LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET CONTRE LE

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LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET CONTRE LE
LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET CONTRE LE FINANCEMENT DU
TERRORISME
Par Maître Elisabeth Relave-Svendsen
Et Maître Eyal Grumberg
Le présent article s’adresse aux professionnels qui sont légalement contraints de mettre en
place certaines mesures ayant pour objectif la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre
le financement du terrorisme, autres que les professionnels du secteur financier.
Il s’agit des établissements de crédit et professionnels du secteur financier, des sociétés
d’assurances, des fonds de pension, des organismes de placement collectifs, des sociétés de
gestion, des réviseurs d’entreprises, des experts-comptables, des agents immobiliers, des
notaires, des avocats, des conseillers fiscaux, économiques, des casinos et autres
établissements de jeux, des marchands de biens de grande valeur, (ci-après collectivement
appelés « le professionnel »)
Selon le rapport d’activité 2012 du Ministère de la Justice1, au cours de l’année judiciaire
2011/2012, 156 dossiers pour infraction de blanchiment ont été ouverts auprès du Parquet. 16
dossiers ont également été ouverts pour manquements aux obligations professionnelles.
Pour la même année, 79 décisions ont été prises par les juridictions répressives qui ont donné
lieu à 122 condamnations.
Deux décisions de condamnation concernaient des manquements aux obligations
professionnelles en matière de lutte contre le blanchiment du terrorisme.
Le professionnel doit donc avoir une parfaite connaissance de ses obligations légales et de ses
implications afin d’éviter d’être condamnés (Partie 2).
Mais au préalable, il est naturel pour le professionnel, qui se voit imposer des obligations, de
vouloir comprendre d’où lui viennent ces obligations et ce en quoi consiste l’infraction de
blanchiment et de financement du terrorisme (Partie 1).
I-
Les infractions de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
1. Origine de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
Le Groupe d’action financière (GAFI) est l’organisme intergouvernemental qui a donné
l’impulsion aux Etats, en établissant des lignes directrices (les Recommandations), pour
mettre en place une structure juridique interne avec pour objectif de diminuer le blanchiment
et le financement du terrorisme.
1
http://www.mj.public.lu/chiffres_cles/rapport_activite2012.pdf
1
Les premières Recommandation du GAFI ont été publiées en 1990, et n’ont cessé d’être
révisées pour s’adapter aux nouvelles pratiques et aux nouveaux besoins. La dernière révision
date de 2012.
En tout, 180 Etats, dont le Luxembourg, ont rejoint le GAFI et/ou huit autres organismes
régionaux ayant les mêmes finalités.
Cependant, l’Union Européenne avait déjà pris en considération le problème posé par les flux
d’argent « sale » dans l’espace économique européen alors que le blanchiment constitue une
menace pour le marché unique et porte atteinte à la stabilité et la réputation du secteur
financier et par ailleurs, le terrorisme s’attaque aux fondements de la société.
L’Union Européenne avait déjà mis en place plusieurs instruments pour faciliter la lutte contre
le terrorisme et développé 4 axes pour améliorer la sécurité de sa population face aux
menaces terroristes : la prévention, la protection, la poursuite et la réponse.
En réplique aux attentats du 11 septembre 2001, l’Union Européenne a favorisé une approche
« pénaliste » de la lutte contre le terrorisme contrairement aux Etats-Unis d’Amérique qui ont
préféré une approche « militariste ».
Cette approche européenne se traduit par plusieurs facteurs comme la constitution d’une
équipe de spécialistes de la lutte contre le financement du terrorisme au sein d’EUROPOL,
l’adoption du mandat d’arrêt européen, une harmonisation des définitions et des sanctions.
La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme rentre dans la branche
« prévention » du terrorisme.
La déclaration de La Gomera, qui a eu lieu en 1995, a en effet consacré une nouvelle
approche qui met en évidence les liens entre le terrorisme, le blanchiment et d’autres formes
de criminalité telle que le crime organisé.
Depuis, l’Union Européenne n’a pas cessé de se pourvoir d’instruments juridiques avec pour
objectif final la lutte contre le terrorisme tout en intervenant sur plusieurs catégories de
crimes. Par exemple :
-
Le règlement 2580/2001 du 27 décembre 2001, permettant le gel des avoirs
d’organisations et d’individus terroristes,
La « 3ème directive » 2005/60/CE du 7 juin 2005 sur la lutte contre le blanchiment
d’argent.
Ainsi, la lutte contre le blanchiment d’argent est une infraction en soi mais également un
instrument utilisé pour la lutte contre d’autres types de criminalité comme le crime organisé.
2. Définitions du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme en droit
international
Dans son rapport TE-SAT 2011, EUROPOL reprend la définition du terrorisme comme étant
un acte ayant pour objectif « d’intimider les populations, d’obliger les états à se soumettre
aux demandes des auteurs et/ou de déstabiliser les structures fondamentales politiques,
2
constitutionnelles,
internationale. »2
économiques
ou
