Devoir de français n° 7 Objet d`étude : La question de l`Homme dans

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Devoir de français n° 7 Objet d`étude : La question de l`Homme dans
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Devoir de français n° 7
Objet d'étude : La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du
XVIe s. à nos jours.
Corpus :
Texte A : Rabelais, Gargantua, ch. LVII, "L'abbaye de Thélème" 1535.
Texte B : Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, ch. 4, 1726.
Texte C : Pierre Boulle, La Planète des Singes, ch. XV, 1963.
Texte A : Rabelais, Gargantua, ch. LVII, "L'abbaye de Thélème" 1535.
Rabelais, un écrivain humaniste de la Renaissance, a fait des géants Gargantua et Pantagruel
les héros de ses romans. Gargantua, que Rabelais présente comme un souverain exemplaire, fonde
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l'abbaye de Thélème, bien différente des monastères et des couvents du XVI siècle. Le texte cidessous décrit les usages des Thélémites, c'est-à-dire des pensionnaires de cette abbaye.
Comment était réglée la vie des Thélémites
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Toute leur vie était ordonnée non selon des lois, des statuts ou des règles, mais
selon leur bon vouloir et leur libre arbitre. Ils se levaient quand bon leur semblait,
buvaient, mangeaient, travaillaient, et dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les
réveillait, nul ne les contraignait à boire, à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi en
avait décidé Gargantua. Pour toute règle, il n'y avait que cette clause :
FAIS CE QUE VOUDRAS,
parce que les gens libres, bien nés et bien éduqués, vivant en bonne compagnie, ont par
nature un instinct, un aiguillon qui les pousse toujours à la vertu et les éloigne du vice,
qu'ils appelaient honneur. Ces gens-là, quand ils sont opprimés et asservis par une
honteuse sujétion et par la contrainte, détournent cette noble inclination par laquelle ils
tendraient librement à la vertu, et s'en servent pour rejeter le joug d'un esclavage qu'ils
jugent insupportable ; car nous entreprenons toujours ce qui nous est interdit et nous
convoitons ce qui nous est refusé.
C'est cette liberté même qui les poussa à une louable émulation : ils faisaient tous
ce qu'ils voyaient faire plaisir à un seul. Si l'un ou l'une d'entre eux disait : "Buvons", ils
buvaient tous ; s'il disait : "Jouons", tous jouaient ; s'il disait : "Allons nous amuser aux
champs", tous y allaient. S'il s'agissait de chasser à courre ou au vol (1), les dames,
montées sur de belles haquenées (2) suivies du palefroi de guerre, portaient sur leur
poing joliment gantelé un épervier, un laneret ou un émerillon (3). Les hommes portaient
les autres oiseaux.
Ils étaient si bien éduqués qu'il n'y avait parmi eux homme ni femme qui ne sût
lire, écrire, chanter, jouer d'instruments de musique, parler cinq ou six langues et y
composer, tant en vers qu'en prose. Jamais on ne vit de chevaliers si vaillants, si hardis,
si adroits au combat à pied ou à cheval, plus vigoureux, plus agiles, maniant mieux les
armes que ceux-là ; jamais on ne vit de dames si fraîches, si jolies, moins acariâtres,
plus doctes aux travaux d'aiguille et à toute activité de femme honnête et bien née que
celles-là.
C'est pourquoi, quand arrivait le temps où l'un d'entre eux, soit à la requête de
ses parents, soit pour d'autres raisons, voulait quitter l'abbaye, il emmenait avec lui une
des dames, celle qui l'aurait choisi pour chevalier servant, et ils se mariaient ; et s'ils
avaient bien vécu à Thélème en amitié de cœur, ils continuaient encore mieux dans le
mariage, et ils s'aimaient autant à la fin de leurs jours qu'au premier jour de leurs noces.
Rabelais (1483-1553), Gargantua (ch. LVII), 1535.
Adaptation en français moderne.
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1. Chasser au moyen d'oiseaux de proie. 2. Chevaux de promenade pour les dames, avec un harnais
élégant. 3. Oiseaux utilisés pour la chasse.
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Texte B : Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, ch. 4, 1726.
