Intimés Procureur-général-du-Canada-et-al
Transcription
Intimés Procureur-général-du-Canada-et-al
Dossier no 32693 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DE LA PROVINCE DE QUÉBEC) ENTRE : PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC APPELANT (Mis en cause) - et GRAND CHIEF DR. TED MOSES INTIMÉ (Appelant) - et GRAND COUNCIL OF THE CREES (EEYOU ISTCHEE), THE CREE REGIONAL AUTHORITY INTIMÉS (Appelants) - et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA INTIMÉ (Intimé) - et L'HONORABLE DAVID ANDERSON, en sa qualité de ministre de l'Environnement du Canada, L'AGENCE CANADIENNE D'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE INTIMÉS (Intimés) - et LAC DORÉ MINING INC. - et PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN - et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS INTIMÉ (Intimé) INTERVENANT INTERVENANTE MÉMOIRE DES INTIMÉS Procureur Général du Canada, l’honorable David Anderson, en sa qualité de ministre de l’Environnement du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale Henri A. Lafortune Inc. 450 442-4080 – tél. 450 442-2040 – téléc. [email protected] 2005, rue Limoges Longueuil (Québec) J4G 1C4 L-3189-09 www.halafortune.ca -2- Me Francis Demers (Justice-Québec) Bernard, Roy & Associés Palais de Justice Bureau 8.00 1, rue Notre-Dame Est Montréal (Québec) H2Y 1B6 Me Pierre Landry Noël & Associés 111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1 Tél. – 514 393-2336 – poste 51478 Téléc. – 514 873-7074 Tél. – 819 771-7393 Téléc. – 819 771-5397 [email protected] [email protected] Procureur de l'appelant Le Procureur général du Québec Correspondant de l'appelant Le Procureur général du Québec Me Robert Mainville Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l. 37e étage 1, Place Ville-Marie Montréal (Québec) H3B 3P4 Henry S. Brown, c.r. Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l. Bureau 2600 160, rue Elgin Ottawa (Ontario) K1P 1C3 Tél. – 514 392-9502 Téléc. – 514 878-1450 Tél. – 613 233-1781 Téléc. – 613 788-3433 [email protected] [email protected] Procureur des intimés Grand Chief Dr. Ted Moses et Grand Council of the Crees (Eeyou Istchee), The Cree Regional Authority Correspondant des intimés Grand Chief Dr. Ted Moses et Grand Council of the Crees (Eeyou Istchee), The Cree Regional Authority -3- Me René LeBlanc Me Bernard Letarte Ministère de la Justice du Canada Bureau T-6050 284, rue Wellington Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Me Christopher M. Rupar Procureur général du Canada Pièce 1212 234, rue Wellington Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Tél. – 613 957-4657 Téléc. – 613 952-6006 Tél. – 613 941-2351 Téléc. – 613 954-1920 [email protected] [email protected] Procureurs des intimés Procureur général du Canada, L’hon. David Anderson, en sa qualité de ministre de l’Environnement et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale Correspondant des intimés Procureur général du Canada, L’hon. David Anderson, en sa qualité de ministre de l’Environnement et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale Me Yvan Biron Lavery, de Billy 40e étage 1, Place Ville-Marie Montréal (Québec) H3B 4M4 Me Pierre Landry Noël & Associés 111, rue Champlain Gatineau (Québec) J8X 3R1 Tél. – 514 871-1522 Téléc. – (514) 871-8977 Tél. – 819 771-7393 Téléc. – 819 771-5397 [email protected] [email protected] Procureur de l'intimé Lac Doré Mining Inc. Correspondant de l'intimé Lac Doré Mining Inc. -4- Brian A. Crane, c.r. Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l. Bureau 2600 160, rue Elgin Ottawa (Ontario) K1P 1C3 Tél. – 613 233-1781 Téléc. – 613 563-9869 [email protected] Correspondant de l'intervenant Procureur général de la Saskatchewan Me Bryan P. Schwartz Pitblado Bureau 2500 360 Main Street Winnipeg (Manitoba) R3C 4H6 Me Marie-France Major Lang Michener LLP Bureau 300 50, rue O'Connor Ottawa (Ontario) K1P 6L2 Tél. – 204 956-0560 Téléc. – 204 957-0227 [email protected] Tél. – 613 232-7171 Téléc. – 613 231-3191 [email protected] Procureur de l'intervenante Assemblée des Premières Nations Correspondante de l'intervenante Assemblée des Premières Nations -iTABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DES INTIMÉS SURVOL PARTIE I Page ......................................... 1 – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS ......................................... 3 Le jugement de la Cour supérieure du Québec ........................................ 6 L’arrêt de la Cour d’appel du Québec ........................................ 7 PARTIE II – ......................................... 9 QUESTION EN LITIGE PARTIE III – ARGUMENTATION ....................................... 10 A. Rien, dans les règles du partage des compétences, ne s’oppose en l’instance à l’applicabilité de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale ...................................... 10 A.1 L’environnement et le partage des compétences ...................................... 10 A.2 Le schéma législatif et juridictionnel applicable ...................................... 13 i. La Loi ...................................... 13 Ce qui enclenche son application ...................................... 14 L’autorité responsable ...................................... 15 Le processus d’évaluation environnementale ...................................... 16 Le processus de prise de décision ...................................... 18 ii. L’article 35 de la Loi sur les pêches et la compétence sur les pêcheries ...................................... 20 L’article 35 est un déclencheur explicite et valide de l’application de la Loi ...................................... 21 - ii TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DES INTIMÉS Page La compétence en matière de pêcheries offre une assise parfaitement suffisante pour justifier l’application de la Loi en l’espèce ...................................... 25 B. La Loi est applicable au territoire régi par la Convention ...................................... 29 i. La Convention ...................................... 30 ii. Le régime du chapitre 22 ...................................... 32 Le processus d’évaluation et la compétence des « administrateurs » ...................................... 32 La détermination de la portée de l’évaluation et la préparation du rapport d’impacts ...................................... 34 L’examen du rapport environnementales ...................................... 35 des répercussions La prise de décision ...................................... 36 iii. Le régime du chapitre 22 n’est pas un régime exclusif ...................................... 36 iv. La prépondérance dont doit bénéficier la Convention en cas d’incompatibilité avec les lois d’application générale n’écarte pas l’application de la Loi ...................................... 37 PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS ....................................... 40 PARTIE V ....................................... 40 – ORDONNANCE DEMANDÉE - iii TABLE DES MATIÈRES MÉMOIRE DES INTIMÉS Page PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES PARTIE VII – LÉGISLATION Reproduite au Recueil de sources de l’intimé. _______________ ........................................ 41 -1Mémoire des intimés Survol MÉMOIRE DES INTIMÉS SURVOL 1. L’article 35 de la Loi sur les pêches1 interdit l’exploitation d’ouvrages ou d’entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou encore la perturbation de l’habitat du poisson en l’absence d’une autorisation du ministre des Pêches et des Océans [le « ministre des Pêches »] prévoyant à quelles conditions et dans quelles circonstances il sera permis de déroger à cette interdiction. L’émission d’une telle autorisation est par ailleurs assujettie au régime de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale [la « Loi »]2. Le schéma législatif est clair et explicite à cet égard. 2. Le Procureur général du Québec soutient néanmoins que la Loi n’est pas applicable au projet minier que se propose de réaliser en l’espèce l’intimé, Lac Doré Mining Inc. sur le territoire visé par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois [la « Convention »]. Revendiquant en quelque sorte l’exclusivité de l’évaluation environnementale de ce projet, il estime, d’une part, que l’article 35 de la Loi sur les pêches et, ultimement, la compétence du Parlement sur les pêcheries, n’offrent pas une assise constitutionnelle suffisante pour justifier l’application de la Loi à un projet de compétence provinciale. D’autre part, il est d’avis que cette exclusivité est consacrée par la Convention. 3. Or, devant le fait que dans l’exercice de leurs pouvoirs respectifs, les deux paliers de gouvernement peuvent toucher l’environnement, il est maintenant acquis que la Constitution autorise le Parlement, tout comme les provinces d’ailleurs, à exiger la prise en compte des coûts environnementaux associés à l’exercice de pouvoirs liés aux divers domaines relevant de sa compétence. À cette fin, il lui est loisible de mettre 1 2 L.R., 1985, ch. F-14, Recueil de sources de l’intimé (R.S.I.), vol. I, onglet 7. L.C. 1992, ch. 37, sanctionnée le 23 juin 1992; la Loi a été amendée en octobre 2003 [L.C. 2003, ch. 9] mais les modifications qui y ont été apportées ne sont pas applicables aux faits du présent pourvoi, R.S.I., vol. I, onglet 4. -2Mémoire des intimés Survol en place, comme il l’a fait avec la Loi, des mécanismes d’évaluation environnementale faisant partie intégrante d’un processus éclairé de prise de décisions. Il est également acquis qu’un projet de nature locale relevant généralement de la compétence d’une province n’échappe pas, dans les cas où il empiète sur un domaine de compétence fédérale et exige de ce fait une prise de décision fédérale, à l’application de la législation fédérale pertinente et à la prise en compte de l’ensemble des coûts environnementaux afférents à cette décision. 4. Tout ce qu’exige la Constitution à cet égard, c’est qu’il existe un élément de proximité entre l’évaluation environnementale projetée, l’exercice du pouvoir décisionnel qui en déclenche l’application et le domaine de compétence dont ce pouvoir relève. Or, cette proximité est manifeste ici, la Loi devant servir à mesurer les coûts environnementaux associés à l’exercice d’un pouvoir décisionnel lié à l’un des éléments essentiels de la compétence fédérale en matière de pêcheries, la protection et la conservation de l’habitat d’une ressource, le poisson, reconnue comme étant de première importance pour le Canada. 5. À cet égard, rien au dossier n’indique que les autorités fédérales cherchent à intervenir pour des considérations étrangères à la protection de cet intérêt fédéral, dont personne ne conteste qu’il sera affecté par le projet minier envisagé en l’espèce, ou encore à des préoccupations liées à d’autres domaines de compétence fédérale. Rien n’indique non plus que l’évaluation environnementale, qui doit précéder la décision qu’elles devront prendre à ce sujet, ne vise autre chose que d’assurer que cette décision sera la plus éclairée possible, notamment eu égard aux coûts environnementaux qu’elle est susceptible d’engendrer. 6. D’autre part, comme l’a constaté la Cour d’appel du Québec, les parties à la Convention n’ont pas voulu faire du chapitre 22 un « régime autonome, exclusif et -3Mémoire des intimés Survol complet pour assurer la protection de l’environnement »3; elles ont, au contraire, spécifiquement prévu que les lois fédérales et provinciales en cette matière pourraient s’appliquer au territoire visé par la Convention. L’incompatibilité susceptible d’écarter l’application de la Loi est celle qui aurait pour effet d’empêcher l’application du régime du chapitre 22, ce qui n’est pas le cas ici puisque la composante provinciale dudit régime trouve déjà application en l’espèce. 