Quelques transcriptions de l`émission Merci professeur

Transcription

Quelques transcriptions de l`émission Merci professeur
Éduquer aux médias avec TV5MONDE © CRDP de l’académie de Versailles, 2011
Quelques transcriptions de l’émission
Merci professeur
Quelques transcriptions de l’émission Merci professeur – 1/6
Éduquer aux médias avec TV5MONDE © CRDP de l’académie de Versailles, 2011
Alinéa, paragraphe
Nous écrivons, nous écrivons même beaucoup, mais grâce à un clavier et sur un écran. La révolution informatique a changé le support de l’écriture, les moyens de sa diffusion et de sa conservation ;
mais elle a conservé les modes de structuration des textes, lentement acquis au cours de l’Histoire.
Dans l’Antiquité, faute de place sur la tablette de cire, le papyrus ou la pierre, c’est par la ponctuation, et non par l’espace, que l’on distinguait les différentes parties d’un développement. Le signe
de ponctuation signalant la fin d’une idée, d’un argument ou d’une partie, est l’ancêtre de notre
moderne §. Les Latins le nommaient paragraphus, terme emprunté au grec paragraphê, « écrit à
côté, annotation marginale ». Dans l’Antiquité tardive, paragraphus en est venu à désigner la section
du texte terminée par un tel signe ; c’est dans ce sens que le mot est passé en français. Paragraphe
signifie « partie du texte délimitée par une ponctuation », puis : « par un passage à la ligne ».
Entre-temps, on avait inventé le papier, l’imprimerie, et l’alinéa.
Étymologiquement, il s’agit de la substantivation (milieu XVIIe siècle) de la locution latine a linea,
« en sortant, en s’écartant de la ligne », employée en dictant.
L’alinéa, ou passage à la ligne, est une spécificité de l’imprimerie, inconnue du manuscrit qui privilégiait, je l’ai dit, les signes de ponctuation. C’est, paradoxalement, le marquage d’une articulation
textuelle, par l’absence de tout signe, par le blanc.
Cette invention du Grand Siècle, réorganisant profondément la disposition de l’écrit, nous est
devenue si habituelle qu’aucun progrès technique n’y a touché. Beau sujet de méditation…
Canard
Dans le domaine de la presse, on ne craint pas les images botaniques, telle la feuille de choux, ni
animalières : un canard. Toutes deux désignent une publication de faible valeur.
Rien à voir avec marcher « en canard » ou « un froid de canard ».
Le canard de la presse semble provenir d’une acception figurée, bien attesté au XVIIIe siècle, mais
disparue depuis : « fausse nouvelle lancée dans la presse ». L’expression provient sans doute de la
locution bailler un canard à moitié, attestée depuis la fin du XVIe siècle, et qui signifiait « tromper ».
Ce sens a dû donner par extension, dans l’argot de la première moitié du XXe siècle, celui de
« journal de peu de valeur, qui trompe son monde », puis celui de « journal quelconque » : « je l’ai
lu dans un canard ».
Un seul emploi reste positif ; il résulte d’une fausse auto-dérision. On a évidemment en tête l’incontournable Canard enchaîné, parodie du journal L’ Homme libre, tribune de Georges Clemenceau,
devenu L’homme enchaîné après avoir subi la censure. Longue vie à cet indispensable volatile !
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Coquille
Mes correspondants se plaignent souvent de relever trop de coquilles dans les journaux et les
ouvrages, autant de perles dont ils se passeraient bien. Mais où sont passés les protes d’antan ? Ces
contremaîtres dirigeaient les correcteurs d’imprimerie d’une main de fer et d’un regard aigu.
Coquille provient du latin vulgaire *conchilia, neutre pluriel pris comme féminin du classique
conchylium, « coquillage ».
C’est un mot très polysémique : des très sérieuses coquilles Saint-Jacques à l’appareil de protection
du bas-ventre (dans les sports de combat), il offre une gamme fort variée d’emplois.
À partir du début du XVIIIe siècle, on le rencontre au sens de faute d’imprimerie, de « substitution
d’une lettre à une autre ».
