
France
Gabon
Ghana
Grèce
Guinée
Madagascar
Mali
Niger
Nigéria
Norvège
Pays-Bas
Pologne
Sénégal
Suisse
Togo
Signature
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29/09/2009
23/09/2009
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Au moment où nous mettons cette Revue sous presse, deux nouveaux
Etats se sont ajoutés en 2010 : le Luxembourg et la RD-Congo (soit un
total de 23 Etats signataires, dont 12 africains).
(Source : CNUDCI)
Nantes, Eté 2010
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Thèses soutenues
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Thèses en préparation
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Côte d’Ivoire
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Thèses et mémoires soutenus
Le Mémorandum d’entente d’Abuja et le renforcement
de la sécurité des transports maritimes en Afrique
par Amour Christian ZINSOU
Résumé : Le « Mémorandum d’entente d’Abuja pour le contrôle des navires par l’Etat du
port dans la région de l’Afrique de l’Ouest et
du Centre » a été signé le 22 octobre 1999 à
la 3ème réunion sur la coopération en matière
de contrôle des navires par l’Etat du port. Sur
19 Administrations maritimes ayant participé
aux deux réunions préparatoires, 16 représentants des Administrations maritimes ont signé
ce qu’il convient d’appeler désormais l’acte
de naissance de la grande concertation de la
sous-région en matière de contrôle des navires par l’Etat du port. La naissance du MOU
d’Abuja consacre en Afrique les compétences
de l’Etat du port en matière de contrôle des
navires étrangers. C’est le développement du
droit international qui a favorisé cette évolution qui tempère le principe séculaire de la loi
du pavillon auquel le navire obéissait depuis
lors et qui n’a pas toujours bien fonctionné.
Le MOU d’Abuja institue donc clairement le
« port state control » qui consiste à en une
visite à bord du navire en vue de vérifier la
validité des certificats et autres documents appropriés aux fins du Mémorandum, ainsi que
l’état du navire, de son équipement et son
équipage et les conditions de vie et de travail
de l’équipage. Il vise également la protection
de l’environnement par le respect des Conventions internationales. Ayant encore la nature
juridique de « soft law », le MOU d’Abuja rencontre de nombreux obstacles pour sa mise
en œuvre afin de réduire et d’éliminer les
navires sous normes qui fréquentent les ports
africains. Même s’il est un accord pertinent par
sa référence aux Conventions internationales
en matière de sécurité et aussi un instrument
de communautarisation du droit de la sécurité
maritime en Afrique, il reste néanmoins faiblement appliqué. Ne gagnerait-il pas à être
communautarisé comme l’a été celui de Paris
dans une politique commune africaine de la
sécurité des transports maritimes pour son
efficacité ?
Mots clés : Accidents maritimes - Administrations maritimes - Contrôle des navires Conditions de vie et de travail - Etat du port
- Mémorandum d’Abuja - OIT - OMI - Politique
maritime commune - Protection de l’environnement - Sécurité maritime - Sécurité des
transports maritimes - Sûreté maritime. ■
- Thèse soutenue publiquement le mardi 04 mai 2010,
Pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Nantes ; Discipline DROIT PRIVE
- Mention : Honorable.
- Jury : M. Martin NDENDE - Professeur à l’Université de Nantes (Directeur de la Thèse) ;
M. Antoine VIALARD - Professeur Emérite à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV (Rapporteur) ; Mme Cécile de CET-BERTIN - Maître de Conférences HDR à l’Université de Brest
(Rapporteur) ; M. Arnaud MONTAS - Maître de Conférences à l’Université de Brest ; M. Patrick CHAUMETTE - Professeur à l’Université de Nantes (Président du Jury) ; M. Martin-Parfait
Aimé COUSSOUD-MAVOUNGOU - Ministre Délégué à la Marine Marchande de la République
du Congo, Président en Exercice du Mémorandum d’Entente d’Abuja.
Le transporteur de fait, contribution à la théorie du transport
par Hamadi Gatta WAGUÉ
Résumé : La notion de « transporteur de
fait » a vu le jour avec la Convention de Guadalajara du 18 septembre 1961. Cette Convention est remplacée depuis 1999 par celle de
Montréal relative au transport aérien, laquelle
définit le transporteur de fait comme : « celui
qui, en vertu d’une autorisation donnée par le
transporteur contractuel, effectue tout ou partie du transport contractuel, mais n’est pas, en
ce qui concerne cette partie, un transporteur
successif au sens de la Convention de Montréal ; cette autorisation est présumée sauf
preuve contraire ». Bien que la notion ait été
conçue d’abord dans le transport aérien, elle
a fini par se généraliser aux autres modes de
transport. Ainsi, le transport maritime, fluvial
et ferroviaire se sont inspirés du modèle aérien en utilisant l’expression « transporteur
substitué » au lieu de « transporteur de fait ».
A l’heure actuelle, seul le transport routier ne
s’aligne pas sur les autres modes de transport
en matière de sous-traitance. Ce mode de
transport ne différencie pas le « transporteur
contractuel » et le « transporteur de fait ». En
un mot, le « transporteur de fait » se définit
toujours par rapport au « transporteur contractuel » et leur distinction s’inscrit dans le cadre
de la sous-traitance.
Mots clés : Transporteur de fait - transporteur
substitué - affrètement arien - affrètement
maritime - contrat de transport - transporteur
contractuel - agence de voyages - commissionnaire de transport - transporteur effectif
- transporteur réel - sous-traitance - sous-traiteur - sous-contrat - sous-commission - droit
aérien - transport fluvial - transport routier transport ferroviaire - transport maritime. ■
- Thèse soutenue publiquement le 28 novembre 2008,
Pour obtenir le grade de Docteur en Droit - Université Paris I Panthéon-Sorbonne
- Jury : M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université ParisI (Panthéon-Sorbonne) (Directeur de la Thèse) ; M. Alain GHOZ, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II (Rapporteur) et président du jury ; M. Thierry GRANIER, Professeur à l’Université d’Orléans (Rapporteur) ; Fabrice PRADON, Docteur en droit et avocat à la Cour.
La Communautarisation du Droit des Transports en Afrique :
le cas de l’Afrique de l’Ouest et du Centre
par Jean BIAMO
Résumé : L’importance du
transport dans le développement économique des Etats
de l’Afrique de l’ouest et du centre, a conduit
ses dirigeants, au lendemain des indépendances à mettre sur pied, de vaste chantiers de
communautarisation de leur droit des transports.
Les difficultés d’une telle entreprise, liées
d’une part au découpage du continent en de
nombreux Etats indépendants et souverains,
et d’autre part à une interprétation excessive
de la souveraineté, impose une réflexion sur
les techniques juridiques utilisées.
Cette thèse les examine tout en mettant en
exergue les imperfections susceptibles de
conduire à des idées nouvelles.
La communautarisation par harmonisation au
96/
Juillet 2010 • N°2
départ consacrés, consiste en un rapprochement des législations nationales totalement
différentes. Elle procède par la mise sur pied
des institutions et des politiques, favorables,
tout en tenant compte des influences des conventions internationales en la matière.
L’inefficacité d’une telle démarche face au défis imposés par le nouvel ordre économique
international, va amener les Etats à s’orienter
vers la communautarisation par unification,
caractérisée par l’apparition sur la scène, d’un
jurislateur communautaire ayant pour mission de confectionner de véritables normes
juridiques communautaires applicables directement et immédiatement à tous les sujets,
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
ce qui suppose la substitution aux normes
juridiques nationales, des normes juridiques
communautaires.
Mots clés : Communautarisation du droit des
transports - Harmonisation - Uniformisation Unification - Jurislateur communautaire - Normes
juridiques communautaires - Normes juridiques
nationales - Applicabilité et cohérences. ■
- Thèse de Doctorat en Droit soutenue publiquement le 10 novembre 2008,
Université de Yaoundé ll-SOA (Cameroun)
- Mention très honorable avec félicitations du jury
- Jury : Président : M. Victor-Emmanuel BOKALLI, Professeur à l’Université de Yaoundé ll-SOA.