7. La Loi s’applique ici en complémentarité à ce régime, chacun ayant ses objectifs propres; rien dans la Convention ne prohibe une telle coexistence. Ceci dit, la Cour d’appel, en déclarant la Loi applicable mais en substituant à son processus d’évaluation celui du chapitre 22, a opté pour une solution de compromis qui est conciliable avec les objectifs généraux de la Loi, lesquels ne prohibent ni la participation de la partie autochtone au processus d’évaluation entrepris sous son régime, ni la prise en compte de leurs préoccupations particulières, qui est sensible aux avantages que ledit chapitre confère à la partie crie, et qui permet à chaque ordre de gouvernement de jouer pleinement son rôle eu égard aux aspects du projet qui sont de son ressort. PARTIE I – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS 8. En mai 1999, l’intimé, Lac Doré Mining Inc. [alors MacKenzie Bay International Ltd.], annonçait son intention d’aménager une mine d’extraction de vanadium – un métal rare – à proximité de la ville de Chibougamau, au Québec [le « Projet Vanadium» ou le « Projet »]4. 9. L’endroit envisagé pour la réalisation du Projet étant situé dans le territoire régi par la Convention, cet intimé [le « promoteur »] a enclenché, comme il se devait, la composante provinciale du régime de protection de l’environnement et du milieu social 3 4 Arrêt de la Cour d’appel, par. 192, Dossier de l’Appelant [« D.A. »], vol. 1, p. 92. Lettre du promoteur du 27 mai 1999 et Avis de projet, D.A. vol. 2, p. 173-198. -4Mémoire des intimés Exposé concis des faits établi par le chapitre 22 de la Convention, en transmettant au sous-ministre du ministère de l’Environnement du Québec, en sa qualité « d’administrateur provincial » au sens dudit régime, les renseignements préliminaires concernant son projet5. Personne n’a contesté, et ne conteste en l’instance, l’application au Projet Vanadium de la composante provinciale dudit régime. 10. Par ailleurs, en décembre 1999, Pêches et Océans Canada informait le promoteur que certaines composantes du Projet paraissaient susceptibles de détériorer, détruire ou encore perturber l’habitat du poisson et qu’une autorisation suivant l’article 35 de la Loi sur les pêches serait fort probablement requise dans les circonstances6. Ce ministère informait du même souffle le promoteur que l’obtention d’une telle autorisation exigerait une évaluation environnementale préalable aux termes de la Loi7. 11. En août 2003, suite à la réception et à l’analyse de l’étude d’impact environnemental réalisée par le promoteur dans le cadre de la mise en œuvre du régime prévu au chapitre 22 de la Convention, laquelle démontrait que plusieurs aspects du Projet, tant au niveau de la construction de ses infrastructures que de son exploitation, affecteraient l’habitat du poisson d’une manière contraire à l’article 35 de la Loi sur les pêches, Pêches et Océans Canada confirmait son intention d’exiger du promoteur l’obtention d’une autorisation aux termes dudit article et d’enclencher, à cette fin, le processus d’évaluation environnementale requis par la Loi8. Cette décision, portée à la connaissance des autorités provinciales compétentes, n’a pas fait l’objet, à quelque égard que ce soit, d’une contestation judiciaire9. 12. Ultimement, comme la Loi le lui permettait, le ministre des Pêches, plutôt que de procéder à une étude approfondie du Projet Vanadium, tel qu’envisagé initialement, 5 6 7 8 9 Idem. Lettre de Pêches et Océans Canada du 7 décembre 1999, D.A. vol. 9, p. 79-82. Idem. Lettre de Pêches et Océans Canada du 11 août 2003, D.A. vol. 9, p. 96-98. Lettre de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale du 28 octobre 2004, D.A. vol. 9, p. 152-154. -5Mémoire des intimés Exposé concis des faits optait de s’adresser au ministre de l’Environnement afin que celui-ci fasse effectuer l’évaluation environnementale requise par une « commission d’examen» au sens de la Loi10. 13. En mai 2004, les intimés, Grand Chief Dr. Ted Moses, The Grand Council of the Crees (Eeyou Istchee) et The Cree Regional Authority [la « partie autochtone »], signifiaient aux autorités fédérales leur opposition à l’assujettissement du Projet à la Loi au motif de l’incompatibilité de celle-ci avec les dispositions du régime de protection de l’environnement et du milieu social établi par le chapitre 22 de la Convention, et exigeaient, du même souffle, la mise en œuvre de la composante fédérale de ce régime11. 14. Insatisfaite de la réponse fédérale, la partie autochtone intentait, en Cour supérieure du Québec, le recours en jugement déclaratoire et en injonction permanente à l’origine du présent pourvoi12, recours auquel est intervenu le Procureur général du Québec afin de soutenir la partie autochtone quant à l’incompatibilité de la Loi avec la Convention, soutenir la partie fédérale eu égard à l’inapplicabilité de la composante fédérale du régime du chapitre 22 et proposer, comme moyen subsidiaire, l’inapplicabilité constitutionnelle de la Loi au Projet en marge des règles du partage des compétences13. 15. Le dépôt de ces procédures a mené à la suspension de l’évaluation environnementale entreprise aux termes de la Loi. À ce moment, le ministre de l’Environnement n’avait encore ni nommé les membres de la Commission d’examen, ni entrepris, aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi, de déterminer la « portée du projet » à l’égard duquel ladite évaluation serait effectuée. 10 11 12 13 Lettre de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale du 13 mai 2004, D.A. vol. 9, p. 163164. Lettre des procureurs des Cris du 4 mai 2004, D.A. vol. 9, p. 158-159. Amended Motion to Institute Proceedings for Declaratory Judgement and Permanent Injunction, D.A. vol. 2, p. 2. Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, D.A. vol. 2, p. 61. -6Mémoire des intimés 16. Exposé concis des faits Il n’est pas contesté en l’espèce que la réalisation et l’exploitation du Projet auraient un impact sur l’habitat du poisson14. Le jugement de la Cour supérieure du Québec 17. Le 30 mars 2006, la juge Nicole Bénard, j.c.s., donnait raison à la partie autochtone en déclarant la Loi inapplicable au Projet en raison des différences marquées entre le régime de protection de l’environnement qu’elle met en place et celui prévu à la Convention, principalement eu égard au fait que la Loi n’assure pas aux Cris de la Baie James les mêmes droits et avantages que leur garantit la Convention15. Pour la juge Bénard, il y a là incompatibilité entre les deux textes qui, aux termes des dispositions des lois fédérales et provinciales de mise en œuvre de la Convention faisant primer celle-ci en cas de conflit avec toute autre loi, a pour effet, en l’instance, d’écarter l’application de la Loi16. 18. La partie autochtone a par ailleurs échoué dans sa tentative de faire appliquer au Projet la composante fédérale du régime établi par le chapitre 22 de la Convention. Sur ce point, la juge Bénard, se disant en arriver aux mêmes conclusions que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bande d’Eastmain17, a exprimé l’avis que c’est la nature, fédérale ou provinciale, d’un projet donné, et non ses répercussions dans les domaines de compétence des deux ordres de gouvernement, comme le soutenait la partie autochtone, qui détermine laquelle de la composante fédérale ou provinciale dudit régime, par ailleurs de facture similaire, sera applicable à ce projet.18 14 15 16 17 18 Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, par. 32-37, D.A. vol. 2, p. 68-69. Jugement de première instance, par. 134, D.A. vol.1, p. 27. Jugement de première instance, par. 147, D.A. vol.1, p. 29. Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), [1993] 1 C.F. 501 (C.A.), permission d’en appeler refusée le 14 octobre 1993 : [1993] S.C.C.A. no 23 [Q.L.] , R.S.I., vol. II, onglet 14. Jugement de première instance, par. 148-170, D.A. vol.1, p. 29-33. -7Mémoire des intimés 19. Exposé concis des faits Selon la juge Bénard, il ressort du texte de la Convention que l’intention de ses parties signataires était manifestement de n’assujettir un projet visé par le chapitre 22 qu’à l’une ou l’autre des deux composantes - fédérale ou provinciale - du régime de protection de l’environnement établi à ce chapitre. Comme le projet envisagé en l’espèce - un projet d’exploitation minière - relève de la compétence de la province, elle en a conclu que seule la composante provinciale dudit régime, déjà enclenchée par ailleurs, était applicable19. 20. L’argument subsidiaire avancé par le Procureur général du Québec et fondé sur le partage des compétences n’a pas été abordé par la juge Bénard. 21. La partie autochtone et les intimés, le Procureur général du Canada, l’Honorable David Anderson, en sa qualité de ministre de l’Environnement, et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale [les «Intimés »], ont chacun logé un appel à l’encontre de la partie de ce jugement qui leur était défavorable. L’arrêt de la Cour d’appel du Québec 22. La Cour d’appel a d’abord disposé des arguments du Procureur général du Québec. Estimant que le schéma législatif applicable ici est clair, qu’il se démarque, sur le plan des mécanismes de mise en œuvre, de son prédécesseur, le Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement20 [le « Décret »], et qu’en conséquence, l’arrêt de cette Cour dans Friends of the Oldman River Society21 ne lui est plus d’aucun secours à cet égard, la Cour a écarté l’argument voulant que l’article 35 de la Loi sur les pêches ne soit pas un déclencheur valide du régime d’évaluation environnementale établi par la Loi22. 19 20 21 22 Idem. DORS/84-467, R.S.I., vol. I, onglet 2. Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, R.S.I., vol. II, onglet 18. Arrêt de la Cour d’appel, par. 93-115, D.A. vol. 1, p. 67-73. -8Mémoire des intimés 23. Exposé concis des faits Elle a fait de même de l’argument constitutionnel du Procureur général du Québec voulant que les dispositions de la Loi autorisant la tenue d’une évaluation de type « étude approfondie » reçoivent une lecture atténuée de manière à ne pas être applicables - parce que de portée trop large - à un projet de compétence provinciale23. 24. Statuant à cet égard que la Loi, tout comme le Décret, demeure, sur le fond, « un outil de collecte d’information, de planification et d’évaluation pour la prise en compte des facteurs environnementaux pour les décisions qui relèvent de la sphère des compétences fédérales »24, et que, sur ce plan, les deux textes sont de portée comparable, la Cour a rejeté cet argument sur la base qu’il procède d’une lecture erronée de la Loi25. 25. Ayant conclu à l’existence d’un déclencheur valide obligeant les autorités fédérales à entamer en l’espèce un processus d’examen environnemental26, la Cour a ensuite abordé la question sous l’angle de la Convention et l’a fait dans le contexte d’un amendement apporté par la partie autochtone à ses procédures d’appel, amendement qui l’invitait à se demander, en tenant pour acquis la présence d’un déclencheur fédéral valable, lequel du « processus » d’examen de la Convention ou de celui prévu à la Loi, les autorités fédérales se devaient d’utiliser27. 26. La Cour d’appel a d’abord exprimé l’avis que les parties signataires n’avaient pas voulu faire du chapitre 22 un « régime autonome, exclusif et complet pour assurer la protection de l’environnement »28, mais qu’au contraire, elles avaient spécifiquement prévu que les lois fédérales et provinciales en cette matière pourraient, sauf incompatibilité, s’appliquer au territoire visé par la Convention. 