Histoire - memoria.dz

Transcription

Histoire - memoria.dz
Lettre de l'Editeur
Pour une vive
mémoire
AMMAR KHELIFA
[email protected]
es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’événements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire.
Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un
atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.
L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et
de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette
pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les
affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur
permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.
En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est également un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Transmettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire
ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des
lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la
perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre.
Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de
l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahidate et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du
processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble
devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque disparition d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec
une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoignage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction,
un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être
mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une
détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement
et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’intégration dans le processus de développement.
C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que
l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire
dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objective, à plus de recherche, d’authenticité et de constance.
[email protected]
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
(3)
www.memoria.dz
Supplément
N°41 - Novembre - 2015
P.07
P.07
P.12
P.20
Fondateur Président du Groupe
AMMAR KHELIFA
Direction de la rédaction
Zoubir KHELAIFIA
Coordinatrices
Meriem Khelifa
Chahrazed KHELIFA
Les six historiques
les 22 historiques
Reporter - Photographe
Abdessamed KHELIFA
Rédaction
Adel Fathi
Aïssa Kasmi
Boualem Touarigt
Dr Boudjemaâ HAICHOUR
Leila BOUKLI
Hassina AMROUNI
Zoubir Khélaifia
Direction Artistique
Halim BOUZID
Salim KASMI
Impression
SARL imprimerie Ed Diwan
Contacts :
SARL COMESTA MEDIA
N° 181 Bois des Cars 3
Dely-Ibrahim - Alger - Algérie
Tél. : 00 213 (0) 661 929 726
+ 213 (21) 360 915
Fax : + 213 (21) 360 899
E-mail : [email protected]
[email protected]
le 1er novembre 1954
P.09
P.07 Histoire
1er Novembre 1954
Le message perpétué
P.11 Histoire
Aux origines du 1er Novembre 1954
le 8 mai 1945
P.15 Histoire
la désillusin politique
ahmed benbella
P.09
P.19 Histoire
la décantation
P.23 Histoire
la nuit du destin
P.28 Histoire
les étapes du déclenchement
P.35 Histoire
les actions du 1er novembre 1954
P.43 Histoire
Réflexions d’un moudjahid sur la
commémoration du 1er Novembre
hocine ait ahmed
P.09
P.49 Histoire
61e Anniversaire de la révolution
- FILIATION GéNéALOGIQUE DU FLN HISTORIQUE
- UNE RéVOLUTION ARMéE SEUL RECOURS ESPèRè
mohamed Khider
www.memoria.dz
Supplément du magazine
ELDJAZAIR.COM
Consacré à l’histoire de l'Algérie
P.67
P.89
P.71
Edité par :
Le Groupe de Presse et
de Communication
Maxime-Charles Keller de Schleitheim
claudine chaulet
Y ves mathieu
mohamed boudiaf
les guillotinés de oulmene
P.85
guerre de libération
P.63 Histoire
Les chouhada Fizi Med Lakhdar, Fizi Salah, Fizi Mohamed Ben
Ali et Benchikha Mostefa
les guillotinés de oulmene
P.67 Histoire
Guerre de Libération Nationale
Yves Mathieu, militant méconnu
P.85 Histoire
Abdelkrim Hassani
Authentique soldat de l’ombre
P.89 Histoire
Claudine Chaulet n’est plus
Octobre funeste pour les Chaulet
abdelkrim hassani
P.75
HISTOIRE D'UNE VILLE
P.95 Ain témouchent, la perle de l'oranie
Karine Keller de
Schleitheim
SOMMAIRE
P.63
P.29
Dépôt légal : 235-2008
ISSN : 1112-8860
Dans notre prochaine édition,
vous lirez un témoignage exclusif
sur les transmissions de l'ALN de
Zine El Abidine BOUABDALLAH,
membre de la DVCR du MALG.
Ain Témouchent
1er Novembre 1954
Le message
perpétué
Par Adel Fethi
Guerre de libération
Histoire
Plus que toute autre commémoration, celle du déclenchement
de la Révolution du 1er Novembre 1954 revêt toujours un caractère exceptionnel dans la vie de la nation, avec ce regain d’intérêt accru, chez les nouvelles générations, pour l’histoire de la
guerre de Libération, et toutes les curiosités qu’elle ne finit pas
de susciter : découvrir de nouvelles facettes des hommes qui
ont été à l’origine du passage à l’action armée, dénicher dans
la mémoire des survivants des faits, des batailles, des situations inédites, replacer ce moment charnière dans le contexte
historique, intense et complexe, qui a forgé le mouvement
national algérien et son interconnexion avec les mouvements
d’indépendance dans le monde…
I
l y a soixante et un an, un
groupe de jeunes militants
nationalistes décide de
transcender toutes les rivalités politiques qui rongeaient
alors le principal parti nationaliste
(le PPA/MTLD) et d’annoncer le
déclenchement de l’insurrection
armée.
Aux origines du 1er novembre
1954 : le 8 mais 1945. Le mouvement national a commencé à se
radicaliser réellement et, par-là, à
se réorganiser, au lendemain des
terribles massacres perpétrés par
les forces coloniales sur les populations civiles dans l’Est algérien. La
répression qui s’abat sur les militants
(arrestations, condamnations…) ne
fera que les galvaniser et précipiter
la création d’une branche paramilitaire, l’Organisation spéciale (OS),
constituée par les militants les plus
aguerris et les plus déterminés.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
(8)
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Huit des neuf chefs historiques du FLN initiateurs du déclenchement du 1er novembre 1954
Avril 1954, six cadres de l’organisation (Krim Belkacem, Larbi
Ben M’hidi, Mostefa Ben Boulaïd,
Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf
et Mourad Didouche) fondent le
Comité révolutionnaire d’unité et
d’action (CRUA), duquel découlera,
le 10 octobre 1954, le Front de libération nationale (FLN).
Les événements vont alors s’accélérer à une vitesse vertigineuse qui
a pris beaucoup de monde de cours,
à commencer par le grand leader
du mouvement national lui-même.
Vingt jours plus tard, le FLN proclame le déclenchement de la lutte
armée. Les six dirigeants prendront
le soin de lancer un appel le jourmême, destiné à la population et à
l’opinion publique en général, pour
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
expliquer les motifs du soulèvement
et les buts de la révolution qui allait
changer le cours de l’histoire, et exhorter les Algériens à y adhérer en
masse.
Les récits d’anciens moudjahidine foisonnent de témoignages et
de détails sur cet intermède douloureux qui donna lieu au 1er Novembre
1954. L’épisode des tiraillements
entre les militants dits radicaux et
le leader du parti, Messali Hadj, et
la longue période de tergiversations
qui s’en est suivie, ont été pendant
longtemps occultés par l’historiographie, alors que l’idée de la révolution s’était fermentée et cristallisée
dans ces débats et ruptures déchirantes que d’aucuns voyaient, alors,
comme fatale au nationalisme algé-
(9)
Messali Hadj
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Manifestation des militants de l'Etoile de Nord Africaine de Messali Hadj
rien. C’est donc, dans ces moments
d’incertitude et d’abattement pour
tant d’anciens militants et certains
pionniers, que la décantation eut
lieu. De la désillusion électorale de
1947 aux déboires de l’OS en 1950,
à la crise du MTLD, le mouvement
national évoluait dans un climat
particulièrement hostile avant de se
ressaisir et d’opter pour la voie de
salut, celle de l’insurrection armée.
Il faut dire que jusqu’à la veille de
cette date fatidique du 1er novembre
1954, la confusion régnait encore
dans les rangs du mouvement natio-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
nal qui constituait le socle sur lequel
devait s’appuyer la lutte annoncée.
Une large partie de la population,
et même des militants engagés, était
encore sous l’emprise des « messalistes », quand le mot d’ordre de
l’insurrection armé fut lancé. Il y a
aussi le fait que les fondateurs du
CRUA, puis du FLN, n’avaient pas
eu le temps de structurer les militants et de se faire connaitre auprès
de la population qui n’assimilait pas
forcément tous les enjeux. Manque
d’information et de coordination,
impréparation dans certaines ré-
( 10 )
gions, y compris parfois celles qui
sont considérées comme pionnière
de la lutte… En dépit de toutes les
insuffisances et des divisions politiques et claniques, la décision fut
adoptée par un noyau assez déterminé pour la maintenir et se préparer à en affronter les contrecoups
prévisibles : la répression coloniale
– qui n’avait en réalité jamais cessé
–, la propagande politique venant
de certaines factions nationalistes
hostiles à la révolution armée, et qui
s’empressèrent d’ailleurs de qualifier les hommes du 1er Novembres
d’«aventuriers». Il fallait aussi penser à donner à l’insurrection une
organisation moderne et efficace et
surtout à gagner l’adhésion totale et
indéfectible du peuple. D’où l’impératif d’une profonde action politique assumée sur le terrain par les
combattants eux-mêmes.
Cette organisation a mis deux
ans pour s’établir. La timidité des
actions de sabotage et d’attentats
menées durant les premiers mois
par les petits groupes combattants,
mal équipés et parfois mal encadrés,
a fait que les autorités coloniales
et le gouvernement français de
l’époque n’ont pas donné cher de la
peau de ces nationalistes présentés
tantôt comme des « égarés », tantôt
comme des « bandits de grands chemins »… C’est là où résident justement le génie et le caractère exceptionnel de ces hommes, qui n’ont
cédé devant aucune contrariété, et
Dieu sait qu’ils en avaient eu sans
cesse pendant les sept ans et demi
de guerre. C’est le principal message
que nous livre et perpétue cet anniversaire chaque année.
Adel Fathi
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Aux origines du 1er
Novembre 1954
Rassemblement des tribus, le
22 mai 1945 à Kherrata. En
présence du général Henri
Martin (à dr.)
le 8 mai 1945
Par Adel Fethi
Guerre de libération
Histoire
La première grande
décantation vécue par
le mouvement national s’est produite lors
des grandes manifestations du 8 mai 1945, où
les forces coloniales se
sont acharnées contre
les populations civiles
dans toutes les villes
où elles ont exprimé
leur soif de liberté et
d’émancipation. Décantation dans le sens où
ce mouvement allait se
radicaliser davantage
et s’organiser dans la
perspective des luttes
à venir. Et ce n’est sans
doute pas un hasard si
l’Organisation spéciale
(OS), l’organe paramilitaire du PPA, fut créée
moins de deux ans plus
tard. Cette organisation
avait comme objectif
de recruter et de former
des militants pour des
actions de guérilla. Du
coup, les émeutes de Sétif, Guelma et Kherrata
consacrèrent en fait la
rupture définitive entre
les Algériens et les colons et évacua toute possibilité de cohabitation.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 12 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
C
e jour-là, dans les rues
de Paris et dans toute
la France, la nation
chante la capitulation
de l’Allemagne nazie.
Au même instant, de l’autre côté de
la Méditerranée, des milliers d’Algériens qui ont participé à cette victoire se rassemblent dans les rues de
Sétif, de Guelma, de Bida et d’autres
villes, afin de revendiquer le droit
à l’indépendance de leur pays. Des
manifestations qui tournent mal et
qui se soldent par une sanglante tragédie, à laquelle participent l’armée
française, la Légion étrangère et des
milices de colons, plus zélés encore.
La répression aura fait des milliers de
mort – 45 000 selon les statistiques
officielles – et mis fin à toute possibilité d’assimilation, telle que chantée
par les laudateurs du colonialisme
et certaines voix modérées, y compris au sein du mouvement national,
comme Ferhat Abbas ou les Oulémas qui, depuis cette date, avaient
cessé de faire l’apologie de l’intégration qui caractérisait leur discours.
Au sein du parti indépendantiste,
le PPA, la tendance était plutôt à la
mobilisation et à l’élargissement de
leur champ d’action. Il faut dire que
la désillusion avait commencé bien
avant 1945. Se fiant aux discours
officiels, certains musulmans d’Algériens espéraient que sera mis en application le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Parmi eux, Messali
Hadj, chef du PPA, interdit depuis
1939. Messali Hadj ayant été jeté en
prison, des milliers de ses partisans
défilent le 1er mai 1945 à Alger et
dans d’autres villes pour demander
sa libération. La répression, avec son
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Histoire
Massacres généralisés de la population algérienne
( 13 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Association des Oulémas
lot d’assassinats et d’arrestations,
était déjà au rendez-vous. Une
semaine plus tard, lors des grandioses manifestations organisées à
Sétif, les Algériens criaient, entre
autres slogans : «Istiqlal, libérez
Messali !», «Indépendance», «L’Algérie est à nous !» Cela prouve que
les militants nationalistes étaient
au cœur de l’événement, et que
leur démarche participait d’une
lutte politique, pacifique jusquelà, qui avait commencé à prendre
forme dès la naissance de l’Etoile
nord-africaine, en 1926.
Les militants du PPA avaient
reçu la consigne de ne pas porter
d'armes, ni d'arborer le drapeau
algérien, lors des manifestations,
histoire de ne pas s’exposer aux
forces de l’ordre et d’éviter parlà leur acharnement. La suite, on
la connait tous : un scout musulman, à Sétif, n'en tient pas compte
et brandit le drapeau au cœur des
quartiers européens. La police se
précipite. Le maire socialiste de la
ville, un Européen, la supplie de
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
ne pas tirer. Il est abattu de même
que le scout. L'insurrection s'étend
à des villes voisines, avec la même
intensité et le même lot de victimes et d’arrestations. La répression fut à la mesure de la détermination des manifestants, guidés et
stimulés par des militants engagés
et bien instruits.
Sans chercher à anticiper vraiment les événements, les militants nationalistes ne voulaient
pas pour autant rater ce tournant
décisif dans l’histoire de la lutte
des Algériens contre le colonialisme, pour ressouder les rangs
et fonder une nouvelle union des
partis nationalistes sur une base
commune et stimuler davantage
la poussée nationaliste naissante.
Il faut dire que la première expérience d’union avait eu lieu deux
ans avant ces événements. Le 10
février 1943, en pleine Seconde
Guerre mondiale, Ferhat Abbas
propose le Manifeste du peuple
algérien, approuvé par le PPA et
les Oulémas, mettant clairement
( 14 )
en avant l’indépendantisme du
PPA : une république algérienne
disposant de sa nationalité et sa
citoyenneté propres.
Après le rejet, tout à fait prévisible, du Manifeste par le gouvernement et de la classe politique
française dans son ensemble, les
nationalistes algériens fondent, en
1944, les Amis du manifeste et de
la liberté (AML), pour défendre
son programme et lancer une
campagne de sensibilisation auprès des populations. Le PPA fut,
naturellement, le fer de lance de
cette campagne qui a eu, très rapidement, l’adhésion de centaines
de milliers d’Algériens qui s’en
revendiquaient pleinement. C’est
à partir de là que le discours radical du PPA va se distinguer, et ses
slogans connurent un franc succès
surtout dans les milieux ruraux.
Pour tenter de freiner cet élan
libérateur, les autorités coloniales
décident, en avril 1945, c’est-àdire un mois avant les événements
du 8 mai, d’arrêter le leader nationaliste, Messali Hadj et plusieurs
cadres dirigeants du PPA. Les militants réagissent par des manifestations de protestation dans plusieurs villes du pays, notamment à
Oran et à Alger, le 1er mai, à l’occasion de la célébration de la fête
des travailleurs. Celles-ci sont réprimées dans le sang. Elles préludent au grand massacre du 8 mai.
Pour les nationalistes, le recours à
la violence politique était désormais la seule option possible face
à un colonialisme incorrigible.
Adel Fathi
Supplément N° 41- Novembre 2015.
l a désillusion
politique
Par Adel Fethi
Guerre de libération
Histoire
Après les événements du 8 mai 1945, l’heure, pour les militants
nationalistes, est au bilan et à la réflexion pour adapter la lutte
pour la libération du pays aux nouvelles réalités qui s’imposaient. L’idée qui est venue, aussitôt, à Messali Hadj et à ses
compagnons, c’était de tenter de participer aux législatives
de 1946 en créant le Mouvement pour le triomphe des libertés
démocratiques (MLTD), comme vitrine légale, pendant que le
PPA devait poursuivre son activité clandestine, avec bientôt une
branche paramilitaire, l'Organisation spéciale (OS), créée une
année plus tard en vue de préparer la lutte armée.
L
e succès obtenu aux
élections municipales
de 1947 permettra aux
militants du mouvement de participer à
des assemblées élues et, du coup,
mettra en veilleuse la stratégie de
l'OS qui était de précipiter l’insurrection armée. Redoutant un razde-marée des nationalistes, les autorités coloniales mirent en place des
plans de trucages des prochaines
élections. Malgré cette première
grande désillusion politique qui va
bientôt mettre fin à la logique électoraliste adoptée dans la tactique du
PPA/MTLD, le parti nationaliste
a réussi à élargir sa base populaire
et à s’allier de nombreuses organisations et associations à caractère
social ou éducatif : scouts, associations d'étudiants, médersas, mouvements de femmes, etc. Tout en
restant légaliste et respectueux des
lois en vigueur, il se présente, clairement et ouvertement comme un
parti qui revendique la souveraineté et la lutte pour l'indépendance
d'un peuple colonisé.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 16 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Le 5 avril 1949, l’OS attaque la poste d’Oran
A cela, il faudrait ajouter le
double impact psychologique et
politique qu’a eu cette expérience
électorale chez les nationalistes algériens. Porter la voix de l’Algérie opprimée jusqu’au Parlement français,
à Paris, était, pour eux, aussi bien un
défi qu’une manière d’élargir l’audience du parti qui poursuivait son
implantation et sa structuration à
travers toutes les régions du pays, et
même sur le territoire de la France
«métropolitaine», où il existait une
forte tradition de lutte, politique et
syndicale, au sein de la communauté
algérienne composée essentiellement d’ouvriers.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Au sortir de la Seconde Guerre
mondiale, le gouvernement français
tentait d’adopter un nouveau profil
envers ses colonies, en concédant
quelques droits. Dans cette optique,
l’ouverture de la vie parlementaire
aux «Indigènes» était perçue comme
un moyen de canaliser les tensions
politiques au sein des élites locales,
en créant un semblant de débat pour
mieux occulter la réalité de l’occupation. Une première dans l’histoire :
les «musulmans d’Algérie» se voient
accorder le droit d’envoyer des
représentants au Palais-Bourbon,
mais toujours dans le même cadre
du système ségrégationniste qui
sévit depuis l’établissement du Code
de l’indigénat. Car, en effet, en cette
année 1946, le double collège est
( 17 )
supprimé dans la majorité des territoires d’Afrique noire, alors qu’en
Algérie, ce même corps électoral
est durablement divisé en deux. Les
uns votent dans le premier collège,
ils sont pour la majorité des citoyens
d’origine française (mais aussi européenne) et les autres votent dans le
second collège, ce sont les citoyens
d’origine musulmane.
Pour ces élections de 1946, le
PPA/MTLD présentera une liste
dans chacun des départements, et
avec un certain succès puisqu’ils
verront l’élection d’un certain
nombre de dirigeants politiques
connus, qui vont plus tard jouer des
rôles prépondérants aussi bien dans
le mouvement national que dans
la guerre de Libération nationale.
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
On peut citer par exemple Ahmed
Mezghena et Mohamed Khider, à
Alger ou Mohamed-Lamine Debaghine à Constantine. Le MTLD
profitera de la campagne électorale pour s’adresser directement à
la population et la transformer en
véritable campagne de sensibilisation. Son programme est axé sur
une seule préoccupation : la réhabilitation du politique, autrement
dit les revendications relatives au
statut de l’Algérie et des Algériens,
aux libertés démocratiques et à la
représentation politique en général.
Le parti n’est donc jamais sorti de
sa ligne de conduite ; au contraire sa
participation aux joutes électorales
lui a permis de raffermir sa position
vis-à-vis du colonialisme.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Cependant, au bout de trois années d’existence légale et de plaidoiries sur la tribune du Parlement, les
militants nationalistes se sont aperçus que leur légalisme avait atteint
ses limites devant un pouvoir colonial qui a placé des garde-fous dans
tous ses arsenaux juridique, législatif et institutionnel. D’autant plus
que le mouvement national était,
à cette époque, en crise. En 1950,
la crise au PPA était à paroxysme,
à cause de l’exacerbation des rivalités entre les différents groupes qui
le composaient et le leader, jusquelà incontesté et incontestable. Au
même moment, l’OS venait d’être
démantelée, la plupart de ses dirigeants arrêtés. L’occasion pour les
partisans de l’option révolution-
( 18 )
naire, y compris ceux qui étaient
incarcérés, de radicaliser davantage
leur action. Mais la tâche s’avérait aussi difficile que périlleuse
dans une conjoncture marquée
par des divisions profondes à tous
les niveaux, organique, politique et
même idéologique (crise dite «berbériste» de 1949). Tous les activistes
se sont alors résignés au retour à la
clandestinité et à l’action militante,
en attendant la décantation politique qui ne tardera pas à se produire, tout en œuvrant à la maturation de l’idée de l’insurrection dans
les milieux paysans et ouvriers qui
seront finalement le fer de lance de
la Révolution.
Adel Fathi
Supplément N° 41- Novembre 2015.
la décantation
Par Adel Fethi
Guerre de libération
Histoire
A partir de
1950, la crise
au PPA était
à son apogée.
Les membres
l’Organisation
spéciale (OS)
étaient déterminés à intensifier leur
action, après
son démantèlement et la
vague d’arrestations qui
s’en est suivie. Tous ont
été contraints
de renouer
avec la clandestinité,
après un bref
passage dans
la vie politique légale,
où certains
ont même été
élus députés.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
E
n avril 1950, ce petit
noyau de militants
radicaux (Ben Bella,
Aït Ahmed, Khider…)
organisa le célèbre hold-up de la
poste d'Oran qui a renfloué les
caisses de l’organisation, avec un
( 20 )
butin de 3,17 millions de francs.
Cet épisode a sonné la rupture définitive avec toutes les approches
politiques antérieures, qui avaient
été expérimentées par la direction
du mouvement national, sans résultat probant.
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Alors que le travail de structuration
et de mobilisation, notamment dans
les campagnes, avait atteint un stade
très avancé, à mesure que les fractures à l’intérieur du parti s’accentuaient, les autorités coloniales ont
réussi à démanteler l’Organisation
spéciale, en démolissant ses structures fraichement installées et en
arrêtant ses principaux dirigeants
et des centaines des militants à travers le pays. Plusieurs membres dirigeants ont été jugés et condamnés
par contumace pour leur implication
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 21 )
dans différents attentats. L’une de ses
têtes pensantes, Ahmed Ben Bella fut
arrêté en mai 1950. La découverte de
l'OS par l’ennemi a fortement déstabilisé la direction du parti, qui, pour
se préserver, décida rapidement de
dissoudre sa branche paramilitaire et
de ne plus se réclamer d’éventuelles
actions armées ou violentes. Ce qui
amena, sur le coup, les partisans de
l’option révolutionnaire, ou «les activistes» comme on les appelait au sein
du parti, à montrer un profil bas et
à se mettre, conjoncturellement, à
l’écart des divisions latentes qui couvaient au sein du PPA/MTLD, entre
les deux clans antagonistes, centralistes et messalistes.
La décantation va s’accélérer, lorsque
le parti décide de tenir son deuxième
congrès en 1953. Les partisans et les
opposants d'un Congrès national
s'affrontent, ce qui provoque une
scission au sein du MTLD à l’été
1954.
Le conflit fera ressortir trois courants
politiquement et idéologiquement
antagoniques : d’abord, les partisans
du «zaïm», Messali Hadj, constituent
le courant des «messalistes», imprégnés de l’esprit ouvriériste, hérité de
l’Etoile nord-africaine, et aussi des
idées de la Renaissance islamique
cher à Chakib Arslane, qui avait inspiré Messali dans les années trente.
Le deuxième bloc forme les « centralistes » qui représentent la majorité
des membres du Comité central du
parti qui, eux, ont une vision moins
ouvriériste et en tout cas moins idéologisée. Enfin, la troisième tendance
ouvertement radicale, les « activistes
», regroupent les partisans de l’action
armée. Ces membres vont plus tard
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
La maison de Lyes Derrich où s'est tenue la réunion des 22
se retrouver au sein du groupe des
« 22 », puis au sien du «Comité des
neuf» qui sont à l'origine du déclenchement de la guerre de Libération
nationale, le 1er novembre 1954.
Qui est, objectivement, responsable de l’éclatement de la crise du
parti ? Si les lectures sur cet épisode
tumultueux de l’histoire du mouvement national divergent, les historiens et, surtout les témoins de
ces événements, s’accordent à dire
que les centralistes assument une
importante part de responsabilité.
Qu’on en juge ! Au congrès d’avril
1953, les membres du Comité central, à qui Messali avaient donné
les pleins pouvoirs, étant lui-même
en résidence surveillée, interdisent
carrément aux militants de l’OS
d’y prendre part. Seul Ramdane
Ben Abdelmalek, l’adjoint de Larbi
Ben M’hidi, est autorisé à suivre
les travaux à titre d’observateur.
Néanmoins, cette marginalisation
par la direction du parti va, para-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
doxalement, profiter aux activistes,
en ce sens que ceux-là pouvaient
désormais se consacrer pleinement
à mettre en place leur plan, sans
éveiller les soupçons de la police
coloniale qui voulait, à tout prix,
repérer les meneurs lors des assises
du parti.
En plus de cet antécédent qui provoqua un schisme irrémédiable avec
les jeunes militants dit « activistes »,
les centralistes sont accusés de mauvaise gestion et notamment de dilapidation des caisses du parti. Aussi,
il leur est reproché de s’être facilement laissé influencer par Jacques
Chevalier, député-maire d’Alger,
qui les a encouragés à écarter Messali Hadj, et d’évacuer ainsi toute
option révolutionnaire que le leader du mouvement national avait,
tactiquement, commencé à brandir
face à l’occupant. Des discussions
secrètes ont eu lieu à l’hôtel Aletti
(actuellement Es-Safir), à Alger, à
laquelle étaient présents Benyoucef
( 22 )
Benkhedda et des membres influents du Comité central. Le plan
a été cependant dévoilé et mis en
échec grâce à la vigilance des « messalistes ».
En l’absence d’arbitrage dans ce
conflit, un groupe de membres du
Comité central, se nommant « neutralistes », prit l’initiative de lancer
un « appel à la raison». Parmi les
neutralistes, on trouvera Benhabilès, Mahsas, Boulahrouf et Belkacem Radjef. Mais la scission entre
« centralistes » et « messalistes »
s’avérait irrémédiable. A la fin,
les «centralistes», tout comme les
«neutralistes» rejoignirent le Front
de Libération nationale peu après
le déclenchement de l’insurrection
armée.
Durant ce laps de temps, les activistes accéléraient la cadence, en
multipliant les réunions. D’abord
avec le groupe des « 22 », constitué
d’anciens membres actifs de l’OS
et de la plupart des dirigeants de
la Révolution, réunis dans la deuxième quinzaine de juin 1954. Ce
groupe désigna ensuite un comité
de cinq responsables (Benboulaïd,
Ben M’hidi, Didouche, Bitat et
Boudiaf), renforcé un peu plus tard
par Krim Belkacem, pour former
ce qui est communément le Comité
des six chefs historiques. Le comité
effectue un découpage territorial et
désigne des chefs de zone, avec des
adjoints.
Le 23 mars, le Comité révolutionnaire de l’unité et d’action (CRUA)
est créé, qui lui-même devient Front
de libération nationale, le 10 octobre.
