Intimés Procureur-général-du-Canada-et-al

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Intimés Procureur-général-du-Canada-et-al
Dossier no 32693
COUR SUPRÊME DU CANADA
(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DE LA PROVINCE DE QUÉBEC)
ENTRE :
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
APPELANT
(Mis en cause)
- et GRAND CHIEF DR. TED MOSES
INTIMÉ
(Appelant)
- et GRAND COUNCIL OF THE CREES (EEYOU ISTCHEE),
THE CREE REGIONAL AUTHORITY
INTIMÉS
(Appelants)
- et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
INTIMÉ
(Intimé)
- et L'HONORABLE DAVID ANDERSON,
en sa qualité de ministre de l'Environnement du Canada,
L'AGENCE CANADIENNE D'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
INTIMÉS
(Intimés)
- et LAC DORÉ MINING INC.
- et PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA SASKATCHEWAN
- et ASSEMBLÉE DES PREMIÈRES NATIONS
INTIMÉ
(Intimé)
INTERVENANT
INTERVENANTE
MÉMOIRE DES INTIMÉS
Procureur Général du Canada, l’honorable David Anderson, en sa qualité de
ministre de l’Environnement du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation
environnementale
Henri A. Lafortune Inc.
450 442-4080 – tél.
450 442-2040 – téléc.
[email protected]
2005, rue Limoges
Longueuil (Québec) J4G 1C4
L-3189-09
www.halafortune.ca
-2-
Me Francis Demers (Justice-Québec)
Bernard, Roy & Associés
Palais de Justice
Bureau 8.00
1, rue Notre-Dame Est
Montréal (Québec)
H2Y 1B6
Me Pierre Landry
Noël & Associés
111, rue Champlain
Gatineau (Québec)
J8X 3R1
Tél. – 514 393-2336 – poste 51478
Téléc. – 514 873-7074
Tél. – 819 771-7393
Téléc. – 819 771-5397
[email protected]
[email protected]
Procureur de l'appelant
Le Procureur général du Québec
Correspondant de l'appelant
Le Procureur général du Québec
Me Robert Mainville
Gowling Lafleur Henderson
s.e.n.c.r.l.
37e étage
1, Place Ville-Marie
Montréal (Québec)
H3B 3P4
Henry S. Brown, c.r.
Gowling Lafleur Henderson
s.e.n.c.r.l.
Bureau 2600
160, rue Elgin
Ottawa (Ontario)
K1P 1C3
Tél. – 514 392-9502
Téléc. – 514 878-1450
Tél. – 613 233-1781
Téléc. – 613 788-3433
[email protected]
[email protected]
Procureur des intimés
Grand Chief Dr. Ted Moses et
Grand Council of the Crees
(Eeyou Istchee), The Cree
Regional Authority
Correspondant des intimés
Grand Chief Dr. Ted Moses et
Grand Council of the Crees
(Eeyou Istchee), The Cree
Regional Authority
-3-
Me René LeBlanc
Me Bernard Letarte
Ministère de la Justice du Canada
Bureau T-6050
284, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0H8
Me Christopher M. Rupar
Procureur général du Canada
Pièce 1212
234, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0H8
Tél. – 613 957-4657
Téléc. – 613 952-6006
Tél. – 613 941-2351
Téléc. – 613 954-1920
[email protected]
[email protected]
Procureurs des intimés
Procureur général du Canada,
L’hon. David Anderson, en sa
qualité de ministre de l’Environnement et l’Agence canadienne
d’évaluation environnementale
Correspondant des intimés
Procureur général du Canada,
L’hon. David Anderson, en sa
qualité de ministre de l’Environnement et l’Agence canadienne
d’évaluation environnementale
Me Yvan Biron
Lavery, de Billy
40e étage
1, Place Ville-Marie
Montréal (Québec)
H3B 4M4
Me Pierre Landry
Noël & Associés
111, rue Champlain
Gatineau (Québec)
J8X 3R1
Tél. – 514 871-1522
Téléc. – (514) 871-8977
Tél. – 819 771-7393
Téléc. – 819 771-5397
[email protected]
[email protected]
Procureur de l'intimé
Lac Doré Mining Inc.
Correspondant de l'intimé
Lac Doré Mining Inc.
-4-
Brian A. Crane, c.r.
Gowling Lafleur Henderson
s.e.n.c.r.l.
Bureau 2600
160, rue Elgin
Ottawa (Ontario)
K1P 1C3
Tél. – 613 233-1781
Téléc. – 613 563-9869
[email protected]
Correspondant de l'intervenant
Procureur général de la
Saskatchewan
Me Bryan P. Schwartz
Pitblado
Bureau 2500
360 Main Street
Winnipeg (Manitoba)
R3C 4H6
Me Marie-France Major
Lang Michener LLP
Bureau 300
50, rue O'Connor
Ottawa (Ontario)
K1P 6L2
Tél. – 204 956-0560
Téléc. – 204 957-0227
[email protected]
Tél. – 613 232-7171
Téléc. – 613 231-3191
[email protected]
Procureur de l'intervenante
Assemblée des Premières Nations
Correspondante de l'intervenante
Assemblée des Premières Nations
-iTABLE DES MATIÈRES
MÉMOIRE DES INTIMÉS
SURVOL
PARTIE I
Page
......................................... 1
–
EXPOSÉ CONCIS DES FAITS
......................................... 3
Le jugement de la Cour supérieure du Québec
........................................ 6
L’arrêt de la Cour d’appel du Québec
........................................ 7
PARTIE II –
......................................... 9
QUESTION EN LITIGE
PARTIE III – ARGUMENTATION
....................................... 10
A. Rien, dans les règles du partage des compétences, ne
s’oppose en l’instance à l’applicabilité de la Loi
canadienne sur l’évaluation environnementale
...................................... 10
A.1 L’environnement et le partage des compétences
...................................... 10
A.2 Le schéma législatif et juridictionnel applicable
...................................... 13
i.
La Loi
...................................... 13
Ce qui enclenche son application
...................................... 14
L’autorité responsable
...................................... 15
Le processus d’évaluation environnementale
...................................... 16
Le processus de prise de décision
...................................... 18
ii. L’article 35 de la
Loi sur les pêches et la
compétence sur les pêcheries
...................................... 20
L’article 35 est un déclencheur explicite et valide
de l’application de la Loi
...................................... 21
- ii TABLE DES MATIÈRES
MÉMOIRE DES INTIMÉS
Page
La compétence en matière de pêcheries offre
une assise parfaitement suffisante pour justifier
l’application de la Loi en l’espèce
...................................... 25
B. La Loi est applicable au territoire régi par la
Convention
...................................... 29
i. La Convention
...................................... 30
ii. Le régime du chapitre 22
...................................... 32
Le processus d’évaluation et la compétence des
« administrateurs »
...................................... 32
La détermination de la portée de l’évaluation et la
préparation du rapport d’impacts
...................................... 34
L’examen du rapport
environnementales
...................................... 35
des
répercussions
La prise de décision
...................................... 36
iii. Le régime du chapitre 22 n’est pas un régime
exclusif
...................................... 36
iv. La prépondérance dont doit bénéficier la Convention en cas d’incompatibilité avec les lois
d’application générale n’écarte pas l’application de
la Loi
...................................... 37
PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
....................................... 40
PARTIE V
....................................... 40
– ORDONNANCE DEMANDÉE
- iii TABLE DES MATIÈRES
MÉMOIRE DES INTIMÉS
Page
PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
PARTIE VII – LÉGISLATION
Reproduite au Recueil de sources de l’intimé.
_______________
........................................ 41
-1Mémoire des intimés
Survol
MÉMOIRE DES INTIMÉS
SURVOL
1.
L’article 35 de la Loi sur les pêches1 interdit l’exploitation d’ouvrages ou d’entreprises
entraînant la détérioration, la destruction ou encore la perturbation de l’habitat du
poisson en l’absence d’une autorisation du ministre des Pêches et des Océans [le
« ministre des Pêches »] prévoyant à quelles conditions et dans quelles circonstances
il sera permis de déroger à cette interdiction. L’émission d’une telle autorisation est
par
ailleurs
assujettie
au
régime
de
la
Loi
canadienne
sur
l’évaluation
environnementale [la « Loi »]2. Le schéma législatif est clair et explicite à cet égard.
2.
Le Procureur général du Québec soutient néanmoins que la Loi n’est pas applicable
au projet minier que se propose de réaliser en l’espèce l’intimé, Lac Doré Mining Inc.
sur le territoire visé par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois [la
« Convention »].
Revendiquant
en
quelque
sorte
l’exclusivité
de
l’évaluation
environnementale de ce projet, il estime, d’une part, que l’article 35 de la Loi sur les
pêches et, ultimement, la compétence du Parlement sur les pêcheries, n’offrent pas
une assise constitutionnelle suffisante pour justifier l’application de la Loi à un projet de
compétence provinciale. D’autre part, il est d’avis que cette exclusivité est consacrée
par la Convention.
3.
Or, devant le fait que dans l’exercice de leurs pouvoirs respectifs, les deux paliers de
gouvernement peuvent toucher l’environnement, il est maintenant acquis que la
Constitution autorise le Parlement, tout comme les provinces d’ailleurs, à exiger la
prise en compte des coûts environnementaux associés à l’exercice de pouvoirs liés
aux divers domaines relevant de sa compétence. À cette fin, il lui est loisible de mettre
1
2
L.R., 1985, ch. F-14, Recueil de sources de l’intimé (R.S.I.), vol. I, onglet 7.
L.C. 1992, ch. 37, sanctionnée le 23 juin 1992; la Loi a été amendée en octobre 2003 [L.C. 2003,
ch. 9] mais les modifications qui y ont été apportées ne sont pas applicables aux faits du présent
pourvoi, R.S.I., vol. I, onglet 4.
-2Mémoire des intimés
Survol
en place, comme il l’a fait avec la Loi, des mécanismes d’évaluation environnementale
faisant partie intégrante d’un processus éclairé de prise de décisions. Il est également
acquis qu’un projet de nature locale relevant généralement de la compétence d’une
province n’échappe pas, dans les cas où il empiète sur un domaine de compétence
fédérale et exige de ce fait une prise de décision fédérale, à l’application de la
législation fédérale pertinente et à la prise en compte de l’ensemble des coûts
environnementaux afférents à cette décision.
4.
Tout ce qu’exige la Constitution à cet égard, c’est qu’il existe un élément de proximité
entre l’évaluation environnementale projetée, l’exercice du pouvoir décisionnel qui en
déclenche l’application et le domaine de compétence dont ce pouvoir relève. Or, cette
proximité est manifeste ici, la Loi devant servir à mesurer les coûts environnementaux
associés à l’exercice d’un pouvoir décisionnel lié à l’un des éléments essentiels de la
compétence fédérale en matière de pêcheries, la protection et la conservation de
l’habitat d’une ressource, le poisson, reconnue comme étant de première importance
pour le Canada.
5.
À cet égard, rien au dossier n’indique que les autorités fédérales cherchent à intervenir
pour des considérations étrangères à la protection de cet intérêt fédéral, dont
personne ne conteste qu’il sera affecté par le projet minier envisagé en l’espèce, ou
encore à des préoccupations liées à d’autres domaines de compétence fédérale. Rien
n’indique non plus que l’évaluation environnementale, qui doit précéder la décision
qu’elles devront prendre à ce sujet, ne vise autre chose que d’assurer que cette
décision
sera
la
plus
éclairée
possible,
notamment
eu
égard
aux
coûts
environnementaux qu’elle est susceptible d’engendrer.
6.