23 24 25 26 27 28 Arrêt de la Cour d’appel, par. 108-112, D.A. vol. 1, p. 70-73. Arrêt de la Cour d’appel, par. 69, D.A. vol. 1, p. 62. Arrêt de la Cour d’appel, par. 110, D.A. vol. 1, p. 71. Arrêt de la Cour d’appel, par. 115, D.A. vol. 1, p. 73. Arrêt de la Cour d’appel, par. 79, D.A. vol. 1, p. 65. Arrêt de la Cour d’appel, par. 192, D.A. vol. 1, p. 92. -9Mémoire des intimés 27. Exposé concis des faits Introduisant la notion de déclencheurs « internes » et « externes » à la Convention, la Cour a statué que de telles législations pouvaient, sans que cela soit incompatible avec la Convention, prévoir la mise en œuvre de processus d’examen environnemental à l’aide d’un déclencheur « externe », c'est-à-dire non issu de la Convention29. Elle en a conclu que la Loi contenait un tel déclencheur, qu’elle s’appliquait donc en l’espèce et qu’il y avait lieu, en conséquence, d’engager, à l’égard du Projet, un second processus d’évaluation, en sus de celui déjà entamé aux termes de la composante provinciale du chapitre 2230. 28. Toutefois, jugeant, pour essentiellement les mêmes raisons que la juge de première instance, le « processus d’examen» prévu à la Loi incompatible avec celui prévu au chapitre 22 de la Convention, la Cour, invoquant une règle de prépondérance, a conclu, tout en déclarant la Loi par ailleurs applicable, qu’il fallait substituer à ce processus celui de la composante fédérale du régime établi par ledit chapitre31. 29. Par ailleurs, vu sous l’angle des déclencheurs « internes », c’est-à-dire ceux issus de la Convention et mettant en œuvre le régime du chapitre 22, la Cour, s’inspirant elle aussi du jugement de la Cour d’appel fédérale dans Bande d’Eastmain, a entériné la conclusion du premier juge à l’effet que le projet du promoteur était assujetti à la règle du processus unique et qu’en raison de sa nature, c’est la composante provinciale, plutôt que fédérale, dudit régime, qui devait, seule, recevoir application en l’espèce32. PARTIE II – QUESTION EN LITIGE 30. Dans une ordonnance rendue le 12 décembre 2008, madame la juge en chef McLaughlin a formulé la question constitutionnelle suivante aux fins du présent pourvoi : 29 30 31 32 Arrêt de la Cour d’appel, par. 193-194, D.A. vol. 1, p. 93. Arrêt de la Cour d’appel, par. 200, D.A. vol. 1, p. 93. Arrêt de la Cour d’appel, par. 201, D.A. vol. 1, p. 94. Arrêt de la Cour d’appel, par. 177-178, D.A. vol. 1, p. 90. - 10 Mémoire des intimés Question en litige La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 et ses règlements d’application sont-ils constitutionnellement applicables au projet situé sur le territoire qu’envisage l’art. 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois? 31. Les Intimés soutiennent qu’il faut répondre à cette question par l’affirmative tant sur le plan du partage des compétences que sur celui du rapport de la Loi à la Convention. 32. Par ailleurs, la solution retenue par la Cour d’appel de substituer le processus d’examen du chapitre 22 de la Convention à celui prévu à la Loi, bien que pouvant être jugée imparfaite sur le plan juridique, demeure compatible avec les principes directeurs de la Loi voulant que les autorités fédérales soient invitées à tenir compte de façon particulière des préoccupations des populations autochtones susceptibles d’être affectées par un projet de développement dans l’évaluation de ses impacts environnementaux, de même qu’avec les mécanismes de coordination, de coopération et d’harmonisation des processus d’évaluation qui y sont prévus et qui offrent suffisamment de souplesse pour permettre, en l’instance, la participation de la partie crie au processus d’évaluation entrepris sous son régime. PARTIE III – ARGUMENTATION A. RIEN, DANS LES RÈGLES DU PARTAGE DES COMPÉTENCES, NE S’OPPOSE EN L’INSTANCE À L’APPLICABILITÉ DE LA LOI CANADIENNE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE A.1 33. L’ENVIRONNEMENT ET LE PARTAGE DES COMPÉTENCES Comme cette Cour a été appelée à le dire à plusieurs reprises au cours des dernières années, assurer le développement économique efficace d’une société tout en veillant à préserver l’intégrité de l’environnement est devenu, et demeure plus que jamais, l’un - 11 Mémoire des intimés Argumentation des principaux défis de notre époque et un objectif public de première importance33. À cette fin, un grand nombre d’États ont adopté des lois qui, d’une part, sanctionnent les atteintes à l’environnement et, d’autre part, permettent de prévenir la réalisation de projets qui auraient pour conséquence de détériorer l’environnement. Le Canada n’y a pas fait exception. 34. Dans l’ordre constitutionnel canadien, la compétence de légiférer en cette matière n’est toutefois pas l’apanage d’un seul palier de gouvernement. Matière diffuse et obscure, qui comprend « tout ce qui nous entoure », l’environnement ne constitue pas une unité constitutionnelle homogène de telle sorte que tant le Parlement que les provinces peuvent légiférer en cette matière aux fins de répondre aux préoccupations environnementales liées aux domaines de compétence que la Constitution leur attribue de part et d’autre34. 35. Ce faisant, il est parfaitement loisible au Parlement, dans le cadre de la mise en œuvre des lois relevant de sa compétence, d’adopter des dispositions visant à minimiser ou encore à prévenir l’impact de cette mise en œuvre sur l’environnement. C’est ce qu’il a fait ici en adoptant la Loi. 36. Par ailleurs, l’interaction résultant de l’activité législative des provinces et du Parlement en matière de protection de l’environnement suppose nécessairement un certain chevauchement. Pour autant que cette activité se rapporte à un domaine de compétence approprié, elle sera parfaitement valide sur le plan constitutionnel, même si elle affecte de manière incidente un champ de compétence relevant de l’autre ordre de gouvernement35. 33 34 35 Friends of the Oldman River Society c. 17, 37, R.S.I., vol. II, onglet 18; R. c. vol. IV, onglet 34. Friends of the Oldman River Society c. 68, R.S.I., vol. II, onglet 18. Friends of the Oldman River Society c. 69, R.S.I., vol. II, onglet 18. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 16Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, par. 85-86, R.S.I., Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 67Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 64- - 12 Mémoire des intimés 37. Argumentation À cet égard, cette Cour, dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, a jugé que le fait qu’un projet soit principalement assujetti à la réglementation provinciale n’était pas un facteur particulièrement utile aux fins de départager la compétence constitutionnelle de chacun des paliers de gouvernement à l’égard de l’évaluation environnementale de ce projet puisque c’était là poser un principe erroné, celui de l’existence d’une théorie générale de l’exclusivité des compétences visant à exempter les ouvrages ou entreprises de nature provinciale de l’application de lois fédérales par ailleurs valides36. 38. La règle en droit constitutionnel canadien veut plutôt que les projets de nature locale relevant généralement de la compétence des provinces demeurent assujettis, dans leurs aspects fédéraux, à la législation fédérale applicable. Comme l’a affirmé cette Cour, les projets de cette nature « peuvent exiger la participation du fédéral dans le cas où le projet empiète sur un domaine de compétence fédérale comme en l’espèce »37. 39. Le Procureur général du Québec, qui ne conteste pas la validité constitutionnelle de la Loi ou encore de l’une quelconque de ses dispositions, ne paraît pas davantage remettre en cause ce principe, qui fait de la coexistence des responsabilités fédérales et provinciales en matière de protection de l’environnement, la règle, et non l’exception. Il semble plutôt soutenir que, pour que ce principe soit applicable, encore faut-il que le domaine de compétence fédérale invoqué pour justifier la participation fédérale puisse permettre d’affecter ou de toucher le projet visé. Selon lui, ce ne serait pas le cas en l’espèce, la compétence sur les pêcheries n’ayant pas une portée suffisante pour justifier une évaluation environnementale de l’ampleur de celle que permet la Loi. 36 37 Ibid., p. 68-69; voir aussi : Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, par. 23, R.S.I., vol. III, onglet 21; General Motors of Canada c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, p. 669, R.S.I., vol. III, onglet 20. Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 69, R.S.I., vol. II, onglet 18. - 13 Mémoire des intimés 40. Argumentation Cette prétention doit échouer. Tout ce qu’exige la Constitution, c’est qu’il existe un élément de proximité entre l’évaluation environnementale projetée, l’exercice du pouvoir décisionnel qui en déclenche l’application et le domaine de compétence dont ce pouvoir relève38. Or, comme nous allons le voir, cette proximité est manifeste ici, la Loi devant servir à mesurer les coûts environnementaux associés à l’exercice d’un pouvoir décisionnel lié à l’un des éléments essentiels de la compétence fédérale en matière de pêcheries, la protection et la conservation de l’habitat d’une ressource, le poisson, reconnue comme étant de première importance pour le Canada. 41. En d’autres termes, rien ne s’oppose, sur le plan constitutionnel, à ce que le ministre des Pêches, conformément aux responsabilités que lui a confiées le Parlement, soit tenu de prendre en compte l’ensemble des coûts environnementaux liés ou associés à sa décision d’émettre l’autorisation visée par l’article 35(2) de la Loi sur les pêches. A.2 i. 42. LE SCHÉMA LÉGISLATIF ET JURIDICTIONNEL APPLICABLE La Loi La Loi est entrée en vigueur en janvier 1995; elle succédait au Décret. Dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, cette Cour, statuant sur sa validité constitutionnelle, a dit du Décret qu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’un outil de planification, caractérisé par un mécanisme de collecte de renseignements et de prise de décisions, dont l’objet était de faire en sorte que les décideurs fédéraux déterminent et évaluent avant coup les conséquences environnementales possibles d’une entreprise, d’une activité ou encore d’un ouvrage proposé afin de permettre, à leur égard, une prise de décision éclairée prenant en compte la protection et la préservation de l’environnement39. 38 39 Ibid., p. 72. Ibid., p. 17, 71-75. - 14 Mémoire des intimés 43. Argumentation Elle en a dit aussi que rien, sur le plan constitutionnel, ne s’opposait à ce que l’examen environnemental requis en vertu du Décret déborde le cadre du domaine de compétence duquel le décideur tenait son autorité décisionnelle et s’étende à tous les domaines de compétence fédérale susceptibles d’être touchés par l’entreprise, l’activité ou l’ouvrage proposé40. 44. Comportant à la fois un aspect de fond [la prise en compte des incidences environnementales d’un projet] et un aspect procédural ou organisationnel [la coordination du processus d’évaluation dans les cas de projets touchant à plusieurs domaines de compétence fédérale], le Décret venait en somme ajouter un palier de préoccupations à celui que les décideurs fédéraux étaient déjà tenus d’évaluer en vertu de leur loi habilitante41. 