1-263 - Netcom
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Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 1 – 263 Les données environnementales en libre accès : politiques, expériences, usages Open Environmental Data: Policies, Experiences, Uses Guest Editors Pierre Gautreau et Matthieu Noucher (Sous la direction de) 4 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Ce numéro a été publié et imprimé en avril 2014 Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 5-21 GOUVERNANCE INFORMATIONNELLE DE L’ENVIRONNEMENT ET PARTAGE EN LIGNE DES DONNEES PUBLIQUES POLITIQUES ET PRATIQUES DE L’OPEN DATA ENVIRONNEMENTAL (AMERIQUE DU SUD - FRANCE) GAUTREAU PIERRE1, NOUCHER MATTHIEU2 Ce numéro thématique3 a pour ambition de contribuer à une meilleure compréhension des formes actuelles de gouvernance informationnelle de l’environnement en explorant le cas spécifique du partage en ligne des données des pouvoirs publics. La notion de « gouvernance informationnelle » de l’environnement désigne deux évolutions majeures marquant les formes de gestion des questions environnementales depuis les dernières décennies du XXe siècle : la constitution de l’information en un nouveau pilier des politiques publiques, aux côtés des instruments réglementaires et économiques (Lavoux, 2003), ainsi que le constat que l’information n’est pas qu’un simple matériau nécessaire à la formulation de politiques, mais une ressource possédant un potentiel de transformation des formes de gouvernance, qui « restructure les processus, les institutions et les pratiques » (Mol, 2009). L’émergence de cette gouvernance informationnelle n’est pas propre au champ environnemental, mais elle s’y manifeste par une grande diversité d’expressions : multiplication des instances participatives fondées sur la discussion ou la co-construction d’information pour le traitement d’un nombre croissant de problèmes ; généralisation des pratiques d’évaluation d’impact environnemental ; pilotage des politiques territoriales par la production d’indicateurs ; évaluation et comparaison des pratiques de gestion de l’environnement ; essor des normes par le biais de la certification, de la labellisation ou du rapportage extra-économique des entreprises (Alphandéry et al., 2012a). Selon Mol (2009), un des signes de cette importance désormais cruciale de l’information est le recentrage d’une grande part des actions des mouvements sociaux autour des Maître de Conférences, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, UMR PRODIG 8586. 2 rue Valette, 75005 Paris. Tél. : 0033 (0)1 44 07 75 99 [email protected] 2 Chargé de recherche au CNRS, UMR ADESS 5185 (CNRS / Universités de Bordeaux), Maison des Suds 12 esplanade des Antilles 33607 Pessac. Tél. : 0033 (0)5 56 84 82 06 [email protected] 3 Le projet de ce numéro spécial est issu du Projet Baguala « Usages des données environnementales en accès libre en Amérique du Sud et en France (CNRS-Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, http://baguala.hypotheses.org ). 1 6 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 questions environnementales autour de demandes d’accès à l’information, à côté des actions classiques visant à modifier législations et pratiques. Les évolutions technologiques constituent par ailleurs une des dimensions et une des conditions de l’émergence de cette gouvernance environnementale. Elles modifient simultanément les formes de construction des connaissances (numérisation des données, systèmes d’information) et les formes de leur circulation (diffusion, réutilisation), impactant donc sur la formulation des problèmes environnementaux. L’essor d’initiatives de type Open Data est souvent perçu comme emblématique de cette révolution en cours, matérialisant à la fois la réponse des pouvoirs publics à la transformation des exigences démocratiques et les possibilités offertes par la technique au déploiement et à l’actualisation de ces aspirations sociales. Mettant au premier plan la notion de « partage » des données, l’Open Data est censé représenter une forme de renouvellement du pacte entre Etat et citoyens, autour de l’échange d’informations. Mais les contours et les modalités de ce renouvellement sont mal connus, et le sens même de cette ouverture est au cœur des controverses : « moyen de pression pour la tendance libérale, elle témoigne d'une véritable méfiance envers toute institution publique pour les libéraux-libertaires tandis que d'autres acteurs y voient une opportunité de développer la démocratie participative » (Giraud, 2014). Ainsi, ceux qui se présentent volontiers comme les militants du « mouvement open data » (Chignard, 2012) sont porteurs de valeurs, d'objectifs et de stratégies qui diffèrent de ceux de la puissance publique. L’« open » d’Open Data désigne sans doute moins ce qui rassemble les différents acteurs de ce mouvement que ce qui les différencie4. A l’instar de PierreAmiel Giraud (ibid), nous préférons alors utiliser l’expression « mouvance Open Data », pour signaler que le terme d’Open Data regroupe des approches émergentes aux