Adel Fathi
Supplément N° 41- Novembre 2015.
1er Novembre 1954
la nuit du destin
Par Adel Fethi
Guerre de libération
Histoire
En choisissant la date du 1er novembre, qui coïncidait avec la
fête de la Toussaint chez les Français, pour déclencher l’insurrection armée, les dirigeants du FLN – ou le «Comité des neuf»
– entamaient déjà la guerre psychologique contre l’ennemi.
Mais, pour le reste, il n’y avait aucune instruction obligeant les
combattants à mener leurs premières actions à une heure précise. Ce qui explique que beaucoup de régions n’ont pas connu
d’attentats conséquents dès le premier jour. L’essentiel pour
les moudjahidine était de donner le coup d’envoi à la lutte et
d’adresser à la même occasion un appel au peuple algérien pour
l’inciter à y adhérer en masse.
S
i on exceptait les Aurès,
toutes les autres régions ont
quelque peu trainé la patte
avant de se lancer pleinement dans l’action armée, pour diverses raisons, qui tiennent souvent
de la logistique ou d’un manque
d’encadrement.
Mostefa Benboulaïd fut sans
doute le seul chef de la Révolution
à pouvoir aligner, dès le premier
jour, près de 400 combattants, sans
compter les «bandits d’honneurs»
comme Grine Belgacem qui l’ont
suivi dans sa zone. C’est pourquoi,
le retentissement de l’insurrection y
était plus marquant. Et c’est grâce
à un armement de qualité, estimé à
une bonne centaine de fusils italiens
Statti datant de la Seconde Guerre
mondiale, que les moudjahidine de
la future Wilaya I ont pu donner
des frayeurs à l’armée coloniale et
la déstabiliser pendant au moins
deux ans, avant la grande discorde
qui va considérablement affaiblir ce
premier fief de la Révolution. Avec
une série d’attentats et d’actions de
sabotage d’envergure à travers toute
la région (de Khenchela à Biskra,
en passant par le mont Chelia), les
Aurès montrait la voie aux autres
zones.
Grine Belkacem
Rabah Bitat
Amar Ouamrane
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 24 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
1
3
4
2
Photo rare prise en 1954 : 1- Abbas Laghrour. 2- Mostefa Ben Boulaid. 3- Sidi Henni. 4- Mamoun Khaldi
Pourtant, historiquement, les
premiers groupes constitués pour
enclencher le processus était ceux
de l’Algérois. C’est, en effet, dans
la Mitidja que, sans doute, les premières actions ont eu lieu. Dans la
nuit du 31 octobre au 1er novembre,
deux groupes composés de quelques
dizaines d’hommes s’apprêtaient à
attaquer deux casernes de l’armée
françaises à Boufarik et à Blida.
Dans cette dernière ville, le groupe
était sous la conduite de Rabah Bitat
lui-même, chef de la IV. Il est à la tête
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
d’une petite vingtaine d’hommes, venus essentiellement de Kabylie après
la défection tardive de la plupart des
militants locaux qui s’étaient engagés
au départ pour mener des actions.
Nonobstant ces désagréments, aggravés par le manque d’armes – selon
des témoignages, ils ne disposaient
ce jour-là en tout et pour tout que de
deux armes à feu – les combattants
ont pu s’introduire dans la dite caserne et réussi à récupérer un important lot d’armes, avant de se replier
rapidement.
( 25 )
A Boufarik, le second groupe
conduit par Amar Ouamrane, ancien
adjoint de Krim Belkacem et chef
opérationnel de la zone IV, souffrait
des mêmes lacunes. Il avait comme
mission principale, lui aussi, de récupérer des armes, avec la complicité
d’un soldat algérien de faction, qui
n’est autre que le frère de Lakhdar
Bentobbal. L’Histoire retiendra que
c’est le groupe de Boufarik, avec un
Souidani Boudjemaa pour seconder
Ouamrane, qui lancera la première
action militaire digne de ce nom dans
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Krim et Bentobal au maquis
la guerre qui commence. Il s’agit des
premières actions spectaculaires :
des bombes artisanales posées sur
la route Blida-Boufarik et sur la voie
ferrée Alger-Oran. Cela s’est passé
exactement à 23h 45. C’est-à-dire
un quart d’heure avant l’heure « H
». Ce qui a fait dire à certains historiens que la guerre de Libération nationale a commencé, non pas le 1er
novembre, mais le 31 octobre.
Dans l’Algérois, pourtant, il y
eut plusieurs opérations déclenchées
dans l’intérieur de la région et qui ont
eu un certain succès. On peut citer, à
titre d’exemple, l’incendie d’une coopérative d’agrumes et d’une usine
de transformation de l’alfa dans les
environs de Blida. D’autres actions
ont connu moins de succès, comme
les attaques prévues contre l’usine
à gaz de l’EGA (Electricité et gaz
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
d’Algérie), un dépôt d’hydrocarbures
sur le port et l’immeuble de la radio,
qui ont été bien attaquées, mais n’ont
subi que des dommages très légers,
en raison sans doute de l’impréparation et, encore une fois, d’un manque
d’encadrement et d’armement.
En Oranie, la situation était
encore plus complexe. Le premier
responsable, Larbi Ben M’Hidi,
secondé par Abdelhafid Boussouf
et Ramdane Abdelmalek, tous originaires de l’Est du pays, ne disposaient, pour toute la région, que
d’une soixantaine de combattants
et d’une dizaine d’armes de guerre.
Dans ces conditions, il leur était quasiment impossible d’envisager des
attaques d’envergure, comme ce fut
le cas dans les Aurès ou dans l’Algérois. Mais, des attaques ont été tout
de même menées, ne serait-ce que
( 26 )
pour marquer symboliquement l’événement. Ainsi, quelques fermes, un
transformateur, une gendarmerie et
une mairie furent notamment ciblés
par les moudjahidines de la première
heure, même si les dégâts déplorés
par l’ennemi étaient minimes.
Pour les mêmes raisons invoquées plus haut, la région du NordConstantinois (zone II) n’a pas
connu d’actions plus retentissantes
en cette nuit du 1er novembre. Didouche Mourad et ses compagnons
durent alors se contenter de lancer
quelques attaques sans envergure
dans les campagnes, en épargnant ce
jour-là le chef-lieu de la zone.
En somme, le bilan de nuit du
1er novembre apparaît assez maigre,
voire décevant pour certains dirigeants qui ambitionnaient de déstabiliser dès le premier jour l’état-major
de l’armée ennemie. Les historiens
les plus objectifs ont recensé une
centaine d’attentats (de faible ou
moyenne envergure) en une trentaine de lieux. S’agissant des pertes
dans les rangs de l’ennemi, le bilan
fait état de seulement dix morts.
Mais c’est surtout les très faibles
quantités d’armes récupérées qui ont
le plus déçu les moudjahidines, parce
que c’était pour eux, à ce moment-là,
une priorité absolue. Cela dit, pour
eux, le vrai succès c’est d’avoir proclamé la lutte armée, d’avoir «allumé
la mèche» selon l’expression de Didouche Mourad, en attaquant simultanément des cibles coloniales sur un
front qui s’étend à 1 500 kilomètres,
avec si peu de moyens et un nombre
de combattants si limité. Un défi qui
est loin d’être mince.
Adel Fathi
Supplément N° 41- Novembre 2015.
1er Novembre 1954
Les étapes du
déclenchement
Par Boualem Touarigt
Guerre de libération
Histoire
Après les répressions de mai 1945, le mouvement de libération
se radicalise. Le parti qui a porté la revendication de l’indépendance et qui avait un profond ancrage populaire, le MTLD qui a
succédé respectivement au PPA et à l’Etoile Nord-Africaine voit
naître en son sein un courant radical qui regroupe les militants
les plus décidés à la lutte armée contre le système colonial.
Le congrès du MTLD de 1947 marque le point de départ vers
le recours à la lutte armée. On décide de mettre sur pied une
organisation paramilitaire secrète chargée de sa préparation.
D
e 1947 à 1954,
le chemin vers
la lutte armée
connaît des péripéties qui font
reculer puis accélérer le déclenchement de la guerre de libération nationale.
En 1950, l’Organisation Spéciale
est découverte par la police coloniale
et subit la répression. Ses membres
entrent dans la clandestinité. Les
premiers maquis se sont constitués
en Kabylie dès 1947, dirigés par Belkacem Krim et Amar Ouamrane.
Mostéfa Benboulaïd forme les premiers groupes dans les Aurès et
constitue des caches d’armes.
La crise du MTLD s’accélère et
aboutit à une division entre les partisans de Messali qui reste fermé à
toute évolution du fonctionnement
du parti, et les « centralistes » partisans du comité central qui regroupe
essentiellement des représentants
des intellectuels et des couches
moyennes qui ont adhéré en nombre
au parti. Les deux tendances sont
hésitantes face à la lutte armée et
privilégient la lutte politique légale
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 28 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
avec la participation aux élections.
Elles restent méfiantes vis-à-vis de
l’aile radicale du parti qui est pour
un recours rapide à la lutte armée.
Les deux tendances ne veulent pas
se couper des militants de base qui
rejettent les voies légales de lutte.
En avril 1953, le congrès du
MTLD, qui écarte la plupart des
anciens de l’OS, décide en même
temps de relancer l’OS. Benboulaïd est chargé de cette mission. Il
reste cependant sans soutien et sans
moyens. Les centralistes et les radicaux se rapprochent. C’est la création
du CRUA (Comité révolutionnaire
pour l’unité et l’action), le 23 mars
1954, conçu comme une structure
chargée d’unifier le parti en vue du
déclenchement de la lutte armée. Il
comprend deux radicaux partisans
de la lutte armée Mostéfa Benboulaïd et Mohammed Boudiaf, et deux
centralistes Mourad Bouchebouba
et Bachir Dekhli. C’est une étape
décisive dans la préparation du 1er
novembre.
Les centralistes du MTLD restent
cependant hésitants et évitent de
s’engager ouvertement pour la lutte
armée. Devant cette situation, les
radicaux vont décider de précipiter
le déclenchement de la guerre de libération nationale, sans attendre de
reconstituer l’unité du parti et malgré le faible niveau de préparation.
Ils agissent à l’insu des centralistes
qui ne sont pas mis dans le coup.
Deux personnalités vont jouer
un rôle décisif dans la préparation
du déclenchement. Mostéfa Benboulaïd est membre du comité central à l’issue du congrès d’avril 1953.
Il a été chargé de préparer la lutte
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
De g. à dr. : Krim Belkacem, Mohamedi Said, M’hamed Bougara, Sadek Dehiles, Zammoum et Amar Ouamrane
armée. Il a organisé les premiers
groupes armés qui tiennent les
Aurès et s’est mis à constituer les
premiers stocks d’armes acquises
par ses propres deniers auprès des
revendeurs, notamment en Libye et
rapatriées clandestinement en Algérie.
Il a une grande autorité sur ses
troupes qu’il réussit à unifier malgré
de nombreuses difficultés. Il tente
de sauver l’unité du mouvement
Mostefa Benboulaid
Mohamed Boudiaf
( 29 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
national, mais ses efforts sont restés vains devant l’intransigeance de
Messali qui refuse d’engager le parti
dans la lutte armée. Ses tentatives de
rapprochement avec les centralistes
furent un échec, ceux-ci étant revenus sur leurs promesses d’aides. Mohamed Boudiaf a été responsable de
l’OS pour la région du Constantinois.
Après la dissolution, il est muté
en France où il est chargé de l’organisation à la direction du MTLD. Il
a Mourad Didouche comme adjoint.
Il est resté en contact étroit avec les
anciens cadres de l’OS qui sont passés à la clandestinité : Ben M’hidi,
Boussouf, Abdelmalek Ramdane.
Il est en relation avec la Délégation
extérieure qui représente le MTLD
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
au Caire : Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella.
En mars 1954, il est en contact
avec les militants du MTLD en
France, notamment les étudiants.
L’idée d’une troisième force, tournée vers l’action immédiate, commence à prendre forme. Il reçoit
l’appui d’Ahmed Mahsas, ancien de
l’OS, condamné pour l’attaque de
la poste d’Oran, évadé de la prison
de Blida vivant clandestinement en
France. Boudiaf rentre en Algérie
et participe à la création du CRUA.
Quelque temps après, il rend visite
à la Délégation extérieure du Caire
où Ben Bella, ancien chef de l’OS,
lui donne les adresses des caches
d’armes constituées avant le démantèlement de l’organisation. Mourad
( 30 )
Didouche et Zoubir Bouadjadj récupèrent ainsi les armes que cachait
Mustapha Zergaoui à la Casbah et
les entreposent à Crescia dans la
ferme de Kaddour Hedjin.
En avril 1954, Ben Boulaïd entre
en contact avec Belkacem Krim
qu’il rencontre dans un café de la
Casbah. Les deux révolutionnaires
tombent d’accord pour déclencher
la lutte armée avant la fin de l’année.
Mais les ponts ne sont pas définitivement coupés ni avec Messali ni
avec les centralistes. Ben Boulaïd
et Boudiaf rencontrent secrètement
Hocine Lahouel à Genève qui les
assure de son soutien et de son aide
matérielle. Quelques jours plus tard,
une réunion regroupe des représentants des radicaux dans le local de
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Mourad Boukechoura à la rue Mulhouse à Alger : Ben Boulaïd, Boudiaf, Didouche, Ben M’hidi, Bitat,
Krim et Ouamrane. Les participants étaient convaincus de ne pouvoir compter que sur eux-mêmes et
ils optent pour un déclenchement
de la lutte armée à brève échéance,
sans attendre de soutien ni de Messali ni des centralistes. Ils se mirent
d’accord sur la division de l’Algérie
en cinq régions dont la Kabylie.
A la fin du mois de mai 1954,
Krim et Ouamrane présentent à
Boudiaf leurs sept chefs de régions
qu’ils ont regroupés dans un hôtel
de la rue du Chêne, l’hôtel Saint
Martin : Moh Touil, Saïd Babouche, Ali Zamoum, Mohammed
Zamoum, Mohamed Yazourène,
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Casbah : Café El-Arich où Benboulaïd rencontra Krim et Ouamrane pour la première fois
( 31 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Hocine Lahouel
Ali Mellah, Gherbi Guemraoui.
Le 3 juin 1954, les sept se retrouvent dans une maison de la rue
Montpensier à Alger. Le découpage
du territoire est confirmé ainsi que
les noms des responsables. Chaque
chef de zone a une liberté d’action
totale dans la désignation de ses adjoints et dans la fixation des objectifs. C’était au cours de cette même
réunion que Boudiaf aurait été
chargé d’assurer la coordination du
mouvement.
Les mois de juin et juillet 1954
furent la période la plus difficile
pour ce noyau de militants qui s’attelaient à préparer le déclenchement
de la lutte armée. Lamine Debaghine
qu’ils avaient sollicité pour prendre
la tête du mouvement se montra
réticent. Chargé d’une mission de
consultation auprès de Moulay Merbah qui représente Messali à Alger,
Belkacem Krim perd ses dernières
illusions. Benboulaïd constate que
Hocine Lahouel ne veut pas s’enga-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
ger réellement pour la lutte armée.
C’est la rupture. Les six radicaux qui
avaient déjà constitué les premiers
groupes de combattants décident de
franchir une nouvelle étape en ne
comptant pas sur des soutiens qui
viendraient des messalistes ou des
centralistes. Ils décident de réunir
un groupe de militants sûrs et prêts
à s’engager dans la lutte armée. C’est
la « réunion des 22 ».
En juillet 1954, Messali organise
le congrès du MTLD qui se tient
à Hornu en Belgique. Les centralistes sont empêchés d’y participer.
Tous les adversaires de Messali sont
exclus. Les centralistes répliquent
en organisant leur propre congrès
le 15 août 1954 au Nadi Errachad à
Alger. Messali et ses fidèles en sont
exclus. La scission est consommée.
Les radicaux, quant à eux, accélèrent
la préparation du déclenchement et
rejoignent leurs régions respectives.
Le mouvement connaît alors ses
premières défections. A Constantine et à Blida, des militants, travaillés par la propagande des centralistes, reculent au vu de la faiblesse
des moyens dont ils disposent. Par
contre, en Kabylie et dans les Aurès, l’organisation a bien avancé.
Benboulaïd pouvait compter sur
quatre cents hommes décidés et
armés pour déclencher la guerre de
libération. La situation est la même
en Kabylie. Les groupes sont constitués et les objectifs fixés. Dans la
capitale aussi les préparatifs sont
bien avancés. A l’ouest, Ben M’hidi
et son adjoint Boussouf éprouvent
de grandes difficultés pour acquérir
des armes.
( 32 )
Le 10 octobre 1954, Zoubir
Bouadjadj, véritable régisseur de la
Révolution, récupère les chefs de
région à qui il a donné rendez-vous
au café El Kamal à Bab-el-Oued.
Ceux-ci se réunissent dans une
maison à Climat-de-France. C’est
là qu’ils auraient décidé la création
d’un nouveau mouvement politique, le Front de libération nationale appuyé sur une branche armée,
l’Armée de libération nationale. On
se met d’accord sur le contenu d’une
proclamation politique qui devrait
être diffusée le jour du déclenchement de la guerre de libération. On
fixe la date au 1er novembre à 0
heure. Mais on maintient le secret
par précaution.
Le 24 octobre 1954, se tient la
dernière réunion des six chefs de
la Révolution. Elle a lieu au domicile de Mourad Boukechoura à la
Pointe Pescade. Les participants approuvent le projet de déclaration qui
avait été élaboré par Boudiaf et Didouche ainsi qu’un tract de l’ALN.
Boudiaf devait partir le lendemain
pour le Caire afin de remettre le
texte qui devait être lu à la radio à
l’heure du déclenchement.
C’est ce jour que fut prise la photo historique qui fut tirée par le photographe Tomas au 14 avenue de la
Marne à Bab el Oued. Le mercredi
27 octobre, Mourad Didouche rejoint son PC à Condé Smendou. Les
combattants d’Alger tiennent leur
dernière réunion le 29 octobre au
domicile de Abdelkader Guesmia à
Bab El Oued.
Boualem Touarigt
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Par Boualem Touarigt
Guerre de libération
L
Histoire
es cinq chefs de zone du FLN s’étaient
entendus sur les objectifs à fixer pour le
déclenchement de la Révolution le 1er
novembre 1954. Ils ne cherchaient pas
des actions exclusivement militaires
qui leur auraient donné une supériorité
sur l’armée française. Les objectifs étaient d’abord
politiques. Ils avaient plusieurs messages à faire passer
: le premier aux militants du mouvement national. Des
combattants, réagissant à l’impasse dans laquelle s’est
enfermé le courant patriotique et refusant de prendre
parti dans les luttes fratricides en cours, ont décidé
de passer à l’action. Tout le monde doit désormais se
déterminer par rapport au combat qui s’engage. Le
deuxième message est destiné au peuple algérien pour
lui rendre espoir et l’encourager à prendre part à la
lutte qui s’ouvre. Le FLN délivre aussi un message aux
autorités françaises leur demandant de tenir compte de
la réclamation de l’indépendance qu’ils ont à chaque
fois rejetée. Il confirme qu’il accepte la présence
des Français d’Algérie qui seront considérés comme
citoyens algériens à égalité de droits et de devoirs. La
plate-forme de discussion qu’il présente est simple : il
demande la reconnaissance du droit à l’indépendance
pour les Algériens. Il propose de fait une Algérie
algérienne, égalitaire et même multi confessionnelle.
Les actions menées le 1er Novembre ont pour but
de recentrer la lutte politique sur la revendication
d’indépendance et les moyens d’y parvenir. Elles
vaudront surtout par leur dimension psychologique et
leur portée politique.
du tout nouveau FLN (encore inconnu, le monde
n’allait apprendre son existence que le lendemain)
avaient beaucoup insisté sur l’impression que les
combattants devaient laisser à la population. L’action
psychologique était capitale. Le peuple algérien devait
voir des combattants en uniformes, bien armés,
disciplinés. Ils allaient pour la première fois observer
Zone 1 : la détermination des Chaouias leur armée nationale, une vraie armée. Il ne s’agissait
pas de bandes hétéroclites et indisciplinées. Dès le
Mostefa Ben Boulaïd, le chef de la zone 1 a décidé début de la révolution, il fallait frapper un grand coup,
de regrouper ses combattants le samedi 30 octobre. convaincre la population, l’impressionner, gagner sa
Un premier groupe de soixante hommes dirigés par confiance.
Tahar Nouichi est réuni près de Foum Toub. Mostefa
Le chef de la zone 1 avait défini les objectifs et
Ben Boulaïd s’occupe directement du deuxième
réparti
les combattants. Abbas Laghrour attaquera
comprenant près de 150 moudjahidine. Le dimanche
31 octobre, aidé par deux de ses adjoints Bachir Khenchela, appuyé par le groupe d’Ammar Maâche.
Chihani et Adjel Adjoul, il leur distribue les armes, Mekki Achouri a été désigné pour T’Kout, Belkacem
de vieux fusils Mauser et Sttati. Il déballe un lot de Méziani pour El Ksar, Mostefa Goughali pour
tenues américaines achetées en gros auprès des fripiers Inoughissen, Ali Benchaïba, Messaoud Benaïssa
de la région et des chaussures de marche, les fameux et Layachi Batsi pour Ichemoul, Mohamed Cherif
« Pataugas » qui deviendront bientôt célèbres et même Slimani, Sadek Bendaïkha et Mansour Goughali pour
interdits par les autorités françaises. Il tient à ce que ses Barika, Ismaïl Kechroud pour Aïn Touta. Bachir Hadji
moudjahidine soient impeccables. Les six dirigeants et Hadj Moussa pour Khroub et Aïn M’lila. Ahmed
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 34 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Nouaoura a été désigné pour Arris.
Batna, chef lieu d’arrondissement a
été réparti entre Ali Baazi, Cherif
Benakcha, Belkacem Grine et Hadj
Lakhdar.
Mostefa Ben Boulaïd a prévu
d’isoler même pendant seulement
une courte période la partie
centrale des Aurès. Il pense aux
répercussions
dans
l’opinion
française et internationale. Cette
action, si elle réussit, déclenchera
également un sentiment de fierté
auprès des militants et de la
population. La Révolution sera
prise au sérieux et impressionnera
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
par les capacités de ses combattants.
Il a prévu d’installer une véritable
psychose dans les Aurès. Plusieurs
localités seront harcelées. La
vingtaine d’hommes qui compose
le commando de Hadj Lakhdar
dont notamment Bouchemal,
Messaoudi, Baha pénètre dans
Batna à deux heures du matin,
en coupant à travers champs.
Pour ne pas attirer l’attention, les
combattants entrent par groupes
de deux emmitouflés sous leurs
kachabias qui camouflent leurs
tenues et leurs armes. Chaque unité
d’attaque a un groupe de protection
( 35 )
pour la couvrir et assurer son repli.
A Biskra, les combattants ont
attaqué le commissariat, le siège
de la commune mixte et la centrale
électrique. Des wagons d’essence
ont été incendiés et une attaque
à la bombe a été menée contre la
redoute militaire. Aussitôt avisée
par téléphone, la gendarmerie de
Batna prévient les casernes de la
ville qui sont averties quelques
minutes avant l’heure fixée pour
le déclenchement des attaques de
l’ALN. L’alerte est déclenchée. Il
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
n’y a plus d’effet de surprise. Hadj Lakhdar et son
commando se replient sans s’affoler. Il est trois heures
du matin. Ils abattent les deux sentinelles de la caserne
des chasseurs alpins et décrochent en prenant la route
de Lambèse.
Abbas Laghrour qui dirige le commando de
Khenchela attendra sans résultat à Aïn Silane l’arrivée
d’Ammar Maâche. Celui-ci dira deux jours plus tard
qu’il y a eu erreur sur le lieu de la rencontre. Quand
Laghrour rentre seul dans la ville, les militants avec
qui il devait faire sa jonction ne l’avaient pas attendu.
Ils avaient pris le commissariat et désarmé les policiers
sans leur faire de mal. Le moudjahid Athmani avait
fait sauter le transformateur électrique de la ville. Un
autre groupe attaque la caserne bien que mise en alerte
et tue un lieutenant de garde. Tout le groupe se replie.
A T’Kout les gendarmes s’enferment dans leur
brigade qui essuie des tirs et ils n’en sortiront pas.
Le village est coupé du monde. D’ailleurs dans toute
la région les lignes téléphoniques ont été sabotées.
Arris est isolée par les combattants de l’ALN. Ahmed
Nouaoura ne s’était pourtant pas manifesté à l’heure
prévue. Le village de Foum Toub sera isolé pendant
une semaine.
A sept heures du matin, l’autocar reliant Biskra
à Arris est arrêté aux gorges de Tighanimine. Les
combattants veulent impressionner tous les passagers
qui emprunteront la route, annoncer le déclenchement
de la révolution et transmettre ainsi un message
aux populations. L’opération doit avoir une portée
psychologique. Mohamed Sbaïhi parle aux passagers.
Il fait descendre le caïd Hadj Saddok et le couple
d’instituteurs français qui avaient emprunté le car.
Il commence son discours au caïd lui demandant de
rejoindre la Révolution en expliquant le but du FLN,
les deux instituteurs pris à témoins et devant relayer le
message. Car l’ordre des dirigeants de l’ALN qui leur
a été rappelé la veille par Ben Boulaïd est clair : « Ne
touchez pas à un civil européen ! ». Le caïd qui avait
déjà reçu par la poste la déclaration du FLN a compris
le sort qui lui serait réservé. Il tire brusquement le
pistolet qu’il avait enfoncé dans sa large ceinture.
Par réflexe, Mohamed Sbaïhi lâche instinctivement
une rafale de mitraillette. Il abat le caïd mais touche
involontairement les deux instituteurs qui n’étaient
pas visés. Le mari est atteint à la poitrine et son épouse
plus légèrement à la hanche. Le caïd est hissé dans le
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
car qui démarre aussitôt, laissant les deux instituteurs
sur le bord de la route. Le groupe décroche. Quelques
heures plus tard, une colonne qui arrive à sortir
d’Arris récupère l’institutrice qui n’est que blessée
et son époux mort accidentellement, touché par les
balles destinées au caïd de Mchounèche. A Ouldja les
combattants attaquèrent la maison du caïd.
Dans la zone 2, Mourad Didouche a vu la défection
des militants de la ville de Constantine, acquis au
déclenchement de la lutte armée mais en désaccord
avec Boudiaf. Ses combattants menés par Zighout
Youcef, Lakhdar Bentobbal, Mostefa Benaouda, Badji
Mokhtar mèneront plusieurs attaques : la gendarmerie
de Condé Smendou, les casernes du Khroub et de Souk
Ahras, la mairie de Saint Charles, le dépôt d’essence
de l’armée à Khroub, la mairie de El Arrouch où
deux gardes communaux furent désarmés, la mine de
Nador.