D’autre part, comme l’a constaté la Cour d’appel du Québec, les parties à la
Convention n’ont pas voulu faire du chapitre 22 un « régime autonome, exclusif et
-3Mémoire des intimés
Survol
complet pour assurer la protection de l’environnement »3; elles ont, au contraire,
spécifiquement prévu que les lois fédérales et provinciales en cette matière pourraient
s’appliquer au territoire visé par la Convention. L’incompatibilité susceptible d’écarter
l’application de la Loi est celle qui aurait pour effet d’empêcher l’application du régime
du chapitre 22, ce qui n’est pas le cas ici puisque la composante provinciale dudit
régime trouve déjà application en l’espèce.
7.
La Loi s’applique ici en complémentarité à ce régime, chacun ayant ses objectifs
propres; rien dans la Convention ne prohibe une telle coexistence. Ceci dit, la Cour
d’appel, en déclarant la Loi applicable mais en substituant à son processus
d’évaluation celui du chapitre 22, a opté pour une solution de compromis qui est
conciliable avec les objectifs généraux de la Loi, lesquels ne prohibent ni la
participation de la partie autochtone au processus d’évaluation entrepris sous son
régime, ni la prise en compte de leurs préoccupations particulières, qui est sensible
aux avantages que ledit chapitre confère à la partie crie, et qui permet à chaque ordre
de gouvernement de jouer pleinement son rôle eu égard aux aspects du projet qui sont
de son ressort.
PARTIE I – EXPOSÉ CONCIS DES FAITS
8.
En mai 1999, l’intimé, Lac Doré Mining Inc. [alors MacKenzie Bay International Ltd.],
annonçait son intention d’aménager une mine d’extraction de vanadium – un métal
rare – à proximité de la ville de Chibougamau, au Québec [le « Projet Vanadium» ou le
« Projet »]4.
9.
L’endroit envisagé pour la réalisation du Projet étant situé dans le territoire régi par la
Convention, cet intimé [le « promoteur »] a enclenché, comme il se devait, la
composante provinciale du régime de protection de l’environnement et du milieu social
3
4
Arrêt de la Cour d’appel, par. 192, Dossier de l’Appelant [« D.A. »], vol. 1, p. 92.
Lettre du promoteur du 27 mai 1999 et Avis de projet, D.A. vol. 2, p. 173-198.
-4Mémoire des intimés
Exposé concis des faits
établi par le chapitre 22 de la Convention, en transmettant au sous-ministre du
ministère de l’Environnement du Québec, en sa qualité « d’administrateur provincial »
au sens dudit régime, les renseignements préliminaires concernant son projet5.
Personne n’a contesté, et ne conteste en l’instance, l’application au Projet Vanadium
de la composante provinciale dudit régime.
10.
Par ailleurs, en décembre 1999, Pêches et Océans Canada informait le promoteur que
certaines composantes du Projet paraissaient susceptibles de détériorer, détruire ou
encore perturber l’habitat du poisson et qu’une autorisation suivant l’article 35 de la Loi
sur les pêches serait fort probablement requise dans les circonstances6. Ce ministère
informait du même souffle le promoteur que l’obtention d’une telle autorisation exigerait
une évaluation environnementale préalable aux termes de la Loi7.
11.
En août 2003, suite à la réception et à l’analyse de l’étude d’impact environnemental
réalisée par le promoteur dans le cadre de la mise en œuvre du régime prévu au
chapitre 22 de la Convention, laquelle démontrait que plusieurs aspects du Projet, tant
au niveau de la construction de ses infrastructures que de son exploitation,
affecteraient l’habitat du poisson d’une manière contraire à l’article 35 de la Loi sur les
pêches, Pêches et Océans Canada confirmait son intention d’exiger du promoteur
l’obtention d’une autorisation aux termes dudit article et d’enclencher, à cette fin, le
processus d’évaluation environnementale requis par la Loi8. Cette décision, portée à
la connaissance des autorités provinciales compétentes, n’a pas fait l’objet, à quelque
égard que ce soit, d’une contestation judiciaire9.
12.
Ultimement, comme la Loi le lui permettait, le ministre des Pêches, plutôt que de
procéder à une étude approfondie du Projet Vanadium, tel qu’envisagé initialement,
5
6
7
8
9
Idem.
Lettre de Pêches et Océans Canada du 7 décembre 1999, D.A. vol. 9, p. 79-82.
Idem.
Lettre de Pêches et Océans Canada du 11 août 2003, D.A. vol. 9, p. 96-98.
Lettre de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale du 28 octobre 2004, D.A.
vol. 9, p. 152-154.
-5Mémoire des intimés
Exposé concis des faits
optait de s’adresser au ministre de l’Environnement afin que celui-ci fasse effectuer
l’évaluation environnementale requise par une « commission d’examen» au sens de la
Loi10.
13.
En mai 2004, les intimés, Grand Chief Dr. Ted Moses, The Grand Council of the Crees
(Eeyou Istchee) et The Cree Regional Authority [la « partie autochtone »], signifiaient
aux autorités fédérales leur opposition à l’assujettissement du Projet à la Loi au motif
de l’incompatibilité de celle-ci avec les dispositions du régime de protection de
l’environnement et du milieu social établi par le chapitre 22 de la Convention,
et
exigeaient, du même souffle, la mise en œuvre de la composante fédérale de ce
régime11.
14.
Insatisfaite de la réponse fédérale, la partie autochtone intentait, en Cour supérieure
du Québec, le recours en jugement déclaratoire et en injonction permanente à l’origine
du présent pourvoi12, recours auquel est intervenu le Procureur général du Québec
afin de soutenir la partie autochtone quant à l’incompatibilité de la Loi avec la
Convention, soutenir la partie fédérale eu égard à l’inapplicabilité de la composante
fédérale du régime du chapitre 22 et proposer, comme moyen subsidiaire,
l’inapplicabilité constitutionnelle de la Loi au Projet en marge des règles du partage
des compétences13.
15.
Le dépôt de ces procédures a mené à la suspension de l’évaluation environnementale
entreprise aux termes de la Loi. À ce moment, le ministre de l’Environnement n’avait
encore ni nommé les membres de la Commission d’examen, ni entrepris, aux termes
du paragraphe 15(1) de la Loi, de déterminer la « portée du projet » à l’égard duquel
ladite évaluation serait effectuée.
10
11
12
13
Lettre de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale du 13 mai 2004, D.A. vol. 9, p. 163164.
Lettre des procureurs des Cris du 4 mai 2004, D.A. vol. 9, p. 158-159.
Amended Motion to Institute Proceedings for Declaratory Judgement and Permanent Injunction,
D.A. vol. 2, p. 2.
Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, D.A. vol. 2, p. 61.
-6Mémoire des intimés
16.
Exposé concis des faits
Il n’est pas contesté en l’espèce que la réalisation et l’exploitation du Projet auraient un
impact sur l’habitat du poisson14.
Le jugement de la Cour supérieure du Québec
17.
Le 30 mars 2006, la juge Nicole Bénard, j.c.s., donnait raison à la partie autochtone en
déclarant la Loi inapplicable au Projet en raison des différences marquées entre le
régime de protection de l’environnement qu’elle met en place et celui prévu à la
Convention, principalement eu égard au fait que la Loi n’assure pas aux Cris de la
Baie James les mêmes droits et avantages que leur garantit la Convention15. Pour la
juge Bénard, il y a là incompatibilité entre les deux textes qui, aux termes des
dispositions des lois fédérales et provinciales de mise en œuvre de la Convention
faisant primer celle-ci en cas de conflit avec toute autre loi, a pour effet, en l’instance,
d’écarter l’application de la Loi16.
18.
La partie autochtone a par ailleurs échoué dans sa tentative de faire appliquer au
Projet la composante fédérale du régime établi par le chapitre 22 de la Convention.
Sur ce point, la juge Bénard, se disant en arriver aux mêmes conclusions que la Cour
d’appel fédérale dans l’arrêt Bande d’Eastmain17, a exprimé l’avis que c’est la nature,
fédérale ou provinciale, d’un projet donné, et non ses répercussions dans les
domaines de compétence des deux ordres de gouvernement, comme le soutenait la
partie autochtone, qui détermine laquelle de la composante fédérale ou provinciale
dudit régime, par ailleurs de facture similaire, sera applicable à ce projet.18
14
15
16
17
18
Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, par. 32-37, D.A. vol. 2,
p. 68-69.
Jugement de première instance, par. 134, D.A. vol.1, p. 27.
Jugement de première instance, par. 147, D.A. vol.1, p. 29.
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), [1993] 1 C.F. 501 (C.A.), permission d’en
appeler refusée le 14 octobre 1993 : [1993] S.C.C.A. no 23 [Q.L.] , R.S.I., vol. II, onglet 14.
Jugement de première instance, par. 148-170, D.A. vol.1, p. 29-33.
-7Mémoire des intimés
19.
Exposé concis des faits
Selon la juge Bénard, il ressort du texte de la Convention que l’intention de ses parties
signataires était manifestement de n’assujettir un projet visé par le chapitre 22 qu’à
l’une ou l’autre des deux composantes - fédérale ou provinciale - du régime de
protection de l’environnement établi à ce chapitre.
Comme le projet envisagé en
l’espèce - un projet d’exploitation minière - relève de la compétence de la province, elle
en a conclu que seule la composante provinciale dudit régime, déjà enclenchée par
ailleurs, était applicable19.
20.
L’argument subsidiaire avancé par le Procureur général du Québec et fondé sur le
partage des compétences n’a pas été abordé par la juge Bénard.
21.
La partie autochtone et les intimés, le Procureur général du Canada, l’Honorable David
Anderson, en sa qualité de ministre de l’Environnement, et l’Agence canadienne
d’évaluation environnementale [les «Intimés »], ont chacun logé un appel à l’encontre
de la partie de ce jugement qui leur était défavorable.
L’arrêt de la Cour d’appel du Québec
22.
La Cour d’appel a d’abord disposé des arguments du Procureur général du Québec.
Estimant que le schéma législatif applicable ici est clair, qu’il se démarque, sur le plan
des mécanismes de mise en œuvre, de son prédécesseur, le Décret sur les lignes
directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement20
[le « Décret »], et qu’en conséquence, l’arrêt de cette Cour dans Friends of the Oldman
River Society21 ne lui est plus d’aucun secours à cet égard, la Cour a écarté l’argument
voulant que l’article 35 de la Loi sur les pêches ne soit pas un déclencheur valide du
régime d’évaluation environnementale établi par la Loi22.
19
20
21
22
Idem.
DORS/84-467, R.S.I., vol. I, onglet 2.
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3,
R.S.I., vol. II, onglet 18.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 93-115, D.A. vol. 1, p. 67-73.
-8Mémoire des intimés
23.
Exposé concis des faits
Elle a fait de même de l’argument constitutionnel du Procureur général du Québec
voulant que les dispositions de la Loi autorisant la tenue d’une évaluation de type
« étude approfondie » reçoivent une lecture atténuée de manière à ne pas être
applicables - parce que de portée trop large - à un projet de compétence provinciale23.
24.
Statuant à cet égard que la Loi, tout comme le Décret, demeure, sur le fond, « un outil
de collecte d’information, de planification et d’évaluation pour la prise en compte des
facteurs environnementaux pour les décisions qui relèvent de la sphère des
compétences fédérales »24, et que, sur ce plan, les deux textes sont de portée
comparable, la Cour a rejeté cet argument sur la base qu’il procède d’une lecture
erronée de la Loi25.
25.
Ayant conclu à l’existence d’un déclencheur valide obligeant les autorités fédérales à
entamer en l’espèce un processus d’examen environnemental26, la Cour a ensuite
abordé la question sous l’angle de la Convention et l’a fait dans le contexte d’un
amendement apporté par la partie autochtone à ses procédures d’appel, amendement
qui l’invitait à se demander, en tenant pour acquis la présence d’un déclencheur
fédéral valable, lequel du « processus » d’examen de la Convention ou de celui prévu
à la Loi, les autorités fédérales se devaient d’utiliser27.