Deux empires s'affrontent dans le roman satirique de l'Irlandais Jonathan Swift, l'île de
Blefuscu et celle de Lilliput. Gulliver, "homme montagne" chez les minuscules Lilliputiens, se voit
chargé d'une mission d'envergure : arbitrer une guerre immémoriale et meurtrière.
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Ces deux formidables puissances se trouvent engagées depuis trente-six
lunes (1) dans une guerre à mort, et voici quelle en fut l'occasion. Chacun sait qu'à
l'origine, pour manger un œuf à la coque, on le cassait par le gros bout. Or, il advint que
l'aïeul de notre empereur actuel, étant enfant, voulut manger un œuf en le cassant de la
façon traditionnelle, et se fit une entaille au doigt. Sur quoi l'empereur son père publia un
édit ordonnant à tous ses sujets, sous peine des sanctions les plus graves, de casser
leurs œufs par le petit bout. Cette loi fut si impopulaire, disent nos historiens, qu'elle
provoqua six révoltes, dans lesquelles un de nos empereurs perdit la vie, un autre sa
couronne. Ces soulèvements avaient chaque fois l'appui des souverains de Blefuscu et,
lorsqu'ils étaient écrasés, les exilés trouvaient toujours un refuge dans ce royaume. On
estime à onze mille au total le nombre de ceux qui ont préféré mourir plutôt que de céder
et de casser leurs œufs par le petit bout. On a publié sur cette question controversée
plusieurs centaines de gros volumes ; mais les livres des Gros-Boutiens sont depuis
longtemps interdits et les membres de la secte écartés par une loi de tous les emplois
publics. Au cours de ces troubles, les empereurs de Blefuscu nous ont, à maintes
reprises, fait des remontrances (2) par leurs ambassadeurs, nous accusant d'avoir
provoqué un schisme (3) religieux et d'être en désaccord avec les enseignements que
notre grand prophète Lustrog donne au chapitre cinquante-quatre du Blundecral (c'est le
nom de leur Coran). Cela s'appelle, bien sûr, solliciter les textes (4). Voici la citation :
"Tous les vrais fidèles casseront leurs œufs par le bout le plus commode." Quel est le
plus commode ? On doit, à mon humble avis, laisser à chacun le soin d'en décider selon
sa conscience ou s'en remettre alors à l'autorité du premier magistrat. Or les GrosBoutiens exilés ont trouvé tant de crédit à la cour de l'empereur de Blefuscu et chez
nous tant d'aide et d'encouragements secrets que depuis trente-six lunes, une guerre
sanglante met aux prises les deux empires, avec des fortunes très diverses ; elle nous a
coûté, jusqu'à présent, la perte de quarante vaisseaux de ligne, d'une quantité d'autres
navires, ainsi que de trente mille de nos meilleurs matelots ou soldats, et l'on estime que
les pertes de l'ennemi sont encore plus considérables.
Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, ch. 4, 1726.
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1. Lune : période de 28 jours (mois lunaire). 2. Ont fait des remontrances : se sont plaints (langage de
la diplomatie). 3. Schisme : Division d'une religion entre deux croyances différentes. 4. Solliciter les
textes : forcer leur sens.
Texte C : Pierre Boulle, La Planète des Singes, ch. XV, 1963.
Dans un lointain avenir, un être humain quitte la Terre et arrive sur une planète où les
hommes ne sont que des animaux dépourvus d'intelligence, tandis que les singes constituent l'espèce
dominante. Le Terrien, qui est le narrateur, est fait prisonnier par les singes et arrive dans un
laboratoire. Enfermé dans une cage, il y est soumis à des expériences scientifiques, sous la direction
de Zira, une "guenon chimpanzé".
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Trois personnages s’avançaient dans le passage : Zira, la guenon chimpanzé, et
deux autres singes dont l’un était visiblement une haute autorité.
C’était un orang-outan ; le premier de cette espèce que je voyais sur la planète Soror.
Il était moins grand que les gorilles et assez voûté. Ses bras étaient relativement plus longs,
de sorte qu’il marchait souvent en prenant appui sur ses mains, ce que les autres singes ne
faisaient que rarement. Il me donnait ainsi l’impression bizarre de s’aider de deux cannes. La
tête ornée de longs poils fauves enfoncée dans les épaules, le visage figé dans un air de
méditation pédante, il m’apparut comme un vieux pontife, vénérable et solennel. Son
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costume tranchait aussi sur celui des autres : une longue redingote noire, dont le revers
s’ornait d’une étoile rouge, et un pantalon rayé blanc et noir, le tout assez poussiéreux.
