la traduction
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CHAPITRE I LA TRADUCTION '"Translation' is by now a word that needs translating': Andre Lefevere 1 Le mot 'traduction' est un mot qui a besoin d' etre traduit, dit Andre Lefevere dans son article Translation and Comparative Literature'. A juste titre, car c'est un mot tres use et abuse merne, de nos jours. Pour citer J .R.Ladrniral, "le mot 'traduction' peut prendre une multitude de sens differents. Au point qu'on en est souvent a se demander si on parle de la meme chose et de quoi on parle. "2 ll importe done de voir les divers sens de ce terme avant de proceder a une definition plus precise et apte a notre sujet, le sens dans lequel nous allons l'utiliser lors de cette etude, afin de desambigui"ser cette polysemie ou ce que certains appellent l'homonymie! Pour commencer done avec le deja cite J.R.Ladmiral, "Ia traduction est un cas particulier de convergence linguistique : au sens le plus large, elle designe toute forme de 'mediation linguistique', permettant de 1 Lefevere, Andre (1991). 'Translation and Comparative Literature : The Search for the Center". IlK, vol.4, no. I, p.l29. 2 Ladrniral, J.R. (1995). "Traduire, c'est-a-dire ... phenomenologies d'un concept pluriel" Meta, vol.40, no.3, p.409. 11 transmettre de l'infonnation entre locuteurs de langues differentes" .1 Elle est, a son avis, "un acte de communication ,economiquement detennine par les conditions de production" 2 . Quant a Claude Tatilon, il est d'avis que "traduire, c'est refonnuler un texte dans une autre langue, en prenant soin de conserver le contenu. "3 Pour J Flamand "c'est rendre le message du texte de depart, avec exactitude (fidelite a l'auteur),en d'arrivee correcte, authentique et adaptee au sujet de et une langue a la destination (fidelite au destinateur). "4 Jean Brauns la definit comme "une epreuve linguistique totale" 5 alors que Jean Delisle la considere comme "Operation consistant a etablir des equivalences interlinguistiques. "6 V. N. Komissarov croit que la traduction est "interlingual communication" [la communication interlinguale] ou il y a un remplacement d'un texte source par un texte cible avec la meme valeur communicative "replacement of the source text by a target text of the same communicative value" 7 . Roman Jakobson " distinguishes 'translation proper' from other types of translation - that of intralingual translation or rewording and intersemiotic 1 Ladmiral, J.R. (1979). Traduire : Theoremes pour Ia traduction, Paris : Payot. p.ll 2 Ibid, p .13. 3 Tatilon, Claude (1986). Traduire: Pour une pedagogie de Ia traduction, Toronto: Editions du Gref, p.7. 4 Flamand, Jacques (1983). Ecrire et Traduire, Ottawa: Ed. du Vermilion, p.25. 'Brauns, Jean (1981). Comprendre pour Traduire, Paris: La Maison du dictionnaire. p.8. 6 Delisle, Jean (1993) La Traduction Raisonnee, Ottawa : Presses de I' Universite d' Ottawa, p.47. 7 Komissarov, V.N. (1991 ). "Language and Culture in Translation Collaborators?". TTR, volA, no. I, p.38. Competitors or 12 translation or transmutation- and defines it as an interpretation of verbal signs by means of another language." 1 Or, Roman Jakobson fait une distinction nette entre 'traduction propre' et d'autres types de traduction telles Ia traduction intra-linguale et la traduction intersemiotique, ou la premiere est une interpretation de signes verbaux par une autre langue . Georges Mounin, qualifie la traduction comme une serie d' operations ou le point de depart et le produit final sont des significations et qui fonctionnent a l'interieur d'une culture donnee. 11 la detinit comme "un contact de langues, ( ... ) un fait de bilinguisme". 2 Eugene Nida et Charles Taber definissent le tenne comme suit "Translating consists in reproducing in the receptor language the closest natural equivalent of the source language message, first in tenns of meaning and secondly in tenns of style. "3 Ils estiment done que la traduction consiste a reproduire dans la langue de reception 1' equivalent le plus proche au message de Ia langue source, d'abord en termes de sens et deuxiemement en termes de style. J.C.Catford propose que la traduction est "une substitution a un (anglais) evoquant (pour I'anglais) une image donnee d'un texte evoquant (pour le fran~ais) une image identique en d'autres mots la traduction consiste a l'image de texte (fran~ais) depart'>4 ou a remplacer "un ensemble de sens 1 Cite dans Bassnett, Susan (1980). (reimprirne en 1992). Translation Studies, London and New York: Routledge, p.14. z Mounin, Georges (1963). Les Problemes thooriques de Ia traduction, Paris : Gallimard, p.4. 3 Nida, Eugene et Charles R. Taber, (1969) (reimprirne en 1974). The Theory and Practice of Translation, Leiden : E.J. Brill, p.4. 4 Cite dans Gouadec, Daniel, ( 1974) Comprendre et traduire, Paris : Bordas, p .l 0. 13 par un autre ensemble equivalent ou identique". 1 James Holmes a vance Ia proposition que "All translation is an act of critical interpretation" 2 [toute traduction est un acte d'interpretation critique]. Maurice Pergnier dans sa definition tres comprehensive pense que "La 'traduction', en effet, inclut tous les types de passage d'une formulation dans une langue, a une formulation dans une autre langue, depuis le 'mot-a-mot' de l'eleve, ou le decryptage de hieroglyphes, jusqu'a la recreation d'un poeme, ou !'interpretation consecutive d'un long discours." 3 Henri Meschonnjc dans sa presentation dans le Collogue sur Ia traduction poetique estime que ".. la traduction est un empirisme qui aujourd'hui peut se transformer en experimentation, devenir pratique theorique et non plus artisanat esthetique, c'est-a-dire une poetique en acte au lieu d'une ideologie appliquee. "4 Gideon Toury definit Ia traduction comme un "phenomene empirique". Done , comme explique Ladmiral, "est une traduction ce qui se donne pour telle et est acceptee comme telle dans une culture donnee a une epoque donnee". 5 1 Cite dans Demanuelli, Claude et Jean Demanuelli, (1991). Lire et Traduire, Paris, Milan, Barcelone, Bonn: Masson, p.l6 2 Holmes, James, (1970). The Nature of Translation, The Hague: Mouton, p. 90 3 Pergnier, Maurice, (1976) (n:!imprime en 1980). Les fondements sociolinguistigues de Ia traduction, Paris: Librairie Honore Champion, p.l2 4 Meschnnic, Henri, (1978). Collogue sur Ia traduction poetigue, Paris : Gallimard, p 95 ~Cite dans Ladmiral, J.R. (1985) op.cit., p.418 14 D'apres Edmond Cary, la "traduction est toujours et par- dessus tout une operation d'ordre linguistique ... "1 II propose une definition plus comprehensive en disant que tt •• Ia traduction est une operation qui cherche a etablir des equivalences entre deux textes en des langues differentes ces equivalences etant to~jours et necessairement fonction de Ia nature des deux textes, de leur destination, des rapports existant entre Ia culture des deux peuples, leur climat moral, intellectuel, affectif, fonction de toutes les contingences propres a l' epoque et au lieu de depart et d' arrivee. "2 Michel Ballard souligne egalement que "la traduction est une operation naturelle que l'on pratique a l'interieur de sa langue lorsque l'on paraphrase un enonce. L'application de cette faculte codes distincts contribue a la fonction metalinguistique et codes l'un par rapport fois a achever a affiner a l'utilisation de deux le developpement de la la perception que l'on a de deux a l'autre. "3 Au contraire, Maurice Gravier met en· avance la these que " Traduire, interpreter, ce n'est pas remplacer des mots par des mots, substituer une premiere mosalque de mots a une autre mosalque de mots. ll faut franchir la barriere des mots et de la syntaxe, il faut atteindre le sens ... "4 Danica Seleskovitch met de l'emphase sur cette 1 Cary, Edmond (1985). Comment faut-il traduire?, Lille : Presses de I'Universite de Lille, p.28. 2 ibid. p.85. 3 Ballard, Michel, (1987). La traduction de I'anglais au francais, Paris: Nathan, p.ll 4 Cite dans Brauns, Jean, (1981). op.cit. p.5. 15 meme idee car elle dit " l'objet de Ia traduction n'est pas la texture dont est faite Ia langue mais le sens qu'y trouve celui auquel elle s'adresse." 1 Pour revenir done a J.R.Ladmiral '"Ia traduction est Ia pratique qui produit un texte-cible semantiquement, stylistiquement, poetiquement, rythmiquement, culturellement, pragmatiquement... equivalent au texte-source auquel il vient se substituer. f.. ] En dfet, le concept d' equivalence n'est finalement ici qu'ru1 -;ynonyme de traduction. " 2 Le celebre Georges Steiner est d'avis que, ''Dans le modele de traduction , un message emis dans une langue-source, se retrouve dans une langue-cible apres avoir subi un processus de transformation. "3 Il precise plus tard dans le meme livre que ," la traduction a proprement parler, l'interpretation de signes verbaux d'une langue donnee a l'aide de signes verbaux d'une autre est un cas particulier, privilegie, des mecanismes de communication et de receptions qui gouvernent tout enonce. "4 Quant ala place de l'ideologie dans la traduction, Andre Lefevere proposait que "Translation is, of course, a rewriting of an original text. "5 A son avis la traduction etait bien sfu une reecriture d'un texte original. Paul St. Pierre, a son tour, demontre que" translation is always an act of 1 cite dans ibid. p.5. 2 Ladmiral, J.R. (1995). op.cit.p.417 3 Steiner, George (1978. Apres Babel, Paris Albin Michel, p.38. 4 ibid. p.382. ~ Lefevere, Andre (l992a). Translation/History/Culture, London and New York: Routledge, p.XJ. 16 creative writing." 1 [Ia traduction est toujours un acte d'ecriture creatrice.] A en croire Paul Bandia, "Translation is about bridging gaps between languages and cultures" 2 et elle est plutot per~ue comme un acte de communication au lieu d'une forme de transcodage( dans Ia traduction, il s'agit de combler les lacunes/ batir des ponts a travers les lacunes entre les langues et les cultures). Sherry Simon Ia per9oit comme "a process of interlinguistic transfer" qui comprend "writing practices fully informed by the tensions that traverse all cultural representation." Elle est done "a process of mediation which does not stand above ideology but works through it. "3 Alors si Ia traduction est un processus de transfert interlinguistique, elle est egalement une pratique d' ecriture pleinement formee par les tensions qui traversent toute representation culturelle. Et ce processus de mediation ne se trouve pas au dessus de l'ideologie mais il fonctionne a travers celle-ci. Lawrence Venuti nous" montre que "Translation is a forcible replacement of the linguistic and cultural difference of the foreign text with a text that will be intelligible to the target-language reader". 4 La traduction est un remplacement force d'un texte etranger par un texte qui sera intelligible au lecteur de la langue-cible. 1 St.Pierre, Paul (1996). "Writing across languages: Samuel Beckett and Fakir Mohan Senapati". I I R, vol.9, no. I, p.234. 2 Bandia, Paul (1995). "Is ethnocentrism an obstacle to finding a comprehensive translation theory?". Meta, vol.40, no.3, p.490. 3 Simon, Sherry (1996). Gender in Translation, London & New York: Routledge, pp.8-9. 4 Venuti, L. (1995). the Translator's Invisibility, London & New York: Routledge, p 18. 17 En termes theologiques, Talal Asad nous revele que "the removal of a saint's remains, or his relics, from an original site to another is also known as translation.(So, too, the transfer of a cleric from one office to another, or of a feast from one date in the calendar to another)" transport des vestiges, ou des reliques, d'un saint d'un endroit 1 Done le a un autre est appele traduction - tout comme le transfert/la mutation d'un clerge d'un bureau a un autre, ou le changement de la date d'une fete dans le cal endrier. En termes politiques de l'epoque, Susan Jill Levine nous informe que " 'translatio' was a mediaeval political term designating the westward movement from Greece to Rome, ... "2 'Translatio' etait un terme medieval qui designait le mouvement vers l'occident de la Grece a Rome ... Dans Ia meme optique, le celebre cas de Salman Rushdie qui se declare "une traduction" grace a sa traversee, son transport a un autre pays, a une autre culture. ll explique "(The word 'translation' comes,etymologically, from the Latin for 'bearing across". Having been borne across the world, we are translated men ... )3 1 Assad, Tala! (1996). "A Comment on Translation, Critique, and Subversion", dans Di.ngwaney, Anuradha et Carol Maier eds. Between Languages and Cultures, Delhi : OUP, p.325. 2 Levine, Susan Jill (1988). "Writing, Translation, Displacement: An Approach to Maitreya" dans Talgeri, Pramod et S.B. Verma eds. Literature in Translation, Bombay: Popular Prakasham, p.206. 3 Rush die, Salman ( 1991). Imaginary Homelands, London: Granta, p .1 7. 18 En termes actuels post coloniaux, Anuradha Dingwaney propose : Translation is one of the primary means by which texts written in one or another indigenous language of the various countries arbitrarily grouped together under the "Third", or non-Western, World are made available in western , metropolitain languages. However, translation is not restricted to such linguistic transfers alone ; translation is also the vehicle through which "Third World" cultures (are made to ) travel-transported or "borne across" to and recuperated by audiences in the West. Thus even texts written in English or in one of the metropolitain languages, but originating in or about non- Western cultures can be considered under the rubric of translation. 1 [La traduction est un des moyens primaires par lequel des textes ecrits dans une langue indigene ou autre des differents pays qui sont groupes, de fa~on arbitr~e, sous la rubrique de "tiers" monde voire du monde non- occidental, sont rendus disponibles dans des langues occidentales, metropolitaines. Neanmoins, la traduction ne se limite pas qu'a dt: tels transferts linguistiques ; la traduction est aussi le vehicule par lequel des cultures du "tiers monde" font le trajet/voyagent ( ou sont obliges de le faire )-transportees ou "borne across" a des publics occidentaux et recuperees par ces derniers. Ainsi, meme des textes ecrits en anglais ou dans une des langues metropolitaines, mais dont les origines sont dans les cultures non-occidentales, peuvent etre consideres sous la rubrique de la traduction.] 