Zone 3 : la longue expérience des
premiers maquisards
Dans la zone 3, Belkacem Krim a fixé les objectifs
à ses chefs de daïra à qui il a laissé toute la latitude
d’organiser leurs attaques. Ceux-ci le suivent depuis
plusieurs années : Moh Touil de Draa el Mizan,
Ali Zamoum de Tizi Ouzou, Mohamed Zamoum
de Mirabeau, Ali Mellah et Saïd Babouche de Fort
National, Mohamed Yazourène d’Azzazga et Ahmed
Guemraoui du Sud Djurdjura. Krim insisté sur le côté
psychologique. Il faut annoncer une période nouvelle,
redonner l’espoir aux militants dont beaucoup sont
encore indécis et installer un climat d’insécurité
au sein des forces de l’ordre. Il n’a que cent trente
hommes armés à sa disposition. Il est confiant et il est
sûr de ses combattants qui tiennent le maquis depuis
plusieurs années. Comme Ben Boulaïd, il imposera
aux maquisards le port d’uniformes et leur donnera
l’ordre de coudre des galons et des insignes, malgré
leurs réticentes. Il cherchait lui aussi à impressionner
fortement les populations et à leur donner confiance.
Le bilan est spectaculaire : les dépôts de liège et de
tabac de Bordj Menaïel, Camp du Maréchal, Azzazga,
Draa el Mizan, Tizi Ghenif ont brûlé. Des attaques
ont été menées contre les gendarmeries de Tigzirt et
d’Azzazga, les sièges des communes de Draa El Mizan
(où le garde champêtre a été tué) de Rebeval (où la
mairie et la poste on été incendiées) et de Abbo. Partout,
( 36 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
plusieurs attaques. Ils feront sauter le transformateur
électrique situé à Ouillis à l’est de Mostaganem. Ils
attaquent la gendarmerie et le siège de la commune
de Cassaigne ainsi que deux fermes entre Ouillis et
Bosquet. Un Européen qui se trouvait par hasard à la
gendarmerie de Cassaigne a été atteint par une balle
perdue. Il y eut un accrochage à Turgot plage, près
d’Oran et à Cap Ivi, à 25 kilomètres de Mostaganem.
Ahmed Zabana maintiendra un climat d’insécurité
pendant plusieurs jours à Tlélat. Trois jours plus tard,
la préfecture annoncera que huit Algériens avaient été
tués. Abdelmalek Ramdane figure au nombre de ces
premiers martyrs, tombé au cours d’un accrochage
les moudjahidine, en maquisards aguerris refusent sur le territoire de la commune de Bousquet, près de
le combat et se retirent dans les caches préparées à Cassaigne.
l’avance. Ils maîtrisent parfaitement la technique de
guérilla et s’attendent à une guerre longue et difficile. Zone 4 : le choc psychologique malgré
Dans la zone 5, Ben M’hidi et ses chefs de commandos des défections
Abdelmalek Ramdane, Abdelhafid Boussouf, Hadj
Zoubir Bouadjadj responsable du secteur d’Alger avait
Benalla, Ahmed Zabana n’ont pas reçu les armes
qu’ils attendaient, le convoi venant du Maroc ayant déjà arrêté ses objectifs et désigné ses combattants.
été intercepté. Ils décident tout de même de mener Rabah Bitat avait réuni les chefs de groupe le 29
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 37 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
octobre chez Abdelkader Guesmia
à Bab El Oued.
Abderrahmane Kaci Abdallah est
chargé de faire sauter l’usine à gaz
du Ruisseau. Il est accompagné de
son neveu Mokhtar, d’Abdelkader
Guesmia, Brahim Sekat, Omar
Djellal. Il y a aussi Kaddour Hadjin
avec son vieux camion qui a servi
à transporter le premier stock
d’armes dans sa ferme de Crescia.
Ils passent par le toit de la scierie
adossée au mur de clôture et placent
quatre bombes artisanales. Ils
allument les mèches et s’enfuient
par le camion de Hadjin.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Le commando de Merzougui
est composé de Chaal, Toudjine,
Adim,
Madani,
Boutouche,
Belamane et Djefafla. Leur objectif
est l’immeuble de la radio à la
rue Hoche. Merzougui arrive à
une heure du matin ramenant
trois bombes artisanales dans un
couffin. Les engins sont placés
leurs sur le rebord des fenêtres
du rez-de-chaussée et une fois les
mèches allumées, les membres du
groupe quittent précipitamment
les lieux dans le véhicule qui les
attendait.
( 38 )
Belouizdad doit conduire son
équipe au port pour faire sauter un
réservoir des pétroles Mory. Il a
avec lui Benguesmia, Ben Slimane
et Herti. Ils prennent soin de voler
un véhicule pour se déplacer.
Arrivé sur place, Belouizdad se
hisse sur le rebord de la cuve qu’il
avait déjà repérée, place ses bombes
et allume les mèches. Le groupe
repart avec la voiture volée qu’il
ramènera à son parking.
Ahmed Bisker et son groupe
composé de Mesbah, Benaï et Braka
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
attaqueront le central téléphonique et Nabti est chargé
d’incendier le dépôt de liège d’Hussein Dey.
A la veille du déclenchement, Rabah Bitat était
furieux. La propagande de Hocine Lahouel avait
réussi à dissuader de nombreux militants de Blida de
rejoindre le mouvement. Le samedi 30 octobre à 15
heures, accompagné de son adjoint pour Blida Souidani
Boudjema, le chef de la zone 4 du FLN rencontra
Zoubir Bouadjadj. Il chargea celui-ci de récupérer au
square Bresson un groupe de 21 combattants envoyés
par Krim Belkacem pour participer aux opérations
du 1er novembre. Zoubir Bouadjadj les emmena à
Crescia et les logea dans la ferme de Kaddour Hadjin.
Il y aura en tout deux cents hommes envoyés par la
zone 3 et dirigés par Ouamrane pour épauler la zone
4, dont beaucoup furent hébergés dans une ferme de
Bouinan.
Le 30 octobre Hadjin a retrouvé Zoubir Bouadjadj
à Alger. Ils vont à Crescia récupérer la vingtaine de
combattants venus de Kabylie. Ils retrouvent Souidani
à Souma puis tout le groupe rejoint le lieu de rendezvous avec Bitat et Ouamrane qui est fixé à Hallouya
près de Boufarik. A minuit moins le quart, soit 15
minutes avant l’heure fixée, Ouamrane, Souidani et
leurs hommes sont en embuscade devant
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 39 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
la caserne de Blida
lorsqu’ils
entendent l’explosion de trois
bombes. Les combattants qui
devaient détruire le pont tout
proche se sont trompés d’heure
ou ont paniqué. Dans la caserne,
l’alerte est donnée. Ouamrane
et Souidani se précipitent dans
le poste de garde et désarment
les sentinelles. Ils récupèrent
leur complice qui les attendait,
le caporal-chef Saïd Bentobbal
et tout le monde décroche. A
Blida, les combattants conduits
par Bitat et Bouchaïb attaquent la
caserne Bizot. Ils disposent eux
aussi d’un complice à l’intérieur,
le caporal Khoudi. L’attaque ne
réussira pas par manque de sang
froid, les soldats ayant été alertés
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 40 )
par les explosions de Boufarik.
Trois martyrs tomberont dans
l’accrochage qui s’en est suivi.
Par contre les attaques contre
la coopérative d’agrumes de
Boufarik et la Cellunaf de Baba
Ali ont réussi et les dépôts ont été
brûlés. Par ailleurs les combattants
de l’ALN se sont attaqués à
plusieurs ponts : celui de l’Oued
Kerma à la sortie de Birkhadem,
celui de l’Oued Mimoun à la
sortie de Boufarik. Ils attaquèrent
aussi un ouvrage à la sortie de
Benchaâbane, près de Boufarik,
sur la route départementale
qui mène vers Saint Charles et
déposèrent des bombes sur le
trajet du train Alger Oran.
Boualem Touarigt
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Réflexions d’un moudjahid
sur la commémoration
du 1er Novembre
Mr Kasmi Aïssa,
Ancien moudjahid et cadre
supérieur de la DGSN
Guerre de libération
Histoire
Toute
nation est en droit d’être fière de son histoire et de
sacraliser ses gloires et ses épopées qui la distinguent des autres
nations. Nul ne peut construire solidement son avenir sans avoir
pris pleinement conscience de son passé et mis en valeur les
sacrifices des générations passées pour défendre et préserver
leur terre, leur dignité ainsi que les éléments fondamentaux de
la personnalité nationale et ses caractéristiques.
L’histoire de l’Algérie a connu à travers les différentes étapes de
son évolution des moments glorieux et des épisodes immortels
dont les nouvelles générations doivent s’enorgueillir et s’en
inspirer pour mieux s’armer en vue de se frayer un chemin
parmi les nations modernes et respectables. Or, il n’est guère
possible d’apprécier une chose à sa juste valeur pour pouvoir
la préserver comme la prunelle de ses yeux, si on l'ignore ou
on feint de l’ignorer ou si l’on ne fournit pas l’effort nécessaire
pour la découvrir, la connaitre sous tous ses aspects, en mesurer
la valeur et en tirer profit éventuellement. En fait, la question
que l’on peut légitimement se poser ici est la suivante : peut-on
aimer quelque chose ou même quelqu’un sans le connaitre, sans
l’approcher ?
Nous
savons tous que la relation d’appartenance à une patrie
ou à une société implique pour les membres de ladite société
des devoirs incompressibles et non facultatifs parmi lesquels
l’obligation de connaitre leurs origines, leurs racines, leurs
aïeuls, les étapes franchies par leur peuple, ses souffrances
et ses espérances afin de poursuivre leur glorieux combat en
ajoutant une pierre aussi modeste soit-elle à l’édifice national.
Etre conscient de cette appartenance et aspirer à une citoyenneté
pleine et entière signifie une bonne assimilation du concept, ô
combien complexe, des droits et des devoirs, sachant que c’est
le devoir qui crée le droit et non le contraire.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 42 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
La philosophie du
colonialisme français dans
sa conquête de l’Algérie
La stratégie et les objectifs du colonialisme français dans l’occupation
de l’Algérie s’illustrent parfaitement à travers les déclarations de
la plupart des conquérants français,
notamment les officiers de l’armée
coloniale tels que Bugeaud, Saint
Arnaud, Cavaignac, De Rovigo, Changarnier, Lamoricière, Montagnac,
Randon, Canrobert, Dumas, Pélissier, et autres. Les dites déclarations
traduisent la haine indicible que
vouaient les colonisateurs aux arabes
musulmans algériens, authentiques
propriétaires de cette terre sacrée.
Nous citerons ici trois témoignages
seulement comme exemple pour
illustrer cette haine mortelle :
Le colonel Montagnac :
Le colonel Montagnac : « Lettres d’un
soldat » : « Voilà, mon brave ami,
comment il faut faire la guerre aux
Arabes. Tuer tous les hommes jusqu' à
l' âge de quinze ans, prendre toutes les
femmes et les enfants, en charger des
bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs; en un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos
pieds comme des chiens. »
Général De Rovigo :
« Puisqu’on ne les civilisera pas, il
faut les refouler loin comme des bêtes
féroces qui abandonnent le voisinage des lieux habités. Il faut qu’ils
reculent jusqu’au désert devant la
marche progressive de nos établissements et qu’ils soient rejetés pour
toujours dans les sables du Sahara. »
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Le général Ibos dans son livre
Le général Cavaignac : un
dictateur républicain, p124 :
« Ce sont des sangliers à deux
pieds ! »
Évoquant la discrimination raciale
pratiquée par la France coloniale
durant sa présence en Algérien,
Ferhat Abbas a écrit, dans son
ouvrage : La Nuit coloniale (1962),
page 47 : « Lorsqu’un Algérien dit
qu’il est Arabe, les juristes français
lui répondent : Non, tu es Français !
Et lorsqu’il vient réclamer les mêmes
droits accordés aux Français, les
mêmes juristes lui rétorquent : C’est
impossible, tu es Arabe !... Aux yeux
de la loi coloniale, il n’est plus Algérien et n’est pas encore Français. Non,
il n'est rien, au plan national ou civil.
Il est désormais dépourvu de tout.
C’est-à-dire qu' il n'est chez lui, ni en
Algérie, ni en France, ni n’a aucune
patrie nulle part ailleurs. C’est ici
que réside la réalité du drame vécue
par les Algériens et dont découlent
tous les autres drames ».
La stratégie de l’occupant colonial
visant à exterminer tous les habitants autochtones d’Algérie, appelés
« indigènes musulmans », s’est soldée
par la mort de plus de 6 millions
d’Algériens durant la période allant
de 1830 à 1872, à travers les tueries
massives, préméditées et organisées qu’il a perpétrées dans toutes
les régions du pays sans exception
et en laissant les épidémies faire des
ravages dans la population locale
(la peste a dévasté le pays quatorze
fois, en plus du choléra, de la typhoïde
et d’autres maladies toutes aussi destructives les unes que les autres).
( 43 )
C’est sur ces méthodes que la
France coloniale a fondé sa stratégie de conquête, d’occupation
et de colonisation de l’Algérie, en
codifiant le pillage de ses richesses,
l’asservissement de ses enfants, leur
appauvrissement à la limite de la
famine. Profitant de leur détresse
incommensurable, les autorités
coloniales n’ont pas hésité à incorporer les jeunes Algériens de force
pour aller défendre les couleurs de
la France impériale sur les champs
de bataille qui faisaient rage dans
le vieux continent, de 1870 à 1945.
La facture : 69 000 Algériens ont
laissé leur vie pour le drapeau français (3000 en 1870, 26 000 durant
la Grande guerre « 1914-1918 » et
40 000 durant la Seconde Guerre
mondiale), alors que 13 000 autres
seront expulsés vers le Pacifique et
Bilad Esham.
La résistance armée contre
l’occupation française
- La bataille de Staoueli de 1830,
dans laquelle se sont distingués
l’Agha Ibrahim, Ben Saâdi, Ben
Zaâmoum et toutes les tribus
proches d’Alger.
- L’Emir Abdelkader - Ahmed Bey
durant 17 ans (1830-1847) ;
- Boumaâza ou Si Mohamed ben
Abdallah (1845-1847) ;
- La tribu des Zaâtchas (1849),
Chérif Mohamed ben Abdallah
(1851-1871), Chérif Boubaghla
(1951-1954), Lalla Fatma N’Soumer (1857), Bennacer Benchohra
(1851-1874), la révolte des Ouled
Sidi Cheikh (1864-1881), El-Hadj
El-Mokrani et Cheikh Ahaddad
(1871-1872), Cheikh Bouamama
(1881-1882).
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
La lutte politique continue
depuis le début du XXe
- L’Emir Khaled (1912-1924),
Messali Hadj, Ferhat Abbas,
Ibn Badis et tant d’autres leaders (de 1926 à 1954) ;
- Le climat politique et psychologique instauré par la Seconde
Guerre mondiale, qui a changé
la donne et incité les peuples
colonisés à se libérer de l’hégémonie coloniale ;
- Le regroupement des dirigeants
du mouvement national sous
la bannière de l’Association
des amis du manifeste et de
la liberté (AML), dont Ferhat
Abbas, Messali Hadj et Bachir
El-Ibrahimi (14 mars 1944) ;
- Le discours du général de Gaulle
à Brazzaville, le 30 janvier 1944,
dans lequel il a promis d’accorder l’indépendance aux colonies
françaises d’Afrique dès la fin de
la guerre.
Le message des événements
du 8 mai 1945
Les manifestations du 8 mai
1945, réprimées dans le sang,
constituent en fait le détonateur ou
le coup de tonnerre qui a accéléré
de façon décisive la marche irrésistible du peuple algérien vers sa
libération du joug colonial. Ayant
pris naissance à Sétif, cette insurrection se répandra comme une
trainée de poudre pour embraser
la plupart des régions de l’Est, de
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
l’Ouest et du Centre du pays, en
particulier à Guelma, Kherrata,
Blida, Saïda, Oran, Alger, TiziOuzou, Béjaïa et autres. Pour réprimer les manifestants, les autorités coloniales ont mobilisé tous
leurs moyens de répression, de
torture et d’extermination massive
et mis à contribution l’armée, la
police, les milices armées composées de colons racistes et haineux
ainsi que l’aviation et la marine de
guerre.
Ce fut un véritable génocide,
un crime contre l’humanité commis de façon délibérée, organisée, alors que le même général de
Gaulle qui avait promis l’indépendance à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, était aux commandes de
la France. Le nombre de victimes
a dépassé 45.000 martyrs en l’espace de quelques jours durant lesquels s’est distingué à Guelma le
sanguinaire André Achiary, qui a
été promu plus tard et reçu la Légion d'honneur de la République
française, le 17 Janvier 1946. Ces
massacres ont fini par convaincre
une fois pour toutes ceux parmi
les algériens qui croyaient encore
à l’illusoire option d’intégration et
continuaient à réclamer l’égalité
en droits, que la France arrogante
ne pouvait jamais accepter l'indépendance de l'Algérie, quelles que
soient les circonstances. Les évènements du 8 mai 1945 ont donc
fait sortir les assimilationnistes
de leur illusion et leur crédulité,
après avoir compris que la France
n’est nullement prête à abandonner l'Algérie qui n’était que trois
( 44 )
départements faisant partie intégrante du territoire français et
non une colonie comme toutes les
autres. Le peuple algérien, dans sa
majorité, a tiré la leçon de ces massacres, convaincu qu’il était que ce
qui a été pris par le feu et le fer ne
pouvait être arraché que par le feu,
le fer et le sang.
En plus des milliers de morts
et de blessés parmi les hommes,
les femmes et les enfants, nombre
de militants sont restés en prison
de 1945 jusqu'à l'indépendance (17
ans), à l’exemple du grand militant
Mohammed Saïd Maazouzi, que
Dieu lui prête longue vie. Il vient de
nous gratifier d’un superbe ouvrage
de 431 pages racontant son parcours de nationaliste intrépide et
restituant avec une grande humilité
les souffrances vécue par le peuple
algérien dans son épopée unique
dans l’histoire de l’humanité.
Préparation de la grande
insurrection armée
Instruit par les enseignements
tirés des événements du 8 mai
1945, le mouvement national, notamment le Partie du peuple algérien (PPA), a pris la décision courageuse de créer l’Organisation
Spéciale (OS) le 16 février 1947,
chargée de recruter les militants,
de les former et de les préparer à
la grande insurrection armée qui
sera finalement déclenchée le 1er
novembre 1954. Le commandement de cette organisation avait
été confié, à sa création, à Mohammed Belouizdad, remplacé
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
plus tard par Hocine Aït Ahmed,
puis enfin par Ahmed Ben Bella,
lesquels représentaient la nouvelle
génération de jeunes militants lassés par les intrigues et les surenchères politiques stériles adoptées
par leurs aînés. Les événements
s’accéléraient et les choses se clarifiaient davantage après la lourde
défaite subie par l'arrogante armée
française au cours de la fameuse
bataille de Diên Biên Phu (du 20
Novembre 1953 au 7 mai 1954),
sous la conduite du célèbre général Giap.
En dépit des circonstances
extrêmement difficiles dans lesquelles évoluait le peuple algérien
à cette époque, ses enfants qui
croyaient en leur partie et en ses
valeurs immuables, étaient déterminés à aller de l'avant et à ressusciter l'Algérie. Ils allumèrent
la flamme de la grande révolution
armée et jurèrent de ne déposer les
armes que le jour de la victoire ou
du martyre. Grâce à la volonté de
Dieu, la victoire fut de leur côté.
Il y eut d’abord la réunion des
« 22 » le 25 juin 1954 à El-Madania,
chez Lyès Derriche, pour décider
de la proclamation de la guerre,
suivie rapidement d'une rencontre
le 23 octobre 1954, chez Mourad
Boukechoura à Raïs Hamidou,
pour élaborer le plan d’action du
déclenchement de l’insurrection
armée. Ont assisté à cette rencontre historique : Mustapha Benboulaid, Mohamed Boudiaf, Krim
Belkacem, Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad et Rabah Bitat.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Illustrations du génie du
peuple algérien durant
la Guerre de libération
Lorsque les premières balles des
vaillants combattants algériens ont
retenti à travers toutes les régions
du pays, en cette nuit du 1er novembre 1954, leurs échos sont parvenus dans toutes les majestueuses
montagnes d'Algérie, des Aurès
à l’Ouarsenis, en passant par le
Djurdjura, les Bibans et les Babors,
jusqu'aux fins fonds du Hoggar et
du Tassili.
Le génie du peuple algérien s’est
illustré au cours de la révolution,
à travers les étapes et actions suivantes :
• La déclaration du 1er Novembre
et son contenu ;
• La confiance en Dieu et la désignation des combattants par le
nom de "moudjahidine", tout en
annonçant le début de chaque
bataille par le cri d’Allah Akbar ;
• Le soutien massif et indéfectible
apporté par la population aux
moudjahidine ;
• Le soulèvement populaire du 20
août 1955 (Zighoud Youcef) ;
• La plateforme de la Soummam
(20 août 1956) ;
• L'unité nationale et l’extraordinaire élan de solidarité entre
tous les algériens ;
• La Bataille d'Alger et les héros
de la Casbah (El-Mahrousa) ;
• La résistance héroïque des moudjahidine dans les maquis et la
fedayin et moussebeline dans
les villes et villages, hommes et
( 45 )
femmes, en particulier dans les
zones rurales où les femmes ont
pris la place des hommes pour
continuer la lutte jusqu'à la victoire finale ;
• Le génie des officiers supérieurs
de l'Armée de libération nationale qui, bien que n’ayant pas
fréquenté les hautes académies
militaires, ont pu donner des
leçons inoubliables aux officiers
les plus décorés de l’armée française ;
• L’action diplomatique efficace
menée par les représentants du
Front de libération nationale
sur la scène internationale, de
Bandung à New York, du Caire
à Rabat, en passant par Genève,
Rome et Madrid ;
• La création du Gouvernement
provisoire (GPRA) le 19 septembre 1958 ;
• La mise en échec de tous les
complots et machinations machiavéliques du colonialisme
français (l’action des renseignements et d’infiltration) ;
• Constance et persévérance face
aux souffrances et sacrifices immenses supportés par la population et les moudjahidin ;
• Ajournement des différends et
conflits internes jusqu'à après la
victoire ;
• Décision de porter la guerre sur
le sol français et mobilisation
des expatriés pour les collectes
de fonds pour constituer le budget de la Révolution ;
• Manifestations du 11 Décembre
1960 dans la capitale et d'autres
villes du pays ;
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
• Manifestations du 17 octobre
1961 à Paris, sur le terrain
même de l’ennemi, sous les
balcons de l’Elysée et à travers
les plus grandes rues de la capitale des Lumières et du fameux
triptyque : "liberté, égalité, fraternité" ;
• Les négociations d’Evian face
aux politiciens français les plus
érudits ;
• 19 Mars 1962 (proclamation du
cessez-le-feu) ;
•
Référendum d'autodétermination le 1er Juillet 1962 :
5.975.581.962 Oui, 16.534 Non,
sur un total de voix exprimées :
5.992.115.
• Démarrage fulgurant du train
de l'Indépendance, brisant
toutes les barrières et désamorçant toutes les bombes posées
sur son chemin par les stratèges du colonialisme.
La situation dramatique de
l’Algérie postindépendance
• Un million et demi de martyrs
que Dieu ait leur âme (la plupart
étaient des jeunes) ;
• Trois millions de personnes placées dans des camps entourés
de barbelés ;
• 400.000 prisonniers et détenus ;
• 300.000 réfugiés en Tunisie et au
Maroc ;
• 700.000 personnes déplacées
des zones rurales vers les villes ;
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
• 8.000 villages détruits ou brûlés, réduits en ruines ;
• Des milliers d’invalides de
guerre, de veuves et d’enfants
de chouhada ;
• La plupart des Algériens souffraient de l'extrême pauvreté et
du chômage endémique (5 millions de chômeurs) ;
• 94% des hommes et 98% des
femmes étaient analphabètes ;
• Moins de 14% des enfants
étaient scolarisés ;
• 116 millions de francs dont disposait le Trésor public ont été
transférés en France ;
• Départ de tous les cadres dirigeants et de maitrise des établissements publics ;
• Infrastructure détruites, archives brûlées dans plusieurs
administrations et institutions
par les criminels de l'Organisation de l’armée secrète (OAS) et
leurs adeptes.
CONCLUSION
Je pense que la grandeur de la
Révolution algérienne avec tout ce
qu’elle a réalisé comme exploits,
hauts faits d’armes et sacrifices
consentis généreusement par les
enfants de ce pays, nous impose
le devoir d’éditer des centaines,
voire des milliers d’ouvrages, de
témoignages, de récits et de chroniques afin de constituer les matériaux indispensables qu’utiliseront
( 46 )
demain nos historiens pour écrire
les pages glorieuses de l’histoire de
la nation algérienne.
Chaque parcelle du territoire
algérien, de l'Est et à l'Ouest, du
Nord et au Sud, est irriguée du
sang de nos valeureux martyrs.
Chaque famille, chaque martyr,
moudjahed, fidaї, moussebel ou
prisonnier détient une part de
cette histoire commune à tous et
qu’il ne doit pas garder pour lui
comme un bien personnel.
Mon souhait le plus cher est de
voir un jour l’un de nos historiens
écrire un ouvrage portant le titre :
La guerre de 132 ans entre l'Algérie et la France, à l’instar du grand
volume édité par le grand historien et homme politique, le défunt
Ahmed Tewfik El-Madani, intitulé : La guerre de 300 ans entre
l'Algérie et l'Espagne (1976).
Si nous voulons réellement être
fidèles au serment des chouhada
et dignes de recevoir leur précieux
héritage, chacun d'entre nous
est appelé à se remettre en cause
et à calquer son attitude et son
comportement quotidien sur les
nobles principes qui ont constamment animé nos valeureux moudjahidine morts ou encore vivants,
à savoir : l’amour de la patrie, le
dévouement, la probité morale, le
rejet de la corruption et du vice, la
sacralisation du savoir et le travail
créatif et honnête.
Aïssa Kasmi
Ancien cadre supérieur de la DGSN
Supplément N° 41- Novembre 2015.
61
é ANNIVERSAIR E DE
LA REVOLUTION
Dr Boudjemâa HAICHOUR.
Chercheur universitaire,
ancien ministre
FILIATION GéNéALOGIQUE DU FLN HISTORIQUE
UNE RéVOLUTION ARMéE SEUL RECOURS ESPèRè
Guerre de libération
Histoire
Peut-on parler d’une même filiation généalogique entre le
FLN historique et le FLN Post-indépendance ? Au plan épistémologique saurions-nous parler de continuité ou de rupture
dans le processus consacré au FLN à la fois en tant que mouvement de libération et tant continuateur de l’effort d’édification nationale ? De tels questionnements nous renvoient à
une lecture politique qui a marqué les débats dans le cadre du
Système du Parti unique et la controverse née au lendemain
de la promulgation de la Constitution de 1989 permettant la
création de Partis.
C
’est sans doute dans
ce bouillonnement
des idées que chacun va à sa vision
des choses. Ainsi
dans un contexte d’une géopolitique marquée par un nouvel ordre
mondial régenté par l’énergie qui
définit les équilibres endogènes et
exogènes des Nations, alors que
l’Algérie célèbre le 61ème anniversaire de sa glorieuse Révolution
du 1er Novembre 1954, Une date
mémorable inscrite en lettres d’or
dans l’histoire contemporaine.
On est interpelé à trancher
toute cette chronologie des faits
historiques permettant aux jeunes
générations de transcender ces
nuances dans la clarté d’un débat
politique serein dans toute la
communion inspirée des grands
sacrifices de notre peuple ayant
recouvert son indépendance au
prix d’un million et demi de nos
valeureux martyrs.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Personne ne peut oublier les
conditions de misère, de famine,
d’humiliation, de discrimination,
d’expropriation, de dépossession
et d’un Code de l’indigénat qui
reposait sur la violence et le déni
de justice imposé par la puissance
coloniale française. L’analphabétisme battait son plein où plus de
90% ne fréquentait pas l’école «
indigène » qui permettait d’obtenir juste le certificat primaire élémentaire.
