Bulletin fiscal : La CAF conclut que la règle d`attribution ne s

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Bulletin fiscal : La CAF conclut que la règle d`attribution ne s
La CAF conclut que la règle d’attribution ne
s’appliquait pas à une vente de biens à une fiducie
par le bénéficiaire du capital (Sommerer)
Discussion de la
décision de la CAF
selon laquelle la
règle
d’attribution du
paragraphe 75(2)
ne s’applique pas
à une vente de
bien à la juste
valeur
marchande à une
fiducie par le
bénéficiaire du
capital de la
fiducie.
Le 13 juillet 2012, la Cour d’appel fédérale (CAF) a publié sa décision dans The Queen
v. Sommerer1 où elle conclut que le paragraphe 75(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne
s’applique pas à une vente de biens à la juste valeur marchande à une fiducie par une
personne qui est le bénéficiaire du capital de la fiducie. Ce jugement infirme la position de
longue date de l’Agence du revenu du Canada (ARC) selon laquelle le paragraphe 75(2) est
suffisamment large pour inclure la vente à la juste valeur marchande.
Généralités
Avant le jugement de la Cour canadienne de l’impôt (CCI) dans Sommerer c. La Reine2,
les fiscalistes se conformaient habituellement à la position de l’ARC sur la portée large du
paragraphe 75(2), structurant des opérations et multipliant les acrobaties pour assurer
qu’une fiducie ne fasse pas l’acquisition d’un bien d’un bénéficiaire du capital de celle-ci. En
fait, de nombreux actes de fiducie ont été rédigés de façon à interdire tout achat de bien
auprès d’un bénéficiaire du capital, même un achat pour une contrepartie à la juste valeur
marchande, pour empêcher une application non voulue du paragraphe 75(2).
20 août 2012
L’application du paragraphe 75(2) peut être catastrophique pour certaines structures de
planification fiscale utilisant des fiducies. Le paragraphe 75(2) prévoit l’attribution du
revenu, des pertes et des gains et pertes en capital au titre du bien apporté (ou bien qui lui
est substitué) à la personne qui a apporté le bien.
De plus, conformément au paragraphe 107(4.1), si le paragraphe 75(2) s’applique à l’égard
d’un bien de la fiducie et que le constituant est toujours vivant, seuls le constituant et son
conjoint peuvent recevoir le bien de la fiducie qu’il a apporté (ou le bien qui lui est substitué)
sur la base d’un transfert par roulement avec report de l’impôt en vertu du paragraphe
107(2). Aucun autre transfert de bien par roulement avec report de l’impôt à un bénéficiaire
n’est disponible.
Règle d’attribution du paragraphe 75(2)
Dans Sommerer, la question était de savoir si une vente de biens à une fiducie pour une
contrepartie à la juste valeur marchande faisait du vendeur la personne dont les biens
avaient été reçus (un constituant) aux fins du paragraphe 75(2).
1. 2012 FCA 207
2. 2011 CCI 212
2012-30F
www.pwc.com/ca/bulletinfiscal
2
Le paragraphe 75(2) s’applique « [Lorsque, en vertu
d’une fiducie créée de quelque façon que ce soit
depuis 1934, des biens sont détenus à condition » :

soit que les biens (ou les biens qui leur sont
substitués, aussi appelés ici « les biens »)
puissent revenir à la personne dont les biens ont
été reçus (le « constituant »);

soit que les biens puissent être transportés à des
personnes devant être désignées par le
constituant après la création de la fiducie;

soit que, pendant l’existence du constituant, il
ne soit disposé des biens qu’avec le
consentement du constituant ou suivant ses
instructions.
Les « bénéficiaires » de la fondation comprenaient
le contribuable, son épouse et les enfants issus de
leur mariage, à condition que ces personnes résident
aussi en Autriche. Comme le contribuable et sa
famille résidaient au Canada, ils n’étaient que des
bénéficiaires éventuels jusqu’à ce qu’ils deviennent
des résidents de l’Autriche. De plus, le contribuable
et son épouse avaient été nommés
« bénéficiaires ultimes » de la fondation dans une
disposition qui ne prévoyait aucune condition quant
à leur lieu de résidence. En leur qualité de
bénéficiaires ultimes, le contribuable et son épouse
avaient le droit de recevoir des biens de la fondation
à sa révocation ou dissolution.
Sauf exceptions limitées, si l’une des conditions
ci-dessus est respectée, le paragraphe 75(2) prévoit
l’attribution au constituant, dans la mesure où il
réside au Canada, de tout revenu ou toute perte, ou
de tout gain en capital imposable ou de toute perte
en capital déductible réalisé par la fiducie à l’égard
des biens.