Rapporteurs : M. Bernard-Raymond GUIMDO NDOGMO, Maître de Conférences à l’Université de
Yaoundé ll-SOA, et M. Jean GATSI, Maître de Conférences à l’Université de Douala.
Membres : M. Martin NDENDE, Professeur à l’Université de NANTES (co-directeur de la thèse)
et M. Magloire ONDOA, Professeur à l’Université de Yaoundé ll-SOA (co-directeur de la thèse).
Les politiques de transport routier dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique
centrale
par Jean-Calvin ROBENATE
Résumé : La Convention régissant l’Union
économique de l’Afrique centrale (UEAC) renferme les dispositions particulières dont l’objet
est d’harmoniser les politiques de transports.
Cela passe par l’ouverture des marchés nationaux des Etats membres aux opérateurs
économiques, la suppression des restrictions
à la libre prestation des services et d’établissement, l’interconnexion des infrastructures,
etc. A partir des critères de validité formelle,
factuelle et axiologique du droit, cette thèse a
pour objet d’analyser les contraintes qui handicapent ces politiques. Après avoir fait le constat des difficultés liées au choix de la technique
d’harmonisation des droits, l’étude se penche
sur les limites dues à la non-observation des
procédures d’admission des conventions dans
les ordres juridiques internes, à la faiblesse
des institutions, aux risques économiques,
financiers et politiques. Elle suggère qu’il est
nécessaire de remettre de l’ordre dans les
systèmes juridiques, grâce à une politique de
codification et, à terme, de rechercher la sécurité juridique, par l’uniformisation des règles
en présence. Enfin, face à la corruption, elle
prend position pour un devoir d’ingérence de
la Communauté internationale pour sécuriser
les ressources destinées à la modernisation
des infrastructures routières.
Mots clés : Libre circulation - libre concurrence - sécurisation du financement des infrastructures - contraintes juridiques - technique
d’harmonisation - codification du droit - uniformisation du droit - validité du droit - devoir
d’ingérence. ■
- Thèse de Doctorat en Droit soutenue publiquement le 22 octobre 2009,
Université Lumière Lyon 2
- Jury : M.le doyen PhIlippe BLACHER, Professeur de droit public à l’Université d’Avignon et
des Pays du Vaucluse (Rapporteur) ; M. Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, Professeur de droit public
à l’Université Jean-Moulin Lyon III ; M. Hervé ISAR, Professeur de droit public à l’Université
Paul Cézanne-AIx-Marseille (Rapporteur) ; M. Martin NDENDE, Professeur de droit privé à
l’Université de Nantes, directeur de l’Institut Eurafrique Export ; M. le doyen Olivier NEGRIN,
Professeur de droit public à l’Université Lumière Lyon II (Directeur).
Les instruments juridiques internationaux contemporains de lutte
contre la piraterie : le cas de la Somalie
par Nidhi MORIN
Résumé : Depuis que la communauté internationale a pris conscience de la nécessité
d’éradiquer le fléau qui met en péril la sécurité de la navigation maritime, la lutte contre
la piraterie au large des côtes somaliennes
s’organise à la fois sur le plan international
avec l’élaboration d’une réponse juridique à la
piraterie et sur le plan de la coopération inter
étatique et régional avec la mise en œuvre
des instruments juridiques internationaux.
La lutte contre la piraterie passe dans un premier temps par l’élaboration d’un cadre juridique cohérente et efficace. Celle-ci s’appuie
sur la Convention de Montego Bay qui fixe le
régime international général de la piraterie et
sur les résolutions du Conseil de sécurité des
Nations Unies ayant pour objet spécifique la
lutte contre la piraterie qui sévit au large des
côtes somaliennes.
Une fois la réponse contre la piraterie juridiquement organisée, ce sont les Etats qui vont
intervenir puisqu’ils sont chargés de mettre
en œuvre les instruments juridiques internationaux de lutte contre la piraterie. Cela se
manifeste par le déploiement de nombreuses
forces sur la base d’une coopération inter étatique. La lutte contre la piraterie mobilise aussi
les Etats riverains de la Somalie qui, sur la base
de la coopération, vont notamment adopter le
code de conduite de Djibouti qui fournit une
réponse régionale à la piraterie. Par ailleurs,
leur participation se manifeste sur le terrain
de la répression où ils jouent un rôle essentiel.
En effet, à travers la
conclusion d’accords
avec les Etats qui appréhendent des pirates, les Etats riverains de la Somalie se voient
confier la charge de les juger.
Mots clés : Convention de Montego Bay Compétence universelle - Convention pour la
répression d’actes illicites contre la sécurité de
la navigation maritime - Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies - Opération
Atalante - OTAN - Code de conduite de Djibouti
- Répression pénale des actes de piraterie Accords bilatéraux - Kenya. ■
Master 2 Droit et Sécurité des activités maritimes et océaniques
Mémoire sous la direction de Mme Valérie Boré-Eveno, maître de conférence
Université de Nantes - Faculté de droit et de sciences politiques
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
Juillet 2010 • N°2
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Thèses en préparation
La sécurité des passagers en Droit maritime
par M. AKOHOU, Doctorant à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes (Centre de Droit Maritime et
Océanique). Thèse de Doctorat, sous la direction de Martin NDENDE, Professeur à l’Université de Nantes (France).
Résumé : La question
de la libéralisation des
transports maritimes
internationaux résulte des mutations profondes en cours dans l’économie mondiale. Qu’elles soient restrictives ou incitatives, les interventions étatiques dans le transport maritime
n’ont pas réussi à ébranler ou du moins écarter
le libéralisme maritime qui est établi depuis
des siècles comme règle de référence.
La participation directe de l’Etat ou indirecte,
à travers ses émanations, au commerce maritime pose aussi un problème fondamental
de droit international, celui de savoir quelles
règles appliquer au fond aux relations de l’Etat
armateur, ou des sociétés d’Etat armateurs,
avec les tiers, qu’il s’agisse des règles de fond
ou de procédures applicables.
Bien que les armateurs aient eux-mêmes limité leur liberté sur des lignes régulières, en
concluant des conférences maritimes, et renonçant ainsi au modèle du free flow of shipping, les transports maritimes internationaux
ont connu des restrictions d’origine étatique
sous forme de réglementations unilatérales,
bilatérales ou multilatérales. Le développement récent au niveau de l’Union Européenne
est illustratif. Les transports maritimes inter-
nationaux évoluent progressivement vers des
pratiques concurrentielles et libérales.
La raison de cet état de choses est le désengagement commercial sinon économique de
l’Etat armateur. Les résultats de nos travaux
devront situer le droit maritime dans le nouveau rôle de l’Etat et le contexte nouveau dans
lequel participeront les acteurs du commerce
maritime.
Mots clés : transports maritimes – libéralisation – mutations – interventions étatiques
– commerce maritime. ■
Le transport multimodal des marchandises dans l’espace CEMAC
par Eulalie MAZIGUI NGOUE, Doctorante rattachée au Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO). Thèse en co-tutelle internationale,
sous la direction de MM. Victor-Emmanuel BOKALLI, Professeur et Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université
de Yaoundé-II (Soa, Cameroun), et Martin NDENDE, Professeur à l’Université de Nantes (France), Directeur de l’institut Eurafrique Export.