Une guenon chimpanzé de petite taille le suivait, portant une lourde serviette. D’après
son attitude, elle devait être sa secrétaire. On ne s’étonne plus, je pense, de me voir signaler
à chaque instant des attitudes et des expressions significatives chez ces singes. Je jure que
tout être raisonnable eût conclu comme moi, à la vue de ce couple, qu’il s’agissait d’un
savant chevronné et de son humble secrétaire. Leur arrivée fut l’occasion pour moi de
constater une fois de plus le sens de la hiérarchie qui semblait exister chez les singes. Zira
témoignait au grand patron un respect évident. Les deux gorilles se portèrent à sa rencontre
dès qu’ils l’aperçurent et le saluèrent très bas. L’orang-outan leur fit un petit signe
condescendant de la main.
Ils se dirigèrent tout droit vers ma cage. N’étais-je pas le sujet le plus intéressant du
lot ? J’accueillis l’autorité avec mon sourire le plus amical et en lui parlant sur un ton
emphatique.
"Cher orang-outan, dis-je, combien je suis heureux d’être enfin en présence d’une
créature qui respire la sagesse et l’intelligence ! Je suis sûr que nous allons nous entendre,
toi et moi."
Le cher vieillard avait tressauté au son de ma voix. Il se gratta longuement l’oreille,
tandis que son œil soupçonneux inspectait la cage, comme s’il flairait une supercherie. Zira
prit alors la parole, son cahier à la main, relisant les notes prises à mon sujet. Elle insistait,
mais il était manifeste que l’orang-outan refusait de se laisser convaincre. Il prononça deux
ou trois sentences d’allure pompeuse, haussa plusieurs fois les épaules, secoua la tête, puis
mit les mains derrière son dos et entreprit une promenade dans le couloir, passant et
repassant devant ma cage en me lançant des coups d’œil assez peu bienveillants. Les
autres singes attendaient ses décisions dans un silence respectueux.
Un respect apparent tout au moins, et qui me parut peu réel lorsque je surpris un
signe furtif d’un gorille à l’autre, sur le sens duquel il était difficile de se tromper : ils se
payaient la tête du patron. Ceci, joint au dépit que je ressentais de son attitude à mon égard,
m’inspira l’idée de lui jouer une petite scène propre à le convaincre de mon esprit. Je me mis
à arpenter la cage en long et en large, imitant son allure, le dos voûté, les mains derrière le
dos, les sourcils froncés avec un air de profonde méditation.
Les gorilles s’étouffèrent à force de rire et Zira, elle-même, ne put garder son sérieux.
Quant à la secrétaire, elle fut obligée de plonger le museau dans sa serviette pour dissimuler
son hilarité.
Pierre Boulle, La Planète des Singes, ch. XV, 1963.
ÉCRITURE
Vous n'oublierez pas la marge supplémentaire de trois carreaux à gauche. Vous
traiterez, au choix, l'un des sujets suivants :
1. Vers la question sur le corpus.
Rédigez deux paragraphes qui pourraient faire partie d'une réponse à une question sur le
corpus, libellée ainsi :
Comment les auteurs du corpus essaient-ils d'intéresser leur lecteur ?
Vous ne rédigerez ni introduction ni conclusion.
2. Vers le commentaire composé.
Rédigez deux paragraphes qui pourraient figurer dans le commentaire composé du texte de
Pierre Boulle (Texte C, extrait de La Planète des Singes).
Vous ne rédigerez ni introduction ni conclusion.
3. Le sujet d'invention.
Texte de base : le texte C (Pierre Boulle, La Planète des Singes).
Le narrateur, qui a réussi à faire reconnaître son intelligence, est libéré, et Zira lui fait visiter la
planète des singes. Elle le conduit dans un lycée et lui permet d'assister à une heure de cours.
Mettez-vous à la place du narrateur et racontez cet épisode. Votre devoir fera environ deux pages.

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