45. Or, la Loi est de facture similaire et poursuit les mêmes fins. Tel qu’en font foi son préambule et sa clause d’objet [article 4], elle vise à permettre aux autorités responsables de mesurer et prendre en compte les incidences environnementales des décisions qu’elles sont appelées à prendre à l’égard d’un projet de développement aux termes de pouvoirs qu’elles possèdent à cet égard. La Loi prévoit ainsi ce qui en déclenche l’application, définit le rôle des ministères et agences du gouvernement fédéral interpellés par sa mise en œuvre, met en place un processus d’évaluation et d’examen environnemental et établit les paramètres du processus de prise de décisions qui s’ensuit. Ce qui enclenche son application 46. L’article 5 est la disposition-clé à cet égard; il impose à toute « autorité fédérale »42 l’obligation de procéder à une évaluation environnementale d’un projet avant qu’elle ne le mette en œuvre, lorsqu’elle en est le promoteur, qu’elle n’accorde à son 40 41 42 Ibid., p. 71-72. Ibid., p. 71-75. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, précitée, note 2, art. 2, R.S.I., vol. I, onglet 4. - 15 Mémoire des intimés Argumentation promoteur du financement aux fins de sa mise en œuvre, qu’elle ne cède à cette fin une terre domaniale, ou encore qu’elle ne délivre un permis, une licence ou une autorisation en vue de permettre, en tout ou en partie, cette mise en œuvre. 47. C’est ce dernier déclencheur [par. 5(1)d)] qui est pertinent en l’instance. L’autorité fédérale visée par ce déclencheur est celle qui tire ses pouvoirs d’émettre un permis, une licence ou une autorisation d’une disposition identifiée dans un règlement pris aux termes de la Loi, en l’occurrence le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées43. L’autorité responsable 48. L’autorité fédérale visée par l’article 5 devient « l’autorité responsable » au sens de la Loi44. C’est à elle qu’incombe la responsabilité de veiller à ce qu’il soit procédé à une évaluation environnementale et à ce que cela soit fait le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant que ne soit prise une décision irrévocable à son égard [par. 11(1)]. Elle pourra, à cette fin et à sa demande, compter sur la collaboration de toute autorité fédérale qui est non visée par l’article 5 mais qui possède une expertise ou des connaissances particulières touchant le projet [par. 12(3)]. 49. L’autorité responsable a également le pouvoir de coopérer avec une « instance » non fédérale ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet. Cette instance peut être le gouvernement d’une province ou un organisme créé par elle ou, encore, un organisme constitué aux termes d’un accord de revendication territoriale au sens du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982 ou aux termes d’une loi relative à l’autonomie gouvernementale des Indiens [par. 12(4) et (5)]. 43 44 DORS/94-636, R.S.I., vol. I, onglet 9. Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, précitée, note 2, art. 2, R.S.I., vol. I, onglet 4. - 16 Mémoire des intimés 50. Argumentation De manière générale, le processus d’évaluation environnementale est géré par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale [« l’Agence »], un organisme créé par la Loi et placé sous la responsabilité du ministre de l’Environnement [le « Ministre »]. L’Agence a aussi pour mission de promouvoir l’uniformisation et l’harmonisation des processus d’évaluation des effets environnementaux à l’échelle du Canada et à tous les paliers administratifs [article 62]. Le processus d’évaluation environnementale 51. Une fois déterminé que le processus d’évaluation établi par la Loi s’applique, l’autorité responsable ou encore le Ministre, dans le cas où le projet est renvoyé à la médiation ou à un examen par une commission, détermine la portée du projet à l’égard duquel l’évaluation environnementale devra être effectuée [article 15]. L’évaluation peut ainsi viser l’ensemble du projet envisagé par le promoteur tout comme elle peut être effectuée à l’égard de certains aspects seulement de celui-ci, selon ce qu’en auront décidé l’autorité responsable ou le Ministre, la Loi leur conférant une discrétion à cet égard selon l’interprétation qu’en ont donnée les tribunaux jusqu’à maintenant45. L’idée est simple : elle est de maintenir un lien de proximité entre le processus d’examen environnemental et le ou les domaines de compétence fédérale concernés par l’exercice du pouvoir ou de l’attribution décisionnelle en cause. 52. Le processus d’évaluation environnementale peut prendre diverses formes : examen préalable, étude approfondie, médiation ou examen par une commission, laquelle tient des audiences publiques, possède le pouvoir d’assigner des témoins et celui de les contraindre à produire des documents. Dans chaque cas, le processus doit se conclure par l’établissement d’un rapport qui servira à la prise de décision requise par la Loi [article 14]. 45 Friends of the West Country Association c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.), par. 12, 29, R.S.I., vol. III, onglet 19; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2006] 3 R.C.F. 610, par. 18, 20, R.S.I., vol. III, onglet 28. - 17 Mémoire des intimés 53. Argumentation Lorsque le projet, dont la portée a été déterminée aux termes de l’article 15, ne correspond pas à l’un des projets visés par la liste d’étude approfondie, il fait l’objet d’un examen préalable [article18]46. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque ledit projet, une fois sa portée déterminée aux termes de l’article 15, est visé par cette liste, l’autorité responsable a la faculté de procéder à une étude approfondie du projet ou de s’adresser au Ministre afin que celui-ci fasse effectuer une médiation ou encore un examen par une commission [article 21] 47 . À tout moment et dans tous les cas, l’autorité responsable conserve toutefois la faculté de référer le projet au Ministre lorsqu’elle estime qu’il risque d’entraîner des effets environnementaux négatifs malgré l’application des mesures d’atténuations qu’elle envisage, ou encore que les préoccupations exprimées par le public justifient qu’il soit procédé à une médiation ou à un examen par une commission [article 25]. 54. Quelle que soit la forme de l’évaluation environnementale effectuée en vertu de la Loi, celle-ci doit s’intéresser aux effets environnementaux du projet, tel qu’il aura été défini aux termes de l’article 15, à leur importance, aux observations du public, aux mesures d’atténuations réalisables techniquement et économiquement, et à tout autre élément pertinent, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange, dont l’autorité responsable ou, selon le cas, le ministre, peut exiger la prise en compte [par. 16(1)]. 55. Pour les projets soumis à une étude approfondie ou à un examen par une commission, l’évaluation doit aussi obligatoirement porter, pour l’essentiel, sur la raison d’être du projet, les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique et la nécessité d’un programme de suivi [par. 16(2)]. 46 47 Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), précité note 45, par. 15, 18, R.S.I., vol. III, onglet 28. Il s’agit de la version de l’article 21, tel qu’il se lisait avant les amendements d’octobre 2003. - 18 Mémoire des intimés Argumentation Le processus de prise de décision 56. À moins que l’autorité responsable ou le Ministre ne mette fin à l’évaluation [articles 26 et 27], celle-ci, quel que soit le mode d’évaluation retenu, culmine dans tous les cas par l’établissement d’un rapport [article 14] et la prise subséquente d’une « décision » basée sur la prise en compte du rapport. 57. Lorsque le rapport est consécutif à un examen préalable, l’autorité responsable a le choix d’exercer, à l’égard du projet, les pouvoirs décisionnels - ou attributions - que sa loi habilitante lui confère dans les cas où elle est satisfaite ou non qu’avec l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées et à laquelle elle veillera, la réalisation dudit projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants [alinéa 20(1)a) et b)]. Elle a également le pouvoir de requérir du Ministre une médiation ou un examen par une commission lorsqu’il demeure incertain, compte tenu de l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées, que le projet entraînera des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances, ou lorsque les préoccupations exprimées par le public le justifient [alinéa 20(1)c)]. 58. Dans les cas où le rapport est consécutif à une étude approfondie, il doit être présenté au Ministre qui a alors le choix de renvoyer le projet à l’autorité responsable pour qu’elle décide s’il y a lieu ou non pour elle d’exercer les pouvoirs décisionnels que sa loi habilitante lui confère selon que le projet, compte tenu des mesures d’atténuations envisagées, est, ou n’est pas, acceptable sur le plan de ses impacts environnementaux, ou encore de faire procéder à une médiation ou à un examen par une commission sur les mêmes bases que celles pouvant être invoquées par l’autorité responsable lorsqu’elle donne suite au rapport de l’examen préalable [article 23]48. 48 Il s’agit de la version de l’article 23, tel qu’il se lisait avant les amendements d’octobre 2003. - 19 Mémoire des intimés 59. Argumentation Enfin, lorsque le rapport est consécutif à une médiation ou à un examen par une commission, ou encore dans les cas où le Ministre ne juge pas nécessaire de renvoyer pour examen public un projet ayant fait l’objet d’une étude approfondie, l’autorité responsable est appelée à décider, sur la base dudit rapport, si elle exercera ses attributions ou pouvoirs décisionnels à l’égard du projet afin d’en permettre ou non, en tout ou en partie, la mise en œuvre selon qu’elle est satisfaite : a. qu’avec l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées et à laquelle elle veillera, la réalisation du projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants [par. 37(a)]; b. que malgré l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées, la réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances [par. 37(b)]. 60. Dans les cas où le rapport émane d’une médiation ou d’un examen par une commission, l’autorité responsable doit y donner suite avec l’agrément du gouverneur en conseil avant de décider si elle exercera ou non son pouvoir décisionnel à l’égard du projet visé [par. 37(1.1)]. 61. L‘ensemble de ce processus, qui doit précéder l’exercice du pouvoir décisionnel que possède l’autorité responsable à l’égard d’un projet, ne vise autre chose que d’assurer que cette décision, en tenant compte de ses impacts sur l’environnement, sera la plus éclairée possible dans les circonstances. Ce schéma, conçu de manière à assurer le maintien d’un lien de proximité entre l’exercice du pouvoir décisionnel relevant de la compétence fédérale et l’évaluation environnementale, répond ainsi à un objectif public de première importance, soit assurer le développement économique efficace d’une société tout en veillant à préserver l’intégrité de l’environnement. - 20 Mémoire des intimés Argumentation ii. L’article 35 de la Loi sur les pêches et la compétence sur les pêcheries 62. Dans l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), cette Cour a rappelé ce qu’elle considérait être les grands paramètres de la compétence fédérale sur les pêcheries : Ces décisions établissent indubitablement que la compétence en matière de pêcheries vise non seulement la conservation et la protection, mais encore la « réglementation » générale des pêcheries, y compris leur gestion et leur surveillance. Elles reconnaissent que les « pêcheries », au par. 91(12) de la Loi constitutionnelle de 1867, s’entendent des pêcheries en tant que ressource naturelle; [traduction] « une source de richesse pour le pays ou la province » (Robertson, précité, p. 121); un « bien commun » à gérer pour le bien de tous les Canadiens (Comeau’s Sea Foods, précité, par. 37). La ressource halieutique comprend tous les animaux qui habitent les mers, mais elle englobe aussi les intérêts commerciaux et économiques, les droits et les intérêts des peuples autochtones, de même que l’intérêt public en matière de sport et de loisirs. 