1 Dingwaney, Anurad..;.a et Carol Maier. (1996) op.cit. p.4. 19 Dans le meme sens Geodfrey Lienhardt, cite par Carmen Valero-Garces dans son article extremement interessant, 'Modes of translating Culture' utilise le terme traduction "to refer not to the linguistic matter but the problem of describing others from a different culture. ln this context 'to translate', in fact, is a synonym of 'to convert', and the ,, meaning is closer to 'to change' or 'to exchange' . 1 Done le tenne se refere non a la matiere linguistique mais au probleme de decrire d'autres d'une culture differente. Dans ce contexte 'traduire' en fait, est synonyme de 'convertir', et le sens est plus proche de 'changer' ou d"echanger'. Done celui qui traduit est cense exprimer sous une fonne ce qui a ete ecrit ou exprime dans une autre forme anterieure. Dans ce sens Ia traduction en tant qu'expression est liee au concept d'explication et d'interpretation de sens. D'ou le role pareil de l'ethnographe et celui du traducteur, dans I'opinion de Valero-Garces. Cette opinion se voit retletee chez les autres aussi. 2 L'illustre Georges Mounin avait deja presente cet aspect de la traduction quand il avait delimite les deux conditions a remplir avant de traduire "dont chacune est necessaire, et dont aucune en soi n'est suffisante : etudier Ia langue etrangere, etudier (systematiquement) l'ethnographie de Ia communaute dont cette langue est expression. Nulle traduction n'est totalement adequate si cette double condition n'est pas satisfaite." 3 Claude et Jean Demanuelli proposent que "}'operation de 1 Meta, vo1.40, no.4, p.556. Voir ace propos Ia discussion de Jacinto R. Fombona I dans Dingwaney, A. etC Maier eds. op.cit. pp.ll9-133. 2 3 Mounin, George (1963). op.cit. p.236. 20 traduction consiste bien dans un premter temps, a remplacer l'enonce-source par un enonce-cible ayant le meme sens lorsqu'il fonctionne dans la meme situation" et ils precisent de plus que " Traduire c'est done tout aussi bien connaitre la langue que l' 'ethnographie' du pays de cette langue, au sens ou ceile-ci designe la description complete de Ia culture totale d'une comrnunaute donnee. "1 Question pertinente alors : faut-il etre ethnographe pour pouvoir traduire? La traduction en Inde Le mot traduction en Inde est signifie par plusieurs termes selon les langues et les regions. Voyons quelques-uns parmi eux. Sujit Mukherjee en explique," Rupantar (meaning 'change in form') and anuvad ('speaking after' or 'following') are the commonly Wlderstood senses of translation in India, and neither term demands fidelity to the original. "2 Le terme 'rupantar' signifie qu'il y a un changement de forme, et le mot 'anuvad' veut dire parler apres, ou suivre quelquechose. A cela, il ajoute le terme ourdou · tarjwna' pour signifier Ia traduction, mais il peut aussi signifier paraphraser, et pas necessairement dans une autre langue. 3 Un autre mot en hindi, c'est chaya, qui veut dire ombre. L.S.Deshpande le definit 1 Demanuelli, C. et J. Demanuelli. (1991) op.cit. p.l6. 2 Mukherjee, S. (1981) (reimpri..me en 1994). Translation as Discovery, Hyderabad: Orient Longman, p.80. 3 ibid. p.84. 21 comme une Image qm suggere la similitude et non l'identite avec }'original. C'est une variation au lieu d'une imitation .... 1 Quant au mot tamoul, 'mozhipeyarppu', c'est changer d'une langue a une autre sans changer le contenu. En tout cas la traduction a toujours ete per~ue comme une nouvelle ecriture jusqu'a l'avenement de Ia culture occidentale, d'apres Mukherjee. 2 Pour en conclure avec les definitions prenons le demier mot prononce sur ce sujet par le celebre Georges Mounin "Tous les arguments contre Ia traduction se resument en un seul : elle n'est pas I'original. "3 O'apres ce qui precede on peut constater que le terme "traduction" designe, comme l'a bien constate J.R.Ladmiral ,"a la fois Ia pratique traduisante, l' activite du traducteur ( sens dynamique) et le resultat de cette activite, le texte-cible lui-meme (sens statique). Le. mot prend aussi parfois le sens metaphorique elargi d'expression, representation, interpretation ... "4 1'~f:SIS ?j1&f ¢b'G rs. ~4 lllN8 1 Deshpande, L.S. (1994). "Poetry Translation • A Dilemma" dans Sastry, J.V ed. Art and Science ofTranslation, Hyderabad • Osmania University and Booklinks Corporation, p.97. 2 Mukherjee, S (1994). op.cit. p 77. 3 Mounin, George (1955). Les Belles Infideles, Pans Cahiers du Sud, p.7. 4 Ladmiral, J.R. (1979). op.cit. p.ll. 22 Traductologie- discipline autonome ou discipline annexe? Ce qui prend le devant de la scene est le fait que I' etude de la traduction - la traductologie actuellement- a ete appropriee par diverses disciplines selon l'optique avec laquelle on Ia considere. La linguistique, la semiotique, les etudes de communication, Ia litterature comparee, les etudes culturelles ... toutes ont, a un moment donne , fait de Ia traduction le sujet et l'objet de leur etude. Pour n'en prendre que quelques noms franyais, Ia traduction est une branche de la linguistique a l'avis de· Mounin, alors que pour J.C.Catford c'est une branche de la linguistique comparee tout comme Vinay et Darbelnet, et Guillemin Flescher, et pour M Pergnier la traduction releve de la sociolinguistique, Henri Meschonnic la voit comme une activite translinguistique, et pour JR Ladmiral la traduction est une operation semiotique, G Steiner 1~ peryoit comme un parcours henneneutique, alors que d'autres ont vu en elle la litterature comparee ... Mais comme nous le rassure Antoine Berman, "La traduction est sujet et objet d'un savoir propre." 1 Il nous signale que dans "l'acte de traduire est present uncertain savoir, un savoir sui generis. La traduction n'est ni une sous-litterature(comme I'a ern le X VIe siecle ), ni une so us-critique (comme I'a cru le XIXe siecle ). Elle n'est pas non plus une linguistique ou une poetique appliquees (comme on le croit au XXe 1 Berman, A. (1985). Les Tours de Babel, Mauvezin : Trans-Europ Repress, p.38. 23 siecle). "I 11 detinit Ia discipline ainsi "La traductologie: Ia reflex ion de Ia traduction sur elle-meme a partir de sa nature d' experience. "2 Metalangue de Ia traduction: discours bipolaire Ce discours meme donne naissance &tout un discours bipolaire sur la traduction dependant de l':1pproche qu'on suit vers cette activite et le resultat de cette activite. II serait done judicieux de passer en revue ,de fa~on breve, ce que prechent les divers tenants de la discipline, en analysant ce qui doit etre la tache du traducteur, la finalite d'une traduction. La metalangue de la traduction met en avant des termes antinomiques tels langue de depart/langue d' arrivee, langue-source/ langue-cible et done par extension , texte-source/ texte-cible, traducteurs/ theoristes, lettre/esprit, fidelite/elegance traduction litterale/traduction · libre, , sourciers/ciblistes3 traduction ethnocentrique et traduction hypertextuelle/traduction ethique et poetique4 , traduction semantique/traduction I communicative 5, correspondance formelle/ ibid. p.38. z ibid. p.39. 3 Ladmiral, J.R. (1986). "Sourciers et ciblistes". La Traduction, revue d' esthetigue. no.l2, p.33. ~Berman, A. (1985) op.cit. p.48. 'Newmark, Peter (1981). Approaches to translation, Oxford: Pergamon Press, p.S. 24 equivalence dynamique I, traduction prospective/ traduction retrospective 2, mot a mot/ belles-infideles 3 . Tout ceci trouve l'origine dans le non verbum pro verbo, sed sensum exprimere de sensu de Ciceron qui date de 46 av JC ... Ladmiral resume ainsi ce de bat, "Ce sont ces deux poles d'une meme alternative, indetiniment rebaptises, qui scandent l'histoire de la traduction selon un mouvement de balancier... "4 ce que Mary Snell-Homby designe egalement comme un "constant swing of orientation" 5 Les termes au debut mettent en relief Ie fait qu'il y a de par evidence, une langue dans laquelle est ecrite un texte qu'on nomme indifferemment comme la langue de depart LD ou !angue-source LS, et une deuxieme langue dans laquelle se trouvera ce meme texte apres avoir ete traduit qu'on appelle langue d'arrivee LA ou langue-cible LC. LD/LA montrent par la nomenclature meme le trajet, le voyage, le parcours que fait un texte d'une langue a l'autre. La deuxieme paire LS/LC met en avant une activite plus resolue, plus determinee, en termes presque militaires, qu'on elaborera plus tard. L'origine et le resultat de cette activite donnent natssance aux texte de depart/texte d'arrivee TD/TA ou texte-source/texte-cible TS/TC. Faisant benefice d'experience sont les 1 Nida, E.A. (1964). Towards a Science of Translation, Leiden: Brill, p.l59. 2 Snell-Homby, Mary (1988). Translation Studies: An Integrated Approach, Amsterdam & Philadelphia :John Benjamins, pp.43-44. 3 Mounin G. (1955) op.cit.- le titre meme du livre, quoique !'auteur de cette expression est Menage. 4 Ladmiral, J.R. (1979). op.cit. p.l4. ~ Snell-Homby, Mary. op.cit. p.lll. 25 traducteurs qui s'engagent avec le texte, sans se soucier trop par les divers courants de theorie , et d'autre part semblent etre les theoristes qui sont accuses de parler sur la pratique de traduction sans avoir d' experience. Nous verrons que les deux ne sont pas si incompatibles que les deux peuvent, en fait , exister ensemble. On verra plus loin des traducteurs parler de leur experienc~, de theoriser, tout comme les theoristes qui dissertent de la traduction essayant de mettre en application leur theorie. La coupure lettre/esprit remonte a Saint Paul, au christianisme ou se trouve l'imperatif que la traduction du Livre soit faite dans toutes les langues. C'est lui qui oppose l'esprit qui "vivifie" a la lettre qui "tue". II exige la traduction "afin que le souftle vivifiant de l'Esprit atteigne toutes les nations (Actes des Apotres, 2-4)." 1 Ceci est repris plus tard par St.Jerome dans sa traduction de la Bible (la Vulgat~) ou il a fait des retlexions theoriques et techniques. Ses "predecesseurs pai:ens" Ciceron et par la suite, Horace sont les premiers en histoire occidentale a donner des preceptes de traduire. Dans le Libellus de optima genere oratorum Ciceron, dissertant de sa traduction des Discours de Demosthene et d'Eschine, propose de ne pas traduire verbum pro verbo 2 et cette formule est reprise par Horace dans Ars Poetica (26 av Jc ). Cette entreprise de la traduction dans Rome antique dont la visee etait de constituer sa propre culture 1 2 a partir des traductions faites des textes grecs-des formes, des cite dans Berman, A. (1985) op.cit. p.52. cite dans Steiner, G. (1978). op cit. p.224. Pour plus de details ace sujet, voir Steiner, G. op.cit. p 224 et aussi Albir, A.H. (1990). La notion de fidelite en traduction, Paris: Didier, p.l5. 26 termes grecs, et dans Ia litterature et dans l'art, ou il y a une "traduction" du theatre, de !'architecture, et de Ia statuaire grecs fut une entreprise annexionniste. Comme dit A. Berman "la culture romaine est une culture-de-la-traduction." 1 Mais ce temoignage a eu sa "resonance historique" grace au travail de Ia "romanite chretienne" ou le "christianisme romanise" avec St Jerome et son travail d' evangelisation. Voila l'origine de la dichotomie de Ia "traduction devenue canonique en occident". 2 En termes plus contemporains, on a affaire a traduction litterale/traduction libre dite aussi litteraire. La premiere signale une traduction mot a mot presque "de favon a ce que le lecteur ait toujours !'impression de lire le texte avec des formes originales (semantiques, morphologiques, stylistiques) de la langue etrangere, et qu'il n'oublie jamais qu'illit un texte qui a tout d'abord ete redige ( ... ) dans une autre langue ( ... ) et aussi dans une autre civilisation. " 3 La traduction libre "consiste a traduire de telle sorte que le texte ait l'air d'avoir ete directement pense puis redige [en l'occurence] en franvais ... "4 ;"comme s'il avait ete convu directement dans notre langue" 5 disait Ladmiral a propos de la traduction de Lewis Carroll par Guy Leclerq. La traduction litterale 1 Berman, A. (1985) op.cit.p.50. 2 ibid, p.51. 3 Albir, A.H. op.cit. pl9. 4 ibid. p.l9. ~ Ladmiral, J.R. (1986) op.cit. p.38. 27 est ce que Georges Mounin appelle "les verres locale" ajoute, de fa~on colon~s"- "de couleur espiegle, Ladmiral et ce qu'il appelle volont1ers "une traduction savante ou 'philologique"', la traduction libre egale pour lui "les verres transparents". 1 A cela opposons le celebre Allemand Schleiermacher, qui raisonne : Oui, que repondra-t-on, si un traducteur dit au lecteur: je t'apporte le livre comme c ·t homme l'aurait ecrit en allemand, et que le lecteur lui repond: [ .. ] c'est comme si tu m'apportes le portrait de cet homme tel qu'il aurait ete si sa mere l'avait con9u avec un autre pere?2 La traduction libre, d'apres Berman, "nie le rapport profond qui lie cet auteur a sa langue propre". 3 Ces deux termes font done appel a Ia paire fidelite/elegance, ce qui, a leur tour, rappelle la fameuse "belles infideles" . Quand on privilegie le texte de depart on reste 'fidele' et quand on accorde la priorite ala langue d'arrivee on est 'infidele' meme si on est 'belle' ou 'elegante'. Mounin fait allusion au XVIIe siecle, a I'expression originaire de Menage, qui disait a propos des traductions de Perrot d'Ablancourt : "Elles me rappellent une femme que j'ai beaucoup aimee a Tours, et qui etait belle mais infidele". 4 Les traductions a l'epoque adoptaient l'attitude qu'il fallait respecter le gout, les criteres et les idees de l'epoque, tout en changeant a leur gre, le style, les moeurs des textes 1 ibid. p.34. 2 Berman, A. (1984). L'epreuve de I'etranger, Pans: Gallimard, p.236. 