En face quelques talebs enseignaient le Coran dans des maisons de fortune sorte de gourbis,
l’Association des Ulémas créera à
travers le pays des écoles privées
tel l’institut Ibn Badis de Constantine.Il y avait aussi des écoles
d’obédience PPA/MTLD comme
celle d’El Katanyia qui verra
nombreux militants devenant à
l’indépendance des Chefs d’Etat
comme Mohamed Boukharouba
alias Houari Boumediene ou Ali
Kafi…
( 48 )
Les pouvoirs de l’Etat colonial s’exerçaient dans des « Communes indigènes » sur le modèle
des Bureaux arabes par des Caïds
dont la majorité leurs sont inféodés. Elles seront remplacées sous
la IIIème République par les «
Communes mixtes » dirigées par
un administrateur civil.
Le combat politique prend
forme après toutes les insurrections populaires anti coloniale menées par l’Emir Abdelkader, Hadj
Ahmed Bey, Cheïkh El Mokrani,
les Bel Haddad, Cheïkh Bouamama les Zaâtchas, les Ouled
Sidi Cheïkh… toutes ces révoltes
finissent par faire émerger la formation d’élites politiques à commencer par l’Emir Khaled qui dès
Avril 1919 avait envoyé dans le
secret absolu un mémorandum au
Président Wilson demandant à la
Conférence de paix pour que l’Algérie soit mise sous tutelle de la
future Société des Nations (SDN).
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Depuis son journal El Ikdam,
il crée son parti « La Fraternité
Islamique » dans l’esprit de l’Islam
des « Jeunes Algériens ». L’Emir
Khaled intervenait dans un langage populaire imagé par des
proverbes du terroir, lançant des
idées de son programme telles :
un réseau d’écoles libres, d’une
presse en langue arabe, l’organisation des émigrés en France
etc…L’Administration coloniale
finit par lui imposer l’exil volontaire vers Alexandrie puis Damas.
Même l’élite jeune algérienne le lâcha craignant son charisme et son
éloquence durant les campagnes
électorales.
Il revient à Paris dans le giron
du Parti communiste dans le combat de lutte anti impérialiste de
l’indépendance de l’Algérie. Il est
sans aucun doute le précurseur
des courants politiques qui vont
voir le jour dès 1923.Ainsi naissait
l’Etoile Nord Africaine (ENA)
dirigée par Messali Hadj et fondée à Paris en Juin 1926 dans le
sillage du Bolchevisme en tant
que premier mouvement indépendantiste Algérien. Nombreux sont
ceux des émigrés du Maghreb qui
adhéraient aux idées de l’ENA.
Des liens de solidarité ancrés dans
l’amour de la Patrie mais surtout
des valeurs ancestrales de leur origine maghrébine.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
L’EMIGRATION POURVOYEUSE
ESSENTIELLE DES FINANCES
« El Ghorba » ou l’Exil des Algériens en France puis en Europe
entre les deux guerres venus entreprendre les travaux pénibles de reconstruction et de développement
économique de la Métropole sera
le cadre d’une militance politique
d’un genre nouveau d’une élite
formée dans le syndicalisme et les
mouvements politiques d’Europe
ouvrant les horizons d’un nationalisme moderne.
Dans sa sève confrérique Hadj
Messali qui aura pour compagne
Emilie Bousquant, fille aînée d’un
mineur anarchiste et syndicaliste
de Neuves-Maisons en Meurtheet-Moselle, il commencera à s’initier avec elle aux luttes ouvrières.
L’idée d’émancipation indépendantiste ne pouvait passer que
par la doctrine marxiste-leniniste
pour les Colonies et donc s’inscrire tout au début dans le PCF
où sera créée une Fédération des
militants originaires des colonies
françaises. L’Etoile Nord Africaine sera le mouvement qui va
englober les Maghrébins mais
surtout les Algériens. Et c’est
Abdelkader Hadj Ali, membre
du Comité Exécutif de l’Union
Inter-coloniale qui recruta les
premiers adhérents à l’ENA dont
Hadj Messali dont ils seront les
deux présents au nom de l’ENA
au Congrès anti-impérialiste tenu
durant l’hiver 1927.
( 49 )
UNE CONSTITUANTE
SOUVERAINE DANS L’ESPRIT
DE L’ISLAM
Hadj Messali en tant qu’affilié à
une confrérie ne pouvait admettre
l’idée d’indépendance que dans
l’esprit de l’Islam. En ce moment
l’Emir Chakib Arslan qui vulgarisait à partir de la Suisse un certain
arabo-islamisme fait connaissance
en 1935/36 avec Messali qui s’engageait quant à lui dans un projet
de société sur la base d’une Constituante souveraine au suffrage universel. En fait la culture politique
de la génération de Messali n’avait
idée de se lancer dans l’insurrection armée jusqu’au moment ou le
FLN déclare au monde sa Révolution un 1er Novembre 1954.
Alors que le PCF voulait satelliser l’ENA, résolument patriotiquement algérienne, en 1928
Hadj Ali disparait laissant place à
Messali Hadj qui s’identifia avec
son combat indépendantiste. En
1933 il crée la « Glorieuse Etoile »
dissoute peu après en 1934. Messali commença une série de séjour
dans les prisons françaises.
Le 27 Janvier 1937 le Gouvernement Blum interdisait l’ENA et
le 11 Mars de la même année, Messali fonde son Parti, le PPA (Parti
du Peuple Algérien) en transférant
son siège à Alger avant d’être arrêté et condamné à deux ans de prison ferme avec des compagnons
tels Moufdi Zakaria qui venait
en 1936 de composer l’hymne du
PPA :
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
‫أال في سبيل احلرية‬
‫و(جنم شمال افريقية‬
‫مثاال الفدا والوطنية‬
‫ولتحي فيها العربية‬
‫أال في سبيل احلرية‬
‫فداء اجلزائر‬
‫فداء اجلزائر روحي و مالي‬
)‫)فليحي(حزب االستقالل‬
‫وليحي شباب الشعب الغالي‬
‫ولتحي اجلزائر مثل الهالل‬
‫أال في سبيل االستقالل‬
=======================
« Fidaou El Djazaïr Rouhi Wa Mali
Ala Fi Sabili Al Houryia
Falyahia Hizb Alistiklal
Wa Najm Chamal Ifriqia
Wal Yahia Chabab Alghali
Mithalou AlFida Walwatania
Wali Tahia Al Djazaïr Mithla el Hilal
Wali Tahia Fiha Al Arabia
Ala Fi Sabili Alistiqlal
Ala Fi Sabili Al Hourryia ».
Cet hymne est sans doute « l’Appel au sacrifice suprême » de tous les combattants de la liberté pour que
vive l’Algérie libre et indépendante. Moufdi Zakaria
composera « Min Djibalina Talâa Sawt Al Ahrar Younadina IlIstiqlal» (De nos montagnes s’est élevée la voix
des hommes libres qui nous appellent à l’indépendance).
« Qassaman » suivra et qui sera « Le Serment » composé à la demande du dirigeant FLN Abane Ramdane
en 1955 dont le refrain est « Fachhadou-Fachhadou-Fachhadou » (Attestez !-Attestez !-Attestez !) qui est l’Attestation en l’Unité divine premier pilier de l’Islam.
Au mois de Septembre 1939, le PPA fut dissous et
ses journaux « El Oumma » et « Le Parlement Algérien
» furent interdits. Messali Hadj libéré en Août fut à nouveau arrêté en Octobre et fut condamné en Mars 1941 à
seize ans de travaux forcés. Face à la repression presque
toute la Direction du Parti fut décapitée.
Mohamed Boudiaf fonctionnaire aux impôts dans
le Constantinois et Mohamed Khider syndicaliste dans
le secteur des tramways à Alger, furent les militants du
PPA et qui devinrent les chefs historiques du FLN au
lendemain de la Révolution.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
UNE NOUVELLE GéNéRATION
D’HOMMES D’ACTION
Une nouvelle génération non émigrée prend les
destinées du Parti en la personne de Lamine Debbaghine, médecin de formation dès 1942 en l’absence
de Messali.
Le PPA prend le dessus dans l’animation des
meetings à travers le pays. Messali fut détenu en 1943
puis transféré en résidence surveillée à Boghari, ensuite à In Salah et 1944 à Chellala.
Il sera à nouveau orienté vers Paris pour revenir
à Bouzéréah à l’approche des massacres de 1945. Il
sera emprisonné à El Goléa puis à Brazzaville le 23
Avril en 1945.
LA REVOLUTION DE TOUTES LES ESPéRANCES
« RESSOURCEMENT NOVEMBRISTE
ET DEVOIR DE MéMOIRE »
Soixante et un ans après le déclenchement de la
Révolution du 1er Novembre 1954, quels enseignements peut-on tirer de l’immortelle guerre de libération nationale ? Les témoins et les acteurs de cette
histoire n’ont pas tout dit ou du moins n’ont pas eu le
recul pour le dire.
En ce moment où le monde arabe traverse des
bouleversements systémiques sous l’appellation de «
Printemps arabe », certains daignent les qualifier de
révolutions, ce concept semble être galvaudé et n’exprime pas le sens à donner à ces changements.
Les théoriciens néocoloniaux donnent une définition réductrice de la notion de révolution, car celleci a un contenu politique de décolonisation, un programme et des attaches millénaires à la Patrie non
soumises aux convoitises de ceux au nom de la démocratie et des droits de l’homme veulent spolier les
ressources des nations.
( 50 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
RéVOLUTION ALGéRIENNE
FACE AU COLONIALISME
ET L’OTAN
Lorsque la Révolution algérienne s’est déclarée à la face du
monde contre le colonialisme
français assisté par les forces de
l’OTAN, appelant le peuple à se
mobiliser et à s’engager dans une
guerre de libération nationale, le
peuple algérien a fini par arracher
son indépendance nationale au
prix de grands sacrifices.
«A vous qui êtes appelés à nous
juger...» C’est par cette phrase,
pleine de significations et de symboles, que la proclamation du
1er Novembre 1954 s’adressa au
peuple algérien et aux militants de
la cause nationale sur le bien-fondé du déclenchement de la Révolution.
La Toussaint était rouge ce 1er
Novembre 1954 pour les Français d’Algérie. Tout a commencé
lorsque quelques militants, anciens membres de l’OS, mise en
place en 1946 et démantelée par
la police en 1950, ont décidé de
se regrouper et déclencher l’action
insurrectionnelle.
Le MTLD était divisé en
deux clans qui s’affrontaient sans
merci. Les Centralistes qui dénonçaient le culte de la personnalité
de Messali Hadj et les partisans de
ce dernier.
Ne pouvant venir au bout de
leurs querelles, quelques anciens
de l’OS (Organisation Spéciale),
ont crée le CRUA (Comité Révolutionnaire pour l’Unité et
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
l’Action), qui au départ était au
nombre de cinq : Mohamed Boudiaf, Mostefa Benboulaïd, Larbi
BenM’Hidi,Rabah Bitat et Mourad Didouche puis les rejoint
Krim Belkacem qui tenait le maquis en Kabylie.
Ce comité rallie à son projet
Ahmed Ben Bella, Aït Ahmed et
Mohamed Khider qui étaient au
Caire. Ce sont ces neuf hommes
qui prendront l’initiative de l’insurrection armée. Entre Messalistes et Centralistes la scission est
consommée. Le 10 Octobre 1954
les six membres du CRUA présents à Alger décident la lutte. Ils
créent l’aile politique appelée FLN
et l’aile militaire appelée ALN. La
date de l’insurrection est fixée au
lundi 1er Novembre 1954, jour de
la Toussaint chez les français où
les soldats en fête désertent les
casernes.
QUI RéDIGEA LA DéCLARATION
DU 1er NOVEMBRE 1954 ?
Mohamed Boudiaf et Mourad
Didouche étaient chargés de rédiger la proclamation de Novembre
ou du moins sous leur dictée que
sont définis les buts et les moyens
du nouveau mouvement. Deux
mois plutôt, les Six s’étaient répartis les Zones ou Wilayates qu’ils
venaient de créer. Mohamed Boudiaf chargé de la coordination et
de la liaison avec le Caire avait été
élu Président.
( 51 )
UN MOUVEMENT DE
RéNOVATION DéNOMME FLN
Le mouvement de rénovation
crée sous le nom du FLN, va offrir
la possibilité à tous les patriotes de
toutes les couches sociales et de
tous les Partis d’adhérer individuellement à la cause nationale de
libération pour la restauration de
l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des
principes islamiques.
Au matin du 1er Novembre
54 les armes ont parlé à travers
l’ensemble du pays. C’est le commencement de la fin d’une ère coloniale qui est restée 132 ans. Une
Révolution d’héroïsme et de la foi
vient d’inscrire en lettres de sang
et d’or la plus belle page de gloire
de l’histoire de l’Algérie plusieurs
fois millénaires Le sentiment de
l’urgence de passer à l’action découle de la conscience patriotique
et de l’attachement aux valeurs
universelles dont la dignité et les
droits de l’homme ne sont pas des
moindres.
LES NEUF HISTORIQUES
SONT-ILS LES HERITIERS DU
MESSALISME ?
Les neufs historiques sont-ils
les héritiers du Messalisme? On
relève que les initiateurs du 1er
Novembre ont rallié à eux les
islamistes, les notables de toutes
obédiences, laïques, berbères, des
amis de la cause algérienne de
toutes confessions mais dans le
gros des troupes proviennent de
la paysannerie. Il y aura selon la
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
déclaration du 1er Novembre 1954
l’Appel à une adhésion personnelle
se dissociant de leurs formations
politiques telles UDMA,Ulémas,
PCA tout en mettant le bloc historiquement dirigeant au centre de
la décision et de l’orientation de la
Révolution.Le flambeau de cette
lutte de libération nationale est
pris par une Génération de Jeunes
purs, enthousiastes et dynamiques
RéVOLUTION OU L’ACTE FINAL
DE LA DéCOLONISATION
Que d’insurrections populaires
ont eu lieu depuis la résistance,
contre le système de l’injustice et
de la terreur coloniale, d’un guerrier affilié à la Zaouïa Qadiria,
l’Emir Abdelkader. La continuité
de l’action résistante reflète si bien
celle logique d’une Nation fière de
son passé plusieurs fois millénaire
et fonde et explique l’aboutissement à une éclatante Révolution
populaire.
Plus qu’un élan contestataire,
la révolution fut l’acte de tout
un peuple qui se souleva sous la
direction d’une élite militante farouchement attachée à la légitime
cause du combat révolutionnaire
jusqu’à l’arrachement de l’indépendance nationale. Cette guerre de
Libération Nationale qui a abouti
à la décolonisation, devint aussitôt
un modèle en Afrique, en Asie et
en Amérique Latine.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Le 1er Novembre 1954 consacra le début de la fin d’une présence coloniale et va ainsi aboutir
à la renaissance de l’Etat moderne
dans tous ses aspects. Le vent de
la libération traversa l’ensemble du
territoire, du nord au sud, de l’est
à l’ouest.
1er NOVEMBRE 54 OU SOURCE
DE LEGITIMATION
La révolution algérienne n’est
pourtant ni la révolution française
jacobine ni celle bolchevique.
Elle est à l’image de la grandeur
de son peuple. Elle est née de la
profonde conviction des militants,
elle ne glorifie point le culte de la
personnalité comme ce fut le cas
ailleurs. L’imaginaire national revisite la période 1954-1962, mais
écrire l’histoire de la Révolution
nécessite des matériaux que sont
les archives et les témoignages des
acteurs qui sont la source de légitimation de la vérité historique.
Mais l’histoire de la Révolution
algérienne reste douloureuse. Certains acteurs restent muets devant
des situations vécues.
Et comme disait Montesquieu :
« Tout citoyen a le devoir de
mourir pour sa Patrie, mais nul
n’est tenu de mentir pour elle ».
Plus de sept km de rayonnages et
des milliers de tonnes de nos archives sont déposées à Vincennes,
Aix en Province ou Nantes. La
revendication de rapatrier nos
archives relève de notre souveraineté nationale.
( 52 )
SOIXANTE ET UN ANS APRèS...
La commémoration de la Révolution qui intervient dans une
étape nouvelle et importante pour
notre pays, celle de la concrétisation des réformes politiques et
institutionnelles annoncées par le
Président Abdellaziz Bouteflika
depuis le 15 Avril 2011 va être
l’occasion de rendre public l’Avant
Projet de la Révision Constitutionnelle attendu vers la fin de l’année
2015. Soixante et un ans après,
quel regard ont donc les nouvelles
générations sur cette grandiose
révolution qui reste toujours un
modèle de décolonisation du XXe
siècle ?.
Est-elle perçue comme l’événement le plus marquant de notre
histoire de libération nationale ?
Pour certains c’est une révolution,
pour d’autres c’est une guerre de
libération et même les historiens
se trouvent partagés quant à la définition des concepts. Une guerre
suppose que l’Algérie était un Etat
et qu’elle déclarait la guerre à un
pays étranger dans les mêmes
conditions institutionnelles de
droit international de la notion
d’un Etat avec son territoire, son
armée régulière, sa diplomatie et
l’ensemble de ses institutions dans
une option unitaire du territoire.
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
LA RéVOLUTION ALGéRIENNE
N’EST PAS D’ESSENCE
IDèOLOGIQUE
Une révolution est, par contre,
l’essence même d’une organisation
populaire sous la conduite d’un
mouvement de libération nationale
qui a pour mission de mener, à la
manière d’une guérilla, le combat
pour l’indépendance du pays. Cela
suppose une organisation militaire
non de type classique mais une résistance anticoloniale par tous les
moyens de lutte.
Or, au lendemain de la conquête
française, il y avait l’Emir Abdelkader avec son territoire, son armée,
son Etat à l’ouest et Hadj Ahmed
Bey dans le beylicat de l’est avec son
armée et son organisation beylicale,
qui ont mené alternativement la bataille contre les Français.
Depuis, l’Algérie était une colonie de peuplement et non un protectorat comme ce fut le cas de la
Tunisie et du Maroc par exemple.
Guerre ou révolution, nous laissons
ce débat de côté. Les hommes d’histoire et les chercheurs s’en occupent
si bien.
Novembre 1954 à juillet 1962,
telle fut la période de lutte d’un
peuple décidé à recouvrer sa liberté
et son indépendance. Une période
qui vit la chute d’une République
et où plus de deux millions de soldats français, sans compter ceux de
l’Otan, se sont succédés en Algérie pour y faire une guerre dont le
lourd tribut d’un million et demi de
chouhadas a été payé par le peuple
algérien.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Par ailleurs, en France, et jusqu’à
ce jour, comme le fait remarquer
Benjamin Stora, la guerre de libération nationale algérienne « continue de structurer en profondeur la
culture politique française contemporaine ».
LA RéVOLUTION DE
NOVEMBRE 54 : LA FOI ET LA
DéTERMINATION
Le peuple algérien a incontestablement mené une révolution qui
restera inscrite en lettres d’or dans
les pages de l’histoire contemporaine de l’humanité. Le peuple, unanime derrière le FLN et appuyant
l’ALN, est sorti victorieux devant la
plus importante force militaire que
fut la France et ses alliés.
Que d’atrocités vécues par notre
peuple. Aujourd’hui, la France officielle reconnaît enfin la réalité de la
guerre qu’elle a menée dans notre
pays ainsi que les exécutions sommaires et tortures endurées par
notre peuple. Drames et déchirements ressurgissent épisodiquement
dans notre mémoire meurtrie et la
guerre de libération nationale nous
livre chaque jour des problèmes non
encore réglés des deux rives de la
Méditerranée.
Se pose alors la question de savoir comment assurer cette histoire
pour la transmettre aux générations
avec le maximum d’authenticité et
donc de vérités historiques ? Nommer la guerre, revenait à reconnaître
une existence séparée de l’Algérie.
Aussi, pour la France, la question
algérienne a été toujours conçue
( 53 )
comme une affaire intérieure, ce qui
fausse, au départ, toute approche.
L’attachement des Algériens à
leur Patrie et leur disposition inconditionnelle à la défendre, les armes
à la main, obligea les Français à
revenir sur leur fausse conception
de la réalité. Jacques Soustelle, en
annonçant à son arrivée, en tant que
nouveau Gouverneur d’Alger, qu’un
choix avait été fait par la France.
NI ASSIMILATION NI
INTéGRATION MAIS
RESTAURATION D’UN éTAT
Ce choix s’appelle « l’intégration», souligna le changement important imposé aux responsables
français sur un champ de guerre qui
s’étendait à l’ensemble du territoire
national. Du projet d’assimilation
on passait à celui d’intégration, mais
trop épris de leur liberté, les Algériens repoussaient toutes les offres
car un seul objectif comptait: libérer
le pays du joug colonial.
Conscient de la progression des
événements, Michel Debré expliquait en 1956, avec passion, les enjeux et soutenait que «le destin de
la France sera scellé d’une manière
décisive en Algérie». La Révolution
de Novembre 54 est devenue un
modèle marquant, certes, par son
organisation, sa discipline et son efficacité, mais elle l’est devenue aussi
par les limites sans cesse repoussées
du sacrifice dont nos compatriotes
ont fait preuve. La foi et la hargne
des Algériens ont laissé beaucoup
de traces.
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
ON NE PEUT éTOUFFER LES
CAUSES JUSTES
Toutes les guerres sont sales.
D’autres le deviennent encore plus
parce que, quelque part, des noms
de criminels notoires, de bourreaux incontestés ou de monstres
reconnus leur sont associés. Aussaresses, Bigeard,Le Pen les Papon... et beaucoup d’autres encore,
avaient ajouté à la salissure de la
guerre celle du mépris, de la haine
et de la non considération de l’être
humain.
Pour la seule ferme Ameziane
de Constantine, de 1957 à février
1961, plus de 108.175 personnes
avaient subi la torture, soit plus de
500 torturés par semaine, une véritable usine à torture (1). Certains
ont certes fini, au crépuscule d’une
vie trempée de sang, par reconnaître leurs forfaits inavouables
(2), d’autres continuent à nier, et
d’autres enfin comme Aussaresses,
affichent l’insolence et préfèrent
faire l’apologie du crime. Il n’y a
aucune fierté à tirer de la torture,
quelle que soit sa forme.
DE LA TORTURE DANS TOUTE
SA MONSTRUOSITé
De la géhenne à l’asphyxie par
le gaz, à la baignoire, à tous les
types d’atteintes à la dignité des
hommes, la torture est toujours
abjecte (3). Elle ne fait qu’en avilir les auteurs et les éclabousser de
leur propre monstruosité.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Mais l’atrocité de la guerre ne
s’arrête point à la torture d’individus. Elle s’étend à celle du nombre.
C’est ainsi que, en 1959, un rapport officiel fait état d’un million
de regroupés dans les camps de
concentration (4). Et même Michel
Rocard, alors stagiaire de l’ENA,
rapporte le chiffre de «deux millions d’Algériens dans les camps
de concentration» (5).
Les Algériens mourraient autrement aussi. 40.000 d’entre eux
ont été décimés par les mines antipersonnel alors que 80.000 en sont
restés handicapés à vie.
L’enfermement sans jugement
était devenu monnaie courante.
L’assignation à résidence des militants nationalistes était la règle, les
déplacements massifs de populations et internements relevaient
de l’arbitrage. Autant d’injustice,
d’atrocité et de terreur qui renforçaient la foi du peuple, autour de
l’ALN, en la lutte armée jusqu’à la
libération totale et entière du territoire national.
La France a eu recours à tous
les moyens et subterfuges pour
falsifier la réalité, mais on ne peut
étouffer les causes justes surtout
lorsqu’elles sont aussi nobles. Les
images d’archives n’arrivaient point
à camoufler ou à faire oublier la
réalité, et les innombrables saisies
de journaux et d’ouvrages s’étaient
avérées vaines.
( 54 )
586 JOURNAUX ET 269
PéRIODIQUES SAISIS
Plus de 586 journaux et périodiques et 269 en Métropole seront
saisis, écrit l’historien américain
Harrison. Pendant toute la durée de
la guerre, il y a eu 44 saisies par an
en Algérie et 60 en Métropole, révèle B. Stora alors que, pour la seule
année 1960, on a dénombré plus de
154 saisies et en 1961 plus de 127
saisies.
Des ouvrages tels que « la Question », «la gangrène», « Nuremberg pour
l’Algérie », «la mort de mes frères»,
n’apparaissent que tardivement
alors que la censure frappe des films
comme «Algérie en flammes» de
Vautier, les «Statues meurent aussi»
d’Alain Resnais ou «Murielle ou le
temps de retour» ou, encore, «J’ai
huit ans», drame psychologique de
Yann le Masson et qu’animent les
enfants algériens par leurs dessins.
Dans le climat de guerre marqué par la violence, la passion et
la tragédie, que de gouvernements
ont démissionné. C’est uniquement
à partir du discours du Général De
Gaulle sur l’autodétermination du
16 septembre 1959 que la télévision
a commencé, dans son émission
« Cinq colonnes à la une », à traiter de la
guerre d’Algérie .
Mais les seules images de la vraie
guerre seront diffusées aux USA
par Fox Moviettone, qu’on ne verra
que plus tard, dans le documentaire
de l’Anglais Peter Baty «la guerre
d’Algérie» ou les années algériennes
diffusé en 1991 en tant que documentaire français.
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
L’OPINION FRANçAISE AUX
COTéS DU PEUPLE ALGéRIEN
L’opinion française se mobilise contre les affres de la guerre.
Les intellectuels tels que François
Mauriac, Jean-Paul Sartre, Jacques
Vergès, les porteurs de valises du
réseau Jeanson etc., se mettent de
la partie pour aider le peuple algérien dans sa lutte contre le colonialisme.
En ce sens, l’ouvrage de Laurent
Schwarz «le problème de la torture
dans la France d’aujourd’hui» est
plus qu’édifiant.
Après cinq ans d’une guerre
cruelle, De Gaulle comprend l’impossibilité pour la France d’aller
plus loin sur le chemin hasardeux
de la guerre. Il appelle à l’autodétermination et dira «si je ne résous
pas cette affaire, personne ne le
fera à ma place, la guerre civile
s’installera et la France perdra».
De Gaulle comprenait le danger.
L’OAS, à elle seule, avait tué plus
de 6.000 hommes et femmes, selon l’un de ses responsables, sans
compter la terre brûlée et la destruction massive de tout ce qui est
mémoire de notre peuple.
UNE DES PLUS BELLES
RéVOLUTION DU XXe SIèCLE
Toute guerre qui se prolonge,
sans que se concrétise un espoir
de victoire, engendre la lassitude,
note à juste titre B. Stora (6).Après
les accords d’Evian, l’Algérie retrouvait son indépendance après
avoir mené l’une des plus grandes
révolutions de ce siècle. En Algé-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
rie, cette guerre se nomme Révolution. C’est l’acte fondateur de
l’Etat moderne dont la carte sera
déposée à la Cour de La Haye en
tant que nation millénaire et dont
l’Etat, au sens moderne, s’affirme
en termes de droit international.
Le 1er mars 1962, un rapport transmis à l’ONU évalue le
nombre de musulmans pro-français à 263.000 personnes (7) et
le 19 mars de la même année, les
ponts vers la paix sont jetés. Une
paix qui, longtemps après, ne sera
pas moins intense que la guerre
elle-même.
