Gestion des Réserves Fauniques de la République Sud

Transcription

Gestion des Réserves Fauniques de la République Sud
Gestion des Réserves
Fauniques de la République
Sud-Africaine :
les limites du modèle réduit et
les voies d’amélioration
PTM-441
Pathologie de la Faune
et de l’Environnement
Par : Maud Carron
Avril 2005
1
NOTE AU LECTEUR
Compte tenu de l’étendue du sujet et de son contexte spécifiquement sud-africain (très différent
de notre réalité nord-américaine), des choix thématiques ont dû être faits.
La vision d’ensemble étant perçue comme essentielle (pour ce sujet en particulier) dans le présent
texte, l’ampleur de l’argumentation et le nombre d’exemples a parfois été restreint afin de satisfaire un
nombre de pages raisonnable.
Toujours dans le but de circonscrire les thèmes abordés, une réserve faunique a été choisie
comme point de départ (Pilanesberg National Park) et d’autres ont servi seulement à mieux illustrer le
propos.
2
INTRODUCTION
La République Sud-Africaine (RSA) est le pays le plus riche d’Afrique et offre un grande
biodiversité animale et végétale14 : on compte environ 22 000 espèces, faune et flore confondues. De plus,
son relief est très diversifié (les 2/3 du pays sont sous forme de hauts plateaux, séparés des côtes par de
grandes montagnes, comme le Drakensberg - 3375m d’altitude)14, ce qui explique la variété des
écosystèmes qu’on y retrouve.
La RSA présente un des meilleurs réseaux d’espaces protégés au monde12. Cependant, même si
les revenus du pays permettent un plus grand investissement dans les espaces de conservation, comparés à
d’autres pays plus pauvres, sa faune et sa flore sont tout de même considérées aujourd’hui comme
menacées à long terme. Cela, essentiellement, en raison d’une perte d’habitat, isolement des populations
et surexploitation du territoire.
La précarité des espèces et espaces sauvages dans le futur est une réalité qui n’est pas unique à la
RSA. Toutefois, le fonctionnement qu’ont les réserves sud-africaines, surtout au niveau de leur gestion,
est très différent de celui des parcs naturels nord-américains.
Définissons le terme réserve tel qu’utilisé dans le présent texte : une réserve (sud-africaine), ou
parc national, est un « espace naturel, géré par un organisme de conservation reconnu nationalement et
ayant comme objectif la protection de la biodiversité et de l’intégrité écologique de l’espace précis, et ce,
pour le bénéfice des générations présentes et futures, et dans le but de prévenir une sur utilisation de
l’habitat et des animaux par l’homme. Une réserve implique une promotion du tourisme et une attention
particulière au développement des communautés locales »17.
La majorité des réserves fauniques sud-africaines (de la RSA) fonctionne dans l’optique d’un
modèle réduit et fermé des territoires sauvages d’origine et tente de justifier, en partie du moins, le
contrôle de l’homme sur les espaces de conservation. Mais jusqu’où doit aller la gestion humaine de
l’environnement et de la faune dans un but de préservation de la biodiversité ?
Le présent texte veut soulever les limites et problèmes qui découlent d’un espace restreint, tant au
niveau de la gestion de l’habitat, des populations animales et du contexte socio-économique, ainsi que
proposer des voies d’améliorations. Dans le but de circonscrire les thèmes abordés, une réserve faunique a
été choisie comme points de départ, Pilanesberg National Park, et d’autres ont servie seulement à mieux
illustrer le propos (Kruger National Parc, Hluhluwe Umfolozi Parc, Addo Elephant National Parc, dans
la RSA et Etosha en Namibie).
Pilanesberg s’étend sur 50 000 hectares et est située dans la province Nord-Ouest de l’Afrique du
Sud (province qui dont le PIB représente 7.3% du PIB national)36. Sa création en 1979 a nécessité le
retrait des populations locales rurales, l’édification de 110 Km de clôtures et la réintroduction de plus de
3
6000 animaux sauvages (« Opération Genesis »). Elle est située à l’emplacement d’un ancien volcan
alcalin et la diversité de son relief et de sa faune en font une destination très prisée27.
La gestion de Pilanesberg, d’un point de vue économique et social, s’effectue sous forme
d’un partenariat à trois. Les acteurs principaux sont le Board du Parc (North-West Parks and Toursim
Board), le secteur privé et la communauté locale. Le Board est un organisme de conservation27,
représentant l’État, qui coordonne les deux autres. Il s’assure que toute décision est prise en respectant les
objectifs de gestion du parc. Il stimule le développement touristique et les projets de la communauté en
procurant du financement pour les infrastructures de la réserve et la conservation de sa faune et sa flore.
Ces revenus proviennent de subventions du gouvernement et de prêts destinés à des projets précis (leur
montant étant calculé selon la faisabilité de chaque projet)27. D’autres sources de revenus sont les taxes
d’entrée et les produits des concessions accordées aux différentes entreprises touristiques (qui font partie
du secteur privé). Le secteur privé s’occupe de développer le tourisme au sein de la réserve. Enfin, la
communauté est responsable de se développer au mieux en tirant profit des opportunités et bénéfices
économiques que la réserve apporte27. Ceci devrait participer au développement économique local et
régional.
GESTION DE L’HABITAT
Mission de Pilanesberg (objectifs du Board) :
«Conserver la biodiversité de l’endroit, ses ressources abiotiques, ses processus biophysiques, son
relief unique et ses sites historiques/archéologiques, tout en s’assurant d’utiliser les ressources naturelles
renouvelables, en priorité pour le bénéfice socio-économique des communautés voisines, et ensuite pour
le bénéfice des exploitants nationaux et provinciaux»27.