26.
La Cour d’appel a d’abord exprimé l’avis que les parties signataires n’avaient pas
voulu faire du chapitre 22 un « régime autonome, exclusif et complet pour assurer la
protection de l’environnement »28, mais qu’au contraire, elles avaient spécifiquement
prévu que les lois fédérales et provinciales en cette matière pourraient, sauf
incompatibilité, s’appliquer au territoire visé par la Convention.
23
24
25
26
27
28
Arrêt de la Cour d’appel, par. 108-112, D.A. vol. 1, p. 70-73.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 69, D.A. vol. 1, p. 62.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 110, D.A. vol. 1, p. 71.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 115, D.A. vol. 1, p. 73.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 79, D.A. vol. 1, p. 65.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 192, D.A. vol. 1, p. 92.
-9Mémoire des intimés
27.
Exposé concis des faits
Introduisant la notion de déclencheurs « internes » et « externes » à la Convention, la
Cour a statué que de telles législations pouvaient, sans que cela soit incompatible
avec
la
Convention,
prévoir
la
mise
en
œuvre
de
processus
d’examen
environnemental à l’aide d’un déclencheur « externe », c'est-à-dire non issu de la
Convention29.
Elle en a conclu que la Loi contenait un tel déclencheur, qu’elle
s’appliquait donc en l’espèce et qu’il y avait lieu, en conséquence, d’engager, à l’égard
du Projet, un second processus d’évaluation, en sus de celui déjà entamé aux termes
de la composante provinciale du chapitre 2230.
28.
Toutefois, jugeant, pour essentiellement les mêmes raisons que la juge de première
instance, le « processus d’examen» prévu à la Loi incompatible avec celui prévu au
chapitre 22 de la Convention, la Cour, invoquant une règle de prépondérance, a
conclu, tout en déclarant la Loi par ailleurs applicable, qu’il fallait substituer à ce
processus celui de la composante fédérale du régime établi par ledit chapitre31.
29.
Par ailleurs, vu sous l’angle des déclencheurs « internes », c’est-à-dire ceux issus de
la Convention et mettant en œuvre le régime du chapitre 22, la Cour, s’inspirant elle
aussi du jugement de la Cour d’appel fédérale dans Bande d’Eastmain, a entériné la
conclusion du premier juge à l’effet que le projet du promoteur était assujetti à la règle
du processus unique et qu’en raison de sa nature, c’est la composante provinciale,
plutôt que fédérale, dudit régime, qui devait, seule, recevoir application en l’espèce32.
PARTIE II – QUESTION EN LITIGE
30.
Dans une ordonnance rendue le 12 décembre 2008, madame la juge en chef
McLaughlin a formulé la question constitutionnelle suivante aux fins du présent
pourvoi :
29
30
31
32
Arrêt de la Cour d’appel, par. 193-194, D.A. vol. 1, p. 93.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 200, D.A. vol. 1, p. 93.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 201, D.A. vol. 1, p. 94.
Arrêt de la Cour d’appel, par. 177-178, D.A. vol. 1, p. 90.
- 10 Mémoire des intimés
Question en litige
La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37 et ses
règlements d’application sont-ils constitutionnellement applicables au projet
situé sur le territoire qu’envisage l’art. 22 de la Convention de la Baie James et
du Nord québécois?
31.
Les Intimés soutiennent qu’il faut répondre à cette question par l’affirmative tant sur le
plan du partage des compétences que sur celui du rapport de la Loi à la Convention.
32.
Par ailleurs, la solution retenue par la Cour d’appel de substituer le processus
d’examen du chapitre 22 de la Convention à celui prévu à la Loi, bien que pouvant être
jugée imparfaite sur le plan juridique, demeure compatible avec les principes
directeurs de la Loi voulant que les autorités fédérales soient invitées à tenir compte
de façon particulière des préoccupations des populations autochtones susceptibles
d’être affectées par un projet de développement dans l’évaluation de ses impacts
environnementaux, de même qu’avec les mécanismes de coordination, de coopération
et d’harmonisation des processus d’évaluation qui y sont prévus et qui offrent
suffisamment de souplesse pour permettre, en l’instance, la participation de la partie
crie au processus d’évaluation entrepris sous son régime.
PARTIE III – ARGUMENTATION
A.
RIEN, DANS LES RÈGLES DU PARTAGE DES COMPÉTENCES, NE S’OPPOSE
EN
L’INSTANCE
À
L’APPLICABILITÉ
DE
LA
LOI
CANADIENNE
SUR
L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
A.1
33.
L’ENVIRONNEMENT ET LE PARTAGE DES COMPÉTENCES
Comme cette Cour a été appelée à le dire à plusieurs reprises au cours des dernières
années, assurer le développement économique efficace d’une société tout en veillant à
préserver l’intégrité de l’environnement est devenu, et demeure plus que jamais, l’un
- 11 Mémoire des intimés
Argumentation
des principaux défis de notre époque et un objectif public de première importance33. À
cette fin, un grand nombre d’États ont adopté des lois qui, d’une part, sanctionnent les
atteintes à l’environnement et, d’autre part, permettent de prévenir la réalisation de
projets qui auraient pour conséquence de détériorer l’environnement. Le Canada n’y a
pas fait exception.
34.
Dans l’ordre constitutionnel canadien, la compétence de légiférer en cette matière
n’est toutefois pas l’apanage d’un seul palier de gouvernement. Matière diffuse et
obscure, qui comprend « tout ce qui nous entoure », l’environnement ne constitue pas
une unité constitutionnelle homogène de telle sorte que tant le Parlement que les
provinces peuvent légiférer en cette matière aux fins de répondre aux préoccupations
environnementales liées aux domaines de compétence que la Constitution leur attribue
de part et d’autre34.
35.
Ce faisant, il est parfaitement loisible au Parlement, dans le cadre de la mise en œuvre
des lois relevant de sa compétence, d’adopter des dispositions visant à minimiser ou
encore à prévenir l’impact de cette mise en œuvre sur l’environnement. C’est ce qu’il
a fait ici en adoptant la Loi.
36.
Par ailleurs, l’interaction résultant de l’activité législative des provinces et du Parlement
en matière de protection de l’environnement suppose nécessairement un certain
chevauchement.
Pour autant que cette activité se rapporte à un domaine de
compétence approprié, elle sera parfaitement valide sur le plan constitutionnel, même
si elle affecte de manière incidente un champ de compétence relevant de l’autre ordre
de gouvernement35.
33
34
35
Friends of the Oldman River Society c.
17, 37, R.S.I., vol. II, onglet 18; R. c.
vol. IV, onglet 34.
Friends of the Oldman River Society c.
68, R.S.I., vol. II, onglet 18.
Friends of the Oldman River Society c.
69, R.S.I., vol. II, onglet 18.
Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 16Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, par. 85-86, R.S.I.,
Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 67Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 64-
- 12 Mémoire des intimés
37.
Argumentation
À cet égard, cette Cour, dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, a jugé que le
fait qu’un projet soit principalement assujetti à la réglementation provinciale n’était pas
un facteur particulièrement utile aux fins de départager la compétence constitutionnelle
de chacun des paliers de gouvernement à l’égard de l’évaluation environnementale de
ce projet puisque c’était là poser un principe erroné, celui de l’existence d’une théorie
générale de l’exclusivité des compétences visant à exempter les ouvrages ou
entreprises de nature provinciale de l’application de lois fédérales par ailleurs valides36.
38.
La règle en droit constitutionnel canadien veut plutôt que les projets de nature locale
relevant généralement de la compétence des provinces demeurent assujettis, dans
leurs aspects fédéraux, à la législation fédérale applicable. Comme l’a affirmé cette
Cour, les projets de cette nature « peuvent exiger la participation du fédéral dans le
cas où le projet empiète sur un domaine de compétence fédérale comme en
l’espèce »37.
39.
Le Procureur général du Québec, qui ne conteste pas la validité constitutionnelle de la
Loi ou encore de l’une quelconque de ses dispositions, ne paraît pas davantage
remettre en cause ce principe, qui fait de la coexistence des responsabilités fédérales
et provinciales en matière de protection de l’environnement, la règle, et non
l’exception. Il semble plutôt soutenir que, pour que ce principe soit applicable, encore
faut-il que le domaine de compétence fédérale invoqué pour justifier la participation
fédérale puisse permettre d’affecter ou de toucher le projet visé. Selon lui, ce ne serait
pas le cas en l’espèce, la compétence sur les pêcheries n’ayant pas une portée
suffisante pour justifier une évaluation environnementale de l’ampleur de celle que
permet la Loi.
36
37
Ibid., p. 68-69; voir aussi : Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique (Securities
Commission), [2000] 1 R.C.S. 494, par. 23, R.S.I., vol. III, onglet 21; General Motors of Canada c.
City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, p. 669, R.S.I., vol. III, onglet 20.
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 69,
R.S.I., vol. II, onglet 18.
- 13 Mémoire des intimés
40.
Argumentation
Cette prétention doit échouer. Tout ce qu’exige la Constitution, c’est qu’il existe un
élément de proximité entre l’évaluation environnementale projetée, l’exercice du
pouvoir décisionnel qui en déclenche l’application et le domaine de compétence dont
ce pouvoir relève38. Or, comme nous allons le voir, cette proximité est manifeste ici, la
Loi devant servir à mesurer les coûts environnementaux associés à l’exercice d’un
pouvoir décisionnel lié à l’un des éléments essentiels de la compétence fédérale en
matière de pêcheries, la protection et la conservation de l’habitat d’une ressource, le
poisson, reconnue comme étant de première importance pour le Canada.
41.
En d’autres termes, rien ne s’oppose, sur le plan constitutionnel, à ce que le ministre
des Pêches, conformément aux responsabilités que lui a confiées le Parlement, soit
tenu de prendre en compte l’ensemble des coûts environnementaux liés ou associés à
sa décision d’émettre l’autorisation visée par l’article 35(2) de la Loi sur les pêches.
A.2
i.
42.
LE SCHÉMA LÉGISLATIF ET JURIDICTIONNEL APPLICABLE
La Loi
La Loi est entrée en vigueur en janvier 1995; elle succédait au Décret. Dans l’arrêt
Friends of the Oldman River Society, cette Cour, statuant sur sa validité
constitutionnelle, a dit du Décret qu’il s’agissait, pour l’essentiel, d’un outil de
planification, caractérisé par un mécanisme de collecte de renseignements et de prise
de décisions, dont l’objet était de faire en sorte que les décideurs fédéraux déterminent
et évaluent avant coup les conséquences environnementales possibles d’une
entreprise, d’une activité ou encore d’un ouvrage proposé afin de permettre, à leur
égard, une prise de décision éclairée prenant en compte la protection et la
préservation de l’environnement39.
38
39
Ibid., p. 72.
Ibid., p. 17, 71-75.
- 14 Mémoire des intimés
43.
Argumentation
Elle en a dit aussi que rien, sur le plan constitutionnel, ne s’opposait à ce que l’examen
environnemental requis en vertu du Décret déborde le cadre du domaine de
compétence duquel le décideur tenait son autorité décisionnelle et s’étende à tous les
domaines de compétence fédérale susceptibles d’être touchés par l’entreprise,
l’activité ou l’ouvrage proposé40.
44.
Comportant à la fois un aspect de fond [la prise en compte des incidences
environnementales d’un projet] et un aspect procédural ou organisationnel [la
coordination du processus d’évaluation dans les cas de projets touchant à plusieurs
domaines de compétence fédérale], le Décret venait en somme ajouter un palier de
préoccupations à celui que les décideurs fédéraux étaient déjà tenus d’évaluer en
vertu de leur loi habilitante41.
45.