finalités fluctuantes et sans véritable cadre unificateur. C’est précisément parce qu’elle déborde de tout cadrage réglementaire ou discours militant et se traduit par une variété d’acteurs et de pratiques que la mouvance Open Data nous semble un objet de recherche intéressant pour mieux aborder la gouvernance informationnelle de l’environnement. Les différentes contributions de ce numéro thématique se focalisent en particulier sur certaines transformations du rôle de l’Etat dans un domaine où il a longtemps été un acteur dominant et incontesté. Les propositions ici réunies mobilisent des approches complémentaires, au-delà du regard géographique qui leur est commun : études de l’Etat, études des sciences et techniques, Political ecology des savoirs sur l’environnement. L’article de Maya Leroy et Sandra Nicolle -Stratégies de partage et diffusion de données publiques environnementales : cas d’étude en Amazonie française et brésilienne- compare les pratiques des autorités publiques en terme de partage des données sur la déforestation et l’orpaillage clandestin au Brésil et en Guyane française. En replaçant ces pratiques dans leurs contextes nationaux respectifs, les auteures éclairent le rôle attribué à l’information dans les politiques des deux territoires : l’affirmation C’est ce que note J. Chibois, dans un billet intitulé « Que signifie l’« open » de l’Open Data ? Du patch au hack, et de la publicisation à l’ouverture paru sur : http://laspic.hypotheses.org/1896 4 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 7 internationale d’une souveraineté sur les ressources amazoniennes dans le premier cas, un contrôle répressif des activités d’orpaillage dans le second. L’option du Brésil pour une ouverture affirmée de ses données de déforestation contraste avec le processus à rebours en Guyane française. Dans Logiques de projet et régulation publique de l'information géographique: l'expérience bolivienne, Louca Lerch interroge les fonctions attribuées au partage de l’information géographique par l’Etat bolivien tel qu’il évolue à partir de l’élection de Evo Morales en 2005. Cette étude de cas détaille une initiative publique de collecte et de mise à disposition de données géographiques numérisées relatives au territoire bolivien. Elle éclaire de façon originale le rôle que peut jouer l’information environnementale dans un projet politique de reconstitution des capacités étatiques de connaissance des ressources nationales, faisant suite au démantèlement de pans entiers de l’administration durant la période d’ajustement structurel des années 1990. Dans l’article Formes et fonctions de la « donnée » dans trois webs environnementaux sud-américains (Argentine, Bolivie, Brésil), Pierre Gautreau, Marta Severo, Timothée Giraud et Matthieu Noucher analysent la diversité des pratiques de mise en ligne de données environnementales, replaçant celles de l’administration publique au sein du continuum de l’ensemble des acteurs du web. Cette approche débouche sur un triple constat : l’intérêt de l’étude du web pour repérer les acteurs les plus actifs dans la mobilisation de l’information environnementale au service de leurs stratégies politiques, le rôle paradoxalement marginal de la fourniture de données dans la hiérarchisation des acteurs du web environnemental, la mise en évidence des stratégies spécifiques de l’Etat pour se maintenir comme un acteur central du web environnemental dans un contexte de forte concurrence des acteurs privés et associatifs. Enfin, l’article de Matthieu Noucher Infrastructures de données géographiques et flux d’information environnementale : de l’outil à l’objet de recherche esquisse le potentiel heuristique de l’étude d’institutions nées dans les années 2000 et ayant fait jusqu’alors l’objet de peu d’investigations en sciences sociales. Les IDG ou Infrastructures de Données Géographiques sont des portails Web dont se dotent un nombre croissant de territoires. Elles renouvellent en profondeur les logiques de partage des connaissances cartographiques et de construction des savoirs institutionnels sur le territoire et l’environnement. Leur caractérisation comme des dispositifs socio-techniques d’un genre nouveau ouvre des pistes de recherche originales pour mieux comprendre comment les pouvoirs publics influencent l’évolution des formes de circulation des informations environnementales. Ces articles sont complétés par une série de 14 notices qui présentent de manière synthétique les contours techniques, politiques et organisationnels d’initiatives variées5. Ces retours d’expériences concernent ainsi aussi bien des projets internationaux -comme le Global Biodiversity Information Facility (GBIF) ou l’InterAmerican Institute Data and Information System-, nationaux -comme l’Inventaire National du Patrimoine Naturel en France ou le système d’information sur la On trouvera une autre série d’exemples d’initiatives concernant essentiellement des pays latino-américains, sur le site du colloque de Porto Alegre d’août 2012 « Sharing environmental information: issues of open environmental data in latin america » (http://baguala.hypotheses.org/publications/seminar-porto-alegre-2012). 