Efficacité et bien-être, c`est possible

Transcription

Efficacité et bien-être, c`est possible
DR
MANAGEMENT
L’ENTRETIEN
MICHEL BERNARD
Directeur adjoint du Creps
de Montpellier, formateur
en ressources humaines
et coach, Michel Bernard
anime depuis 2009 la
formation « Efficacité et
sérénité au travail ». Il
privilégie une approche
humaniste nourrie par les
sagesses anciennes et les
sciences modernes.
© OLIVIER LE MOAL - FOTOLIA
À LIRE : Cultiver la sérénité
au travail, Dunod, 2 015
CHAKRAS BIEN ALIGNÉS
« Efficacité et bien-être,
c’est possible ! »
Comment vivre mieux au travail aujourd’hui ? À partir de cette question simple, Michel Bernard
tente une nouvelle conciliation entre le bien-être au travail, que demande chaque salarié, et
l’efficacité professionnelle, demandée par chaque manager.
Q
SUR LE WEB
Retrouvez l’intégralité
de l’entretien sur :
www.lettreducadre.fr/11251
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•LCT488.indb 44
u’est-ce qui vous a donné l’idée de traiter
de cette thématique de la sérénité au
travail ?
En fait, ce livre est en premier lieu le fruit de
nombreux stages de formation professionnelle
que je propose depuis 2009 et intitulés
« Efficacité et sérénité en milieu professionnel ». J’ai recueilli des témoignages de participants, testé des outils avec eux et ainsi, à partir
d’une réflexion sur les voies d’accès à la
sérénité, j’ai eu le désir de faire partager plus
largement cette richesse. C’est un ouvrage
s’inspirant de la psychologie positive, de la
PNL, des neurosciences comme de sagesses
anciennes, qui se veut accessible à tous pour
passer à la mise en pratique.
Vous proposez un certain nombre de clefs
pour cultiver cette sérénité. Comment les
résumeriez-vous ?
Vaste question ! Le point de départ proposé est
la question « qu’est-ce qui pourrait me rendre la
vie plus belle au travail aujourd’hui ? ». Et
j’invite chacun à un voyage commençant par un
autodiagnostic sur son bien-être au travail. Mon
expérience de terrain de manager et de coach
m’a confronté à deux grands types de postures
dans le monde professionnel et tout d’abord
La Lettre du cadre territorial • mai 2015
24/04/15 17:04
« Des managers expriment une
vraie sensibilité à la qualité de vie
au travail de leurs collaborateurs. »
Je porte un regard malgré tout optimiste sur les méthodes managériales d’aujourd’hui. Certes, je constate que les souffrances au
travail ne diminuent pas radicalement malgré les campagnes de
sensibilisation auprès des cadres et des CHSCT. Les restructurations permanentes de services, l’accélération des rythmes de travail et de la « boulimie informative » avec la complicité d’internet
ou encore, comme le montre le psychologue du travail Yves Clot,
la perte de vue « du travail bien fait » faute de temps en sont des
facteurs déclencheurs. Ceci étant, j’observe aussi des managers qui
expriment une vraie sensibilité à la qualité de vie au travail de leurs
collaborateurs et engagent une réflexion collective et participative
de leur service. L’Anact (1), avec son réseau d’Aract (2), me semble
un acteur d’appui important et expert pour le secteur privé et
public autour de démarches méthodologiques de la qualité de vie
au travail (QVT). Vincent Lenhardt, pionnier du coaching en France
a souvent évoqué le terme de managers porteurs de sens. Dans
cette inspiration, je crois intimement que les managers gagnent
dans l’efficacité de l’organisation en devenant des promoteurs
lucides de la qualité de vie au travail pour leur collectif.
celle du plaintif, victime de tout (c’est la
hiérarchie qui l’oppresse, les conditions de
travail qui le stressent, ou encore les collègues
individualistes, etc.). Certes, je ne sous-estime
pas les cas de souffrance réelle au travail, mais
j’observe aussi la tendance à la plainte récurrente. Aussi, j’encourage, dans mes stages, ces
personnes à changer leur regard, à passer du
« c’est comme ça, rien ne peut bouger… » à une
posture d’acteur de son travail et se posant
régulièrement la question : « là, dans ce
contexte, avec ma fonction, qu’est-ce que je
peux faire évoluer positivement : mon espace de
travail, ma relation à la hiérarchie, aux collègues, la forme d’organisation, les procédures
pour les simplifier… ? ». Enfin, j’ouvre non pas
des portes mais davantage des chemins, avec
l’idée que c’est un engagement dans le temps
avec soi-même qui réclame de la patience, de la
persévérance et de la lucidité. En les citant
rapidement, je mets en perspective quatre
chemins : se donner un cap professionnel,
accueillir ce qui est se passe ici et maintenant,
simplifier son environnement professionnel et
cultiver la force de la bienveillance d’abord avec
soi-même… pour la vivre avec les autres.
Et en termes d’outils ?
Je peux évoquer le Kaizen, l’art du bon changement en japonais ou encore l’art des petits pas.
La Lettre du cadre territorial • mai 2015
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« Un chemin
de sérénité
est aussi un
chemin de
lucidité pour
apprendre à
activer nos
ressources au
bon moment. »
Remis au goût du jour par le psychologue
Robert Maurer, il invite chacun, devant une
tâche difficile, un blocage relationnel, ou un
découragement, à revenir à une petite question
qui peut justement rassurer et remettre sur une
dynamique positive. Quel petit pas pour sortir
demain d’un blocage relationnel avec M. X ou
Mme Y ? Quel petit pas puis-je faire aujourd’hui
pour avancer sur ce dossier alors que je suis
saturé et fatigué ?
Avec l’image du dirigeable, je propose un
repérage d’une part de nos forces ascendantes,
nos ressources et, d’autre part, de nos conditionnements et résistances. Un chemin de
sérénité est aussi un chemin de lucidité pour
apprendre à activer nos ressources au bon
moment en période difficile, accueillir sans
culpabilité nos fragilités et cultiver la capacité à
rebondir, comme l’écureuil de branche en
branche.
Vous suggérez que chacun devienne son propre
« alerteur » des risques psychosociaux ?
C’est un point essentiel. D’abord, il est important de bien situer le champ d’intervention de
tous les intervenants autour des comités
d’hygiène et de sécurité au travail (CHSCT),
médecin du travail, assistante sociale, psychologue. Le travail de prévention de ces professionnels de santé est fondamental, mais il ne
doit pas occulter ce qui est pour moi le premier
« alerteur » de risques psychosociaux : soimême. Le cas des personnes qui sombrent dans
le « burn-out » ou épuisement physique et
psychologique durable est significatif à ce sujet.
Bien souvent, ce sont des personnes très
consciencieuses qui en font toujours plus pour
rester dans l’efficacité malgré des complexités à
gérer ou des surcharges de travail et qui ne se
rendent plus compte qu’elles foncent, comme
le Titanic, vers le burn-out. La prévention
première est de se questionner régulièrement
soi-même sur sa santé au sens large : « comment je me sens le matin en allant au travail ? ». Dans cette perspective, j’ai conçu un
questionnaire court dénommé baromètre
orange de dix questions qui peut permettre de
mesurer sa tendance vers le bien ou mal être au
travail. ◆
(1) Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.
(2) Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail.
Propos recueillis par Bruno Cohen-Bacrie
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24/04/15 17:04