Or, la Loi est de facture similaire et poursuit les mêmes fins. Tel qu’en font foi son
préambule et sa clause d’objet [article 4], elle vise à permettre aux autorités
responsables de mesurer et prendre en compte les incidences environnementales des
décisions qu’elles sont appelées à prendre à l’égard d’un projet de développement aux
termes de pouvoirs qu’elles possèdent à cet égard. La Loi prévoit ainsi ce qui en
déclenche l’application, définit le rôle des ministères et agences du gouvernement
fédéral interpellés par sa mise en œuvre, met en place un processus d’évaluation et
d’examen environnemental et établit les paramètres du processus de prise de
décisions qui s’ensuit.
Ce qui enclenche son application
46.
L’article 5 est la disposition-clé à cet égard; il impose à toute « autorité fédérale »42
l’obligation de procéder à une évaluation environnementale d’un projet avant qu’elle
ne le mette en œuvre, lorsqu’elle en est le promoteur, qu’elle n’accorde à son
40
41
42
Ibid., p. 71-72.
Ibid., p. 71-75.
Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, précitée, note 2, art. 2, R.S.I., vol. I, onglet 4.
- 15 Mémoire des intimés
Argumentation
promoteur du financement aux fins de sa mise en œuvre, qu’elle ne cède à cette fin
une terre domaniale, ou encore qu’elle ne délivre un permis, une licence ou une
autorisation en vue de permettre, en tout ou en partie, cette mise en œuvre.
47.
C’est ce dernier déclencheur [par. 5(1)d)] qui est pertinent en l’instance. L’autorité
fédérale visée par ce déclencheur est celle qui tire ses pouvoirs d’émettre un permis,
une licence ou une autorisation d’une disposition identifiée dans un règlement pris aux
termes de la Loi, en l’occurrence le Règlement sur les dispositions législatives et
réglementaires désignées43.
L’autorité responsable
48.
L’autorité fédérale visée par l’article 5 devient « l’autorité responsable » au sens de la
Loi44. C’est à elle qu’incombe la responsabilité de veiller à ce qu’il soit procédé à une
évaluation environnementale et à ce que cela soit fait le plus tôt possible au stade de
la planification du projet, avant que ne soit prise une décision irrévocable à son égard
[par. 11(1)]. Elle pourra, à cette fin et à sa demande, compter sur la collaboration de
toute autorité fédérale qui est non visée par l’article 5 mais qui possède une expertise
ou des connaissances particulières touchant le projet [par. 12(3)].
49.
L’autorité responsable a également le pouvoir de coopérer avec une « instance » non
fédérale ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux
d’un projet. Cette instance peut être le gouvernement d’une province ou un organisme
créé par elle ou, encore, un organisme constitué aux termes d’un accord de
revendication territoriale au sens du paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de
1982 ou aux termes d’une loi relative à l’autonomie gouvernementale des Indiens [par.
12(4) et (5)].
43
44
DORS/94-636, R.S.I., vol. I, onglet 9.
Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, précitée, note 2, art. 2, R.S.I., vol. I, onglet 4.
- 16 Mémoire des intimés
50.
Argumentation
De manière générale, le processus d’évaluation environnementale est géré par
l’Agence canadienne d’évaluation environnementale [« l’Agence »], un organisme créé
par la Loi et placé sous la responsabilité du ministre de l’Environnement [le
« Ministre »].
L’Agence a aussi pour mission de promouvoir l’uniformisation et
l’harmonisation des processus d’évaluation des effets environnementaux à l’échelle du
Canada et à tous les paliers administratifs [article 62].
Le processus d’évaluation environnementale
51.
Une fois déterminé que le processus d’évaluation établi par la Loi s’applique, l’autorité
responsable ou encore le Ministre, dans le cas où le projet est renvoyé à la médiation
ou à un examen par une commission, détermine la portée du projet à l’égard duquel
l’évaluation environnementale devra être effectuée [article 15]. L’évaluation peut ainsi
viser l’ensemble du projet envisagé par le promoteur tout comme elle peut être
effectuée à l’égard de certains aspects seulement de celui-ci, selon ce qu’en auront
décidé l’autorité responsable ou le Ministre, la Loi leur conférant une discrétion à cet
égard selon l’interprétation qu’en ont donnée les tribunaux jusqu’à maintenant45.
L’idée est simple : elle est de maintenir un lien de proximité entre le processus
d’examen environnemental et le ou les domaines de compétence fédérale concernés
par l’exercice du pouvoir ou de l’attribution décisionnelle en cause.
52.
Le processus d’évaluation environnementale peut prendre diverses formes : examen
préalable, étude approfondie, médiation ou examen par une commission, laquelle tient
des audiences publiques, possède le pouvoir d’assigner des témoins et celui de les
contraindre à produire des documents.
Dans chaque cas, le processus doit se
conclure par l’établissement d’un rapport qui servira à la prise de décision requise par
la Loi [article 14].
45
Friends of the West Country Association c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000]
2 C.F. 263 (C.A.), par. 12, 29, R.S.I., vol. III, onglet 19; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada
(Ministre des Pêches et Océans), [2006] 3 R.C.F. 610, par. 18, 20, R.S.I., vol. III, onglet 28.
- 17 Mémoire des intimés
53.
Argumentation
Lorsque le projet, dont la portée a été déterminée aux termes de l’article 15, ne
correspond pas à l’un des projets visés par la liste d’étude approfondie, il fait l’objet
d’un examen préalable [article18]46. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque ledit
projet, une fois sa portée déterminée aux termes de l’article 15, est visé par cette liste,
l’autorité responsable a la faculté de procéder à une étude approfondie du projet ou de
s’adresser au Ministre afin que celui-ci fasse effectuer une médiation ou encore un
examen par une commission [article 21]
47
.
À tout moment et dans tous les cas,
l’autorité responsable conserve toutefois la faculté de référer le projet au Ministre
lorsqu’elle estime qu’il risque d’entraîner des effets environnementaux négatifs malgré
l’application des mesures d’atténuations qu’elle envisage, ou encore que les
préoccupations exprimées par le public justifient qu’il soit procédé à une médiation ou
à un examen par une commission [article 25].
54.
Quelle que soit la forme de l’évaluation environnementale effectuée en vertu de la Loi,
celle-ci doit s’intéresser aux effets environnementaux du projet, tel qu’il aura été défini
aux termes de l’article 15, à leur importance, aux observations du public, aux mesures
d’atténuations réalisables techniquement et économiquement, et à tout autre élément
pertinent, notamment la nécessité du projet et ses solutions de rechange, dont
l’autorité responsable ou, selon le cas, le ministre, peut exiger la prise en compte [par.
16(1)].
55.
Pour les projets soumis à une étude approfondie ou à un examen par une commission,
l’évaluation doit aussi obligatoirement porter, pour l’essentiel, sur la raison d’être du
projet, les solutions de rechange réalisables sur les plans technique et économique et
la nécessité d’un programme de suivi [par. 16(2)].
46
47
Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), précité note 45, par. 15,
18, R.S.I., vol. III, onglet 28.
Il s’agit de la version de l’article 21, tel qu’il se lisait avant les amendements d’octobre 2003.
- 18 Mémoire des intimés
Argumentation
Le processus de prise de décision
56.
À moins que l’autorité responsable ou le Ministre ne mette fin à l’évaluation [articles 26
et 27], celle-ci, quel que soit le mode d’évaluation retenu, culmine dans tous les cas
par l’établissement d’un rapport [article 14] et la prise subséquente d’une « décision »
basée sur la prise en compte du rapport.
57.
Lorsque le rapport est consécutif à un examen préalable, l’autorité responsable a le
choix d’exercer, à l’égard du projet, les pouvoirs décisionnels - ou attributions - que sa
loi habilitante lui confère dans les cas où elle est satisfaite ou non qu’avec l’application
des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées et à laquelle elle veillera, la
réalisation dudit projet n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux
négatifs importants [alinéa 20(1)a) et b)].
Elle a également le pouvoir de requérir du
Ministre une médiation ou un examen par une commission lorsqu’il demeure incertain,
compte tenu de l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées, que
le projet entraînera des effets environnementaux négatifs importants qui ne peuvent
être justifiés dans les circonstances, ou lorsque les préoccupations exprimées par le
public le justifient [alinéa 20(1)c)].
58.
Dans les cas où le rapport est consécutif à une étude approfondie, il doit être présenté
au Ministre qui a alors le choix de renvoyer le projet à l’autorité responsable pour
qu’elle décide s’il y a lieu ou non pour elle d’exercer les pouvoirs décisionnels que sa
loi habilitante lui confère selon que le projet, compte tenu des mesures d’atténuations
envisagées,
est,
ou
n’est
pas,
acceptable
sur
le
plan
de
ses
impacts
environnementaux, ou encore de faire procéder à une médiation ou à un examen par
une commission sur les mêmes bases que celles pouvant être invoquées par l’autorité
responsable lorsqu’elle donne suite au rapport de l’examen préalable [article 23]48.
48
Il s’agit de la version de l’article 23, tel qu’il se lisait avant les amendements d’octobre 2003.
- 19 Mémoire des intimés
59.
Argumentation
Enfin, lorsque le rapport est consécutif à une médiation ou à un examen par une
commission, ou encore dans les cas où le Ministre ne juge pas nécessaire de renvoyer
pour examen public un projet ayant fait l’objet d’une étude approfondie, l’autorité
responsable est appelée à décider, sur la base dudit rapport, si elle exercera ses
attributions ou pouvoirs décisionnels à l’égard du projet afin d’en permettre ou non, en
tout ou en partie, la mise en œuvre selon qu’elle est satisfaite :
a.
qu’avec l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées et à
laquelle elle veillera, la réalisation du projet n’est pas susceptible d’entraîner des
effets environnementaux négatifs importants [par. 37(a)];
b.
que malgré l’application des mesures d’atténuations qu’elle estime indiquées, la
réalisation du projet est susceptible d’entraîner des effets environnementaux
négatifs importants qui ne peuvent être justifiés dans les circonstances
[par. 37(b)].
60.
Dans les cas où le rapport émane d’une médiation ou d’un examen par une
commission, l’autorité responsable doit y donner suite avec l’agrément du gouverneur
en conseil avant de décider si elle exercera ou non son pouvoir décisionnel à l’égard
du projet visé [par. 37(1.1)].
61.
L‘ensemble de ce processus, qui doit précéder l’exercice du pouvoir décisionnel que
possède l’autorité responsable à l’égard d’un projet, ne vise autre chose que d’assurer
que cette décision, en tenant compte de ses impacts sur l’environnement, sera la plus
éclairée possible dans les circonstances. Ce schéma, conçu de manière à assurer le
maintien d’un lien de proximité entre l’exercice du pouvoir décisionnel relevant de la
compétence fédérale et l’évaluation environnementale, répond ainsi à un objectif public
de première importance, soit assurer le développement économique efficace d’une
société tout en veillant à préserver l’intégrité de l’environnement.
- 20 Mémoire des intimés
Argumentation
ii. L’article 35 de la Loi sur les pêches et la compétence sur les pêcheries
62.
Dans l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), cette Cour a rappelé ce qu’elle
considérait être les grands paramètres de la compétence fédérale sur les pêcheries :
Ces décisions établissent indubitablement que la compétence en matière de
pêcheries vise non seulement la conservation et la protection, mais encore la
« réglementation » générale des pêcheries, y compris leur gestion et leur
surveillance. Elles reconnaissent que les « pêcheries », au par. 91(12) de la
Loi constitutionnelle de 1867, s’entendent des pêcheries en tant que
ressource naturelle; [traduction] « une source de richesse pour le pays ou la
province » (Robertson, précité, p. 121); un « bien commun » à gérer pour le
bien de tous les Canadiens (Comeau’s Sea Foods, précité, par. 37). La
ressource halieutique comprend tous les animaux qui habitent les mers, mais
elle englobe aussi les intérêts commerciaux et économiques, les droits et les
intérêts des peuples autochtones, de même que l’intérêt public en matière de
sport et de loisirs. 49
63.
