NON-REPRÉSENTATION D`ENFANT : DES SOLUTIONS

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NON-REPRÉSENTATION D`ENFANT : DES SOLUTIONS
NON-REPRÉSENTATION D’ENFANT : DES SOLUTIONS NOUVELLES ?
Les problèmes rencontrés dans l’exécution des décisions judiciaires en matière
d’hébergement d’enfant sont humainement extrêmement délicats et parfois difficiles
à aborder juridiquement.
Lorsque les décisions de justice ne sont pas exécutées, la partie victime de la nonreprésentation d’enfant se trouvait, avant la réforme de la loi du 18 juillet 2006,
particulièrement démunie.
Avant la réforme de 2006
D’une part, elle pouvait déposer plainte au pénal pour non-représentation d’enfant
(articles 431 et 432 du Code pénal) et solliciter condamnation du prévenu à des
peines correctionnelles … avec le désavantage de crisper encore les relations
avec le parent récalcitrant et l’inconvénient lié à la lenteur de la procédure (longues
investigations souvent nécessaires, encombrement du rôle, récidive éventuelle, …).
Pendant tout ce temps, l’enfant risquait d’être victime de la manipulation du parent
gardien et même, dans certains cas, subir un syndrome d’aliénation parentale
(G.Hiernaux, « La loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l’hébergement égalitaire
de l’enfant dont les parents sont séparés et réglementant l’exécution forcée en
matière d’hébergement », REV.TRIM.DR.FAM., Larcier, 1/2007, p.44 ; M.Mareschal,
« L’article 387 ter du Code Civil ou le renforcement de la complexité procédurale en
matière familiale », ACT.DR.FAM., Kluwer, 2008/4,p.69).
D’autre part, l’astreinte pouvait également être envisagée comme moyen de
contrainte.
Se posaient cependant deux problèmes par rapport à celle-ci.
Si certains magistrats accueillaient favorablement la demande de condamnation au
paiement d’une astreinte, formulée de manière indépendante et ultérieurement à la
demande principale d’hébergement, d’autres déclaraient irrecevables les demandes
d’astreinte aux motifs que l’astreinte n’était que l’accessoire de la demande
principale relative à l’hébergement pour laquelle ils avaient déjà vidé leur saisine par
une décision définitive (B. Compagnon, « L’astreinte et le droit de la famille », DIV.
ACT., 2005, pages 72 – 73, G. de Leval, et J. Van Compernolle, « Les problèmes
posés par l’exécution de l’astreinte », 10 ANS D’APPLICATION DE L’ASTREINTE,
actes du colloque organisé le 26.10.1991 par l’ASBL C.I.E.AU, Bruxelles, Créadif,
1991, pages 244 – 245).
En outre, ce moyen pouvait se révéler peu efficace notamment lorsque le parent
condamné était insolvable (D.Pire, « La nouvelle loi sur l’hébergement égalitaire »,
DROIT DES FAMILLES, CUP, Anthémis, 2007, p.212).
Enfin, la reprise forcée de l’enfant constituait la 3ème voie possible … qui se heurtait
cependant aux réticences de certains magistrats, eu égard à l’incidence psychique
éventuelle de cette mesure sur l’enfant (Maya Maréchal, OP.CIT., p. 69).
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Avant la réforme du 18 juillet 2006, les Huissiers de Justice avaient reçu pour
instructions de leur Chambre Nationale de ne pas procéder à une « reprise d’enfant ».
Une directive du Conseil Permanent de la Chambre Nationale des huissiers de
justice du 21 mars 1996 prévoyait qu’en cas de refus, il n’appartenait pas à l’huissier
de justice d’exécuter physiquement la décision. Tout au plus, devait-il en dresser le
constat pour ensuite se retirer.
Ce constat devait alors être dénoncé au Parquet dans la mesure où il constituait une
infraction pénale.
Le Conseil Permanent estimait qu’il appartenait au Parquet de rétablir l’ordre public
au besoin mais qu’il n’appartenait pas à l’huissier de justice de trancher le problème.
