DIAGNOSTIC Philippe Ledent sort un livre sur le monde de l

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DIAGNOSTIC Philippe Ledent sort un livre sur le monde de l
Le Soir Lundi 14 décembre 2015
14 L'ENTREPRENEURIAT
« Soutenir le salarié
qui veut entreprendre »
DIAGNOSTIC
Philippe Ledent sort un livre sur le monde de l’entrepreneuriat en 2016
Philippe Ledent,
entrepreneur et coach,
pointe une série
de mutations.
Pour lui, la société
wallonne doit être
plus entreprenante.
ENTRETIEN
l est l’homonyme d’un économiste bien connu d’une
grande banque, avec qui il
tiendrait sans doute une conversation passionnante. Vice-président de l’UCM, membre du
Conseil supérieur des indépendants et fondateur de la coopérative Challenge (active dans l’accompagnement de « starters »),
Philippe Ledent est avant tout
un entrepreneur qui connaît
bien les réalités de la Wallonie.
Cet Ardennais, fervent défenseur de la Grande Région (Wallonie, Grand-Duché, Lorraine,
Sarre et Palatinat allemands)
vient de publier Entreprendre en
2016. Devenir un aventurier 4.0.
I
Qu’est-ce qui différencie un
entrepreneur de 2016 de son
pair d’il y a 30 ans ?
La révolution industrielle a largement tué l’entrepreneuriat.
Toutefois, l’industrie a tellement
changé ces dernières années,
notre économie est tellement axée
sur les services que démarrer son
activité devient pratiquement
facile et bon marché pour beaucoup de monde. La technologie
fait aussi tomber des barrières.
Par ailleurs, il y a une plus forte
aspiration à la réalisation de
soi, à travers une plus grande indépendance. La notion d’échec
évolue aussi, dans un contexte de
sécurité d’emploi salarié de plus
en plus faible. Parallèlement, la
protection sociale des indépendants s’est tout de même amélio-
rée, au niveau des pensions notamment.
Le vivier d’entrepreneurs s’est
donc élargi…
Aux Etats-Unis, 30 % des travailleurs sont des free-lance. De
nouveaux modèles de coopération se créent entre grappes d’indépendants, avec des répercussions sur le management des entreprises existantes.
Devenir indépendant n’est pas
toujours un choix…
Effectivement, il faut distinguer
l’entrepreneuriat de nécessité de
celui par opportunité. Mais il y
a toutefois une nouvelle composante : avant les offreurs de solutions, c’était les entreprises. Aujourd’hui, en lançant une appli,
n’importe qui peut apporter une
solution, d’abord pour ses amis
et puis pour un public plus large.
Regardez comment Instagram
fait vaciller un business entier
de Kodak.
La taille critique n’est donc plus
un atout ?
Non. Avant, les gros mangeaient
les petits. C’était la jungle. On est
« Nous devons
évoluer vers
une société
plus
entreprenante.
En partant
de tous
les niveaux :
la famille,
l’école,... »
passé dans une cyberjungle, où
les plus agiles mangent les plus
lents. D’un terrain propice à la
confrontation, on passe à une
sorte de jardin de l’intelligence
collective. Je qualifie dans mon
livre l’entrepreneur d’aventurier
4.0 : entreprendre, c’est retrouver
une aventure collective, dans un
environnement très ouvert, collaboratif, un monde de réseaux.
compagnement chez nous ?
Non, tout est question de rapport
coût-efficacité. Et celui-ci reste
favorable aux pouvoirs publics.
Dans les structures d’aide à l’autocréation (ndlr : Azimut, Creajob, Challenge, etc.) le coût par
emploi créé est d’environ 10.000
euros, alors qu’un chômeur coûte
autour de 35.000 euros par an,
selon le Bureau du Plan. Il faut
aussi tenir compte de ceux qui ne
créent pas leur entreprise mais
retrouvent un boulot de salarié.
Qui seront les entrepreneurs à
succès ?