3 ibid. p.236. 4 Cite dans Cary, E. (1963) Les grands traducteurs francais. Geneve: George et Cie, p.29 28 anctens. Cette attitude historique et sociale a regne bien longtemps, et continue chez plusieurs traducteurs qui lui donnent d'autres noms! C'est ce que E.A.Nida qualifie de"'correspondence formelle/ equivalence dynamique". . n prone !'equivalence dynamique qu'il resume . ams1 Dynamic equivalence is therefore to be defined in terms of · the degree to. which the receptors of the message in the receptor language respond to it in substantially the same manner as the receptors in the Source Language. This response can never be identical, for the cultural and historical settings are too different, but there should be a high degree of equivalence of response, or the translation 1 will have failed to accomplish its purpose. Pour lui la traduction est !'equivalent naturel le plus proche et il exige le traducteur a viser I'equivalence plutot que l'identite -"to strive for equivalence rather than identity. "2 ce qu'il reitere un peu plus tard : As may be clearly noted from the discussion of the definition of translating, one is constantly faced by a series of polar distinctions which force him to choose content as opposed to form, meaning as opposed to style, equivalence as opposed to identity, the closest equivalent as opposed to any equivalent, and naturalness as opposed to formal correspondence. 3 1 Nida, E.A. et Charles Taber (1974). op cit. p.24. 2 ibid. p 12. 3 ibid. p.l4. 29 II est evident par ce qui precede que tout comme St. Jerome plusieurs siecles avant lui, Nida propose une approche a Ia traduction qui assurerait la propagation de la religion chretienne, car ille dit lui meme : A good translation of the Bible must not be a· 'cultural translation'. Rather it is a 'linguistic translation'. That is to say, it should studiously avoid 'translationese' - formal fidelity, with resulting unfaithfulness to the context and the impact of the message. 1 Ce faisant, il assure a ce que 'le message' soit 'fidelement' traduit dans toutes les langues du monde 1 Comme no us le signale A Berman "I' evangelisme traduisant de Nida s'unit a I' imperialisme culture I nord- americain. "2 Or, il est important de noter que ce n'est pas que le zele evangelisant ou se trouve cette impulsion de traduire le message, le sens. J R Ladmiral nous parle de sourciers/ ciblistes, .. .j'appelle 'sourciers" ceux qui , en traduction (et particulierement, en theorie de la traduction), s'attachent au signifiant de la langue du texte-source qu'il s'agit de traduire; alors que les "ciblistes" entendent respecter le signifie (ou plus exactement , le sens et Ia "valeur") d'une parole qui doit adverur dans Ia langue-cible 3 I ibid. p. 13. 2 Berman, A (1985). op.cit. p.52. 3 Ladmiral, J.R. (1986). op.cit. p.33. 30 De surcroit, il partage avec nous son plaisir malin, a avoir joue sur des mots ... ! .. mes sourciers evoquent les sorciers (avec lesquels, etymologiquement, ils se confondent au demeurant) et, du meme coup, un mode de pensee archaique et magique; alors que mes ciblistes font echo a la C.B. (Citizens Band) des "cibistes", et suggerent la double idee de modernite et ( ce qui en traduction n'est pas negligeable) de communication (voire celle d'une individualisation, qui en serait le prolongement) ... 1 De quel cote il se trouve se ressort clairement de sa remarque que "Ces 'sourciers' ont Ia position qui me parait fausse, enfin, ... la mauvaise position, ce serait les 'litteralistes' .... "2 Les ciblistes qu' il qualifient de "semanticiens" ou des "semanticistes de la traduction" veulent que le texte-cible "habite intimement cette nouvelle langue ou elle entend acclimateur un texte original, venu d'une autre langue.''3 TI fait un petit inventaire des tenants de ces deux options fondamentales. "Au niveau de la theorie traductologie, je range parmi les sourciers des penseurs comme Walter Benjamin, Henri Meschonnic done, ou Antoine Berman ... " et "Parmi les theoriciens de la traduction (ou "traductologues") qu'on peut I ibid. p.35. 2 Ladmiral, J.R. (1986 a). "Quelles theories pour la pratique traduisante?". La Traduction, textes reunis par Capelle, Marie-Jose, BELC, p. 14 7. 3 Ladmiral, J.R. (1986). op.cit. p.39. 31 dire ciblistes, je citerai Georges Mounin, Eugene A Nida et Charles R. Taber, Efim Etkind, et. .. moi-meme." 1 Une nouvelle reformulation de ces deux orientations essentiellement contradictoires, se trouvent chez Antoine Berman, dont Ia tendance nous a ete revelee par Ladmiral. II qualifie de traditionnelles et dominantes de tout temps, ces deux formes : la traduction ethnocentrique et la t··aduction hypertextuelle. Ethnocentrique signifiera ici: qui ramene tout a sa propre culture, a ses norrnes et valeurs, et considere ce qui est situe en dehors de celle-ci - l'Etranger - comme negatif ou tout juste bon a etre annexe, adapte, pour accroitre la richese de cette culture. Hypertextuel renvoie a tout texte s' engendrant par imitation, parodie, pastiche, adaptation, plagiat, ou toute autre espece de transformation forrnelle, a partir d'un autre texte deja existant. 2 D' apres lui "La traduction ethnocentrique est necessairement hypertextuelle, et la traduction hypertextuelle necessairement ethnocentrique. " 3 A cela il oppose la visee ethique de la traduction. La visee appropriatrice et annexionniste, le revers de la medaille, a toujours 1 I'b'd I . 2 Berman, A. (1985). op.cit. pp.48-49. 3 ibid; p.49. p .)"'9 . 32 caracterise !'Occident depuis 1' Antiquite jusqu'au temps des "belles infideles", et elle "a presque toujours etouffe la vocation ethique de la traduction". II explique que Ia traduction "de par sa visee de fidelite, appartient a la dimension ethique. Elle est, dans son essence meme, animee du desir d 'ouvrir I 'Etranger en tant qu 'Etranger a son propre espace de langue." C'est pourquoi dit-il "reprenant Ia belle expression d'un troubadour, nous disons que Ia traduction est, dans son essence, !"auberge du lointain' ." 1 n elabore que 'ouvrir' c'est plus que communiquer, c'est reveler, c'est manifester. Si la traduction est une communication d'une communication aux autres, elle signifie pour lui, 'la manifestation d'une manifestation'. Une oeuvre, a ses yeux, manifeste un monde dans sa totalite, alors une traduction doit manifester cette manifestation. ll appelle cette oeuvre originale 'pure nouveaute' et justifie sa position ainsi "La visee ethique, poetique et philosophique de Ia traduction consiste a manifester dans sa langue cette pure nouveaute en preservant son visage de nouveaute."2 Il souligne clairement que "Si la forme de la visee est Ia fidelite, il faut dire qu'il n'y a de fidelite - dans tous les domaines - qu'a la lettre. Etre 'fidele' a un contrat signifie respecter ses stipulations, non l"esprit' du contrat. 'esprit' d'un texte est une contradiction en soi."3 Etre fidele a l' n retorque a ses detracteurs qu'il y a "confusion entre le "mot" et Ia "lettre", et "que I ibid. p.89. 2 ibid. p.89. 3 ibid. pp.88-89. 33 traduire la /ettre d'un texte ne revient aucunement afaire du mot amot." 1 Antoine Berman prend 1'exemple de la traduction des proverbes ou 1'on cherche toujours des equivalents. Or, pour lui, un proverbe est une fonne. "ll faut aussi traduire son rythme, sa longueur (ou sa concision), ses eventuelles alliterations, etc. " 2 Citant I' exemple d' tm proverbe allemand 'L'air du matin a de l'or dans la bouche' l'approche traditionnelle trouverait un proverbe fran9aiS equivalent 'Le monde appartient qui se levent tot'. Cela resulte a ceux a un effet absurde que "les personnages s'exprimeraient avec des images fran9aises!" 3 II insiste alors que "Traduire n' est pas chercher des equivalents". 4 Car chercher des equivalents "c' est refuser d' introduire dans la langue traduisante 1' etrangete du proverbe original, ... C' est refuser de faire de la langue traduisante '1' auberge du lointain'". Cette traduction " 'litteralisante' constitue ... le continent nair de 1'histoire de la traduction occidentale. " 5 En refusant 1' equivalence semantique en traduction, Antoine Erman prone une traduction ethique qui respecte la 'lettre' de !'original sans faire un mot-a-mot servil. L'etiquettage de Peter Newmark nous propose le meme dilemme. La traduction semantique appartient plus au domaine des equivalents. I ibid. p.35. 2 ibid. p.36. 3 ibid. p.80. 4 ibid. p.80. ~ibid. p.37. · 34 Elle essaie de trouver des equivalents au contenu semantique des mots dans le texte-source. L'emphase est d'emblee sur le sens du texte. La traduction 'communicative' est synonyme d'adaptation culturelle du TS de fa~n ace qu'il soit plus accessible au public cible. 1 Le couple 'prospective translation/retrospective translation' est defini par Snell-Homby en termes suivants. Si la traduction est orientee vers la fonction du texte cible, dans une culture cible, par exemple la traduction d'une publicite en tant que publicite pour un public cible, la traduction est dite "prospective". Si la traduction respecte les prescriptions du texte-source elle est "retrospective."2 Bref, pour Burton Raffel, il n'y a pas de theorie de traduction, il n'y a que deux camps ... les litteralistes et ceux qui font des traductions libres! D' apres lui : The basic THEORY, it seems to me, is essentially the same in both cases the translator's task is to recreate, for someone without the linguistic ability to do the job for himself, a pre-existing poetic experience. 3 Comme reitere Alan Duff, citant Leonardo da Vinci, qui s' adressait aux peintres, que celui qui peut aller ala fontaine n'ira pas au pot d'eau. Ce n' est que ceux qui ne peuvent pas lire 1' original qui liront la 1 Newmark (1981) op.cit. p.5. 2 Snell-Homby, M. (1988). op.cit. pp.43-44. 3 Raffel, Burton (1971). The Forked tongue, The Hague: Mouton, p.ll. 35 traduction. I Pour Raffel, Ia theorie de base est Ia meme dans les deux camps-la tache du traducteur est de recreer, pour ceux qui n'ont pas Ia possibilite linguistique de faire le travail eux-memes, une experience poetique pre existante. ll compare les differences entre ces deux sections comme les differences entre deux rperes qui ont des enfants assoiffes. L'une prefere emmener I' enfant a l'eau, alors que l'autre prefere apporter de l'eau a l'enfant. 2 Quoique simpliste cette proposition, elle semble resumer ce vieux debat academique. Ou en termes plus clairs et succincts, Schleiermacher demontre: Ou bien le traducteur laisse le plus possible l'ecrivain en repos, et fait se mouvoir vers lui le lecteur; ou bien il laisse le lecteur le plus possible en repos, et fait se mouvoir vers lui l'ecrivain. 3 Notions contingentes Ce qui ressort de cette discussion sont les notions cles de tout discours sur la traduction : 1' equivalence et done la fidelite. n s 'agit toujours du rapport entre l' original et sa traduction. Cependant ce terme pose un probleme, car '"le concept d' equivalence reproduit l'ambigulte de 1 Duff, Alan ( 1981). The Third Language, Oxford • Pergamon Press, p. I . 2 Raffel, B. (1971). op.cit. p.I2. 3 Cite dans Berman, A. (1984) op.cit. p.235. 36 la traduction." 1 S'agit-il en effet "d'une identite de parole a travers Ia difference des langues"2 proposee par Ladmiral, ou s'agit-il des equivalences de langues, comme ont cru Ia plupart des linguistes contrastives tels Vinay Darbelnet, ou serait-il une equivalence de sens, ou de messages, ou contextuelle, ou ... autre? Andre Lefevere nous revele, "The main problem with equivalence is, of course, that translators and translations scholars cannot agree on either the kind or the degree of equivalence needed to constitute real equivalence." 3 Alors s'il n'y a pas d'accord sur le tenne ni sur le degre d'equivalence c'est que le tenne est devenu si flou il ne designe plus rien, ou, inversement, il designe toutes sortes de choses a toutes les personnes qu'il est vide de sens actuellement! Lefevere dit que le tenne prend son depart avec les ecrits de Gideon Toury qui parle de "traduction adequate" pour chaque texte original. 4 Susan Bassnett no us conseille "Equivalence in translation, then, should not be approached as a search for sameness, since sameness cannot even exist between two TL versions of the same tex~ let alone between the SL and the TL version." 5 S'il n'est pas possible de trouver des equivalences dans une meme langue, il est certes impossible d'en trouver entre des paires de langues! 1 Ladmiral, J.R. (1979). op.cit. p.l7. 2 ibid. p.l7. 3 Lefevere, A. (1992 b). Translating Literature, New York: the Modem Language Association of America, p. I 0. ~ibid.p.IO. 5 Bassnett, S. (1992). op.cit. p.29. 37 Chercher des equivalences nous ramenent forcement a la question de fidelite. Ce terme a ete identifie a plusieurs courants a travers les differentes epoques selon les auteurs. A.H. Albir nous demande de fayon succincte : fidelite a quoi? et il nous expose : "Un eventail de fidelites apparait: ala langue de depart, ala langue d'arrivee, au destinataire de la traduction, a l'epoque de l'original..." 1 A cette liste on peut aj 'Uter d'autres -au vouloir dire de l'auteur, aux moeurs de l' epoque du moment de la traduction, au courant litteraire actuel, a la position et au but du traducteur, a la lettre ou a l' esprit, et ainsi de suite. Les tenants de la Theorie du sens, affinnent que "La fidelite reste definie comrne une fidelite au sens. " 2 Ils sont d' avis que la fide lite a la lettre ou a l' esprit proposee par Ladrnirae est un faux probleme car le sens est une synthese de ces deux conceptions, et constitue 1' invariant en traduction. 4 En consequence, qui dit fidelite dit trahison. Traduttore tradittore dit l'adage italien. Le traducteur est traitre s'il n'est pas fideleun diction qu' on developpera plus tard mais qui recouvre tout le probleme de la traduction. La question reste : fidele aquoi? Quoiqu' il en so it c' est un terme sans une definition operatoire satisfaisante. 