Un habitat fermé :
Les 50 000 hectares de Pilanesberg sont entourés de 110 kilomètres de barrières électriques « à
l’épreuve des Big Game » (c’est-à-dire, les lions, éléphants, léopards, buffles et rhinocéros) .
Une nécessité?
Contrairement au Kenya et au Zimbabwe, où plus de 70 % de la faune se retrouve en dehors des
espaces consacrés à la conservation (qui sont là-bas majoritairement non-clôturés), plus de 90 % de la
faune sud-africaine est retrouvée dans des espaces clôturés (qui comprennent beaucoup de game-ranch
privés)31.
Les barrières peuvent être une nécessité économique, sociale, «écologique», ou tout en même
temps. Le territoire peut soit être privé (on comptait 3000 ranches en Afrique du Sud en 1992)4 et le
4
propriétaire tient à garder les différents animaux précieux qu’il a achetés et introduits chez lui (les prix à
l’encan en juin 2001 pour un rhinocéros blanc étaient de 20 000 $US pour un mâle et 33 000$US pour
une femelle, et de plus de 65 000 $US chaque rhinocéros noir.)9 La réserve peut aussi avoir recréé de
toute pièce un espace depuis longtemps transformé par l’agriculture, comme c’est le cas de Pilanesberg27
et la nécessité des barrières est alors réelle pour les animaux et pour les humains vivant à proximité.
En effet, que la réserve soit proche de grands complexes urbains comme Pilanesberg ou
simplement entourée par des populations humaines locales comme c’est le cas de 90 % des zones
protégées en Afrique du Sud31, la réintroduction d’espèces comme les lions ou les éléphants représentent
des dangers réels pour les habitants. Les chiffres du Zimbabwe rapportent que 500 personnes furent tuées
par des éléphants entre 1982 et 1989 4. Quant aux animaux, l’exemple du Parc Addo illustre le danger que
les humains peuvent représenter pour ceux-ci : entre 1931 et 1954, alors que le parc, clôturé, n’avait pas
une clôture spécialement conçue pour repousser les éléphants, 7 éléphants adultes et deux jeunes qui
s’étaient échappés furent tués par des fermiers (dû au dommages causés aux récoltes de ceux-ci) et 2
éléphants moururent suite à des collisions avec des trains15.
Effets divers des barrières :
Le fait de confiner l’habitat de la faune africaine a de multiples retombées sur l’équilibre de
l’écosystème et exige une gestion complexe comme nous verrons par la suite. En clôturant des parcelles
protégées de territoire, on augmente la fragmentation de l’habitat des espèces sauvages, intensifiant ce
que l’agriculture commerciale et l’urbanisation ont amorcé. On confine le génome et on limite les
migrations de grandes populations, empêchant ainsi la régulation naturelle du nombre d’individus sur un
espace donné ainsi que le cycle naturel de la végétation. On sait que la distribution des différents
herbivores varie énormément avec les saisons. Avec la saison des pluies et les inondations, les herbivores
s’éloignent des rivières pour ne revenir qu’en hiver quand la terre s’assèche petit à petit23. Ces migrations
procurent au sol des périodes de régénération.
Prenons maintenant l’exemple de la mise en place en 1962 de la barrière « anti-propagation de la
fièvre aphteuse » à la frontière Ouest du Kruger23. Bien que le but premier de celle-ci ait été atteint, elle
vint chambouler totalement la dynamique des populations de zèbres, gnous et des antilopes tsessebee,
roan, eland et sable. Ces dernières sont des edge species : elles vivent normalement dans un habitat « de
transition », entre les prairies et les savanes arides (zone qui se trouvait à l’extérieur de la barrière ouest)
et ont une alimentation très sélective (herbe moyenne à haute). De plus, ce sont des espèces peu
compétitives, et leur nombre chuta drastiquement suite à la mise en place de
la barrière, dû au
confinement de leur habitat et à la compétition que les populations concentrées de zèbres et de gnous
représentaient. Le nombre de Tsessebe dans la région par exemple, passa de 4000 dans les années 1930 à
1443 environ dans les années 80’ 23.
5
Enfin, le confinement de l’habitat vient altérer parfois la structure sociale des populations
animales comme nous le démontre l’exemple des éléphants au Parc Addo. L’augmentation de densité des
éléphants au sein du parc augmentait la fréquence des combats fatals entre les mâles à tel point que cela
devint la première cause de mortalité chez les mâles (70 % des causes de mortalité depuis 1954). Les
combats entre éléphants mâles sont normaux, mais leur caractère « fatal », l’est moins. Dans ce cas, on
l’explique de la manière suivante : l’habitat étant clôturé, les plus faibles ne pouvaient s’enfuir ; les
femelles étaient concentrées, et donc les mâles n’avaient pas à parcourir de grandes distances pour les
trouver, ce qui faisait que leur condition corporelle restait toujours optimale, et la densité plus élevée
d’animaux dans un même endroit rendait simplement la probabilité de combat plus grande16.
Un habitat fragmenté :
Si les habitats naturels aujourd’hui sont fragmentés, les réserves elles-mêmes le sont aussi. La
fragmentation de la réserve de Pilanesberg par exemple, découle de ses diverses utilisations et a été
effectuée principalement à des fins touristiques27.