sociales
d’un
pays
ou
d’une
organisation
A cause des attentats du 11 septembre 2001, qui par leur couverture médiatique, ont marqué la
population mondiale, le terrorisme est souvent assimilé aux mouvements islamistes.
Cependant, EUROPOL rappelle que les principales sources du terrorisme sont également des
mouvements séparatistes, d’extrême gauche, anarchistes et même pour la défense de la cause
animale.
Le financement du terrorisme est défini par la 3ème directive de la manière suivante :
« le fait, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, de fournir ou de réunir
des fonds dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou en
partie, en vue de commettre l'une quelconque des infractions [de terrorisme ou liée au
terrorisme ] »
Par contre, le blanchiment de capitaux se définit par rapport à des infractions principales dites
« primaires ».
La 3ème directive définit plusieurs agissements, qui, si commis intentionnellement, sont
constitutifs de l’infraction de blanchiment de capitaux3 :
-
La conversion ou transfert de biens par une personne qui sait que ces biens proviennent
d’une activité criminelle afin de dissimuler l’origine illicite de ces biens ou d’aider
toute personne impliquée dans une activité criminelle à échapper aux conséquences
juridiques de ces actes.
-
La dissimulation, déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la
disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou de droits y relatifs dont
l’auteur sait que ces biens proviennent d’une activité criminelle.
-
L’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens en sachant à la réception de ces
biens qu’ils proviennent d’une activité criminelle.
-
La participation à un des actes visés précédemment, ou l’association pour commettre
ledit acte, ou les tentatives, l’aide, l’incitation, le conseil.
En résumé, l’infraction de blanchiment de capitaux se décompose en trois temps :
-
La commission d’un acte illégal,
L’utilisation d’un montage plus ou moins complexe pour camoufler l’origine ou pour
légitimer les biens acquis illégalement,
La remise des biens sur le marché.
La 3ème directive définit comme activité criminelle tout type de participation (complicité,
incitation, tentative) criminelle au moins aux infractions suivantes4 :
2
EUROPOL, TE-SAT 2011 EU Terrorism situation and trend report
Directive 2005/60/CE, article 1 paragraphe 2
4
Directive 2005/60/CE, article 3 paragraphe 4
3
3
-
-
Infractions terroristes telles que précédemment définies,
Provocation publique à commettre une infraction terroriste,
Recrutement pour le terrorisme,
Entraînement pour le terrorisme,
Le vol aggravé en vue de réaliser des infractions terroristes,
Le chantage en vue de commettre des infractions terroristes,
L’établissement de faux documents administratifs en vue de commettre des infractions
terroristes,
Toute activité liée au commerce de stupéfiants ou substances psychotropes,
L'association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant
de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d'une peine
privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au
moins quatre ans ou d'une peine plus grave, que ces infractions constituent une fin en
soi ou un moyen pour obtenir des avantages patrimoniaux, et, le cas échéant, influencer
indûment le fonctionnement d'autorités publiques, Les fraudes portant atteinte aux
intérêts financiers des Communautés européennes,
La corruption,
Toutes infractions privatives de liberté d’une durée minimale supérieure à six mois.
Cette définition accorde donc un degré de flexibilité aux Etats membres qui peuvent aller audelà de la liste citée et qui gardent leur souveraineté en matière pénale.
Il est temps de considérer l’infraction de blanchiment et de financement du terrorisme en droit
luxembourgeois.
Pour information, la Commission européenne a adopté deux propositions pour renforcer les
règles sur la lutte contre le blanchiment qui devraient aller plus loin que les Recommandations
du GAFI sous certains aspects et devraient remplacer la 3ème directive.
3. définitions en droit luxembourgeois
La loi du 12 novembre 2004 telle que modifiée (ci-après « la Loi de 2004 ») constitue le
fondement juridique au Luxembourg de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme.
Cette loi se rapporte quant à la définition de l’infraction de blanchiment d’argent à l’article
506-1 du Code pénal.
Cette définition est très similaire à celle élaborée par la Commission européenne et concerne :
« 1) ceux qui ont sciemment facilité, par tout moyen, la justification mensongère de la nature,
de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété des
biens[…] formant l’objet ou le produit, direct ou indirect [d’infractions primaires],
2) ceux qui ont sciemment apporté leur concours à une opération de placement, de
dissimulation, de déguisement, de transfert ou de conversion des biens […] formant l’objet ou
le produit, direct ou indirect des infractions [primaires] ou constituant un avantage
patrimonial quelconque tiré de l’une ou de plusieurs de ces infractions ;
4
3) ceux qui ont acquis, détenu ou utilisé des biens […] formant l’objet ou le produit, direct ou
indirect des infractions [primaires] ou constituant un avantage patrimonial quelconque tiré
de l’une ou de plusieurs de ces infractions, sachant, au moment où ils les recevaient, qu’ils