1 A ces notions viennent se greffer d'autres notions . Albir, A.H. (1990). op.cit p.39. 2 Albir, A.H. (1990 a). "La fidelite au sens, un nouvel horizon pour Ia traductologie., dans Lederer, M. Etudes Traductologigues, Paris: Minard, p.79. 3 Voir Ia discussion dans Ladmiral, J.R. (1979) op.cit. p.16. 4 Voir Albir, A. H. (1990 a). op.cit. pp. 78-79. 38 contingentes-traduction litterale: litteralite egale-t-elle traduction mot a mot, des signifiants ou des signifies, des elements culturels, ... ; traduction libre : liberte de quoi? liberte de la langue d'arrivee, ou libere-t-on le texte-source de son contexte ou, liberte de contenu? 1 Ces notions de litteralite ou de litterarite, fondees sur la fide lite et 1' equivalence, mettent en avant la question epineuse de traduisibilite et d'intraduisibihte. Catford distingue deux types de traduisbilite - linguistique et culturelle. "On the linguistic level, untranslatability occurs when there is no lexical or syntactical substitute in the TL for an SL item." " ... Cultural untranslatability is due to the absence in the TL culture of a relevant situational feature for the SL text."2 C'est ce qu'explique Susan Bassnett. Au niveau linguistique I' intraduisibilite est due a un manque de substitut lexical ou syntaxique dans la LC pour un terme dans Ia LS, et, au niveau culture!, il manque une situation equivalente pertinente dans la culture cible. Walter Benjamin ratsonne que " ... if translation is a model, translatability must be an essential feature of certain works. " 3 Quant a Derrida: A text lives on only if it is at once translatable and untranslatable. Totally translatable, it disappears as a text, 1 Pour une discussion plus detaillee voir Albir, A.H. (1990). op.cit. p.40. 2 Bassnett, S. (1992). op.cit. p.32. 3 Cite dans Benjamin, Andrew (1989). Translation and the Nature of Philosophy. London & New York: Routledge, p.89. 39 as writing, as a body of language Totally untranslatable, even within what is believed to be one language, it dies immediately. 1 Si till texte ne vit que s'il est traduisible et intraduisible en meme temps d'apres Derrida, c'est parce que s'il est completement traduisible le texte disparait en tant que texte, en tant qu'ecriture. Totalement intraduisible, le texte, a l'interieur d'une meme langue, il meurt immediatement. Walter Benjamin et Derrida parlent done de la vie et de l'apres-vie d 'till texte, ce que le dernier appelle le 'double bind'. A. Berman presente l'intraduisible de deux manieres - qu'till texte, en l' occurrence la poesie, ne peut pas etre traduite, ou bien qu'elle ne doit pas etre traduite. 2 Dans la tradition religieuse, la traduction etait parfois per~ue comme till blaspheme - comme, par exemple, la tradition juive qui s' en mefiait beaucoup, done la traduction ne devait pas etre faite. Par contre, Ia poesie ne peut pas etre traduite facilement. l'intraduisiblite d'till poeme a ete "vecue comme tille valeur. Certes, on exalte aussi Ia traduisibilite est l'till des modes d 'auto-affirmation d'tm texte."3 Tout ecrit tient en lui tille part d'intraduisible : tres elevee dans la poesie et reduite dans till texte technique, precise A. Berman. Berman discute de ce concept en prenant appui de Mounin qui pose le probleme dans son livre Problemes theoriques, "les langues, 1 cite dans ibid. p. 5. 2 Berman, A. (1985), op.cit. p.60. 3 ibid. p.60. 40 morphologiquement, syntactiquement, lexicalement, etc., tendent a rendre impossible toute traduction, sauf a un niveau d'approximation ou les 'pertes' sont plus elevees que les 'gains' ." 1 Mounin donne l'exemple de diverses sortes de pain dans un coin de Ia France qui se trouveraient dans un texte ou il n'y aurait pas de possibilites de traduction. Berman appelle cela "une plage d'intraduisibilite"2 linguistiquement parlant, car une autre langue ne possederait pas Ia meme multiplicite de termes. Pour lui le plan de traduisibilite est autre. Face a une telle tache un traducteur a plusieurs choix : la francisation (dans son cas), 1'emprunt, et le neologisme, ou la non-traduction. Il ajoute egalement la compensation, le decalage (changement de place d'un element), ou un remplacement homologue. Ces modalites, affinne-t-il, dissolvent l'intraduisible. C'est le "langage potentiel" tel qu'il est esquisse par Efim Etkind. 3 Voila ce que propose Berman. "Developper ces potentialites (qui varient de langue en langue), telle est la tache de la traduction, qui progresse done vers la decouverte de la 'parente ' des langues. '"' D' autres ont appele cela la transposition, !'adaptation, etc. comme Vinay et Darbelnet avec leurs Procedes de traduction. 5 1 cite dans Berman, A. (1984). op.cit. p.301. 2 ibid. p.302. 3 ibid. p.303. 4 ibid. p.303. ~ voir Vinay, Jean et Darbelnet, ( 1977). Stylistigue Comparee, Laval: Editions Beauchemin, pp.46-55. 41 Ce probleme d' intraduisible, nomme "I' objection prejudicielle" par Ladmiral mene a Ia question fondamentale: Ia traduction est-elle possible? "Tout est traduisible et/ou : Ia traduction est impossible. " 1 Voila l'antinomie traditionnelle de Ia traductologie. Ainsi, a partir de ces quelques notions fondamentales du debat sur la traduction, il ne serait pas inutile d' envisager tres brievement, les grands moments historiqucs de ces differentes tendances, en vue de mieux comprendre le discours actuel. II est egalement important de savoir que 1' activite traduisante actuelle est d' une importance statistique immense qui "est la continuation d'une activite passee dont on n'a pas toujours conscience et dont on ne me sure pas toujours le poids ... " 2 Pour mieux mesurer son apport sur le discours actuel, nous entamons un survol des differents moments de la traduction au passe. La Traduction au passe, en Occident La retlexion sur la traduction au passe : revet essentiellement trois formes : a - celle de remarques incidentes sur la traduction dans un texte d'un autre sujet, meme si celui-ci est de nature connexe ... b - celle des innombrables prefaces que les traducteurs eprouvent le besoin d'apposer en tete de leur travail des la fin du Moyen Age et les debuts de la Renaissance. 1 Ladmiral, J.R. (1979). op.cit. p.l6 2 Ballard, M. (1995). De Ciceron a Benjamin, Lille: Presses Universitaires de Lille, p.ll. 42 c - celle des traites specifiques ou de travaux plus ou moins consequants prenant I' allure de traites. 1 Sans nous referer a ces textes ongmaux eux-memes, nous analyserons les classenients faits par quelques grands theoristes dans ce domaine, quoi qu'il n'y ait ace sujet pas autant d'ecrits qu'il y en a sur les 'manuels de comment bien traduire'. Comme no us le signale Michel Ballard, les ouvrages ou il y a des references historiques suivent trois schemas : soit il y a un chapitre consacre precisement a ce sujet ou la chronologie est bien balisee, soit il y a un melange de references historiques et de chapitre chronologique, soit existe-t-il des references constantes a caractere historique, tout au long de 1' ouvrage, pour illustrer un point precis ou une etude generale de la traduction. 2 Le premier grand qui ait fait une periodisation est le celebre George Steiner. Dans le quatrieme chapitre d' Apres Babel, Steiner divise toute l'histoire de la traduction en quatre grandes etapes, meme s'il n'y a rien d' absolu dans ces lignes de demarcation. La premiere etape s' etend de 46 av JC, avec la declaration de Ciceron et d'Horace de ne pas traduire verbum pro verba mais de traduire sed sensum exprimere de sensu - pas mot a mot, mais sens pour sens, jusqu'a 1804, avec Holderlin qui commente sa traduction de Sophocle. Il inclut dans cette vaste periode tous les grands noms tels St. Jerome, Luther, du Bellay, Montaigne, I ibid. p.271. 2 ibid. p.l4. 43 Jacques Amyot, Ben Johnson, Dryden, Quintilien et Jonson, Pope, Schleiermacher, .. . Ce demier se trouve sur cette liste meme si son essai a paru en 1813, et se retrouve sur Ia deuxieme aussi. D'apres lui, "cette premiere periode se caracterise par une orientation empirique prononcee" 1 car les commentaires sur les problemes restent a l'etat d'ebauche. "La deuxieme etape est celle de Ia theorie et de la recherche hermeneutique. La question de la nature de Ia traduction est replacee dans le contexte plus vaste des theories de l'esprit et du langage." Il explique cette demarche hermeneutique comrne "l'analyse de ce qu'est 'comprendre' un discours oral ou ecrit et Ia tentative pour identifier ce processus a l'aide d'un modele general de la signification ... " 2 C'est Schleiermacher qui lance ce courant, repris par Schlegel et Humboldt. La philosophie vient se marier a la question de la traduction. La tache. du traducteur et les rapports entre les langues sont explores par Goethe, Mathew Arnold, Paul Valery, Ezra Pound, Walter Benjamin, Ortega y Gasset, ... cette phase prend fin avec l'ouvrage de Valery Larbaud, Sous !'invocation de saint Jerome, en 1946. "Apres cela, on plonge pour de bon dans le courant modeme. Les premiers articles sur la traduction automatique circulent autour des annees 40."3 La theorie. linguistique et la methode statistique se voient 1 Steiner, G. (1978). op cit p 224 2 ibid. p.225. 3 ibid. p.225. 44 appliquees a la traduction. On essaie de "cemer les rapports entre la logique formelle et les modeles de transfert linguistique" 1 surtout dans l'oeuvre de Quine Word and Object en 1960. Les associations professionnelles et revues specialisees se creent et se multiplient. travail de Fedorov entre dans cette periode. le Deux ouvrages sont de renomme : On Translation par Reuben A. Brower en 1959, et The Craft and Context of Translation par Arrowsmith et Shattuck en 1961. C' est une phase qu' on vit toujours, ou 1' on voit de multiples approches a la traduction : logique, litteraire, semantique, comparative, ... Cependant, "depuis le debut des annees 60, 1' accent s' est deplace."2 L'article de Walter Benjamin "Die Aufgabe des Uebersetzers" paru en 1923, mais "decouvert" dans les annees 60, a provoque un nouveau courant hermeneutique, presque metaphysique de la traduction et de !'interpretation. Steiner y pervoit le "declin des espoirs de la traduction automatique." C'est dans cette periode que "l'etude de la theorie et de la pratique de la traduction s'installe disciplines confirmees et recentes. a la charniere de Elle etablit une synapse qui fait communiquer les recherches menees en ·psychologie, anthropologie, sociologie et des branches intermediaires comme 1' ethnolinguistique et Ia sociolinguistique."3 Que toute communication est une traduction, I ibid. p.225. 2 ibid. p .225. 3 ibid. p.226. 45 proposition defendue de Navalis et Humboldt, acquiert de vigueur. A cela s'ajoute l'influence de Heidegger et de Gadamer. Ceci dit, Steiner estime qu' en depit de cette longue histoire, <.<.le nombre d' idees originates et marquantes sur la question est fort limite." II ajoute "Depuis deux mille ans qu' on en debat et qu' on legifere, les certitudes et les desaccords sur la nature de Ia traduction soni, pour ainsi dire, les memes." 1 Or, tout le monde n'est pas d'accord avec la classification de Steiner. Michel Ballard, pour sa part, explique "ce qui nous gene dans Ia classification de Steiner... c' est son caractere peremptoire et frustrant. " 2 Steiner ne developpe pas, ni justifie, cette classification. Ballard s' attend a une argumentation, une description des modeles et il n'y trouve rien pout justifier le regroupement "en une sorte de bloc magmatique mille huit cents annees d'histoire de la traduction, qui serait suivi par un siecle de reflexion hermeneutique et puis deux breves periodes de trente a quarante ans chacune. " 3 Antoine Berman, par contre, se heurte contre le flou de cette classification. Il estime que, "Nous ne pouvons pas nous satisfaire des periodisations incertaines que George Steiner a echafaudees dans Apres 1 ibid. p.226. 2 Ballard, M. (1995) op.cit. p.l8 3 ibid. pp.l8-19. 46 Babel a propos de 1'histoire occidentale de Ia traduction. " 1 II croit, a raison, qu' on ne peut separer cette histoire de celle des langues, des litteratures et des cultures, des religions de chaque nation. Pour lui, il s'agit "de montrer comment, a chaque epoque, ou dans chaque espace historique donne, Ia pratique de la traduction s 'articule litterature, des langues, interlinguistiques. " 2 des divers Le plurilinguisme echanges a Ia a celle de la interculturels et fin du Moyen Age, par exemple, produisait des cas d'auto-traductions. Il existait egalement des genres assignes a differentes langues, la poesie lyrique au proven9al, le recit au fran9ais, donnant un autre sens a la traduction aux hommes de cet age, qui maniaient facilement plusieurs langues. Ce manque de reseau culture! chez Steiner lui fait defaut. Susan Basnett considere "His quadriparti_te division is, to say the least, highly idiosyncratic ... ". 3 Elle explique clairement la difficulte de faire une etude diachronique de la traduction et elle montre comment une telle division est pleine de desequilibre, "For his first period covers a span of 1700 years while his last two periods cover a mere thirty years.'>'l Michel Ballard faisait echo a ses opinions. Elle cite Lotman "human culture is a dynamic system.''5 pour illustrer qu'il est presque impossible 1 Berman, A. (1984). op.cit. p.l2. 2 ibid. pp.l2-13. 3 Bassnett, S. (1992), op.cit. p.4l. 4 ibid. p.41. 5 ibid. p .41. 47 de diviser des periodes selon les dates. Elle cite l'exemple de Chaucer et de Petrarque qu' on saurait ranger so it parmi les gens du Moyen Age so it parmi ceux de Ia Renaissance. Cependant, il y a des courants de conceptions de la traduction qui sont de rigueur a des momerits dans l'histoire. Antoine- Berman, par exemple, dans L'epreuve de l'etranger 1, a fait une excellente etude des Romantiques allemands - de Navalis a Schleiermacher - compares aux travaux faits par Herder, Goethe, Humboldt, et Holderlin, pour montrer une certaine orientation conforme a l'epoque. Andre Lefevere, pour sa part, a recueilli des documents De Luther a Rosenzweig pour montrer une tradition allemande de traduction, dans Translating Literature : The German Tradition. 