La protection et la conservation de l’habitat du poisson, en tant que « bien commun à
gérer pour le bien de tous les Canadiens », est manifestement au cœur de cette
compétence et le Parlement ne l’a pas ignoré en y consacrant un chapitre complet de
la Loi sur les pêches [« Protection de l’habitat des poissons et Prévention de la
pollution »].
64.
L’article 35 est l’une des dispositions-clés de ce régime de protection de l’habitat du
poisson.
Il décrète qu’il est interdit d’exploiter des ouvrages ou des entreprises
entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de cet habitat en l’absence
d’une autorisation du ministre des Pêches prévoyant à quelles conditions et dans
quelles circonstances il sera permis de déroger à cette interdiction.
49
[2002] 1 R.C.S. 569, par. 41, R.S.I., vol. IV, onglet 39.
- 21 Mémoire des intimés
Argumentation
L’article 35 est un déclencheur explicite et valide de l’application de la Loi
65.
Comme nous l’avons vu, l’application de la Loi s’impose, suivant l’alinéa 5(1)d) de la
Loi, chaque fois, notamment, qu’une autorité fédérale est tenue, aux termes d’une
disposition identifiée dans le Règlement sur les dispositions législatives et
réglementaires désignées pris en vertu du paragraphe 59 (f) de la Loi, de délivrer un
permis, une licence ou une autorisation en vue de permettre, en tout ou en partie, la
mise en œuvre d’un projet.
66.
Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, dont le ministre des Pêches s’estime ici
tenu d’exercer les pouvoirs, figure parmi les dispositions désignées par ce règlement,
faisant en sorte que l’application de la Loi s’en trouve, de ce fait, engagée. Comme le
mentionne à juste titre la Cour d’appel, suivant les principes du droit administratif,
« l’on peut difficilement soutenir que la LCEE ne trouve pas application en l’espèce,
alors que le ministre des Pêches est appelé à donner son autorisation aux termes de
l’article 35(2) »50.
67.
L’objection du Procureur général du Québec, qui tient davantage du droit administratif
que du droit constitutionnel et qui voudrait que le paragraphe 35(2) ne soit pas
applicable car il ne concerne que « l’exploitation » d’un ouvrage ou d’une entreprise, et
non sa « mise en œuvre », comme l’exige, selon lui, l’alinéa 5(1)d) de la Loi, ne peut
être retenue.
68.
Outre le fait que le vires du Règlement sur les dispositions législatives et
réglementaires désignées n’ait jamais été attaqué en l’espèce, cette prétention
procède d’abord d’une lecture erronée de la Loi, laquelle définit les projets visés par
l’alinéa 5(1)d) comme comprenant tant leur « exploitation » que leur « réalisation »51.
Elle se heurte donc au fait que, même en supposant le bien fondée de son
50
51
Jugement de la Cour d’appel, par. 106, D.A. vol. 1, p. 70.
Article 2 de la Loi.
- 22 Mémoire des intimés
Argumentation
interprétation restrictive du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, celui-ci constitue
une « attribution » clairement envisagée par l’alinéa 5(1)d).
69.
Cette prétention procéde également d’une application erronée de l’arrêt Friends of the
Oldman River Society et de ce qui est permis de lui faire dire lorsqu’il s’agit
d’interpréter l’alinéa 5(1)d) de la Loi, notamment eu égard à son rapport au paragraphe
35(2) de la Loi sur les pêches.
70.
L’alinéa 5(1)d) a été adopté dans la forme qu’on lui connaît afin de clarifier les
conditions d’application de ce déclencheur par rapport à ce qu’elles étaient sous le
régime du Décret, conditions que cette Cour a dû préciser de manière à prévenir que
le Décret soit invoqué « chaque fois qu’il existe certaines possibilités de répercussions
environnementales sur un domaine de compétence fédérale » 52.
71.
Ces précisions, et la notion jurisprudentielle d’«obligation positive de réglementation »
qui en a résulté, ont été fournies dans le contexte de l’interprétation de définition
[« proposition »] et termes [« participe à la prise de décision »] propres au Décret.
72.
Plus particulièrement, cette notion a été développée dans le contexte où ce même
déclencheur, sous le Décret, visait les « propositions pouvant avoir des répercussions
environnementales sur une question de compétence fédérale », où le terme
« proposition » était défini comme une « entreprise ou activité à l’égard de laquelle le
gouvernement du Canada participe à la prise de décisions » et où le ministère tenu
d’appliquer le Décret dans un cas donné était celui « qui, au nom du gouvernement du
Canada, exerce le pouvoir de décision à l’égard d’une proposition »53.
73.
Or, la Loi n’a pas repris cette terminologie et il serait par conséquent hasardeux de
vouloir importer à son texte, comme le fait l’appelant, des concepts élaborés dans le
52
53
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 47,
R.S.I., vol. II, onglet 18.
Idem.
- 23 Mémoire des intimés
Argumentation
contexte de l’interprétation d’un texte réglementaire libellé et conçu différemment à
certains égards.
74.
À tout événement, la notion d’«obligation positive de réglementation » sous-tend l’idée
générale que la participation fédérale à l’évaluation environnementale d’un projet
relevant de la compétence générale des provinces sera justifiée lorsqu’une autorité
fédérale est investie d’une obligation ou d’un devoir légal à l’égard du projet
54
. Or,
c’est précisément l’idée que sous-tend le paragraphe 5(1)d) de la Loi, ce déclencheur
étant structuré de manière à conserver le lien entre l’exercice d’une attribution
décisionnelle fédérale et le processus d’évaluation environnementale.
75.
Par ailleurs, il est tout aussi hasardeux de prétendre que cette Cour, dans l’arrêt
Friends of the Oldman River Society, a scellé le sort de l’article 35 de la Loi sur les
pêches comme ne permettant pas l’enclenchement d’un processus d’évaluation
environnementale, ni sous le régime du Décret, ni sous celui de la Loi.
Au-delà du
fait, comme nous venons de le dire, que cet arrêt a été rendu sur la base d’un contexte
statutaire différent, la Cour ne paraît pas s’être penchée, de manière spécifique et
encore moins décisive, sur le paragraphe 35(2). Son commentaire, plutôt général, sur
l’article 35 ne faisant allusion qu’à l’interdiction qu’il stipule et à la sanction pénale dont
cette interdiction est assortie55.
76.
C’est d’ailleurs sous cette réserve que la Cour d’appel fédérale a abordé cette question
dans l’arrêt Bande d’Eastmain, également invoqué par le Procureur général du
Québec au soutien de sa prétention, et qu’elle s’est bien gardée de tirer des
conclusions fermes à cet égard 56.
54
55
56
Idem.
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 48,
R.S.I., vol. II, onglet 18.
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité, note 17, p. 535-536, R.S.I., vol. II,
onglet 14.
- 24 Mémoire des intimés
77.
Argumentation
C’est plutôt sur l’article 37(2) de la Loi sur les pêches que cette Cour s’est attardée
dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society.
Estimant que cette disposition
conférait au ministre des Pêches « un pouvoir législatif spécial limité », la Cour en a
conclu qu’elle ne renfermait pas une « obligation positive de réglementation »57.
78.
Or, le pouvoir prévu au paragraphe 35(2) est, à l’évidence, d’une autre nature; il
confère au ministre un pouvoir de nature discrétionnaire, celui d’émettre une
autorisation aux conditions et dans les circonstances qu’il juge indiquées, autorisation
sans laquelle la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson
résultant de l’exploitation d’un ouvrage ou d’une entreprise n’est pas permise.
79.
C’est sans contredit une disposition aux termes de laquelle une autorité fédérale est
tenue « de délivrer un permis, une licence ou une autorisation en vue de permettre, en
tout ou en partie, la mise en œuvre d’un projet » [alinéa 5(1)d) de la Loi].
80.
À cet égard, la proposition voulant que l’article 35 de la Loi sur les pêches ne puisse
viser un ouvrage ou une entreprise à l’étape de sa conception et de son
aménagement, et donc, qu’il n’ait pas rapport à sa « mise en œuvre », doit être rejetée
puisqu’il s’agit là d’une interprétation qui ne tient pas compte de l’un des objectifs
fondamentaux de cette loi, la protection et la préservation de l’habitat du poisson en
tant que ressource de première importance pour le pays58.
81.
Plus particulièrement, cette interprétation a pour effet de priver l’article 35 de tout
caractère préventif et de condamner le ministre à n’intervenir qu’après le fait et donc,
57
58
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 49,
R.S.I., vol. II, onglet 18.
Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12, par. 37,
R.S.I., vol. II, onglet 15; Northwest Falling Contractors Ltd. c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 292, R.S.I., vol.
III, onglet 26; R. c. Fillion, [1994] R.L. 357 (C.A.) , R.S.I., vol. IV, onglet 32; Gulf Trollers Assn. c.
Canada (ministre des Pêches), [1987] 2 C.F. 93 (C.A.) , R.S.I., vol. III, onglet 22; R. v. Kingston (Corp.
of the City), (2004) 240 D.L.R. (4th) 734, par. 66, R.S.I., vol. IV, onglet 36; R. v. Leveque, (2001)
C.E.L.R. (N.S.) 294, R.S.I., vol. IV, onglet 37; R. v. Zuber, [2004] O.J. no. 2989, R.S.I., vol. IV,
onglet 38; R. v. Basso, (2001) 39 C.E.L.R. (N.S.) 42, par. 39, R.S.I., vol. IV, onglet 35.
- 25 Mémoire des intimés
Argumentation
une fois les dommages à l’habitat de poisson et à l’environnement constatés. Ce ne
pouvait être là l’intention du Parlement.
82.
D’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la Loi, les tribunaux ont toujours considéré le
paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches comme constituant un déclencheur valide
aux termes de l’alinéa 5(1)d) de la Loi, y compris en contexte d’aménagement de
projets miniers59. Rien ne justifie qu’il n’en soit plus ainsi.
La compétence en matière de pêcheries offre une assise parfaitement suffisante
pour justifier l’application de la Loi en l’espèce
83.
Le Procureur général du Québec soutient que la compétence du Parlement sur les
pêcheries serait « trop étroite » pour justifier que la Loi puisse s’appliquer au Projet
puisque cette compétence « ne permettrait pas de régir les activités ou les industries
qui relèvent de la compétence exclusive des législatures provinciales »60. Il en tient
pour preuve les arrêts A.G. of Canada c. A.G. of British Columbia, Fowler c. La Reine
et R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd 61.
84.
Or, outre le fait, comme nous l’avons vu, qu’il ne soit pas déterminant, pour décider de
l’applicabilité de la Loi, que l’on se trouve en présence d’un projet relevant
principalement de la compétence des provinces, ces décisions n’aident en rien
l’appelant. Tout ce qu’elles mettent en relief, c’est que le Parlement ne peut, à partir
de sa compétence sur les pêcheries, réglementer la mise en conserve et la mise en
59
60
61
Voir, notamment, MiningWatch Canada c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2008 CAF 209,
R.S.I., vol. III, onglet 23; Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et Océans),
précité, note 45, R.S.I., vol. III, onglet 28; Pembina Institute for Appropriate Development c. Canada
(Ministre des Pêches et Océans), 2005 CF 1123, R.S.I., vol. III, onglet 27; Environmental Ressource
Center c. Canada (Ministre de l’Environnement), 214 F.T.R. 94, R.S.I., vol. II, onglet 16; Alberta
Wilderness Assoc. c. Cardinal River Coals Ltd. [1999] 3 C.F. 425, R.S.I., vol. II, onglet 12;
Mémoire de l’appelant, par. 77.