Tout d’abord, les routes qui n’étaient avant 1992 (moment du « développement » de Pilanesberg)
qu’au nombre de deux, sillonnent maintenant une bonne partie de la réserve, permettant à une moyenne
de 5000 voitures par mois de visiter l’endroit26. Elles sont soit en gravier, soit pavées, soit goudronnées et
certaines sont même traitées avec un « anti-poussière », dû à l’ampleur du trafic qu’elles doivent soutenir.
On pourrait se demander quel impact cela a sur la distribution des animaux ou même de l’écosystème en
général puisque qu’au parc Etosha par exemple, on se sert des routes comme de brise-feu22. Le contrôle
humain sur l’habitat à Pilanesberg est tellement important que la plupart des variations au niveau animal
ou environnemental sont prévues, et acceptées comme une nécessité.
Si l’on prend toujours Pilanesberg comme exemple, on réalise que la gestion et l’aménagement de
l’habitat sont basés sur un découpage en zones de la réserve. C’est le comité de la gestion du parc qui
décide des zones et de leur emplacement. Il existe ainsi 6 différentes sortes de zones à Pilanesberg 27:
1) les zones sauvages dans lesquelles la densité de visiteurs est restreinte à un niveau faible, et où n’ont
lieu que des activités guidées, sans véhicule, et à caractère plus scientifique,
2) les zones de tourisme environnemental (correspondant à la plus grande partie de la réserve) qui sont
destinées à recevoir des densités de touristes de moyennes à fortes et qui comprennent des stations
récréatives ou de ravitaillement, situées le plus possible en périphérie du parc pour laisser le bassin central
le moins fréquenté possible,
3) des zones à usages exclusifs qui entourent les différents pavillons-gîtes,
4) des zones communales restreintes sont réservées exclusivement aux différents concessionnaires de la
réserve, et sont donc interdites au public,
6
5) des zones « à usage intensif pour les visiteurs » qui présentent beaucoup d’infrastructures éducatives et
qui contiennent des sentiers de visite ne nécessitant pas de guide. Notons que dans de telles zones, les
gestionnaires de la réserve autorisent une gestion intensive de l’habitat et des animaux (ex : augmenter la
densité d’animaux pour augmenter la visibilité de ceux-ci).
6) Des sites de développements privés qui sont eux-mêmes clôturés, bien que dans la réserve.
Il apparaît que la composante touristique est omniprésente dans la réserve et qu’elle comprend
plusieurs volets comme des gîtes, hôtels privés, des magasins d’artisanat et de souvenirs, des activités
guidées ou non, ou encore des safaris-photos et safaris-chasse. Ceux-ci sont strictement contrôlés et
supervisés par le comité de gestion du parc qui décide du nombre d’animaux pouvant être tués et de la
zone de chasse, et ce, en fonction des besoins dictés par le programme de suivi des populations animales
du parc (pour chaque espèce), comme nous le verrons dans la prochaine partie. Les experts responsables
d’un audit économique des ressources touristiques du parc, prétendent que la pratique de safari-chasse est
en déclin29.
Un microécosystème :
Compte tenu du territoire fermé qu’est la réserve, les animaux ne peuvent changer d’habitat
quand celui-ci s’épuise. L’attitude actuelle dans les réserves fauniques de la République Sud-Africaine
(parcs nationaux suivant un modèle similaire à celui de Pilanesberg) est donc d’agir sur l’habitat pour le
garder constant, « inépuisable ».
Feux de brousse :
On nomme parfois l’Afrique, « Continent de feu »24 et ce, car les feux de brousse « artificiels » y
sont communément employés dans la gestion des ranches (pour le prairies réservées au bétail) et des
réserves naturelles depuis le début du 20ème siècle. Cette pratique étant bien connue et documentée, divers
« programmes viables de feux de brousses » existent à ce jour : le système basé sur la foudre, le système
mosaïque, et le système condition-dépendant (qui s’adapte à l’état de la végétation ou aux tendances des
populations animales). Depuis ses débuts, Pilanesberg utilise le programme de feu de brousse de forme
« patch-mosaic »25. La théorie derrière celui-ci est que, plus le patron des feux est varié, plus cela
encourage la biodiversité (ce qui suit la théorie récente du non-équilibre de la dynamique des savanes voir section sur la capacité des réserves). Ces feux sont exécutés annuellement, généralement entre avril
et novembre, et de façon aléatoire en terme de temps et d’espace27. Ainsi, la fréquence des feux à allumer
dépend de la surface totale à brûler, qui elle-même est fonction de la quantité « d’herbe-combustible »
encore présente à la fin de la saison de pousse (Automne : avril). Par exemple, si 1 % de la réserve doit
être brûlée, 6 feux seront allumés, alors que si 50 % de la réserve doit être brûlée, 71 feux seront allumés
durant la saison « de brûlage »24. Cette diversité artificielle a pour but d’éviter la sur utilisation par les
7
animaux de la végétation et l’uniformisation subséquente de celle-ci. De tels changements dans l’habitat,
en effectuant une sélection par le type d’alimentation, pourraient favoriser certaines populations
d’herbivores au détriment de d’autres. Finalement, la place prépondérante du tourisme dans la gestion de
la faune et la flore des réserves explique que certains feux sont allumés uniquement dans le but
d’améliorer la visibilité des animaux pour les visiteurs.