provenaient de l’une ou de plusieurs des infractions [primaires] ou de la participation à l’une
ou plusieurs de ces infractions »
Par conséquent, il faut encore commencer par déterminer en quoi consistent les infractions
primaires.
L’article 506-1 du Code pénal les énumère.
La première infraction primaire est l’acte de terrorisme défini de la manière suivante5 :
« tout crime ou délit […] qui par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à
un pays, une organisation ou un organisme international et a été commis intentionnellement
dans le but de :
-
Gravement intimider une population ;
Contraindre indûment des pouvoirs publics, une organisation ou un organisme
international à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou
Gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques,
constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays, d’une organisation ou d’un
organisme international. »
Cette définition reprend intégralement celle donnée par le Conseil de l’Europe dans sa
décision cadre du 13 janvier 20026.
Les autres infractions primaires consistent en :
-
5
6
Association de malfaiteurs,
Enlèvement de mineurs,
Prostitution et proxénétisme,
Traite des êtres humains,
Faux et escroquerie,
Corruption,
Infraction à la législation sur les armes et munitions,
Falsification,
Vol,
Abus de confiance,
Infraction à la loi concernant les fouilles d’intérêt historique, préhistorique,
paléontologique ou autrement scientifique et concernant la sauvegarde du patrimoine
culturel mobilier,
Infraction à la loi réglant le commerce de substances chimiques à activité
thérapeutique,
Infraction à la loi réglant le prélèvement de substances d’origine humaine,
Infraction à la loi portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration,
Infraction à la loi sur les droits d’auteurs,
Infraction à la loi sur la lutte contre la pollution de l’atmosphère,
Code pénal, article 135-1
2002/475/JAI
5
-
Infraction à la loi relative aux établissements classés
Infraction à la loi relative à la protection et la gestion de l’eau,
Infraction à la loi relative à la prévention et la gestion des déchets,
Infraction à la loi sur les douanes et les accises,
Abus de marché,
Toute autre infraction punie d’une peine de liberté d’un minimum supérieur à six mois.
Les infractions primaires sont donc plus étendues en droit luxembourgeois que sur base de la
directive européenne.
La jurisprudence a également donné des définitions des notions de placement de dissimulation
et de conversion dans un cas où un avocat avait, comme toute prestation, fait transiter de
l’argent sur son compte provenant du mari de sa cliente pour le compte de cette dernière alors
qu’il savait qu’il était trafiquant de drogues7.
Par placement, il faut entendre « le transfert des fonds sur le compte de X.) [ce qui constitue]
la première étape d’un nouveau placement des fonds sur un autre compte. »
Une opération de dissimulation est une opération ayant « pour objet d’éviter que les fonds ne
puissent être retracés et donc que leur dissimulation soit assurée. »
Enfin, une opération de conversion est une opération dont l’objet est « d’assurer la
conversion d’avoirs en compte, donc d’une créance à l’égard de la banque, en billets de
banque. »
Le financement du terrorisme est défini quant à lui par référence à l’article 135-5 du Code
pénal qui dispose que « constitue un acte de financement du terrorisme le fait de fournir ou de
réunir par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et
délibérément, des fonds, des valeurs ou des biens de toute nature, dans l’intention de les voir
utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre ou
tenter de commettre une ou plusieurs des infractions [relative au terrorisme], même sils n’ont
pas été effectivement utilisés pour commettre ou tenter de commettre une de ces infractions,
ou s’ils ne sont pas liés à un ou plusieurs actes terroristes spécifiques. »
4. Les éléments caractéristiques
Les définitions des infractions de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
mettent en évidence des éléments caractéristiques qui doivent être réunis dans le chef d’une
personne pour que sa culpabilité soit reconnue.
Pour commettre une infraction de blanchiment, il faut avoir conscience que son action ou
inaction a pour conséquence le blanchiment de capitaux.
Il s’agit de l’élément moral de l’infraction.
La jurisprudence ne requiert pas une connaissance circonstanciée de la nature, des
circonstances de temps, de lieu, d’exécution, de l’auteur du crime ou délit. Il suffit que le
7
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 13 ème chambre, 25 novembre 2010, numéro 3917/2010 du rôle
6
prévenu ait agi en connaissance de cause, à savoir qu’il ait agi en ayant connaissance de
renseignements sérieux sur l’origine des fonds8.
Il faut également que son action ou son inaction aient soit facilité la justification mensongère
de l’origine des fonds, soit procuré un concours à une opération de dissimulation ou de
conversion du produit de l’infraction9. Enfin, une personne qui a acquis, détenu ou utilisé des
capitaux issus d’une infraction primaire peut réaliser une infraction de blanchiment.
Ceci constitue l’élément matériel de l’infraction.
Par conséquent, pour qu’il y ait condamnation pour l’infraction de blanchiment de capitaux, il
faut :