2 II y a bien d'autres exemples qui etablissent des traditions d'une epoque precise dans 1'histoire. Practising Translation in Renaissance France3 par Worth prend l'exemple d'E. Dolet et fait une etude systematique de la pratique de traduction a l'epoque. Michel Ballard nous presente une division ou il existe un consensus, quoi qu'avec des reserves : Antiquite, Moyen Age, Renaissance, XVIIe siecle, XVIIIe siecle. 4 Ce reperage est egalement 1 Berman, A. (1984). op.cit. 2 Lefevere, A. (1977). Translating Literature : The German Tradition, from Luther to Rosenzweig, Assen/Amsterdam: Van Gorcum. Worth, Valerie (1988). Practising Translation in Renais~ance France, Oxford : Clarendon Press. 3 4 Ballard, M. (1995). op.cit. 48 accepte par Susan Bassnett. 1 Michel Ballard precise que I' Antiquite, pour lui, s' etend de 4000-3000 av. J. C. jusqu' en 476, c' est-a-dire de l'apparition de l'ecriture ala deposition du demier empereur romain. Il fait un eventail des civilisations sumeriennes, egyptiennes et autres pour montrer la fonction de l'interprete et du traducteur. Il intitule cette periode ''Aux Sources d'une opposition fondamentale" 2 celle qui etablit d'abord l'antinornie mot/sens. Au Moyen age, les textes sacres servent de base a des traductions dans des langues dites vemaculaires. La traduction est une source d'inspiration libre. comme relais" 3 - Cette periode voit "La Traduction titre du deuxieme chapitre. Au IXe et Xe siecles les ecoles arabes servent de relais de transmission de textes informatifs. En France, on evite le "mot a mot pour des raisons de clarte et d' elegance.'><t Ce genre de traduction, encourage par des souverains, surtout Charles V, rend accessible les textes latins et grecs, ne reserves alors qu'aux erudits, aux profanes. C' est une fayon d' enrichir les langues du peuple a l'epoque. "La traduction comme decouverte et comme horizon"5 caracterise la Renaissance. Une grande activite de traduction se developpe grace ala redecouverte de l' Antiquite, a !'invention de l'imprimerie, puis les 1 Bassnett, S. (1992). op.cit. 2 Ballard, M. (1995). op.cit. pp.21-55. 3 ibid. pp.57-89. 4 ibid. p.86. s ibid. pp.91-146. 49 controverses liees a Ia Reforme. "Dans le domaine religieux, on prone le retour a l' original et I' on pratique d' importants travaux d' exegese qui entraine de nouvelles traductions des textes sacres." "Du Bellay et Amyot preparent en fait Ia voie aux "Belles Infideles". 1 Le bon gout reglemente Ia fa9on de traduire. Les Belles lnfideles des XVIle et XVIlle siecles constituent l' age d'or d'un type de traduction. C'est }'adaptation complete des textes ongmaux aux eXIgences de l' epoque, aux normes classiques, nous dit Fedorov. 2 Le XIXe siecle voit done une reaction a cela surtout chez les Allemands romantiques, commencee deja au milieu du siecle dernier, ou la traduction est dite archa1sante, voire du litteralisme, fondee sur le principe "qu'une langue a tout a gagner a accueillir les particularites d'une autre langue."3 Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait a l'epoque des traductions dites libres. Les deux tendances existaient a travers le temps, mais il y a des moments ou l'une l'emporte sur l'autre sans que I' autre soit totalement absente. La preeminence peut varier mais la coexistence des deux tendances est possible comme c' est le cas actuellement. I ibid. p.262. 2 cite dans ibid. pp.l48. 3 ibid. p.263. 50 Paul Horguelin, dans son excellent ouvrage, Anthologie de Ia maniere de traduire, 1 opere une division semblable mais un peu plus nuancee. Comme les autres, il commence avec "Les precurseurs latins", datant du troisieme millenaire avant JC "les premieres attestations d'une activite de traduction." avec Ia decouverte des tablettes en cuneifonnes mises a jour a Ninive, ou il se trouvaient des lexiques bilingues et trilingues. 2 II presente des traductions des Romains de I' epoque pour montrer leur influence sur les Franyais. "Les premiers translateurs" du Moyen Age produisaient des traductions "approximatives, glosees, et moralisantes : on traduit "pour l'amour de Dieu", "pour le bien commun", a }'intention d'un public qui ne lit pas le latin, et dans une langue encore en voie de formation. " 3 "Les traducteurs de Ia Renaissance" assuraient Ia naissance des litteratures indigenes, "la culture greco-latine passe du service de Dieu au service de l'homme" dit Horguelin. 4 C'est en fait Robert Estienne qui introduit le verbe traduire dans Ia langue franyaise en 1539, "ou il remplace rapidement l' ancien terme translater et ses synonymes, tourner ou mettre en franyais. Etienne Dolet y ajoute traducteur et traduction en 1540."5 Leur mission etait de "faire connaitre a un nouveau public 1 Horguelin, Paul (l98l). Anthologie de la maniere detraduire, Montreal: Linguatech. 2 ibid. p. 17. 3 ibid. p.26. 4 ibid. p .43. 5 ibid. p.44. qui 51 ignorait le latin les richesses de Ia culture antique en lui proposant des exemples et des regles de conduite. Ce sont des vulgarisateurs et des moralisateurs. " 1 Le XVIIe et le XVIIIe siecles, le temps des "Belles Infideles", est 1' epoque du gout et de la raison, la peri ode des Precieuses qui dictent les regles de la bonne societe. II n 'y a pas eu de rupture entre le X VIe et le XVIle siecles pour leur source d'inspiration, mais ce qui les distingue c'est le changement d'attitude vis-a-vis leur propre langue. D'un complexe d' inferiorite de la Renaissance, c' est une attitude de superiorite envers leur langue. Ceci se reflete dans la maniere de traduire aussi. La qualite du style les preoccupe et influence leur traduction des Anciens. " ... dans leur recherche de la clarte et de 1' elegance et de la concision, ils [les traducteurs] en viennent a critiquer et a cqrriger les auteurs qu'ils traduisent. " 2 C' est 1' ere de Ia francisation. Horguelin resume bien, "Telles sont les 'belles infideles': des traductions qui, pour plaire et se conformer au gout et aux bienseances de 1' epoque, sont des versions 'revues et corrigees' par des traducteurs conscients (trop, sans doute) de la superiorite de leur langue et de leur jugement. On est loin de l'humilite des premiers translateurs ... " 3 Les grands noms litteraires etaient egalement des noms des traducteurs de 1' epoque, dit Horguelin : Corneille, Racine, Moliere, La Fontaine ... Ils ont done contribue a la I ibid. p .45. l ibid. p.76. 3 ibid. p.76. 52 formation meme du gout classique de la litterature a I' epoque des traductions mot a mot aussi fran~aise. II persistait mais sans devenir le mode dominant. "Le retour du pendule" 1 s'annonce avec le XIXe siecle, le debut du romantisme, reaction contre le classicisme. Les Romantiques cherchent leur inspiration dans les oeuvres du Moyen Age, les auteurs du Nord, et les civilisations exotiques. D'autres courants litteraires - realistes, naturalistes, symbolistes, positivistes, ... se succedent et influencent l'activite traduisante. "Ce qui frappe, toutefois, c'est la nette predominance d'un mode de traduction qui, contrairement aux epoques precedentes, ne laissera guere de place aux courants divergents. " 2 Horguelin revele "Le mot a mot scrupuleux, le calque systematique deviennent la marque du nouveau 'systeme de traduction'. 3 La litterarite est de nouveau le but a atteindre, le dogme a suivre. Cette pratique s' appelle aussi "Ia traduction archeologique" par Delcourt ou la · "traduction-reconstitution historique" par Mounin. 4 traduction se fait a partir En France, la des litteratures anglaise et allemande, les litteratures americaine et russe au premier rang. Ensuite viennent les litteratures italienne et espagnole, suivies par les litteratures orientales. La traduction non-litteraire se pratique de I ibid. p.147. 2 ibid. p.l47. 3 ibid. p.148. 4 ibid. p.l48. fa~on vigoureuse aussi. La 53 traduction devient "une oeuvre d' erudits destinee a des erudits, bref, de I' art pour I'art." 1 C' est au XXe siecle de faire la synthese entre les deux tendances qui font ce 'mouvement de balancier' depuis I' Antiquite a nos jours. "Un demi-siecle de transition"2 nous rappelle Horguelin, ou dans Ia traduction litteraire il y a le respect de I' original sans se soumettre au mot a mot; Ia traduction scientifique, technique, commcrciale prend de I' amp leur a I' ere des communications. Les traducteurs communiquent entre eux et essaient de se regrouper et de s'organiser, et commencent a parler d'une "theorie de Ia traduction". 3 Si Michel. Ballard a fait une periodisation en 5 parties dans son livre "De Ciceron a Benjamin", il est important de savoir que d'autres ont aussi recueilli des textes, de diverses epoques sans toujours donner des cadres chronologiques bien distincts, pour des periodes precises. Ils se contentaient de faire plut6t des divisions thematiques. Tel est le cas de !'excellent ouvrage d' Andre Lefevere, Translation!History/Culture. 4 Survolant vingt siecles d' ecrits sur la traduction, il presente des extraits sous des rubriques comme suit : 1) The role of ideology in the shaping of a translation (Le role de l'ideologie dans Ia formation de la traduction), 2) I ibid. p.l49. 2 ibid. pp.l77-204. 3 ibid. p.l78. 4 Lefevere, A. (1992 a). op .cit. 54 The power of patronage (Le pouvoir du patronage), 3) Poetics (La poetique ), 4) Universe of Discourse (Univers du discours ), 5) Translation, the development of language and education (La traduction, le developpement de Ia langue et de I' education), 6) The technique of translation (La technique de Ia traduction), 7) Central texts and central cultures (Les textes et cultures du centre), 8) Longer statements (Des remarques plus longues ). Rainer Schulte et John Biguenet ont rassemble des textes des deux siecles derniers, ajoutant 1' extrait de Dryden pour montrer sa pertinence meme aujourd'hui, dans leur etude intitulee Theories of Translation : An Anthology of Essays from Dryden to Derrida. 1 C' est une etude interessante dans la mesure ou sont compris egalement les auteurs contemporains dissertant sur Ia traduction, tels Octavio P~ et Jacques Derrida pour ne prendre que deux noms, a titre d'exemple. Tendances des traductions en lode Puisque la traduction a toujours joui du statut d'une nouvelle ecriture, le concept de la fidelite a !'original ne trouvait pas d'adeptes! Cette tendance a ete nourrie par Ia tradition orale de raconter des histoires avec des interpretations personnelles de chaque raconteur. Les grandes epopees de l'Inde en sont Ia preuve. Il n'y a pas de Mahabharata ni de 1 Schulte, Rainer et John Biguenet (1992}. Theories of Translation, An Anthology of essays from Dryden to Derrida, Chicago & London, University of Chicago Press. 55 Ramayana original a laquelle tout le monde fait obeissance. Seton les langues et les regions, il y a autant de versions de attribue ces epopees a plusieurs auteurs, comme chacune~ Si l'on a Pampa, le Mahabharata en kannada, ou a Kashiram Das celui en bengali, a Kambhan le Ramayana en tamoul, a Valmiki le meme en sanscrit, a Tulsi Das celui en hindi, et ainsi de suite, c' est que Ia traduction a ete accordee le statut d'oeuvre originate! C'etait le cas pour les traductions a l'interieur du pays. Quant aux traductions des oeuvres non litteraires, au passe historique, 1' Inde a ete contrib~e a la a Ia source de savoir scientifique et a beaucoup propagation des travaux scientifiques. Ceux-ci ecrits habituellement en sanscrit, langue savante de l'lnde, ont ete traduits deja au 6e siecle av J.C.! Grace a des liens culturels avec le monde mediterram!en, l'Egypte et la Byzance, "Des notions de medecine indienne sont presentes dans le Timee de Platon, les ecrits des medecins et encyclopedistes romains et chez les medecins grecs Dioscoride ... et Galien ... " 1 Reciproquement, les travaux grecs d'astrologie ont trouve la voie vers l'Inde grace ades traductions faites par uncertain Yavanesvara, en 1' an 150. Les sciences indiennes touchent les pays suivants - Ia Chine, le Tibet, le Japon, l'Indochine, et encore d'autres. La traduction sert a propager la connaissance dans les deux sens. Avee le debut du colonialisme, au XVIe siecle, 1' Inde entre en contact avec la science occidentale plus recente. "La presence de ces 1 Delisle, Jean et Judith Woodsworth (1995). Presses de l'Universite d'Ottawa, p.ll6. Les Traducteurs dans l'histoire, Ottawa, 56 etrangers occasiOnne une forte demande de traduction de la part des jesuites, des voyageurs ou des charges de mission politique" 1 nous exposent Delisle et Woodsworth. Les textes sanscrits sont alors traduits en langues europeennes. Comme nous signale Tejaswini Niranjana, "That translation became part of the colonial discourse ts obvious from the late eighteenth century British efforts to obtain information about the people ruled by the merchants of the East India company. " 2 La traduction fait partie alors du discours colonialiste avec les efforts des Britanniques d'obtenir de !'information des peuples regnes par des marchands de la compagnie des Indes orientales. Cette pratique de traduction a aide a non seulement expliquer les Orientaux aux orientalistes, mais aux orientaux eux-memes. Et ce fut le grand orientaliste Sir William Jones qui etait responsable a presenter l'Inde textuelle aux Europeens. II n'a pas voulu se tier aux Indiens qui etaient peu fiables, selon lui. Les Orientalistes ont done commence a apprendre les langues indigenes pour pouvoir traduire les anciens textes des 'Hindoos', introduisant le concept occidental de fidelite en traduction! Done le sanscrit suivi par le tamoul sont les langues sources initiative de traduction des textes anciens. Jones se bomait a cette a gouvemer les Indiens par leur propre loi, resultant a la traduction des lois de Manou, le 'Dharmasastra'. I 2 Ce genre de traductions importantes ont rendu ibid. p.JJ7. Niranjana, Tejaswini (1992). Siting translation, Berkeley, L.A., Oxford : University of California Press., p.ll. 57 certaines versions des orientaux comme authentiques meme dans le pays d'origine de ceux-ci! Liees avec !'introduction de l'education des indigenes en anglais, par Ia Resolution de mars 7, 183 5, les traductions en anglais ont donne a 1' Indien eduque une certaine version de lui-meme, de son passe, comme une representation authenttque. "English education also familiarized the Indian with ways of seeing, techniques of translation, or modes of representation that came to be accepted as 'natural' ." 