Thomas Lachand-Robert THE`MES DE RECHERCHE I — EDP non

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Thomas Lachand-Robert THE`MES DE RECHERCHE I — EDP non
Thomas Lachand-Robert
THÈMES DE RECHERCHE
I — EDP non-linéaires et réarrangement
Ce type de thème est celui de ma thèse de doctorat. Je ne donne ici qu’une brève
description.
a) Propriétés qualitatives d’EDP non linéaires
On s’intéresse aux solutions d’équations surlinéaires du type −∆u = f(u), avec des
conditions aux limites mixtes Dirichlet-Neumann, ou entièrement de Neumann. On montre
des propriétés qualitatives, comme la monotonie de certaines solutions minimisantes, dans
une géométrie cylindrique bornée avec une condition de Neumann homogène sur les bords
plats du cylindre. Voir [8], [9], [15] dans la liste des publications.
b) Réarrangement monotone et applications
Dans un travail réalisé avec H. Berestycki [16], on utilise le réarrangement monotone unidirectionnel (qui est une variante du réarrangement de Steiner) pour démontrer
des propriétés similaires à celles exposées ci-avant, notamment la monotonie de solutions
minimisantes de certaines EDP.
II — Minimisation sous contraintes globales
Il s’agit du sujet de mon habilitation, et une partie de mes recherches actuelles. Pour
plus de détails on pourra se référer à l’introduction du mémoire d’habilitation et aux
publications (certaines sont postérieures à mon habilitation et ne se trouvent donc pas
dans le mémoire).
Les problèmes de ce thème et du problème de Newton (thème suivant) peuvent être
exprimés dans un cadre mathématique commun. Il s’agit de minimiser une fonctionnelle
(évaluant un coût, une résistance, etc.) dans une classe de fonctions adéquates, ce qui
s’écrit :
(∗)
inf J(u).
u∈C
R
Ici J (u) a une forme classique comme par exemple Ω j(x, u(x), ∇u(x)) dx, mais C est
une classe de fonctions obéissant à une contrainte « globale » qui s’écrit sous la forme
d’inégalités portant sur la valeur de u, et éventuellement de ses dérivées, en des paires de
points x, y. Par exemple certains de ces problèmes mettent en jeu la classe des fonctions
concaves ou convexes ; or la convexité de u peut s’exprimer sous la forme u(x) + u(y) ≥
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2u((x + y)/2), ou encore u(y) ≥ u(x) + h∇u(x), y − xi, ces conditions portant sur tous les
points x, y.
Ce type de problème est assez différent du calcul des variations classique (dans lequel
il n’y a pas de contraintes, ou les contraintes portent sur la valeur de u et ses dérivées
en chaque point x). En effet, les contraintes « globales » ne sont pas ponctuelles, en ce
sens qu’elles ne peuvent s’exprimer sous la forme d’une inégalité portant sur un opérateur
différentiel ; de ce fait, la méthode traditionnelle de réduction à une équation d’Euler
(qui est souvent une équation aux dérivées partielles) ne peut s’appliquer ici. L’équation
d’Euler correspondant à (∗) est si complexe qu’elle ne peut guère être exploitée, sauf dans
des cas élémentaires, car une description de l’ensemble C requiert l’usage d’une infinité
d’opérateurs.
Les problèmes du type (∗) trouvent des applications dans (au moins) deux domaines
très différents : la physique et l’économie.
Pour la physique, un cas essentiel est le problème de résistance minimale de Newton,
exposé dans le thème suivant. Mais un autre cas intéressant est celui du transport de masse.
Il s’agit de minimiser un coût de transport parmi les applications qui préservent la mesure.
Originellement formulé par Monge dans le cas d’un coût égal à la distance euclidienne,
cette classe de problèmes a connu de nombreux développements depuis et joue un rôle
important en géométrie, en mécanique des fluides, en probabilité, en économie... Dans de
nombreux cas, la solution du problème dual à celui du transport optimal est caractérisée
aussi par une condition d’enveloppe.