Que les fonds émanent d’une infraction primaire qui a rapporté un profit direct
ou indirect à son auteur,
Qu’une opération de blanchiment soit réalisée (par exemple, dissimulation de
l’origine des fonds),
Que cette opération ait été réalisée sciemment et que l’origine frauduleuse des
fonds soit connue.
Les tentatives sont punissables de la même manière que si l’infraction avait été consommée10.
Egalement, le lieu de commission de l’infraction primaire est sans influence quant à la
qualification dans la mesure où cette infraction est également punissable dans le pays de
commission11.
Finalement, il n’est pas nécessaire que l’infraction primaire ait fait l’objet d’une
condamnation coulée en force de chose jugée ni même que son auteur ait été poursuivi. Il
suffit que la preuve de cette infraction soit rapportée de manière certaine par le Parquet12.
II-
Obligations professionnelles
Le professionnel se voit mettre à sa charge trois types d’obligations :
-
Obligation de vigilance à l’égard de la clientèle
Obligation de se munir d’une organisation interne adéquate
Obligation de coopérer avec les autorités.
En cas de violation de ces obligations, il encourt des peines pénales.
8
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 235/00 V, 7 juillet 2000, Cour d’appel, chambre correctionnelle, 340/11
V, 28 juin 2011
9
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 270/01V, 10 juillet 2001
10
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 4 juillet 2007, Pas. T 34, p. 483
11
Article 506-3 du Code pénal
12
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 279/09X, 3 juin 2009
7
1. Obligation de vigilance à l’égard de la clientèle
Il existe trois niveaux de vigilance : l’obligation simplifiée de vigilance, l’obligation renforcée
et celle de base.
Le principe est que le degré de vigilance varie en fonction du risque présenté par le client ou
par l’opération envisagée.
a. obligation de vigilance de base
L’obligation de vigilance est constante pour tout client ou tout type de relations mais elle peut
être nuancée en fonction du risque qu’elle présente par rapport au client, à la nature de la
relation d’affaires, du produit ou de la relation concernée13.
Si l’activité est de nature à être liée au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme,
ou si elle présente un caractère inhabituel par son ampleur, par sa complexité ou en raison de
l’absence d’objet apparent, le professionnel doit être particulièrement vigilant.
-
En quoi consiste cette obligation de vigilance ?
L’article 3 (2) de la Loi de 2004 impose au professionnel de :
-
Identifier le client, à savoir disposer d’un nom, et de vérifier son identité sur base de
documents probants et émanant d’une source indépendante. Ceci comprend
l’identification et la vérification de l’identité des mandataires du client et de leurs
pouvoirs. La vérification consiste à faire le lien entre le nom donné et la personne avec
laquelle on traite, à s’assurer qu’elle existe bien et que les documents donnés sont
fiables et probants.
Pour des personnes physiques, le professionnel doit obtenir un document de
légitimation officielle (passeport, carte d’identité) non échue et en conserver une copie.
Il est conseillé également de se procurer l’adresse exacte du client sur base d’un
document émanant d’une source indépendante.
Pour les personnes morales, il faut vérifier l’existence de la personne morale et
identifier les mandataires. Le professionnel doit vérifier l’identité du mandataire
comme s’il s’agissait d’une personne physique et s’assurer de ses pouvoirs. Pour la
personne morale, il est conseillé d’obtenir une copie des statuts, certificat du RCS ou
équivalent, certificat négatif ou équivalent, les autorisations d’exercer leurs activités le
cas échéant, afin de déterminer que la personne morale existe, qui sont ses
administrateurs ou gérants, sa forme juridique, son adresse, le pouvoir d’engager la
personne morale.
-
13
Identifier le bénéficiaire effectif autrement appelé le bénéficiaire économique et
prendre les mesures raisonnables pour vérifier son identité et pour comprendre la
structure de propriété et de contrôle. Le bénéficiaire effectif est défini à l’article 1 (7)
Article 3 (3) de la Loi de 2004
8
de la Loi de 2004 comme étant « une personne physique qui, en dernier lieu, possède
ou contrôle le client et/ou toute personne physique pour laquelle une transaction est
exécutée ou une activité est réalisée. ». Ce contrôle prend normalement la forme de la
possession directe ou indirecte d’un pourcentage important d’actions ou de droits de
vote, à savoir plus de 25%. Cependant, la Loi de 2004 conserve un degré de flexibilité
sur la notion de contrôle qui peut prendre d’autres formes. Si le client est une autre
entité juridique qu’une société commerciale14, le bénéficiaire effectif sera la personne
physique qui possède ou contrôle au moins 25% des biens de l’entité juridique ou le
groupe d’individus dans l’intérêt duquel l’entité juridique a été constituée. Une
déclaration du client ou d’un tiers qui affirme être le bénéficiaire effectif peut être
considérée comme insuffisant pour lever tout doute quant à l’identification du
bénéficiaire.
Le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a estimé que la déclaration faite par une
personne qui n’a aucune qualification ni autorisation particulière ne saurait être
considérée comme émanant de « sources fiables » ni de sources indépendantes s’il
existe un lien contractuel ou économique entre le déclarant et l’entité juridique font le
bénéficiaire doit être identifié. Ce même jugement a retenu que le professionnel avait
manqué à son obligation de vigilance et de connaître le bénéficiaire économique en se
contentant d’une déclaration signée avec une copie de la pièce d’identité15.
Les clients doivent s’engager par écrit à communiquer toute modification quant à
l’identité du bénéficiaire effectif.
-
Obtenir les informations sur l’objectif et la nature de la relation d’affaires à naître,
-
Vérifier et examiner les transactions pour s’assurer que celles-ci sont en adéquation
avec les informations connues du professionnel par rapport à son type d’activités et ses
connaissances. Cette vérification peut nécessiter de s’informer sur l’origine des fonds
et la mise à jour des informations et documentation précédemment obtenue.
Il est notamment demandé au professionnel d’être vigilant quand les transactions sortent de