Cet emploi figuré a des explications variées. D’aucuns veulent y voir une allusion aux fausses
coquilles des faux pèlerins de Saint-Jacques ; d’autres y voient une analogie de forme : certaines
lettres retournées rappelleraient une coquille.
Quelle que soit son origine, notre coquille s’est curieusement maintenue au cours des transformations de la typographie. Aujourd’hui, il n’y a plus de coquille à proprement parler, puisque la
composition en plomb a disparu.
Mais à l’ère de l’informatique, la charmante coquille semble résister aux plates erreurs de frappe
ou de saisie.
Dépêche
Dès son entrée dans le français, en 1460, la dépêche est une lettre, d’abord lettre patente (décision
royale), puis courrier quelconque à la fin du XVe.
Elle nous vient du verbe dépêcher, « envoyer en hâte », formé comme antonyme d’empêcher par
substitution de préfixe.
Le mot se rencontre surtout dans les expressions « dépêche ministérielle », « dépêche de presse »
et aujourd’hui « dépêche mode ». C’est en effet le résultat de la spécialisation du terme à la fin du
XVIIe siècle dans le document circulaire concernant les affaires publiques ; il désigne la communication officielle diffusée par voie rapide. On songe évidemment à la fameuse Dépêche du Midi publiée
à Toulouse.
Dans le même ordre d’idées, Chateaubriand, qui fut diplomate, avait repris à l’ancien français le
dérivé dépêchement, « action d’envoyer quelqu’un ou quelque chose ». Le français technique, ayant
besoin de noms d’action, l’a retenu : on parle ainsi aujourd’hui du « dépêchement d’un expert ».
Le dépêcheur, « qui expédie une besogne avec célérité », créé au XVIe siècle, n’a pas eu la même
chance ; en dépit d’une réintroduction au XIXe siècle, il n’a pas fait souche. Ne trouverait-on plus de
bon dépêcheur ?
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Gazette
Théophraste Renaudot, précurseur de la presse, lança sa fameuse Gazette en 1631.
Le mot avait alors une saveur italienne : il venait d’être fraîchement emprunté à gazetta, « feuille
volante d’information ». Le mot italien provenait du titre d’une publication vénitienne : La Gazeta
de le novite, qui coûtait une gazetta, c’est-à-dire une pièce de monnaie.
Le terme est en concurrence avec journal pour désigner un écrit périodique contenant des nouvelles.
Au figuré, on le trouve attesté dès la fin du XVIe siècle pour désigner une personne bavarde. D’où
l’expression « faire la gazette » : conter les menus faits du jour, les commérages.
Le mot s’est maintenu vaillamment durant tout l’Ancien Régime, donnant naissance au XIXe
siècle au gazetier, directeur ou rédacteur d’une gazette, puis, péjorativement, colporteur de ragots.
Aujourd’hui, gazette est surtout d’emploi plaisant : son usage est senti comme un peu affecté,
et s’applique notamment, et non sans condescendance, à la presse locale. Georges Brassens se
moque des racontars « qui nous valent les honneurs des gazettes ».
Journal
Littéralement, le journal, c’est ce qui, comme l’écrivait spirituellement Mme de Sévigné, nous
livre « l’évangile du jour ».
Le mot, dérivé de jour, apparaît d’abord en français comme adjectif : etoile journale (c’est-à-dire
du matin).
À partir du XIVe siècle, journal désigne le « livre d’enregistrement des actes », puis le « livre des
prières quotidiennes » ; il commence ainsi à indiquer le récit des actes du jour.
Le XVIIe siècle est un tournant dans son développement sémantique : journal prend le sens de
publication périodique consacrée aux faits saillants. Il concerne d’abord des publications savantes
(journal du Palais ; journal de médecine). Évinçant, dans la relation de l’actualité, l’italien gazette,
pourtant bien installé, il désigne d’abord ce que l’on appelle aujourd’hui une revue. Il faut attendre
la fin du XVIIIe siècle pour le voir prendre le sens courant actuel : « publication quotidienne fournissant
des nouvelles ».