(Voir Audition de M. MIGNON, Président de la Chambre Nationale des Huissiers de
Justice, rapport fait au nom de la sous-commission « Droit de la famille », page 157,
cité par D. Pire, OP.CIT., page 212 ; cité également par G. Hiernaux, OP.CIT., page
52).
L’article 387 ter nouveau
L’article 4 de la loi du 18-07-2006 insère un article 387 ter §1 dans le Code civil
disposant que :
Lorsque l’un des parents refuse d’exécuter les décisions judiciaires relatives à
l’hébergement des enfants ou au droit aux relations personnelles, la cause peut être
ramenée devant le juge compétent.
Par dérogation à l’article 569 5ème du Code judiciaire, le juge compétent est celui qui
a rendu la décision qui n’a pas été respectée, à moins qu’un autre juge n’ait été saisi
depuis, auquel cas la demande est portée devant ce dernier.
Le juge statue toutes affaires cessantes.
Sauf en cas d’urgence, il peut notamment :
- procéder à de nouvelles mesures d’instructions telles qu’une enquête sociale
ou une expertise,
- procéder à une tentative de conciliation,
- suggérer aux parties de recourir à la médiation telle que prévue à l’article 387
bis.
Il peut prendre de nouvelles décisions relatives à l’autorité parentale ou à l’hébergement
de l’enfant.
Sans préjudice des poursuites pénales, le juge peut autoriser la partie victime de la
violation de la décision visée à l’alinéa 1er à recourir à des mesures de contrainte.
Il détermine la nature de ces mesures et leurs modalités d’exercice au regard de
l’intérêt de l’enfant et désigne, s’il l’estime nécessaire, les personnes habilitées à
accompagner l’huissier de justice pour l’exécution de sa décision.
Le juge peut prononcer une astreinte tendant à assurer le respect de la décision
à intervenir et, dans cette hypothèse, dire que pour l’exécution de cette astreinte,
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l’article 1412 du Code judiciaire est applicable. La décision est de plein droit
exécutoire par provision ».
Une commission « Magistrats - Avocats », s’est réunie à l’initiative de Madame
Catherine GOUGNARD, présidant la 14ème Chambre du Tribunal de la Jeunesse de
Charleroi, à plusieurs reprises afin de faire le point sur l’application de cette loi plus
de 2 ans après son entrée en vigueur.
Furent entendus des membres du Parquet, des huissiers de justice. Des
pédopsychiatres furent interrogés.
Que retenir de ces débats ?
Une loi méconnue
D’une part que la loi est mal connue et peu utilisée par les avocats.
Très peu de décisions furent prononcées en la matière par les Tribunaux de la
Jeunesse de Charleroi et aucune par la Cour d’Appel de Mons, interrogée sur la
question.
A noter cependant une décision prononcée par la 13ème chambre du Tribunal de
la Jeunesse de Charleroi, en date du 18-06-2008 (décision inédite déposée à la
bibliothèque du Barreau de Charleroi).
Le Tribunal avait été saisi sur base d’une requête (l’article 387 ter § 3 du Code Civil)
déposée par le père de deux enfants.
Ce dernier avait obtenu, par jugement un an plus tôt l’hébergement principal de
ses enfants, jugement octroyant provisoirement à leur mère un droit aux relations
personnelles les 1er, 3ème et 5ème samedis du mois, de 10hrs00 à 16hrs00.
La mère des enfants, avait décidé, en méconnaissance totale de la décision judiciaire
prononcée de ne pas rendre un des enfants au père.
Malgré un courrier officiel adressé par le conseil du père à la mère des enfants,
malgré diverses démarches amiables tentées en vain, malgré un dépôt de plainte,
… la situation semblait bloquée.