5 8 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 biodiversité de l’administration des Parcs nationaux argentins-, régionaux -comme le portail des données naturalistes SILENE en région PACA ou l’infrastructure de données géographiques GéoGuyane- ou locaux, comme la plateforme PIGO de Ouagadougou. Ces notes d’information illustrent aussi la variété des acteurs qui portent ces initiatives : centres de recherche (pour le réseau qui diffuse des données sur les capteurs de température des eaux côtières dans la région du Pacifique Sud et Sud-Ouest), services de l’Etat (pour l’application de la Directive Inspire), associations (Ligue de Protection des Oiseaux, Tela Botanica), collectivités territoriales (avec le cas de la Ville de Montpellier). Enfin, l’entretien avec Simon Chignard, auteur du livre « L’open data, comprendre l’ouverture des données publiques », paru en 2012, permet de compléter ce panorama en s’interrogeant sur les spécificités des données environnementales au sein des projets Open Data français qui tendent à se généraliser. Cet ensemble de textes (articles, notes d’information, entretien) couvre à la fois le contexte français et sud-américain, éclairant des enjeux géographiquement différenciés, certains aspects des débats portant sur l’Open Data environnemental et permettant de mieux cerner quelques difficultés d’étude de cet objet complexe. 1. DES DIFFICULTES A CERNER CE QUE RECOUVRE LA MOUVANCE DE L’OPEN DATA (ENVIRONNEMENTALE) La mouvance de l’Open Data échappe à une caractérisation aisée principalement pour deux raisons, relatives au sens à attribuer à ces initiatives dans l’éventail des actions de l’Etat. Tout d’abord, les motifs du partage des données sont généralement multiples, flous et enchevêtrés. Ensuite, bien que l’Open Data soit présenté comme un outil parmi d’autres de l’action publique, nombre de ses caractéristiques en font un objet à part des « instruments » les mieux établis tels que « le recensement, la cartographie, la réglementation, la taxation… » (Lascoumes et Le Galès, 2004a), rendant malaisée la saisie de ses effets sociaux et territoriaux. 1.1. Les raisons du partage des données publiques : entre optimisation managériale et exigences démocratiques Pour rendre compte de ce qui pousse une administration publique à partager ses données environnementales, plusieurs explications alternatives peuvent être avancées. Selon les contextes, ces motifs peuvent s’exclure, se juxtaposer, voire se renforcer mutuellement. L’explication générale qui nous semble rendre le mieux compte de l’essor de ces initiatives consiste à les interpréter comme la mise en pratique de théories développées dans le cadre du paradigme de la « société de l’information » et d’une diffusion à l’administration publique de formes entrepreneuriales de gestion relevant du « nouveau management public »6. Dans ce Hood C. 1995. Contemporary public management: a new paradigm ? Public policy and administration 10(2). 6 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 9 cadre, l’information, avant d’être un droit social à défendre, est une ressource pour l’optimisation de la gestion environnementale, un outil de plus pour la modernisation écologique de la société. L’Open Data en tant que manifestation concrète du partage de l’information, peut ainsi être interprétée comme la mise en pratique des théories développées à la fin du XXe siècle par les recherches sur l’innovation, et qui répondent avant tout à des préoccupations économiques7. David et Foray (2003) listent ainsi les principaux arguments en faveur du partage au nom de l’innovation : l’échange d’information rompt les carcans des formes conventionnelles de production des connaissances en favorisant la créativité individuelle ; en facilitant les interactions entre non-spécialistes au-delà des cercles d’initiés (chercheurs, ingénieurs) et grâce au développement de systèmes de gestion décentralisés de collecte de données, de calcul et de partage des résultats, il facilite de nouvelles formes d’apprentissage collectif8 ; en ouvrant les bases de données, le partage permet un meilleur contrôle social de leur qualité, en multipliant les usagers susceptibles d’en corriger les défauts et d’identifier des problèmes9. L’un des processus vertueux supposément enclenché par le partage des données et fréquemment avancé comme argument central réside dans le changement d’échelle dans les capacités cognitives : ouvrir ses données, c’est permettre leur connexion (interopérabilité) à des ensembles plus vastes de données, donc d’opérer un changement dans les niveaux du savoir, que ce niveau soit appréhendé comme une complexité majeure, ou comme un espace plus grand. Ce saut d’échelle est ainsi supposé ouvrir de nouvelles possibilités d’actions auparavant interdites par la fragmentation thématique ou spatiale de l’information. Enfin, le partage en ligne est fréquemment justifié comme un moyen de limiter la redondance des études et recherches financées par les pouvoirs publics en limitant la perte de mémoire collective par la création de vastes bases ouvertes d’archivage, et donc in fine d’optimiser les dépenses. Cette conception instrumentale de la diffusion de l’information environnementale constitue souvent le substrat de fond des textes et accords La généalogie des théories et des débats sur les déséconomies sociales dues aux freins à la circulation de l’information est cependant complexe, et ce thème est discuté bien avant les années 1990 (voir entre autre : Russo, 1966). 