Le développement des médias, écrits au XIXe, audiovisuels au XXe siècle, a largement répandu ce
terme. Ainsi, on l’emploie aujourd’hui dans le domaine de la télévision, souvent en emploi absolu :
« le journal de 20 heures ».
Il a donné naissance à une pléthore de dérivés : journalisme, journaliste, journalistique ; mais
aussi journalicule (petit journal sans valeur). Retenons le journaleux, qui dénonce, depuis le XIXe
siècle, un médiocre chroniqueur. On n’a pas cela, à TV5MONDE !
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Magazine
Un magazine, me direz-vous, n’est pas un magasin. Pourtant, les deux mots sont liés.
L’anglais a emprunté le français magasin, attesté au XIIe siècle, qui provenait de l’arabe makhzin,
« bureau, dépôt » par le biais de l’italien ou du provençal. C’est en anglais (qui l’écrit avec z et e final :
magazine) que le terme a évolué vers le sens d’ « ensemble d’informations », d’où son emploi pour
désigner un recueil périodique.
Le français a repris magazine (et sa nouvelle orthographe) à l’anglais dans le dernier tiers du
XVIIIe siècle, dans ce sens.
C’est avec le développement massif de la presse à partir des années 1830 que le mot commence
à devenir d’usage courant. Dans la hiérarchie de la presse, le magazine a longtemps fait figure de
parent pauvre à côté des grands journaux. Destiné à la vulgarisation, il ne s’interdit pas le potpourri, en lien avec son origine.
Par analogie, le mot est utilisé par la radio et la télévision, avec la même perspective d’une diffusion
large de l’information : « un magazine sportif ».
Il s’agit d’un substantif. Notons toutefois ce bel emploi adjectival que l’on doit à André Malraux
dans La Condition humaine, au sujet d’une dame un peu superficielle : une « femme, gentille, un peu
magazine ». Pas mal…
Marronnier
Vous êtes peut-être allergique aux marronniers. Il ne s’agit pas forcément d’un problème arboricole ;
d’autres feuilles peuvent être incriminées.
Je veux parler de ces sujets de presse qui reviennent périodiquement, aux mêmes époques
de l’année : les régimes avant les vacances, les escroqueries pendant, le prix de l’immobilier, les
­mystères francs-maçons...
Le mot est entré en français dans les années 1950 au sens d’ « article de circonstance publié traditionnellement à certaines dates ». C’est un terme technique de la presse : on le trouve fréquemment
dans l’expression « sortir un marronnier » : « Une page à remplir ? Pas de problème, coco, tu nous
sors un marronnier ! »
On est tenté de trouver son origine dans un emploi analogique : ces articles attendus paraissent
avec la même régularité que les fleurs et les fruits de l’arbre qui ornent nos boulevards. Notons
­toutefois que les journalistes anglais parlent de chestnut, lequel désigne… le marron ! Le mot français est-il une traduction ? Je sens un anglicisme…
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Scoop
Dans une civilisation de la vitesse et du changement perpétuel, le scoop possède une valeur
considérable : il importe d’occuper le terrain.
C’est un emprunt, dans les années 1950-1960, à un substantif américain tiré du verbe to scoop,
« ramasser, écoper », devenu, dans l’argot des journalistes, « couper l’herbe sous les pieds, devancer ».
Tiens donc, scoop/écoper : il y a bien sûr une parenté. Tous deux proviennent d’un vieux mot
francique, skopa, qui a donné le français écope, « petite pelle en bois qui sert à rejeter l'eau ayant
pénétré dans une embarcation », puis écoper.
Le mot scoop s’est imposé au détriment du classique primeur. L’expression avoir la primeur de,
en parlant d’une information, date des dernières années du XVIIIe siècle. Le philosophe Alain écrit
joliment (et sagement) : « Je ne veux point les dernières découvertes ; cela ne cultive pas. La culture
générale refuse les primeurs et les nouveautés. »
Un autre concurrent a été évincé, peut-être à cause de sa longueur : exclusivité ; il désigne
une « information importante donnée en exclusivité ». Ces disparitions sont fort regrettables ;
­combattons-les !
« C’est un scoop ? » – « Non, Môsieur, c’est une primeur, fournie en exclusivité ! »
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