49 63. La protection et la conservation de l’habitat du poisson, en tant que « bien commun à gérer pour le bien de tous les Canadiens », est manifestement au cœur de cette compétence et le Parlement ne l’a pas ignoré en y consacrant un chapitre complet de la Loi sur les pêches [« Protection de l’habitat des poissons et Prévention de la pollution »]. 64. L’article 35 est l’une des dispositions-clés de ce régime de protection de l’habitat du poisson. Il décrète qu’il est interdit d’exploiter des ouvrages ou des entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de cet habitat en l’absence d’une autorisation du ministre des Pêches prévoyant à quelles conditions et dans quelles circonstances il sera permis de déroger à cette interdiction. 49 [2002] 1 R.C.S. 569, par. 41, R.S.I., vol. IV, onglet 39. - 21 Mémoire des intimés Argumentation L’article 35 est un déclencheur explicite et valide de l’application de la Loi 65. Comme nous l’avons vu, l’application de la Loi s’impose, suivant l’alinéa 5(1)d) de la Loi, chaque fois, notamment, qu’une autorité fédérale est tenue, aux termes d’une disposition identifiée dans le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées pris en vertu du paragraphe 59 (f) de la Loi, de délivrer un permis, une licence ou une autorisation en vue de permettre, en tout ou en partie, la mise en œuvre d’un projet. 66. Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, dont le ministre des Pêches s’estime ici tenu d’exercer les pouvoirs, figure parmi les dispositions désignées par ce règlement, faisant en sorte que l’application de la Loi s’en trouve, de ce fait, engagée. Comme le mentionne à juste titre la Cour d’appel, suivant les principes du droit administratif, « l’on peut difficilement soutenir que la LCEE ne trouve pas application en l’espèce, alors que le ministre des Pêches est appelé à donner son autorisation aux termes de l’article 35(2) »50. 67. L’objection du Procureur général du Québec, qui tient davantage du droit administratif que du droit constitutionnel et qui voudrait que le paragraphe 35(2) ne soit pas applicable car il ne concerne que « l’exploitation » d’un ouvrage ou d’une entreprise, et non sa « mise en œuvre », comme l’exige, selon lui, l’alinéa 5(1)d) de la Loi, ne peut être retenue. 68. Outre le fait que le vires du Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées n’ait jamais été attaqué en l’espèce, cette prétention procède d’abord d’une lecture erronée de la Loi, laquelle définit les projets visés par l’alinéa 5(1)d) comme comprenant tant leur « exploitation » que leur « réalisation »51. Elle se heurte donc au fait que, même en supposant le bien fondée de son 50 51 Jugement de la Cour d’appel, par. 106, D.A. vol. 1, p. 70. Article 2 de la Loi. - 22 Mémoire des intimés Argumentation interprétation restrictive du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, celui-ci constitue une « attribution » clairement envisagée par l’alinéa 5(1)d). 69. Cette prétention procéde également d’une application erronée de l’arrêt Friends of the Oldman River Society et de ce qui est permis de lui faire dire lorsqu’il s’agit d’interpréter l’alinéa 5(1)d) de la Loi, notamment eu égard à son rapport au paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches. 70. L’alinéa 5(1)d) a été adopté dans la forme qu’on lui connaît afin de clarifier les conditions d’application de ce déclencheur par rapport à ce qu’elles étaient sous le régime du Décret, conditions que cette Cour a dû préciser de manière à prévenir que le Décret soit invoqué « chaque fois qu’il existe certaines possibilités de répercussions environnementales sur un domaine de compétence fédérale » 52. 71. Ces précisions, et la notion jurisprudentielle d’«obligation positive de réglementation » qui en a résulté, ont été fournies dans le contexte de l’interprétation de définition [« proposition »] et termes [« participe à la prise de décision »] propres au Décret. 72. Plus particulièrement, cette notion a été développée dans le contexte où ce même déclencheur, sous le Décret, visait les « propositions pouvant avoir des répercussions environnementales sur une question de compétence fédérale », où le terme « proposition » était défini comme une « entreprise ou activité à l’égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions » et où le ministère tenu d’appliquer le Décret dans un cas donné était celui « qui, au nom du gouvernement du Canada, exerce le pouvoir de décision à l’égard d’une proposition »53. 73. Or, la Loi n’a pas repris cette terminologie et il serait par conséquent hasardeux de vouloir importer à son texte, comme le fait l’appelant, des concepts élaborés dans le 52 53 Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 47, R.S.I., vol. II, onglet 18. Idem. - 23 Mémoire des intimés Argumentation contexte de l’interprétation d’un texte réglementaire libellé et conçu différemment à certains égards. 74. À tout événement, la notion d’«obligation positive de réglementation » sous-tend l’idée générale que la participation fédérale à l’évaluation environnementale d’un projet relevant de la compétence générale des provinces sera justifiée lorsqu’une autorité fédérale est investie d’une obligation ou d’un devoir légal à l’égard du projet 54 . Or, c’est précisément l’idée que sous-tend le paragraphe 5(1)d) de la Loi, ce déclencheur étant structuré de manière à conserver le lien entre l’exercice d’une attribution décisionnelle fédérale et le processus d’évaluation environnementale. 75. Par ailleurs, il est tout aussi hasardeux de prétendre que cette Cour, dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, a scellé le sort de l’article 35 de la Loi sur les pêches comme ne permettant pas l’enclenchement d’un processus d’évaluation environnementale, ni sous le régime du Décret, ni sous celui de la Loi. Au-delà du fait, comme nous venons de le dire, que cet arrêt a été rendu sur la base d’un contexte statutaire différent, la Cour ne paraît pas s’être penchée, de manière spécifique et encore moins décisive, sur le paragraphe 35(2). Son commentaire, plutôt général, sur l’article 35 ne faisant allusion qu’à l’interdiction qu’il stipule et à la sanction pénale dont cette interdiction est assortie55. 76. C’est d’ailleurs sous cette réserve que la Cour d’appel fédérale a abordé cette question dans l’arrêt Bande d’Eastmain, également invoqué par le Procureur général du Québec au soutien de sa prétention, et qu’elle s’est bien gardée de tirer des conclusions fermes à cet égard 56. 54 55 56 Idem. Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 48, R.S.I., vol. II, onglet 18. Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité, note 17, p. 535-536, R.S.I., vol. II, onglet 14. - 24 Mémoire des intimés 77. Argumentation C’est plutôt sur l’article 37(2) de la Loi sur les pêches que cette Cour s’est attardée dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society. Estimant que cette disposition conférait au ministre des Pêches « un pouvoir législatif spécial limité », la Cour en a conclu qu’elle ne renfermait pas une « obligation positive de réglementation »57. 78. Or, le pouvoir prévu au paragraphe 35(2) est, à l’évidence, d’une autre nature; il confère au ministre un pouvoir de nature discrétionnaire, celui d’émettre une autorisation aux conditions et dans les circonstances qu’il juge indiquées, autorisation sans laquelle la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson résultant de l’exploitation d’un ouvrage ou d’une entreprise n’est pas permise. 79. C’est sans contredit une disposition aux termes de laquelle une autorité fédérale est tenue « de délivrer un permis, une licence ou une autorisation en vue de permettre, en tout ou en partie, la mise en œuvre d’un projet » [alinéa 5(1)d) de la Loi]. 80. À cet égard, la proposition voulant que l’article 35 de la Loi sur les pêches ne puisse viser un ouvrage ou une entreprise à l’étape de sa conception et de son aménagement, et donc, qu’il n’ait pas rapport à sa « mise en œuvre », doit être rejetée puisqu’il s’agit là d’une interprétation qui ne tient pas compte de l’un des objectifs fondamentaux de cette loi, la protection et la préservation de l’habitat du poisson en tant que ressource de première importance pour le pays58. 81. Plus particulièrement, cette interprétation a pour effet de priver l’article 35 de tout caractère préventif et de condamner le ministre à n’intervenir qu’après le fait et donc, 57 58 Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 49, R.S.I., vol. II, onglet 18. Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, par. 37, R.S.I., vol. II, onglet 15; Northwest Falling Contractors Ltd. c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 292, R.S.I., vol. III, onglet 26; R. c. Fillion, [1994] R.L. 357 (C.A.) , R.S.I., vol. IV, onglet 32; Gulf Trollers Assn. c. Canada (ministre des Pêches), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.) , R.S.I., vol. III, onglet 22; R. v. Kingston (Corp. of the City), (2004) 240 D.L.R. (4th) 734, par. 66, R.S.I., vol. IV, onglet 36; R. v. Leveque, (2001) C.E.L.R. (N.S.) 294, R.S.I., vol. IV, onglet 37; R. v. Zuber, [2004] O.J. no. 2989, R.S.I., vol. IV, onglet 38; R. v. Basso, (2001) 39 C.E.L.R. (N.S.) 42, par. 39, R.S.I., vol. IV, onglet 35. - 25 Mémoire des intimés Argumentation une fois les dommages à l’habitat de poisson et à l’environnement constatés. Ce ne pouvait être là l’intention du Parlement. 82. D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la Loi, les tribunaux ont toujours considéré le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches comme constituant un déclencheur valide aux termes de l’alinéa 5(1)d) de la Loi, y compris en contexte d’aménagement de projets miniers59. Rien ne justifie qu’il n’en soit plus ainsi. La compétence en matière de pêcheries offre une assise parfaitement suffisante pour justifier l’application de la Loi en l’espèce 83. Le Procureur général du Québec soutient que la compétence du Parlement sur les pêcheries serait « trop étroite » pour justifier que la Loi puisse s’appliquer au Projet puisque cette compétence « ne permettrait pas de régir les activités ou les industries qui relèvent de la compétence exclusive des législatures provinciales »60. Il en tient pour preuve les arrêts A.G. of Canada c. A.G. of British Columbia, Fowler c. La Reine et R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd 61. 