Pour le cadre économique, considérons l’exemple suivant. Pour un assureur cherchant
à faire signer des contrats à une population d’agents dont il ignore les caractéristiques
individuelles, il paraı̂t souhaitable de se restreindre à des contrats dits incitatifs c’est àdire tels que chaque agent n’a pas intérêt à dissimuler ses vrais paramètres, sans quoi par
exemple les agents les plus risqués se feront passer pour sûrs pour réduire leur prime.
La théorie des incitations, basée sur cette notion de contrat incitatif (ou révélateur),
se retrouve dans des domaines aussi variés que l’assurance, la taxation optimale, la tarification non linéaire ou la régulation. Les conditions d’incitation ont un aspect global
puisque le contrat de chaque agent exerce une influence sur les stratégies de tous les autres
agents. En général, on montre que les contrats incitatifs se caractérisent au moyen d’une
condition d’enveloppe. Aussi la recherche des contrats incitatifs optimaux se ramène-t-elle
à la résolution d’un problème variationnel dans lequel les fonctions test sont soumis à
une contrainte du type décrit précédemment. Dans un cas particulier mis en avant par
J.C. Rochet et P. Choné (réf. 4 dans [12]), on a à traiter des problèmes variationnels sous
contrainte de convexité. Les conditions d’incitation conduisent cependant à des contraintes
généralement plus complexes.
a) Propriétés de régularité
Dans l’étude théorique de (∗), il faut non seulement montrer l’existence de solutions
optimales, mais aussi déterminer leur nombre, leurs propriétés de régularité éventuelles.
On cherche aussi à déterminer leur valeur le plus précisément possible.
Dans différents cas même apparemment simples, nous avons montré avec M. Peletier
[5], [11], que les propriétés des minimiseurs de (∗) peuvent être très différentes de celles
trouvées en calcul des variations classique. Dans un autre travail avec G. Carlier [12],
qui se poursuit actuellement dans différentes voies, nous montrons entre autres que la
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régularité C 1 à l’intérieur pour un problème de type Dirichlet non-homogène dépend non
seulement de la fonctionnelle (propriétés elliptiques, etc.) mais aussi de la donnée au bord,
en contradiction complète avec la théorie elliptique classique.
b) Étude numérique
Dans les cas les plus complexes il paraı̂t naturel de chercher à substituer une solution
numérique à la recherche théorique. Cependant ces problèmes à contraintes « globales »
posent des difficultés particulières. L’ensemble C est en général assez petit par rapport
à l’espace dans lequel il est plongé (par exemple l’ensemble des fonctions convexes est
localement compact dans les espaces de Sobolev W 1,p ). Dès lors une « approximation
interne », dans laquelle on utilise des fonctions de C discrétisées, mène à une impasse :
ces fonctions ne sont pas denses dans C et leurs limites ne décrivent donc pas toutes les
fonctions admissibles.
Une première approche a été utilisée dans [3], dans le cas le plus élémentaire pour J
et C. L’algorithme obtenu est le premier dont la convergence est démontrée. Il exige cependant une puissance de calcul importante ; par exemple dans un maillage de 40 × 40 points,
on doit gérer 700 000 contraintes, et ce nombre augmente proportionnellement au carré du
nombre de points.
Il est donc essentiel de découvrir de nouvelles méthodes pour accélérer ce type d’algorithme et pour les appliquer à des cas plus réalistes. Notre travail se poursuit actuellement
dans ce domaine, et il paraı̂t possible d’obtenir des algorithmes utilisant n log n contraintes
(n étant le nombre de points).