En Algérie c’est une véritable
guerre populaire c'est-à-dire une
Révolution au sens étymologique
du terme. C’est un Peuple qui en
a ras-le-bol d’une injustice séculaire, voulant être aliénante qui a
décider d’affronter les mains nues
l’arsenal de guerre le plus moderne
de son temps. Elle est à la fois une
Révolution accomplie c'est-à-dire
devant aboutir à des profondes
mutations sociales, cultuelles et
économique.
Parce qu’elles sont trop profondes, les blessures causées par la
guerre demeureront, des dizaines
d’années plus tard, un obstacle à
l’oubli. Sans haine ni passion, les
Algériens auront gardé les terribles séquelles d’une colonisation
des plus atroces. En face, les politiciens français continueront, tout
aussi longtemps, de nier la guerre.
Mais le Peuple Algérien est
déclaré uni dans son combat libérateur derrière un mouvement de
rassemblement qui prit le nom
de FLN. Il y a eu une tentative
( 55 )
d’un Front uni lors du Congrès
musulman rassemblant les Elus,
les Ulémas et les Communistes le
7 Juin 1036 mais qui resta dans des
revendications assimilationnistes
au lendemain du Gouvernement
Léon Blum.
Messali Hadj au nom de l’ENA
a rejeté la charte revendicative lors
d’un meeting à Alger. Il déclara
en substance : « Cette terre bénie
qui est la nôtre, cette terre de la
Baraka, n’est pas à vendre, ni à
marchander, ni à rattacher à personne. Cette terre a ses enfants,
ses héritiers, ils sont là vivants et
ne veulent la donner à personne.
L’ENA qui notre Parti, votre Parti qui est lui pour l’Indépendance
de l’Algérie ».
DE LA MUTATION
A LA RUPTURE AVEC
LE ZAIMISME
De l’ENA au PPA puis au
MTLD, l ’OS, le CRUA c’est cette
chaîne ininterrompue de combats
qui est la matrice généalogique de
ce que sera le couple FLN/ALN
qui au nom des 22 historiques engage la Révolution armée en opérant non une mutation mais une
rupture avec le « Zaimisme » avec
celui qui fut nommé « le père du
mouvement de libération ».
L’histoire officielle l’avait mis
au banc des accusés lorsqu’il a décidé de créer son MNA. Il reviendra aux chercheurs et historiens
de dépoussiérer les archives et de
relire le contexte pour qu’au recul,
arriver à présenter dans toute la
vérité historique les fondements
de toute initiative et tirer le bon
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
grain de l’ivraie. Une manière de
revisiter l’histoire contemporaine
sans passion ni parti-pris.
L’ALGéRIE EN GUERRE
ET LA CHARTE ATLANTIQUE
On ne peut pas éluder le débarquement anglo américain à Alger
en Novembre 1942 et la Charte
de l’Atlantique signée entre Churchill et Roosevelt en Août 1941
reconnaissant le droit des Peuples
à l’Autodétermination. C’est dans
ce cadre que fut expédié un texte
aux Alliés puis au Gouvernement
Général de l’Algérie fin 1942 dont
les grands traits seront publiés par
Ferhat Abbas suivis de 29 Elus
algériens sous le titre « L’Algérie
dans le Conflit mondial-Manifeste
du Peuple Algérien ».
De plus en plus l’autonomie
politique de l’Algérie en tant que
Nation souveraine est revendiquée,
la reconnaissance de la Nation
Algérienne et l’indépendance complète de l’Algérie après-guerre. En
un mot il s’agit de la re-naissance de
l’Etat Algérien.
DE GAULLE ET LA COMMISSION
DES RéFORMES CONSTANTINE
LE 12/1 DECEMBRE /1943
Mais le Général De Gaulle arrivant à Alger dans cette période fait
remplacer le Gouverneur Général
Peyrouton Marcel par le Général George Catroux qui rejeta au
nom du Comité FLN français le
Manifeste Algérien. Une Commission des réformes crée par le
Général De Gaulle et présentée à
Constantine le 12 Décembre 1943.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Elles firent l’objet de l’ordonnance
du 7 Mars 1944.Cette ordonnance
fut rejetée et dénoncée par les élus
algériens (Elus-Ulémas et bien sûr
le PPA.
Le deuxième Front après celui
de 1936, est celui des « Amis du
Manifeste Algériens » fondé par
Ferhat Abbas en Mars 1944 qui refuse toute idée d’assimilation. Dès
le 1er Mai au 8 Mai 1945, les responsables du PPA furent arrêtés et
l’idée du 8 Mai jour de l’Armistice
fut retenue pour entamer des manifestations pacifiques qui furent
vites réprimées.
La répression sanglante du Huit
Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata et partout à travers le pays sera
annonciatrice du commencement
de la fin de la Colonisation en Algérie préparant ainsi l’insurrection
du 1er Novembre 1954 sous la bannière du FLN.
Il faut dire qu’en guise de
condamnation par la puissance coloniale, l’arrestation des membres
de l’OS finira par briser le MTLD
menant au procès de 251 Militants
de l’OS et son démantèlement sans
oublier les élections truquées de
1948. Les militants emprisonnés
étaient durement traités et nombreux étaient torturés où plusieurs
de ces détenus laissèrent la vie à
Lambèze , Bérouaguia etc…Et le
rêve d’une lutte maghrébine faisait
son chemin entre les trois Partis(
Istiqlal- Néo Destour et le PPA qui
fut suivi par la création du Bureau
du Maghreb Arabe qui donna naissance début 1948 à un Comité de
Libération du Maghreb Arabe resté
très symbolique eu égard à la géopolitique du Machrek de l’époque.
( 56 )
Avec la Révolution égyptienne
des Officiers libres de 1952, Khider et Aït Ahmed se retrouvèrent
au Caire rejoints par la suite par
Ben Bella qui formèrent la Délégation extérieure du PPA/MTLD.
LES FRAUDES ELECTORALES DE
L’ADMINISTRATION COLONIALE
La recherche de concours extérieur par la présence de la Délégation extérieure au moment où
un schisme organique et politique
entre Légalistes et ceux qui prônent
l’action armée disloqua le PPA et
créant le MTLD confié à Mezerna
qui cohabitait avec l’OS Para-militaire et les vieux du PPA.C’est en
fait le choix de Messali Hadj. Dès
lors la pratique électorale n’étant
plus crédible aux yeux de nombreux algériens, l’idée de recourir
à l’action armée qui marquera la
rupture avec le « Zaïm » Messali
Hadj et les « Jeunes Loups » qui
s’impatientent pour mener le combat armé contre la Colonisation
après les fraudes successives de
l’Administration coloniale.
Ils accusent Messali d’opter
pour la voie électoraliste par tout
un courant de Jeunes activistes qui
réclamaient la tenue d’un Congrès
National de 1947 de Belcourt qui
concéda la création de l’OS chargée de préparer le soulèvement
armé. Elle fut une concession de
la part de Messali Hadj pour sauvegarder l’unité du Parti.
Mais très vite l’OS fut secoué
par le « complot berbériste » et
fut démantelée par l’administration coloniale à Tébessa grâce à
une trahison d’un des membres
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
de l’OS qui remonta la filière. Il
eut au total 363 arrestations qui
furent tous torturés et jugés dans
les Grands procès de 1951/1952.
Ceux qui réussirent à s’évader formeront l’armature du futur FLN/
ALN.
DE LA CRISE DU MTLD
ET LA GENèSE DU FLN
En fait c’est de la scission due à
la crise du MTLD que remonte la
genèse du FLN au moment où Messali tenait du 13 au 15 Juillet 1954
son Congrès d’Hornu à huit clos
en Belgique réunissant quelques
300 délégués qui proclama Messali
Président à vie. Quelques mois plus
tard les Centralistes se réunissent
dans un garage au Hamma dans le
quartier de Belcourt, fief militant
du MTLD.
Une résolution fut votée pour la
déchéance de Messali Hadj, Mezerna
et d’autres fut prononcée dénonçant
par la même occasion le travail fractionnel du Congrès d’Hornu. Pendant l’été 1954, la rébellion contre
le comité central où centralistes et
Messalistes en vinrent aux mains
notamment dans le Constantinois.
Mais pour que le FLN réussisse à
déclencher l’insurrection du 1er Novembre 1954, il fallait contourner et
dépasser la figure charismatique de
Messali Hadj dans un enjeu stratégique et sur fond de déchirement.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
LE GROUPE DES 22
Il faut dire que les origines du
FLN se trouvent dans le courant
radical du PPA/MTLD et chez
les clandestins de L’OS. Une nouvelle structure dénommée CRUA
dont ses membres se sont réunis à
la Medersa Al Rachad présidée par
Mostefa Ben Boulaïd préconisa
pour dépasser les clivages par cette
instance qu’on retrouve dans le 1er
Numéro « Le Patriote Algérien ».
En se radicalisant, le CRUA reprit
contact avec les anciens de l’OS et
des membres de la délégation extérieure au Caire.
A l’insu de deux congrès fratricides qui rendirent évident le clivage entre activistes et centralistes,
que Boudiaf et Benboulaïd convoquèrent début Juin 22 militants
anciens de l’OS pour en finir avec
les affrontements entre frères. La
réunion du « Comité des 22 » se
tint dans le quartier Clos Salembier
à Alger et décide de lancer sans attendre le combat armé.
L’ELECTION DU CONSEIL DE LA
RéVOLUTION DES SIX
Les 22 élisent une instance collégiale de cinq membres composé
de Mostefa BenBoulaïd, Larbi Ben
Mhidi, Rabah Bitat, Mourad Didouche et Mohamed Boudiaf. Ce
Conseil de la Révolution a appelé
au boycott de la Conférence nationale Centraliste et du Congrès Messaliste d’Hornu. Pourtant Quatre
militants avec Med Mechati tous
constantinois contestèrent la dési-
( 57 )
gnation du Conseil de la Révolution
par méfiance à l’endroit de Med
Boudiaf et restèrent à égale distance
des centralistes et des messalistes.
Krim Belkacem et Ouamrane se
rallièrent aux « groupe des 22 » dont
Krim serait inclus dans le Comité
des Cinq devenant « Conseil de la
Révolution des Six».
Se sont les réunions des 22 au
24 Octobre 1954 qui fixèrent définitivement la nuit du 31Octobre
au 1er Novembre 1954 la date de
l’Action armée par la Déclaration
de la Révolution du 1er Novembre
1954 signé par le sigle « Front de
Libération Nationale ». Aurait-il un
autre Appel au nom de l’Armée de
Libération Nationale », bras armé
du FLN ?
Dans la déclaration du 1er Novembre il est à retenir notamment
: « La Restauration de l’Etat Algérien, Démocratique et Social dans
le cadre des Principes Islamiques ».
Aujourd’hui 61 ans après le
déclenchement de la Révolution
du 1er Novembre 54, Il faudrait
toute la bonne volonté inébranlable
d’hommes et de femmes sincères
des deux rives pour qu’une communication plus adéquate s’installe.
Les efforts conjugués, déployés par
Son Excellence le Président de la
République Abdelaziz Bouteflika
et par les différents Président Français autant qu’actuellement le Président François Hollande et même du
temps de Jacques Chirac, finiront
par faire aboutir de nombreuses
démarches dont le seul objectif était
d’assainir ces relations, que l’Algérie
aussi bien que la France sont dans
l’obligation d’entretenir.
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
LE DEVOIR DE MEMOIRE
DE DEUX NATIONS SE
PARTAGEANT UNE HISTOIRE
Les actions grandioses effectuées dans ce sens constituent des
jalons de premier ordre dans la
relance des relations entre les deux
pays et leur refondation dans l’esprit
de ces deux nations millénaires qui
partagent une portion importante
de l’histoire.
Désormais, la page de l’histoire
semble tournée d’un côté comme
de l’autre de la Méditerranée. Les
regards des jeunes générations des
deux nations scrutent l’horizon, la
main tendue vers un meilleur avenir. Novembre 1954 était entamé
sous le signe de la Libération, Novembre 2015 est entamé sous celui
d’une possible Réconciliation. Plus
d’un Soixantenaire plein d’enseignements !
Le Président Benkhedda ne
cessait de répéter que « le 1er Novembre 54 n’est pas une rupture
avec le passé ; il n’est pas une irruption spontanée. Le 1er Novembre
c’est l’aboutissement d’un long processus de maturation. C’est dans
la filiation des idées de l’ENA, du
PPA et du MTLD que le FLN tire
ses références ».
Le processus de démocratisation
entamé par notre pays et les réalisations grandioses de l’ère Bouteflika
donnent à penser que l’Algérie veut
laisser aux générations un héritage
qui lui permettent d’affronter les
défis de ce XXI ème siècle. Faut-il
laisser le passé à l’histoire sans que
la mémoire ne soit confisquée de
par et d’autre de la Méditerranée ?
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
En rendant un vibrant hommage au 50ème Anniversaire du
20 Aout, le Président Bouteflika
écrivait : « Dans ce processus long
et complexe porté à l’incandescence de notre guerre de libération
nationale, les batailles menées par
notre valeureuse Armée de Libération Nationale constituent bien
sûr autant de repères de mémoire
qu’il appartient à la recherche historique et aux médias de restituer
sur le terrain de la connaissance et
de populariser pour l’édification de
nos jeunes générations».
VERS UN POUVOIR D’éTAT
ATTESTE PAR UNE RéELLE
LéGITIMITé
Le FLN/ALN a bel et bien réussi à mener le serment de Novembre
: l’indépendance de l’Algérie. Il faut
donc rétablir « la vérité historique
et relever les erreurs les plus fréquemment commises car cette histoire reste à écrire » dira Mohamed
Boudiaf en guise d’introduction à
son livre. Le FLN fut dans sa totalité subordonné au Pouvoir d’Etat,
lequel se confondit pratiquement
avec l’ALN qui s’est transformée en
ANP, armée républicaine dont les
missions furent constitutionnellement délimitées et reconnues.
Mais l’idée du Secrétaire général du Parti FLN annonçant selon
sa prémonition que le Parti FLN
présentera son propre Candidat aux
Présidentielles de 2019, préfigura-t-elle d’un « Etat Civil » dont le
concept sera probablement connu
dans la mouture finale de la prochaine Révision Constitutionnelle
à l’initiative de SE Abdellaziz
( 58 )
Bouteflika, Président de la République constitutionnellement et Président du Parti statutairement.
Ainsi se profile la transition
démocratique réclamée par l’Opposition transférant le Pouvoir d’une
légitimité tantôt historique et révolutionnaire vers une légitimité démocratique et citoyenne où chaque
Parti en lice aura son Candidat et
ses commissions de contrôle à tous
les niveaux du cheminement électoral dans toute la transparence et
le suivi des opérations en présence
d’observateurs nationaux et étrangers. Tel sera le destin attendu par
les héritiers de la Révolution de
Novembre dans la sérénité, la solidarité et le vivre-ensemble. Gloire a
nos martyrs et vive l’Algérie, Nation
plusieurs fois qui se projette dans le
concert des Nations développées.
Par Dr Boudjemâa Haïchour,
Chercheur Universitaire, ancien Ministre
Bibliographie :
(1) Voir cahier de la République N° 38 année 1961.
(2) Jean-Pierre Votor, «Confessions d’un professionnel de la
torture», ed. Rames, Paris 1980
(3) Pierre Vidal Naquet, «la torture dans la République»,
ed. Maspéro, Paris 1983.
(4) Le Monde du mardi 18 avril 1959.
(5) Benjamin Stora, «la gangrène et l’oubli», ed. La
découverte, Paris, 1992
(6) Idem p.115.
(7) 20.000 militaires de carrière, 40.000 militaires
de contingents, 58.000 harkis, 20.000 mokhaznis,
15.000 groupements mobiles, 60.000 groupements
d’autodéfense, 50.000 fonctionnaires et anciens
combattants.
(8) Benyoucef Benkhedda : « Les origines du 1er Novembre
1954 » Editions du CN RMN R Ministère des
Moudjahidines Alger 1999.
(9) Gilbert Meynier : « Histoire intérieure du FLN
1954/1962 Casbah éditions Alger 2003.
(10) Mohamed Boudiaf : « La préparation du 1er Novembre
1954 » Editions Dar El Khalil Alger 2010.
(11) Mttthew Connelly : « L’arme secrète du FLN- Comment
De Gaulle a perdu la guerre d’Algérie » Editions Payot
Paris 2011.
(12) Colette et Francis Jeanson : « L’Algérie hors la loi »
préface Abdellaziz Bouteflikaz-Editions ANEP Alger
2006.
(13) Dr Salah Belhadj : « Les origines du Pouvoir
algérien- Crises internes du FLN 1956/1965. Editions
Benmerabet-Alger 2014.
(14) Ahmed Boudjeriou : « Guerre d’Algérie- Mintaqa 25
Constantine » onda Alger 2010.
(15) Ali HAROUN : « l7ème Wilaya- La guerre du FLN en
France 1954/1962. Casbah Editions-Alger 2005.
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Les chouhada Fizi Med
Lakhdar, Fizi Salah, Fizi
Mohamed Ben Ali et
Benchikha Mostefa
Les
guillotinés
de
Oulmène
Par Zoubir Khélaifia
Guerre de libération
Histoire
Brutalement, ils sont tirés de leur sommeil. A l’aube de cette nuit
estivale du 3 juillet 1957, veille de l’Aïd El-Kébir, Fizi MohamedLakhdar, Fizi Salah, Fizi Med Ben Ali et Benchikha Mostefa, tous
issus de Oulmène, douar situé à quelques encablures de la ville
d’Ain Beida, dont il dépend administrativement, sont conduits à
la guillotine de la prison Koudiat de Constantine. Condamnés à
mort par la cour militaire de cette ville, ils allaient passer de vie
à trépas. Des "Allahou Akbar", "Tahya El-Djazaïr" fusaient de
toutes les cellules où les détenus se sont bien évidemment donné le mot en signe de solidarité avec les leurs. Le couperet allait
tomber d’un instant à l’autre mais les quatre moudjahidine, imperturbables devant la mort, l’affrontent avec dignité. A l’heure
H, ils n’étaient plus de ce monde mais ils ont inscrit leur nom sur
le registre des chouhada ayant sacrifié leur vie pour la liberté.
L
eur histoire remonte
au début de la guerre
de libération, dans les
Aurès-Nememchas.
Les hostilités ouvertes,
le 1er novembre 1954, il ne restait
plus aux chefs de l’insurrection de
la zone 1 que d’étendre la guerre
à toutes les contrées de la région.
Mais il fallait choisir où mettre les
pieds pour ne pas tomber dans les
griffes du colonialisme. Les familles
susceptibles d’épouser la cause sont
triées sur le volet. L’erreur est interdite car la France coloniale avait l’œil
partout. Des émissaires sont donc
dépêchés dans la ville d’Ain Beida
et ses environs pour sensibiliser la
population, organiser le maquis et
enrôler de nouvelles recrues aptes à
livrer bataille à l’ennemi. Si El-Mouldi, Lahcène Marir, Lazhar Cheriet et
d’autres moudjahidine ayant participé au soulèvement armé sont les pre-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
miers Nememchas à être chargés de
cette difficile mission dans la grande
tribu des Haraktas. Du côté d’Oum
El Bouaghi, appelé Canrobert durant l’époque coloniale, ce sont plutôt Chaâbane Laghrour, Si M’hamed
Remili, El-Hadi Rézaïmia et Mohamed Salah Hedroug qui ont pris la
lourde responsabilité d’accomplir
cette mission. La guerre a commencé mais fallait-il encore qu’elle s’inscrive dans le temps et c’est ce qui a
fait qu’une course contre la montre
a été engagée pour son extension à
tout le territoire aurésien. Une mission certes difficile mais pas impossible pour des hommes ayant défié
l’une des plus grandes puissances armées mondiales de l’époque. A leur
arrivée dans la région d’Ain Beida,
ces combattants de novembre ont
pris attache avec les chefs des tribus
dans l’objectif de structurer la ville
et ses environs. Mohamed-Lakhdar
( 60 )
Fizi est ainsi désigné responsable
de la tribu de Oulmène avec pour
mission d’alimenter le maquis en
ravitaillements et collecter les renseignements. Sa maison est ainsi
devenue une plaque tournante à travers laquelle transitaient les moudjahidine, y compris au retour d’un
accrochage ou d’une bataille dans les
djebels limitrophes et fortement boisés de Guern H’mar et Boutekhma.
Deux djebels devenus plus tard un
enfer pour les soldats français qui
osaient rarement s’y aventurer. Mohamed-Lakhdar Fizi est en quelque
sorte devenu les yeux de l’ALN et ses
oreilles. Rien ne se fait sans qu’il soit
le premier à être au courant. Bien
évidemment, il a imposé une discrétion absolue à tous les membres de
sa tribu qui, il faut l’avouer, a payé un
lourd tribut durant la guerre de libération. Mohamed-Lakhdar est né en
1908 au douar Oulmène et de son
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Chahid Fizi Mohamed Lakhdar
Chahid Fizi Salah
mariage naquirent huit enfants dont deux filles. L’aîné
Djemoï est tombé au champ d’honneur en 1956 dans
la bataille de Guern H’mar. Son neveu, Fiziz Salah et
son beau-fils Fizi Mohamed Ben Ali ont également payé
de leur vie leur engagement dans la lutte contre l’occupant. C’est dire tout le sacrifice consenti par ce paysan
et sa famille dans le combat libérateur. Au début de la
guerre, Delfi Brahim est désigné chef de la région d’Ain
Beida où il a accompli un travail remarquable tant dans
l’organisation du maquis que dans la sensibilisation de
la population avant d’être remplacé par Hamdi Hadj Ali
à l’issue du congrès de la Soummam à la fin de l’année
1956. A cette époque, la guerre faisait rage et il fallait
coûte que coûte tenir tête à l’ennemi qui employait tous
les moyens pour creuser le fossé entre la population et
l’ALN. Peine perdue puisque les accrochages se multi-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
pliaient à un rythme infernal et les pertes dans les rangs
ennemis augmentaient au fil des mois. Malgré les tueries collectives et les répressions atroces, la famille Fizi
ne s’est jamais départie de sa mission. Au contraire, son
engagement aux côtés de l’ALN est irréversible et définitif jusqu’au 3 mai 1956. La mort des trois enfants français, Jean-Paul Morio, Jean Romain Almeras et Gilbert
Bousquet dont les corps ont été découverts à Oulmène,
allait sonner le glas pour cette famille révolutionnaire.
Les soupçons sont alors dirigés sur la famille Fizi et une
répression terrible s’abat sur toute la tribu où de nombreuses arrestations sont opérées. Mohamed-Lakhdar
Fizi, Salah Fizi, Mohamed Ben Ali Fizi, Bouzid Fizi et
Benchikha Mostefa soupçonnés d’être les auteurs du
kidnapping des trois enfants et de leur exécution sont arrêtés et conduits à la prison d’Ain Beida. L’histoire de ces
( 61 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Chahid Fizi Mohamed Ben Ali
trois enfants est jusqu’à aujourd’hui
entourée de zones d’ombre bien
qu’elle soit attribuée au FLN qui
aurait intimé l’ordre de réaliser cette
opération pour créer une véritable
rupture entre les Algériens de la région et les colons. Une histoire qui
reste à vérifier tellement elle a fait
couler beaucoup d’encre, y compris
en France où les medias de l’époque
ont sauté sur l’occasion pour ternir
l’image du FLN. N’est-ce pas que
la France coloniale a accompli des
atrocités inimaginables, assassinés
des civils, tués des femmes et des
enfants, brûlés des régions entière
au napalm et soumis aux pires exactions des innocents ? Le FLN a bien
entendu nié toutes les accusations
portées contre lui par des médias
survoltés, à la solde de l’occupant.
Bouzid Fizi est le premier à mou-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Chahid Mostefa Benchikha
rir dans la prison d’Ain Beida. Il n’a
pas résisté à la torture et aux sévices
subis lors des différents interrogatoires au non moins sinistre 2e
bureau, réputé pour être le lieu où
sont commises les pires exactions.
Les quatre autres ont tant bien que
mal tenu sans jamais avouer quoi
que ce soit ni donner des noms des
membres de l’ALN. La tribu n’a pas
non plus échappé à la vindicte des
soldats français qui ont presque tout
brûlé et commis les atrocités les plus
abjectes. L’encerclement de cette
mechta durera plusieurs mois alors
que les quatre détenus croupissent
dans la prison d’Ain Beida où avant
d’être transférés à Constantine, ils
y ont passé plusieurs mois. Ce n’est
là que le prélude à ce qui leur arrivera plus tard malgré l’absence de
preuves de leur implication dans la
( 62 )
mort des trois enfants. Le fait que
leurs corps aient été découverts à
Oulmène a suffi à leur mettre sur
le dos cette affaire. A Constantine,
ils sont emprisonnés à Koudiat
dans l’attente d’être jugés par la cour
militaire. Cette dernière n’a pas fait
dans la dentelle en prononçant la
peine capitale à leur encontre dans
un simulacre de procès, inique et injuste. La nuit du 03 juillet 1957, Fizi
Med Lakhdar, Fizi Salah, Fizi Med
Ben Ali et Benchikha Mostefa sont
guillotinés, sacrifiant ainsi leur vie,
leurs familles pour que vive l’Algérie libre. Leurs noms resteront à la
postérité comme les 300 guillotinés
entre 1956 et 1959 et comme tous
les combattants tombés au champ
d’honneur.
Zoubir Khélaifia
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de Libération Nationale
Yves Mathieu, militant méconnu
Par Hassina Amrouni
Guerre de libération
Histoire
Avocat et militant anticolonialiste, Yves Mathieu est né en Algérie. Engagé aux côtés des Algériens, durant la guerre de libération nationale, son parcours demeure méconnu de la génération
post-indépendance.
C
ontrairement
à
nombre de militants
anticolonialistes,
élevés au rang de
héros, en raison de
leur combat pour l’Algérie (Maurice
Audin, Fernand Yveton, Jacqueline Guerroudj,etc.), Yves Mathieu
est toujours resté dans l’ombre.
Un besoin de discrétion volontaire
imposé, selon sa fille, Viviane Candas, par son engagement prématuré d’abord au sein des réseaux de
résistants français durant la Seconde
Guerre mondiale, puis comme militant anticolonialiste, proche des
milieux communistes, notamment
du «Rassemblement démocratique
africain ». Exclu du PCF en 1957, à
la suite de son adhésion au Front de
libération nationale, Yves Mathieu
verra son parcours militant prendre
un tournant charnière.
Voulant faire revivre cette figure
paternelle qu’elle aura peu connue
car prématurément arrachée à la
vie le 16 mai 1966, dans des conditions tragiques, la cinéaste a réalisé
« L’Algérie du possible, la révolution
d’Yves Mathieu » dont l’avant-première mondiale a eu lieu à la cinémathèque algérienne le 15 octobre
dernier, en sa présence.
Maurice Audin
Fernand Yveton
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 64 )
Document d’histoire
Filmé comme une enquête, à partir
d’images d’archives, de séquences
filmées dès 2009 à Alger, Constantine et Annaba, ville où Yves Mathieu a vu le jour en 1925, mais
aussi d’entretiens avec plusieurs personnalités historiques et politiques
parmi lesquelles l’ancien président
Ahmed Ben Bella, ce road movie de
90 mn revient sur les pas de celui
qui fut l’un des avocats du FLN.