Approvisionnement en eau :
Le confinement des espèces sauvages dans les réserves empêche une fois de plus leur
déplacement vers d’autres ressources durant la saison sèche pendant laquelle l’eau se fait rare27. Des
points d’eau artificiels sont donc la solution actuelle à ce problème. Cependant, l’inévitable « pression
entre espèces » et l’altération de la biodiversité végétale et animale qui s’ensuit, s’intensifie au fur et à
mesure que la saison sèche s’installe6. L’érosion du sol autour des points d’eau due à la densité des
populations est elle aussi un effet indésirable de l’approvisionnement artificiel en eau. On a constaté au
Kruger que la zone qui entourait ces sources d’eau, recouverte principalement par de l’herbe et des
buissons, pouvait s’étendre jusqu’à 2,8 km et que les espèces dépendant des arbres (comme les éléphants)
se faisaient rares aux pourtours des points d’eau5. Les sources d’eau artificielles restent pour le moment
un problème toléré et leur mise en place ou leur retrait demande encore des études d’impact et des
recherches d’alternatives6.
GESTION DES POPULATIONS ANIMALES
Mission :
Comme nous l’avons vu précédemment, l’objectif premier des réserves naturelles est de préserver
ou de restaurer la diversité biologique « originelle » d’une surface terrestre précise : ceci touche donc
autant la diversité des espèces de plantes que la diversité des espèces animales27.
Populations d’espèces menacées :
Une des nettes contributions des réserves fauniques au maintien de la biodiversité est leur
potentiel de recréer des populations animales entières d’espèces menacées. L’exemple des lycaons32 au
Kruger, des rhinocéros à Hluluwe ou encore des éléphants dans les différentes réserves d’Afrique du Sud
sont autant de tentatives de sauvetages de la biodiversité animale africaine.
L’exemple de l’évolution de la population d’éléphants en Afrique du Sud illustre bien la
complexité de gérer des populations dans des espaces réduits et dans un contexte sociogéographique
moderne. En effet, le nombre d’éléphants en Afrique du Sud est passé d’un total de 120 animaux en 1920
(dû, entre autres, au changement d’utilisation des terres en Afrique du Sud : les fermes ont laissé place à
8
de plus en plus de ranch et d’espaces protégés13) à plus de 12000 aujourd’hui. Les déplacements
d’éléphants vivants organisés par les différents gestionnaires des parcs à partir du Kruger vers d’autres
réserves ces dernières années, ont augmenté la répartition géographique des éléphants en Afrique du Sud
(le territoire protégé et contenant des éléphants s’élève aujourd’hui à 27 000 Km2)19 et ont abouti
malencontreusement à des problèmes de surpopulation.
Surpopulation et notion de capacité :
La notion de surpopulation au sein d’une réserve est directement liée au concept de capacité
d’accueil (« carrying capacity ») des réserves. La mesure de cette « capacité » est recherchée pour chaque
espèce et plus particulièrement encore pour les éléphants qui de par leur taille ont un impact important sur
les habitats forestiers et par conséquent, sur les autres espèces y vivant. Cependant, il existe plusieurs
définitions de capacité : celles-ci correspondent en réalité aux différent objectifs qu’ont les gestionnaires
de réserves pour un parc donné10. On peut ainsi parler de capacité économique d’une réserve (dans le cas
d’un game ranch par exemple) : le niveau de population représentant le maximum de profit économique.
On parle aussi de capacité écologique d’une réserve, qui correspondrait aux niveaux de populations
atteints par les animaux laissés à eux-mêmes, et donc, dictée par la capacité de l’habitat à maintenir la vie.
Si l’objectif est de préserver une certaine espèce, très sensible à la présence d’une autre, on déterminera
alors une capacité de préservation de telle espèce. Si le but est de permettre la plus grande visibilité
possible des animaux aux touristes, on définira une capacité de visibilité et ainsi de suite. Il devient
évident que le terme capacité est employé à de multiples fins et qu’une définition précise est requise.
Le concept de capacité des réserves nous mène directement au type de gestion des réserves, car
c’est dans le but de respecter une capacité X que les différents gestionnaires vont justifier le niveau de
contrôle humain sur l’habitat et les effectifs animaux. Longtemps, la gestion des réserves en Afrique avait
pour objectif de maintenir le microécosystème stable, en équilibre : d’éviter les fluctuations dans le
nombre d’animaux, de répartir ceux-ci de façon homogène dans l’habitat, etc.(théorie de l’équilibre des
savanes)10,24 Cependant, cette vision est de plus en plus désuète et il est admis que les variations dans la
composition de la végétation et dans les populations animales, découlant événements naturels épisodiques
comme le feu et la sécheresse par exemple, sont nécessaires à la préservation de la diversité des espèces :
la biodiversité n’est possible qu’à travers un système complexe de fluctuations dans le temps et l’espace
(théorie du non-équilibre de la dynamique des savanes)10. Ceci vient contredire le concept de capacité
d’une réserve pour une espèce, puisqu’une densité animale constante et précise pour un endroit donné
semble être un objectif erroné. On tente donc de plus en plus de pratiquer une « gestion adaptative des
réserves » : de chercher à gérer des processus écologiques cycliques plutôt qu’à recréer un équilibre
9
arbitraire. Ceci requiert beaucoup de collecte de données, de modèles écologiques et reste un domaine
encore à perfectionner.
