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La poésie au 20e siècle
Lecture de préparation au programme
2ème semestre
Contenu évaluable
A lire
1. Remarques générales.
Le XXème siècle est très complexe à décrire et est appelé un siècle d’idées : on explore l’esprit de
l’homme. Son évolution se traduit par la violence et le désordre des jeunes qui rejettent tout, par
l’importance donnée au subconscient. Le XXème siècle a également vu naître beaucoup d’écoles
littéraires qui ont toutes eu leurs manifestes et leurs revues mais qui n’ont connu qu’un succès de courte
durée. C’est aussi au XXème siècle que la littérature et les beaux arts se sont influencés plus que jamais.
2. La poésie avant 1914.
Le début du XXème siècle est caractérisé par l’influence du XIXème siècle.
Le symbolisme se fait encore sentir dans les poèmes de Henri de Régnier (1864-1936),
de Francis Jammes (1868-1938) et de Paul Fort (1872-1960).
L’influence du romantisme peut être ressentie dans la poésie deAnna de Noailles (1867-1933).
A partir de 1908 se manifeste un groupe de poètes autour de Jules Romains (1885-1972) qui
veulent substituer à l’étude de l’âme individuelle l’étude de l’âme collective des groupes
humains : c’est ce qu’on a appelé l’unanimisme.
Dans cette courte période quatre grands poètes indépendants se font remarquer : Guillaume
Apollinaire, Charles Péguy, Paul Claudel et Paul Valéry.
3. La poésie de 1914 à 1945.
Le dadaïsme
C’est un mouvement de révolte pure et totale qui s’affirme dès 1918. Il se caractérise par une
désagrégation complète du langage et de la vie de l’esprit, une tendance à l’absurdité, à un
renversement ou à une suppression de toutes les valeurs dans une anarchie complète.
Le principal représentant est Tristan TZARA (1896 – 1963) qui en 1918 a publié le Manifeste
Dada. Il a dit : “Mettez tous les mots dans un chapeau, tirez au sort, voilà le poème
dada !“
D’après lui un poème peut se composer de sons (voyelles et consonnes ou consonnes et
voyelles) ou bien de mots préalablement écrits sur des bouts de papier. L’ordre dans lequel on
retire les mots constitue l’ordonnance du poème.
Le surréalisme
A partir de 1919 commence à se développer le mouvement surréaliste qui veut dépasser la
négation dadaïste.
C’est un mouvement qui n’est pas exclusivement littéraire mais qui se retrouve dans toutes les
expressions artistiques par exemple, en musique (Erik Satie), dans le film (Luis Buñuel), en
peinture (Pablo Picasso, Max Ernst, Francis Picabia).
C’est un mouvement de rupture et de révolte.
On explore les profondeurs de la conscience et de l’inconnu.
On libère l’inconscient sous l’influence de Freud et on en transcrit toutes les manifestations.
Le poète se crée un monde merveilleux, différent de celui des autres hommes.
L’œuvre d’art doit procurer du plaisir sans pour cela être explicable.
Les précurseurs du surréalisme sont Gérard de Nerval, Arthur Rimbaud et Guillaume
Apollinaire.
Les plus grands représentants sont André Breton, Paul Eluard, Louis Aragon et Robert
Desnos.
4. La poésie après 1945.
Après la deuxième guerre mondiale, il n’y a plus d’écoles ou de mouvements littéraires
en poésie. Il n’y a que des poètes isolés. Dans l’œuvre de ces poètes, les grands thèmes
d’autrefois sont toujours actuels : Dieu, la vie, la terre, l’amour, la nature et les hommes.
Le vers libre
Dans la poésie moderne, des vers libres sont des vers inégaux dans le nombre de syllabes et qui
n’obéissent pas à une rythmique fixe.