III — Problème de Newton
Il s’agit initialement d’un problème modèle décrit il y a trois siècles par I. Newton :
optimiser la forme d’un corps de façon à minimiser sa résistance à la pression exercée par
un fluide dans lequel il se déplace uniformément. Ce problème a été étudié dans le passé
lorsque le fluide est assimilé à un gaz très dilué, que la forme recherchée est convexe et
à symétrie radiale. Plus récemment, il a été montré que la forme optimale ne possède
pas cette symétrie (réf. 1 dans [10]). Cette dernière n’est cependant pas encore connue,
mais nous avons fait d’importants progrès dans ce domaine (cf. infra). De plus lorsque la
condition de convexité est retirée, on ne sait calculer précisément la résistance que sous
une « condition d’impact unique » (réf. 1 dans [1]) que nous avons aussi étudiée en détail.
a) Problème de Newton concave
On examine le problème de résistance minimale de Newton, qui s’exprime, pour un
domaine borné B ⊂ R2 , sous la forme :
Z
dx
min
avec E = {u : B → [0, M] ; u concave}
(N)
u∈E B 1 + |∇u|2
(M > 0 est un paramètre du problème).
Si l’on retire la contrainte de concavité ou celle sur l’image de u, il est facile de montrer
que l’infimum est nul, et n’est pas atteint. Dans cette classe par contre, le minimum existe
et est atteint ; mais il a été montré récemment par Brock, Ferone, Kawohl (réf. 1 dans
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[10]) que, si B est un disque, le minimum n’est pas à symétrie radiale (et donc n’est pas
unique). Cependant la nature de ce minimum est inconnue.
Dans un travail réalisé avec Mark Peletier [10], nous avons pu prouver que tout minimiseur de (N ) « sature » la contrainte en presque tout point au sens suivant : il n’existe pas
d’ouvert où cette fonction serait strictement convexe. En particulier la solution radialement
symétrique de Newton n’est pas optimale, ce qui donne une démonstration très différente
du résultat de Brock et alii.R Nos résultats s’appliquent en fait à une classe plus générale de
problèmes de la forme min f (∇u) en dimension supérieure à 1, également étudiés lorsque
f est concave ou convexe dans un autre article [5]. Les démonstrations reposent sur des
méthodes entièrement nouvelles adaptées à ce type inhabituel de contraintes ; elles ne requièrent aucun présupposé sur la régularité éventuelle des solutions, pour lesquelles aucun
résultat n’est connu. En effet, la fonctionnelle de (N ) n’étant ni convexe, ni coercive, le
type de résultats de [5] ou [12] ne peut être obtenu ici.
Le résultat de [10] indique que, en un certain sens, la courbure Gaussienne des graphes
des minimiseurs doit être essentiellement nulle. Pour cette raison, et en fonction de différents autres résultats, il semble vraisemblable que tout minimiseur appartient à une classe
de fonctions dites « développables » en géométrie (mais ce point n’est pas démontré encore,
nous y travaillons).
Nous avons d’abord étudié, toujours avec M. Peletier [2], le problème de la minimisation de la fonctionnelle de (N ) dans cette classe de fonctions développables lorsque B est
un disque. Nous avons pu caractériser complètement les minimums, qui se trouvent être
des fonctions obtenues de la façons suivante : soit k ≥ 2 entier, Pk un polygone régulier à
k côtés centré sur le disque, et de diamètre bien choisi, uk la plus petite fonction concave
satisfaisant uk ≡ M dans Pk et nulle au bord de B. Tout minimum est un de ces uk ,
l’indice k et le diamètre de Pk dépendant de la valeur du paramètre M (voyez les figures
dans [2]). En particulier, la forme des minimums ne change pas continûment lorsque M
varie.
b) Problème de Newton sous contrainte d’impact unique
Une variante du problème de Newton précédent consiste à supposer non que l’objet
considéré est convexe, mais que les particules qui le heurtent en un choc élastique parfait
ne le touchent qu’une fois. Ce cas est bien plus proche du problème physique naturel
(recherche des objets ayant une résistance minimale au flot d’un gaz dilué). Il conduit à
minimiser la même fonctionnelle que dans (N ), dans une classe plus large de fonctions, i.e.
les applications u : Ω → [0, M] localement lipschitziennes telle que pour tout x ∈ Ω, pour
tout t > 0 tel que x − t∇u(x) ∈ Ω, on ait
´
u(x − t∇u(x)) − u(x)
1³
2
≤
1 − |∇u(x)| .
t
2
La question même de l’existence d’un minimiseur devient alors délicate.