Résumé : Le 05 juillet 1996 à Libreville au Gabon, les six pays de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (en abrégé CEMAC) que sont le Cameroun, le Congo,
le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République
Centrafricaine et le Tchad adoptaient une convention Inter-Etats sur le transport multimodal
des marchandises s’exerçant dans leur zone
d’influence, laquelle est entrée en vigueur le
même jour. Le transport multimodal consiste
à acheminer des marchandises en vertu d’un
contrat unique, et en utilisant au moins deux
modes de transport soumis à des régimes juridiques différents, à partir d’un lieu situé dans
un pays où les marchandises sont prises en
charge par l’entrepreneur de transport multimodal jusqu’au lieu désigné pour la livraison
dans un pays différent. Cette convention de
Libreville qui est la seule de nos jours, de tous
les systèmes juridiques au monde, en termes
de droit positif applicable en la matière, sert
rarement, après plus d’une décennie d’existence, de base légale à une décision de justice ou
à une sentence arbitrale. Dans cette optique,
il en résulte le constat selon lequel, l’état des
lieux du transport multimodal des marchandises des pays d’Afrique Centrale se résume en
une absence d’influence de la convention sur
la pratique actuelle du transport multimodal
dans la sous-région. Par conséquent, il sera
question dans notre étude de présenter le
contenu de cette convention de Libreville de
1996, c’est-à-dire ses dispositions dans une
analyse critique, tout en démontrant concomitamment les conditions de sa meilleure applicabilité. Nous examinerons ainsi le contrat
de transport multimodal qui traite des parties
au contrat et du document de transport multimodal, de la responsabilité de l’entrepreneur
de transport multimodal qui traite du régime
de sa responsabilité et du contentieux de la
réparation en cas de litige , des avaries com-
munes et des questions douanières, tout en
mettant en exergue les failles et les faiblesses
de la pratique du transport multimodal dans la
sous-région, lesquelles pourraient néanmoins
être corrigées. Cette étude a pour finalité de
montrer que le développement du commerce
intracommunautaire des pays de la sous région Afrique Centrale, voire l’intégration de
leurs économies, ou plutôt la réalisation d’un
marché commun, objectif cher au traité de la
CEMAC, à travers la libre circulation des marchandises via le transport multimodal, est subordonné à la maitrise de son support juridique qui passe par sa connaissance.
Mots clés : Transport multimodal - CEMAC
- Afrique centrale - Convention inter Etats de
1996 - Contrats - Entrepreneur de transport
multimodal - Responsabilités - Contentieux Règles de Rotterdam - Commerce intra communautaire - Intégration régionale - OHADA ■
98/
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
Juillet 2010 • N°2
Vous trouverez dans vos journaux…
Sélection 2007 à 2009 (suite) (1)
• Continent africain (en général)
- ASECNA : « Le nouveau Plan stratégique
de l’ASECNA »
Dans la lignée des différents plans que l’ASECNA a pris la tradition de mettre en oeuvre
pour accomplir efficacement sa mission, le
Plan stratégique 2009-2013 est entré dans
sa phase d’exécution. Les fondements de ce
plan découlent des orientations stratégiques
approuvées par le Comité des Ministres du
11 juillet 2008 à Malabo. Après avoir situé
le contexte de son élaboration, ce Plan fait
l’état des lieux en procédant à un diagnostic
interne et externe de l’Agence, dégage une
vision pour l’horizon 2013, fixe les objectifs
stratégiques permettant la réalisation de la
vision, et définit la méthodologie de mise en
œuvre du plan stratégique. (v° Sécurité et
Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle
série n°5, Juillet 2009).
- ASECNA : « Les Centres africains de formation en Aviation civile tiennent leur
première conférence »
L’Ecole Africaine de la Météorologie et de
l’Aviation Civile (EAMAC), à Niamey, au Niger, a abrité la 1ère Conférence des Centres
Africains de Formation en Aviation Civile, du
17 au 19 février 2009. Cette rencontre placée sous le co-parrainage de la CAFAC et de
l’OACI fait suite à une recommandation 5/8
de la SRAN/AFI. Elle a enregistré la participation de 127 personnes provenant d’Etats,
institutions et centres de formation du continent africain, d’Europe et d’Asie (v° Sécurité
et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle
série n°5, Juillet 2009).
- ASECNA : « Signature d’un accord de coopération entre l’ASECNA et l’IATA »
Un accord de coopération a été signé à Dakar,
par MM Youssouf Mahamat, Directeur général
sortant de l’ASECNA et Giovanni Bisignani, Directeur général de l’IATA. L’accord ainsi signé
a pour objectifs essentiels l’intensification
de la coopération et des échanges en vue
de promouvoir l’amélioration de la sécurité
aérienne, le niveau de service, l’optimisation
des coûts des services fournis, et la modernisation des infrastructures au bénéfice des
compagnies aériennes. L’accord couvre plusieurs domaines importants, notamment la
formation, les infrastructures CNS et/ou la
mise en œuvre du plan de surveillance (plan
d’équipement) en adéquation avec le plan
de réalisation des infrastructures AFI et OACI
(v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009).
- ASECNA : « Symposium sur les nouvelles
solutions et technologies pour l’ATM à
Yaoundé »
Près de deux cent cinquante participants et
d’éminents conférenciers venus d’Afrique et
d’autres régions du monde ont répondu pré(1) Les articles recensés dans cette rubrique le sont
simplement à titre d’information et d’ouverture,
et les opinions qui y sont émises n’engagent
pas notre Revue.
sents au symposium sur les nouvelles solutions et technologies pour l’ATM (gestion du
trafic aérien) organisé par l’ASECNA du 22 au
24 octobre 2008, à Yaoundé. L’objectif majeur
de ce symposium international était de réfléchir sur l’instauration de nouvelles technologies susceptibles de mieux gérer les services
de la navigation aérienne. Autrement dit, préparer les centres d’exploitation de l’ASECNA à
s’intégrer progressivement dans le nouveau
contexte global de l’introduction du concept
Communication – Navigation – Surveillance,
en abrégé CNS, utilisé dans le cadre de la gestion du trafic aérien. Il s’agissait également de
répondre plus efficacement au besoin croissant du trafic aérien international par l’amélioration du niveau de sécurité des vols, celle
du niveau et de la qualité des services rendus
par l’agence. Objectif globalement atteint (v°
Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA,
Nouvelle série n°5, Juillet 2009).
- Mame Aly KONTE : « Pannes mécaniques,
erreurs de pilotages, climats... : Le ciel
encore plus fort que les avions »
Si le nombre d’accidents est passé dans le
monde de plus d’un millier en 1959 à quelques dizaines de crashs dans l’année, le risque est toujours là de voir un avion victime
de panne mécanique, de la foudre, ou encore de bombes. Cette étude fait le rappel
de quelques grands accidents pour les années 2000 et 2008, et montre que si l’Afrique détient quelques records, elle est encore
suivie par d’autres continents qui subissent
également des crashs tous les ans (v° Sud
Quotidien, 10 Juin 2009).
- Mame Aly KONTE : « Négligences techniques, avions et aéroports vétustes, amateurisme des compagnies...La sécurité
aérienne en danger en Afrique »
Après le crash de l’avion de la compagnie Air
France sur l’océan atlantique faisant un peu
plus de 200 victimes (228 passagers étaient
à bord), beaucoup de questions de posent
aujourd’hui à nouveau sur la sécurité des transports aériens. Même doté de grandes compagnies, le continent africain a encore du mal à
maîtriser la sécurité de la navigation aérienne.
Et les raisons ne sont pas simples à comprendre au regard du cumul de négligences notées
dans le montage des sociétés de transports
aériens. Si quelques grandes compagnies
(Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Royal Air
Maroc, South Africa Airways) semblent sortir
du lot en Afrique au sud du Sahara comme
dans le nord du continent, le ciel est encore
couvert par un nuage d’incertitudes pour nombre de sociétés d’aviation (v° Sud Quotidien,
11 Juin 2009).
- Frédéric MAURY : « Transport maritime
– La CMA-CGM revient en force sur le continent »
Après avoir racheté Delmas à Bolloré, le
numéro trois mondial investit dans sa filiale pour tirer parti de l’augmentation des
échanges avec la Chine... (Voir Jeune Afrique
n°2448 des 9-15 Décembre 2007, p.104).
- Jean-Michel MEYER : « Infrastructures :
un défi à 1000 milliards de dollars sur
dix ans »
Un Rapport sans concession de la Banque
Mondiale chiffre pour la première fois le coût
de la mise à niveau des infrastructures africaines : une facture de 930 milliards de dollars
sur dix ans et une longue liste de réformes.
Le constat est sans concession : l’état des
infrastructures (énergie, transports, eau, assainissement, technologies de l’information
et de la communication) est déplorable. Il ralentit la croissance de 2%, réduit la productivité des entreprises de 40%, et provoque des
surcoûts considérables. Dans les transports
routiers ces surcoûts tiennent davantage aux
marges colossales des transporteurs mais
aussi à l’état défectueux du réseau. Ces marges peuvent ainsi atteindre 60% à 160% en
Afrique centrale ou occidentale. (Voir Jeune
Afrique n°2550 des 22-28 Novembre 2009,
pp.80-81. Adde : Jeune Afrique n°2549 des
15-21 Novembre 2009, p.73).