1 Ces traductions des anciens textes indiens faites par des colonisateurs ont resulte a des remarques telle celle de Macaulay, qui a dit qu'une seule etagere de Ia litterature europeenne valait toute les litteratures de I' Inde et de 1' Arabie! 2 Ce qui a done incite les Indiens aentreprendre leurs propres traductions, une fois atteint l'Independance, en vue de montrer Ia richese de leur patrimoine litteraire, si denigre par les traductions des Occidentaux! Sans se limiter seulement a des textes anciens comme faisaient les Orientalistes - pour montrer le passe glorieux des Indiens et leur degenerescence par Ia suite - , les Indiens ont pris !'initiative de traduire les textes memes recents - une entreprise qui a l, air de continuer meme aujourd'hui. Cette pratique de traduction est un acte de resistance contre les representations hegemoniques, est un acte de reecriture de notre propre passe. II existe dans I' Inde independante peu d' organismes qm peut profiter de fonds alloues I ibid. p.31. 2 ibid. p .31. a Ia traduction en anglais des langues 58 regionales. I L' Academie des lettres, Sahitya Akademi, au debut envisageait des traductions litteraires en anglais, mais se concentre plus aux. histoires litteraires, des biographies d'auteurs, et des oeuvres de references, en anglais. mais sa periodique litteraire continue a etre publiee en anglais. Elle fait des traductions en plusieurs langues d'une oeuvre litteraire, en vue de promouvoir 1'unite culturelle du pays, et elle deceme des prix litteraires annelles a cette fin. La 'National Book Trust' fait un travail pareil entre diverses langues indiennes, mais pas en anglais. les maisons d 'edition connaissent actuellement un essor enorme en traductions, parmi les plus grandes, on peut citer Macmillan, qui a deja sorti deux series de traductions - Modem Indian Novels in Translation, qui sont des oeuvres modemes d' auteurs individuels et pas des anthologies, et Penguin et Rupa qui pretent plus d' attention a ce sujet maintenant, et presentent aussi des ecrivains assez connus. n est necessaire de faire mention de la serie de 'Katha', qui sort des volumes de 'Prize Stories', sept jusqu' a present. lls offrent des anthologies de traduction, de diverses langues, des nouvelles essentiellement, et viennent d'en sortir une sur les ecrits de femmes, Separate Journeys, sortie malheureusement trop tard pour etre incluse dans la periode d'analyse de cette etude. Ce qu'on peut done conclure c'est que l'interet reside dans les traductions, mais a quel point, et dans quel but, c' est a voir encore. Ce qui ressort de notre petit survol c' est 1' apport de l'histoire dans la pensee et l'activite de la traduction contemporaine. I Pour plus de details ace sujet voir Mukheijee, S. (1994). op.cit. pp.l4-1S. Cet aper~u 59 demontre le statut de la traduction et du traducteur, le langage employe pour parler de ce travail, les tentatives de definir ce qu' est la traduction ou un traducteur, ce qui indique !'attitude et I' approche adoptees a travers le temps envers cette activite. Le langage image employe, qu'on n'a pas encore examine en detail, est issu du langage metaphorique, et revele beaucoup sur le statut secondaire de Ia traduction, et sera 1' objet d'analyse dans Ia partie suivante. Metaphores de Ia traduction "que Ia traduction ne parvienne a etre 'definie' que par des metaphores." 1 Antoine Berman. . Depuis toujours il y a plus de definitions metaphoriques de la traduction que des definitions conceptuelles ou scientifiques. Par consequent, le langage employe est tres image et pittoresque. Ce qui lie toutes ces definitions c' est le statut accorde a Ia traduction comme activite secondaire, ou meme comme une activite suspecte done denuee de valeur, activite negative. Chateaubriand a declare "la traduction n' est pas la personne : elle n'est qu'un portrait". 2 Montesquieu l'a con~u en termes suivants "Les 1 2 Berman, A. (1985). op.cit. p.60. cite dans Van Hoof, Henri (1989). Traduire l'anglais, Paris- Louvain- 1a-Neuve: Duculot. p.10. 60 traductions sont comme ces monnaies de cuivre qui ont bien la meme valeur qu'une piece d' or, et meme sont d'un plus grand usage pour le peuple; mais elles sont toujours faibles, de mauvais aloi. " 1 Cervantes, a son tour, commente "ll me semble qu'en traduisant d'une langue dans une autre ... on fait justement comme celui qui regarde arebours les tapisseries de Flandre : encore que 1'on voie les figures, elles sont remplies de fils qui les obscurcissent, de sorte que 1' on ne peut les voir avec le lustre de 1' endroit. " 2 Madame de Stael constate "Une mus1que composee pour un instrument n'est point executee avec succes sur un instrument d'oo autre genre." 3 Dans ce siecle, Edmond Cary a d:it en termes similaires, "Vouloir traduire Pouchkine, a-t-on dit, c' est essayer de rendre en sculpture une sonate de Mozart.'"' Gogol conseille aux traducteurs de faire des traductions qui doivent "Devenir un verre si transparent qu'on croie qu'il n'y a pas de verre." 5 1 Berman, A. (1985). op.cit. p.61. 2 l"b"d l . 3 ibid. p.61. 4 Horguelin, P. (1989). op.cit. p.202. p. 61 . ~ibid. p.l77. 61 a Gogol, declare "A good translation Norman Shapiro, faisant echo is like a pane of glass. You only notice that it's there when there are little imperfections - scratches, bubbles. Ideally, there shouldn't be any. It should never call attention to itself."' Une bonne traduction est comme un verre. On ne le remarque que s'il y a de petites imperfections- des rayures, des bulles. De fa~on ideale, il ne doit y avoir aucune. L'invisibilite est la norme Elle ne doit pas s'attirer d'attention. a suivre. Georges Mounin reprend cette image de Gogol egalement quand il parle de "verres transparents" et des "verres colores" dans son livre les Belles Infideles2 qu'on a vu et analyse precedemment dans ce meme chapitre. Une traduction qm ne se remarque pas comme telle est valorisee, c' est la modestie son destin, pas la gloire! Schopenhauer est d' avis que "A library of translations resembles a gallery with reproductions of paintings"3 Schleiermacher, au contraire, compare les traductions aux plantes, de fa~on positive, et croit que " ... our soil itself has probably become richer and more fertile, and our climate more lovely and mild after much transplanting of foreign plants, ... ·-A 1 cite dans Venuti, Lawrence (1995). op.cit. p.l. 2 cite dans Albir, A.H. (1990). op cit. p.l9. 3 Schulte, R. et J. Biguenet, eds, (1992). op.cit. p.33. 4 ibid. p.53. 62 Renato Poggioli, dans son article fort interessant, 1he Added Artificer' presente plusieurs metaphores courantes de la traduction. D' abord il 1' egale aux. vetements etranges, un corps change, un nouvel esprit, "Translating, however, endeavours to give the verbal composition a strange clothing, a changed body, and a novel spirit." 1 ll reprend ensuite l'image de Mme de Stael en se demandant si, " ... translating is the literary equivalent of musical direction and execution? After all, like the performing musicians, the translator goes to work only when he has another artist's creation before his eyes. 2 La traduction est 1' equivalent litteraire de Ia direction et I' execution musicale. Tout dit, comme les musiciens performants, le traducteur commence a travailler seulement lorsqu'il ala creation d'un autre artiste devant ses yeux. ·n compare, tout comme Schleiermacher, la traduction aux. plantes deracinees, car "... he [the translator] works with images and words which, like a grafted branch, or even a transplanted tree, still owe their new life to a seed planted elsewhere by other hands. " 3 Le traducteur travaille avec les images et les mots qui, comme une branche greffee, ou meme un arbre transplante, doivent leur nouvelle vie ailleurs par d'autres mains. 1 Brower, R.A. (1966). On Translation, New York: OUP, p.137. 2 ibid. p.l37. 3 ibid. p.l39. a un grain plante 63 Demierement, il compare Ia traduction ala decantation d'un liquide d'un vaisseau a l'autre, ou le versement d'un vieux vin dans une nouvelle bouteille, " ... translating [is] the decanting of a liquid from one vessel into another, or as the pouring of old wine into a new bottle." 1 E.A. Nida aussi, propose qu'une traduction peut etre comme du vieux vin dans de nouvelles bouteilles ou comme une femme dans des habits d'homme, " ... a translation may be like old wine in new bottles or a woman in man's clothing ... "2 Si l'on n'est toujours pas convaincu du statut secondaire de la traduction on n'a qu'a jeter un coup d'oeil sur ce que dit un critique dans le journal The Spectator du 24 septembre 1977, cite par Alan Duff, "Torture and translation are in fact, amongst the few fates that can be worse than death. Strictly speaking, translation is a subtle form of torture."3 La torture et la traduction sont, en fait, parmi les destins pires que la mort. Plus precisement, la traduction est une forme subtile de torture. [!] Pour reaffirmer le caractere suspect de 1' activite traduisante, on peut prendre 1' exemple de Julio Cesares, cite par E.A. Nida, qui dit : "Translation is a custom house through which passes, if the custom officers are not alert, more smuggled goods of foreign idioms than through I ibid. p.l40. 1 Nida, E.A. (1964). op.cit. p.2. 3 Duff, A. (1981). op.cit. p.l. 64 any other linguistic frontier." 1 La traduction est done Ia douane par laquelle passe un plus grand nombre de contrebande d'idiomes etrangers que par n'importe quelle autre frontiere linguistique, si les douaniers ne sont pas en eveil. La traduction a toujours ete conyu en termes de trafic. A Berman estime que "Pour parler comme les Grecs et les Medievaux., elle est aussi necessaire que le commerce et les activites d'argent, mais dans tous les cas il s'agit d'activites viles et denuees de valeur. Le 'trafic' du sens auquel s' adonne Ia traduction est une operation douteuse, mensongere et peu naturelle. " 2 Ainsi on peut citer I' oeuvre de Sherry Simon dont le titre meme est Le Trafic des langues 3 mais ou elle !'utilise en termes favorables et non negatifs l A en croire Antoine Berman, les seules metaphores positives qu'il ait trouvees sont "celles de I' Authorized Version de la Bible et celles de ,4 . . A notre tour, on peut ajouter le nom de Walter BenJamm, ... Schleiermacher et d'autres, quoique quelques-un modifient et nuancent leurs arguments par la suite ... ll existe bien sfu de celebres exemples de Derrida, Octavio Paz entres autres, qui valorisent Ia traduction, mais pas toujours en termes explicitement metaphoriques, done on ne les comprend 1 Nida, E.A. (1964). op.cit. p.3. 2 Berman, A. (1985). op.cit. p.60. 3 Simon, Sherry (1994). Le Trafic des Langues, Bibliotheque Nationale du Quebec : Boreal. 4 Berman, A. (1985). op.cit. p.62. 65 pas dans Ia liste actuelle. Or, ce premier surtout utilise des metaphores qui sont negatives du point de vue sexiste dont on parlera plus tard dans Ia section du genre et la metaphore. Antoine Bennan propose que les metaphores negatives tiennent lieu de pensee alors que quand elles sont positives la traduction est pensee et reflechie. Ce refus de penser la traduction mene a la devalorisation de cette activite et du produit final, pense-t-il. Etant donne ce statut secondaire de l'activite et du produit, il s'ensuit que le traducteur, pour sa part, est condamne egalement a une vie sans gloire, sans reconnaissance, sans joie ... "Dans I' annee des ecrivains, nous autres traducteurs nous sommes la pietaille; dans le personnel de I' edition, nous sommes Ia doublure interchangeable, le besogneux presque anonyme. " 1 Voila la proposition lapidaire de Dominique Aury dans sa Preface au celebre livre de G. Mounin, Les Problemes theoriques de la traduction. J. Catteau confirme cette idee dans son article 'Pesanteurs historiques', "La traduction litteraire renverse les tours de Babel, son activite est vieille comme le monde, bien qu'imparfaite."2 II cite J.B. Pontalis, pour souligner le versant pessimiste de la traduction "Seulement, ce que doit decider le traducteur, il lui semble que ce sont toujours des compromis ( ... ). Exclus ces moments d' exaltation que connait un auteur ( ... ). Le traducteur doit etre doue d'une capacite infinie d'etre triste ... " 3 1 2 3 Mounin, G. (1963). op.cit. p.vii. Catteau, Jacques (1986). "Pesanteurs historiques" dans ibid. p.l5. L~ traduction, revue du BELC, p .13. 66 Boileau cite Mlle. de Lafayette qui "comparait un sot traducteur un laquais que sa maitresse envoie faire un compliment a a quelqu'un; ce que sa maitresse aura dit en termes polis, il va le rendre grossierement, il l 'estropie ... " 1 D.G. Rossetti, en 1861, a deja dit "The task of a translator (and with all humility be it spoken) is one of some self-denial. " 2 Il croit done que Ia tache du traducteur (et en toute humilite faut-il le dire) est celle du reniement de soi. ll le compare a Aladdin qui va a Ia recherche lampe, et qui est content si la lampe n'a pas ete de Ia echangee pour une nouvelle, qui peut bien briller mais qui n' a pas la meme vertu, ni le meme genie a sa commande! 3 Jose Ortega y Gas set, parlant des traducteurs, dit en termes presque similaires "Among intellectual undertakings, there is no humbler one. ,>4 Il pense qu'il n'y a pas d' entreprise plus humble que celle d'un traducteur parmi celles des intellectuels. Presque tous, sauf des exceptions rares, croient que les traducteurs sont des ecrivains manques! 1 cite dans Berman, A. (1985). op.cit. p.61. 2 Schulte, R. et J. Bigueneteds. (1992). op.cit. p.65. 