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Le Mékong : cartographie politique
LE MÉKONG : CARTOGRAPHIE POLITIQUE
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Dans la mythologie hindoue, il fut créé par les ondulations des Nagas, ces serpents qui gardent le monde
sous-terrain. Les Chinois, eux, l’appellent le fleuve turbulent, les Vietnamiens le nomment rivière aux neuf
dragons, et pour les Thaïs, c’est la mer des fleuves, ce qui se dit « Mae Khong » en thaï. Eh bien,
effectivement, c’est du Mékong dont je vais vous parler aujourd’hui car ce fleuve concerne un grand
nombre de pays et fait vivre des dizaines de millions de personnes.
Le Mékong est en Asie du Sud-Est et durant sa course, le fleuve traverse six États : la Chine, la Birmanie,
le Laos, la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam. C’est important à retenir car cela induit des relations de
dépendance, et parfois des tensions politiques entre les États en amont et les États en aval du fleuve. Au
total, le Mékong parcourt 4900 kilomètres. Il naît dans le plateau tibétain, à 5200 mètres d’altitude et
trace ensuite son lit dans le Yunnan, au travers d’étroites gorges. Puis il passe dans le Triangle d’or,
région qui fait frontière avec la Birmanie, la Thaïlande, le Laos. Puis enfin au Laos, où il s’élargit, recevant
alors l’eau de nombreux affluents. Et lors de son passage dans la plaine cambodgienne, le fleuve a déjà
réuni 95% de son débit. Enfin, le Mékong termine sa course au Vietnam pour se jeter en mer de
Chine. En fait le fleuve se divise en deux grands bassins, le Haut-Mékong et le Bas-Mékong.
Allons voir la région du Haut-Mékong car la Chine cherche à exploiter au maximum le potentiel du fleuve.
La portion chinoise du Mékong représente 2130km, soit près de la moitié de la longueur totale du fleuve.
Vous voyez là la principale portion navigable sur le territoire chinois. Elle est assez limitée en
comparaison de la longueur totale de la portion chinoise. Et la Chine voudrait ouvrir le fleuve à un trafic
plus important depuis le Sud de la Chine jusqu’au Laos, tant pour le commerce que pour le tourisme.
Pour cela, Pékin a entrepris le dragage du fleuve et la destruction de récifs et d’îlots, notamment sur la
portion en orange sur la carte. Mais en fait le résultat s’avère décevant car le fleuve est sinueux et
devient de plus en plus étroit, ce qui compromet l’usage du fleuve comme axe de pénétration de la Chine
vers la péninsule indochinoise.
La Chine mise aussi sur un autre moyen pour exploiter le Mékong : les barrages. Voici les barrages
existant en Chine en 2013, et ceux qui sont en construction ou en planification à cette même date. Et
une fois achevés, tous ces barrages devraient permettre à la Chine d’accéder à une puissance hydroélectrique considérable. Mais toutes ces constructions ont des conséquences sur les populations.
Premièrement, plus de 100 000 personnes ont été placées de force lors de la construction de ces
barrages, principalement des minorités ethniques. A titre d’exemple, le barrage de Xiaowan, a entraîné le
déplacement de 40 000 personnes. Deuxièmement, les autorités chinoises peuvent procéder à des
lâchages d’eau de rétention en période sèche entraînant des inondations destructrices, comme celles qui
ont ravagé, fin 2013, des provinces du Nord du Laos et de la Thaïlande. Donc, on mesure ce qui peut
générer des tensions du fait de certaines des politiques chinoises.
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Maintenant arrêtons-nous à la hauteur du Triangle d’or, à la frontière entre la Birmanie, le Laos, la
Thaïlande, où la navigation sur le fleuve est soumise à des aléas politiques. En cette région qui fait
frontière entre trois États, la navigation est réputée dangereuse du fait de l’existence d’un intense trafic
de drogues. De même, elle est également perturbée par les affrontements militaires qui ont lieu dans
l’État Shan entre l’armée birmane et une partie de l’ennemi Kokang. Et tous ces facteurs rendent cette
partie du Mékong dangereuse et compromettent le potentiel du fleuve comme autoroute fluviale.
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Allons voir maintenant du côté du Laos. Voici les barrages existants au Laos en 2013, ils ont été
construits sur un affluent du Mékong. Et voici ceux qui sont en construction ou en planification. Des
travaux sur le premier d’entre eux, le barrage de Xayaburi, ont commencé en 2013, car l’objectif de
Vientiane, est de transformer le pays en une sorte de batterie électrique de la région, grâce à la
production et l’exportation de l’électricité vers les divers voisins de l’Asean, et particulièrement la
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Thaïlande. Mais pour plusieurs ONG comme WWF, cette politique aura des conséquences
environnementales majeures, comme la disparition de certaines espèces de poissons.
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Passons maintenant au niveau du Cambodge. Dans ce pays, on peut observer une des caractéristiques
du Mékong : la variabilité du débit. Car au moins 80% des ressources hydriques du fleuve, sur tout son
trajet, sont fournies durant la mousson de mai à septembre. Alors quelles en sont les conséquen ces ? Si
on regarde le trajet du Mékong au Cambodge, on voit que le fleuve alimente le lac du Tonlé Sap, avant
d’entrer dans la capitale cambodgienne, Phnom Phen. Le Tonlé Sap, est le plus vaste bassin d’eau douce
de l’Asie du Sud Est. Et il fonctionne un peu comme un réservoir. Lorsque la mousson fait sortir le
Mékong de son lit, il recueille le trop plein des eaux, et le lac va jusqu’à quintupler de volume. Et en
saison sèche, en sens inverse, le lac se vide à son tour dans le Mékong. C’est d’ailleurs ce phénomène
d’inversion hydrologique formé par le Mékong et le Tonlé Sap, qui a favorisé le développement de la
civilisation hydraulique d’Angkor sous l’empire Khmer.