- Ousmane SEMBENE : « Le docker noir »
De nombreux journaux ont rappelé, à la suite
de la disparition, le 9 juin 2007, de l’écrivain
et cinéaste de talent sénégalais SEMBENE
Ousmane, que ce dernier avait été l’auteur, en
1956, d’un ouvrage remarquable sur les dockers. Cet ouvrage raconte en effet un métier
que l’auteur a bien connu, puisqu’il fut docker au Port de Marseille à partir des années
1946... (Voir SEMBENE Ousmane : « Le docker
noir », Présence Africaine, Paris 1956).
• Afrique subsaharienne (en général)
- Cinéma : « Une affaire d’Etat »
Thriller en Françafrique… Un avion chargé
d’armes explose au-dessus du Golfe de Guinée et disparaît dans l’océan. Sa cargaison
était destinée aux rebelles d’un pays d’Afrique qui détiennent des otages français. L’affréteur de l’appareil, Victor BORNAND, un
conseiller officieux de l’Elysée, a été chargé d’obtenir leur libération en cette veille
d’élection présidentielle qui s’annonce serrée
dans l’Hexagone. C’est le début d’une affaire
d’Etat… Un thriller politique donc, qui relate
un épisode imaginaire (mais totalement improbable) des relations « françafricaines » du
dernier demi-siècle ». Avec une excellente
interprétation de Rachida BRAKNI et André
DUSSOLIER. Synopsis rédigé par Renaud de
ROCHEBRUNE, in Jeune Afrique n°2550 des
22-28 Novembre 2009, p.22.
- Christophe BOISBOUVIER : « Mali – Le
boeing de la coke »
Un avion cargo (sans doute un boeing 707)
venant du Venezuela et rempli de cocaïne
a atterri en plein désert. L’équipage s’est
volatilisé, ainsi que la cargaison. Après son
déchargement, le pilote n’a pas réussi à faire
redécoller sa machine. Les trafiquants ont
alors mis le feu à l’appareil pour effacer toutes traces. Restent d’embarrassantes questions pour les autorités de la région. (Voir
Jeune Afrique n°2550 des 22-28 Novembre
2009, p.35).
- Olivier MENOUNA : « Sur les routes de la
clandestinité »
En taxi-brousse, dans le désert ou à Ceuta et
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
Melilla… Pendant quatre ans, un journaliste
intrépide a sillonné les chemins clandestins
entre l’Afrique et l’Europe. Dans son livre, il
décrit les rêves, la détresse et la détermination de ces africains coincés au milieu de
nulle part, livrés aux passeurs, et tournés
vers une Europe qui s’éloigne. Un nouveau
commentaire de l’ouvrage de Serge DANIEL
intitulé « Les routes clandestines – L’Afrique
des immigrés et des passeurs», Hachette Littératures, 2008, 288 pages, 19 euros.
(Voir Africa International n°418 de Mars
2008, pp.78-79 - Pour un commentaire d’un
autre analyste, signalé dans notre Revue n°1
Juin /2009, voir Jeune Afrique n°2457 des
10-16 Février 2008, pp.95-97).
• Afrique du Nord et Méditerranée (en
général)
- Alain PIQUEMAL et Magalie LE HARDY :
« L’approche du droit international et
du droit communautaire en matière de
gestion intégrée des zones côtières :
applications à la Méditerranée ». (Voir
Annuaire de Droit maritime et océanique,
ADMO, Université de Nantes, Tome XXVI2008, pp.63 et suiv.).
- ISEMAR : « Enjeux maritimes et portuaires du détroit de Gibraltar »
Le détroit de Gibraltar est l’un des passages
obligés de la grande route maritime EstOuest du commerce international. Il fixe les
grands courants d’échange et les activités
littorales. Dans sa dimension Nord-Sud, il
occupe également une place stratégique visà-vis des flux humains et de marchandises
entre Europe et Afrique. Aujourd’hui c’est un
espace en redéfinition portuaire marqué par
de nouveaux projets et une restructuration
des arrière-pays, l’objectif étant que le seuil
maritime devienne une véritable porte. Cette
importante Note de Synthèse a été réalisée
à la suite d’une rencontre avec les autorités
portuaires de la baie d’Algeciras (APBA) et
de Tanger-Med, TMSA. (Voir Institut Supérieur
d’Economie Maritime, Saint-Nazaire, ISEMAR,
Note de Synthèse n°105, Mai 2008).
- Tullio SCOVAZZI : « The developments
within the « Barcelona system » for the
protection of the Mediterranean sea
against pollution ». (Voir Annuaire de Droit
maritime et océanique, ADMO, Université de
Nantes, Tome XXVI-2008, pp.201 et suiv.).
• Afrique de l’Ouest (en général)
- Cécile MANCIAUX : « Forte odeur de poudre… blanche »
Selon un rapport de l’Office international de
contrôle des stupéfiants, le trafic de cocaïne
ne cesse d’augmenter sans la sous-région.
La consommation aussi. (Voir Jeune Afrique
n°2462 des 16-22 Mars 2008, p.44 – V° aussi
sur ce même sujet, Jeune Afrique n°2452 des
6-12 Janv. 2008, pp.68-69, et ContinentalMagazine Panafricain, n°74 - Octobre 2008,
pp.56-63).
• Algérie
- Farid ALILAT : « Transport aérien – Pourquoi Air Algérie perd ses pilotes ? »
Malgré sa flotte moderne et ses bons résultats, la compagnie est confrontée à un exil de
ses commandants de bord. Enquête sur une
mystérieuse fuite de cerveaux du ciel … (Voir
Jeune Afrique n°2445 des 18-24 Novembre
2007, p.71).
- A.P.S. : « Santé des navigants - Nécessité
de conférer une dimension régionale au
CNEMPN »
Les spécialistes du Centre National d’Expertise
Médicale du Personnel Navigant (CNEMPN)
ont affirmé que les personnels de la navigation aéronautique et maritime militaire et
civile sont exposés aux risques de maladies
cardiovasculaires et rhumatismales et au diabète de 90 à 95% supérieurs aux travailleurs
des autres secteurs en raison de l’altitude
et de l’augmentation de la pression de l’air.
Ce centre a été créé en 1969 à Blida et été
transféré au nouveau siège de l’Hôpital Central de l’Armée de Ain Naâdja en 2004. Le
CNEMPN répond aux normes internationales
de l’Organisation Internationale de l’Aviation civile. Ce centre effectue 10 000 actes
d’expertises par an au profit des personnels
aéronautiques et maritimes et aux plongeurs
et sous mariniers. Sa capacité d’accueil est
actuellement de 24000 travailleurs aéronautiques et maritimes militaires et civils et peut
être élargie à 30 000. Son directeur, le Colonel Brahim SNOUSSI BRIKSI affirme la nécessité de conférer à ce centre «une dimension
régionale à l’avenir» eu égard aux moyens
techniques modernes et humains dont il dispose (v° La Tribune, 25 juin 2009).
• Angola
- « Sécurité aérienne et changement du
statut organique du Ministère des Transports »
Le Conseil des Ministres a adopté mi-juin
2009 à Luanda, le changement du statut organique du Ministère des Transports, en vue
de la création d’un « Bureau de Prévention et
d’Enquêtes des Accidents Aéronautiques ».
Cet organe d’appui technique aura comme
fonction de mener des enquêtes sur les accidents engageant des avions civils, de participer aux programmes et aux politiques de
prévention d’accidents, de mener des études
et de proposer des mesures préventives visant à réduire les accidents aériens. Son action s’inscrit dans le cadre de la Convention
de Chicago, selon laquelle l’enquête sur les
accidents aéronautiques doit être menée par
un organisme indépendant de l’autorité qui
régit l’aviation civile (v° Angola Press Agency, 25 juin 2009)
• Cameroun
- Georges DOUGUELI : « Yaoundé se résout
à enterrer la Camair »
Après avoir été placée en liquidation, la
Compagnie Nationale devait, par un ultime
soubresaut, reprendre ses vols le 22 mars
2008. Mais aucune solution n’ayant été trouvée pour une relance durable de l’activité, la
Compagnie a été finalement liquidée. Camair
c’est donc désormais du passé, mais le sort
de ses anciens 800 salariés continue de préoccuper. (Voir Jeune Afrique n°2463 des 2329 Mars 2008, p.94).