En outre, les conditions d’hébergement de l’enfant qui n’avait pas été remis à son
père étaient particulièrement alarmantes (domiciliation de la mère à des adresses
fictives successives, nouveau compagnon de la mère décrit de façon inquiétante,
enquête de Police révélant des craintes quant à la capacité de la mère de donner
une éducation correcte aux enfants …).
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Le Tribunal, dans son jugement du 18-06-2008 a mis fin provisoirement à
l’hébergement accessoire tel qu’il avait été octroyé précédemment à la mère des
enfants et a autorisé un huissier de justice, qu’il a explicitement désigné, à reprendre
l’enfant à quelque endroit où il pourrait se trouver, pour le remettre au père, désignant
les services de Police de la zone de Police de Charleroi pour accompagner également
l’huissier de justice lors de cette mesure d’exécution.
Prenant connaissance de cette décision, la mère a finalement accepté de remettre
l’enfant au père.
A épingler également une décision inédite prononcée par le Tribunal de la Jeunesse
de Mons en date du 17-12-2008 (déposée à la bibliothèque du Barreau de Charleroi).
Le Tribunal épingla l’attitude aliénante d’une mère qui se refusait à respecter un droit
d’hébergement du père depuis plusieurs mois, se perdant « dans des explications
délirantes » , « au mépris d’un élémentaire bon sens », développant une argumentation
ressemblant « fortement à de la diffamation à l’égard du père ».
Le magistrat de la Jeunesse ordonna à la mère de l’enfant de remettre celle-ci au
père pour l’exercice de son droit d’hébergement aux jours et heures qu’il précisa,
déclarant que signant pour l’exécution de cette mission « tout huissier de justice »
pourrait intervenir en vue de récupérer l’enfant en son lieu de résidence, autorisant
explicitement le père à accompagner l’huissier « pour la récupération de l’enfant »,
prononçant en outre une astreinte de cinq cents euros par jour de retard en cas de
non remise de l’enfant et ce à dater de la signification des décisions organisant le
droit d’hébergement du père.
Quel rôle pour l’huissier de justice mandaté?
Se pose bien évidemment la question du rôle de l’huissier en cas de nonreprésentation d’enfant.
Les huissiers interrogés sur le question ont schématisés leur intervention en deux
temps.
Lors de la première saisine (soit en amont de la nouvelle saisine du juge en vertu
de l’article 387 ter), l’huissier de justice procède à la signification du jugement en
faisant sommation ou commandement à la partie de se conformer au dispositif de la
décision, tout en mettant celle-ci en garde quant aux conséquences qu’entraînerait
son refus de s’y conformer.
Il informe le parent des limites de son intervention à ce stade de la procédure, à
savoir constater le manquement (il accompagne le parent qui entend exercer son
droit d’hébergement ou son droit aux relations personnelles et acte ce qu’il voit et
entend).
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Il dresse alors un procès-verbal circonstancié, lequel pourra être produit dans le
cadre de la seconde saisine du juge (article 387 ter § 1er alinéa 1 du Code civil) et
éclairer utilement le magistrat appelé à statuer (article 387 ter § 1er alinéa 3 du Code
civil).
Si une décision est rendue sur base de la seconde saisie, l’huissier ne peut toujours
pas exécuter physiquement la reprise de l’enfant si cette reprise menace son intérêt,
devant se contenter d’acter en détail les circonstances du refus de représentation
d’enfant.
Selon le Président de la Chambre Nationale des huissiers de justice, la directive
de 1996 est toujours d’actualité, n’étant pas abrogée mais devant être complétée
comme suit :
« Au regard de l’article 387 ter du Code civil, il n’appartient toujours pas à l’huissier
de justice d’exécuter physiquement la décision, s’il estime, en se basant sur les
circonstances concrètes et extrêmement particulières qu’il actera en détails dans
son exploit, que la reprise menace l’intérêt de l’enfant. »
Les huissiers interrogés font état de cas où l’enfant se rebelle et menace par exemple
de porter atteinte à ses jours, ou encore lors de situations où le magistrat, lors de
la seconde saisine, n’a pas organisé de manière assez encadrée l’exécution forcée
alors que la situation sur place laissait envisager des difficultés réelles.