l’ordinaire de par leur importance : transactions dépassant certains montants, mouvements
importants sur un compte incompatible avec le montant du solde, transactions sans relation
avec l’activité du client.
-
A quels moments le professionnel doit-il se montrer vigilant ?
L’article 3 (1) de la Loi de 2004 prévoit quatre cas où le professionnel doit systématiquement
faire preuve de vigilance :
- L’entrée en relations,
- Quand les opérations occasionnelles s’élèvent à un montant d’au moins 15.000,- EUR
qu’elles soient menées en une ou plusieurs fois avec un lien entre elles,
- A tout moment dès que le professionnel a un soupçon,
- Quand le professionnel a un doute sur la véracité ou le caractère satisfaisant des
données d’identification obtenues précédemment.
14
Par exemple, un trust, une fondation, ou une fiducie.
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 18 ème chambre, 21 octobre 2010, not. 1166/09 et rôle numéro
3430/2010
15
9
L’article 3 (4) de la Loi de 2004 apporte des précisions par rapport au moment où doit être
établi la vérification de l’identité
La norme est que la vérification de l’identité du client et du bénéficiaire économique ait lieu
avant l’entrée en relation d’affaires.
Mais par souci de flexibilité, ce même article apporte des exceptions de trois types :
-
-
Lorsqu’il y a un faible risque et que les activités doivent ne pas être interrompues,
l’identification du client et du bénéficiaire économique peut avoir lieu pendant
l’établissement de la relation d’affaires,
Dans le cadre de la souscription d’une assurance-vie, l’identification du bénéficiaire
peut avoir lieu après la mise en place de l’assurance.
Dans le cadre de l’ouverture d’un compte courant, l’identification du client et du
bénéficiaire économique peut avoir lieu après l’ouverture du compte mais avant
l’exécution d’une transaction.
La jurisprudence différencie de façon claire les notions de vérification de l’identité à celle de
connaissance de l’identité. Elle explique que « contrairement à la vérification de l’identité
du bénéficiaire effectif, la connaissance de son identité est en effet une obligation préalable à
toute relation d’affaires et dont l’exécution ne saurait être différée, à l’article 3 (4) alinéa 2
de la loi ne s’appliquant qu’à la vérification de l’identité et non à la connaissance de celleci. »16
Egalement, si le professionnel estime qu’il y a un risque, il doit exercer la même vigilance aux
clients existants17.
En fait, l’obligation de vigilance est maintenue pendant toute la relation d’affaires. Par
exemple, un domiciliataire voit ses obligations s’étendre « à la vie des sociétés tant qu’elles
restent domiciliées auprès [du domiciliataire] en question. ».18
Pareillement, un réviseur d’entreprises doit vérifier que les documents communiqués sont à
jour et pertinents avant chaque audit.
-
Que doit faire le professionnel si le client refuse de lui apporter les informations
requises pour les identifications des clients, bénéficiaires et activités ?
Si le client se montre récalcitrant, le professionnel doit refuser d’exécuter la transaction, ou
d’entrer en relation d’affaires ou mettre un terme à la relation d’affaire et doit dénoncer le
client au Procureur d’Etat19.
-
Que doit faire le professionnel de ses recherches ?
16
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 226/10X, 19 mai 2010
Article 3(5) de la Loi de 2004
18
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 16 e chambre, jugement correctionnel n°1507/2006, 8 mai 2006
19
Article 3 (4) dernier paragraphe de la Loi de 2004
17
10
Le professionnel est susceptible d’être contrôlé et doit par conséquent conserver le résultat de
leurs recherches.
Ce devoir de conservation dure au moins cinq ans. Le point de départ varie en fonction de la
nature du document ou de l’information à conserver :
-
-
à compter de la fin de la relation d’affaires, pour les documents concernant
l’identification du client, du bénéficiaire économique ou de l’activité. L’obligation de
conservation porte sur des copies ou les références des documents,
à compter de l’exécution de la transaction ou la fin de la relation d’affaires, concernant
les informations sur la relation d’affaires ou des transactions particulières. L’obligation
de conservation porte sur les originaux ou les copies conformes de ces derniers.20
Par ailleurs, les professionnels doivent procéder à une analyse de leurs activités pour identifier
si celles-ci présentent un risque et doivent établir leurs conclusions à l’écrit21.
b. Obligation de vigilance simplifiée
Le législateur a considéré que les clients ne présentaient de facto pas un risque important de
blanchiment ou de financement de terrorisme22.
Il s’agit :
-
Des établissements de crédit ou financiers de droit luxembourgeois ou de droit d’un
autre état qui présente les mêmes garanties que le droit luxembourgeois en matière de
lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ces garanties consistent en
la mise en place d’obligations légales et d’un système de surveillance adéquate.
Le professionnel doit vérifier que le client n’est pas une société bancaire écran23.
-
Des sociétés cotées sur un marché réglementé d’un Etat membre ou d’un pays tiers
présentant les mêmes garanties. Le professionnel s’assurera que le capital est
effectivement réparti auprès d’une multitude d’actionnaires et que personne ne
possède plus de 25% du capital.
-
Les bénéficiaires effectifs de compte groupés chez un notaire ou d’une autre
profession juridique indépendante, établis dans un Etat membre ou un pays tiers qui
imposent des exigences similaires à celles du Luxembourg. Le professionnel devra
obtenir des informations sur l’identité du bénéficiaire.
-
Les autorités luxembourgeoises,
-
Les autorités ou organismes publics à faible risque lorsque le client occupe une
fonction publique du droit communautaire, que l’identité est accessible et transparente
et certaine, que ses pratiques comptables et ses activités sont transparentes, que le
20
Article 3 (6) de la loi de 2004
Article 3 (3) dernier paragraphe de la Loi de 2004
22
Article 3-1 de la Loi de 2004
23
Circulaire CSSF 08/387 p. 52
21
11
client est responsable devant une institution communautaire ou devant les autorités
d’un Etat membre ou que des procédures existent pour contrôler son activité,
-
Autres personnes morales à faible risque qui satisfont les critères suivants :