3 ibid. p.66. 4 ibid. p.94. 67 Ou comme dit Renato Poggioli, succinctement, se servant du titre de 1' oeuvre de Pirandello, le traducteur est un personnage a la recherche d'un auteur! 1 Sir John Denham, le traducteur du 17 e siecle de The Destruction of Troy, decrit le traducteur moyen en termes suivantsSuch is our pride, our pride, our folly, our fate That few, but such as c<mnot write, translate. 2 Nabokov nous presente ces quelques lignes : La traduction? Sur un plat la tete pale et grima9ante d' un poete, cri de perroquet, jacassement de singe, profanation des morts. 3 C'est une accmnulation d'images negatives qui caracterisent le statut inferieur des traducteurs evoquant !'imitation du langage hmnain par les perroquets soulignant done le manque d' originalite, le langage infrahmnain des singes, done, de nouveau, on "singe" l'auteur, on n'est pas soi-meme l'auteur - c'est la copie, non l'original ... C'est une activite derivee et done un metier secondaire. 1 Brower, R.A. (1966). op.cit. p 142. 2 cite dans Nida, E.A. (1964). op.cit. p.l45. 3 cite dans Berman, A. (1985). op.cit. p.62. 68 Dans le monde contemporain, les choses n' ont pas beaucoup change. Sous le meme angle, Susan Bassnett admet en tennes non- metaphoriques : . Translation has been perceived as a secondary activity, as a 'mechanical' rather than a 'creative' process, within the competence of anyone with a basic grounding in a language 1 other than their own; in short, as a low status occupation. Elle dit que Ia traduction a ete per~ue comme une activite secondaire, comme un processus 'mecanique' plutot que 'createur', comme etant dans Ia competence de qui que ce soit avec une connaissance de base d'une langue autre que Ia leur; bref, comme une activite de statut inferieur. Pour conclure avec cette idee, citons Lawrence Venuti, qui reitere cette idee: On the one hand, translation is defined as a second-order representation : only the foreign text can be original, an authentic copy, true to the author's personality or intention, whereas the translation is derivative, fake, potentially a false copy. 2 D'une part, Ia traduction est definie comme une representation secondaire : seul le texte etranger peut etre original, un exemplaire authentique, fidele et a la personnalite et a !'intention de l'auteur, 1 Bassnett, S. (1992). op.cit. p.2. 2 Venuti, L. (1995). op.cit. pp.6-7. alors 69 que la traduction est derivee, fausse, potentiellement une copie falsifiee. II presente en detailles lois des droits d'auteur en Angleterre et aux EtatsUnis pour reaffinner le rOle subordonne du traducteur. La loi britannique et americaine definit Ia traduction comme une "adaptation" ou une "oeuvre derivee" basee sur une "oeuvre originale d'auteur" dont les droits d'auteur y compris le droit exclusif de "preparer des oeuvres derivees" ou des "adaptations", restent avec 1' "auteur". Le traducteur est ainsi subordonne a l'auteur ... 1 Le statut du traducteur en lode Comme no us avons vu avec les autres definitions du traducteur, en Inde egalement, le traducteur actuel ne semble pas jouir d'un statut privilegie. On l'accuse d'etre un ecrivain sans succes qui se cache, tout comme le critique d'oeuvres litteraires! 2 A part la connaissance des deux langues, et de pouvoir ecrire habituellement en anglais, Mukherjee exige des traducteurs litteraires vers I'anglais a etre aussi un lecteur averti et quelqu'un qui fait sens de ce qu'il lit, notamment etre un professeur, un critique, un editeur de litterature! 3 I ibid. pp.6}-62. 2 Mukherjee, S. (1994). op.cit. p.30. 3 ibid. p.26. 70 Bref, etre quelqu'un qui doit beaucoup travailler pour arriver au statut du deuxieme auteur! Force est d'admettre que ni les traductions ni les traducteurs ne jouissent d'un statut privilegie, et ceci se reflete dans les diverses metaphores qu' on vient d' examiner. Genre et metaphore S' appuyant sur le raisonnement vu dernierement, il est important d'examiner et d'analyser les metaphores telles qu'elles refletent l'attitude sexiste, prejugee, en ce qui conceme le genre en traduction. S~erry Simon estime que, "If metaphor is to be considered prototheoretical language, then the language of translation theory has indeed been profoundly marked by gender. " 1 Si la mctaphore doit etre consideree comme le langage prototheorique, alors le langage de la traduction a en efiet, ete profondement marque par le genre, nous dit Sherry Simon. Le rapport entre le traducteur et l'auteur, la traduction et l' original, la LD et la LA a souvent ete vu et commente en termes sexualises. Ce qui est remarquable est que cette tendance continue de nos JOurs auss1. 1 Simon, S. (1996). op.crt. p.IO. 71 Pour debuter avec }'argument, et montrer }'attitude de superiorite, prenons la citation de Bensoussan : Le traducteur subit, soumis, subjugue. Femelle, meme s'il est parfois amazone. Pris, prisonnier, enferre, enserre. Ne s'appartient plus. Aliene, absorbe, ravi et depossede de sa parole propre. Parole de l'autre, !'auteur, Ia hauteur. le traducteur est inferieur, posterieur, postsynchronise. Le traducteur rend en son langage l'auteur publiable, mais il est oubliable. 1 Cette citation date des annees 70, mais trouve ses origines dans l'histoire ou des tropes sexistes faisaient flores. Cette equation du traducteur a une femme me me s' il est homme souligne son statut - tout comme une femme qui occupe un rang secondaire, inferieur a l'homme dans la societe patriarcale, le traducteur se trouve au rang des citoyens secondaires, 'reduit' au statut d'une femme. n n'est pas seulement des traducteurs qui sont egalises ala femme, mais les traductions elles-memes! . John Florio en 1603, a egalement dit que puisque toutes les traductions etaient defectueuses elles etaient considerees comme des femmes! 2 On voit clairement que les femmes et les traductions ont toujours occupe des positions plus faibles, plus soumises dans leur hierarchie : la traduction "suit" 1' original qui garde une place privilegiee, convoitee, toute comme les femmes qui etaient inferieures aux hommes. E.A. Nida, qu'on a deja examine, dit que "a I ibid. p.9. 2 ibid. p.l. 72 translation may be like ... a woman in man's clothing, ... " 1 Une traduction peut etre comme une femme portant les habits d'homme. Done, une traduction essaie d' "imiter", et de se donner l'allure de !'original, en portant ses vetements - mais le droit et le pouvoir de "porter les vetements d'homme" 'porter les culottes' reste avec l'homme, avec !'original, qui recuse toute tentative d' approprier son pouvoir par la femme ou Ia traduction! L'original etait considere comme une 'production' nouvelle alors que Ia traduction n'etait qu'une 'reproduction', une oeuvre 'derivee' done sans 1e prestige accorde a 1'origina1ite. L'original est vu done en termes masculins, de vigueur generatrice investie de pouvoir, tandis que Ia traduction se voit investie de valeur affaiblie, reproductrice seulement. Voila 1' opposition fondamentale de la culture occidentale : 1' opposition entre un travail producteur et un travail reproducteur. per~u Ce premier est en termes de paternite et d'autorite alors que le dernier est assigne des roles secondaires. Lori Chamberlain, dans son brillant article, 'Gender and the metaphorics of translation', expose comment cette equation vaut "child is the production of the father, reproduced by the mother. "2 Si 1'enfant est la production du pere, reproduit par Ia mere, la valeur de Ia production, restant avec le pere, est censee etre superieure a celle de la reproduction. Puisque c' est Ia paternite qui rend legitime, dans les valeurs culturelles occidentales, I' enfant 'reproduit', I' auteur reclame 1 Nida, E.A. (1%4). op.cit. p.2. 2 Venuti, L; ed. (1992). Rethinking Translation, London and New York: Routledge, p.66. 73 son droit de patemite sur l' oeuvre traduite, reproduite par le traducteur, ainsi releguant au deuxieme statut, ce dernier. Si 1' auteur et le traducteur forment un 'couple', il s' ensuit que Ia question de fidelite ne tardera pas a entrer dans le discours sur Ia traduction. Depuis le 17e siecle, avec !'introduction de !'expression les "belles-infideles" par le rhetoricien fran9ais Menage, la fidelite commence a faire flores dans toute discussion sur la traduction. Fidelite ala lettre ou fidelite a l'esprit? Fidelite a la LD ou a la LA? II est possible done d' envisager le discours metaphorique so us cet angle pour analyser les enjeux du geme dans ce discours. Cette expression presuppose que comme les femmes, traductions si elles sont belles sont forcement infideles. les La beaute s'oppose done a Ia fidelite. L'expression doit sa vie continue au fait qu'il existe une heureuse coincidence phonique et grammaticale entre ces deux termes. La rime et le fait que le mot 'traduction' est du genre feminin lui assurent l'allure de Ia verite! Comme dit Lori Chamberlain, "it has captured a cultural complicity between the issues of fidelity in translation and in marriage. For les belles infideles, fidelity is defined by an implicit contract between translation (as woman) and original (as husband, father, or author)." 1 Cet adage a capte une complicite culturelle entre les questions de fidelite en traduction et en mariage. Pour les belles infideles, Ia fidelite I ibid. p.58. 74 est definie par un contrat implicite entre la traduction (comme femme) et }'original (comme mari, pere, ou auteur). Et elle nous signale plus tard qu'il n' est pas legal voire licite de publier les traductions sans entrer dans un contrat avec l'auteur, tout comme un contrat de mariage, avant d'annoncer ]a 'naissance' de la traduction, en vue d'en assurer la patemite! 1 Nous avons vu que c'est Ia paternite qui est censee assurer la legitimite d'un enfant, et dans ce cas, celle de la traduction! S'il s'agit de la fidelite a l'original, a la LD, Schleiermacher, qu'on a deja cite auparavant, declare la fidelite en termes de paternite, comme suit : Oui, que repondra-t-on, si un traducteur dit au lecteur : je t'apporte le livre comme cet homme l'aurait ecrit s'il avait ecrit en allemand, et que le lect~ur lui repond : [ ... ] c'est comme situ m'apportais le portrait de cet homme tel qu'il aurait ete si sa mere l' avait conyu avec un autre pere? Car si l'esprit de l'auteur est la mere des oeuvres qui appartiennent [ ... ] a la science et a l' art, la langue natale ( vaterliindisches Sprache) est leur pere. 2 Ne pas respecter la LD est comme si on tenait Ia paternite comme nulle, a son avis! Ce langage de patemalisme comprend egalement Ia purete de Ia langue matemelle et la fidelite I ibid. p.58. 2 Berman, A. (1984). op.cit. p.236. a celle-ci! Tout en pronant le respect de Ia 75 patemite du texte, la fidelite nuise pas a la LA, a la LD, il exige a ce que la traducteur ne a la langue matemelle, et se demande : Qui ne desirerait presenter sa langue maternelle avec Ia beaute Ia plus populaire dont est capable chaque genre? Qui ne preferait engendrer des enfants presentant avec purete Ia lignee paternelle, plutot que des sang-meles? Qui se preterait de bon gre a executer en public des mouvements moins aises et elegants que ceux qu'il pourrait faire .. Qui acceptera de bonne grace qu'on le considere comme maladroit, dans Ia mesure ou il s'efforce de garder, vis-a-vis de Ia langue etrangere, toute Ia proximite que tolere Ia sienne, et qu' on le critique comme ces peres qui livrent leurs enfants aux saltimbanques, parce qu'au lieu d'exercer sa langue maternelle a une gyrnnastique appropriee, il tente de l'habituer a des contorsions etrangers et anti-naturels? I Dans cet exemple, le traducteur, en tant que pere, doit etre fidele a la langue matemelle en vue de produire des enfants legitimes! S'il essaie d' engendrer des enfants autrement ils ne seront que des batards qui sont susceptibles de vivre avec des saltimbanques sans etre reconnus par la societe. La langue matemelle est done 'naturelle' et tout changement est per~u comme 'antinaturel', pas pur, et done infidele. Ce rapport monogame est done exige par les lois de fidelite en vue d'assurer !'elegance de la langue et la purete et la legitimite des reproductions- des traductions! Ainsi a partir de cette citation representative, on peut degager que Ia langue est vue en termes feminins. Cette feminisation de Ia langue qui 1 Berman, A. (1985). op.cit. pp.315-317. 76 marie bien le genre grammatical et Ia figure rhetorique imagee, se reflete aussi bien chez d' autres traducteurs et commentateurs. Pour ne prendre qu'un autre exemple allemand, le romantique Herder estime que : Une langue, avant Ia traduction, est semblable a une jeune fille vierge qui n'aurait pas encore eu de commerce avec un homme, et qui n'aurait point encore con~u le fruit du melange des sangs; elle est encore pure et en etat d'innocence, image fidele du caractere de son peuple 1 Cette perception de la langue en termes sexuels reprend des termes devenus courants maintenant de 'fidelite', de 'purete' et de 'commerce'. Antoine Berman qualifie cette citation de texte utopique dans la mesure ou "le destin de la vierge est evidemment de devenir femme, tout comme, pour recourir a ce stock d'images vegetales dont le Classicisme et le Romantisme allemands sont si riches, le destin du bouton est de devenir fleur, puis fruit. " 2 Malgre la valorisation de Ia virginite, les rapports avec 1' autre ne peuvent pas etre evites, ils sont meme inevitables... Ce rapport vu en termes sexuels resonne chez Valery Larbaud aussi, qui definit Ia traduction comme un roman d'amour: L'amoureux plus ou moins efftonte de Ia fille d'un Roi Barbare. Avec les premiers efforts en vue de sa conquete par Ia traduction, il a pu se flatter d'etre devenu amant de Ia belle heritiere. Entin, lorsque Ia possession s'est affirmee 1 Berman, A. (1984) op.cit. p.67 2 ibid. p.67. 