Dans un travail réalisé en collaboration avec Myriam Comte [1], nous avons montré que
le minimum ne peut être atteint dans une classe « raisonnable » de fonctions (comprenant
notamment les différences de fonctions convexes), et ce, bien que la fonctionnelle ait un
infimum strictement positif sur cette classe. Par contre, si on se limite aux fonctions à
symétrie radiale dans cette classe, le minimum est atteint mais n’est pas en général unique.
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Nous avons ensuite étudié plus en détail les minimiseurs à symétrie radiale [7]. Il
apparaı̂t qu’ils sont différents de la solution de Newton (et ont donc une résistance plus
faible). Pour certaines valeurs de M , il existe une infinité de minimiseurs achevant tous la
même valeur de la fonctionnelle, et l’ensemble minimal n’est même pas compact dans H 1 .
Nous poursuivons ce type d’étude en examinant des exemples d’applications comme
celui-ci : on souhaite protéger un matériel délicat placé dans l’espace du vent solaire. Pour
cela, on place un bouclier entre celui-ci et le flux de particules hautement énergétiques
susceptibles de dégrader le matériel. Pour des raisons d’encombrement, on souhaite un
bouclier assez plat, et le problème est de minimiser sa résistance au flux, ce qui permet
à la fois d’augmenter sa durabilité et de réduire le recul total du système sous l’effet du
vent solaire. Il faut ici reformuler le problème en des termes un peu différents, mais nous
pensons pouvoir utiliser des méthodes similaires.
Une collaboration industrielle avec le CNES a été initiée sur ce sujet, afin d’obtenir des
résultats pratiques utilisables. On notera qu’une modélisation numérique est encore bien
plus difficile que dans le cas concave, en raison de la forme compliquée de la contrainte.
IV — Valeur propres singulières
Il existe différents domaines dans lesquels on souhaite connaı̂tre la valeur limite (éventuelle) des valeurs propres d’un opérateur elliptique de la forme −ε∆ + Bε · ∇ + qε (avec
des conditions de Dirichlet), où Bε est une suite de champs de vecteurs convergeant vers
une limite B0 et qε une suite de champ scalaire donné.
Par exemple, si fε est une suite convergente de solutions dans [0, 1] de l’équation de
type Burgers :
−εf 00 + ff 0 − f = 0
avec f (0) = f(1) = 0,
on examine les conditions de stabilité des solutions du problème linéarisé
−εu00 + fε u0 + fε0 u0 = λε u
avec u(0) = u(1) = 0,
en fonction de la limite f0 de fε , lorsque ε → 0. De tels problèmes surviennent dans des
études de couches limites en combustion.
Il a été montré (par des méthodes probabilistes) que la première valeur propre λ1ε
avait un comportement différent suivant le nombre de changements de signe de B0 dans
]0, 1[ et leur nature. Par exemple, dans le cas unidimensionnel ci-dessus, si la limite est
f0 (t) = t − 12 , alors λ1ε → 1 “cas métastable”, tandis que si f0 (t) = t1[2t<1] + (1 − t)1[2t>1] ,
alors λ1ε → 0 “cas instable”.
En collaboration avec S. Kamin (Univ. de Tel-Aviv) et H. Berestycki (Univ. Paris VI),
on cherche à généraliser ces résultats aux autres valeurs propres, d’une part, et à des dimensions plus grandes. On souhaite aussi obtenir des renseignements plus détaillés sur le
comportement des fonctions propres, notamment dans le cas métastable. Il est nécessaire
pour cela de renoncer aux méthodes probabilistes et d’utiliser des arguments de caractérisation des valeurs propres par des quotients de Rayleigh et des variantes du principe du
maximum.
Ce travail est achevé dans le cas unidimensionnel, et fait l’objet d’une publication en
cours de soumission [16]. Le cas multidimensionnel sera étudié ultérieurement.
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