Les plus agiles et les plus partageurs. Pour utiliser une
Tout est parfait, donc…
métaphore, ils comNon, le gros problème
binent la solidité et la
en Wallonie, c’est que
force de travail de l’éléles structures d’aide à
phant (des fondamenl’entrepreneuriat
taux incontournables) à
ciblent essentiellement
la bienveillance du daules demandeurs d’emphin, qui tire sa puisploi, à l’exception des
sance vitale de son intelporteurs de projet techligence collective. Et il se Philippe
nologiques. Or, qui
meut dans l’océan bleu, Ledent. © DR
sont les créateurs d’enà savoir qu’il crée de
treprise aujourd’hui ?
nouveaux business dans
Majoritairement des
un monde à réinventer. L’intui- ex-salariés. Très peu de moyens
tion est sa première qualité et publics sont dégagés pour les sason optimisme le porte à trouver lariés qui veulent voler de leurs
de nouvelles solutions.
propres ailes. Cela existe dans les
pays nordiques, où le mentoring
Et la Wallonie dans tout cela ?
est aussi beaucoup plus dévelopNous devons évoluer vers une so- pé.
ciété plus entreprenante. En par- Par ailleurs, certains orgatant de tous les niveaux : la fa- nismes manquent de responsabimille, les mouvements de jeu- lité sociétale, en faisant croire
nesse, l’école, l’entreprise… le sta- que développer une entreprise,
tut est secondaire. Tant mieux si c’est facile, qu’il n’y aucun sacril’on crée sa boîte, mais c’est l’état fice à faire. Mais, même dans un
d’esprit qui compte. Prenons monde qui change très vite, cerexemple sur le Luxembourg, où taines certitudes subsistent… ■
Propos recueillis par
le gouvernement, les partenaires
OLIVIER FABES
sociaux et les opérateurs économiques portent la volonté de
faire de ce petit pays une
« Entreprendre en 2016 :
“Startup Nation”. Certes, notre
devenir un aventurier
voisin a un énorme avantage,
4.0 »
avec seulement deux niveaux de
PHILIPPE LEDENT
pouvoir : l’Etat et les comEdiPro
munes…
Y a-t-il trop de structures d’ac-
STEROP ET MOBILEXPENSE
MEILLEURS EXPORTATEURS
BRUXELLOIS
Patrick Billiet (cofondateur de MobileXpense avec
Xavier Deleval) et Sophie Eykerman (CEO de Sterop). © DR
Lauréate dans la catégorie « biens », Sterop est une entreprise
familiale pharmaceutique basée à Anderlecht depuis 70 ans.
Elle est devenue un leader mondial dans la production d’ampoules injectables de molécules essentielles (anti-douleurs,
nutriments, oligo-éléments) à usage hospitalier. Elle a déjà livré
plus de 50 millions d’ampoules un peu partout dans le monde,
« jusque dans des dispensaires au milieu de la brousse africaine »,
explique la CEO Sophie Eykerman, petite-fille du fondateur, à la
tête de cette PME d’une centaine de personnes depuis 8 ans.
Ses conseils aux exportateurs ? « Beaucoup d’audace et être à
l’écoute des clients », résume l’entrepreneure. Quand elle a pris
les rênes de l’entreprise, Sterop réalisait environ 70 % de son
chiffre d’affaires en Belgique et 30 % à l’étranger. Le rapport
s’est désormais inversé.
Gagnante dans la catégorie « services », MobileXpense avait
déjà fait parler d’elle il y a 15 ans dans la presse spécialisée en
proposant une solution logicielle à la gestion des notes de frais,
un casse-tête pour beaucoup d’entreprises. Lancée prudemment par deux ex-cadres de Shell – Patrick Billiet et Xavier
Deleval – elle a accéléré son développement ces dernières
années pour employer désormais une cinquantaine de personnes, à Bruxelles et depuis peu dans un bureau en Allemagne
(6 personnes). En 2014, l’application dans le ‘cloud’, qui automatise donc le processus de gestion des notes de frais et de
leurs justificatifs (sur base de photos prises par smartphone) a
traité plus de 9,5 millions de transactions. Cette année, MobileXpense prévoit une croissance de 30 % pour dépasser 5,5
millions de chiffre d’affaires. « Notre atout, venant d’une multinationale, a été d’afficher d’emblée une image de sérieux pour gagner
la confiance de grands groupes. On touche tout de même à l’argent
des gens, à la transparence comptable. Un déclic a certainement
été notre premier grand contrat dans 30 pays avec Canon, tout
comme l’embauche d’un responsable commercial pour l’Allemagne
qui a ouvert pas mal de portes », retrace Patrick Billiet. L’Allemagne est le plus gros pays d’exportation en termes de chiffre
d’affaires, la Chine pour ce qui est du volume de notes de frais
traitées.
« 70 % du PIB bruxellois est généré à l’export. Pour 80 %, ces
exportations sont intra-européennes. Il est essentiel d’encourager
nos entreprises à aller au-delà de l’Europe », rappelait la secrétaire d’Etat bruxelloise au commerce extérieur Cécile Jodogne.
OLIVIER FABES
Entrepreneur
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Pour évoluer vers une société plus
entreprenante, il faut partir de tous
les niveaux. Dont l’école.
© BRUNO DALIMONTE
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