Il te précède en Galilée

Transcription

Il te précède en Galilée
Il te précède en Galilée
Le matin de Pâques, les femmes montent au tombeau de Jésus. Mais, contre toute attente, Jésus n’est plus
dans le sépulcre où on l’avait barricadé. L’Écriture rapporte : « L’ange prit la parole et dit : il n’est pas ici. » Le
tombeau est vide. Ainsi, la résurrection, c’est d’abord une absence, c’est une déception de plus pour les fidèles : les
femmes pensaient trouver Jésus et ne le trouvent pas. L’amour de Dieu a été manifesté en ceci : les femmes n’ont
pas trouvé Jésus. Il n’y a plus rien à garder, plus rien à embaumer ; le veau d’or n’est pas là ; les femmes sont venues
en vain, elles sont désemparées ; les gardes sont effrayés, les prêtres ennuyés. Jésus n’est plus là.
Vivre l’aventure de Pâques, c’est pour nous aussi découvrir que notre idole familière, notre Christ sur mesure,
n’est plus au rendez-vous ; l’ange de Pâques nous montre le vide, le néant des illusions, des croyances, des
assurances même les plus fortes, les plus solidement gardées. Aujourd’hui aussi l’absence du Christ dans la tombe
que nous avons taillée pour lui est évidente. Aujourd’hui aussi les femmes montent pour rien. Aujourd’hui aussi ceux
qui gardent le Christ sont effrayés, les prêtres et les théologiens cherchent par tous les moyens à expliquer l’absence
du Christ par quelques tours de passe-passe. Que chacun de nous confesse également que le Christ-idole auquel il
s’est attaché n’est plus dans la tombe où il l’avait enfermé.
La découverte du tombeau vide, c’est aussi la découverte du vide du passé. Car c’était aussi vers le passé
que les femmes s’étaient tournées en allant au tombeau.
Jésus à la naissance miraculeuse, Jésus le magicien de la résurrection de Lazare, Jésus le roi de la fête des
Rameaux, Jésus le martyr du Vendredi saint. C’était là ce qu’il fallait à tout prix préserver.
Pour nous aussi, la foi est une sorte de pèlerinage rendu au Dieu glorieux dont on nous a tant parlé dans le
passé. Oui, le Dieu des martyrs, des réformateurs, le Dieu de nos parents, le Dieu de nos jeunes années d’École du
dimanche, le Dieu de notre confirmation, de notre conversion peut-être.
Mais voilà que Jésus n’est plus là.
Et voici que l’ange ajoute : « Il vous précède en Galilée. » Ainsi, le Christ n’est pas à chercher dans le passé.
Il est à deviner dans l’avenir.
J’ai quelquefois cherché de quel nom je pourrais appeler le Christ. Ses noms sont multiples. Mais il en est un
qui s’enfouit très profondément en moi : Celui qui nous précède en Galilée. Il nous a été promis de le rencontrer. Il
nous a été dit que nous le trouverons quelque part sur la terre des hommes. Nous le cherchons sans le connaître.
Nous le pressentons sans savoir qui il est. Jésus, celui qui nous précède. Ce nom ne peut être celui d’une idole. Ce
nom seul ne nous sépare pas des hommes. Chercher celui qui nous précède, voilà ce qui unit les hommes dans une
commune espérance active, voilà ce qui a réuni les disciples après Pâques. Qui devons-nous chercher ? Nous
l’ignorons. Comment le reconnaîtrons-nous ? Nul ne le sait. Il nous est seulement promis qu’un jour nous
rencontrerons parmi les hommes celui qui nous attestera notre salut.
L’ange dit : « Il vous précède en Galilée. » Le renouveau que vous cherchez n’est pas hors de la vie. Au
contraire, retournez vers les hommes, descendez vers la ville, c’est là que se trouve le renouveau que vous cherchez.
Le Christ est vivant, Sa vie nouvelle est dans la vie, parmi les vivants. Le Christ que vous cherchez pour échapper à
votre ennui et à vos soucis se trouve dans la rencontre des frères, avec leur misère, leur attente et leur mélancolie.
Le Christ te précède en Galilée, au pays des païens. Il a préparé ton chemin en y passant le premier. Il l’a
ouvert.
Chemin riant ou sombre, chemin choisi ou imposé, marche-s-y sans crainte. Le Christ est passé avant toi à
travers les ronces, les épines et les gués. Il a reçu avant toi les coups de l’adversité, pour qu’ils te soient épargnés.
Ton propre chemin t’est donné, pardonné.
(Alain Houziaux, « Paraboles au quotidien »)