Abattages - sujet de controverse :
La controverse18 au sujet des abattages (culling) dans les réserves découle directement du concept
discutable de capacité. Comment justifier pleinement l’abattage d’animaux que l’on veut protéger sur la
base d’un tel concept ? Cependant, bien que le concept de capacité soit peut-être un peu trop artificiel, il
n’en demeure pas moins que pour certaines espèces comme les éléphants, la création d’espaces restreints
reste toujours insuffisante aux besoins de cette espèce et ne permet pas une régulation naturelle de la
population. Ainsi, dans pratiquement toutes les réserves africaines, un certain nombre d’éléphants sont
régulièrement abattus.
Quelles sont les différentes méthodes pour remédier au phénomène de surpopulation ?
Tout d’abord, la justification première de l’abattage est la destruction de l’habitat par les
éléphants : celle-ci est bien documentée et certaines espèces d’arbres au tronc « mou » (le baobab ou
Adansonia digitata, et le Common-Star Chestnut ou Sterculia rogersii, par exemples) au Kruger ont été
rapportées comme très susceptibles à des densité élevées d’éléphants18. De plus, leur effet sur les habitats
forestiers se répercute sur d’autres espèces reliées à ce type de végétation, comme les rhinocéros,
certaines antilopes et des rapaces18.Cependant, les éléphants n’ont pas que des effets négatifs sur leur
environnement : en diminuant le couvert forestier, ils favorisent la multiplication des herbivores vivant
dans les plaines (grazing herbivores) ; ils créent aussi des accès à l’eau pour d’autres espèces lors de la
saison sèche en creusant le bord des rivières18. La régulation du nombres d’éléphants au sein d’une
réserve n’est donc pas chose aisée. Finalement, comme nous allons le voir dans ce qui a trait à la
translocation, certains critères doivent être respectés lors d’abattages, comme par exemple l’abattage
d’une unité familiale entière et non d’individus séparés.
La translocation :
Une alternative aux abattages et une autre manière de remédier aux problèmes de surpopulation
est la translocation, ou capture et déplacement organisé d’éléphants d’une réserve à une autre. Les
méthodes de translocation ont grandement évolué en Afrique du sud depuis les années 1970
13
durant
lesquelles seulement des éléphants de moins de 2m au garrot pouvaient être transportés. Ceci signifie que
jusqu’à 1994, seulement les juvéniles orphelins, ayant survécu aux opérations d’abattage, étaient capturés
et déplacés. On dû attendre 1998 pour pouvoir transporter les premiers mâles adultes. Les premières
tentatives de translocations à Pilanesberg en 1979 et à Hluhluwe-Umfolozi Park entre 1981 et 1993 furent
insatisfaisantes : un éléphant juvénile sur 8 survécut à Pilanesberg et 23 éléphants juvéniles sur 172
10
moururent à Hluhluwe13. C’est en 1994, que Clem Coetzee du Zimbabwe instaura une nouvelle technique
de translocation qui est à ce jour encore utilisée : seulement des groupes familiaux comprenant les mères
et les jeunes devaient être déplacés. La translocation est considérée comme une méthode très appropriée
et a démontré un grand taux de réussite jusqu’à ce jour. En effet, depuis 1978, plus de 800 éléphants ont
été déplacés du Kruger. Sur 58 réserves ayant accueilli des éléphants, 38 ont montré une augmentation de
leur population d’éléphants de plus de 10 % et la majorité des femelles déplacées ont donné naissance
dans les deux ans suivant leur arrivée13.
La réintroduction d’éléphants est cependant une aventure complexe. De multiples précautions
sont nécessaires et plusieurs accidents de parcours ont eu lieu dans le passé, dû à notre mauvaise
connaissance de l’organisation sociale des éléphants et de leur comportement. Les différents facteurs à
considérer avant une réintroduction d’éléphants sont : la disponibilité et la taille de l’habitat, les
populations locales, les clôtures, les bomas, la saison et la génétique des populations11. Ainsi, les bomas
représentent une phase importante de l’adaptation des éléphants à leur nouvel environnement. Ce sont des
espaces restreints clôturés au sein de la réserve de plus ou moins grande taille qui permettent un suivi des
animaux, sans trop de contact avec ceux-ci cependant. Ils permettent à ceux-ci d’apprendre à respecter les
barrières électriques ou à se connaître entre eux si plusieurs groupes sont déplacés en même temps. Le
moment propice pour les déplacements devrait être peu après la saison des pluies, afin qu’il y ait de l’eau
et de la nourriture en abondance. Finalement, la translocation permet un mélange des gènes entre les
populations isolées que sont les réserves et l’on peut penser et organiser ces mélanges afin de tenter de se
rapprocher du pool génétique original correspondant à la région11.
Erreurs humaines :
L’exemple des éléphants « rhinocides » à Pilanesberg illustre bien comment des erreurs humaines
peuvent chambouler l’équilibre des populations et pourquoi seulement des familles entières d’éléphants
devraient être déplacées9. Le rhinocéros noir (Diceros bicornis) est considéré comme étant en « danger
critique » et le rhinocéros blanc (Ceratotherium simum), comme « dépendant de la préservation». Or,
entre 1992 et 1997, de jeunes éléphants mâles (Loxodonta africana) âgés entre 17 et 25 ans ont démontré
des comportements anormaux et ont tué 50 rhinocéros. Ces jeunes provenaient d’opération d’abattages au
Kruger et avaient grandi en l’absence de mâles dominants et plus âgés. Ils présentaient des périodes de
musth (agression élevée due à une augmentation des hormones et associée à la compétition pour la
reproduction) alors qu’encore trop jeunes normalement pour présenter ce comportement : ces éléphants
étaient âgés de 18 ans alors que l’âge moyen rapporté pour les premières périodes de musth est de 28 ans.