A.G. Canada c. A.G. British Columbia, [1930] 1 D.L.R. 194, R.S.I., vol. II, onglet 11; Fowler c. La
Reine, [1980] 2 R.C.S. 213, R.S.I., vol. II, onglet 17; R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd, [1988]
1 R.C.S. 401, R.S.I., vol. IV, onglet 31.
- 26 Mémoire des intimés
Argumentation
marché du poisson, ou encore réglementer la pollution de l’eau en général sans
qu’existe un lien entre cette réglementation et la préservation de l’habitat du poisson.
Le professeur Hogg résume bien la portée réelle de l’arrêt Fowler :
The power to protect the environment of fish is not a general power to regulate
water pollution. In Fowler v. The Queen (1980), the Supreme Court of
Canada struck down a section of a federal Fisheries Act that prohibited the
deposit of logging debris “into any water frequented by fish”. Martland J. for
the Court held that the vice of the law was that it did not link the proscribed
conduct to actual or potential harm to fisheries, and there was no evidence
that all logging debris was in fact harmful to fisheries. Such a blanket
prohibition of an activity that would normally be subject to provincial
jurisdiction was accordingly unconstitutional.
One month after the decision in Fowler, the Court reached a different result in
Northwest Falling Contractors v. The Queen (1980). In that case, the Court
upheld a section of the federal Fisheries Act that prohibited the deposit of a
“deleterious substance” into water frequented by fish. The term “deleterious
substance” was defined as something “deleterious to fish or fish habitat or to
the use by man of fish”. This definition provided the link between the
prohibited conduct and the harm to fisheries which had been lacking in the
offence struck down in Fowler. This enabled Martland J. for the Court to
distinguish the earlier case, and uphold the validity of the offence in this case.
Taken together, the two cases emphasize that the fisheries power will
authorize the regulation of non-fishing activity only when there is clear
connection between the regulated activity and a harmful effect on fisheries.62
85.
La jurisprudence de cette Cour est donc plutôt à l’effet que la compétence en matière
de pêcheries permet la réglementation d’activités ou d’industries qui relèvent de la
compétence des provinces en autant qu’il existe un lien, une proximité certaine, « a
clear connection », entre cette réglementation et la protection de la ressource. L’arrêt
Ward, dans lequel cette Cour a jugé valide aux termes de la compétence sur les
pêcheries un règlement fédéral interdisant la vente, l’échange ou le troc de jeunes
phoques, en fournit un bon exemple63.
62
63
Hogg, P., Constitutional Law of Canada, Fifth Edition Supplemented, Thomson Carswell,
p. 30-16, 30-17, R.S.I., vol. IV, onglet 42.
Ward c. Canada (Procureur général), précité, note 49, R.S.I., vol. IV, onglet 39.
- 27 Mémoire des intimés
86.
Argumentation
D’ailleurs, la compétence sur les pêcheries est vaste64 et demeure l’une des sources
les plus importantes du pouvoir du Parlement de légiférer en matière d’environnement
et de réglementer, ce faisant, l’environnement propre aux poissons65; qui dit pêcheries
réfère non seulement à la ressource halieutique comme telle, mais aussi à la
dimension socio-économique de celle-ci, aux droits et intérêts des peuples
autochtones, de même qu’à l’intérêt public en matière de sports et de loisirs.
87.
Rien, donc, ne justifie la vision étroite de la compétence en matière de pêcheries et la
lecture « atténuante » de l’alinéa 35(2) de la Loi sur les pêches que prône l’appelant,
lesquelles auraient pour effet de soustraire à l’application de la Loi tout projet de
compétence provinciale susceptible de porter atteinte à l’habitat du poisson.
88.
À tout événement, rien au dossier ne laisse croire que le ministre des Pêches - ou
encore celui de l’Environnement - cherche à intervenir pour des considérations
étrangères à l’intérêt public lié à la protection et à la préservation de l’habitat du
poisson ou encore à des préoccupations liées à d’autres domaines de compétence
fédérale susceptibles d’être affectés par la mise en œuvre du Projet.
89.
Le Procureur général du Québec semble confondre ici la portée des renseignements
nécessaires à la décision que le ministre des Pêches est appelé à prendre et la portée
de la compétence en matière de pêcheries. Le ministre doit ici décider s’il autorisera
ou non la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson
résultant de l’exploitation d’un ouvrage et il doit, pour ce faire, évaluer les coûts
environnementaux associés à cette décision, c'est-à-dire associés au fait de permettre
une activité dommageable pour l’habitat du poisson.
90.
L’évaluation environnementale, et la prise de renseignements qu’elle implique, visent
essentiellement à assurer que cette décision sera la plus éclairée possible dans les
64
65
Ibid., par. 42.
Hogg, P., Constitutional Law of Canada, précité, note 62, p. 30-21, R.S.I., vol. IV, onglet 42.
- 28 Mémoire des intimés
Argumentation
circonstances. Il n’y a, à cette fin, rien de constitutionnellement irrégulier à ce que le
ministre des Pêches s’informe le plus complètement possible du projet en cause, de
ses modalités et caractéristiques et même, dans les cas qui le justifient, de sa raison
d’être, puisqu’il devra évaluer si l’ensemble des coûts environnementaux associés à
une décision de permettre une atteinte à l’intégrité de l’habitat du poisson sont justifiés
et, le cas échéant, à quelles conditions et aux termes de quelles mesures atténuantes.
91.
Il est tout aussi constitutionnellement acceptable qu’au stade de la prise de
renseignements, le ministre s’intéresse à l’ensemble des effets environnementaux d’un
projet en lien avec l’exercice du pouvoir décisionnel en cause.
92.
Dans l’arrêt Friends of the Oldman River Society, la Cour a clairement reconnu que
des considérations liées à des domaines de compétence provinciale pouvaient très
bien être pertinentes à l’examen des incidences environnementales d’un projet à
l’égard duquel une autorité fédérale exerce un pouvoir décisionnel, la création
d’emplois et l’aménagement urbain étant donnés en exemple de facteurs pouvant être
pris en compte dans l’analyse d’un projet de construction d’une nouvelle voie ferrée66.
De même, dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de
l’Énergie), cette Cour n’a pas trouvé problématique le fait pour l’Office national de
l’Énergie de considérer, aux fins de l’émission de licences d’exportation d’électricité,
les effets environnementaux reliés à la construction de centrales hydroélectriques
jugées nécessaires pour alimenter ces exportations, même si la construction et
l’exploitation de ce type d’ouvrage relèvent de la compétence provinciale67.
93.
En l’espèce, le ministre des Pêches a d’abord déterminé, comme le lui permettait
l’article 15 de la Loi, que le Projet Vanadium serait assujetti à une évaluation
66
67
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 6566, R.S.I., vol. II, onglet 18; voir également Murphyores Incorporated Pty Ltd. v. Commonwealth of
Australia (1976), 136 C.L.R. 1 (H.C.), R.S.I., vol. III, onglet 25, cité avec approbation dans l’arrêt
Friends of the Oldman River Society.
Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, p. 193,
R.S.I., vol. III, onglet 29.
- 29 Mémoire des intimés
Argumentation
environnementale de type approfondi et il a cherché à obtenir du promoteur les
renseignements nécessaires à cet examen. Cette décision n’a jamais été contestée
en temps utile. En fait, le débat en première instance s’est fait en prenant pour acquis
que l’ensemble du projet était susceptible d’affecter l’habitat du poisson68. Dans ce
contexte, la demande de renseignements adressée au promoteur par le ministre des
Pêches, résolument axée sur des préoccupations pertinentes à l’article 35 de la Loi sur
les pêches, n’a rien d’exorbitant, comme le laisse entendre l’appelant69.
94.
Quoi qu’il en soit, le partage des compétences ne limite pas l’étendue des
renseignements et des considérations pouvant être pris en compte dans l’analyse
d’impact environnemental qui doit précéder la décision d’une autorité fédérale visée
par l’alinéa 5(1)d, en autant qu’il existe un élément de proximité entre cette analyse,
l’exercice du pouvoir décisionnel qui en déclenche l’application et le domaine de
compétence dont ce pouvoir relève70. Ici, ce lien est manifeste : rien n’indique que les
autorités fédérales compétentes cherchent à étendre l’évaluation requise aux termes
de la Loi à des considérations étrangères aux coûts environnementaux associés à
l’émission de l’autorisation recherchée aux termes du paragraphe 35(2), ou encore à
réglementer les aspects proprement provinciaux du Projet.
95.
Rien, sur le plan du partage des compétences, ne fait donc obstacle à ce que la Loi
s’applique au Projet.
B.
LA LOI EST APPLICABLE AU TERRITOIRE RÉGI PAR LA CONVENTION
96.
Le Procureur général du Québec plaide que la Convention constituerait, elle aussi, une
source d’inapplicabilité de la Loi. Le fait qu’elle n’accorde pas aux Cris, parce qu’elle
est d’application générale, l’attention que leur porte le chapitre 22, entraînerait une
68
69
70
Intervention amendée du mis en cause, le Procureur général du Québec, D.A. vol. 2, p. 61.
Pièce P-24, D.A. vol. 9, p. 117-130; mémoire de l’appelant, par. 85.
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), précité, note 21, p. 6872, R.S.I., vol. II, onglet 18.
- 30 Mémoire des intimés
Argumentation
incompatibilité ayant pour résultat d’en écarter l’application au territoire régi par la
Convention. Également, l’idée qu’elle puisse s’appliquer à un projet déjà assujetti au
chapitre 22 serait contraire à l’économie de ce chapitre, qui serait de faire du régime
d’évaluation environnementale qui y est prévu, un régime exclusif.
97.
Cette prétention doit également échouer puisqu’elle résulte d’une interprétation
erronée de la Convention et d’une application trop large de la notion d’incompatibilité.
i. La Convention
98.
Signée le 11 novembre 1975 dans le contexte du règlement des litiges entourant la
construction des premiers grands projets de développement hydro-électriques du nord
du Québec, la Convention a pour objectif général, comme l’a souligné la juge de
première instance en l’espèce, « d’établir un équilibre entre le désir des
gouvernements de développer les ressources sur le territoire et le droit des
autochtones de protéger leur mode de vie traditionnel, leur culture, leur langue et leurs
institutions »71.
Son statut « d’accord » au sens du paragraphe 35(3) de la Loi
constitutionnelle de 1982 est admis.
99.
Cet accord est formellement entré en vigueur par le biais de l'adoption de lois fédérale
et provinciale de mise en œuvre, en l’occurrence la Loi sur le règlement des
revendications des Autochtones de la Baie-James et du Nord québécois72 et la Loi
approuvant la Convention de la Baie-James et du Nord québécois 73.
100.
La Convention couvre un grand nombre de domaines. En outre, elle met en place, au
profit des Cris et Inuits de la Baie James et du Nord québécois, un régime de terres,
dont certaines, les terres de catégorie IA, sont à leur usage exclusif [chapitres 5 et 7],
de même qu’un régime de chasse, de pêche et de trappage adapté à leur mode de vie
71
72
73
Jugement de première instance, par. 45, D.A. vol. 1, p. 12.
S.C. 1976-1977, c. 32, R.S.I., vol. I, onglet 6.
L.Q. 1976 c. 46, R.S.I., vol. I, onglet 3.
- 31 Mémoire des intimés
Argumentation
et traditions [chapitre 24]. Elle institue aussi des règles particulières en matière de
santé et de services sociaux [chapitres 14 et 15], d'éducation [chapitres 16 et 17],
d’administration de la justice [chapitres 18 et 20], de police [chapitres 19 et 21], et de
développement économique et social [chapitres 28 et 29].
101.