77 dans Ia transfusion du texte, il a ete promu au. rang d''epoux. I Ce desir de traduire, comme le souligne Larbaud, est designe par Antoine Berman "du terme freudien de pulsion puisqu'il a ... quelque chose de 'sexuel' au sens large du tenne."2 Cette pulsion traduisante voit I' autre langue comme ontologiquement superieure a la langue pro pre comme nous voyons avec l'image de la fille du roi qu'est cette langue etrangere chez Larbaud. Cette pulsion qui mene a la "possession" du texte vaut 1a consommation d'un rapport licite, qui accorde au traducteur le statut de l'epoux, rapport legitimise, grace al'union! Novalis, a son tour, reprend cette image de l'union sexuelle. Il s' agit de 1' operation "mimique" qui fonctionne dans la traduction, ou il valorise !'imitation genetique par "l'union la plus intime de !'imagination et de 1' entendement." ll explicite de plus cette union et 1a decrit : Le traducteur penetre pour ainsi dire dans l'intimite de l'auteur avec sa langue, la ou sa langue privee cherche a investir et metamorphoser Ia langue commune, publique. Et c' est a partir de la penetration de ce rapport que le traducteur peut esperer 'mimer' dans sa langue l'oeuvre etrangere. 3 1 cite dans Van Hoof, H. (1989). op.cit. p.9. 2 Berman, A. (1984). op.cit. p.2l. 3 cite dans ibid. p. 171. 78 Dans le Dialogue I, Novalis s'explique, "Chaque livre ... est pour moi l'objet d'une jouissance im!puisable." 1 Au "donjuanisme livresque" de Novalis, s'apparente l' "adultere" de Schlegel, ".. je ne puis regarder la poesie de mon prochain sans aussitot la convoiter de tout mon coeur, et me voila prisonnier d'un continue! adultere poetique."2 Cette convoitise de Schlegel s'apparente a celle de Goethe. Il compare les traducteurs a "ces marieurs pleins de zele qui nous vantent comme tout-a-fait digne d'amour une jeune beaute a demi-nue : ils eveillent un penchant irrepressible pour l' original. " 3 Goethe montre clairement son attitude de superiorite et de dedain vis-avis des traductions, malgre I' attraction charnelle, envers cette 'beaute', qui pourrait etre digne d'amour, voire digne d'attention, de lecture. Un langage sexue, sexu~l, de nouveau, pour parler des traductions. Cette convoitise suivie de 'conquete' sexuelle peut egalement etre per~ue en tant que conquete militaire, en termes coloniaux, comme une lutte de pouvoir, d'autorite sur le texte colonise, la langue colonisee. domination est d'ordre. La Comme nous l'avons deja vu au debut des approches a la traduction, 1' empire romain pratiquait la traduction comme une forme de colonisation des Grecs, ce que Antoine Berman qualifie de "traduction annexionniste". 4 Nietzsche a bien dit, "translation was a form I ibid. p .131 . 2 cite dans ibid. p .217. 3 cite dans Berman, A. (1985). op.cit. p.62. 4 ibid. p.51. 79 of conquest". 1 Meme aujourd'hui le terme 'target language', (utilise couramment en traduction fran9aise 'langue cible' ), a des resonances militaires qu'on ne peut echapper. Chamberlain se refere ala citation de Thomas Drant, le traducteur anglais de Horace au 16e siecle, pour montrer l'image violente de la traduction en termes de conquete militaire, de colonisation : First I have now done as the people of God were commanded to do with their captive women that were handsome and beautiful :I have shaved off his hair and pared off his nails, that is, I have wiped away all his vanity and superfluity of matter ... 2 J'ai d'abord fait ce que le peuple de Dieu a ete commande de faire avec les femmes captives qui etaient belles : j' ai tondu ses cheveux et coupe ses ongles, c' est-a-dire, j 'ai efface toute vanite et de matiere superflue ... Se referant ala citation biblique de Deuteronomy 21 : 12-14, Drant, en tant que clerge traduisant l' auteur antique laic, a rendu Horace convenable aux moeurs anglais de l'epoque: en le transformant a femme captive capable de devenir sa femme en mariage! une II y a evideinment l'idee sous-jacente de plus de violence perpetree sur les femmes : cette violence sexuelle dont fait allusion ce texte est analogue a la violence implicite dans toute entreprise colonisatrice. 1 cite dans Venuti, L. (1992). op.cit. p.61. 2 ibid. pp.61-62. 80 Cette allusion a la violence commise sur les femmes, cette image de viol, a vrai dire, se retrouve chez George Steiner, qui nous revele, dans les quatre etapes de son parcours henneneutique, sa politique sexuelle. "Le parcours hermeneutique ... s'ouvre sur un elan de confiance ou tout se declenche, une profession de foi, ... " 1 La volonte du traducteur de prendre le premier pas de risquer, de jouer suppose que la traduction cedera quelque chose de valeur. La deuxieme etape est marquee par l'agression. succede a I' elan. "L'agression Le traducteur aborde une etape d' incursion et d'extraction."2 ll nous rend clair l'idee en disant, "le passage ... est par definition annexion et done violence. " 3 C' est un acte done assimile directement ala possession sexuelle - ce qu'il explicite lorsqu'il parle de la."penetration-annexion'~ du texte. La troisieme etape est "incorporation au sens fort du terme." 5 Done, dans cette phase, le texte, qui a ete pris, devient partie integrante de Ia langue du traducteur. Cette incorporation, "ce . degre de naturalisation, le fait d'importer est capable de disloquer ou de restituer le systeme original... Aucun 1 Steiner, G. (1978). op.cit. p.277. 2 ibid. p.278. 3 ibid. p.278. 4 ibid. p.279. ~ibid. p.279. langage, aucun systeme symbolique 81 traditionnel, ne s' approprie d' elements exterieurs sans courir de risques de transformation. " 1 II y a done un bouleversement de 1' equilibre du systeme. Puisque "Le 'ravissement' du traducteur qui fait sien - le sens et Ia racine du mot recelent des transports violents - laisse 1' original encombre d'un dechet...;'2 il faut une mise en oeuvre d'une reciprocite, qui recree I' equilibre, ce qui entraine Ia quatrieme etape. C'est Ia restitution qui donne de l'equilibre au systeme comme compensation a Ia violence perpetree. Ce qu'il suit comme modele est celui de Levi-Strauss. "Le modele general est ici celui qui se degage de l' Anthropologie Structurale de Levi-Strauss et selon lequel les structures sociales recherchent 1' equilibre dynamique a travers I' echange des mots, des femmes, des biens." 3 L'echange de femmes, d'apres Steiner, vaut l'echange de mots entre une langue et un~ autre. Cette equation de femmes et des mots montre explicitement sa politique sexuelle, sa perception masculine, voire phallocrate, tout en etant conscient que le discours depend du rOle social de la langue. Ce point de vue masculin s'etait deja presente au debut, lorsqu'il a compare la traduction a un acte de communication, et pour lui la communication est egale a un acte sexuel, "Eros et la langue fonnent un engrenage continu. Rapports sexuels, rapports paries, copule et copulation sont des sous-categories de 1 ibid. p.279. 2 ibid. p.28l. 1, ibid. p.283. 82 Ia communication ... L'acte d'amour est intensement semantique." 1 Et il ajoute qu' "il est vraisemblable que la sexualite et le langage se sont developpes au sein d'une reciprocite."2 II explicite de plus, "La fonction seminate, la fonction semantique (existerait-il, en dernier ressort, un lien etymologique?) orientent 1' organisation 1' experience humaine. Elles etablissent genetique a elles et sociale de deux la grammaire de 1' etre. " 3 Alors que la restitution est presentee en termes d' echanges de femmes, la communication est presentee en termes masculins, "Sperme, excrements, ces mots ouvrent la voie de 1a communication'~ dit-il. Dans le cadre de la hierarchie du genre, Steiner propose sa grille comme un paradigme applicable, essentiel, et non accidentel. conscient du fait que la societe fa~onne la fa~on Tout en etant · de parler des femmes et des hommes, il se sert d'une grille supermasculine, phallocrate pour exposer ce qui lui parat"t comme une verite universelle! Telle est sa politique sexuelle vis-a-vis la traduction! Pour en conclure avec cette metaphore du viol, dans le cadre de la traduction, citons un exemple plus recent, celui de J.R. Ladmiral, dans son article 'Sourciers et Ciblistes'. "L'idee est qu'une bonne traduction devrait violer la langue-cible. " 5 mais il s' explique, comme Steiner qui I ibid. p.48. 2 ibid. p .48. 3 ibid. p.48. 4 ibid. p.48. s Ladmiral, J.R. (1986). op.cit. p.39. 83 parle de la restitution, "je dirai qu'il n'y a jouissance poetique, bonheur esthetique de la traduction, que si la langue est consentante. Le viol sourcier ne peut avoir d' efficace poetique que pour autant qu'il y aurait consentance. " 1 Ce rapport sexuel dont il parle amene toujours a la naissance d'une traduction legitime. II avance }'argument: Au risque d'abuser de l'isotopie metaphorique ou je me suis mis, je dirai qu'a cet egard la morale est sauve, car c'est le consentement que la langue ('cible') donne au traducteur qui rend son travail fecond et permet l'accouchement d'une traduction viable, poetiquement efficace? A partir de ce survol de metaphores il est clair que la traduction est vue en termes secondaires, en termes sexuels, sexistes, par une majorite de traducteurs et de traductologues. Lori Chamberlain explique ce phenomene comme une lutte pour le droit d'auteur, de paternite, ce qui expose le statut de la production vue en termes de paternite, et la valeur de la reproduction vue en termes feminins, de second degre. Cette codification de la traduction est due, d'apres elle, au fait que la traduction tente de reclamer la position d'autorite, de pouvoir, generalement accordee a 1' original. 3 Ce pouvoir dont jouit 1' original est relllls en question par des penseurs tels Octavio Paz et Jacques Derrida. Ce dernier remet en doute I ibid. pp.39-40. 2 ibid. p.40. 3 dans Venuti, L. (1992). op.cit. pp.66-67. 84 Ia question de Ia difference entre I' original et Ia reproduction. II estime "every translator is in a position to speak about translation, in a place which is more than any not second or secondary." 1 Si chaque traducteur se trouve en position de parler de Ia traduction, d' une position qui n' est ni seconde ni secondaire, il reclame Ia meme position que !'auteur! Derrida explique "The original is the first debtor, the first petitioner; it begins by lacking and by pleading for translation."2 L'original est le premier debiteur, le premier petitionnaire; il commence avec le manque de la traduction et en meme temps avec un plaidoyer pour celle-ci. Chamberlain le resume "Translation is governed by a double bind typified by the command, 'Do not read me' : the text both requires and forbids its translation. Derrida refers to this double bind of translation as a hymen, the sign of both virginity and consummation of marriage." 3 D'apres Derrida, Ia traduction est reglee par un double lien dont la commande est 'Ne me lisez pas'. Derrida parle de ce lien de Ia traduction comme l'hymen, le signe de la virginite et de la consommation du mariage. Et elle le presente ainsi, "By drawing many of his terms from the lexicon of sexual difference - dissemination, invagination, hymen - Derrida exposes gender as a conceptual framework for definitions of mimesis and fidelity, definitions central to the 'classical' way of viewing translation.'~ 1 Schulte, R. et J. Biguenet eds. (1992). op.cit. pp.226-227. 2 ibid. p.227. 3 Venuti, L (1992) op.cit. p.70. 4 ibid. p.69. 85 Prenant beaucoup de ses termes du lexique de Ia difference sexuelle - dissemination, invagination, hymen - Derrida expose le genre comme un cadre conceptuel de definitions de mimesis et de fidelite, definitions au coeur du point de vue 'classique' de Ia traduction. Ce qui est remarquable ici est le fait que Chamberlain qui analyse si bien le genre dans le cadre de Ia traduction, ne met pas en question Ia politique sexuelle de Derrida lui-meme! Elk le cite comme champion des traducteurs et des traductions, sans se passer en examen ses commentaires. Susan Bassnett en est plus consciente, "Derrida' s views on translation are not without flaws - one of his metaphors for the translation process is the breaking of the hymen, the penetration or violation of the source text, which is thereby feminized in a distastefully ~exist way ... " 1 Les opinions de Derrida ne sont pas sans defaut, une de ses metaphores des processus de la traduction est la rupture de l'hymen, la penetration ou Ia violation du texte source, qui sont rendus feminins d'une maniere sexiste, de mauvais gout... Neanmoins son essai signale a Ia Octavia Paz fait echo a tout un changement de Ia perception de Ia traduction, en s' opposant vue traditionnelle, du rang secondaire de celle-ci. cette opinion, comme il croit que "no text can be completely original because language itself, in its very essence, is already a translation ... " 2 II elabore "When we learn to speak, we are learning to translate."3 Si aucun 1 Basnett, S (1992). op.cit. p.xv. 2 Schulte, R. et J. Biguenet eds. (1992). op.cit. p.I54. 3 ibid. p.l52. 86 texte ne peut etre completement original, car le langage lui meme, dans son essence, est deja une traduction, c' est que quand nous apprenons a parler, nous apprenons a traduire. En consequence, toute traduction est 1' original, car "each translation is a creation and thus constitutes a unique text." 1 Si chaque traduction est une creation et ainsi constitue un texte unique, alors tous les textes sont des traductions des traductions ou comme il dit, "translations of translations oftranslations". 2 Ainsi, a partir de cet echantillon de metaphores ou 1' on a vu les enjeux du genre dans Ia traduction, il est possible de conclure que pour sortir de cette opposition binaire qui oppose Ia femme a 1'homme, Ia traduction a 1'original, donnant aux premieres le statut secondaire, affaibli et accordant aux derniers le statut privilegie de pouvoir, de Ia valeur accrue de production, il est temps que les femmes ecrivent leurs propres metaphore de Ia production culturelle, leur propre place dans Ia societe, avec une langue non-sexiste, une langue propre a elles! C'est cette langue qu'on va examiner et analyser dans le chapitre suivant ou il sera question du langage des femmes et Ia traduction de celui-ci. I ibid. p.l54. 2 ibid. p. 154.