8 Dans leurs travaux sur les communautés scientifiques, les logiciels libres ou encore les communautés d’usagers plusieurs publications du MIT (Chesbrough 2003, Von Hippel 2002, Lakhani et Von Hippel 2001, Riggs et Von Hippel 1994) théorisent la notion d’innovation distribuée ou innovation ouverte basée sur le partage, la collaboration et la sérendipité et prônent le développement de systèmes favorisant des « expérimentations multiples et décentralisées » plutôt que les systèmes hiérarchisés dans lesquels la fonction d’expérimentation est accaparée par une unité centrale. 9 Au début des années 2000, ces postulats s’appuient sur l’affirmation du « coût social » que suppose la fermeture généralisée des bases de données en termes de perte de capacité d’innovation, notamment par la perte de capacité sociale à exploiter le potentiel de gisements d’information (David et Foray donnent pour exemple le frein aux découvertes scientifiques que constitue l’impossibilité à mettre ne relation des bases de données médicales dispersées dans le monde). 7 10 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 internationaux qui la promeuvent, reléguant selon nous à un second plan les considérations d’ordre démocratique, pourtant systématiquement présentées comme la principale explication à l’essor du partage public de l’information, selon laquelle l’Open Data serait le produit naturel d’une demande sociale croissante d’accès à l’information. Mais même le fameux « principe 10 » de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, couramment utilisé comme référence par les mouvements sociaux luttant pour la concrétisation du triptyque « droit à l’information - droit à la participation - droit à la justice en matière environnementale », justifie d’abord l’accès à l’information au nom de l’optimisation de la gestion, avant que d’en faire une question de droit10. Cela dit, c’est probablement l’interaction entre cette conception instrumentale et les nouvelles exigences démocratiques qui est à l’origine d’un vaste mouvement de reconnaissance officielle de l’information environnementale au rang de droit, traduite en conventions internationales (Aarhus en 1998), directives européennes (Inspire en 2007), et législations nationales11. Une fois établis des dispositifs légaux de reconnaissance du droit à l’information environnementale et/ou de devoir de l’administration d’orchestrer son partage, ceux-ci peuvent être saisis par divers mouvement sociaux afin d’exiger l’application de ce droit. Les conflits environnementaux par exemple, et leur judiciarisation croissante (Melé, 2011), sont ainsi un puissant vecteur d’actualisation de cette nouvelle génération de droit et d’activation des dispositifs légaux en la matière. Selon cette seconde façon de penser le développement de l’Open Data, les diverses fortunes des initiatives de partage dépendraient avant tout de négociations difficiles entre des acteurs exigeant un meilleur partage de l’information publique (la « société civile ») et divers acteurs leur opposant de multiples inerties d’ordre bureaucratique ou politique (l’Etat). Cette explication semble néanmoins limitée et porteuse d’une vision simpliste de l’Etat, tant sont évidentes sur ce sujet les tensions au sein même de cet « Etat », entre expressions volontaristes et blocages institutionnels. Les difficultés que connaît la puissance publique pour mettre en place une politique d’Open Data dans un pays comme la France12 semblent ainsi relever plus d’une absence de consensus entre les composantes de ce même Etat sur le sens à donner à une telle initiative, que d’un refus systématique de partager les données publiques. On peut cependant avancer une autre explication au développement actuel des formes de partage des données publiques, non-concurrente des deux précédentes, “Environmental issues are best handled with the participation of all concerned citizens, at the relevant level. At the national level, each individual shall have appropriate access to information concerning the environment that is held by public authorities, …and the opportunity to participate in decision-making processes. States shall facilitate and encourage public awareness and participation by making information widely available” (nous soulignons). 11 Pour un bilan des législations nationales en la matière en Amérique latine, voir : ECLAC, 2013. 