Le jour suivant la création de la fondation, le
contribuable a transféré la totalité de ses actions
ordinaires de Vienna à la fondation au moyen d’une
vente à la juste valeur marchande. La fondation a
payé une partie du prix d’achat avec l’argent
provenant de sa dotation, le solde du prix d’achat
devenant un montant exigible portant intérêt. En
avril 1998, le contribuable a vendu ses actions de
Cambrian à la fondation pour une contrepartie à la
juste valeur marchande.
Faits
Le contribuable était un homme d’affaires qui avait
émigré avec sa femme et ses enfants de l’Autriche au
Canada en 1978. Il oeuvrait dans le secteur de la
haute technologie et, dans le cadre de ses activités
commerciales, il avait acquis des actions de Vienna
Systems Corporation (Vienna) et de Cambrian
Systems Corporation (Cambrian).
En 1996, le père du contribuable avait créé une
fondation privée (la fondation) en Autriche, en vertu
de la Loi sur les fondations privées autrichienne.
Selon le droit autrichien, la fondation était une
entité juridique appartenant à la même catégorie
qu’une société et qui avait sa propre personnalité
juridique et la capacité juridique de détenir des
biens de son propre chef. Le père du contribuable
avait fait dotation de 1 000 000 shillings autrichiens
(ce qui représentait environ 126 000 $ CA à
l’époque) à la fondation, qui était gérée par
trois résidents autrichiens qui n’étaient pas liés à la
famille du contribuable.
En décembre 1997, la fondation a vendu une partie
des actions de Vienna à trois particuliers non liés à
la famille du contribuable, réalisant un gain en
capital sur l’opération. En décembre 1998, la
fondation a vendu le reste des actions de Vienna à
Nokia Corporation, réalisant un autre gain en
capital. En décembre 1998 également, la fondation a
vendu les actions de Cambrian à Nortel et réalisé
aussi un gain en capital.
Position du ministre
Une nouvelle cotisation a été émise au contribuable
au motif que les gains en capital réalisés par la
fondation sur les ventes des actions de Vienna et de
Cambrian étaient attribuables au contribuable en
application du paragraphe 75(2). Le ministre du
Revenu national a fondé sa nouvelle cotisation sur la
position selon laquelle la fondation était une fiducie
résidant en Autriche et que le contribuable était une
personne dont les biens avaient été reçus par la
fiducie.
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La position du ministre était la suivante :
1. une vente de bien à la fiducie, même une vente
pour une contrepartie à la juste valeur
marchande, faisait du vendeur une personne
dont les biens avaient été reçus par la fiducie, en
application du paragraphe 75(2);
2. la capacité du contribuable de recevoir les biens
de la fiducie en sa qualité de bénéficiaire du
capital de celle-ci signifiait que les biens
pouvaient revenir au contribuable
conformément aux conditions relatives à la
fiducie.
Position du contribuable
La position du contribuable était la suivante :
1. la fondation était une société, de sorte que le
paragraphe 75(2) ne s’appliquait pas;
2. il n’avait pas apporté les biens à la fiducie de
façon à entraîner l’application du paragraphe
75(2);
3. s’il s’avérait que le paragraphe 75(2)
s’appliquait, la Convention Canada-Autriche en
matière d’impôt sur le revenu, 1980
(la convention) accorderait un allégement.
Jugement de la Cour
canadienne de l’impôt
La CCI devait se pencher sur les principaux points
litigieux suivants, à savoir s’il existait une fiducie, et
si tel était le cas, si les règles d’attribution du
paragraphe 75(2) s’appliquaient à l’égard des gains
en capital réalisés par la fondation sur la vente des
actions de Vienna et de Cambrian. La CCI a
également examiné la question de savoir si, dans le
cas où le paragraphe 75(2) devait s’appliquer, la
convention l’emporterait sur les règles d’attribution
du paragraphe 75(2) quand la fiducie résidait en
Autriche.
Au sujet de l’existence d’une fiducie, la CCI a choisi
non pas de déterminer si la fondation elle-même
était une fiducie, mais d’insister plutôt sur la
question de savoir si la relation entre le
contribuable, son père, la fondation et la famille du
contribuable constituait une fiducie. Après examen
des droits des bénéficiaires et des obligations de
fiduciaire de la fondation envers la famille du
contribuable, la CCI a conclu que la relation entre
les parties relativement aux actions constituait une
fiducie dont la fondation était le fiduciaire.