84. Or, outre le fait, comme nous l’avons vu, qu’il ne soit pas déterminant, pour décider de l’applicabilité de la Loi, que l’on se trouve en présence d’un projet relevant principalement de la compétence des provinces, ces décisions n’aident en rien l’appelant. Tout ce qu’elles mettent en relief, c’est que le Parlement ne peut, à partir de sa compétence sur les pêcheries, réglementer la mise en conserve et la mise en 59 60 61 Voir, notamment, MiningWatch Canada c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2008 CAF 209, R.S.I., vol. III, onglet 23; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), précité, note 45, R.S.I., vol. III, onglet 28; Pembina Institute for Appropriate Development c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2005 CF 1123, R.S.I., vol. III, onglet 27; Environmental Ressource Center c. Canada (Ministre de l’Environnement), 214 F.T.R. 94, R.S.I., vol. II, onglet 16; Alberta Wilderness Assoc. c. Cardinal River Coals Ltd. [1999] 3 C.F. 425, R.S.I., vol. II, onglet 12; Mémoire de l’appelant, par. 77. A.G. Canada c. A.G. British Columbia, [1930] 1 D.L.R. 194, R.S.I., vol. II, onglet 11; Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213, R.S.I., vol. II, onglet 17; R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd, [1988] 1 R.C.S. 401, R.S.I., vol. IV, onglet 31. - 26 Mémoire des intimés Argumentation marché du poisson, ou encore réglementer la pollution de l’eau en général sans qu’existe un lien entre cette réglementation et la préservation de l’habitat du poisson. Le professeur Hogg résume bien la portée réelle de l’arrêt Fowler : The power to protect the environment of fish is not a general power to regulate water pollution. In Fowler v. The Queen (1980), the Supreme Court of Canada struck down a section of a federal Fisheries Act that prohibited the deposit of logging debris “into any water frequented by fish”. Martland J. for the Court held that the vice of the law was that it did not link the proscribed conduct to actual or potential harm to fisheries, and there was no evidence that all logging debris was in fact harmful to fisheries. Such a blanket prohibition of an activity that would normally be subject to provincial jurisdiction was accordingly unconstitutional. One month after the decision in Fowler, the Court reached a different result in Northwest Falling Contractors v. The Queen (1980). In that case, the Court upheld a section of the federal Fisheries Act that prohibited the deposit of a “deleterious substance” into water frequented by fish. The term “deleterious substance” was defined as something “deleterious to fish or fish habitat or to the use by man of fish”. This definition provided the link between the prohibited conduct and the harm to fisheries which had been lacking in the offence struck down in Fowler. This enabled Martland J. for the Court to distinguish the earlier case, and uphold the validity of the offence in this case. Taken together, the two cases emphasize that the fisheries power will authorize the regulation of non-fishing activity only when there is clear connection between the regulated activity and a harmful effect on fisheries.62 85. La jurisprudence de cette Cour est donc plutôt à l’effet que la compétence en matière de pêcheries permet la réglementation d’activités ou d’industries qui relèvent de la compétence des provinces en autant qu’il existe un lien, une proximité certaine, « a clear connection », entre cette réglementation et la protection de la ressource. L’arrêt Ward, dans lequel cette Cour a jugé valide aux termes de la compétence sur les pêcheries un règlement fédéral interdisant la vente, l’échange ou le troc de jeunes phoques, en fournit un bon exemple63. 62 63 Hogg, P., Constitutional Law of Canada, Fifth Edition Supplemented, Thomson Carswell, p. 30-16, 30-17, R.S.I., vol. IV, onglet 42. Ward c. Canada (Procureur général), précité, note 49, R.S.I., vol. IV, onglet 39. - 27 Mémoire des intimés 86. Argumentation D’ailleurs, la compétence sur les pêcheries est vaste64 et demeure l’une des sources les plus importantes du pouvoir du Parlement de légiférer en matière d’environnement et de réglementer, ce faisant, l’environnement propre aux poissons65; qui dit pêcheries réfère non seulement à la ressource halieutique comme telle, mais aussi à la dimension socio-économique de celle-ci, aux droits et intérêts des peuples autochtones, de même qu’à l’intérêt public en matière de sports et de loisirs. 87. Rien, donc, ne justifie la vision étroite de la compétence en matière de pêcheries et la lecture « atténuante » de l’alinéa 35(2) de la Loi sur les pêches que prône l’appelant, lesquelles auraient pour effet de soustraire à l’application de la Loi tout projet de compétence provinciale susceptible de porter atteinte à l’habitat du poisson. 88. À tout événement, rien au dossier ne laisse croire que le ministre des Pêches - ou encore celui de l’Environnement - cherche à intervenir pour des considérations étrangères à l’intérêt public lié à la protection et à la préservation de l’habitat du poisson ou encore à des préoccupations liées à d’autres domaines de compétence fédérale susceptibles d’être affectés par la mise en œuvre du Projet. 89. Le Procureur général du Québec semble confondre ici la portée des renseignements nécessaires à la décision que le ministre des Pêches est appelé à prendre et la portée de la compétence en matière de pêcheries. Le ministre doit ici décider s’il autorisera ou non la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson résultant de l’exploitation d’un ouvrage et il doit, pour ce faire, évaluer les coûts environnementaux associés à cette décision, c'est-à-dire associés au fait de permettre une activité dommageable pour l’habitat du poisson. 90. L’évaluation environnementale, et la prise de renseignements qu’elle implique, visent essentiellement à assurer que cette décision sera la plus éclairée possible dans les 64 65 Ibid., par. 42. Hogg, P., Constitutional Law of Canada, précité, note 62, p. 30-21, R.S.I., vol. IV, onglet 42. - 28 Mémoire des intimés Argumentation circonstances. Il n’y a, à cette fin, rien de constitutionnellement irrégulier à ce que le ministre des Pêches s’informe le plus complètement possible du projet en cause, de ses modalités et caractéristiques et même, dans les cas qui le justifient, de sa raison d’être, puisqu’il devra évaluer si l’ensemble des coûts environnementaux associés à une décision de permettre une atteinte à l’intégrité de l’habitat du poisson sont justifiés et, le cas échéant, à quelles conditions et aux termes de quelles mesures atténuantes. 91. Il est tout aussi constitutionnellement acceptable qu’au stade de la prise de renseignements, le ministre s’intéresse à l’ensemble des effets environnementaux d’un projet en lien avec l’exercice du pouvoir décisionnel en cause. 92. Dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, la Cour a clairement reconnu que des considérations liées à des domaines de compétence provinciale pouvaient très bien être pertinentes à l’examen des incidences environnementales d’un projet à l’égard duquel une autorité fédérale exerce un pouvoir décisionnel, la création d’emplois et l’aménagement urbain étant donnés en exemple de facteurs pouvant être pris en compte dans l’analyse d’un projet de construction d’une nouvelle voie ferrée66. De même, dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’Énergie), cette Cour n’a pas trouvé problématique le fait pour l’Office national de l’Énergie de considérer, aux fins de l’émission de licences d’exportation d’électricité, les effets environnementaux reliés à la construction de centrales hydroélectriques jugées nécessaires pour alimenter ces exportations, même si la construction et l’exploitation de ce type d’ouvrage relèvent de la compétence provinciale67. 93. En l’espèce, le ministre des Pêches a d’abord déterminé, comme le lui permettait l’article 15 de la Loi, que le Projet Vanadium serait assujetti à une évaluation 66 67 Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 6566, R.S.I., vol. II, onglet 18; voir également Murphyores Incorporated Pty Ltd. v. Commonwealth of Australia (1976), 136 C.L.R. 1 (H.C.), R.S.I., vol. III, onglet 25, cité avec approbation dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society. Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, p. 193, R.S.I., vol. III, onglet 29. - 29 Mémoire des intimés Argumentation environnementale de type approfondi et il a cherché à obtenir du promoteur les renseignements nécessaires à cet examen. Cette décision n’a jamais été contestée en temps utile. En fait, le débat en première instance s’est fait en prenant pour acquis que l’ensemble du projet était susceptible d’affecter l’habitat du poisson68. Dans ce contexte, la demande de renseignements adressée au promoteur par le ministre des Pêches, résolument axée sur des préoccupations pertinentes à l’article 35 de la Loi sur les pêches, n’a rien d’exorbitant, comme le laisse entendre l’appelant69. 94. Quoi qu’il en soit, le partage des compétences ne limite pas l’étendue des renseignements et des considérations pouvant être pris en compte dans l’analyse d’impact environnemental qui doit précéder la décision d’une autorité fédérale visée par l’alinéa 5(1)d, en autant qu’il existe un élément de proximité entre cette analyse, l’exercice du pouvoir décisionnel qui en déclenche l’application et le domaine de compétence dont ce pouvoir relève70. Ici, ce lien est manifeste : rien n’indique que les autorités fédérales compétentes cherchent à étendre l’évaluation requise aux termes de la Loi à des considérations étrangères aux coûts environnementaux associés à l’émission de l’autorisation recherchée aux termes du paragraphe 35(2), ou encore à réglementer les aspects proprement provinciaux du Projet. 95. Rien, sur le plan du partage des compétences, ne fait donc obstacle à ce que la Loi s’applique au Projet. B. LA LOI EST APPLICABLE AU TERRITOIRE RÉGI PAR LA CONVENTION 96. Le Procureur général du Québec plaide que la Convention constituerait, elle aussi, une source d’inapplicabilité de la Loi. Le fait qu’elle n’accorde pas aux Cris, parce qu’elle est d’application générale, l’attention que leur porte le chapitre 22, entraînerait une 68 69 70 Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, D.A. vol. 2, p. 61. Pièce P-24, D.A. vol. 9, p. 117-130; mémoire de l’appelant, par. 85. Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 6872, R.S.I., vol. II, onglet 18. - 30 Mémoire des intimés Argumentation incompatibilité ayant pour résultat d’en écarter l’application au territoire régi par la Convention. Également, l’idée qu’elle puisse s’appliquer à un projet déjà assujetti au chapitre 22 serait contraire à l’économie de ce chapitre, qui serait de faire du régime d’évaluation environnementale qui y est prévu, un régime exclusif. 97. Cette prétention doit également échouer puisqu’elle résulte d’une interprétation erronée de la Convention et d’une application trop large de la notion d’incompatibilité. i. La Convention 98. Signée le 11 novembre 1975 dans le contexte du règlement des litiges entourant la construction des premiers grands projets de développement hydro-électriques du nord du Québec, la Convention a pour objectif général, comme l’a souligné la juge de première instance en l’espèce, « d’établir un équilibre entre le désir des gouvernements de développer les ressources sur le territoire et le droit des autochtones de protéger leur mode de vie traditionnel, leur culture, leur langue et leurs institutions »71. Son statut « d’accord » au sens du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982 est admis. 99. Cet accord est formellement entré en vigueur par le biais de l'adoption de lois fédérale et provinciale de mise en œuvre, en l’occurrence la Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie-James et du Nord québécois72 et la Loi approuvant la Convention de la Baie-James et du Nord québécois 73. 100. La Convention couvre un grand nombre de domaines. En outre, elle met en place, au profit des Cris et Inuits de la Baie James et du Nord québécois, un régime de terres, dont certaines, les terres de catégorie IA, sont à leur usage exclusif [chapitres 5 et 7], de même qu’un régime de chasse, de pêche et de trappage adapté à leur mode de vie 71 72 73 Jugement de première instance, par. 45, D.A. vol. 1, p. 12. S.C. 1976-1977, c. 32, R.S.I., vol. I, onglet 6. L.Q. 1976 c. 46, R.S.I., vol. I, onglet 3. - 31 Mémoire des intimés Argumentation et traditions [chapitre 24]. Elle institue aussi des règles particulières en matière de santé et de services sociaux [chapitres 14 et 15], d'éducation [chapitres 16 et 17], d’administration de la justice [chapitres 18 et 20], de police [chapitres 19 et 21], et de développement économique et social [chapitres 28 et 29]. 101. Plus près des préoccupations du présent dossier, la Convention crée un régime de protection de l’environnement [chapitres 22 et 23]. Le chapitre 22 établit un processus d’évaluation et d’examen des répercussions sur l’environnement et le milieu social dont l’objectif est de réduire le plus possible les effets indésirables, sur la population crie et les ressources fauniques du territoire régi par la Convention, du développement qu’on se propose d’y faire [22.2.2 b), 22.2.4 i)]. 