12 A titre d’exemple, le récent rapport intitulé « Ouverture des données publiques : les exceptions au principe de gratuité sont-elles toujours légitimes ?» remis au Premier Ministre le 5 novembre 2013 par M. Trojette, magistrat à la Cour des Comptes, pose clairement la question du maintien des redevances perçues par l’administration pour la vente de données publiques payantes. 10 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 11 en postulant que l’importance actuelle de l’information est tellement bien établie dans les dispositifs actuels de gouvernance qu’elle impose de nouvelles contraintes à l’Etat13, ces contraintes étant à l’origine d’un auto-renforcement des initiatives de partage. La légitimité de l’Etat dans le champ environnemental ne dépend désormais plus uniquement de ses prérogatives normatives et contraignantes, mais également de sa capacité à réguler la circulation de l’information environnementale, à la qualifier et à en organiser les flux. La multiplication des acteurs et de leurs capacités à produire et discuter l’information environnementale, notamment grâce à la diffusion des outils numériques, a placé l’Etat au sens large dans une situation de concurrence croissante dans le domaine de l’information. Ses actions peuvent de plus en plus être contestées par des acteurs non publics produisant et diffusant des connaissances environnementales, sur Internet, par exemple avec le développement de la cartographie 2.0 (Noucher et Gautreau 2013 ; Joliveau et al., 2013). Cette nouvelle concurrence serait ainsi à l’origine de certains développements de l’Open Data, l’Etat cherchant à maintenir une place centrale dans la formulation des questions environnementales en se repositionnant, entre autres lieux, sur le Web (voir dans ce numéro l’article de Gautreau et al.). 1.2. Le partage des données est-il vraiment un nouvel « instrument » des politiques publiques d’environnement ? Replacer les initiatives de partage de données par les pouvoirs publics dans l’ensemble des instruments de la gouvernance de l’environnement constitue une seconde difficulté pour comprendre le phénomène. Le travail de définition et d’analyse des « instruments d’action publique » (Lascoumes et Le Galès, 2004b) par les sciences politiques, la sociologie de l’Etat et celle des techniques offre un cadre intéressant pour y resituer la mouvance Open Data et souligner ses particularités. Certes, celle-ci semble clairement relever des instruments « informatifs et communicationnels », et elle est présentée par ses tenants au sein de l’administration comme une véritable politique de l’Etat, ayant vocation à fournir un accès universel à l’ensemble des informations que celui-ci possède, ou à constituer un service public de prospection dans des « gisements » de données. L’Open Data est ainsi présenté comme une extension aux citoyens et à l’initiative privée de systèmes d’information Dans un domaine initialement sans lien avec l’Open Data, Waterton et Wyne (2004) ont montré combien la façon dont on produit et diffuse l’information institutionnelle pouvait constituer désormais un élément fondamental de légitimité au sein d’instances publiques telles que les composantes de l’administration de l’Union Européenne. Leur étude détaille comment l’Agence Environnementale Européenne a lutté depuis sa création à la fin des années 1980 pour son indépendance face à la Direction de l’Environnement de la Commission, en mettant notamment en avant ses capacités à produire une information prétendument politiquement « neutre » et « objective ». C’est en se posant en garante d’un certain « modèle d’information » qu’elle a pu défendre l’originalité et l’indépendance de ses missions, dans le but d’éviter de devenir un simple outil de fourniture d’informations au service de l’administration. 13 12 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 autrefois restreints aux enceintes publiques, au service d’un projet plus vaste de pilotage de notre environnement grâce au partage de l’information. Cependant, plusieurs caractéristiques de l’Open Data l’écartent de ces « instruments d’action publique » tels que définis par Lascoumes et Le Galès (2004b, p 13), c’est-à-dire « constitu[ant] un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur ». La nécessité de l’Open Data est souvent plus justifiée au nom de valeurs (la transparence, la justice…) qu’au nom d’objectifs opérationnels spécifiques, démontrant par là même les multiples tâtonnements de l’Etat quant au rôle à assigner à ces pratiques disparates qui sont loin de former un tout cohérent. La question de la « certification »14 ou de la qualification des données partagées, c'est-à-dire le fait de les accompagner d’une description par des métadonnées (auteur, date de création, etc) constitue ainsi une ligne de partage entre deux grandes catégories d’initiatives. Certaines ne font de cette question qu’un point secondaire ou négligeable, notamment lorsqu’elles ont pour principal but de faciliter l’accès à un patrimoine de données dispersées et produites par des acteurs multiples15. Dans d’autres cas, l’ouverture des données doit être précédée d’un lourd travail de qualification de la donnée, qui constitue une responsabilité centrale de l’administration qui