"Trop d entreprises considèrent les seniors comme des déchets

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"Trop d entreprises considèrent les seniors comme des déchets
ELISABETH LAHOUZE-HUMBERT, fondatrice du cabinet Cadres Seniors Consulting
"Trop d entreprises considèrent les seniors
comme des déchets radioactifs"
On parle beaucoup du
chômage des jeunes, mais
celui des plus de 50 ans
est tout aussi préoccupant,
rappelle cette recruteuse.
Le chômage progresse chez les
plus de 50 ans. La crise a-t-elle
exacerbé le choc générationnel
dans les entreprises?
Elisabeth Lahouze-Humbert: Incontestablement. Elle a fait pression sur l'emploi. On
le ressent moins dans les PME, qui gardent
leurs anciens plus longtemps et où ceux-ci
jouent les tuteurs vis-à-vis des juniors. Mais
dans les grands groupes, la situation est plus
difficile. Et il reste une dizaine d'années de
chasse-croisé entre l'arrivée en masse de la
génération Y sur le marché du travail et la
sortie de tous les baby-boomeurs.
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Le plan seniors mis en place
en janvier 2010 a-t-il eu les
résultats espérés?
E. L.-H.: Le plan seniors oblige en théorie
les employeurs à mettre en œuvre au moins
trois des six domaines d'action identifiés :
recrutement, évolution de carrière, conditions de travail, accès à la formation, aménagement des fins de carrière, transmission
des savoirs. Mais ce n'est pas suffisant : si ce
plan a permis de conserver les employés les
plus âgés un peu plus longtemps en entreprise, les DRH utilisent à tour de bras la
rupture conventionnelle pour les pousser
vers la sortie. Or, quand un senior est au
chômage, réintégrer l'entreprise est toujours difficile. La France affiche le taux
d'emploi des 55-64 ans le plus bas en Europe : 39% contre 56,2% en Allemagne,
57,5% au Royaume-Uni et 70% en Suède !
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Quelles sont les pistes pour
favoriser le maintien des seniors dans l'entreprise?
E. L.-H. : Trop de sociétés considèrent les
seniors comme des déchets radioactifs :
elles ne savent ni où les stocker ni comment
s'en débarrasser. Deux entreprises sur trois
ont mis en place l'entretien de mi-carrière
préconisé par le plan seniors. C'est un outil
intéressant, mais il est souvent confondu
avec un simple entretien annuel de bilan,
sans vision à plus long terme des évolutions
possibles dans l'entreprise - pas nécessairement verticales avec des responsabilités
managériales, mais également horizontales,
dans d'autres services. Et seulement 20%
des entreprises ont mis en œuvre une politique de formation des seniors, pourtant
cruciale. On peut aussi réfléchir à d'autres
pratiques, courantes dans certains pays européens, comme le travail à mi-temps ou à
tiers-temps et le consulting en fin de
carrière, qui permettent un maintien plus
long dans l'entreprise et une sortie en douceur du monde du travail. «
Propos recueillis par Laurène Champalle