102. La manière d’interpréter la Convention a déjà fait l’objet de quelques prononcés jurisprudentiels74. Un consensus, endossé par cette Cour dans l’arrêt R. c. Howard75, en émerge : même généreuse, l’interprétation des ententes conclues avec les autochtones, dans des circonstances comme celles qui prévalaient en 1975, doit être réaliste, refléter une analyse raisonnable de l’intention et des intérêts de toutes les parties signataires et tenir compte du contexte historique et juridique qui leur a donné naissance. De fait, ces circonstances ne sont pas celles qui prévalaient lors de la signature de traités anciens où des parties autochtones non instruites étaient contraintes à négocier avec des détenteurs d'un pouvoir de négociation supérieur, dans des langues et avec des concepts juridiques qui leur étaient étrangers et en l'absence de représentation adéquate76. 103. Bien qu’elle ait, elle aussi, endossé ce principe, la Cour d’appel du Québec a néanmoins jugé nécessaire de le reformuler de manière à ce que, devant deux ou 74 75 76 Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité, note 17, p. 514-518, R.S.I., vol. II, onglet 14; Québec (Procureur général) c. Commission scolaire crie, [2001] R.J.Q. 2128 (C.A.), p. 2138-2140, 2150-2152, R.S.I., vol. III, onglet 30. [1994] 2 R.C.S. 299, p. 306, R.S.I., vol. IV, onglet 33. Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 515-518, R.S.I., vol. II, onglet 14. - 32 Mémoire des intimés Argumentation plusieurs interprétations du texte pouvant être raisonnablement soutenues, prévale « l’interprétation la plus conforme aux intérêts des autochtones »77. Or, la Cour d’appel n’avait pas à se rendre là pour disposer de la présente affaire. Sa reformulation du principe devant guider l’interprétation de la Convention est susceptible de rompre l’équilibre qui caractérise la formule faisant jusque là consensus. Il n’y a pas lieu d’emboîter le pas à la Cour d’appel sur cette question. ii. Le régime du chapitre 22 104. Le régime de protection de l’environnement établi par le chapitre 22 se présente sous la forme d’un processus tripartite [Canada/Québec/Cris], exhaustif, qui assure la participation des Cris au processus d’évaluation environnementale et qui confie à une entité [l’administrateur], qui sera provinciale, fédérale ou crie, selon la nature du projet en cause, le pouvoir de gérer ledit processus et de décider ultimement du sort d’un projet de développement. 105. De façon générale, il trouve application dès qu’un promoteur se propose de mettre de l’avant un projet de développement énuméré à son Annexe 1 [22.5.1], laquelle énumère une liste de projets de grande envergure tels l’aménagement de centrales hydroélectriques, de routes, d’usines de pâtes et papiers, d’aéroports et de chemins de fer. Cette annexe vise en outre toute nouvelle exploitation minière d’importance, comme le Projet en l’espèce. Le processus d’évaluation et la compétence des « administrateurs » 106. Le processus d’évaluation des impacts environnementaux établi par le régime du chapitre 22 comporte deux grandes étapes : celle de la détermination de la portée que doit avoir l’évaluation et le rapport qui doit s’ensuivre et celle de l’examen dudit rapport. 77 Jugement de la Cour d’appel, par. 135. D.A. vol. 1, p. 80. - 33 Mémoire des intimés 107. Argumentation Mis à part les projets situés sur les terres de catégorie IA, lesquels relèvent de l’administrateur local cri, c’est la nature provinciale ou fédérale du projet de développement, et non les impacts qu’il peut avoir dans les différents champs de compétence attribués aux deux ordres de gouvernement, qui déterminera lequel de l’administrateur provincial ou fédéral sera responsable de mener à terme le processus d’évaluation. 108. Comme le souligne à juste titre l’appelant, c’est la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bande d’Eastmain, conclusion à laquelle ont souscrit les tribunaux d’instances inférieures en l’espèce. 109. La Cour d’appel fédérale, aux termes d’un examen minutieux des dispositions du chapitre 22, a, pour l’essentiel, fait le constat que l’intention « on ne peut plus claire » des parties à la Convention était « d’éviter le chevauchement » des processus émanant du régime du chapitre 22 : L’intention on ne peut plus claire des parties est d’éviter le chevauchement. La règle : un seul examen. L’exception : deux examens parallèles, mais seulement là où « le projet » et non pas ses conséquences, relève de l’une et l’autre compétences (par exemple, aéroport fédéral et infrastructure routière provinciale) ou encore là où « le projet » déborde le Territoire de la Convention. Et même en cas de possibilité d’examens parallèles, les parties à la Convention ont voulu qu’il soit possible de « fusionner les deux comités d’examen. Retenir la thèse des parties autochtones ferait de l’exception, la règle78. 110. La Cour d’appel fédérale a ainsi rejeté la thèse voulant que la responsabilité des administrateurs soit engagée sur la base des répercussions que peut avoir un projet puisque cette thèse aurait pour résultat de mener invariablement à l’intervention systématique des deux administrateurs étant donné qu’à toutes fins pratiques, chaque projet mis en œuvre sur le territoire de la Convention est susceptible d’avoir des 78 Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 528-529, R.S.I., vol. II, onglet 14. - 34 Mémoire des intimés Argumentation répercussions à la fois dans au moins un domaine de compétence fédérale [les Indiens et les terres réservées aux Indiens] et dans plusieurs domaines de compétence provinciale. 111. Telle ne pouvait, selon cette Cour d’appel, être l’intention des parties, d’autant plus que le fait d’ainsi conférer, dans chaque cas, à chaque gouvernement, un pouvoir décisionnel d’égale valeur, présentait des risques d’impasse pour peu qu’un gouvernement autorise le projet en cause et l’autre pas. 112. Ainsi, hormis deux exceptions inapplicables ici [22.6.7], lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre le régime du chapitre 22 de la Convention, il n’y a lieu d’appliquer qu’un seul des processus d’examen qui y sont prévus, le provincial ou le fédéral, selon la nature provinciale ou fédérale du projet en cause. La détermination de la portée de l’évaluation et la préparation du rapport d’impacts 113. Une fois le régime du chapitre 22 enclenché, le promoteur, dès l’étape de la planification préliminaire, soumet à l’administrateur compétent [fédéral ou provincial] une description de celui-ci [22.5.11]. L’administrateur transmet ces renseignements à un organisme consultatif appelé « comité d’évaluation » [22.5.6, 22.5.12] et composé de six membres nommés à parts égales par le Québec, le Canada et la partie crie. Lorsque le projet de développement relève de la compétence de l’administrateur provincial, les membres fédéraux du comité n’ont pas le droit de vote et vice et versa [22.5.7]. 114. Le comité d’évaluation procède alors à l’analyse de ces renseignements et transmet par la suite à l’administrateur compétent ses recommandations sur la portée que devra avoir l’examen des répercussions du projet et sur les différentes étapes du processus d’examen [22.5.14]. Fort de ces recommandations, l’administrateur décide, seul, s’il faut procéder à l’évaluation et à l’examen du projet [22.5.4] et, le cas échéant, donne - 35 Mémoire des intimés Argumentation ses instructions au promoteur [22.5.16]. Celui-ci procède alors à préparer un rapport des répercussions du projet sur l’environnement et le milieu social [22.6.8]. 115. Ce rapport doit répondre aux exigences de l’annexe 3 du chapitre 22 qui précise ce qu’il doit contenir. Outre la description détaillée du projet et celle du milieu social et physique [terres, air, végétation, faune, eaux] qu’on doit y retrouver, le rapport doit notamment faire état des prévisions et évaluations des répercussions probables du projet sur l’environnement, des solutions de rechange au projet, notamment quant à son emplacement et des mesures correctives et réparatrices raisonnables jugées indiquées en vue d’atténuer les répercussions indésirables du projet. L’annexe 3 reflète le caractère exhaustif de l’évaluation qui doit être entreprise par le promoteur aux termes du régime, et ce, quelle que soit l’identité de l’administrateur chargé de la conduire. L’examen du rapport des répercussions environnementales 116. Une fois complété, le promoteur remet son rapport à l’administrateur compétent qui le soumet alors à l’attention d’un « comité d’examen » qui, encore là, sera provincial ou fédéral selon la nature du projet en cause [22.6.10]. Chaque comité est formé de cinq membres, trois étant nommés par le gouvernement de qui le comité relève, et deux, par la partie crie. Le comité d’examen, qu’il soit provincial ou fédéral, doit, en plus de procéder à l’analyse du rapport, s’assurer que celui-ci est communiqué à l’Administration régionale crie de manière à recueillir ses commentaires sur ledit rapport [22.6.11, 22.6.12]. 117. Une fois cet exercice complété, le comité d’examen fait rapport à l’administrateur compétent et lui transmet ses recommandations sur l’à-propos d’autoriser le projet et, le cas échéant, sur les conditions dont l’autorisation devrait être assortie. Il peut en outre proposer que le projet fasse l’objet d’une évaluation et d’un examen plus poussés [22.6.13, 22.6.14]. - 36 Mémoire des intimés Argumentation La prise de décision 118. Il revient à l’administrateur compétent, après avoir considéré le rapport et les recommandations du comité d’examen, de décider si, et à quelles conditions, le cas échéant, le projet peut aller de l’avant. La décision de l’administrateur est finale et lie le promoteur [22.6.15 à 22.6.19], sous réserve du pouvoir conféré au lieutenantgouverneur en conseil et au gouverneur en conseil, selon le cas, de renverser la décision de l’administrateur de ne pas autoriser un projet ou encore de modifier les conditions posées par celui-ci pour en permettre la mise en œuvre [22.7.2]. iii. Le régime du chapitre 22 n’est pas un régime exclusif 119. La Cour d’appel du Québec a eu raison de dire que les parties à la Convention n’ont pas voulu faire du chapitre 22 un régime autonome, exclusif et complet pour assurer la protection de l’environnement. 120. L’article 22.2.3 de la Convention est explicite à cet égard : en principe, toutes les lois fédérales et provinciales qui sont d’application générale concernant la protection de l’environnement et du milieu social s’appliquent dans le Territoire. Pour sa part, l’article 22.7.5 envisage spécifiquement la possibilité pour le gouvernement fédéral de prévoir, dans une loi ou un règlement ou comme condition de financement d’un projet, un processus additionnel d’évaluation environnementale. 121. Également, l’article 22.7.1 prévoit qu’un promoteur ayant reçu l’autorisation d’aller de l’avant avec son projet aux termes du chapitre 22 doit tout de même, avant d’entreprendre ses travaux, obtenir les autorisations ou permis nécessaires des ministères ou services gouvernementaux responsables, ce qui implique nécessairement les autorisations pouvant être requises en matière environnementale sous le régime d’autres lois. - 37 Mémoire des intimés 122. Argumentation Il est manifeste que la mise en œuvre du chapitre 22 à l’égard d’un projet de développement n’a pas pour effet de faire en sorte que ce projet ne puisse être assujetti à un second processus d’évaluation environnementale activé, lui, par une source autre que la Convention ou, pour reprendre l’expression de la Cour d’appel, par un « déclencheur externe » à celle-ci79. 