en a la charge16. Plus largement, il faut s’interroger sur la capacité des initiatives Open Data à être porteuses d’une « organisation de rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires », et donc à être, plus qu’une simple technique de gouvernance, un véritable instrument, une « institution ». La promotion officielle de l’Open Data postule justement tout le contraire. Défendant l’idée qu’en diffusant des informations accessibles à tous, il n’existe plus –théoriquement- de destinataire précis de cette diffusion, donc aucune définition d’un « rapport social spécifique ». Dans ce “Clearly, new methods need to be devised to ‘certify’ the knowledge circulating on the Internet within a context where inputs are no longer subject to control (unlike the knowledge disseminated by scientific journals, for example, whose quality and reliability are validated through the peer review process)” (David et Foray 2003). 15 C’est par exemple le cas du GBIF, base de données internationale sur les occurrences d’espèces animales et végétales financée par les membres de l’OCDE (http://www.gbif.org/), ou de certaines Infrastructures de données Géographiques donnant accès à des couches d’information géoréférencées. Ces initiatives proposent un accès à des données sur la qualité desquelles elles ne se prononcent pas directement, se contentant d’exiger de leurs auteurs qu’ils décrivent de façon standard la nature de ces données (fiches de métadonnées). Le très grand nombre d’auteurs parmi les données mises en ligne sur ces sites interdit en effet à l’administration qui les gère de vérifier au cas par cas leur mode de production. 16 C’est le cas de la diffusion de référentiels environnementaux, tels que les périmètres réglementaires (aires protégées, etc), les listes officielles d’espèces ou leurs aires de répartition par le Muséum National d’Histoire Naturelle en France (http://inpn.mnhn.fr), ou les cartes de végétation du Brésil par le Ministère de l’environnement (http://mapas.mma.gov.br/mapas/aplic/probio/datadownload.htm). Les administrations en charge de leur diffusion se portent garante de la qualité attribuée aux données, notamment en fournissant aux usagers des métadonnées sur leur constitution. 14 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 13 même ordre d’idées, la faible coordination entre les initiatives publiques de partage des données et la nature extrêmement hétérogène des formats, des dispositifs, des thèmes, interdit de penser que l’Open Data soit actuellement porteur d’une vision globale de l’Etat sur la façon de gérer la chose publique, dont l’environnement. Ainsi, l’Open data serait avant tout un ensemble de « techniques », propres aux différents acteurs publics, qui les exercent rarement de façon convergentes. 2. CE QUE CHANGE LE PARTAGE EN LIGNE DES DONNEES ENVIRONNEMENTALES : QUELQUES DEBATS SUR OPEN DATA ET EFFETS D’INFORMATION Comprendre les effets sociétaux du partage de l’information constitue un défi important des recherches en environnement, tant les méthodes et les théories pour aborder cette question sont encore loin d’être stabilisées. Les « effets d’information » en matière environnementale sont encore très difficiles à identifier, sans que l’on sache toujours si cela est plus dû à l’inadaptation des dispositifs de recherche qu’au poids toujours écrasant d’autres facteurs plus décisifs (Gerstlé, 2010). Les recherches sur les usages des dispositifs de partage de données en ligne constituent une piste intéressante, encore limitées à des cas d’étude et peu systématisées17, et c’est à une généralisation de cette approche par les usages qu’appelle dans ce numéro l’article de Matthieu Noucher. En dépassant le paradigme communicationnel pour ne pas limiter l’Open Data à un simple vecteur d’information, dont il suffit d’étudier en amont l’encodage et en aval le décodage, une entrée par les usages doit permettre de prendre la mesure de la diversité des fonctions et rôles remplis par les données environnementales. La « donnée » est souvent cantonnée à un rôle de représentations graphiques, cartographiques ou statistiques du territoire ; comme le propose Florence Jacquinod (2014) pour les géovisualisations 3D, en ayant recours aux théories de l’acteur réseau il s’agirait alors d’examiner ses autres fonctions (expliquer, convaincre, discuter). Une autre piste pour approcher certains changements induits par la mise en ligne de données environnementales consiste à recenser les principaux débats que celle-ci suscite, pour mettre en évidence les enjeux identifiés par les acteurs qui participent à ces initiatives. A titre d’exemples, voir : Feyt et Noucher, 2014 sur les conséquences de l’accessibilité de nouveaux jeux de données dans la définition des référentiels géographiques ; GeorisCreuseveau, 2013 à propos de la contribution des infrastructures de données géographiques à la gestion des territoires côtiers ; Gautreau et Vélez, 2011 à propos de l’impact de la disponibilité de données en ligne sur les formes de résolution de conflits environnementaux. 