- Georges DOUGUELI : « Ports – Douala à
l’heure du guichet unique »
Juillet 2010 • N°2
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Créé en 1999, le Guichet unique des opérations du commerce extérieur (Guce) regroupe, dans un même lieu, tous les intervenants
publics et privés impliqués dans l’accomplissement des formalités à l’importation ou à
l’exportation des marchandises au Port de
Douala. Brève présentation. (Voir Jeune Afrique n°2504 des 04-10 Janvier 2009, p.61).
- Muriel DEVEY : « A bord du Transcamerounais »
Voyage sur la ligne qui relie la capitale,
Yaoundé, à l’une des principales villes du
Nord, Ngaoundéré. Le train, chaque jour, est
bondé. Sur les raisons de cette sur-fréquentation et la problématique de la modernisation
des chemins de fer au Cameroun (Voir Jeune Afrique n°2504 des 04-10 Janvier 2009,
pp.71-73).
- Jean-Claude NOUMBISSIE : Sécurité routière « Douala-Yaoundé : l’axe de la mort »
Sur la route qui relie Douala et Yaoundé (dite
Axe-lourd…), frisson garanti à la vue des
nombreuses carcasses de véhicules broyés ou
calcinés. Accompagnant ce lugubre spectacle,
des panneaux sur lesquels on peut lire : « Ici
17 morts », « Ici 30 morts », « Ici 7 morts »…
Cet axe, surnommé « Massacre way », est
l’un des plus meurtriers du monde. (Voir Continental-Magazine Panafricain d’information,
n°66- Décembre 2007, pp.44-45).
- Jean-Claude NGNINTEDEM : « La gestion
portuaire au Cameroun : un enjeu de
compétitivité »
La gestion portuaire, outil de développement
– La gestion portuaire, outil stratégique de
compétitivité – La concession – Le contrat
BOT – Le crédit bail (Voir Annuaire de Droit
maritime et océanique, ADMO, Université de
Nantes, Tome XXVI-2008, pp.671 et suiv.).
- Dossier réalisé par Roger NGOH YOM :
« Quand l’Epervier s’attaque à l’Albatros »
L’opération anti-corruption et d’assainissement de la gestion des affaires publiques lancée en février 2006 s’attaque à ce qui est en
passe d’être le plus gros scandale de ces dernières années : l’Albatros, du nom de l’avion
présidentiel acquis en 2003 et qui n’aura été
utilisé qu’une seule fois par le Président de
la république. Une véritable affaire d’Etat…
(Voir Africa International, n°422, Août 2008,
pp.14-21). Sur cette même affaire, v° également, Afrique Education, n°272- du 16 au 31
Mars 2009, pp.6-7, et Jeune Afrique, n°2514du 15 au 21 Mars 2009, p.41).
- Jeanine FANKAM : « Le Port en eaux profondes de Kribi dévoile ses contours »
Pour la première phase de sa mise en œuvre, le port en eaux profondes de Kribi exige
la mobilisation de 282 milliards de francs.
Le futur port sera une infrastructure maritime de pointe sur la Côte ouest-africaine.
Il comportera un terminal à conteneurs, un
terminal fer, un terminal aluminium, un terminal hydrocarbures, et un terminal de cabotage régional. La portée de ce projet sur
l’économie camerounaise est certaine avec
une accélération fortement envisagée de
l’industrie nationale par la mise en exploitation de nombreuses ressources naturelles :
le fer, le cobalt, la bauxite, le nickel, etc. Il
aura, entre autres spécialités, le transport
des minerais et des marchandises particu-
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
100/ Juillet 2010 • N°2
lièrement lourdes, qui justifient la réalisation
de l’ouvrage afin de combler les lacunes du
port de Douala. Il sera assorti d’autres projets
d’accompagnement avec le raccordement
aux voies terrestre et ferroviaire. Il est à cet
effet prévu la construction d’un nouveau réseau routier et d’un tronçon de chemin de fer
Edéa-Kribi. En mai 2008, lors de la première
table ronde des investisseurs, le directeur du
développement financier des projets de la
BDEAC (Banque de développement des Etats
de l’Afrique centrale) avait proposé à l’Etat
du Cameroun de veiller à ce que le projet
du port en eaux profondes de Kribi porte le
label «Projet intégrateur de la CEMAC», un
label qui pourra avoir des incidences positives sur le développement de son ouverture
sur le marché. Et c’est pourquoi, il est aussi
prévu la construction d’un axe routier partant
de Kribi jusqu’à Kisangani en RDC (Sources :
Cameroon Tribune, 2 Mars 2009).
Le ministre des Domaines et des Affaires
foncières (Mindaf) a d’ores et déjà lancé sur
place les travaux de la Commission de constat
des droits et d’évaluation des biens dans le
cadre des travaux de lancement de cette importante infrastructure (v° Alliance NYOBIA :
« Port de Kribi - On pense compensations », Cameroon Tribune, 12 Mars 2009).
• Congo
- Arsène SEVERIN : « Pointe-Noire et ses
environs victimes de la pollution pétrolière »
Après les guerres civiles, le Congo a relancé
son économie basée essentiellement sur le
pétrole qui représente 90% des exportations
du pays. Mais la prospérité économique affecte l’environnement, notamment dans la zone
côtière de Pointe-Noire où les populations dénoncent la pollution des eaux, des sols et de
l’air (v° Inter Press Service, 18 Mars 2009).
• Côte d’Ivoire
- Marianne MEUNIER : « Marcel GOSSIO – Un
homme clé à la manœuvre »
Le Directeur Général du Port Autonome d’Abidjan s’appuie sur les bons résultats de la plus
importante plate-forme d’échanges internationaux de la région pour afficher de grandes
ambitions. (Voir Jeune Afrique n°2452 des 612 Janv. 2008, pp.68-69).
- Coulibaly SOULEYMANE : « Transports-CEDEAO - Le processus de la mise en œuvre
du plan d’action a démarré »
La Côte d’Ivoire a accueilli la réunion conjointe des Ministres des Transports de la
zone CEDEAO. Pour permettre au secteur des
transports de jouer efficacement son rôle de
support du développement économique et
d’accélérer l’intégration régionale en Afrique
de l’ouest, les différentes parties prenantes (Ministres des Transports/ Aviation civile/Infrastructures / Finances/ des Pdg des
compagnies aériennes de l’espace CEDEAO/
Bailleurs de fonds et partenaires au développement, etc.) se sont réunies à Yamoussoukro à la fondation Félix Houphouet-Boigny
autour d’un Plan d’action inspiré par le pays
d’accueil. Celui-ci prévoit la réglementation
de l’espace aérien de la région ; la création
d’une nouvelle compagnie aérienne sous-ré-
gionale qui devra collaborer avec celles déjà
existantes ; la création d’une compagnie maritime ; la levée des barrières routières ; la libéralisation des marchés du transport aérien,
etc (v° Fraternité Matin, 7 Juin 2009).
• Djibouti
- Samy GORBAL : « Infrastructures : Djibouti – Tête de pont »
Djibouti mise sur les services portuaires pour
s’imposer comme hub commercial international. Géré par Horizon Djibouti Limited
Terminal, filiale d’Emirates National Oil Company (ENOC, la société pétrolière publique
de Dubaï), le nouveau terminal pétrolier est
déjà opérationnel. Il en est de même de Doraleh, le grand port de transbordement et
d’éclatement. Dubaï comme modèle… (Voir
Jeune Afrique n°2446 des 25 Novembre-1er
Décembre 2007, pp.76-77).