123. Le chapitre 22 n’est d’ailleurs pas la seule disposition à privilégier l’intégration et la complémentarité des régimes normatifs, comme en font foi les articles 14.0.1 et 16.0.2 traitant, respectivement, de santé et d’éducation. 124. L’arrêt Bande d’Eastmain n’est enfin d’aucun secours à la thèse de l’exclusivité défendue par l’appelant. S’il est vrai que la Cour d’appel fédérale a jugé le Décret inapplicable au projet d’aménagement hydro-électrique de la rivière Eastmain, alors que la partie crie, incidemment, en réclamait l’application simultanée à celle du régime du chapitre 22, ce n’est pas parce que la Convention excluait tout autre processus d’examen que le sien, mais parce que ce projet devait être considéré comme ayant déjà fait l’objet, au moment de la signature de la Convention, de toutes les approbations requises à sa construction80. iv. La prépondérance dont doit bénéficier la Convention en cas d’incompatibilité avec les lois d’application générale n’écarte pas l’application de la Loi 125. L’article 8 de la loi fédérale de mise en œuvre de la Convention [Loi sur le règlement des revendications territoriales des autochtones de la Baie James et du Nord québécois] prévoit qu’en cas de conflit ou d’incompatibilité, ladite loi l’emporte sur toute autre loi qui s’applique au territoire dans la mesure nécessaire pour résoudre le conflit ou l’incompatibilité. 79 80 Jugement de la Cour d’appel, par. 179, D.A. vol. 1, p. 90. Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 532-533, R.S.I., vol. II, onglet 14. - 38 Mémoire des intimés 126. Argumentation La question de l’incompatibilité des lois a été traitée dans divers contextes [conflit entre une loi fédérale et une loi provinciale81, conflit entre deux lois émanant d’un même législateur82, conflit entre un règlement et une loi provinciale ou fédérale83]. 127. Il appert que le critère utilisé pour déterminer s’il y a effectivement incompatibilité est essentiellement le même dans toutes ces situations. Il s’agit d’un critère exigeant. Il faut qu’il y ait conflit irréductible rendant impossible l’application concomitante ou complémentaire des deux régimes. On parle alors de conflit opérationnel : le respect d’un texte entraîne la violation de l’autre84. 128. Or, il est difficile d’en arriver à la conclusion que l’application de la Loi produirait un tel résultat puisque celle du régime du chapitre 22 ne s’en trouve pas menacée. La question n’est pas de savoir si les deux régimes sont similaires ou différents et s’ils accordent les mêmes avantages à la partie autochtone, mais bien si l’observation de l’un entraînerait l’inobservation de l’autre. 129. La Loi s’applique ici en complémentarité à ce régime, chacun ayant ses objectifs propres. Rien dans les règles de l’incompatibilité des lois ne prohibe une telle coexistence. La réalisation d’une évaluation environnementale en vertu de la Loi n’aurait aucunement pour effet de mettre fin au processus d’examen environnemental entamé en l’espèce aux termes du chapitre 22, et de priver ainsi la partie crie des droits et avantages que lui procure ledit chapitre. 81 82 83 84 Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, R.S.I., vol. III, onglet 24; Brun, H. et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4ième Édition, les Éditions Yvon Blais, 2002, p. 457-462, R.S.I., vol. IV, onglet 40. British Columbia Telephone c. Shaw Cable Systems, [1995] 2 R.C.S. 739, R.S.I., vol. II, onglet 13; Côté, P.-A, Interprétation des lois, 3ième édition, Les Éditions Thémis, 1999, p. 441-447, R.S.I., vol. IV, onglet 41. Friends of the Oldman River Society c. Canada, précité, note 21, p. 38-39, R.S.I., vol. II, onglet 18; 114957 Canada Ltée (Spraytech, société d’arrosage) c. Hudson (Ville de), [2001] 2 R.C.S. 241, R.S.I., vol. II, onglet 10. Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, précité, note 81, p. 191, R.S.I., vol. III, onglet 24; 114957 Canada Ltée (Spraytech, société d’arrosage) c. Hudson (Ville de), précité, note 83, par. 46, R.S.I., vol. II, onglet 10. - 39 Mémoire des intimés 130. Argumentation Après avoir déclaré la Loi applicable au projet, la Cour d’appel a toutefois choisi de substituer au « processus » d’évaluation qui y est établi, le « processus fédéral » d’examen du chapitre 22. 131. Bien qu’il ait été bien fondé de déclarer la Loi applicable dans son intégralité, ce « compromis » n’apparaît pas inconciliable avec les objectifs généraux de la Loi ellemême, qui invitent à la prise en compte des répercussions d’un projet sur les autochtones, en particulier sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles [articles 2 et 16.1], et avec ce qu’elle permet de faire sur le plan de la coordination, de la coopération et de l’harmonisation des processus d’évaluation internes et externes à la Loi applicable à un même projet [articles 12(4), 40, 43(1) et 58(1)d)]. 132. À ce dernier égard, la Loi autorise, notamment, la coopération entre l’autorité responsable chargée d’évaluer un projet et tout organisme constitué aux termes d’un accord sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux d’un projet [par. 12(4) et 12(5)c)]. 133. Elle prévoit également la possibilité de conclure avec un tel organisme un accord prévoyant un mode de coordination, de consultation, d’échange d’information et de détermination des facteurs à considérer relativement à l’évaluation des effets environnementaux de projets d’intérêt commun [alinéa 58(1)d)] ou encore la constitution conjointe d’une commission d’examen [article 40]. La Loi va même jusqu’à prévoir que le processus d’examen suivi par un tel organisme puisse être substitué à celui que doit mener une commission instituée sous son régime. 134. Même si rien ne s’opposait à ce que la Loi soit déclarée applicable dans son intégralité au territoire régi par la Convention, la solution mitoyenne arrêtée par la Cour d’appel demeure compatible avec les objectifs généraux de la Loi. - 40 Mémoire des intimés Ordonnance demandée PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS 135. Les intimés demandent à ce que les dépens suivent le sort de l’appel. PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE 136. Les intimés, le Procureur général du Canada, l’Honorable David Anderson en sa qualité de ministre de l’Environnement du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale demandent à cette Cour de répondre par l’affirmative à la question constitutionnelle formulée en l’instance par l’Honorable juge en chef McLaughlin le 12 décembre 2008 environnementale, et L.C. ainsi déclarer 1992, ch. la 37, Loi et canadienne ses sur règlements l’évaluation d’application constitutionnellement applicables au projet situé sur le territoire qu’envisage l’article 22 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. 137. Ils demandent, par conséquent, le rejet du présent appel, avec dépens. Ottawa, province de l’Ontario, ce 16 avril 2009 John H. Sims, c.r. Sous-Procureur général du Canada Par: Me René LeBlanc, Me Bernard Letarte Ministère de la Justice - Canada 284, rue Wellington, SAT-6050 Ottawa (Ontario) K1A 0H8 Téléphone: 613 957-4657 Télécopieur: 613 952-6006 Courriels: [email protected] [email protected] Procureurs des INTIMÉS (intimés), Le Procureur général du Canada, l’Honorable David Anderson en sa qualité de ministre de l’Environnement du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale - 41 Mémoire des intimés Table alphabétique des sources PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES Jurisprudence Paragraphe(s) 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville de), [2001] 2 R.C.S. 241 ............................ 126, 127 A.G. Canada c. A.G. British Columbia, [1930] 1 D.L.R. 194 ...................................... 83 Alberta Wilderness Assoc. c. Cardinal River Coals Ltd. [1999] 3 C.F. 425 ...................................... 82 Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), [1993] 1 C.F. 501 (C.A.), permission d’en appeler refusée le 14 octobre 1993 : [1993] S.C.C.A. no 23 [Q.L.] .................. 18, 29, 76, 102 ............................ 108, 124 British Columbia Telephone c. Shaw Cable Systems, [1995] 2 R.C.S. 739 .................................... 126 Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12 ....................................... 80 Environmental Ressource Center c. Canada (Ministre de l’Environnement), 214 F.T.R. 94 ...................................... 82 Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213 ................................ 83, 84 Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3 ........ 22, 33, 34, 36, 37, 38 .. 40, 42, 43, 44, 69, 70, 72 ...... 74, 75, 77, 92, 94, 126 Friends of the West Country Association c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.) ...................................... 51 General Motors of Canada c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641 ...................................... 37 Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique (Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494 ...................................... 37 - 42 Mémoire des intimés Table alphabétique des sources Jurisprudence (suite) Paragraphe(s) Gulf Trollers Assn. c. Canada (ministre des Pêches), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.) ...................................... 80 MiningWatch Canada c. Canada (Ministre Pêches et Océans), 2008 CAF 209 ...................................... 82 des Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161 ............................ 126, 127 Murphyores Incorporated Pty Ltd. v. Commonwealth of Australia (1976), 136 C.L.R. 1 (H.C.) ...................................... 92 Northwest Falling Contractors Ltd. c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 292 ...................................... 80 Pembina Institute for Appropriate Development c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2005 CF 1123 ...................................... 82 Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2006] 3 R.C.F. 610 .......................... 51, 53, 82 Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159 ...................................... 92 Québec (Procureur général) c. Commission scolaire crie, [2001] R.J.Q. 2128 (C.A.) .................................... 102 R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd, [1988] 1 R.C.S. 401 ...................................... 83 R. c. Fillion, [1994] R.L. 357 (C.A.) ...................................... 80 R. c. Howard, [1994] 2 R.C.S. 299 .................................... 102 R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213 ...................................... 33 R. v. Basso, (2001) 39 C.E.L.R. (N.S.) 42 ...................................... 80 R. v. Kingston (Corp. of the City), (2004) 240 D.L.R. (4th) 734 ...................................... 80 R. v. Leveque, (2001) C.E.L.R. (N.S.) 294 ...................................... 80 R. v. Zuber, [2004] O.J. no. 2989 ...................................... 80 Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 R.C.S. 569 .......................... 62, 85, 86 - 43 Mémoire des intimés Table alphabétique des sources Doctrine Paragraphe(s) Brun, H. et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4ième Édition, les Éditions Yvon Blais, 2002 .................................... 126 Côté, P.-A, Interprétation des lois, 3ième édition, Les Éditions Thémis, 1999 .................................... 126 Hogg, P., Constitutional Law of Canada, Fifth Edition Supplemented, Thomson Carswell ................................ 84, 86 ____________