Les entités exerçant une activité financière soumis à une législation comparable
à la directive 2005/60/CE,

Le client dont l’identité est accessible au public, transparente et certaine,

Le client dont la loi applicable requiert un agrément qui dépend de
l’honorabilité de son dirigeant ou de son bénéficiaire effectif,

Le client soumis à une surveillance par des autorités compétentes pour faire
respecter les lois transposant la 3ème directive et la législation nationale.
Dans tous les cas, le professionnel doit détenir les informations suffisantes pour conclure que
l’exception est applicable24. Il doit être attentif à toute activité de son client qui par sa nature
peut être utilisée à des fins de blanchiment ou de financement du terrorisme.
L’obligation de vigilance demeure quand le client auquel s’appliquent les mesures de
vigilance simplifiées se contente de présenter ses propres clients qui ne présentent pas les
garanties visées par l’article 3-1 de la Loi de 2004.
Un deuxième type d’exception a été mis en place par la Loi de 2004 et dépend non plus du
risque lié au client mais du risque lié à l’objet du produit et des transactions25.
Il s’agit :
24
25
-
Des polices d’assurance-vie dont la prime annuelle est de moins de 1.000 euros ou dont
la prime unique est inférieure à 2.500 euros,
-
Des polices d’assurance retraite sans clause de rachat et qui ne peuvent être utilisées
comme garantie,
-
Des régimes de retraite quand les cotisations se font sur base de déduction des salaires,
-
De la monnaie électronique quand le support ne peut pas être rechargé pour plus de 150
euros ou si le montant total des transactions annuel est limité à 2.500 euros,
-
Autres produits ou transactions à condition que :

Le produit repose sur une base contractuelle,

La transaction est effectuée via un compte détenu auprès d’un établissement de
crédit d’un Etat membre ou tiers présentant les mêmes garanties,

Le produit ou la transaction n’est pas anonyme,

Le produit est soumis au seuil de 15.000 euros,

Les gains liés au produit ou à la transaction ne peuvent être réalisés au profit de
tiers sauf en cas de décès, d’incapacité, de survie à un âge avancé,
Article 3-1 (3) de la Loi de 2004
Article 3-1 (4) de la Loi de 2004
12

Les gains ou produits ne sont réalisables qu’à long terme, ne peuvent être
utilisés comme garantie, ni ne peuvent faire l’objet de rachat ou de résiliation
anticipée.
Dans ces cas, le professionnel doit veiller à ce que les opérations de par leur nature présentent
un faible risque de blanchiment26.
Cependant, dans le cas où ces conditions sont préalablement remplies, le professionnel est
censé pouvoir renoncer à ses obligations d’identification et de vérification de l’identité du
bénéficiaire effectif27.
c. Obligation de vigilance renforcée
L’article 3-2 de la Loi de 2004 impose aux professionnels d’exercer des mesures de vigilance
renforcées dans des situations qui par leur nature présentent un risque élevé de blanchiment et
de financement du terrorisme.
Il s’agit :
-
Des cas où le client n’est pas physiquement présent pour l’identification. Dans ce cas,
le professionnel doit prendre une ou plusieurs des mesures suivantes28 :

s’assurer que l’identité du client est établie par des documents additionnels,

s’assurer de la véracité des documents fournis, par exemple en demandant une
confirmation d’un établissement bancaire,

s’assurer que le premier paiement est effectué sur un compte ouvert au nom du
client auprès d’un établissement sûr.
-
Des cas où l’opération ou la transaction a lieu avec une personne politiquement
exposée résidant à l’étranger ou exerçant une fonction publique à l’étranger ou pour le
compte d’un étranger, le professionnel doit :

Disposer d’une base de données et de procédures adéquates pour déterminer si
le client ou le bénéficiaire effectif est une personne politiquement exposée,

Obtenir l’autorisation d’un niveau élevé de la hiérarchie avant de nouer une
relation d’affaires avec des personnes politiquement exposées,

Etablir de manière certaine la source des revenus et fonds impliqués dans la
relation d’affaires,