• Ghana
- Tom MBAKWE : « We want oil to be a
blessing for all »
Ghana will joint the Club of global producers
in either late 2009 or early 2010 when production starts in the Tano Basin of the Gulf of
Guinea, off the coast of the Western Region
where significant oil deposits were discovered last year… (See New African n°472, April
2008, pp.36-37)
• Guinée Bissau
- Anne DISSEZ : « Plaque tournante du trafic de cocaïne ? »
La Guinée Bissau devient-elle un narco-Etat ?
L’inquiétude grandit en Afrique de l’ouest
face à l’extension dans la région de l’activité
des narcotrafiquants d’Amérique du sud. Le
trafic s’étend sur les îles des côtes bissauguinéennes mais aussi au large du Sénégal,
du Togo, de la Guinée et du Nigéria. (Voir
Continental – Magazine panafricain d’information, n°66, Décembre 2007, pp.28-29).
• Guinée Equatoriale
- Frédéric LEJEAL : « Transport - Comment
sécuriser le ciel ? »
Longtemps considérée comme vétuste,
la flotte des compagnies aériennes est
aujourd’hui soumise à un contrôle drastique.
(Voir Jeune Afrique n°2448 des 9-15 Décembre 2007, p.88).
• Ile Maurice
- Julien TUYAU : « Air Mauritius - Des pertes de Rs 3,8 milliards mais de l’optimisme »
L’exercice financier annuel d’Air Mauritius,
clos au 31 mars 2009, met en exergue les
conséquences du hedging sur le carburant
couplées à celles de la crise économique
mondiale. La compagnie affiche un résultat
net négatif de -84,343 millions d’euros soit
Rs 3,8 milliards, alors que le turnover est de
447 millions d’euro (près de Rs 22 milliards).
D’autres facteurs ont contribué à ce résultat,
à savoir, la baisse du trafic voyageur et aussi
le débouclage du hedging à hauteur de 40%,
ce qui équivaut à 50,8 millions d’Euros (Rs
2,3 milliards). Quant au turnover de la compagnie, on note une légère hausse de 0,2%.
Et cela, malgré la chute du taux de remplissage des avions. In L’Express 18 Juin 2009.
• Mali
- In Dossier spécial Mali : « Autorité routière du Mali : Les péages pour de bonnes routes »
Compte tenu de l’immensité du pays et de
sa position enclavée, le développement et
la compétitivité de son économie dépendent
plus qu’ailleurs de l’amélioration de l’efficacité du fonctionnement de son système de
transport. Le transport routier supporte l’essentiel des flux, environ 70% des échanges
extérieurs et plus de 90% des échanges
intérieurs. Pour contribuer à réaliser ce défi,
18 postes de péage sont prévus à terme par
l’Autorité routière du Mali qui se présente
comme un fonds d’entretien routier de 2ème
génération. (Voir Africa International n°418
de Mars 2008, in Dossier spécial Mali).
- Idem : « Désenclavement intérieur et extérieur du Mali – Les nouveaux chantiers »
Exposé des nouveaux chantiers du Gouvernement malien en matière de transport et
de désenclavement. (Voir Africa International n°418 de Mars 2008, in Dossier spécial
Mali).
• Maroc
- Leïla SLIMANI : « La guerre du kif »
Depuis 2004, les autorités mènent une lutte
sans merci contre le trafic de drogue, notamment la résine de cannabis. La Maroc reste
l’un des principaux producteurs mondiaux et
fournit à l’Europe 80% de sa consommation.
Scanners à rayons X, appareils à ultrason,
bateaux rapides, hélicoptères, 11000 personnes déployées pour quadriller les montagnes du Rif et les zones côtières. Objectif :
éradiquer sa culture d’ici à 2018. (Voir Jeune
Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009,
p.54).
• Mayotte (Immigration clandestine)
- Romain MEYNIER : « Traqués et exploités : l’enfer des boat people »
16 000 reconduites à la frontière en 2006
et au moins autant en 2007. Un nombre de
clandestins estimé à un quart de la population totale de l’île, près de 200 000 habitants. A Mayotte, sur ce bout de terre français de 374 km2 de l’Archipel des Comores,
au nord de Madagascar, l’immigration clandestine est un drame quotidien. A bord de
barques de résine, des milliers de Comoriens
tentent, au péril de leur vie, de rejoindre ce
nouvel Eldorado, rêvant de vie meilleure…et
pour n’y trouver que la peur des contrôles
de police et l’exploitation de leur misère sur
fond de tensions sociales et diplomatiques.
(Voir Africa International n°415, Décembre
2007, pp.51-55).
- Romain MEYNIER : « Patrouille avec la
brigade nautique de la gendarmerie Chasseurs de misère »
Sur le lagon, un des plus grands du monde,
les services de sécurité patrouillent presque
24 heures sur 24 à la recherche des « Kwassa-kwassa » (les barques de résines convoyant les candidats à l’immigration). Une
mission qui s’apparente plus à du sauvetage
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie
en mer qu’à une opération de police. (Voir
Africa International n°415, Décembre 2007,
p.56).
• RD Congo
- « Congo-Kinshasa : Situation désespérée
des Lignes Aériennes Congolaises »
En ce mercredi 15 avril 2009, l’opinion nationale croit rêver lorsque le ciel congolais,
envahi d’aéronefs dépourvus de l’identité
nationale, vibre sous les rugissements du
« Léopard Volant ». Le Boeing 737 acquis sur
fonds propres par les Lignes Aériennes Congolaises atterrit à l’Aéroport international de
N’Djili. Sur le tarmac, des milliers de patriotes
congolais, en communion d’esprit, pleurent
de joie en saluant fièrement la renaissance
d’un géant au coeur de l’Afrique. Le Ministre
des Transports et Voies de Communication
proclame solennellement le retour opérationnel définitif de la Compagnie aérienne
nationale dans la profession et annonce
d’autres acquisitions imminentes. Et après,
le cauchemar traumatisant revient avec plus
d’acuité. Deux mois après ces manifestations
euphoriques, le « Léopard Volant » prend
du plomb dans l’aile et se trouve cloué au
sol au lieu de sa réception grandiose dans
le hangar technique à l’aéroport de N’Djili.
Problèmes financiers ? Risques techniques ?
Handicap en ressources humaines disponibles et qualifiées ? Enquête… (v° Le Potentiel, 22 Juin 2009)
• RD Congo-Ouganda
- Marianne MEUNIER : « Et au milieu coule
une rivière »
Le cours de la Semliki, frontière entre la RD
Congo et l’Ouganda, a beaucoup dévié. La
région est riche en pétrole. Des réserves de
plus de 400 millions de barils ont été découvertes dans la zone, côté Ougandais. Les
deux pays n’arrivent pas à s’entendre sur un
nouveau tracé. L’affaire pourrait aller jusqu’à
la Cour internationale de justice… (Voir Jeune
Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009,
p.48).
• Sénégal
- Jean-Michel MEYER : « Sécurité aérienne
– Le Sénégal fait sécession… Jusqu’à
quand ? »
Dakar avait définitivement coupé les liens
avec l’ASECNA. Le pays voulait gérer seul
son espace aérien et s’approprier les redevances aéroportuaires. Un bras de fer risqué.
(Voir Jeune Afrique n°2471 des 18-24 Mai
2008, p.95 et p.9)
- Marianne MEUNIER : « Turbulences dans
le ciel sénégalais »
En annonçant vouloir quitter l’ASECNA, Dakar
a fait trembler l’organisation. Avant finalement de faire machine arrière. Explications.