Donc, allons voir le site d’Angkor de plus près. Cette abondance en eau avait permis la construction de
deux réservoirs de part et d’autre de la ville d’Angkor, les Baray occidental et oriental. Ce mécanisme
naturel, très bien mis à profit avait permis l’abondance du riz, donc la richesse. La ville d’Angkor, centre
de cette civilisation hydraulique, approchait le million d’habitants pendant l’apogée de l’empire Khmer au
XIIe et XIIIe siècle. Le Tonlé Sap est toujours aujourd’hui un grand bassin rizicole et en plus de la
riziculture, il abrite également des eaux de pêche. Deux tiers des poissons du Mékong naissent dans le
lac, qui est souvent vu comme la mère nourricière du pays.
Maintenant, si nous poursuivons notre route, on parvient au Delta, dans le sud du Vietnam, là où le
Mékong se jette en mer de Chine méridionale. Cette zone du delta a une importance majeure pour le
Vietnam : elle concentre 25% du PIB du pays, produit plus de la moitié de la récolte nationale de riz, elle
abrite près de 20 millions de personnes, et c’est d’ailleurs l’une des régions les plus denses du pays. Or
cette importance humaine et économique masque de nombreuses fragilités, notamment les
répercussions à venir des dérèglements climatiques qui vont être majeurs dans cette région. Vous voyez
sur cette carte les zones qui pourraient être inondées en cas d’élévation du niveau de la mer de plus ou
moins deux mètres. Hô Chi Minh-Ville et son agglomération, avec ses 9 millions d’habitants, apparaît ainsi
particulièrement vulnérable car très soumise au risque d’inondations.
Voilà, après avoir fait un tour de plusieurs pays riverains du Mékong, on constate que la plupart de ces
États cherchent à exploiter au mieux le potentiel du fleuve, mais souvent au détriment des États voisins,
et surtout au détriment de leur population et de leur environnement. Or, ces pays vont devoir faire face à
une problématique commune, celle de la conservation des ressources du Mékong.
Voici la région du grand Mékong. Elle rassemble les deux provinces chinoises du Yunnan et du Guangxi
ainsi que les pays traversés par le fleuve. Eh bien c’est la première zone de pêche en eaux intérieures au
monde, allant jusqu’à 25% des captures mondiales en eaux douces. Le Mékong est aussi le deuxième
réservoir fluvial de biodiversité de la planète après l’Amazone, avec plus de 1300 espèces de poissons,
dont 800 endémiques. Regardez ces timbres qui viennent du Laos. Or la construction de ces grands
barrages menace les espèces ainsi que les modes de vie fondés sur la pêche car ces barrages empêchent
la migration des espèces. Et pourtant la pression va s’accroître sur le Mékong et ses ressources car
regardez les taux de croissance du PIB pour l’année 2013 des différents pays que traverse le Mékong. On
le voit, ce sont des économies dynamiques, la région du Mékong est en pleine croissance, ce qui pourrait
nuire, on le comprend, à la protection des ressources du fleuve. Et puis, il y a aussi la pression
démographique car les populations du Laos, Cambodge, Vietnam, c’est-à-dire les pays qui dépendent le
plus du fleuve, devraient s’accroître de plus de 14 millions de personnes d’ici 2030.
Alors si les problématiques et les risques sont communs aux États de la région, les solutions apportées
apparaissent pour le moment en tout cas, totalement insuffisantes. En 1995 a été créée la Commission
du Mékong, qui rassemble ces quatre pays riverains. Elle a pour but en principe de promouvoir une
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gestion durable des ressources du fleuve mais, en fait, elle est paralysée par son manque de moyens et
sa faiblesse politique. Et en plus, la Chine n’est pas membre de cette Commission. Elle refuse de partager
ses informations sur ses actions sur le fleuve auprès des pays membres de la Commission, que de toute
façon elle n’a pas l’intention de rejoindre.
Alors les États riverains du Mékong ont bien tenté une stratégie de développement du grand Mékong,
mais ils ne parviennent pas à s’entendre pour ce qui est des secteurs énergétiques et hydrauliques. Les
hydro-stratégies nationales qui ont été mises en place par certains États situés en amont – je pense au
Laos et bien entendu à la Chine, représentent un vrai risque d’instabilité dans la région car on a tous les
ingrédients de malentendus qui peuvent dégénérer : économiques, énergétiques, et même pas mal de
susceptibilités nationales.
BIBLIO
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Alors vous pouvez lire utilement l’Atlas de l’Asie du Sud-Est, édité chez Autrement, en 2014. Cela vous
donnera un aperçu assez exhaustif des enjeux régionaux pour les pays riverains du Mékong. Et puis aussi
ce très beau livre édité chez Belin, Les fleuves mythiques , où vous retrouverez bien entendu le tracé, des
cartes et des photos concernant le Mékong.
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