Normalement, la présence de mâles plus âgés et les affrontements avec ceux-ci retardent l’entrée en musth
des plus jeunes. Poursuivant cette hypothèse, il fut décidé que six mâles adultes seraient introduits à
11
Pilanesberg8. On constata que la durée de la période de musth des jeunes mâles « rhinocides » fut
diminuée et que leur entrée en musth subséquente fut retardée9. D’où l’évidence que la hiérarchie sociale
chez les éléphants est primordiale et d’où la nécessité de procéder à des abattages de façon éclairée. On
peut aussi essayer d’imaginer l’effet du braconnage si les chasseurs ne tuent que les gros mâles et que les
populations de rhinocéros se retrouvent confrontées à des groupes de jeunes éléphants mâles, sans mâles
dominants plus âgés.
Autres alternatives aux abattages pour gérer la surpopulation :
Celles-ci sont : la vente d’animaux vivants (qui correspond aux encans au Canada, sauf qu’il
s’agit d’animaux sauvages et qui est utilisée entre autres dans le cadre de projets de translocation) et le
« safari-chasse » dont nous avons déjà brièvement traité. Notons qu’il existe des permis (délivrés par le
DACE ou Department of Agriculture, Conservation and Environment) pour le commerce des animaux de
la faune vivants : des permis de conservation et des permis CITES21. De plus, les méthodes de capture des
animaux de la faune suivent un code éthique stricte établi par le South African Bureau of Standards
(SABS 0331). Les captures sont effectuées par des organismes professionnels de capture ou par des
équipes spécialisées travaillant pour des organismes de conservation provinciaux17. Les acheteurs
potentiels les animaux sauvages vivants sont les différentes réserves fauniques nationales et
internationales (dans le cas d’exportations), les zoos (nationaux et internationaux) et les game ranches.
Maladies/épidémies au sein des populations animales : l’exemple des buffles africains du
Kruger
Compte tenu du confinement des espèces dans les réserves sud-africaines, la perte de diversité
génétique et les épidémies dévastatrices subséquentes possibles, sont des préoccupations réelles. De plus,
la proximité des espèces sauvages et domestiques (Pilanesberg par exemple, située sur d’anciennes zones
agricoles, est entourée de complexes urbains, et 90 % des zones protégées en Afrique du Sud sont bordées
ou très proches de zones communales)31 est propice aux infestations parasitaires et à la transmission de
maladies entre ces différentes populations. L’étendue du territoire originel du buffle africain (Syncerus
caffer), a grandement diminué, dû à la surchasse et à la dernière épidémie de peste bovine (fin du 19e)2.
Notons que suite à celle-ci, le polymorphisme de leur CMH (ou « l’hétérozygocité » de cette espèce) a été
testé3 et a démontré un déclin de cette hétérozygocité dans les diverses parties du Kruger. Des migrations
subséquentes de buffles provenant de troupeaux voisins semblent avoir augmenté cette «hétérozygocité»,
la ramenant à un niveau intermédiare3.
12
Le Kruger, s’étendant sur 20 000 km2 est le plus grand refuge pour la faune en Afrique du Sud et
un des plus grands espaces protégés en Afrique1. Ainsi, ses populations de buffles représentent une
portion importante des réservoirs actuels de fièvre aphteuse, du Corridor Disease (protozoaire Theileria
lawrencei, transmis par une tique), de Tuberculose (TB) et de Brucellose en Afrique du Sud34.
L’évolution de la tuberculose bovine (Mycobacterium bovis) chez les buffles du parc Kruger et sa
prévalence actuelle exemplifient le rôle important que les réserves peuvent jouer comme réservoir de
maladie et leur potentiel de répercussion sur les populations domestiques. On sait que vers la fin des
années 80, la TB (M.bovis) était en grande partie éradiquée du cheptel domestique en Afrique du Sud1.
Cependant, la TB (M.bovis) fut détectée pour la première fois, par hasard, lors d’une opération d’abattage
au Kruger chez un seul buffle en 1990 et il est prouvé que la maladie fut transmise par un bovin
domestique. La maladie avait donc persisté au sein du parc. Depuis, des buffles sont régulièrement testés
(par nécropsie, histologie et culture) et il apparaît que la prévalence de la TB (M.bovis) a connu une
augmentation significative entre 1991 et 1998 et devrait continuer d’augmenter1. À ce jour, il n’existe
aucune méthode pour traiter cette maladie dans les populations sauvages et on doute que celles-ci puissent
s’en débarrasser seules. Le risque de mortalité associé à la TB (M.bovis) chez les buffles africains n’est
pas encore été déterminé de façon précise1. De plus, la TB (M.bovis) ne semble ni diminuer la fertilité ni
affecter la lactation chez les buffles. Enfin, le rôle des réserves étant d’éviter l’introduction d’organismes
non-indigènes, mais aussi de protéger les espèces du parc, l’éradication totale des sujets n’est donc pas
considérée à ce jour comme une mesure de contrôle adéquate1.
La TB (M.bovis) a de nombreuses répercussions sur différentes espèces (ex : les lions qui
s’attaquent aux buffles infectés, l’attrapent et en meurent) et des projets d’élevage de buffles-TB-négatifs
sont en cours. Pour tester les animaux, on effectue sur chaque buffle un test d’interféron gamma
(Bovigam)35 sur un échantillon de sang, prélevé il y a moins de six heures auparavant17. Ce test démontre
une sensibilité variant entre 81,8 % et 100 % et une spécificité variant de 94 % à 100 %35. Bovigam
détecte l’infection à TB (M.bovis) de façon plus précoce que le test cutané et est utilisé de routine dans
plusieurs pays pour détecter la tuberculose dans les troupeaux sauvages et domestiques35. Enfin, notons
que les déplacements de buffles du Kruger hors du parc sont interdits encore aujourd’hui34.