Quant au recours à l’astreinte, les huissiers conseillent la rédaction de jugements
précis au niveau de son calcul (par heure à dater du manquement, par jour de non
remise, par période d’hébergement non respecté,…).
Le juge jouit en effet d’un large pouvoir d’appréciation tant en ce qui concerne le
recours à l’astreinte qu’en ce qui concerne ses modalités, afin d’atteindre l’objectif
poursuivi, à savoir l’exécution prompte et volontaire de la condamnation principale.
(J. Van Compernolle, L’ASTREINTE, Larcier, 1992, p.45).
L’article 1385 ter du Code judiciaire disposant que l’astreinte peut être fixée soit
globalement, soit par unité de temps quelle qu’elle soit, soit par contravention … il
appartient aux avocats d’être précis sur leur demande afin d’obtenir des jugements
exécutables sans difficultés d’interprétation.
Une avancée certaine de la loi nouvelle est de prévoir que le juge saisi en raison de
l’inexécution d’une décision en matière d’hébergement peut prévoir que l’exécution
forcée de l’astreinte bénéficiera du même privilège que le payement des pensions
alimentaires.
En d’autres mots, le Tribunal en vertu de l’article 387 ter §1 nouveau peut accorder
le privilège de la saisissabilité conformément à l’article 1412 du Code judiciaire
modifié par la loi du 18-07-06 (sans limitation).
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Ainsi, la loi permet de renforcer l’efficacité de l’astreinte, notamment lorsque le
parent récalcitrant dispose de faibles ressources, mais aussi de mettre sur un pied
d’égalité les garanties d’exécution de décisions en matière d’hébergement d’enfant
(N.Dandoy, F. Reusens, « L’hébergement égalitaire. », J.T., 2007,p. 184).
L’intérêt de l’enfant.
L’objectif de la loi nouvelle est donc de faire un compromis d’une part entre la nécessité
d’assurer une efficience aux décisions de justice en matière d’hébergement et celle
de mettre en place des garanties visant à protéger l’enfant, de manière équilibrée
(N.Uyttendaele, « Famille nouvelles ! Famille que j’aime ?. Approche de diverses
difficultés dans la pratique d’un Espace Rencontre », ACTE COLLOQUE 10 ANS
DU CHENE ESPACE-RENCONTRE EN BRABANT WALLON, p.30 et doctrine citée).
De faire également un compromis entre le fait d’attribuer une compétence spécifique
nouvelle en matière d’exécution au juge qui a pris la décision relative à l’hébergement
et de consacrer la possibilité de reprendre l’enfant par la force, en l’entourant d’une
série de garanties (N.Dandoy, F. Reusens, OP.CIT., p.184).
En définitive, la question centrale est celle de l’intérêt de l’enfant, évidemment
très difficile à définir de manière générale et théorique (ce qui explique l’extrême
prudence de la Chambre Nationale des huissier de justice sur la question).
Il échet de rappeler que d’une part, la Convention internationale des droits de l’enfant
impose en autre, comme obligation, que l’enfant puisse entretenir régulièrement des
relations avec ses deux parents et que d’autre part, la Cour européenne des droits
de l’homme a déjà condamné à juste titre des Etats car leurs autorités n’avaient
pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit d’une
personne au retour de ses enfants (article 8 de la Convention européenne des
droits de l’homme- droit au respect de la vie privée et familiale et articles 7 et 9.3 droit d’être élevé par ses parents et droit d’entretenir avec ceux-ci des relations
personnelles et régulières) (D. Pire, OP.CIT., page 211, G. Hiernaux, OP.CIT., p.44,
M. Mareschal, OP.CIT., p.69).
Mais le droit d’un enfant à entretenir des relations régulières avec ses deux parents
l’emporte t’il sur son droit à l’intégrité physique ?