Evoquant sa démarche dans un
entretien (*), Viviane Candas expliquera que « le fil rouge consistait à
Jaqueline Guerroudj
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
La cinéaste Viviane Candas, fille de Yves mathieu a réalisé « L’Algérie du possible, la révolution d’Yves Mathieu »
dont l’avant-première mondiale a eu lieu à la cinémathèque algérienne le 15 octobre dernier
questionner des gens l’ayant connu
en m’interrogeant moi-même sur les
motifs de son engagement. J’ai finalement retiré quelques éléments sentimentaux, comme une promenade
en barque que j’avais faite avec mon
père, j’avais ramé, il s’était endormi.
Le pari est toujours de retenir l’attention du spectateur. C’est le film
qui m’a donné le plus de mal, celui
qui aura été le plus difficile à faire.
Avec Claudine Dumoulin, nous
avons travaillé un an sur le montage. La complexité à régler, c’était
la question de la temporalité, l’écoulement du temps ».
S’attardant sur les grands projets de
l'Etat algérien au lendemain de l'indépendance auquel Yves Mathieu
et son épouse ont pris part comme
l'alphabétisation, le reboisement des
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
zones bombardées au napalm par
l'armée française ou la mise en place
d'un système de santé, la réalisatrice
consacrera, néanmoins, une grande
partie de son documentaire à l'installation du système d'autogestion
des domaines agricoles promulgué par le Président Ahmed Ben
Bella en mars 1963 par un décret
rédigé de la main d'Yves Mathieu
comme en témoignent Ahmed Bedjaoui, Mohamed Harbi ou Mourad Lamoudi, acteurs politiques de
l’époque. Viviane Candas fera parler
d’autres personnes, dont des amis
de la famille parmi lesquels Jean
Marie Boëglin qui fut le directeur
technique du Théâtre national algérien. Tous noteront l'engagement
indéfectible d’Yves Mathieu dans la
construction de l'Algérie indépen-
( 65 )
dante. Pour sa part, Jacques Vergès,
dira de son confrère qu’« il ne savait
pas épouser une cause tout en restant lucide. » De leur côté, Ahmed
Ben Bella, Mohamed Bédjaoui ou
Mohamed Harbi considéreront qu’il
fut un « pionnier et une cheville ouvrière infatigable pour la construction d’une Algérie que d’aucuns
voyaient comme le pays de tous les
possibles ».
Tout en revenant sur les visites de
plusieurs figures anticolonialistes
de l'époque à Alger, plaçant ainsi
l’Algérie au centre de toutes les
luttes et de toutes les causes justes,
la réalisatrice continuera à dérouler
les images sur le parcours de son
père après la prise de pouvoir par
le président Houari Boumediene, le
19 juin 1965, images d'archives et
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Jacques Vergès
témoignages de cette journée à l’appui. Yves Mathieu occupera ensuite
un poste de professeur à l'institut
de gestion et de planification avant
de reprendre ses études d'économie
à l'université d'Alger puis ouvrir un
cabinet d'avocats avec son épouse.
Alors que beaucoup de ses compagnons avaient quitté l'Algérie ou
étaient en détention, Yves Mathieu
continue à exercer son métier et la
réalisatrice évoque, sans en donner
plus de détails, des « relations avec
des officiers de l'armée à Constantine préparant une insurrection ».
Autour du film…
Revenant longuement sur les circonstances de l’accident qui a coûté la vie à son père – le véhicule
dans lequel il se trouvait a été percuté par un camion militaire sur la
route entre Constantine et Skikda
–, Viviane Candas affirme que c’est
cette « quête encore inachevée » qui
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
Mohamed Harbi
l’a amenée à faire ce film. D’ailleurs,
elle le confiera dans un entretien (*)
: « Le film m’a vraiment fait comprendre tout d’abord que je ne saurais jamais la vérité, ainsi que je le dis
dans la voix off. J’ai surtout compris
qu’Yves Mathieu était un Algérien à
part entière et le film constitue cette
identité ».
Expliquant, par ailleurs, comment
son père est resté fortement présent
dans le cœur et l’esprit de ceux qui
l’ont côtoyé de près, la cinéaste notera
encore : « Tout le monde qui se souvient de mon père m’ouvre sa porte
en grand, et cela me touche beaucoup. Yves Mathieu n’a pas disparu
dans un trou noir de la mémoire collective ». D’autre part et concernant
l’importance que constituait ce film
pour elle, pour son parcours et le fait
qu’il témoignait de son amour profond de l’Algérie, la cinéaste expliquera encore : « J’ai rempli un certain trou noir qui avait marqué mon
existence en retrouvant la lumière
( 66 )
du parcours d’un homme. C’est une
façon de se réapproprier une expérience, de me réapproprier un passé
traumatique et d’en être fière.
La figure d’Yves Mathieu surgit à
nouveau, incarnée, et plus seulement
issue de mon seul souvenir. Le film
crée une filiation, cela ne constitue
pas seulement l’identité de mon père
comme Algérien, cela constitue aussi
mon identité par rapport à ce pays
et à ce passé. Il explique pourquoi je
suis à moitié algérienne, ce qui était
très compliqué à faire auparavant.
J’ai toujours été plus émue par l’Algérie, par les Algériens surtout, que
par la France des Français ». Enfin,
elle terminera en disant : « Pour que
la jeunesse élargisse le champ des
possibles et n’ait pas peur de faire
de grandes expériences, il faut que
la mémoire des expériences précédentes lui soit transmise. Elle trouvera comment s’en servir ».
Hassina Amrouni
Sources :
Divers articles de la presse nationale
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Maxime-Charles Keller de Schleitheim
L’incroyable destin
d’un enfant déporté
d’Algérie
Par Abderrachid Mefti
Guerre de libération
L
Histoire
Nous sommes le 18 mai, le lieu
’histoire qui va
suivre tire son ori- s’appelle Ouled Djerrah, un hagine de faits réels, meau perché quelque part dans les
survenus au cours monts qui ceinturent la ville des Cide l’année 1956, gognes. C’est là qu’une embuscade
qui eurent pour meurtrière est tendue par des comthéâtre un douar surplombant les battants de l’ALN, sous la responhauteurs de Lakhdaria, ex-Palestro, sabilité du lieutenant Ali Khodja, à
une ville distante de 79 km à l’est une unité de l’armée française, en
d’Alger. Le village de Ammal est l’occurrence la 2e section du 9e résitué à sept kilomètres au
sud de l’ex-commune mixte L’enfant soldat Maxime
de Palestro, dont il dépendait
administrativement
durant la période coloniale.
Il est composé de plusieurs douars ou décheras
(hameaux), en l’occurrence
Ouled Djerrah, Beni Hini,
Beni Dahmane, Ouled
Bellemou, Tigueur-Ouacif, Tigrine, Aït-Ouelmène,
Tidjedjiga et Aït Amar. Ces
hameaux ont été utilisés
comme zones de repli par
l’Armée de libération nationale algérienne (ALN) du
fait de leur position stratégique dans le couloir montagneux de l’Atlas blidéen,
qui va du mont Bouzegza
au massif de Beni Khalfoun. Le 18 mai 1956, une
embuscade tendue par le
commando Ali Khodja à
une unité militaire française
composée d’une vingtaine
de soldats va complètement
bouleverser la situation.
Dès les premiers jours qui
suivront cette date, la réaction de l’armée française se traduira giment d’infanterie coloniale basée
par un mouvement important de à Palestro.
Resté sans nouvelles de cette
troupes. Des ratissages de grande
envergure, caractérisés par l’utili- unité, l’état-major envoie le lensation de grands moyens militaires, demain dans la région plusieurs
vont être entrepris, ce qui aboutira bataillons, dont les commandos paau massacre et à l’extermination rachutistes de l’air affiliés à la base
des douars et de leurs habitants, 146 de Réghaïa, le 1er régiment
des faits qui marqueront à jamais la étranger de parachutistes (REP) et
le 20e BCP, embarqués à bord de
guerre d’Algérie.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 68 )
quatre hélicoptères de type Sikorski, pour tenter de la retrouver.
Après cinq jours d’intenses ratissages, 18 soldats français de l’unité
tombée en embuscade, parmi les
20 qui la composaient, sont retrouvés morts et affreusement mutilés.
Dans les heures qui suivirent cette
découverte, plusieurs dizaines de
villageois seront liquidés dans la
région de Ammal en signe
de représailles. Des exactions d’une extrême cruauté
seront commises par les
soldats français contre les
populations locales. Le
douar de Ouled Djerrah est
complètement rasé et ses
habitants exterminés. Parmi les cadavres des pauvres
villageois, un enfant, l’air
hagard, âgé d’à peine quatre
ou cinq ans, plongé dans
une complainte de larmes
et de gémissements, est
allongé sur le corps criblé
de balles de son père. A la
vue des actes odieux et inhumains des parachutistes
français, la maman de cet
enfant, encore vivante à ce
moment-là, se mit à lancer
des youyous dans un ultime
cri de désespoir. Elle reçut
une rafale de mitraillette qui
la laissa raide morte. N’en
restant pas là, un des commandos se saisit de l’enfant
pour le tuer. Il dut son salut
à un autre soldat qui s’interposa pour le sauver d’une
mort certaine.
Les représailles qui ont suivi
l’embuscade du 18 mai 1956 ont
causé la mort de plus de 200 personnes. Le seul survivant de ce carnage est un enfant, dont les parents
ont été assassinés, à l’instar de tous
les habitants du douar. Les victimes sont des civils mais aussi des
combattants de l’ALN qui se sont
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Des soldats présents lors du baptême de Maxime
réfugiés dans les grottes situées à proximité du hameau
martyr afin d’échapper aux soldats français. Ils seront
achevés aux gaz asphyxiants, qui ne leur laisseront aucune chance. Après avoir accompli leur sale besogne,
les militaires français se retirèrent dans leurs garnisons.
L’enfant rescapé de ce massacre se retrouvera à la base
de l’air 146 de Réghaïa, dont il deviendra la mascotte,
affublé d’un pseudonyme : Maxime. Lorsque Maxime
est arrivé sur la base militaire 146, il a passé la première
nuit chez le médecin-chef de la base, le capitaine Roger
Joseph. C’est ce dernier qui a rédigé le compte-rendu de
la visite médicale de cet enfant récupéré à Palestro.
L’enfant vivra au milieu des soldats, fera même partie des expéditions militaires et autres opérations de
«maintien de l’ordre» et sera utilisé dans des missions de
renseignement dans le but de connaître le mouvement
des combattants de l’ALN parmi la population locale.
Le général Alain Dumesnil de Maricourt, commandant
en chef de l’armée de l’air en Algérie, instruit le lieutenant-colonel Coulet de la base aérienne de Réghaïa de
faire confectionner à Maxime une tenue de parachutiste à sa taille, avec béret, ceinturon et étui à révolver
et c’est le lieutenant Jean-René Souêtre qui se chargera
de l’encadrer.
A la fin de l’année 1956, les commandos parachutistes de l’air (CPA) 40/541 sont alors en pleine préparation et seront officiellement constitués le 3 janvier 1957.
A partir de cette date, ils porteront désormais le nom
de code «Maxime», leur indicatif radio. Chaque commando compte 102 hommes.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Des journalistes de Paris Match, présents sur la base
de Réghaïa en 1959 pour réaliser des reportages en opération au front, découvrent avec stupéfaction la présence
de l’enfant soldat de Palestro au milieu des militaires,
des avions et des hélicoptères. Ils avaient souhaité lui
consacrer un article, sans succès. Le 1er octobre 1959,
Maxime-Charles est pupille de la nation sous le nom de
Maxime-Charles et le 25 octobre 1959 il est converti à
la religion catholique sous le nom de Maxime Keller de
Schleitheim par le père Lepoutre, aumônier militaire de
la 5e région aérienne en Algérie. C’est aussi en octobre
1959 qu’il se retrouve sous l’autorité parentale d’Yvonne
Keller de Schleitheim, l’assistante sociale de la base de
Réghaïa, alors que le jugement d’adoption n’est officiellement établi que le 28 décembre 1959. Durant plus de
six années, l’enfant soldat est tour à tour affecté à des
tâches réductrices et humiliantes et quotidiennement
au service des soldats (travaux de cuisine, nettoyage, entretien et diverses autres activités de maintenance). Le 5
juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée.
Les troupes françaises commencent à quitter le pays, à
l’instar de celles que comptait la base aérienne 146 de
Réghaïa. Maxime Keller sera emmené en France par sa
mère adoptive, elle-même militaire, et, une fois devenu
adulte, beaucoup de questions commencent à lui tarau-
( 69 )
Baptême de Maxime
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Maxime avec l’assistante sociale
der l’esprit. Qui est-il ? D’où vient-il ? Est-il Français ou
Algérien ? Catholique ou musulman ? La seule réponse
qu’on lui donnera est celle qui consiste à lui expliquer
que ses parents sont décédés pendant la guerre d’Algérie et que les Français lui ont épargné la mort et l’ont
protégé en lui donnant la nationalité française et en le
convertissant au christianisme. Le plus humiliant pour
lui, c’est de se retrouver assimilé à un harki, alors qu’il
a été victime des harkis, puisqu’ils combattaient dans le
camp de l’armée française.
Sur les registres de l’état civil français, le jeune enfant est inscrit sous le nom de Maxime-Charles Keller
de Schleitheim né le 18 décembre 1951 à Alger. Une
fois en métropole, sa mère de substitution lui fait comprendre qu’il devient encombrant pour elle et le considère comme un Arabe pouilleux, celui qui cristallise
toutes ses rancœurs nées de la perte de l’Algérie française. Adolescent, Maxime Keller sera inscrit dans une
école de formation en hôtellerie et en sortira cuisinier,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
ce qui lui permet de devenir autonome par rapport à sa
nouvelle vie.
Dès les premières années de sa jeunesse – en 1972 il
a 21 ans – il fait la connaissance d’une jeune femme avec
laquelle il se mariera et aura deux enfants. Quelques années plus tard, il veut embrasser une carrière plus valorisante. Il suivra des études de commerce, mais un grave
accident de travail mettra un terme à son activité professionnelle. Il s’installe dans la région de Bordeaux où
il vit actuellement entouré de sa famille. Pendant plus de
quarante années, le couple Keller se battra pour que justice soit faite dans la recherche de l’origine de Maxime,
l’enfant soldat de Palestro. Plusieurs démarches ont été
entreprises auprès des autorités françaises par le couple
afin de faire parler les archives et les acteurs liés de près
ou de loin à ce drame, en l’occurrence les soldats, les officiers et officiers supérieurs de la base 146 de Réghaïa.
Personne, ni les militaires ni l’administration, n’a daigné apporter sa contribution à la solution de cet écheveau. L’Etat français restera sourd aux supplications des
Keller et les archives restent, à ce jour, inaccessibles. Pis
encore, les documents officiels et les photos de Maxime
que la mère adoptive détenait et ayant trait à la période
allant de 1956 à 1962, c’est-à-dire au cours de sa présence sur la base de Réghaïa, ont été détruits par celleci avant sa mort. Le médecin capitaine de la base 146,
Roger Joseph, qui a suivi le dossier médical de l’enfant,
et, qui, selon certaines sources détient de précieuses informations quant à l’origine de Maxime, est resté muet.
Tous les commandos parachutistes encore vivants refusent de parler. Un seul d’entre eux a eu le courage
de livrer quelques informations en octobre 2011. C’est
lui qui a appris à la famille que les faits se sont déroulés à Palestro. Il dit avoir sauvé cet enfant alors qu’«il
allait se faire tuer par un autre soldat», obligé d’en venir
aux mains avec son collègue, «furieux que je ne le laisse
pas faire». Selon lui, l’enfant avait trois ou quatre ans,
mais plutôt trois que quatre. Actuellement, c’est Karine
Keller de Schleitheim, la fille de Maxime, qui a pris le
relais de son père pour tenter de percer le mystère qui
entoure l’origine algérienne de cette innocente victime
de la barbarie des hommes, ceux-là mêmes qui ont rasé
son village natal et tué ses parents, quelque part dans la
région de Palestro, aujourd’hui devenue Lakhdaria. De
cette histoire émouvante et affligeante, Karine Keller à
écrit un livre intitulé L’Enfant soldat de Palestro, publié
le 18 septembre 2012 aux éditions du Net, puis adapté
en une pièce de théâtre en cinq actes.
( 70 )
Abderrachid Mefti
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Lire à la fin la lettre adressée par
Karine Keller de Schleitheim au
Président François Hollande
Entretien avec Karine Keller de
Schleitheim, fille de Maxime et auteure
de L’enfant soldat de Palestro
« LE DEVOIR DE
FAIRE LA LUMIère »
Par Abderrachid Mefti
Guerre de libération
Interview
Karine Keller de Schleitheim, née le 13 août 1973 à Bordeaux, est la fille de
Maxime Keller, l’enfant soldat de Palestro. Elle a suivi toutes ses études à
Saint-Joseph de Tivoli de Bordeaux. A l’université Michel-de-Montaigne,
elle a participé à des voyages d’échanges Erasmus, étudiant, pour son
année de maîtrise de Lettres modernes, à Cambridge, en Angleterre.
Elle a également suivi un stage linguistique de trois mois à Seattle aux
Etats-Unis. A son retour en France, elle s’inscrit en licence d’anglais.
Titulaire du Capes, elle a enseigné le français et le latin au collège et au lycée,
à Bordeaux, où elle exerce à ce jour.
En mai 2012, elle a publié un recueil de poèmes, Arabesquement vôtres, sonnets
divers, et en septembre 2012, une pièce de théâtre, L’Enfant soldat de Palestro
qu’elle aimerait voir publiée en Algérie. Cet ouvrage raconte une histoire vraie,
émouvante et peu commune : celle de son père qui a survécu aux massacres
de populations civiles de Palestro par les troupes françaises, en représailles
aux soldats français morts à la suite d’une embuscade, le 18 mai 1956.
Elle travaille actuellement sur la traduction en langue anglaise de ce livre,
pour une plus large diffusion et se passionne pour l’histoire, la philosophie,
mais aussi la poésie, ainsi que d’autres formes d’art, tout en se consacrant à
l’écriture. Karine Keller veut montrer comment des liens invisibles et sacrés
relient l’homme à sa patrie et résume son ouvrage de la façon suivante : il
constitue en quelque sorte un condensé de la guerre d’Algérie et, relatant un
évènement marquant de cette guerre, l’embuscade de Palestro (le 18 mai 1956,
ndlr), il dénonce l’ampleur de son horreur.
Abderrachid Mefti
Mémoria : Mémoria : Votre livre
L’enfant soldat de Palestro est
une histoire véridique survenue
durant la guerre d’Algérie.
Pouvez-vous nous éclairer
davantage à ce sujet ?
Karine Keller de Schleitheim :
Cette histoire est celle de mon père,
qui est d’ailleurs toujours vivant. Selon
la version officielle, il a été retrouvé
dans un hameau (dechra, ndlr), vers le
milieu de l’année 1956, allongé sur le
corps de son père mort et c’était le seul
survivant de ce hameau, qui a été rasé
par l’armée française.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
C’est seulement récemment que nous
avons su que les faits s’étaient déroulés
à Palestro, grâce au témoignage d’un
soldat français présent sur les lieux
à cette époque, au cours de laquelle
l’armée avait tous les pouvoirs et c’est
par des mensonges et le silence que
les militaires, aujourd’hui encore, se
défendent. L’armée a toujours caché
à mon père ses origines et si j’ai écrit
ce livre c’est pour que l’on prenne
connaissance des agissements de cette
armée durant la guerre d’Algérie, mais
également pour tenter d’en savoir
davantage en portant cette histoire sur
la place publique, d’où ce livre…
( 72 )
Mémoria : Pourquoi ce mutisme
sur un cas aussi sensible que
celui de l’enfance maltraitée au
cours de la guerre ?
Karine Keller de Schleitheim :
L’armée française est restée sourde à
toutes nos demandes d’éclaircissements.
Mes parents auront passé plus de
quarante années de leur vie à chercher
des réponses à leurs questions.
Internet nous a permis d’avoir accès
à beaucoup de données, mais les
recherches continuent. Ceux qui n’ont
pas été touchés par cette guerre ne
peuvent pas comprendre. Mais pour
ceux qui ont perdu de la famille, il est
impossible d’oublier et c’est même un
Supplément N° 12 - Avril 2013.
Guerre de libération
Interview
devoir de faire la lumière sur ce qui s’est
réellement passé durant cette guerre, ne
serait-ce que pour honorer les morts.
Nous menons donc le même combat
contre l’oubli, car c’est tout bonnement
impossible d’oublier. Depuis qu’il a
commencé à comprendre, mon père
ne cesse de penser à ses parents qu’il a
perdus.
Mémoria : Pensez-vous que
votre père est originaire de
l’un des hameaux ciblés par
les soldats français, dont un
a été complètement rasé, en
l’occurrence Ouled Djerrah ?
Le nom de ce village martyr
est souvent cité dans les écrits
historiques et de presse…
Mémoria : Comment votre
père s’est-il retrouvé avec une
identité qui n’a aucun lien avec
ses origines, sa religion et sa
culture originelles ?
Karine Keller de Schleitheim
: Oui, c’est vrai, j’ai pensé à Ouled
Djerrah... Ce hameau faisait-il partie
de Palestro ? Je ne sais pas. Mon père
m’a dit que s’il n’y a qu’un village qui a
été rasé, alors ce ne peut être que celuilà, sans nul doute. J’avais également
fait quelques recherches pour essayer
de comprendre et elles m’avaient
également toutes menée vers Ouled
Djerrah.
Karine Keller de Schleitheim : Sur
son état civil, mon père a été inscrit sous
l’identité Maxime Keller de Schleitheim,
né le 18 décembre 1951 à Alger. Le 1er
octobre 1959, il est pupille de la nation,
sous le nom de Maxime-Charles.
Curieusement, le 25 octobre 1959, il
est baptisé sous le nom de Maxime
Keller de Schleitheim. Il a été adopté
par Yvonne Keller de Schleitheim,
l’assistante sociale de la base de Réghaïa,
après le jugement d’adoption daté
officiellement du 28 décembre 1959. En
1962, il est emmené en France avec sa
mère adoptive, militaire, mais il sera
pour elle, encombrant.
Elle était d’origine pied-noir, et, une fois
en métropole, c’est comme si elle lui
en voulait de la perte de l’Algérie. Mon
père fera des études de restauration puis
dérochera un diplôme de cuisinier. Puis,
très jeune, il s’est marié, a eu deux enfants.
Il fera ensuite des études de commerce,
mais il aura un grave accident de travail
qui mettra un terme à sa carrière. Il est
ensuite resté dans la région bordelaise.
Nous n’avons pas épargné notre peine
pour trouver la vérité et je ne comprends
pas l’attitude de l’Armée française qui
fait de la rétention d’informations et qui
donne l’impression de se battre contre
un moulin à vent.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Mémoria : Votre père et vous
êtes déjà venus à Palestro
après 1962 ?
Karine Keller de Schleitheim
: Non, jamais. Nous n’avons jamais
eu mention de cet endroit (Ouled
Djerrah, ndlr) avant l’an dernier
comme étant la région supposée de
mon père dans ce que nous avons
pu consulter ; le lieu a sciemment été
omis, car il y a vraiment une volonté
de cacher les faits. Mais mon père
espère toujours, néanmoins, retrouver
de la famille du côté de Palestro.
Je ne comprends pas ce qui a poussé des
soldats qui venaient de raser le village à
faire d’un petit musulman la mascotte
de leur régiment… Je ne comprends
pas non plus pourquoi, après si
longtemps, l’Etat français reste muet
sur ce sujet ? Que craignent les autorités
françaises ? Et aujourd’hui encore les
anciens commandos parachutistes ne
veulent pas parler. Franchement, je
ne comprends toujours pas pourquoi
ils ont ensuite séquestré un enfant au
( 73 )
point d’en faire leur mascotte qu’ils
ont appelée Maxime, allusion au code
d’indicatif du commando.
Mémoria : Par quel miracle
votre père a-t-il échappé au
massacre, car il est le seul
survivant du hameau ?
Karine Keller de Schleitheim :
En 2011, nous avons rencontré, en
France, un soldat qui était présent
sur les lieux du massacre. Il nous
apprendra qu’un militaire a voulu tuer
mon père, mais il l’en a empêché, alors
ils en sont venus aux mains, car le
laisser en vie ne faisait pas l’unanimité.
Je suppose qu’ils étaient même décidés
à ne laisser aucun blessé derrière eux.
Quoi qu’il en soit, normalement, les
morts sont fouillés et les soldats ont
dû sans doute relever leur identité.
Mon père m’a appris qu’il se souvient
certainement avoir eu un frère jumeau.
Il en est sûr et certain. Contrairement à
ce qui a été déclaré auparavant, c’est ma
grand-mère, Yvonne Keller, qui avait
confié à son amie, Suzette Pitavi, qui
habitait Birkhadem et qui était mariée
avec l’avocat Pierre Pitavi, du barreau
d’Alger, que mon père se prénommait
Ali. Cela est très émouvant… Mais
ces quelques indices relanceront peutêtre les recherches, je suis optimiste et
j’espère trouver une piste. C’est le but
assigné à mon livre...
Un dernier mot…
Karine Keller de Schleitheim :
Je vous remercie de m’avoir offert cette
opportunité de m’exprimer en Algérie,
peut-être que des échos parviendront
au cœur même de la région où est né
mon père. C’est important de faire
toute la lumière sur le passé et je garde
l’espoir d’y parvenir.
Entretien réalisé par
Abderrachid Mefti
www.memoria.dz
Lettre de Karine Keller De Schleitheim au Président François Hollande
« Monsieur le Président de la République,
Si je vous adresse cette lettre pour introduire
mon ouvrage, L’Enfant soldat de Palestro, c’est
bien parce que ce livre aborde des thèmes qui vous
seront chers : le combat pour les valeurs démocratiques, le combat pour la paix, pour la tolérance,
pour la non-violence, pour la réconciliation et
l’entente entre les peuples au-delà de tout ce qui
peut les désunir.
Vous l’aurez compris, ce livre traite de la guerre d‘Algérie, en
stigmatisant les abus du système colonialiste français. C’est
un livre qui s’inscrit contre le déni de mémoire et pour la reconnaissance des erreurs du passé.
J’estime qu’il est de notre devoir, à tous, de témoigner. Comme vous certainement, j’ai entendu un concert de voix s’élever
pour que le chef de l’État français actuel reconnaisse les errances dans le traitement de la crise algérienne par les gouvernements en place à l’époque, successivement de gauche, puis de
droite. Certes, la tâche est embarrassante, car c’est un dossier
qui reste, malgré le temps passé, toujours brûlant.
Ce livre s’inscrit contre ce que j’appellerai le déni de mémoire
et pour la reconnaissance des erreurs du passé afin de construire un monde juste.
Ainsi, qu’il me soit permis de joindre ma voix à celles des
autres s’élevant pour vous prier, à l’occasion du cinquantième
anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie, de faire un geste
symbolique, comme vous avez eu le courage de le faire pour la
rafle du Vel d’Hiv.
Le temps de la réconciliation n’est-il pas venu ?
J’ai écrit ce livre pour que la France contemple son passé
colonialiste en face. Prendre possession de l’Algérie en 1830,
ce fut comme ouvrir la boîte de Pandore. Bien des maux s’en
échappèrent, pour le malheur des hommes. Durant ces 130 années d’occupation, la France y a perdu son âme. Elle a cessé
d’incarner les droits de l’Homme, et, ironie du sort, elle dut affronter un peuple qu’elle avait réduit en esclavage et qui combattait pour l’idéal révolutionnaire du Siècle des Lumières : «
Liberté, Égalité, Fraternité ».