ACTEURS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX
Le marché de l’écotourisme va en grandissant : 60 % des touristes internationaux ont voyagé
durant les années 1990 dans l’optique d’expérimenter et d’apprécier la nature33. L’Afrique du Sud, pour
sa part, se range parmi les trois destinations éco touristiques les plus prisées dans le monde. Ainsi, la
13
faune et la flore sont devenues des sources de revenus multiples et diversifiées qui se résument pour les
réserves sud-africaines à : du « tourisme d’observation de la nature », de la chasse safari, mais aussi de la
vente d’animaux vivants ainsi que de produits dérivés d’animaux sauvages12 (par exemple, des bâtons de
viande de gibier séchée en vente dans les épiceries).
Des choix économiques :
Nous avons déjà traité des trois acteurs économiques et sociaux principaux de Pilanesberg (le
Board, le secteur privé et la communauté locale). Les choix importants pris au sein de la réserve
appartiennent au Board. Ces choix sont souvent économiques, et donc touristiques, mais doivent prendre
en compte l’aspect social. Par exemple, l’introduction de lions à Pilanesberg eut lieu pour des raisons
économiques. A ses débuts, la réserve ne contenait pas de prédateurs, et ce, pour permettre aux
populations d’herbivores nouvellement introduites de s’établir et d’atteindre leur capacité. Cependant, les
lions représentent un important attrait touristique et une étude de marché fut faite. Il fallut consulter la
communauté locale, l’informer, lui faire visiter des réserves qui comptaient déjà des lions et demander
leur approbation (car nul ne peut garantir l’efficacité des barrières contre les lions à 100 %). Il fallut aussi
retirer temporairement (durant 5 ans) certaines espèces trop précieuses comme les buffles (4000$ US
chaque) et les antilopes sable (3000$ US chaque) afin qu’elles puissent se reproduire suffisamment dans
des espaces exempts de prédateurs, jusqu’à atteindre des niveaux de population pouvant assumer la
prédation29,28.
Une composante sociale incontournable :
En Afrique du Sud, la composante sociale est intimement liée au devenir des réserves. Avec près
de 90 % des espaces protégés en Afrique du Sud qui sont entourés de populations rurales (noires
généralement) ; avec 48 % de la population noire d’Afrique du Sud vivant sur 14 % du territoire et ayant
comme mode de subsistance l’agriculture et les différentes ressources naturelles (ce qui correspond à un
revenu d’environ 1000 dollars par famille par année)31 ; avec une telle population présentant une
croissance de 2,7 % par année, la survie des espaces protégés semble précaire. Les réserves tentent déjà
d’appliquer un mode de gestion profitable pour tous : les communautés locales ont le droit de ramasser de
l’herbe, du bois et de plantes médicinales dans la réserve. La création d’emplois et les infrastructures
comme l’eau, les routes, l’électricité, l’éducation et la santé viennent de paire avec un parc faunique
organisé33. Cependant, cela demeure insuffisant pour améliorer le niveau de vie des populations humaines
et le taux de chômage dans les zones rurales par exemple s’élevait en 2004 à 43 %31.
14
VOIES D’AMÉLIORATION ET D’AVENIR
On peut chercher individuellement des solutions plus éthiques, plus efficaces, plus prometteuses
aux différents problèmes que soulève la réalité des réserves en Afrique du Sud, mais le futur requiert une
pensée plus globale. Les acteurs sont trop nombreux et le décor socio politico-économique des réserves
trop complexe pour chercher un mieux-être animal et environnemental sans se soucier du contexte. Des
actions et développements précis quant à un paramètre en particulier ne sont pas inutiles et néfastes pour
autant. Ils sont nécessaires et complémentaires à d’autres avenues d’intérêt plus global.
Quant aux animaux :
Nous avons déjà abordé la translocation comme alternative aux abattages de groupes familiaux
d’éléphants et à la chasse safari, en matière de surpopulation. La contraception des carnivores sauvages et
des éléphants est une autre voie d’avenir qui est encore à l’étude 30,7. Différentes méthodes ont été essayé
comme la vasectomie sur les lions de Pilanesberg29, la desloreline (analogue de la GnRH) sur les lions, les
guépards et les lycaons30 et l’immunocontraception (vaccin porcin contre la zone pellucide) sur les
éléphants7. Le cas des lions en Afrique du Sud est légèrement différent de celui des éléphants : il nécessite
souvent une diminution du taux de reproduction, dû au manque de prédateurs ou de compétiteurs
carnivores sur des espaces restreints. Ainsi, la desloreline a été administrée sous forme d’implants souscutanés à plusieurs lionnes ainsi qu’à des guépards et lycaons, mâles et femelles (les lions perdent leur
crinière qui dépend de la production de testostérone et n’ont donc pas participé à l’étude). Elle a démontré
une action contraceptive durable (12 à 18 mois après un implant chez les lionnes par exemple), réversible
et sans effets secondaires, contrairement aux implants de progestérone testés dans le passé (qui rendaient
plus susceptibles à la prise de poids, au pyomètre, etc).