17 14 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 2.1. Ouvrir ses données… et après ? La récurrente question des « usages » des données mises en partage En 2012, les coordinateurs de l’une des initiatives mettant en ligne le plus grand nombre de données de biodiversité au monde –celle du GBIF (voir la fiche d’information dans ce même numéro) et ses près de 400 millions d’occurrences d’espèces animales et végétales- ont lancé une série de consultations auprès des groupes qui animent leur réseau, afin d’améliorer la visibilité et l’usage de leurs données. Organisé autour d’une plateforme en ligne à laquelle des organismes ayant passé une convention avec le consortium peuvent « connecter » leurs listes d’occurrences d’espèces, le GBIF s’articule autour de points nodaux nationaux qui coordonnent les actions au niveau de chaque pays partenaire. Après quelques années de fonctionnement, c’est le constat que le site était très faiblement cité dans la littérature scientifique qui a provoqué chez les coordinateurs le besoin d’imaginer les façons de rendre la plateforme plus attractive pour la communauté des scientifiques, essentiellement des naturalistes. Cet exemple est emblématique de plusieurs tensions qui traversent actuellement l’Open Data environnementale, qui à certains égards témoignent d’une maturation du processus. Après la mise en ligne massive de données, la question des usagers ou destinataires de ces initiatives, initialement abordée marginalement, revient au devant des préoccupations. Le mythe d’initiatives destinées à « tous » tombe, d’autant plus en contexte de restrictions budgétaires où leurs financeurs commencent à vouloir évaluer le retour sur investissement de ces expériences. La volonté du GBIF de se recentrer plus clairement sur la communauté naturaliste s’est accompagnée d’une évolution des fonctionnalités du site web, afin d’offrir de nouveaux services permettant notamment de mieux évaluer la structuration et la qualité des jeux de données téléchargés, une demande particulièrement forte de la part des usagers zoologues, biologistes ou écologues. D’autre part, les discussions internes au GBIF ont permis d’identifier certains facteurs expliquant ce faible recours à la plateforme de la part des naturalistes : les données portent pour l’essentiel sur l’occurrence d’espèces, et non sur des propriétés fonctionnelles ou écosystémiques du vivant, aujourd’hui essentielles pour la compréhension des dynamiques de la biodiversité. A ainsi été mise en évidence l’une des faiblesses inhérentes aux initiatives Open Data de cette ampleur : rechercher une portée internationale suppose, pour ce type de base ouverte, de cibler en priorité les données facilement harmonisables et les plus abondantes, et de de laisser en second plan des données plus complexes, mais plus difficilement harmonisables18. Bien que ce soit en ciblant justement des données « simples » que ces initiatives ont réussi à se développer, on voit par cet exemple que le caractère souvent unidimensionnel de leurs contenus constitue rapidement un frein à l’essor de leur usage. Les difficultés auxquelles se heurte actuellement le Système d’Information sur la Nature et les Dans le cas des données de biodiversité, les données génétiques et paysagères sont plus difficiles à harmoniser entre elles, tant les protocoles de collecte diffèrent. 18 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 15 Paysages19 en France pour incorporer des données sur le paysage constituent un autre témoignage des dilemmes auxquels sont soumises ces initiatives : discuter de manière approfondie des méthodes pour créer d’emblée des bases ouvertes complexes pouvant intéresser une grande diversité d’usagers, mais au prix d’un temps très long de mise en place, ou mettre en place rapidement des bases ouvertes, mais au prix d’une certaine pauvreté thématique de celles-ci, et d’une réduction du nombre potentiel d’usagers intéressés20. 2.2. L’Open Data est-il un facteur de réduction de la diversité des savoirs sur l’environnement ? Normalisation et filtrages amont-aval des connaissances En lien direct avec les « dilemmes » évoqués au paragraphe précédent, un autre débat de fond sur l’Open Data se réfère à ses potentiels effets négatifs sur la diversité des modes de connaissance de l’environnement. L’injonction du partage des données s’accompagne aujourd’hui inévitablement de discussions sur les outils informatiques de cette mise en partage, et donc sur le reformatage de données produites par des acteurs différents et selon des méthodes différentes, afin qu’elles puissent être agrégées, comparées, combinées dans des systèmes d’information englobants. Nous venons de voir au paragraphe précédent comment certaines initiatives ouvertes jouent un rôle de « filtre aval » de la diversité des connaissances, en mettant prioritairement en ligne les données les plus facilement combinables, et laissant de côté les données trop complexes ou hétérogènes. Certains auteurs estiment que les processus de partage, lorsqu’ils sont fortement pilotés par la puissance publique, peuvent également