Traditionnellement on attribue l’invention du vers libre ou vers libéré à deux poètes du XIXe siècle,
Aloysius Bertrand, dans son Gaspard de la nuit (1842), puis Rimbaud, avec les Illuminations. Ils ont
voulu s’affranchir (se libérer) des règles de la métrique traditionnelle pour trouver une forme nouvelle
convenant mieux à leur projet poétique. En fait il faudrait remonter à Blaise de Vigenère (1523-1596),
secrétaire de Henri III, et à son « Psaultier de David torné en prose mesurée ou vers libres », en 1588 pour
trouver une première attestation explicite d’un tel vers. C’est pourtant le XIXe siècle qui s’est montré
soucieux de libérer le vers de ses règles jugées trop contraignantes. Les poètes se sont alors trouvés à
l’étroit dans une métrique ou des formes qui ne leur permettaient pas d’inventer de nouvelles voies
d’expressivité. On oublie les contributions de Charles Baudelaire4 comme son « Épilogue » inachevé
aux Fleurs du Mal pour acclimater le vers libre dans une production assez classique et lui donner ainsi un
début de succès auprès du grand public, ce que n’avait pas réussi Aloysius Bertrand.
Émile Verhaeren explique le besoin de cette mutation : « Le rythme est le mouvement même de la pensée
[…] la poétique nouvelle supprime les formes fixes, confère à l’idée-image le droit de se créer sa forme
en se développant, comme le fleuve crée son lit. »
Un vers libre est un vers qui n’obéit à aucune structure régulière : ni mètre, ni rimes, ni strophes.
Cependant, le vers libre conserve certaines caractéristiques du vers traditionnel :
-la présence d’alinéas d’une longueur inférieure à la phrase ;
-la présence de majuscules en début de ligne, mais pas toujours ;
-des blancs encadrant largement et irrégulièrement le poème ;
-des groupes de vers de différentes longueurs séparés par un saut de ligne ;
-des longueurs métriques variables mais repérables ;
-des enjambements ;
-des échos sonores ;
-des anaphores…
Exemples:
Marine
Les chars d’argent et de cuivre —
Les proues d’acier et d’argent —
Battent l’écume, —
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux
Filent circulairement vers l’est,
Vers les piliers de la forêt, —
Vers les fûts de la jetée,
Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière.
RIMBAUD (1854-1891), Illuminations, « Marine » :
Le cancre
Il dit non avec la tête
Mais il dit oui avec le cœur
Il dit oui à ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problèmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les pièges
Et malgré les menaces du maître
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur.
Jacques Prévert
La grasse matinée
Il est terrible
le petit bruit de l'œuf dur cassé sur un comptoir d'étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l'homme
la tête de l'homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glace du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s'en fout de sa tête l'homme
il n'y pense pas
il songe
il imagine une autre tête
une tête de veau par exemple
avec une sauce de vinaigre
ou une tête de n'importe quoi qui se mange
et il remue doucement la mâchoire
doucement
et il grince des dents doucement
car le monde se paye sa tête
et il ne peut rien contre ce monde
et il compte sur ses doigts un deux trois
un deux trois
cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé
et il a beau se répéter depuis trois jours
Ça ne peut pas durer
ça dure
trois jours
trois nuits
sans manger
et derrière ce vitres
ces pâtés ces bouteilles ces conserves
poissons morts protégés par les boîtes
boîtes protégées par les vitres
vitres protégées par les flics
flics protégés par la crainte
que de barricades pour six malheureuses sardines..
Un peu plus loin le bistrot
café-crème et croissants chauds
l'homme titube
et dans l'intérieur de sa tête
un brouillard de mots
un brouillard de mots
sardines à manger
œuf dur café-crème
café arrosé rhum
café-crème
café-crème
café-crime arrosé sang !...
Un homme très estimé dans son quartier
a été égorgé en plein jour
l'assassin le vagabond lui a volé
deux francs
soit un café arrosé
zéro franc soixante-dix
deux tartines beurrées
et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon.
Jacques Prévert