Les vaccins à base de zone pellucide porcine (pZP) semblent faire cycler à répétition les félidés et
sont donc plus prometteurs pour la gestion des populations herbivores (sur lesquelles ils n’ont pas cet
effet), comme les éléphants30. L’immunocontraception chez les éléphants demande à ce jour un premier
vaccin qui requiert l’anesthésie de chaque femelle éléphant et deux rappels (inoculés par fléchette)
espacés de 6 semaines et six mois respectivement7. La durée des anticorps dans les études effectuées était
de 12 à 14 mois ; le taux d’échec était de 20 % ; et cela ne semblait pas affecter le comportement des
femelles. Bien qu’un vaccin pZP unique à relâchement multiple (déjà testé sur des chevaux) soit possible
dans le future pour ces pachydermes, les coûts et la faisabilité de telles opérations restent
problématiques7. Il faudrait réussir à vacciner 2 250 femelles juste au Kruger, ce qui s’étalerait sur une
période initiale de 11 ans ! La contraception reste valable pour les réserves plus petites et l’on peut
15
espérer des améliorations des méthodes d’administration et de l’efficacité du produit dans le futur. Plus de
recherche sur l’effet d’une telle pratique au niveau de la hiérarchie familiale serait aussi nécessaire.
Quant aux populations humaines :
Encore aujourd’hui, le développement des communautés rurales est un « plus » que certaines
réserves gèrent mieux que d’autres. Beaucoup de ces communautés vivent mal leur identité de « voisins
du parc naturel » et se sentent dépossédés d’un territoire qui leur revient25. Les gestionnaires des réserves
ont malheureusement encore souvent une attitude paternaliste, ou dominante envers ces communautés,
qui laisse à celles-ci peu de place à la prise de décision et qui rend la communication souvent
inefficace25,12. Un changement de mentalité et des intervenants multidisciplinaires (venant non seulement
des domaines scientifiques, mais aussi des sciences humaines) seraient souhaitables31.
Quant au tout :
Le futur des réserves sud-africaines semble être dans la connexion des populations animales
isolées et dans l’augmentation de leur habitat, tout en promouvant une source de revenu valorisant la
nature et intégrant les différents acteurs en jeu. Les mégaparcs ou Transfrontier parcs, répondent à
beaucoup des caractéristiques recherchées. En mai 2000, le premier « transfrontier parc » officiel au
monde fut ouvert : le Kgalagadi Transfrontier Park (KTP) qui réunit 28400 km2 du Gemsbok National
Park au Botswana et 9591 km2 du Kalahari Gemsbok National Park en Afrique du Sud12. Les touristes
sont libres d’aller d’un pays à l’autre à travers le parc et l’impact économique de celui-ci devrait être
énorme. Le KTP a reçu du soutien des gouvernements, organisations touristiques, secteur privé,
communautés locales et d’organismes de charité. Plusieurs autres parcs similaires sont encore à l’état de
projets. D’autre part, plusieurs corridors respectant les routes de migration des éléphants, entre les régions
protégées du Zimbabwe, de la Namibie, du Botswana et de la Zambie, sont projetés12.
L’écoagriculture (ou élevage « semi-sauvage » des espèces de la faune), le game ranching
(modèle réduit de réserve qui se finance généralement par la chasse) et l’écotourisme (un tourisme
responsable qui respecte et conserve l’environnement tout en permettant le bien-être des populations
locales) sont d’autres chemins futurs de la gestion de la faune et la flore d’Afrique du Sud12. En effet, un
parc comme le KTP pourrait facilement incorporer de petites réserves privées. Il existe d’ailleurs une
fondation à but non lucratif (le SEF) qui promeut le démantèlement des barrières entre les ranchs privés,
la défragmentation de l’environnement et les corridors d’habitat entre les différentes zones protégées33.
16
CONCLUSION
Tous ces différents encadrements et structurations de la nature par l’homme sont bien loin de
notre idéal d’écosystèmes vierges et intouchables, mais semblent nécessaires. Cependant, si la survie de la
biodiversité tient à des compromis, il faut s’assurer que ceux-ci soient bien pensés, limités et contrôlés, ce
qui nous mène vers une gestion encore plus ramifiée de ce qui est l’avenir des réserves. Le contrôle du
contrôle est la prochaine étape dans l’organisation conjointe de la nature et de l’homme : l’homme reste
l’espèce la plus difficile à gérer.
17
LEXIQUE
-Big Game : «gibiers»» ou animaux de la faune les plus recherchés par les touristes et les gestionnaires de
réserves (lions, éléphants, léopards, buffles et rhinocéros).
-Board du parc : comité le plus haut placé, supervisant et dirigeant le fonctionnement du parc.
-Culling : abattage d’animaux, effectué par les employés de la réserve.
.
-Dart / darting : «fléchette» (placée dans une arme à feu) contenant une drogue qui sera injectée lorsque
la flèche rentre dans l’animal.
-Game : «gibier» ou animal de la faune.
-Game Ranch : propriété privée dans laquelle des animaux sauvages sont gardés, soit à des fins d’élevage,
soit è des fins touristiques (qui comprennent souvent de la chasse).
-Musth : période chez les mâles éléphants durant laquelle le taux d’hormones sexuelles augmentent, ce
qui sa traduit par une agressivité accrue et la recherche de femelles.
-zone communale : zone rurale généralement, entourant les réserves.
18
RÉFÉRENCES
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(Extrait de Acculturation : Theory and Practice, First Edition, Hatfield, 1993), Symposium on
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21

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