La Corée du Sud - La Fabrique de l`industrie
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La Corée du Sud - La Fabrique de l`industrie
Les politiques nationales en faveur de l’industrie du futur La Corée du Sud La Corée du Sud dispose de plusieurs atouts indéniables en matière d’industrie du futur. Elle bénéficie notamment d’un haut niveau d’éducation et de qualification de sa main d’œuvre ainsi que de la présence d’une infrastructure numérique sans égale1, deux domaines qui constituent depuis de nombreuses années des priorités pour le gouvernement. Elle est également d’ores et déjà à la pointe de la robotisation industrielle : d’après l’International Federation of Robotics, la Corée du Sud dispose sans conteste de l’industrie la plus robotisée au monde (437 robots pour 10 000 employés en 2013) loin devant le Japon (323) et l’Allemagne (282). Toutefois, la puissance de l’industrie sud-coréenne se fonde encore en majeure partie sur des industries traditionnelles. Elle s’appuie sur la présence de chaebols, ces grands conglomérats familiaux qui structurent l’économie du pays, spécialisés dans des domaines tels que l’électronique et les télécommunications (Samsung, LG), l’automobile de milieu de gamme (Hyundai), la chimie (SK Group), la sidérurgie (POSCO) ou encore la construction navale. L’écosystème industriel coréen apparait propice pour diffuser des technologies liées à l’usine du futur : 60% de sa production est de milieu ou de haut-de-gamme en 2014, chiffre égalé uniquement par l’Allemagne2. La croissance soutenue de l’activité industrielle sur les dernières décennies a ainsi largement été tirée par les exportations de produits semi-finis de ces secteurs. Les entreprises chinoises, en fort développement, sont aujourd’hui des clients importants pour les industriels coréens : alors que les exportations japonaises et allemandes vers la Chine sont constituées respectivement à 50 % et 70 % de produits finis, cette proportion n’est que de 30 % pour la Corée du Sud. Malgré son positionnement centré sur des secteurs traditionnels (à l’exception notamment des produits d’équipements industriels ou électroniques), l’industrie sud-coréenne a pour l’instant réussi à résister à la concurrence internationale. La montée en gamme de l’industrie chinoise n’en constitue pas moins une menace sérieuse3. Comme le font remarquer Jean-Raphaël Chaponnière et Marc Lautier4, il est saisissant d’observer que le 12e plan chinois (2011-2015) cible les mêmes secteurs que la « vision » 1 D’après le rapport « State of the internet » publié par Akamai technologies, la Corée du sud disposait en 2013 du réseau le plus rapide au monde avec un débit de 21.0 Mbit/s, contre 12.9 Mbits/s pour son dauphin japonais 2 Données United Nations Industrial Development Organisation, base CIP 3 Cette concurrence touche également les marchés de haute technologie où la Corée du Sud est historiquement bien placée : Samsung a ainsi par exemple perdu en 2014 sa place de leader du marché chinois de smartphones au profit de Xaomi. 4 Jean-Raphaël Chaponnière et Marc Lautier, 2013, chapitre VI « Corée du Sud : croissance industrielle et ajustement à la Chine », L’économie mondiale 2014 (sous la direction du CEPII), Editions La Découverte, collection Repères, lien coréenne publiée en 2008. La Federation of Korean Industries évaluait ainsi à quatre années seulement l’avance de la Corée du Sud sur la Chine.5 Un tel constat, conjugué à l’entrée en vigueur en juin 2015 d’un premier traité de libre-échange entre les deux pays6, rend compte de la nécessité pour la Corée du Sud de maintenir la compétitivité de son industrie. Le ministère du Commerce, de l’industrie et de l’énergie publie ainsi en juillet 2014 un rapport dont les recommandations ont conduit à la mise en place de la « Manufacturing Industry Innovation 3.0 Strategy ». La « Manufacturing Industry Innovation 3.0 Strategy » Informations clés Budget public annoncé : au moins 1,6 milliards d’euros Objectif principal : Faire passer le nombre d’usines « intelligentes » de 500 en 2014 à 10 000 en 2020 ; Développement de technologies d’avenir sur lesquels la Corée du Sud