Faut-il au nom de l’intérêt de l’enfant, contraindre par la force un parent récalcitrant
à le remettre à l’autre parent ? Est-ce que cette solution extrême ne nuira pas à
l’intérêt de l’enfant en lui causant des blessures psychologiques indélébiles ?
La réponse à cette question par Le Docteur Brigitte KEVERS, pédopsychiatre, est
nuancée.
Pour grandir, un enfant a évidemment besoin de vivre de bons moments avec ses
deux parents.
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En cas de situation de blocage extrême et de non-représentation d’enfant, il est
important de rappeler au mineur qu’un magistrat, dans une décision de justice, a
décidé, pour lui, quel était son intérêt.
Le rôle de l’huissier de justice mandaté, serait donc, sans utiliser la force, d’une
part, en tant que tiers extérieur au conflit de rappeler la parole du juge, et d’autre
part de garantir la circulation d’une parole directe entre un parent et son enfant, non
travestie par l’autre. (voir entretien infra).
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Docteur Brigitte KEVERS, pédopsychiatre : « Faire circuler la parole sans recours à la
force ».
A.S. : L’article 387 ter inséré dans la loi du 18-07-06, permet aux magistrats, confrontés
à une situation où l’un des parents refuse d’exécuter une décision de justice relative à
l’hébergement d’un enfant d’autoriser la partie victime de la violation de cette décision à
recourir à des mesures de contrainte.
Le magistrat détermine la nature de ces mesures et leurs modalités d’exercice au regard de
l’intérêt de l’enfant et désigne, s’il l’estime nécessaire, les personnes habilitées à accompagner
l’huissier de Justice pour l’exécution de sa décision. En d’autres termes, le recours à un huissier pour faire exécuter une décision de justice en cas
de non-représentation d’enfant s’avère actuellement possible plus facilement.
D’aucuns considèrent que mettre fin à une non-application d’un jugement fixant un
hébergement d’un enfant, via un huissier, permettrait de faire comprendre au mineur « que
ce n’est pas lui qui décide de respecter ou pas une décision de justice » ( décision prononcée
par un magistrat qui l’a précédemment entendu).
Cette exécution forcée permettrait de mettre fin à une situation de blocage et d’éviter ainsi
une insécurité préjudiciable pour l’enfant.
Ce type de mesure rapide éviterait également d’une part le dépôt de plainte au pénal pour
non représentation d’enfant et d’autre part le passage parfois pendant des mois par un centre
Espace-Rencontre.
D’autres considèrent qu’il s’agirait là d’une mesure traumatisante , même si elle n’est
appliquée que de manière exceptionnelle, mesure qui nuirait à l’intérêt de l’enfant.
Qu’en pensez-vous ?
En tout état de cause, quel conseil pourriez-vous donner quant aux modalités de son exécution
la moins « traumatisante » possible ?
B.K. : Tout d’abord, avant de mettre fin à cette situation de blocage … il faut à tout prix essayer
de l’éviter. Je conseillerais aux parties, mais également aux avocats, d’arrêter la diabolisation
de l’autre, notamment pendant la procédure judiciaire. Une solution serait d’essayer de voir
ce pourquoi les deux parents se sont choisis, ont essayé de vivre ensemble, on fait un enfant
ensemble et ce qui reste de positif malgré les divergences et les conflits.
Ensuite, il convient de rappeler une évidence : pour bien grandir, un enfant a besoin de vivre
de bons moments avec ses deux parents. Malgré leurs difficultés, et leurs propres histoires
personnelles, les deux parents doivent en être conscients et agir dans cet objectif.
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En cas de situation de blocage, de situation extrême de non-représentation d’enfant, il est
important de rappeler au mineur, comme vous le dites, qu’il y a une décision de justice
prononcée par un magistrat qui a décidé quel était son intérêt.
Si un juge a estimé que c’était bon pour lui de voir son père, même si sa mère n’en a pas envie,
c’est important qu’il le sache.