Après avoir conclu à l’existence d’une fiducie, la CCI
a cherché à identifier la personne dont les biens
avaient été reçus. Comme point de départ de son
analyse, la CCI a déclaré que la règle d’attribution
du paragraphe 75(2) ne s’applique qu’à la personne
dont les biens ont été reçus lors de la création de la
fiducie (c.-à-d., le constituant). La CCI a reconnu
qu’une autre personne peut apporter des biens
additionnels à une fiducie ayant le même fiduciaire
et aux mêmes conditions, mais elle a indiqué que,
dans ce cas, une autre fiducie serait créée. La CCI a
conclu que ce n’est que le constituant, ou un
constituant subséquent assimilable à un disposant,
qui pourrait être la personne dont les biens ont été
reçus aux fins du paragraphe 75(2).
En appliquant ce raisonnement aux faits, la CCI a
conclu que le contribuable n’a pas transféré les
actions de Vienna ou de Cambrian à la fondation en
qualité de constituant ou de constituant agissant
comme disposant. Il a plutôt vendu les actions à la
fondation qui, en sa qualité de fiduciaire des biens,
les a détenues aux conditions imposées par le père
du contribuable; la dotation en espèces originale
(l’unique contribution à la fiducie) avait été
remplacée par les actions. C’était donc le père du
contribuable et non le contribuable qui était la
personne qui avait apporté les biens à la fiducie. Par
conséquent, le paragraphe 75(2) ne s’appliquait pas
et aucun des gains en capital réalisés sur les ventes
des actions par la fiducie n’était attribuable au
contribuable.
En obiter, la CCI a également abordé l’application
de la convention si le paragraphe 75(2) ne s’était pas
appliqué aux gains en capital. Selon les dispositions
pertinentes de la convention, les gains provenant de
l’aliénation de tous biens, autres que les biens visés
par certaines exceptions, ne sont imposables que dans
l’État contractant dont le cédant est un résident. Selon
la convention, les gains en capital réalisés par la
fondation comme résidente de l’Autriche ne seraient
imposables qu’en Autriche.
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La CCI a conclu que, selon le paragraphe 75(2), le
constituant n’est pas réputé être le cédant des biens
aux fins de la convention. Le paragraphe 75(2)
reconnaît plutôt que c’est la fiducie qui procède à
l’aliénation des biens, mais que le gain réalisé
pourrait être attribué à la personne dont les biens
ont été reçus. Comme la fiducie était le cédant des
biens, la convention était à juste titre applicable à la
fiducie, de sorte que même si le paragraphe 75(2)
devait trouver application, le contribuable ne serait
tenu d’inclure aucun gain en capital dans son
revenu.
Jugement de la Cour d’appel
fédérale
La CAF a confirmé le jugement de la CCI et, à la
lumière de l’hypothèse selon laquelle il y avait une
fiducie, a cité avec approbation le raisonnement de
la CCI selon lequel ce n’est que le constituant, ou un
constituant subséquent assimilable à un disposant,
qui peut être la personne dont les biens ont été reçus
par la fiducie aux fins du paragraphe 75(2). Comme
le contribuable n’avait apporté aucun bien à la
fiducie, le paragraphe 75(2) ne pouvait pas
s’appliquer de façon à lui attribuer un des gains en
capital réalisés par la fondation sur la vente de ses
biens. Quoiqu’elle ne lui ait pas été soumise, la cour
a examiné la question de l’existence d’une fiducie,
semant le doute sur le fait qu’une fiducie ait
réellement existé.
En obiter, la CAF s’est également dite d’accord avec
la CCI que la convention peut l’emporter sur
l’application du paragraphe 75(2) au constituant
canadien d’une fiducie autrichienne.
Observations de PwC
Tant la CCI que la CAF ont rejeté la position du
ministre selon laquelle une vente à la juste valeur
marchande de biens à une fiducie par un
bénéficiaire sera assujettie au paragraphe 75(2) si le
bénéficiaire peut recevoir le bien en sa qualité de
bénéficiaire de la fiducie. Cette limitation
encourageante à l’application large du paragraphe
75(2) par l’ARC permettra une plus grande
souplesse dans la planification au moyen de fiducies
et réduira la possibilité de contributions irrégulières
involontaires à une fiducie.
Ni la CCI ni la CAF ne se sont penchées sur la
question de savoir si le paragraphe 75(2) pourrait
s’appliquer si un bénéficiaire vend un bien à une
fiducie pour un produit inférieur à la juste valeur
marchande. Dans ce cas, l’excédent pourrait
constituer un apport de bien à la fiducie et la totalité
ou une partie du revenu ou du gain sur le bien
pourrait être assujettie au paragraphe 75(2). Il reste
à déterminer si une clause de révision de prix
pourrait protéger le vendeur bénéficiaire contre
l’application des règles d’attribution.
À l’heure actuelle, on ignore si le ministre portera le
jugement de la CAF en appel devant la Cour
suprême du Canada.
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