(Voir Jeune Afrique n°2446 des 25 Novembre-1er Décembre 2007, pp.95-97)
- Michael PORON : « Protection de l’environnement marin : Gorée, pas si propre
et vert »
L’île de Gorée est le premier site touristique
d’Afrique de l’ouest. Le symbole universel
de la traite négrière. D’une superficie de
28 hectares, classée au patrimoine mondial
de l’humanité, Gorée reliée au continent par
une chaloupe et qui reçoit un flot ininterrompu de touristes n’a aucune barge pour
rapatrier ses déchets sur Dakar et pas d’incinérateur. Seule issue pour les 1100 habitants
et pour les milliers de touristes : jeter leurs
détritus à la mer. Enquête sur un dépotoir à
ciel ouvert que compte éradiquer une Municipalité écologiste élue depuis 2002. (Voir
Africa International n°415, Décembre 2007,
pp.48-51)
- Jean-Pierre NAUDE : « Ce jour-là, 26 septembre 2002 – Le naufrage du ferry sénégalais le Joola »
Rappel des circonstances du naufrage tragique du ferry sénégalais le Joola. Bilan : 2000
morts. Un véritable « Titanic » africain. (Voir
Jeune Afrique n°2437 des 23-29 Septembre2007, p.49)
- Blandine FLIPO : « Ports et infrastructures – Comment Dubaï a gagné Dakar »
La victoire de Dubai Ports World sur Bolloré
confirme la percée des Etats du Golfe au Sénégal. (Voir Jeune Afrique n°2440 des 14-20
Octobre2007, p.99)
- Michael PAURON : « Réchauffement climatique : Une côte sous pression »
Sous les effets conjugués du réchauffement
climatique et de phénomènes naturels,
la côte sénégalaise pourrait reculer de 6 à
20%. Devant l’ampleur de la situation et les
répercussions économiques à craindre, l’Etat
a lancé un Programme national de lutte contre l’érosion côtière ». (Voir Africa International n°413 Novembre 2007, pp.58-61)
- Charles GAIKY DIENE : « Les embouteillages à Dakar coûtent 4 milliards par an
aux usagers (Entretien avec l’ingénieur
Serigne Mame Mor Sall) »
Serigne Mame MOR SALL est un ingénieur,
spécialiste en gestion du trafic routier. Manager général d’une société de transport, il
s’est prononcé à l’occasion de la clôture de la
13e semaine de l’Association des Gestionnaires et Partenaires Africains des Routes
(AGEPAR), sur les conséquences des embouteillages dans la capitale sénégalaise. Ainsi,
cet ingénieur, qui note des inadéquations
entre les nouvelles infrastructures routières
et celles qui existaient déjà, soutient que les
embouteillages, en dehors des conséquences négatives sur la santé, coûtent plus de 4
milliards de francs Cfa par an aux contribuables (v° Wal Fadjri, 26 Juin 2009).
- Pierre CISSE : « Naufrage du bateau Le
Joola – Le mano à mano judiciaire entre
paris et Dakar prend de l’ampleur » (Voir
Afrique Diagnostic n°809, Octobre 2008,
pp.22-24)
• Somalie
- « Mobilisation contre les pirates somaliens »
Depuis fin 2008, une série d’attaques de pirates somaliens sur des navires dans le Golfe
d’Aden et l’Océan indien bouleverse le trafic
maritime dans cette zone et a conduit au déclenchement d’opérations de lutte et à une
mobilisation internationale sans précédent.
(Voir Afrique Diagnostic n°809, Octobre
2008, p.31).
Juillet 2010 • N°2
/101
• Tunisie
- D.B.S. : « Office de la marine marchande
et des ports (OMMP) : Deux certifications
ISO 9001 décrochées »
L’Office de la Marine Marchande et des Ports
ne cesse, au fil des dernières années, de
relever les différents défis fixés. Après avoir
été certifié ISO 9001 en mai 2007, pour les
prestations rendues aux navires du Port de
La Goulette, l’OMMP a obtenu, une année
après, une deuxième certification, mais cette
fois pour les activités d’accueil des passagers
au Port de La Goulette. Récemment encore,
deux autres certifications, selon les normes
ISO 9001, ont été décernées à l’OMMP, pour
couronner le système de management qualité du port de Bizerte, ainsi que les services
assurés par la direction des gens de mer (v°
La Presse, 12 Juin 2009).
- « Signature des accords de financement
de l’aéroport d’Enfidha »
TAV Tunisie (filiale de l’opérateur turc d’aéroports), a signé, vendredi à Tunis, des accords
de financement à long terme avec les institutions financières internationales partenaires
du projet de l’aéroport d’Enfidha. Le projet,
d’un coût total de 560 millions d’Euros (un
milliard de dinars), dont la banque africaine
de développement (BAD) finance 70 millions
d’Euros, prévoit la construction, l’exploitation
et l’entretien du nouvel aéroport international Zine EL-Abidine-Ben-Ali d’Enfidha, pour
une capacité initiale de 7 millions de passagers, ainsi que l’exploitation et l’entretien de
l’aéroport actuel de Monastir. Ce projet représente la première concession dans le domaine du transport en Tunisie et la première
concession d’aéroport dans la région du Maghreb (v° Tunisia Online, 27 Février 2009).
- Nadia CHAHED : « Industries aéronautiques
- De nouveaux horizons en perspective »
L’électronique de vol et de cabine, un marché mondial de 8,6 milliards de dollars,
constitue le segment ayant la plus forte
croissance dans l’industrie des composants
aéronautiques. Ce secteur est l’un des secteurs phare de l’industrie tunisienne (avec
le secteur du textile-habillement et celui de
l’agroalimentaire). Le nombre d’entreprises à
participation étrangère exerçant dans ce secteur est aujourd’hui de 380 dont 220 dans les
industries électriques et 160 dans les industries mécaniques. Si la Tunisie attire autant
d’investisseurs étrangers, c’est qu’elle a acquis durant les dernières années un certain
nombre de critères qui la rendent hautement
compétitive… (v° La Presse, 10 Juin 2009)
- Frida DAHMANI : « La pêche élève le ton »
Epuisement des stocks de poissons et cherté
des produits de la mer : le secteur est confronté à la crise que traversent tous les pays
de la Méditerranée. La course à l’export a
entraîné le pillage des fonds marins et la carence d’application des règlements rend les
pratiques illégales plus aisées. Une gestion
durable des ressources marines passe par le
repos biologique, par une approche participative pour la protection et la régénération des
fonds marins, mais aussi par une réduction
du nombre de chalutiers et un contrôle plus
strict de la pêche abusive (Voir Jeune Afrique
n°2549 des 15-21 Novembre 2009, p.73).
La Revue Africaine
des Affaires Maritimes et
des Transports (RAMATRANS)
remplace désormais
notre ancienne publication,
la Revue Congolaise des Transports et des Affaires Maritimes,
dont 6 numéros ont paru depuis Août 2004.
Travaux publiés par l’Institut Eurafrique Export.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents
Juillet 2010 • N°2
/103
Textes et
documents
104
Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer
au Juge Bamela Engo (voir p. 8)
105
Joola : Abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais
104/ Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents
Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents
Juillet 2010 • N°2
/105
Joola : Abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais
Poursuites pénales en France
d’autorités étrangères
suite au naufrage d’un navire
affecté à un service public
Le navire (le Joola) ayant été mis en service pour permettre
le désenclavement d’une région (la Casamance) et étant
constaté que l’État (le Sénégal) assurait ainsi une mission
de service public non commercial, avec un navire géré par
la Marine nationale, armé par un équipage militaire et
ayant le statut de navire militaire, la chambre de l’instruction a pleinement justifié sa décision de prononcer l‘annulation des mandats d’arrêts délivrés à l’encontre du Premier
Ministre et du Ministre des Forces armées de cet État.
La coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des
États devant les juridictions pénales d’un État étranger
s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’État ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes, qui
comme en l’espèce, relèvent de la souveraineté de l’État
concerné
Casso crim., 19 janv. 2010, n° 09-84.818, F-P+F, Assoc. Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs « Fenvac SOS Catastrophe » et
a. : JurisData nO 2010-051196
[…]
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure
qu’à la suite du naufrage survenu le 26 septembre 2002, au large des
côtes gambiennes, du navire Joola, battant pavillon sénégalais, ayant
fait 1863 victimes, parmi lesquelles plusieurs ressortissants français,
une information a été ouverte au tribunal de grande instance d’Evry des
chefs d’homicides et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence
et défaut d’assistance à personne en péril ;
Que le juge d’instruction a décerné mandat d’arrêt à l’encontre de
neuf personnalités sénégalaises, à savoir : Mme Madior Boye, Premier
ministre, Youba Sambou, ministre des Forces armées, Babacar Gaye,
chef d’état-major général des armées, Ousseynou Kombo, chef d’étatmajor de la Marine nationale, Moddy Siguine, chef d’exploitation,
Meïssa Tamba, chef d’état-major de l’air, Youssouf Sakho, ministre des
Transports, Abdou Hamid Diop, directeur de la Marine marchande, Gomis Diedhiou, chef du bureau de la sécurité maritime et de la gestion
des flottes ;
Que, par ordonnance du 16 octobre 2008, le juge d’instruction a
refusé de faire droit aux réquisitions du procureur de la République,
tendant à la mainlevée des mandats d’arrêt délivrés à l’encontre de
Mme Madior Boye et de Youba Sambou ; que le procureur général a
interjeté appel de cette ordonnance ;
Que les neuf personnes visées par les mandats d’arrêt, ont, en
application de l’article 173 du Code de procédure pénale, saisi la chambre de l’instruction d’une requête en annulation de la procédure pour
incompétence du juge d’instruction français et, à titre subsidiaire, ont
sollicité la mainlevée des mandats d’arrêt les concernant ;
Que cette juridiction, après jonction de l’appel du procureur général
et de la requête en nullité de la procédure, a déclaré irrecevable la
requête qui lui était soumise ; que, faisant application de l’article 206
du Code de procédure pénale, elle a prononcé la nullité des mandats
d’arrêt délivrés à l’encontre de Mme Madior Boye et de Youba Sambou
ainsi que de certains actes subséquents et qu’elle a déclaré sans objet
l’appel du procureur général ;
En cet état;
I - Sur le pourvoi de Youssoupha Sakho, Abdou Hamid Diop, Babacar Gaye, Ousseynou Kombo, Meïssa Tamba, Gomis Diedhiou et Mody
Siguine :
Sur sa recevabilité :
Attendu que, pour déclarer irrecevable la requête des demandeurs
tendant à l’annulation de l’information ouverte des chefs susvisés et,
subsidiairement, à la mainlevée des mandats d’arrêt délivrés à leur
encontre, l’arrêt énonce que la délivrance d’un mandat d’arrêt au cours
de l’information, avant tout interrogatoire, ne confère pas à ceux qui
en sont l’objet la qualité de personne mise en examen et, par voie
de conséquence, celle de partie au sens de l’article 173 du Code de
procédure pénale ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que les demandeurs
n’avaient pas davantage la qualité de témoin assisté et que les dispositions des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits
de l’homme ne sont pas applicables en cas de recours formé contre
un mandat d’arrêt, dont le seul objet est d’assurer la représentation
en justice de la personne à l’encontre de laquelle il est délivré afin,
notamment, de permettre son interrogatoire par le juge d’instruction,
la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de la loi ;
D’où il suit que le pourvoi doit être déclaré irrecevable comme
émanant de personnes qui ne sont pas parties, au sens de l’article 567
du Code de procédure pénale ;
[…]
Attendu que, pour prononcer l’annulation des mandats d’arrêts délivrés à l’encontre de Mme Madior Boye et Youba Sambou, respectivement Premier ministre et ministre des Forces armées du Sénégal à
l’époque des faits, les juges relèvent notamment que le navire avait été
mis en service pour permettre à la région de Casamance de sortir de
son enclavement et que l’État du Sénégal assurait ainsi une mission de
service public non commercial ; qu’ils retiennent que le ministère des
Forces armées avait confié à la Marine nationale la gestion de ce navire,
lequel était exposé à des attaques, était armé par un équipage militaire
et avait le statut de navire militaire ;
Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;
Qu’en effet, la coutume internationale qui s’oppose à la poursuite
des Etats devant les juridictions pénales d’un État étranger s’étend aux
organes et entités qui constituent l’émanation de l’État ainsi qu’à leurs
agents en raison d’actes qui, comme en l’espèce, relèvent de la souveraineté de l’Etat concerné ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de Youssoupha Sakho, Abdou Hamid Diop, Babacar Gaye, Ousseynou Kombo, Meïssa Tamba, Gomis Diedhiou et Mody
Siguine :
Le déclare irrecevable ;
II - Sur les pourvois des parties civiles :
Les rejette […].
NDLR : Nous invitons les magistrats, avocats, et autres juristes et praticiens intéressés par le développement de cette
rubrique « Jurisprudence », de nous aider à l’alimenter par
des décisions rendues dans leurs pays et à travers le continent. Ces colonnes sont les vôtres et nous attendons vos
propositions. Merci d’avance.
106/ Juillet 2010 • N°2
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents
Nouveau siège
de l’Institut
Eurafrique Export
(au Complexe scientifique
du Stade Marcel Saupin •
MSH - IEA nord-sud
à Nantes)
Nous sommes
à votre écoute…
(ici une partie
de notre équipe
de chercheurs)
Mail : [email protected]
BULLETIN D’ABONNEMENT à compléter et à retourner à :
(à photocopier)
Institut Eurafrique Export – c/o Prof. Martin NDENDÉ
Complexe scientifique Stade Marcel Saupin (MSH - IEA nord-sud) - 5 allée Jacques Berque - 44021 Nantes Cedex 1 (France)
Tél : 00-(336)-09-87-37-13 / Tél-Fax. 00-(332)-40-14-15-87 / Tél-Fax. 00-(332)-40-48-39-53
OUI, je souhaite m’abonner
à RAMATRANS pour un an,
soit 2 numéros (port compris)
Europe
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Afrique
46 € (30.000 FCFA)
Reste du monde
50 €
Abonnement de soutien
(à votre entière discrétion)
Mes coordonnées
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Fonction ...........................................................................................................
Adresse .............................................................................................................
Code postal.................................. Ville ..........................................................
Pays ............................................. Tél. ............................................................
Email ........................................... @ ..............................................................
Mon règlement
Chèque en euros (banque française)
libellé à l’ordre de l’Institut Eurafrique Export
Virement sur le compte Institut Eurafrique Export
n° 14445 00400 08000476639 64
domiciliation Caisse d’Epargne Bretagne - Pays de Loire
BIC : CEPAFRPP444
ou IBAN : FR76 1444 5004 0008 0004 7663 964
Je souhaite recevoir une facture acquittée.
Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports
Afrique du Sud
Madagascar
Algérie
Malawi
Angola
Mali
Bénin
Maroc
Botswana
Maurice
Burkina Faso
Mauritanie
Burundi
Mozambique
Cameroun
Namibie
S
O
M
M
A
Juillet 2010 • N°2
I
R
E
Articles et études doctrinales
10 • La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ?
■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité
des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export
18 • L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffisances du Droit face au trafic illicite
de déchets dangereux ■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique
(C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM, Avocat au barreau
de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET
34 • Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport
en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires,
Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa
Cap Vert
Niger
Centrafrique
Nigeria
Comores
Ouganda
Congo
R.A. Sahraouie
Côte d’Ivoire
RD Congo
Djibouti
Rwanda
Egypte
Sao Tome & Princ.
Erythrée
Sénégal
Ethiopie
Seychelles
Gabon
Sierra Léone
Gambie
Somalie
Ghana
Soudan
Guinée
Swaziland
Guinée Bissau
Tanzanie
Guinée Equat.
Tchad
Kenya
Togo
Lesotho
Tunisie
Libéria
Zambie
Libye
Zimbabwe
42 • Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit
de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé,
Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)
53 • Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit,
Chargé de cours à l’Université de Lille II
58 • Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes,
côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest :
quels impératifs de gouvernance ?
■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP,
Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)
Chroniques et informations
68 • Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature - 21-23 septembre 2009
71 • Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime
12-16 octobre 2009 - Durban (Afrique du Sud)
73 • « La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »
Séminaire international - 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)
75 • Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc
et la République du Congo
75 • Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français
76 • « Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » - Séminaire international
18-19 mars 2010 - Yaoundé (Cameroun)
82 • Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo
83 • Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports
Bibliographie
94
95
97
98
• Ouvrages parus
• Thèses soutenues
• Thèses en préparation
• Vous trouverez dans vos journaux…
Textes et documents
104 • Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo
105 • Joola : abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais
Prix au numéro : Europe 20 € • Afrique 23 € (15.000 FCFA) • Reste du monde 25 €