Il faudrait donc en cas d’intervention de la Police ou d’un huissier, en tous cas en parler avec
l’enfant.
A cette occasion, le père présent pourrait verbaliser directement à son enfant son souhait de le
voir, d’accomplir des chouettes activités avec lui.
Ce dialogue, en présence de l’autre parent devrait évidemment se faire sans cris ni insultes.
Je ne conseillerais pas de prendre l’enfant de force, dans le cadre d’une procédure civile ; en
effet, cela m’apparaît vraiment très traumatisant pour lui.
A.S. : Si je comprends bien, le rôle de l’huissier dans ce cadre devrait être compris comme
celui d’un de tiers extérieur, rappelant la loi et garant de la circulation d’une parole directe
entre un parent et son enfant, parole non travestie par l’autre.
B.K. : Tout à fait. Ce qui permettrait d’éviter l’échange d’insultes devant l’enfant,
malheureusement fréquentes dans ces situations.
Si le père dit par exemple « je voudrais passer cet après-midi à la piscine avec toi » et la mère
dit « non il ne fera jamais ça » … la parole a au moins circulé et a été entendue directement
par l’enfant, même si lui-même dit qu’il ne veut plus voir son père.
Si par la suite le père tient parole, cela incitera également la mère à changer sa croyance
profonde (« il est un mauvais père qui ne respecte jamais ses engagements »).
A.S. : Ne pensez-vous pas que le rappel de la loi par l’huissier permet aussi à l’enfant de se
déculpabiliser et de s’ enlever un poids sur les épaules ?
B.K. : Effectivement, ça permet d’enlever un poids mais ça permet autre chose : de lui faire
bien entendre qu’il n’est pas dans la toute puissance, que ce n’est pas lui qui décide.
Il le fera quand il sera grand. Et ça c’est vraiment important, surtout dans ce siècle de l’enfantroi et qui décide tout, d’entendre que ce n’est pas lui qui décide, que les adultes sont là pour
l’aider. S’il peut en outre grandir avec une image positive de ses deux parents, c’est quand
même une meilleure chose.
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A.S. : D’après-vous le recours à un huissier doit- il reste exceptionnel ? Est-il indiqué dans
toute situation de réel blocage ou uniquement dans les situations d’aliénation parentale ?
B.K. : Cela ne me semble concevable que dans des situations vraiment extrêmes. Mais
ça me paraît, peut-être dans certains cas, une bonne chose si le rôle de l’intervenant est de
relativiser, d’essayer de nuancer, d’augmenter la tolérance et d’éviter de rentrer dans le conflit
évidemment.
Cet intervenant devrait être quelqu’un qui n’est pas dans le répressif en tous cas. Il faut que
ce soit plutôt quelqu’un qui soit dans l’explicatif (quelles sont les raisons de son intervention,
…) et dans le souci de l’autre (ce n’est pas contre l’autre parent que la mesure est prise mais
pour l’enfant). Il me semble important que cet intervenant ait le minimum de formation et de
compétences en médiation.
A.S : Quid quant à l’intervention d’un autre membre de la famille comme accompagnant
puisque le législateur n’a pas apporté de précisions à ce sujet ? Serait-ce par exemple
souhaitable qu’une grand-mère puisse remplir ce rôle ? Ne serait-ce pas l’impliquer
davantage dans le conflit ? Quid quant à l’intervention d’un psychologue ?
B.K. : Les grands-mères ne sont généralement pas neutres car elles prennent parti pour leur
enfant et parfois contre l’autre. Je serais assez sceptique pour une grand-mère … mais s’il
existe une personne dans la famille, choisie par les deux parents, pourquoi pas.
Quant à l’intervention d’un psychologue, son rôle ne serait pas évident. Il faudrait qu’il soit
choisi par les deux parents ou imposé par le juge.
L’objectif premier est en fin de compte de faire circuler à cette occasion la parole, en présence
de l’enfant, pour le convaincre à se rendre volontairement chez l’autre parent, sans utiliser la
force.
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