Plus près des préoccupations du présent dossier, la Convention crée un régime de
protection de l’environnement [chapitres 22 et 23]. Le chapitre 22 établit un processus
d’évaluation et d’examen des répercussions sur l’environnement et le milieu social
dont l’objectif est de réduire le plus possible les effets indésirables, sur la population
crie et les ressources fauniques du territoire régi par la Convention, du développement
qu’on se propose d’y faire [22.2.2 b), 22.2.4 i)].
102.
La manière d’interpréter la Convention a déjà fait l’objet de quelques prononcés
jurisprudentiels74. Un consensus, endossé par cette Cour dans l’arrêt R. c. Howard75,
en émerge : même généreuse, l’interprétation des ententes conclues avec les
autochtones, dans des circonstances comme celles qui prévalaient en 1975, doit être
réaliste, refléter une analyse raisonnable de l’intention et des intérêts de toutes les
parties signataires et tenir compte du contexte historique et juridique qui leur a donné
naissance. De fait, ces circonstances ne sont pas celles qui prévalaient lors de la
signature de traités anciens où des parties autochtones non instruites étaient
contraintes à négocier avec des détenteurs d'un pouvoir de négociation supérieur,
dans des langues et avec des concepts juridiques qui leur étaient étrangers et en
l'absence de représentation adéquate76.
103.
Bien qu’elle ait, elle aussi, endossé ce principe, la Cour d’appel du Québec a
néanmoins jugé nécessaire de le reformuler de manière à ce que, devant deux ou
74
75
76
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité, note 17, p. 514-518, R.S.I., vol. II,
onglet 14; Québec (Procureur général) c. Commission scolaire crie, [2001] R.J.Q. 2128 (C.A.), p.
2138-2140, 2150-2152, R.S.I., vol. III, onglet 30.
[1994] 2 R.C.S. 299, p. 306, R.S.I., vol. IV, onglet 33.
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 515-518, R.S.I., vol. II,
onglet 14.
- 32 Mémoire des intimés
Argumentation
plusieurs interprétations du texte pouvant être raisonnablement soutenues, prévale
« l’interprétation la plus conforme aux intérêts des autochtones »77. Or, la Cour d’appel
n’avait pas à se rendre là pour disposer de la présente affaire. Sa reformulation du
principe devant guider l’interprétation de la Convention est susceptible de rompre
l’équilibre qui caractérise la formule faisant jusque là consensus. Il n’y a pas lieu
d’emboîter le pas à la Cour d’appel sur cette question.
ii. Le régime du chapitre 22
104.
Le régime de protection de l’environnement établi par le chapitre 22 se présente sous
la forme d’un processus tripartite [Canada/Québec/Cris], exhaustif, qui assure la
participation des Cris au processus d’évaluation environnementale et qui confie à une
entité [l’administrateur], qui sera provinciale, fédérale ou crie, selon la nature du projet
en cause, le pouvoir de gérer ledit processus et de décider ultimement du sort d’un
projet de développement.
105.
De façon générale, il trouve application dès qu’un promoteur se propose de mettre de
l’avant un projet de développement énuméré à son Annexe 1 [22.5.1], laquelle
énumère une liste de projets de grande envergure tels l’aménagement de centrales
hydroélectriques, de routes, d’usines de pâtes et papiers, d’aéroports et de chemins de
fer.
Cette annexe vise en outre toute nouvelle exploitation minière d’importance,
comme le Projet en l’espèce.
Le processus d’évaluation et la compétence des « administrateurs »
106.
Le processus d’évaluation des impacts environnementaux établi par le régime du
chapitre 22 comporte deux grandes étapes : celle de la détermination de la portée que
doit avoir l’évaluation et le rapport qui doit s’ensuivre et celle de l’examen dudit rapport.
77
Jugement de la Cour d’appel, par. 135. D.A. vol. 1, p. 80.
- 33 Mémoire des intimés
107.
Argumentation
Mis à part les projets situés sur les terres de catégorie IA, lesquels relèvent de
l’administrateur local cri, c’est la nature provinciale ou fédérale du projet de
développement, et non les impacts qu’il peut avoir dans les différents champs de
compétence attribués aux deux ordres de gouvernement, qui déterminera lequel de
l’administrateur provincial ou fédéral sera responsable de mener à terme le processus
d’évaluation.
108.
Comme le souligne à juste titre l’appelant, c’est la conclusion à laquelle en est arrivée
la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bande d’Eastmain, conclusion à laquelle ont
souscrit les tribunaux d’instances inférieures en l’espèce.
109.
La Cour d’appel fédérale, aux termes d’un examen minutieux des dispositions du
chapitre 22, a, pour l’essentiel, fait le constat que l’intention « on ne peut plus claire »
des parties à la Convention était « d’éviter le chevauchement » des processus
émanant du régime du chapitre 22 :
L’intention on ne peut plus claire des parties est d’éviter le chevauchement. La
règle : un seul examen. L’exception : deux examens parallèles, mais
seulement là où « le projet » et non pas ses conséquences, relève de l’une et
l’autre compétences (par exemple, aéroport fédéral et infrastructure routière
provinciale) ou encore là où « le projet » déborde le Territoire de la
Convention. Et même en cas de possibilité d’examens parallèles, les parties à
la Convention ont voulu qu’il soit possible de « fusionner les deux comités
d’examen. Retenir la thèse des parties autochtones ferait de l’exception, la
règle78.
110.
La Cour d’appel fédérale a ainsi rejeté la thèse voulant que la responsabilité des
administrateurs soit engagée sur la base des répercussions que peut avoir un projet
puisque cette thèse aurait pour résultat de mener invariablement à l’intervention
systématique des deux administrateurs étant donné qu’à toutes fins pratiques, chaque
projet mis en œuvre sur le territoire de la Convention est susceptible d’avoir des
78
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 528-529, R.S.I., vol. II,
onglet 14.
- 34 Mémoire des intimés
Argumentation
répercussions à la fois dans au moins un domaine de compétence fédérale [les
Indiens et les terres réservées aux Indiens] et dans plusieurs domaines de
compétence provinciale.
111.
Telle ne pouvait, selon cette Cour d’appel, être l’intention des parties, d’autant plus que
le fait d’ainsi conférer, dans chaque cas, à chaque gouvernement, un pouvoir
décisionnel d’égale valeur, présentait des risques d’impasse pour peu qu’un
gouvernement autorise le projet en cause et l’autre pas.
112.
Ainsi, hormis deux exceptions inapplicables ici [22.6.7], lorsqu’il s’agit de mettre en
œuvre le régime du chapitre 22 de la Convention, il n’y a lieu d’appliquer qu’un seul
des processus d’examen qui y sont prévus, le provincial ou le fédéral, selon la nature
provinciale ou fédérale du projet en cause.
La détermination de la portée de l’évaluation et la préparation du rapport
d’impacts
113.
Une fois le régime du chapitre 22 enclenché, le promoteur, dès l’étape de la
planification préliminaire, soumet à l’administrateur compétent [fédéral ou provincial]
une description de celui-ci [22.5.11]. L’administrateur transmet ces renseignements à
un organisme consultatif appelé « comité d’évaluation » [22.5.6, 22.5.12] et composé
de six membres nommés à parts égales par le Québec, le Canada et la partie crie.
Lorsque le projet de développement relève de la compétence de l’administrateur
provincial, les membres fédéraux du comité n’ont pas le droit de vote et vice et versa
[22.5.7].
114.
Le comité d’évaluation procède alors à l’analyse de ces renseignements et transmet
par la suite à l’administrateur compétent ses recommandations sur la portée que devra
avoir l’examen des répercussions du projet et sur les différentes étapes du processus
d’examen [22.5.14]. Fort de ces recommandations, l’administrateur décide, seul, s’il
faut procéder à l’évaluation et à l’examen du projet [22.5.4] et, le cas échéant, donne
- 35 Mémoire des intimés
Argumentation
ses instructions au promoteur [22.5.16]. Celui-ci procède alors à préparer un rapport
des répercussions du projet sur l’environnement et le milieu social [22.6.8].
115.
Ce rapport doit répondre aux exigences de l’annexe 3 du chapitre 22 qui précise ce
qu’il doit contenir. Outre la description détaillée du projet et celle du milieu social et
physique [terres, air, végétation, faune, eaux] qu’on doit y retrouver, le rapport doit
notamment faire état des prévisions et évaluations des répercussions probables du
projet sur l’environnement, des solutions de rechange au projet, notamment quant à
son emplacement et des mesures correctives et réparatrices raisonnables jugées
indiquées en vue d’atténuer les répercussions indésirables du projet. L’annexe 3
reflète le caractère exhaustif de l’évaluation qui doit être entreprise par le promoteur
aux termes du régime, et ce, quelle que soit l’identité de l’administrateur chargé de la
conduire.
L’examen du rapport des répercussions environnementales
116.
Une fois complété, le promoteur remet son rapport à l’administrateur compétent qui le
soumet alors à l’attention d’un « comité d’examen » qui, encore là, sera provincial ou
fédéral selon la nature du projet en cause [22.6.10]. Chaque comité est formé de cinq
membres, trois étant nommés par le gouvernement de qui le comité relève, et deux,
par la partie crie. Le comité d’examen, qu’il soit provincial ou fédéral, doit, en plus de
procéder à l’analyse du rapport, s’assurer que celui-ci est communiqué à
l’Administration régionale crie de manière à recueillir ses commentaires sur ledit
rapport [22.6.11, 22.6.12].
117.
Une fois cet exercice complété, le comité d’examen fait rapport à l’administrateur
compétent et lui transmet ses recommandations sur l’à-propos d’autoriser le projet et,
le cas échéant, sur les conditions dont l’autorisation devrait être assortie. Il peut en
outre proposer que le projet fasse l’objet d’une évaluation et d’un examen plus
poussés [22.6.13, 22.6.14].
- 36 Mémoire des intimés
Argumentation
La prise de décision
118.
Il revient à l’administrateur compétent, après avoir considéré le rapport et les
recommandations du comité d’examen, de décider si, et à quelles conditions, le cas
échéant, le projet peut aller de l’avant. La décision de l’administrateur est finale et lie le
promoteur [22.6.15 à 22.6.19], sous réserve du pouvoir conféré au lieutenantgouverneur en conseil et au gouverneur en conseil, selon le cas, de renverser la
décision de l’administrateur de ne pas autoriser un projet ou encore de modifier les
conditions posées par celui-ci pour en permettre la mise en œuvre [22.7.2].
iii. Le régime du chapitre 22 n’est pas un régime exclusif
119.
La Cour d’appel du Québec a eu raison de dire que les parties à la Convention n’ont
pas voulu faire du chapitre 22 un régime autonome, exclusif et complet pour assurer la
protection de l’environnement.
120.
L’article 22.2.3 de la Convention est explicite à cet égard : en principe, toutes les lois
fédérales et provinciales qui sont d’application générale concernant la protection de
l’environnement et du milieu social s’appliquent dans le Territoire. Pour sa part, l’article
22.7.5 envisage spécifiquement la possibilité pour le gouvernement fédéral de prévoir,
dans une loi ou un règlement ou comme condition de financement d’un projet, un
processus additionnel d’évaluation environnementale.
121.
Également, l’article 22.7.1 prévoit qu’un promoteur ayant reçu l’autorisation d’aller de
l’avant avec son projet aux termes du chapitre 22 doit tout de même, avant
d’entreprendre ses travaux, obtenir les autorisations ou permis nécessaires des
ministères
ou
services
gouvernementaux
responsables,
ce
qui
implique
nécessairement les autorisations pouvant être requises en matière environnementale
sous le régime d’autres lois.
- 37 Mémoire des intimés
122.
Argumentation
Il est manifeste que la mise en œuvre du chapitre 22 à l’égard d’un projet de
développement n’a pas pour effet de faire en sorte que ce projet ne puisse être
assujetti à un second processus d’évaluation environnementale activé, lui, par une
source autre que la Convention ou, pour reprendre l’expression de la Cour d’appel, par
un « déclencheur externe » à celle-ci79.