présente déjà des atouts. Constat : Nécessité d’une montée en gamme de l’industrie sud-coréenne, notamment face à la concurrence croissante de la Chine. Avec sa « Manufacturing Industry Innovation 3.0 Strategy », la Corée du Sud vise à poursuivre la montée en gamme de l’ensemble son industrie, perçue comme une condition nécessaire pour pérenniser la croissance de ce secteur qui représentait encore près de 29 % du PIB du pays en 2012. Ce plan a ainsi pour objectif de dynamiser un secteur dont les principales forces demeurent encore centrées sur des activités traditionnelles. Afin de réaliser cette ambition large, le plan cherche principalement à encourager la digitalisation des PMI et ETI, mobilisées autour du concept d’« industrial convergence ». Cette notion de convergence, qui revient de manière récurrente dans les diverses présentations du programme, est explicitée de deux manières. Elle traduit d’une part l’émergence d’un nouveau tissu industriel qui doit mêler production, digitalisation, TIC afin de proposer des produits à plus fort contenu technologique mais aussi associant davantage de services liés. A d’autres occasions, ce terme doit se comprendre comme la fusion de plusieurs technologies digitales (TIC, internet des objets, capteurs, etc.) dans une même entité, qu’il s’agisse d’un produit ou d’une chaîne de production.7 Le souci est ici d’améliorer l’efficacité de la production et de proposer des produits de meilleure qualité. Le pilotage du programme a été confié à un « Comité à l’innovation industrielle » public-privé, dont les deux co-présidents sont le ministre en charge du programme et le président de la CCI de Corée. De manière plus concrète, il se structure autour de trois piliers : 5 La création d’une nouvelle industrie productrice de haute technologie dans des domaines d’avenir jusqu’alors peu développés (véhicules et vêtements intelligents, robots, médecine du Dong-Wook J., 2010, « China can catch up with Korea within 3.9 years in terms of eight export goods' technology », publication de la Federation of Korean Industries, 18 juin, lien 6 Un accord de libre-échange Corée-Chine-Japon est lui en cours de négociations (en juillet 2015) 7 Gupta N. et al., 2013, « Innovation policies of South Korea » (page iv), rapport de l’Institute for Defense analyses, août, lien futur) est le principal pilier du plan, et dispose d’un budget de 886 millions d’euros8. Cet aspect vise à développer l’offre technologique, mais aussi à créer un noyau d’entreprises intelligentes: d’ici 2020, le gouvernement ambitionne ainsi de créer 10.000 sites de production automatisés, contre 50 en 2014. La digitalisation des PMI et ETI est le second volet du plan. Son objectif premier est d’améliorer l’efficacité productive des entreprises : 100 000 petites et moyennes entreprises exportatrices doivent être aidées d’ici 2017. Le soutien au développement d’innovations plus fondamentales, déjà maîtrisées par l’industrie coréenne (logiciels, matériaux, robotique). 775 millions d’euros sont notamment investis dans la recherche publique sur dix technologies, dont la fabrication additive et le big data. 9 Ce volet inclut également la reconversion de complexes industriels obsolètes en centres innovants.10 Ressources d’approfondissement Pour un portrait général du plan « Manufacturing Industry Innovation 3.0 Strategy » o o o 8 Heng R., 2015, « Korean version of ” Industry 4.0 ” with and learn a lesson from the place ? », traduction anglaise pour le site d’information Netease technology, lien Gi-beom K., 2014, « 10,000 plants to become ‘smart’ by 2020, private ? government to invest KRW 1 trillion », Etnews, 27 juin, lien BusinessKorea, 2014, « Expansion of Converged Manufacturing Korean Government Committed to Manufacturing Innovation Based on Convergence », 4 juillet, lien Klopsch G., 2014, « People key to future of manufacturing », The Korea Herald, 12 août, lien Heng R., 2015, « Korean version of ” Industry 4.0 ” with and learn a lesson from the place ? », traduction anglaise pour le site d’information Netease technology, lien 10 G20, 2014, « Comprehensive growth strategy : Republic of Korea », lien 9