S’assurer d’une surveillance continue pendant la relation d’affaires.
Sont considérées comme personnes politiquement exposées « les personnes physiques
qui occupent ou se sont vu confier une fonction publique importante ainsi que les
membres directs de leur famille ou des personnes connues pour leur être étroitement
associées »29. La Loi de 2004 rajoute qu’une personne qui n’occupe plus de fonction
publique importante depuis plus d’un an n’est normalement plus une personne
politiquement exposée. Cependant, la Loi de 2004 prévoit qu’au cas par cas, il peut y
avoir des exceptions.
26
Article 3-1 (5) de la Loi de 2004
Circulaire CSSF 08/387, p. 51
28
Article 3-2 (2) de la Loi de 2004
29
Article 1 (9) de la Loi de 2004
27
13
Plus concrètement, une personne politiquement exposée sera un chef d’Etat, de
gouvernement, un ministre, un ministre délégué, un secrétaire d’Etat, un
parlementaire, un membre de la cour suprême, cour constitutionnelle ou d’autres
hautes juridictions dont les décisions sont insusceptibles de recours, membres de cours
des comptes, des conseils des banques centrales, les ambassadeurs, chargés d’affaires
et officiers supérieurs des forces armées, les membres d’organes d’administration, de
direction ou de surveillance des entreprises publiques, les membres officiels
importants de parti politique ou un membre de la famille ou un proche d’une telle
personne30.
Il n’est pas demandé au professionnel de faire une recherche active des proches d’une
personne politiquement exposée. Il doit y avoir une relation notoire ou le professionnel
doit estimer que cette relation existe.
Les mêmes obligations s’appliquent si la relation d’affaires existe déjà quand le client
devient ou apparaît comme étant une personne politiquement exposée après l’entrée en
relation.
-
Des cas où le produit ou la transaction favorisent l’anonymat31. Le professionnel doit
alors s’assurer que son utilisation n’a pas pour objectif le blanchiment ou le
financement du terrorisme.
Le professionnel ne doit pas entrer en relation d’affaires avec une société bancaire écran ou
avec une banque qui permet à une société bancaire écran d’utiliser ses comptes32.
Pour information, le GAFI a réalisé un classement des pays présentant des risques :
« Juridictions à l’encontre desquelles le GAFI appelle ses membres et les autres
juridictions à appliquer des contre-mesures afin de protéger le système financier
international des risques permanents et significatifs de blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme (BC/FT) émanant de ces juridictions.
Iran
République populaire démocratique de Corée (RPDC)
Juridictions présentant des défaillances stratégiques en matière de LBC/FT et qui n’ont pas
réalisé de progrès suffisants ou qui ne se sont pas engagées à suivre un plan d’action
élaboré avec le GAFI afin de corriger leurs défaillances. Le GAFI appelle ses membres à
tenir compte des risques que représentent les défaillances de chacune de ces juridictions,
qui sont décrites ci-dessous.
Équateur
Éthiopie
Indonésie
Kenya
Myanmar
30
Article 1 (10) de la Loi de 2004
Article 3-2 (6) de la Loi de 2004
32
Article 3-2 (5) de la Loi de 2004
31
14
Pakistan
Sao Tomé-et-Principe
Syrie
Tanzanie
Turquie
Vietnam
Yémen
Améliorer la conformité aux normes de LBC/FT dans le monde: un processus permanent
Afghanistan
Albanie
Angola
Argentine
Bangladesh
Cambodge
Cuba
Koweït
Kirghizistan
Laos
Maroc
Mongolie
Namibie
Népal
Nicaragua
Nigéria
Soudan
Tadjikistan
Zimbabwe
Juridictions dont les progrès sont insuffisants
Algérie
Antigua et Barbuda33 »
En outre, les autorités de surveillances et les organismes d’autorégulation sont compétents
pour adresser des avertissements sur les risques de blanchiment et de financement du
terrorisme.
d. Exécution des mesures de vigilance par des tiers
Le professionnel est autorisé à recourir à certains établissements de crédit et financiers, aux
réviseurs d’entreprises, aux notaires ou avocats, appelé « le tiers » pour exécuter les mesures
33
http://www.fatf-gafi.org/fr/themes/juridictionsahautrisqueetnoncooperatives/documents/declaration-publiquejuin-2013.html
15
de vigilance. Cependant, il conserve la responsabilité de la bonne exécution de ses obligations
et doit obtenir les informations et documents visés précédemment34.
Dans ce cadre, le tiers ne pourra opposer son secret professionnel35. Le tiers devra transmettre
au professionnel une copie de ses propres recherches concernant l’identification et la
vérification de l’identité du client ou du bénéficiaire effectif et la détermination de l’objet et la
nature des relations d’affaires.
Le professionnel devra s’assurer que le tiers auquel il a recourt, fasse l’objet d’une
surveillance, et a concrètement pris des mesures pour se conformer aux mesures d’exécution
de ses obligations de vigilance.
2. Obligation de se munir d’une organisation interne adéquate
L’article 4 de la Loi de 2004 oblige les professionnels à mettre en place une procédure interne
par laquelle sont effectuées les mesures de vigilance, de déclaration, de conservation,
d’évaluation et gestion des risques.
Dans ce cadre, le professionnel va devoir sensibiliser son personnel et les faire participer à des
formations.
En règle générale, une personne sera désignée en tant que responsable du contrôle de la lutte
contre le blanchiment et sera en rapport avec le Parquet. Il pourra avoir accès aux documents