123.
Le chapitre 22 n’est d’ailleurs pas la seule disposition à privilégier l’intégration et la
complémentarité des régimes normatifs, comme en font foi les articles 14.0.1 et 16.0.2
traitant, respectivement, de santé et d’éducation.
124.
L’arrêt Bande d’Eastmain n’est enfin d’aucun secours à la thèse de l’exclusivité
défendue par l’appelant. S’il est vrai que la Cour d’appel fédérale a jugé le Décret
inapplicable au projet d’aménagement hydro-électrique de la rivière Eastmain, alors
que la partie crie, incidemment, en réclamait l’application simultanée à celle du régime
du chapitre 22, ce n’est pas parce que la Convention excluait tout autre processus
d’examen que le sien, mais parce que ce projet devait être considéré comme ayant
déjà fait l’objet, au moment de la signature de la Convention, de toutes les
approbations requises à sa construction80.
iv. La prépondérance dont doit bénéficier la Convention en cas d’incompatibilité
avec les lois d’application générale n’écarte pas l’application de la Loi
125.
L’article 8 de la loi fédérale de mise en œuvre de la Convention [Loi sur le règlement
des revendications territoriales des autochtones de la Baie James et du Nord
québécois] prévoit qu’en cas de conflit ou d’incompatibilité, ladite loi l’emporte sur toute
autre loi qui s’applique au territoire dans la mesure nécessaire pour résoudre le conflit
ou l’incompatibilité.
79
80
Jugement de la Cour d’appel, par. 179, D.A. vol. 1, p. 90.
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral), précité note 17, p. 532-533, R.S.I., vol. II,
onglet 14.
- 38 Mémoire des intimés
126.
Argumentation
La question de l’incompatibilité des lois a été traitée dans divers contextes [conflit entre
une loi fédérale et une loi provinciale81, conflit entre deux lois émanant d’un même
législateur82, conflit entre un règlement et une loi provinciale ou fédérale83].
127.
Il appert que le critère utilisé pour déterminer s’il y a effectivement incompatibilité est
essentiellement le même dans toutes ces situations. Il s’agit d’un critère exigeant. Il
faut qu’il y ait conflit irréductible rendant impossible l’application concomitante ou
complémentaire des deux régimes. On parle alors de conflit opérationnel : le respect
d’un texte entraîne la violation de l’autre84.
128.
Or, il est difficile d’en arriver à la conclusion que l’application de la Loi produirait un tel
résultat puisque celle du régime du chapitre 22 ne s’en trouve pas menacée. La
question n’est pas de savoir si les deux régimes sont similaires ou différents et s’ils
accordent les mêmes avantages à la partie autochtone, mais bien si l’observation de
l’un entraînerait l’inobservation de l’autre.
129.
La Loi s’applique ici en complémentarité à ce régime, chacun ayant ses objectifs
propres.
Rien dans les règles de l’incompatibilité des lois ne prohibe une telle
coexistence.
La réalisation d’une évaluation environnementale en vertu de la Loi
n’aurait aucunement pour effet de mettre fin au processus d’examen environnemental
entamé en l’espèce aux termes du chapitre 22, et de priver ainsi la partie crie des
droits et avantages que lui procure ledit chapitre.
81
82
83
84
Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, R.S.I., vol. III, onglet 24; Brun, H. et Guy
Tremblay, Droit constitutionnel, 4ième Édition, les Éditions Yvon Blais, 2002, p. 457-462, R.S.I.,
vol. IV, onglet 40.
British Columbia Telephone c. Shaw Cable Systems, [1995] 2 R.C.S. 739, R.S.I., vol. II, onglet 13; Côté,
P.-A, Interprétation des lois, 3ième édition, Les Éditions Thémis, 1999, p. 441-447, R.S.I., vol. IV, onglet 41.
Friends of the Oldman River Society c. Canada, précité, note 21, p. 38-39, R.S.I., vol. II, onglet 18; 114957
Canada Ltée (Spraytech, société d’arrosage) c. Hudson (Ville de), [2001] 2 R.C.S. 241, R.S.I., vol. II,
onglet 10.
Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, précité, note 81, p. 191, R.S.I., vol. III, onglet 24; 114957 Canada Ltée
(Spraytech, société d’arrosage) c. Hudson (Ville de), précité, note 83, par. 46, R.S.I., vol. II, onglet 10.
- 39 Mémoire des intimés
130.
Argumentation
Après avoir déclaré la Loi applicable au projet, la Cour d’appel a toutefois choisi de
substituer au « processus » d’évaluation qui y est établi, le « processus fédéral »
d’examen du chapitre 22.
131.
Bien qu’il ait été bien fondé de déclarer la Loi applicable dans son intégralité, ce
« compromis » n’apparaît pas inconciliable avec les objectifs généraux de la Loi ellemême, qui invitent à la prise en compte des répercussions d’un projet sur les
autochtones, en particulier sur l’usage courant de terres et de ressources à des fins
traditionnelles [articles 2 et 16.1], et avec ce qu’elle permet de faire sur le plan de la
coordination, de la coopération et de l’harmonisation des processus d’évaluation
internes et externes à la Loi applicable à un même projet [articles 12(4), 40, 43(1) et
58(1)d)].
132.
À ce dernier égard, la Loi autorise, notamment, la coopération entre l’autorité
responsable chargée d’évaluer un projet et tout organisme constitué aux termes d’un
accord sur des revendications territoriales visé à l’article 35 de la Loi constitutionnelle
de 1982, ayant des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux
d’un projet [par. 12(4) et 12(5)c)].
133.
Elle prévoit également la possibilité de conclure avec un tel organisme un accord
prévoyant un mode de coordination, de consultation, d’échange d’information et de
détermination des facteurs à considérer relativement à l’évaluation des effets
environnementaux de projets d’intérêt commun [alinéa 58(1)d)] ou encore la
constitution conjointe d’une commission d’examen [article 40]. La Loi va même jusqu’à
prévoir que le processus d’examen suivi par un tel organisme puisse être substitué à
celui que doit mener une commission instituée sous son régime.
134.
Même si rien ne s’opposait à ce que la Loi soit déclarée applicable dans son intégralité
au territoire régi par la Convention, la solution mitoyenne arrêtée par la Cour d’appel
demeure compatible avec les objectifs généraux de la Loi.
- 40 Mémoire des intimés
Ordonnance demandée
PARTIE IV – ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
135.
Les intimés demandent à ce que les dépens suivent le sort de l’appel.
PARTIE V – ORDONNANCE DEMANDÉE
136.
Les intimés, le Procureur général du Canada, l’Honorable David Anderson en sa
qualité de ministre de l’Environnement du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation
environnementale demandent à cette Cour de répondre par l’affirmative à la question
constitutionnelle formulée en l’instance par l’Honorable juge en chef McLaughlin le
12 décembre
2008
environnementale,
et
L.C.
ainsi
déclarer
1992,
ch.
la
37,
Loi
et
canadienne
ses
sur
règlements
l’évaluation
d’application
constitutionnellement applicables au projet situé sur le territoire qu’envisage l’article 22
de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.
137.
Ils demandent, par conséquent, le rejet du présent appel, avec dépens.
Ottawa, province de l’Ontario, ce 16 avril 2009
John H. Sims, c.r.
Sous-Procureur général du Canada
Par: Me René LeBlanc,
Me Bernard Letarte
Ministère de la Justice - Canada
284, rue Wellington, SAT-6050
Ottawa (Ontario) K1A 0H8
Téléphone: 613 957-4657
Télécopieur: 613 952-6006
Courriels:
[email protected]
[email protected]
Procureurs des INTIMÉS (intimés),
Le Procureur général du Canada, l’Honorable
David Anderson en sa qualité de ministre de
l’Environnement du Canada et l’Agence
canadienne d’évaluation environnementale
- 41 Mémoire des intimés
Table alphabétique des sources
PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES
Jurisprudence
Paragraphe(s)
114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage)
c. Hudson (Ville de), [2001] 2 R.C.S. 241
............................ 126, 127
A.G. Canada c. A.G. British Columbia, [1930] 1 D.L.R.
194
...................................... 83
Alberta Wilderness Assoc. c. Cardinal River Coals
Ltd. [1999] 3 C.F. 425
...................................... 82
Bande d’Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral),
[1993] 1 C.F. 501 (C.A.), permission d’en appeler
refusée le 14 octobre 1993 : [1993] S.C.C.A. no 23
[Q.L.]
.................. 18, 29, 76, 102
............................ 108, 124
British Columbia Telephone c. Shaw Cable Systems,
[1995] 2 R.C.S. 739
.................................... 126
Comeau’s Sea Foods Ltd. c. Canada (Ministre des
Pêches et des Océans), [1997] 1 R.C.S. 12
....................................... 80
Environmental Ressource Center c. Canada (Ministre
de l’Environnement), 214 F.T.R. 94
...................................... 82
Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213
................................ 83, 84
Friends of the Oldman River Society c. Canada
(Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3
........ 22, 33, 34, 36, 37, 38
.. 40, 42, 43, 44, 69, 70, 72
...... 74, 75, 77, 92, 94, 126
Friends of the West Country Association c. Canada
(Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263
(C.A.)
...................................... 51
General Motors of Canada c. City National Leasing,
[1989] 1 R.C.S. 641
...................................... 37
Global Securities Corp. c. Colombie-Britannique
(Securities Commission), [2000] 1 R.C.S. 494
...................................... 37
- 42 Mémoire des intimés
Table alphabétique des sources
Jurisprudence (suite)
Paragraphe(s)
Gulf Trollers Assn. c. Canada (ministre des Pêches),
[1987] 2 C.F. 93 (C.A.)
...................................... 80
MiningWatch Canada c. Canada (Ministre
Pêches et Océans), 2008 CAF 209
...................................... 82
des
Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S.
161
............................ 126, 127
Murphyores Incorporated Pty Ltd. v. Commonwealth
of Australia (1976), 136 C.L.R. 1 (H.C.)
...................................... 92
Northwest Falling Contractors Ltd. c. La Reine, [1980]
2 R.C.S. 292
...................................... 80
Pembina Institute for Appropriate Development c.
Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2005 CF
1123
...................................... 82
Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des
Pêches et Océans), [2006] 3 R.C.F. 610
.......................... 51, 53, 82
Québec (Procureur général) c. Canada (Office
national de l’Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159
...................................... 92
Québec (Procureur général) c. Commission scolaire
crie, [2001] R.J.Q. 2128 (C.A.)
.................................... 102
R. c. Crown Zellerbach Canada Ltd, [1988] 1 R.C.S.
401
...................................... 83
R. c. Fillion, [1994] R.L. 357 (C.A.)
...................................... 80
R. c. Howard, [1994] 2 R.C.S. 299
.................................... 102
R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213
...................................... 33
R. v. Basso, (2001) 39 C.E.L.R. (N.S.) 42
...................................... 80
R. v. Kingston (Corp. of the City), (2004) 240 D.L.R.
(4th) 734
...................................... 80
R. v. Leveque, (2001) C.E.L.R. (N.S.) 294
...................................... 80
R. v. Zuber, [2004] O.J. no. 2989
...................................... 80
Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 R.C.S.
569
.......................... 62, 85, 86
- 43 Mémoire des intimés
Table alphabétique des sources
Doctrine
Paragraphe(s)
Brun, H. et Guy Tremblay, Droit constitutionnel, 4ième
Édition, les Éditions Yvon Blais, 2002
.................................... 126
Côté, P.-A, Interprétation des lois, 3ième édition, Les
Éditions Thémis, 1999
.................................... 126
Hogg, P., Constitutional Law of Canada, Fifth Edition
Supplemented, Thomson Carswell
................................ 84, 86
____________