Encore aujourd’hui, la France ne peut plus s’ériger en garante
des valeurs humaines universelles, tant que durera son amnésie. Non à une France amnésique ! Le conflit qui l’a opposé à
l’Algérie n’est pas un détail de l’Histoire, pas plus que ne fut la
Shoah. Dire le contraire serait pur négationnisme. Plus que jamais, il importe de dire la vérité sur ce qui s’est réellement passé. Au nom de tous ceux qui vous écrivent pour connaître une
triste vérité, parlez, Monsieur le Président de la République !
Ne restez pas silencieux ; l’État doit apporter des réponses à
tous ces gens qui sont en quête de vérité. Refuser de parler, c’est
être complice.
Enfin, ce livre vient appuyer la requête de cet enfant soldat, pupille de la Nation, dont la photographie illustre la
couverture de ce livre. Apprenez que toute sa vie, il a attendu
une réponse que vous seul pouvez lui fournir. Il voudrait tout
simplement que vous l’aidiez dans la reconquête de son identité perdue, volée par l’État français depuis toutes ces années.
Une rubrique le concernant se trouve pourtant au Château de
Vincennes éclairant son histoire depuis les origines. Vous seul
pouvez lui rendre ce qui lui a été volé : son identité.
En quoi est-ce si important ? Mettez-vous un
instant à sa place. Imaginez que vous soyez un
enfant trouvé sur un champ de bataille… un bien
piètre champ de bataille en vérité, ayant opposé
des militaires suréquipés, surentraînés, à des
civils désarmés, sans défense. Autour de vous, le
sol est jonché de cadavres et vous pleurez dans les
bras de l’un d’eux… une femme, votre mère peutêtre ?... sans doute. (Pardonnez-moi ce qu’une
telle image peut avoir de choquant ; c’est la triste réalité de la
guerre). Mais une chose est sûre, cette femme a su protéger cet
enfant. Les faits sont là ; on ne peut les nier, car c’est au cours
d’une opération dite de « maintien de l’ordre » que l’enfant fut
récupéré par des paras, puis ramené à la base aérienne 146 de
la Réghaïa, pour y devenir la mascotte du commando 40/541.
En 1959, il sera baptisé par l’aumônier militaire et aura pour
parrain l’architecte et peintre Jean Pandrigue de Maisonseul, ami de Camus et de Le Corbusier, et pour marraine, son
épouse, Mireille. Le prénom de « Maxime », indicatif radio du
CPA 40/541, lui sera alors donné comme nom de baptême, en
hommage aux hommes du commando qui l’avaient trouvé et
pris sous leur aile sur la base de Réghaïa. Mais l’adoption plénière effaça toutes les traces de sa véritable identité.
Cet enfant, devenu adulte, se heurtera toujours au même mur,
chaque fois qu’il posera cette question pourtant fondamentale
: « Qui suis-je ? » Imaginez que vous vous posiez cette question
toute votre vie. À leur tour, vos enfants se la poseront, car cette
interrogation se transmet de génération en génération, comme
un héritage, comme un fardeau, l’éternel rocher de Sisyphe
qu’il faut porter au sommet de la montagne. Cela porte un
nom, le fait de cacher à quelqu’un son nom de famille : c’est le
crime de l’identité. Par conséquent, cette requête est légitime.
Cet enfant soldat devenu adulte vous la fait sans rancœur et
sans haine, comme il l’a faite, sans succès, à vos prédécesseurs.
Dénoncer un crime est une raison de vivre et d’espérer, surtout commis envers un enfant. Mais le forfait de l’ancienne
République devient le crime de la suivante, si, à son tour, la
nouvelle République ne met pas tout en œuvre pour le réparer.
Cachez un crime, il éclate au grand au jour ! Ainsi est-on en
droit d’attendre d’un État qu’il répare ses torts. Cet enfant devenu aujourd’hui un homme connaîtra-t-il un jour son identité
? L’État français daignera-t-il la lui restituer, après l’avoir si
longtemps cachée ? Que justice soit faite !
Une histoire individuelle ne doit pas être niée, a fortiori
quand elle est intimement liée à l’État. Toutes ces histoires individuelles mises bout à bout font l’Histoire universelle, celle
qui servira peut-être de modèles à d’autres hommes, ou celle
qu’il faut combattre, pour qu’elle ne se reproduise plus jamais,
celle en tout cas dont il faut garder la mémoire pour en tirer
des enseignements. Et l’histoire coloniale française, par son
ampleur, par ses conséquences, en France et dans le monde,
vaut la peine d’être transmise aux générations futures. Aussi
mérite-t-elle d’être tirée de l’oubli, du mensonge. Chaque vie
compte et tant que l’on en méprisera ne serait-ce qu’une seule,
l’Humanité sera toujours en danger. Alors, j’ose espérer, Monsieur le Président de la République, que vous ne décevrez pas
une attente aussi forte dans sa quête opiniâtre, l’espérance restée enfermée au fond de la boîte de Pandore, car vous incarnez
un esprit nouveau, celui du changement.»
Karine Keller De Schleitheim
L’Enfant Soldat MAXIME DE SCHLEITHEIM
Interné dans une caserne contre son gré
L’enfant otage d’un
régiment de parachutistes
Par Abderrachid Mefti
Guerre de libération
Q
u’est-ce qui
a bien pu
pousser l’armée française à faire
d’un enfant
musulman
algérien, dont les soldats venaient
de raser le village et tué ses parents, la mascotte de leur régiment ? Le mystère reste entier...
Aussi, cet enfant qui marche à
peine grandira-t-il sur une base
Histoire
militaire ! Maxime porte sur son
béret l’insigne des commandos
de l’air : un cercle qui réunit l’aile
et l’étoile, entrant dans la composition du personnel navigant de
l’armée de l’air et la dague, symbole des actions du commando.
Maxime sera baptisé en octobre 1959 par le père Lepoutre,
aumônier militaire de la 5e région aérienne en Algérie. Chose
curieuse, il portera déjà le nom
de sa mère adoptive, l’assistante
Le certificat médical établi par le capitaine Roger Joseph, médecin-chef de la base aérienne 146 de Réghaïa
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA ..
((76
76))
principale interarmes de l’Afrique
du Nord, alors que l’adoption
plénière ne sera effective qu’au
9 décembre 1959. Il aura pour
parrain Jean Pandrigue de Maisonseul, directeur départemental de l’Habitat à Alger et ardent
défenseur de la cause algérienne,
et pour marraine, son épouse
Mireille, qui avaient comme
amis Albert Camus, Le Corbusier, Pablo Picasso, Max-Pol
Fouchet et le philosophe André
Mandouze. Le 26 mai 1956, il est
arrêté par l’armée française puis
emprisonné pour avoir essayé de
négocier une trêve avec le FLN.
Défendu énergiquement par Albert Camus, il retrouvera rapidement la liberté. En 1962, Jean
de Maisonseul reste en Algérie et
devient conservateur du Musée
national des Beaux Arts d’Alger.
Il entreprendra et réussira des démarches auprès de l’Etat français
pour la restitution à l’Etat algérien de trois cents toiles détenues
par le Musée du Louvre. En 1975,
il quitte l’Algérie pour s’installer
à Cuers, près de Toulon (Var) où
il décède le 3 juin 1999.
Quand Maxime est arrivé à la
base militaire 146 de Réghaïa, il
a passé la première nuit chez le
médecin-chef de la base, le capitaine Roger Joseph. C’est lui qui
a rédigé le compte rendu de la
visite médicale de cet enfant récupéré à Palestro, qui deviendra
la mascotte du GCPA 40/541.
Lors de la visite médicale, le
médecin-chef, le capitaine Roger
Joseph, de la base aérienne 146
de Réghaïa, établit un certificat
Supplément
Supplément
N° N°
09 -41
Janvier
- Novembre
2013. 2015.
Guerre de libération
Histoire
médical truffé de maladresses
professionnelles. Le compte rendu du médecin comporte un certain nombre d’anomalies, voire
d’inexactitudes.
Selon les informations recueillies par sa fille, plusieurs détails ont été omis : l’ethnie de cet
enfant est pour le médecin «difficilement précisable» ; or il aurait
pu au moins préciser la langue
qu’il parlait, la tribu à laquelle il
appartenait, car il y avait sur la
base des spécialistes en linguistique qui connaissaient les dialectes de la région, les ethnies et
les coutumes de ces populations.
Le nom de ses parents ne se
trouve consigné nulle part, alors
que la population des villages
était recensée afin de connaître
les déplacements des combattants de l’ALN. Il faut savoir que
le 11e Choc, service action de la
DGSE, était stationné sur la Base
146 de Réghaïa. Tous les éléments
nécessaires étaient donc disponibles pour connaître avec précision l’ethnie, le village et le nom
de l’enfant, puisque les naissances
étaient enregistrées à la mairie.
Quant aux morts, ils étaient photographiés et répertoriés après les
batailles. Son teint blanc n’est pas
mentionné. Ses cheveux ne sont
pas châtains, mais blonds. Ses
yeux ne sont pas gris bleu, mais
bien bleus. Sous l’année 1951,
on lit 1950. Son année de naissance est manifestement erronée, ce qui est facilement visible
sur des photos où apparaissent
les dents de lait. A son baptême,
le 25 octobre 1959, on voit que
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Document établi par le médecin-chef de la base, le capitaine Roger Joseph
Maxime mesurait bien plus que
1,01 m : il n’y a qu’à comparer la
taille de Maxime sur les photos
du baptême avec celle des paras
qui l’entourent, et qui n’étaient
généralement pas des nains, pour
donner une échelle de grandeur.
Maxime devait mesurer environ
1,20 m. Différentes photos prises
sur la base militaire montrent que
Maxime a grandi depuis, ce qui
( 77 )
prouve que la date de son arrivée
à Réghaïa est bien antérieure à la
rédaction de ce compte rendu. Sa
première tenue militaire était minuscule, et certainement pas celle
d’un enfant de 6 ans et demi. De
plus, on voit que Maxime a eu des
âges différents sur la base, prouvant qu’il y est resté plusieurs années : il porte différentes tenues
militaires à mesure qu’il grandit.
www.memoria.dz
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Fac-similé de la réponse transmise à l’UNP de Bergerac (Gironde), suite aux sollicitations de
Maxime Keller de Schleitheim
Le rapport parle de 1,01 m, ce qui
doit correspondre en réalité à un
enfant âgé d’un peu moins de 3
ans et demi, d’autant que Maxime
aura une belle courbe de croissance et mesurera à l’âge adulte
1,81m, si l’on se réfère, avec cette
donnée, à la courbe de croissance
des garçons, publiée sur le site
du Groupe français d’auxologie,
la science de la croissance. On
comprend mal pourquoi la date
de naissance est fixée au 18 décembre 1951, alors que 15 jours
plus tard il aurait été en janvier
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
1952, ce qui aurait été plus avantageux au niveau des études et du
sport où une année est importante pour changer de catégorie.
Il se trouve donc pénalisé d’une
année. Ces inexactitudes sont
confirmées par le témoignage
du seul commando parachutiste
du 40/541 qui a eu le courage
de dire ce qui s’était réellement
passé : Maxime était âgé de 3 ou
4 ans quand il a été trouvé, «plutôt trois que quatre». C’est lui qui
l’a ramené à la base aérienne 146
après une opération militaire de
( 78 )
«maintien de l’ordre», à Palestro,
en 1956. A cette époque, les populations civiles ont été victimes
des représailles de l’armée française, à la suite de l’embuscade
dite de Palestro, survenue le 18
mai 1956. Ce document établi par
le médecin-chef de la base a donc
été rédigé a posteriori, peut-être
afin de légaliser la situation de
Maxime sur la base militaire, ou
pour d’autres raisons. Mais une
chose est sûre : le médecin-chef
Roger Joseph n’était pas versé
dans la science de la croissance
des enfants.
Le docteur en chef de la base
146 de Reghaïa, Roger Joseph, est
toujours en vie et réside actuellement avec son épouse dans le
département des Pyrénées Atlantiques. Il est âgé de 83 ans et détient des informations précieuses
sur l’origine de Maxime mais ne
veut rien dévoiler.
Même l’Union nationale des
parachutistes (UNP) n’a pas réussi à faire parler le docteur Roger
Joseph
Maxime et le Colonel
Daviron
Le Colonel Daviron était inspecteur des institutions de l’action sociale des forces armées en Algérie,
commandant en chef du service
régional interarmées de l’action
sociale. Il fut également l’ami de la
future mère adoptive de Maxime,
Yvonne Keller.
En 1959, une délégation du CPA
40/541 assista au baptême de
Maxime. Parmi ces commandos
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Maxime à Alger, avec sa caravelle, offerte par Pierre Daviron (fils aîné du Colonel Daviron) lorsqu’il est venu à Alger pour le décès de son frère. Ce dernier
faisait son service militaire en tant que pilote d’hélicoptère. Au cours d’une livraison d’armes, il a explosé en vol, accidentellement. C’est le colonel Daviron
qui signera le 13 août 1959 le certificat d’origine tenant lieu d’acte de naissance de Maxime, pupille de l’assistance publique.
parachutistes, on peut identifier
Claude Ranfaing, deuxième à partir de la gauche, qui deviendra en
2006 le grand prieur magistral de
l’Ordre des templiers. Cette même
année 1959, François Coulet, commandant du GCPA 541, fait ses
adieux aux armes pour devenir
directeur des affaires politiques à
Alger.
Aujourd’hui plus que jamais,
l’histoire de Maxime Charles
Keller de Schleitheim va sans
doute défrayer la chronique, aussi
bien en Algérie qu’en France, car
maintenant qu’elle est portée à la
connaissance de l’opinion publique
cela fera certainement délier des
langues. Sa famille est fermement
décidée à aller à la recherche de la
vérité. Des démarches sont entreprises en Algérie, dans la région
d’origine de Maxime, particulièrement dans les fichiers de l’état civil
de Lakhdaria (ex-Palestro), Ammal
et Beni Amrane, afin de retrouver
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 79 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
La délégation du Colonel Coulet au baptême de Maxime
la trace d’un éventuel enregistrement de la
naissance d’un garçon originaire de Ouled
Djerrah, probablement en 1952 ou 1953.
Quant aux archives de la guerre d’Algérie
détenues par l’Etat français, elles recèlent
des éléments précis sur l’affaire maxime
puisque l’administration militaire de la base
146 de Réghaïa était censée gérer tout ce
qui touchait à l’activité quotidienne de cette
base depuis son installation jusqu’à 1962.
Sources :
- DossierMaxime présenté par Karine Keller
- Divers documents sur la base 146 de Réghaia (1954-1962)
Abderachid Mefti
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 80 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Abdelkrim Hassani
Authentique
soldat de l’ombre
Le défunt Abdelkrim Hassani, officier de
l'ALN, responsable national de la formation des opérateurs radio, commandant
de la base nationale Didouche-Mourad.
Par Leila Boukli
Guerre de libération
Histoire
Abdelkrim Hassani dit Si El Ghaouti est le quatrième d’une fratrie
de 8 enfants, 5 garçons et 3 filles. Son cadet Chérif, instituteur à
Biskra, mourra à Guelma d’où est originaire sa bellef amille, à la
suite des événements du 8 Mai 1945.
Issue d’une famille de Chorfa, le père Hassani Ben Rabah exerce
le métier de cadi à Biskra, ville où Abdelkrim voit le jour, le 23
février 1931. Il y entame ses études primaires, qu’il poursuivra à
Batna avant de rejoindre le lycée Albertini de Sétif où il obtient son
baccalauréat avec mention bien.
D
evenu en 1948,
membre
du
Parti du peuple
algérien (PPA)
alors qu’il était
encore au lycée, il s’engage véritablement dans la lutte armée
contre le colonialisme français
en 1955 en tant que membre de
l’organisation politique FLN. Il
sera appréhendé
cette même année 1955 par la
police à Biskra et en 1956 à Tizi
Ouzou. Son amour du pays le
poussera à abandonner ses études
à l’université d’Alger lors de la
grève des étudiants du 19 Mai
1956 où il était membre actif de
l’UGEMA. Il rejoindra ensuite la
Wilaya V pour devenir officier et
être l’un des principaux collaborateurs de Abdelhafid Boussouf,
responsable du MALG.
Nommé lieutenant vers la fin
des années 1956, il est chargé de
l’instruction du corps des trans-
missions. Après avoir dirigé
les écoles des transmissions de
l’ALN, il reçoit l’ordre en 1959 de
rejoindre le ministère de l’Armement et des Liaisons générales du
GPRA à Tunis pour la formation
d’opérateurs en transmissions. Il
supervise la formation de la 5e
promotion des transmissions de
l’Est. Il est chargé du commandement de la base nationale de la
documentation et de la recherche,
dite « base Didouche-
1- Abdelhafid Boussouf, 2- Omar Boudaoud à la base Didouche-Mourad
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 82 )
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
Mourad », fonction qu’il assumera
jusqu’à l’indépendance.
Après l’indépendance, il deviendra
directeur des Transmissions nationales à la Présidence puis directeur
de cabinet au ministère de l’Intérieur et directeur général de la Fonction publique en 1976, député puis
membre du Comité central du FLN
et enfin retraité. Président dans les
années 1990 de la Confédération
des industriels et des producteurs
algériens (CIPA). Abdelkrim Hassani a obtenu un doctorat en droit
comparé en arabe et un doctorat de
physique. Il occupera d’autres responsabilités
toutes aussi importantes, notamment directeur général de la Caisse
des retraites (GCRA), directeur général de l’Entreprise nationale des
systèmes
informatiques (ENSI); président et
membre actif du Patronat algérien,
rapporteur du CNES, président
d’honneur de l’Association d’amitié algéro-vietnamienne et membre
fondateur de l’Association nationale
des moudjahidine de l’Armement et
des Liaisons générales.
A la fin des années 1980, Abdelkrim
Hassani a écrit Guérilla sans visage
qui relate la naissance du corps des
transmissions pendant la guerre
de libération. Le livre contient des
documents de l’époque et de nombreuses photos et se veut un autre
témoignage sur la guerre de l’ombre.
Le regretté Hassani n’a pas cessé
ces dernières années d’apporter ses
témoignages sur la guerre de libération nationale en prenant part à tous
les débats et tables rondes sur l’histoire de la Révolution algérienne,
notamment la mise en place des
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
1- Abdelkrim Hassani dit Si El Ghaouti, 2- Nelson Mandela
De g. à dr.: Rabah Bitat, Hocine Aït Ahmed, Abdelkrim Hassani et Ahmed Ben Bella
De dr. à g.: Abdelkrim Hassani , Ahmed Ben Bella, Rabah Bitat, Khider et Hocine Aït Ahmed
( 83 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Abdelkrim Hassani dit Si El Ghaouti, au milieu de la photo
1- Abdelkrim Hassani 2- Mouloud Kacem Naït Belkacem avec une délégation étrangère
A dr.: Abdelkrim Hassani et Ferhat Abbas
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 84 )
réseaux de transmissions radio.
Nos lecteurs le découvraient
dans notre magazine aussi à travers ses écrits et contributions
sur le thème.
Très proche de la famille Ben
M’hidi, notamment du chahid Mohamed-Tahar, son futur beau frère, Abdelkrim est
l’époux de Drifa Ben M’hidi,
soeur également de Larbi, qui
nous révèle que Si El Ghaouti a
laissé un livre inachevé sur Mohamed-Tahar. Ils ont ensemble
fréquenté la zaouïa Ben M’hidi
à Ain M’ila, reconstruite après
qu’elle fût totalement détruite
par l’armée française, en 1830,
ce qui provoqua l’exil vers Tunis de l’aïeul Ben M’hidi ; ensemble, ils fréquentent l’université d’Alger, rejoignent la lutte
armée le même jour, l’un vers
l’Est, Wilaya II, et l’autre vers
l’Ouest, Wilaya V. Ces amis qui,
fait du hasard, naîtront le même
mois, février, se sépareront en
se faisant la promesse solennelle
qu’en cas de malheur de l’un ou
de l’autre, le survivant s’occuperait des mamans et des soeurs
respectives.
Mohamed-Larbi tombera au
champ d’honneur en 1957. Abdelkrim Hassani dit El Ghaouti
respecta le pacte passé entre
les deux, jusqu’au vendredi 5
novembre 2010 où il quitta ce
monde à l’âge de 79 ans, à la
suite d’un accident cérébral, survenu à l’hôpital militaire de Ain
Naâdja (Alger). Il est inhumé au
cimetière d’El Alia d’Alger.
Leila Boukli
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Claudine Chaulet n’est plus
Octobre funeste pour
les Chaulet
Par Hassina Amrouni
Guerre de libération
Histoire
Après Pierre, disparu le 5 octobre 2012, son épouse Claudine le rejoint
trois ans plus tard, un 29 octobre. Les deux militants nationalistes
sont enfin réunis dans l’éternité.
I
ls avaient embrassé la cause
des Algériens et rallié la
Révolution de novembre
1954. Ils ont accompagné
le peuple algérien dans son
combat pour la liberté, portés par
des principes et des idéaux auxquels ils n’ont jamais dérogé. Le
peuple algérien, aujourd’hui libre,
s’incline humblement devant leur
valeureuse mémoire.
Après Pierre, il y a seulement
trois ans, voilà que nous pleurons
aujourd’hui Claudine. Femme
courage, femme d’exception.
Elle s’en est allée, dans le sillage
d’une commémoration, celle de
novembre et de sa révolution, novembre, c’était il y a 61 ans.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
De Longeau à Alger
Fille d’un officier de gendarmerie et d’une enseignante, Claudine
a vu le jour à Longeau en HauteMarne le 21 avril 1931. En 1939,
les Guillot s’installent dans le sud
de la France. Dans Le Choix de
l’Algérie, co-écrit av ec son époux
et paru en 2012 aux éditions Barzakh, on lit à propos de ce premier
exode : « Je ne sais toujours pas
vraiment pourquoi des gens raisonnables se sont lancés ces jourslà sur les routes, mais je sais très
bien, encore maintenant, que c’est
de là que date mon déracinement,
mon arrachement irrémédiable à
( 86 )
la terre et aux souvenirs, à la maison, à la vie… ».
Lorsque le père est nommé à
Oran, Claudine et sa famille débarquent sur les côtes algériennes.
C’est le premier contact avec un
pays auquel elle sera irrémédiablement liée. Séjour de courte
durée, retour en France en 1944
puis, retrouvailles avec l’Algérie
à partir de 1946. Claudine, alors
âgée de 17 ans, rejoint les bancs
de la Faculté des Lettres d’Alger
et a comme professeur André
Mandouze, venu en Algérie pour
préparer une thèse sur Saint-Augustin. Mandouze, connu pour
son franc-parler et ses idées anticolonialistes – il sera signataire du
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Guerre de libération
Histoire
« Manifeste des 121 » (texte signé
en 1960 par des intellectuels français qui dénoncent la guerre), et finira par être expulsé d’Algérie par
les autorités coloniales –, fera fort
impression sur la jeune femme qui
s’intéressera, elle aussi, aux luttes
de ce peuple opprimé. Claudine, de
plus en plus engagée dans ses idées
et ses positions, milite intensément
pour la cause algérienne, en participant notamment à la réalisation de
la revue Consciences algériennes.
Alors qu’elle retourne en 1952,
à Paris pour suivre des cours d’ethnologie à la Sorbonne, elle n’hésite
pas à prendre sous son aile plusieurs émigrés algériens, auxquels
elle dispense des cours du soir.
Rencontre avec
Pierre Chaulet
Le 21 décembre 1954, quelques
semaines après le déclenchement
de la guerre de libération nationale,
elle rencontre au domicile d’André
Mandouze, à Hydra celui qui deviendra son époux : Pierre Chaulet, jeune interne en médecine, très
engagé dans l’action sociale, en
contact avec les indépendantistes.
Les deux jeunes militants discutent
du contenu du dernier numéro de
la revue, de cet échange naîtra une
étincelle. Elle écrira encore à propos de cette soirée dans le livre Le
choix de l’Algérie : « Ce soir-là sont
venus les deux Pierre (Chaulet et
Roche) et deux personnes non prévues qui avaient besoin d’asile, Abdelhamid Mehri et Salah Louanchi
(…) Quand vers la fin de mon séjour, le 6 janvier 1955, Pierre Chaulet m’a demandé si j’étais d’accord
pour continuer avec lui, j’ai dit oui.»
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Claudine et Pierre Chaulet
( 87 )
www.memoria.dz
Guerre de libération
Histoire
Le couple qui partage beaucoup de points communs décide
de sceller son union par un mariage catholique qui sera célébré
le 12 septembre 1955 en l’église
d’Hussein-Dey, cérémonie officiée par le Père Jean Scotto.
Un couple au cœur
de la guerre d’Algérie
Unis pour le meilleur et pour
le pire, Pierre et Claudine Chaulet
entreront ensemble et de plainpied dans la guerre de libération
nationale. Aux côtés d’autres militants nationalistes, ils se joindront
au combat de tout un peuple pour
recouvrer son indépendance.
« J’étais syndicaliste en essayant
de défendre les intérêts des étudiants. J’avais compris que le 1er
Novembre était un événement extraordinaire qui allait donner enfin un sens aux luttes. C’est donc
tout naturellement que je me suis
engagée aux côtés de Pierre...»,
confiera-t-elle encore dans son
ouvrage-témoignage.
Au mois de septembre 1955,
le couple rencontre Abane
Ramdane, l’un des dirigeants du
Front de libération nationale. Il
sera décrit dans le livre des Chaulet comme un homme « un peu
enveloppé, très sympathique et
direct ». Il leur pose alors la question de confiance : « Est-ce que
l’organisation peut compter sur
vous ? » Ils répondent séparément
par l’affirmative.
L’organisation leur confie plusieurs tâches : transport de tracts,
évacuations de militants recherchés par les forces coloniales, ainsi
que d’autres missions délicates que
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
les auteurs racontent dans leur ouvrage. On leur confiera même le
transport de la plate-forme de la
Soummam que Claudine cachera
dans les langes de son bébé et
la délicate mission d’exfiltration
d’Abane Ramdane.
En effet, tandis que son époux
est arrêté le 27 février 1957 par
les policiers de la Direction de la
surveillance du territoire (DST),
Claudine se retrouve seule chargée de l’exfiltration d’Abane
Ramdane. Toujours accompagnée
de son bébé, elle aide le dirigeant
FLN à sortir de la capitale alors
quadrillée par les parachutistes
français. Au volant de sa 2 CV,
elle lui fait rallier Blida et ce n’est
qu’une fois sa mission accomplie
qu’elle peut enfin se laisser aller et
pleurer l’arrestation, le même jour,
de son époux.
A la libération de Pierre et à
la suite de son expulsion d’Alger,
le couple part en France pour
quelque temps, avant de rejoindre
la Tunisie. Claudine enseigne à la
faculté de lettres et sciences humaines et poursuit des recherches
en sociologie rurale dans la région
de l’Enfida.
Sous la contrainte d’un exil forcé, le combat se poursuit plus âpre
et plus engagé que jamais à partir
de Tunis jusqu’en 1962.
Au lendemain de l’indépendance, le couple décide de rester
dans ce pays qu’ils ont choisi de
défendre au péril de leur vie.
Pierre, médecin, travaille dans
le secteur de la santé, tandis que
son épouse rejoint l’Institut national de la recherche agronomique.