récoltés et pourra discuter directement avec la direction.
Tout le personnel doit être formé mais le mode de formation dépend de l’implication de
chaque employé dans la procédure interne. Le personnel non impliqué pourra se contenter de
se voir adresser des notes d’information alors que le responsable de la lutte contre le
blanchiment et le financement du terrorisme participera régulièrement à des réunions
d’information par exemple.
3. Obligation de coopérer avec les autorités
Le principe est que le professionnel doit s’abstenir de réaliser une transaction lorsqu’il sait ou
soupçonne un lien avec le blanchiment d’argent « sale » ou le financement de terrorisme36 et
doit prévenir le Procureur d’Etat. Il doit également lui communiquer toute information
demandée par le Procureur d’Etat37.
Le professionnel n’a en principe ni l’obligation de rechercher si l’indice, sur lequel porte ses
soupçons d’implication de son client dans des infractions de blanchiment ou de financement
du terrorisme, est suffisamment concluant pour qu’une enquête soit ouverte, ni celle de
déterminer l’infraction primaire susceptible d’être à la base du blanchiment et a fortiori ni si
les conditions d’une poursuite à Luxembourg sont données38.
34
Article 3-3 (2) de la Loi de 2004
Article 3-3 (3) de la Loi de 2004
36
Article 5 (3) de la Loi de 2004
37
Article 5 (1) de la Loi de 2004
38
Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre du conseil, ordonnance n°456/2005, 8 mars 2005
35
16
Les obligations de dénonciation du professionnel sont étendues à celle de déclarer quand il
suspecte que des fonds sont liés ou utilisés pour des actes terroristes ou par des groupes
terroristes ou pour le financement du terrorisme39
Une fois cette information donnée, le Procureur peut donner l’instruction de ne pas exécuter
l’opération40. Cette interdiction est limitée à une durée de trois mois à partir de la
communication de l’instruction au professionnel mais peut être prorogée pour un mois. La
durée totale de l’interdiction ne peut excéder six mois.
Une instruction orale doit être confirmée par écrit dans un délai de trois jours.
Le professionnel doit être expressément autorisé à dévoiler une instruction de ne pas exécuter
la transaction par le Parquet pour pouvoir en informer le client. Le professionnel ne doit pas
informer son client ou un tiers qu’une dénonciation a eu lieu ou qu’une enquête est ouverte
pour blanchiment d’argent ou financement du terrorisme.
Même en l’absence de déclaration de la part du professionnel, celui-ci devra communiquer les
informations sur le client et s’abstenir d’exécuter des transactions s’il en reçoit instruction de
la part du Parquet. Il ne peut pas lui opposer son secret professionnel.
4. Règles particulières
Il existe des règles particulières applicables à certains corps de métiers ou activités. Il est
conseillé de se renseigner auprès de son organisme professionnel de régulation.
Par exemple, l’article 8 de la Loi de 2004 prévoit qu’un casino doit identifier et vérifier
l’identité de ses clients ou bénéficiaires effectifs quand le montant des jetons excède 2.000
EUR.
L’avocat doit quant à lui n’a pas d’obligation de communiquer des informations sur ses
clients quand il les représente dans le cadre d’une procédure judiciaire. Par ailleurs, les
transmissions transitent par le Bâtonnier avant d’être envoyées au Parquet.
5. Sanctions pénales
En cas de manquement aux obligations imposées aux professionnels, ce qui constitue
l’élément matériel de l’infraction, le professionnel n’est pas automatiquement sanctionné.
En effet, encore faut-il que le professionnel ait consciemment manqué à ses obligations. Il
s’agit de l’élément moral de l’infraction.
Les tribunaux ont retenu coupable de l’infraction libellé à sa charge, un notaire qui avait été
mandaté par une société chypriote pour constituer une société luxembourgeoise et qui avait
constitué cette société bien qu’il ne disposait que d’un certificat relatif au bénéficiaire effectif
39
40
Article 5 (1a) de la Loi de 2004
Article 5 (3) de la Loi de 2004
17
incomplet puisqu’il ne mentionnait pas les qualités de la personne physique bénéficiaire
économique.
Les juges ont estimé que le notaire avait connaissance de ses obligations légales, avait pu
constater que le certificat demandé était incomplet et en conséquence savait que ses
obligations légales n’étaient pas remplies au moment de l’établissement de la relation
d’affaires à savoir la passation de l’acte notarié41.
L’article 9 de la Loi de 2004 sanctionne d’une amende de 1.250 EUR à 1.250.000 EUR tout
professionnel qui manquerait à ses obligations légales telles que précédemment décrites.
Cet article ne peut être considéré comme un avis juridique et bien qu’il ait été rédigé avec le
plus grand soin, nous ne pouvons en garantir l'exactitude, la validité et/ou l'exhaustivité.
Nous ne pouvons en aucun cas être tenus responsables du dommage que quiconque pourrait
encourir à la suite de la consultation de cet article et/ou de l’utilisation qu’il en est fait.
SOURCES
Jean-Luc Putz, Jurisprudence Pénale, Promoculture
Emilie Robert, L’Etat de droit et la lutte contre le terrorisme dans l’Union Européenne, 16
février 2012
Sites internet de la CSSF, d’EUROPOL, de l’IRE et du Ministère de la Justice
41
Cour d’appel, chambre correctionnelle, 226/10X, 19 mai 2010
18