Elle est fondatrice du Centre national de recherche en économie
( 88 )
et en sociologie rurales qui mène
des enquêtes dans les domaines
autogérés (elle publiera en 1980
: La Mitidja autogérée. Enquête
sur les exploitations autogérées
agricoles d’une région d’Algérie,
1968-1970) puis dans les coopératives de la Révolution agraire
jusqu’en 1975. La même année,
elle est enseignante à l’Institut de
sociologie et chercheur au Centre
de recherche en économie appliquée (CREA), et responsable de
l’équipe « Economie et sociologie
rurale ». Elle soutient sa thèse de
Doctorat en 1984, avant de devenir maître de conférences, professeur de sociologie à l’Institut
de sociologie puis directrice de
recherches au CREAD jusqu’en
1994.
Au milieu des années 1990,
alors que l’Algérie sombre dans
les abysses de la violence terroriste, Pierre et Claudine Chaulet
quittent le pays pour quelques
années. A leur retour en 1999,
Claudine continue à encadrer des
thèses de magistère en sociologie.
Elle prend sa retraite en 2010.
Quelques mois après la parution de Le choix de l’Algérie aux
éditions Barzakh en 2012, Pierre
décède, il est aujourd’hui rejoint
par son épouse.
C’est du sommeil des justes que
Claudine et Pierre reposent désormais au cimetière d’El Madania.
Hassina Amrouni
Sources :
*Divers articles de la presse nationale
Supplément N° 41- Novembre 2015.
Par Hassina Amrouni
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
Située à quelque 70 km à l’ouest d’Oran, au
confluent des oueds Senane et Témouchent,
la ville d’Ain-Temouchent occupe une place
stratégique, en raison de sa proximité avec
trois grandes villes de l’ouest algérien, à
savoir Oran, Sidi Bel Abbes et Tlemcen.
L
a ville tire son nom du berbère
Thala N’ Touchent qui signifie
« Source du chacal ». D'ailleurs,
les Témouchentois l'appellent
« Aïn el diba ». Elle changera ensuite de
nom, au fil des occupations et des invasions.
Présence humaine millénaire
Lors de fouilles archéologiques opérées
sur le site d’El-Malah entre 1900 et 1910,
des vestiges datant de la préhistoire, notamment des ossements humains, ont été
découverts, prouvant que la région a été
habitée depuis les temps immémoriaux. Les
restes de « l'homme de Rio Salado » mis au
jour, appartiennent au type dit de Mechta,
qui vivait dans les grottes du mont Sidi Kacem, massif surplombant l'actuel village de
Terga, il y a de cela 50 000 ans.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 90 )
Vers le IIe siècle avant notre ère, entre
1600 et 1200 avant J.-C., arrivent les Phéniciens. En débarquant sur les rives de la
Méditerranée, ils vont établir un comptoir
commercial qui va permettre à Sufat – nom
qui lui sera donné par les Phéniciens – de
s’ouvrir aux autres cités du pourtour méditerranéen.
Les Romains arrivent à Sufat vers la fin
du Ier siècle. Seius Avitus, procurateur de
l’empereur romain Hadrien, érige en 119
des fortifications militaires afin de se prémunir contre les attaques ennemies. Sufat
sera rebaptisée « Proesidim Surfative » puis
se développera pour devenir une grande cité
romaine répondant au nom d’Albulae (ville
blanche). Ainsi, celle qui, au départ, n’était
qu’un poste militaire finit par s’étendre,
donnant ainsi à l’administration civile le relais. La région s’ouvre alors au commerce et
à l’agriculture. La cité prospère jusqu’à l’in-
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
vasion des Vandales, connus pour semer
la destruction sur leur passage. Tentant de
faire face au chaos imposé par les troupes
d’Hunéric, les Berbères multiplient les révoltes mais ils ne parviennent pas à sauver
grand-chose, le vandalisme est passé par
là. Les Byzantins leur succèdent apportant
leur lot de changement et imposant leurs
mutations sociales.
Arrivée des Arabes
Lorsqu’il investit l’Oranie en 699, Sidi
Okba parvient à convertir à l’islam une
bonne partie de la population berbère.
Il rencontre dans un premier temps
une farouche résistance de la part de
la population autochtone de confession
chrétienne mais cette dernière finira par
cohabiter avec ces nouveaux arrivants,
plutôt que de livrer une nouvelle fois ba-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
taille. Après leur installation, les Arabes
construisent le Ksar Ibn Senan qui sera
décrit par l’historien Al Bakri dans un
de ses ouvrages comme étant entouré
d’agréables jardins arrosés par l’Oued
Senan.
La vie suit son cours, sans trop de
bouleversements jusqu’à ce qu’un gros
tremblement de terre, survenu au VIIe,
siècle finit par raser la ville.
Bien qu’on ne sache pas beaucoup sur
la période qui va suivre, les historiens
rapportent que les Zenata, notamment
la tribu des Maghraoua – qu’on a dit de
confession chrétienne – va occuper AinTemouchent et s’attaquer sous la houlette
de son chef Khâlid, à une armée arabe
dans une bataille appelée « Combat des
Nobles » et qui se soldera par la mort du
chef fihrite et de plusieurs personnalités
de la noblesse arabe qui l’a soutenu lors
( 91 )
Histoire
d'une
ville
Ain Témouchent
La ville de Aïn Témouchent
www.memoria.dz
Histoire
d'une
ville
Le mausolée royal de Syphax
de ce combat. Ain-Temouchent sera soumise aux Idrissides puis aux Omeyyades
de Cordoue, mais cette dernière se dispute
la région avec les Beni Ifren. Bénéficiant
d’une paix relative grâce à l’intervention
d’un marabout, Ain-Temouchent vivra
à nouveau dans le remous avec la crise
Fatimide et l’arrivée des Almoravides
dans la région à partir de 1070 auxquels
succèderont les Almohades. Après l’invasion hilalienne, les Beni Ameur viennent
s’installer à Ain-Temouchent. Alliée des
Espagnols qui se dirigent vers Tlemcen,
cette tribu soutiendra en 1542, Hassan
Pacha qui tente de reprendre la capitale
des Zianides, tentative qui se soldera par
un échec. Confrontée une nouvelle fois
aux Turcs, elle parviendra finalement à
connaître la paix pendant près de deux
siècles.
Une mosquée d'Aïn Témouchent
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 92 )
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Après la prise d’Alger par le nouveau
colonisateur français, la population autochtone se soulève un peu partout à travers le
pays. Les Beni Ameur dont le chef, Si Mahieddine, n’est autre que le père de l’Emir
Abdelkader vont s’organiser sous la houlette de ce dernier et attaquer en mai 1831,
la garnison d'Oran tenue par les Français,
une tentative infructueuse qui sera suivie
de beaucoup d’autres, menées pendant 17
ans par l’Emir. C’est d’ailleurs à la suite
des accrochages du 6 juillet 1836 entre
les hommes de l’Emir Abdelkader et les
troupes françaises que le général Bugeaud
décide de brûler Ain-Temouchent en signe
de représailles. Les Béni Ameur répliquent
avec force, obligeant les Français à engager des pourparlers qui aboutiront à la
signature, le 30 mai 1837, du Traité de
la Tafna, reconnaissant par là la souveraineté de l’Emir sur une bonne partie
de l’Algérie mais préservant, toutefois,
Ain-Temouchent et ses camps fortifiés,
la région étant jugée trop stratégique.
Le 26 décembre 1851, un décret signé par le président français, le prince
Bonaparte va permettre la création d’un
centre de population à la place du camp
militaire implanté initialement.
La ville est d’abord circonscrite dans
l’enceinte fortifiée, avant de voir, dès
1887, la création d’autres quartiers,
élargissant ainsi la ville vers le nord, le
nord-ouest et sud-ouest.
Les colons français et européens
commencent à s’installer dans la région dès 1848, la ville offrant de plus
en plus de commodités de vie et, deux
ans plus tard, le général Pelissier, commandant de la province d’Oran décide
de l’établissement d’un « centre de 300
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
( 93 )
Ain Témouchent
Aïn-Témouchent brûle
feux » (foyers). Une année plus tard, Ain-Temouchent compte déjà 420 Européens, une
population qui ira
en grossissant
puisqu’un
recensement établi
en
1869 fait
état de
l’installation
de 2492
Européens
dans
la
région
contre
Histoire
d'une
ville
www.memoria.dz
Histoire
d'une
ville
Ain Témouchent
L'ancien marché hebdomadaire
1737 Algériens et 333 Israélites, chiffre qui
passera en 1926 à 8915 Européens contre
4994 Algériens, soit le double.
Les occupants étrangers qui prennent
possession des terres et des richesses de
la population locale vont se lancer dans la
culture de la vigne, une culture qui fera la
réputation de la ville.
Déclenchement de la
lutte armée
Au lendemain du déclenchement de
la guerre de libération nationale, Ain-Temouchent entre de plain-pied dans la lutte
envoyant ses plus valeureux fils rejoindre
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 94 )
les maquis de l’Armée de libération nationale. Parmi ses courageux hommes, sacrifiés sur l’autel de la liberté figurent les martyrs Amor Ahmed, compagnon d'Ahmed
Zabana, Berrahou Abdelkader dit Kada
tombé au champ d'honneur, Maghni Sandid Fatma et d’autres encore.
Hassina Amrouni
Source :
http://temouchent-info.com
http://algerie-belle.skyrock.com/
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Par Hassina Amrouni
Histoire
d'une
ville
Fenêtre ouverte sur
le passé, le patrimoine
archéologique d’Aïn-Témouchent, qu’il soit à
ciel ouvert ou conservé
dans les musées, renseigne sur l’histoire
millénaire de toute la
région.
O
La colline Skouna
utre les vestiges conservés
au musée Ahmed Zabaha
d’Oran, à l’instar des deux
chapiteaux dits de la déesse
Maura, mis à jour en 1893,
sur le même terrain où fut exhumé quelques
années auparavant le document épigraphique
commémorant la restauration du temple de
cette déesse à Albulae ou encore cette stèle
chrétienne datant du Ve siècle, il existe à AïnTémouchent d’autres vestiges historiques
méritant une prise en charge effective des
autorités concernées afin de les préserver et
permettre leur transmission aux générations
futures.
Tamembrit
Site archéologique de Siga
Cette cité antique, jadis capitale numide,
devenue ensuite ville romaine est située au
lieu-dit Takembrit, sur la rive gauche, non
loin du fleuve Tafna, commune d'Oulhaça
El Gheraba.C’est au sommet de la colline
« Skouna » à 220 mètres d’altitude que se
trouve le site archéologique et historique.
Bien que le nom de Siga ait été cité dès
le IVe siècle avant J.-C. par plusieurs auteurs comme Polybe, Pline l'ancien, Strabon, ou Pomponius Mela, il n’en demeure
pas moins qu’on ne sait pas trop de choses
sur ce site, si ce n’est ce que les fouilles ont
révélé. C’est dans les années 1930 que des
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 96 )
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Histoire
d'une
ville
chercheurs commencent à manifester
de l’intérêt pour ce site. En 1937, plus
exactement, Pierre Grimal y effectue
les premières fouilles. Il note dans ses
recherches que la population de Siga
avoisinait durant la période antique
quelque 8000 habitants. Par ailleurs,
il relèvera l’existence d’édifices érigés
en hauteur. «Sur plus de 4,50m, je n’ai
pas rencontré le sol vierge», écrira-t-il.
Il ajoutera, par ailleurs, que parmi les
vestiges et objets mis au jour, certains
appartenaient à la période numide et
d’autres à la civilisation romaine.
En 1978, d’autres fouilles archéologiques seront engagées par une équipe
algéro-allemande où des vestiges seront mis au jour. Ainsi, ont été décou-
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Ain Témouchent
Le mausolée royal de Syphax
Ruines de Siga situées au
lieu-dit Takembrit, commune
d'Oulhaça, El-Gheraba
( 97 )
www.memoria.dz
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
verts les restes d’une habitation composée
de plusieurs pièces, des gravures murales,
des outils agricoles et hydrauliques, ainsi
que des pièces de monnaies frappées à
l’effigie du roi Syphax et de son fils Firmin, la toute première monnaie d’Afrique
du Nord. Mais depuis, le site n’a pas révélé
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 98 )
d’autres secrets. Classé monument national en 2014, il a été inscrit dans le plan de
protection et de mise en valeur des sites
archéologiques adopté la même année
par l’APW d’Ain-Temouchent. Pourtant,
il continue à être exposé à des actes de
vandalisme et de pillage d’où la sonnette
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Histoire
d'une
ville
Ain Témouchent
Un paysage féérique de la côte témouchentoise
d’alarme tirée par plusieurs associations locales, à l’instar des « Amis de
Beni Saf », « Siga » ou encore l’Office
du tourisme de Beni Saf pour que les
autorités compétentes agissent au plus
vite pour que le site soit enfin protégé.
Dernièrement une équipe de chercheurs tchèques a été dépêchée sur les
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
lieux afin d’établir un premier diagnostic, avant que ne soient envisagées voire
engagées d’autres actions concrètes en
vue de réhabiliter ce site.
Hassina Amrouni
( 99 )
www.memoria.dz
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
Mausolée royal de Syphax
Urgence d’une réhabilitation
Situé au sommet de la colline Skouna, sur la rive droite de
la Tafna et surplombant à 220 m d’altitude le site de SigaTakembrit, le mausolée royal de Syphax est désigné par les
habitants de la région sous l’appellation de « Karkar laâraïess
» car pendant longtemps, il a attiré les jeunes mariées qui, le
jour de leurs noces, venaient faire le tour du mausolée, suivies de leurs cortèges nuptiaux.
En dépit de son importance, ce monument n’a pas
joui de l’intérêt qu’il aurait mérité, ne bénéficiant
que d’une fouille préliminaire effectuée à la veille
de l’indépendance. Cependant, il est régulièrement
visité par des pilleurs, en quête d’un éventuel trésor.
Le monument fut dégagé et fouillé par G. Vuillemot au début
des années soixante. Avant cette date, il était enfoui sous un
volumineux amas de bloc de pierres que les habitants de la
région désignaient sous l’appellation d’El Kerkoub ou El Kerkar.
Bien que des études poussées restent nécessaires
pour déterminer avec un peu plus d’exactitude toute
l’histoire liée à ce monument funéraire, le mausolée
dédié à l’aguelid Syphax qui régna sur le royaume
Massaessyle, mérite plus d’attention de la part des
autorités compétentes.
Hassina Amrouni
Sources :
- http://algerie-belle.skyrock.com/
-Divers articles de presse
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 100 )
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Par Hassina Amrouni
Histoire
d'une
ville
Ain Témouchent
L’île de Rachgoun, également appelée Layla, est située à 2 km au large de la côte oranaise.
S
’étendant sur une superficie
de 26 hectares, l’île plonge à
plusieurs centaines de mètres
dans les profondeurs de la
mer.
Figurant parmi les sites classés au patrimoine historique d’Ain-Temouchent,
elle semble avoir été habitée depuis la
préhistoire même si les objets exhumés
par les archéologues et chercheurs lors
de fouilles effectuées sur ce promontoire
rocheux ne remontent qu’au 7e siècle av.
J.-C., avec le débarquement des Phéniciens sur cette rive de la Méditerranée. Il
s’agit essentiellement de céramiques qui
ont permis une datation exacte.
La sentinelle de Rachgoun
Culminant à 81 mètres au-dessus du
niveau de la mer, le phare de l’île de Rachgoun a été érigé en 1870. D’une hauteur de quinze mètres, ses deux flashs,
oscillant toutes les 20 secondes, possèdent par beau temps une portée de 16
miles (29 km). Muni d'un système de
fonctionnement à double alternative –
l'énergie solaire générée par les rayons
solaires et l'énergie électrique produite
par un groupe électrogène –, il guide
les bateaux transitant par cette partie du
golfe de Ghazaouet.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 102 )
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Un statut de réserve naturelle ?
Hormis les quatre gardiens chargés de se
relayer pour faire fonctionner le phare,
l’île de Rechgoun est fort heureusement
inhabitée. Véritable réserve naturelle, elle
renferme une large variété de plantes et
d’animaux dont certaines sont menacés de
disparition. D’où l’idée de son classement
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
au statut de réserve naturelle maritime
qui a émergé en 2000 afin de la préserver
du braconnage. En juillet 2008, la DGF
(Direction générale des forêts) entreprend
des démarches pour proposer le classement de l'île de Rachgoun comme zone
humide ou site Ramsar. Pour cela, l’étude
d'expertise est confiée au Pr Semraoui
dont la mission consiste à observer la biodiversité de l'île. Le chercheur relèvera, au
( 103 )
Histoire
d'une
ville
www.memoria.dz
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
cours de son expédition, la grande variété
d’espèces (faune et flore) répandues sur
l’île mais dont certaines sont menacées de
disparition. Le premier constat établi par
le chercheur est un déséquilibre de l’écosystème, en raison d'une surpopulation de
goélands et la présence d'une décharge à
ciel ouvert. Mais selon lui, l’île demeure
un site extraordinaire avec un patrimoine
maritime d'une grande richesse. Malheureusement, des espèces ont déjà disparu,
comme le dauphin, le phoque-moine ou
encore la tortue marine et ce, à cause des
actions malveillantes de l’homme qui
s’adonne au braconnage sans penser aux
conséquences de tels actes. D’ailleurs, des
membres de la fondation Nicholas Hulot
avaient eux aussi alerté les autorités lo-
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 104 )
cales, lors de leur passage sur l’île en 2006
afin de prendre des mesures urgentes. Au
terme de son expertise, le Pr Samraoui
a insisté sur la nécessité du classement
de cette île. Bien évidemment, cela doit
se faire dans le strict respect des normes
écologiques pour ne pas altérer les spécificités environnementales du site. Lors
de sa récente visite ministérielle, Amar
Ghoul, ministre de l’Aménagement du
territoire, du Tourisme et de l’Artisanat,
avait qualifié l’île de « bijou à valoriser et
à réhabiliter ». La balle est désormais dans
le camp des décideurs !
Hassina Amrouni
Source :
Divers articles de la presse nationale
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Par Hassina Amrouni
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
Petit village de la commune d’Oulhaça, dans la wilaya
d’Ain-Temouchent, Sidi Yacoub est surtout connu pour
sa célèbre mosquée.
C
onstruite en 1338 par Sidi
Yacoub bnou el Hadj el
Tlemçani, un des descendants de Fatima-Zahra,
fille du Prophète Mohamed
(QSSSL), elle sera destinée à l’enseignement du Coran aux habitants du village et
à ceux alentour.
Sidi Yacoub est né à Tlemcen vers la
fin du XIIIe siècle, sous le règne du prince
Abdelwadide Abou Said Othman (12821303). C’est dans sa ville natale qu’il entame son cursus scolaire, étudiant le Coran, dès l’âge de 8 ans, notamment auprès
de son père El-Hadj. Plus tard, il étudiera
les sciences islamiques et approfondira ses
connaissances en jurisprudence, surtout à
Fez, alors capitale des Mérinides. De retour chez lui, il exerce d’abord la fonction
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 106 )
de cadi avant de s’installer, dès la première
moitié du XIVe siècle, à Oulhaça, non loin
d’une plage caillouteuse (aujourd’hui plage
Sidi Yacoub). Il avait alors pour habitude
de faire face à la mer et de méditer. On
raconte qu’un jour, alors qu’il se trouvait
sur le sommet de la falaise, il vit un voilier
espagnol, pris au cœur des vagues. L’ancre
est jetée et un canot se dirige vers le rivage. Une fois à terre, les marins demandèrent à Sidi Yacoub : « Serais-tu marabout et aurais-tu jeté un sort contre nous
?», ce à quoi il répondit : « Pas du tout. Je
cherche seulement à me procurer du bois
de construction ». Ils ajoutèrent alors : «
Aide-nous et nous t’en ramènerons à notre
prochain voyage », il rétorqua : « Pas la
peine, quand vous serez en Espagne, mettez le bois en pile, liez-le puis jetez-le à la
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Histoire
d'une
ville
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Ain Témouchent
mer en disant : pour toi sidi Yacoub ! Et
cela me parviendra ». Ils repartirent et,
une fois arrivés à bon port, ils lui firent
parvenir le bois demandé.
Ce matériau servira à la construction d’une mosquée de « forme carrée,
au style andalou et maghrébin avec une
toiture à 3 rangées parallèles soutenues
par des arcades en cintre brisé et de gros
piliers. Le plafond est en arbalétrier et
en bois sculpté, semblable à ce qu’on voit
à Fez et à Tlemcen, datant de la période
mérinide et zianide. »
Une fois achevée, Sidi Yacoub y passera beaucoup de temps. La mosquée
faisait face à la mer et son emplacement
était stratégique, notamment au plan militaire, d’ailleurs, elle sera, un temps, un
point de surveillance contre les attaques
ennemies qui venaient de la mer. A ce
titre, un jour de l’année 1503, des pirates
portugais, à bord de sept voiliers, tenteront une incursion mais les villageois,
aidés des habitants de la région parviendront à les repousser.
Il se consacra dès lors à l’enseignement du Coran et des préceptes de l’islam
et les habitants d’Oulhaça, Béni Khaled
et Médiouna viendront s’instruire et
s’abreuver à la source de son savoir. Versé également dans le soufisme, il éclairait ses congénères de ses connaissances
de jurisconsulte, devenant rapidement
un saint adulé et respecté pour sa foi, sa
sagesse et son altruisme.
Sidi Yacoub mourut en 1410 et c’est
son fils Ali, après lui son petit-fils fils
Sidi Berramdane El-Khalifa et tous les
autres descendants qui poursuivront sa
mission.
Connue dans toute la région, la zaouïa
de Sidi Yacoub accueillera de grands
noms, à l’image de l’Emir Abdelkader,
( 107 )
www.memoria.dz
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
son bras droit El-Bouhmidi ElOulhaçi, cheikh El-Bouabdelli de
Bethioua (Arzew).
Durant la colonisation, la zaouïa
jouera un grand rôle puisque c’est là
que les troupes de l’Emir Abdelkader parviendront à venir à bout des
forces coloniales françaises, en 1836
lors de la bataille de Sidi Yacoub.
Au lendemain du déclenchement de
la guerre de libération en 1957, la
mosquée de Sidi Yacoub servira de
cachette pour les djounoud. Repérée,
elle sera bombardée par l’aviation et
de nombreux combattants périront
en martyrs. La mosquée sera en partie rénovée et ce, grâce à l’engagement des habitants et des fidèles. La
zaouïa est aujourd’hui au cœur de la
vie cultuelle d’Oulhaça.
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 108 )
En visite dernièrement dans la
région, Azzedine Mihoubi, ministre
de la Culture, a fait savoir que le dossier de classement de la zaouïa de
Sidi Yacoub sera soumis prochainement à son département ministériel
par la Direction de la culture de la
wilaya afin que le site soit examiné
par des experts qui se prononceront
ensuite sur son classement en tant
que site protégé.
Hassina Amrouni
Source:
http://oulhassa.e-monsite.com/
Livre de Said MOUAS (Ain Témouchent à la recontre
du feu sacré)
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Bellemou
Cheb Nasro
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
Connue pour être la ville du raï, Ain-Temouchent
a donné à la scène artistique algérienne quelques
grands noms de la chanson qui, vivants ou disparus,
continuent à en être les dignes ambassadeurs.
C
onsidéré comme l’une des
sommités du chi’îr el melhoun, le parcours de Hadj
Khaled Belbey reste méconnu
des profanes. Né en 1850 à
Oued-Sebbah (commune mixte d'Ain-Temouchent), Khaled Belbey était un poète
populaire et soufi dont le style était proche
du genre fassih (classique). Epris de savoir,
il effectue, après son pèlerinage à la Mecque,
un séjour à Damas puis à Baghdad afin
d’approfondir ses connaissances. De retour
dans sa ville natale, il entreprend dès 1910
l’enseignement du Saint Coran mais il se
lance également dans l'écriture de poèmes
au style épuré et au vocabulaire recherché.
Des poèmes qui feront sa large réputation,
même après sa mort survenue le 1er mai
1914 à Ain-Temouchent.
Il faut savoir que Blaoui El Houari a
composé et chanté l’un de ses poèmes, tandis que le regretté Abdelkader Alloula préparait un travail sur ce grand poète, malheureusement le projet restera inachevé, le
dramaturge ayant été happé par la mort.
Bellemou
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 110 )
Supplément N° 41 - Novembre 2015.
Bellemou, « père du raï moderne »
Né en 1947 à Ain-Temouchent, Messaoud Bellemou est un raïman dont l’intérêt
pour la musique a commencé à se manifester vers l’âge de 10 ans, avec une exécution
quasi parfaite de morceaux musicaux au clairon. Henri Coutan décèlera en lui les qualités d’un futur grand trompettiste. Durant
la guerre de libération nationale et au lendemain de l’indépendance, le jeune homme
continue à apprendre sur le tas, s’engageant
dans la voie du raï, style propre à la région,
avec la flûte, le guellal et la percussion longiligne. Il assistait aux cérémonies et qaâdate
dans tout l’Oranie pour écouter les cheikhs
et cheikhate du raï traditionnel, à l’image
de Cheikha Ouachma, Cheikha Bekhta ou
Cheikh Brahim.
LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE
Vers l’âge de 18 ans – et alors qu’il a atteint une belle maîtrise de son instrument
–, il décide de remplacer la flûte, considérée comme l'âme du raï, par la trompette. De 1964 à 1968, il reprend avec son
instrument des morceaux du blues oranais. C’est la naissance du pop-raï. Bellemou, qui commence à se faire doucement
connaître, sillonne toute la région du sudouest oranais malheureusement sa petite «
révolution » musicale n’accroche pas tous
les mélomanes.
Mais il ne baisse pas pour autant les
bras, convaincu qu’il parviendra à rallier
d’autres musiciens à sa cause. Il recrute
des musiciens, en l’occurrence Hamani
Hadjoum et Younès Benfissa. Il enregistre
un premier album qui sort en 1973 et Sidi
H’bibi figurera parmi les premiers succès.
L’opus sera suivi de beaucoup d’autres.
( 111 )
Ain Témouchent
Bellemou et sa troupe
Histoire
d'une
ville
www.memoria.dz
Ain Témouchent
Histoire
d'une
ville
Cheb Nasro
Bellemou finira par faire des émules dont
Khaled, Cheb El-Hindi, Cheba Fadéla,
Cheb Sahraoui, Cheb Hamid et on en oublie
encore.
Digne héritier de ses aînés, Nasreddine
Souidi, plus connu sous son nom d’artiste
Cheb Nasro, est également natif d'Ain-Temouchent. Il y a vu le jour en 1969. Ayant
grandi à Oran, la capitale, il ne pouvait
qu’être épris par cette musique qu’il découvrira très jeune et dont il commencera à interpréter des morceaux durant la période du
lycée. Encouragé par son voisin, le célèbre
chanteur de raï de l'époque Cheb Zehouani,
Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .
( 112 )
Nasro entreprend de chanter dans les cérémonies familiales avant d’envisager une carrière un peu plus professionnelle. Enregistrant son premier album à l’âge de 18 ans,
suivi de plusieurs autres, le public se rallie de
plus en plus autour de son style sentimental.
Influencé par Bellemou, il continuera à
proposer un raï qui plaît beaucoup au public.
Installé depuis le début des années 2000 aux
Etats-Unis, il continue à faire des apparitions épisodiques sur scène.
Hassina Amrouni
Supplément N° 41 - Novembre 2015.