avoir un effet de « filtrage amont » de la diversité des connaissances, impactant sur les formes mêmes de construction de ces connaissances. Dans leurs travaux portant sur la mise en place du Système d’Information sur la Nature et les Paysages et sur la « Trame verte et bleue » française, Pierre Alphandéry et Agnès Fortier signalent le risque d’un recul des formes locales de connaissance naturaliste (Alphandéry et Fortier, 2011; Alphandéry et al., 2012b) : le besoin de normalisation des données pour les intégrer aux systèmes partagés suppose l’élaboration de protocoles qui impacteraient sur l’amont des processus de collecte Le SINP (http://www.naturefrance.fr/sinp/presentation-du-sinp) a vocation à faciliter le partage des données sur la biodiversité et les paysages français. Il se structure autour d’actions de mise en réseau des acteurs naturalistes, de diffusion d’outils informatiques de saisie des données, et de processus de normalisation et de standardisation de ces données (définitions, établissement de protocoles de saisie et de traitement…). En 2013, le volet « paysage » a été de facto suspendu, notamment par manque de consensus sur le type de données pouvant être intégrées au système pour rendre compte de cet objet complexe et de ses évolutions. Les progrès du SINP sont beaucoup plus nets dans le domaine des données de biodiversité. 20 Les dilemmes de la constitution de bases de grande ampleur spatiale ou portant sur des objets complexes (ce qui est toujours le cas des objets environnementaux) sont nombreux, que les bases soient ouvertes ou non. Waterton & Wyne (2004) rapportent à propos des premières bases de données de l’Agence Environnementale Européenne que la décision de n’y incorporer que des données existantes pour tous les pays de l’Union a longtemps interdit d’intégrer les données sur le nucléaire, pourtant fondamentales pour la gestion des risques. 19 16 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 (mode d’observation naturaliste) et donc sur la façon même dont les acteurs locaux créent leurs connaissances, avant de les verser dans des systèmes ouverts à échelle régionale ou nationale21. Les dynamiques enclenchées au nom du partage par la coordination nationale d’acteurs locaux sous l’égide du Muséum National d’Histoire Naturelle auraient pour autre effet de « professionnaliser » les acteurs associatifs, induisant in fine une homogénéisation et une normalisation de leurs pratiques de collecte des données. Si la portée réelle des pertes de diversité des savoirs naturalistes liées à ces processus reste selon nous à mieux démontrer, le débat soulevé a le grand mérite de signaler les potentiels dangers de processus qui sont loin de se résumer à la mise en ligne de données publiques : le partage des données en général, et l’Open Data en particulier supposent de profonds réagencements institutionnels qui impactent notre façon de mesurer, de concevoir et d’appréhender notre environnement. 3. LES APPORTS D’UNE APPROCHE GEOGRAPHIQUE DE L’OPEN DATA ENVIRONNEMENTALE Investie prioritairement par les sciences politiques ou la sociologie, la question de l’Open Data se prête pourtant bien aux approches géographiques, qui peuvent en éclairer de façon originale certaines de ses dimensions, ce dont ce numéro thématique rend en partie compte. La nature fréquemment géographique des données des systèmes d’information faisant l’objet d’un partage en ligne exige que soient développées des méthodes de formalisation du contenu de ces systèmes, afin de mieux comprendre la portée spatiale des initiatives. Les recompositions des rapports entre acteurs agissant à des niveaux territoriaux différents en lien avec des initiatives de partage des données supposent là aussi des analyses géographiques. Enfin, il est nécessaire de différencier les modalités de mise en place d’initiatives Open Data et leurs effets potentiels selon les contextes géographiques, notamment selon les trajectoires nationales de développement. 3.1. Une « political ecology » de l’Open Data Les recherches en Political Ecology, fortement influencées par la géographie, portent notamment sur le lien entre formes d’appropriation de l’espace, genèse des savoirs sur l’environnement, et rapports de pouvoirs. Elles sont appropriées pour replacer le phénomène Open Data dans le temps long de la construction des savoirs environnementaux, et pour mieux différencier ses enjeux selon les territoires, notamment les pays émergents et en développement. Il semble ainsi nécessaire de relativiser en fonction des contextes nationaux les préventions de certaines approches foucaldiennes des systèmes d’information, qui y voient avant tout des dispositifs de En France, un part majeure des données de biodiversité (occurrences d’espèces) est collectée par des associations d’amateurs, qui les fournissent selon diverses modalités aux autorités nationales (Muséum National d’Histoire Naturelle). 21 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 17 contrôle social par le biais de la normalisation des connaissances et par leur centralisation. Dans un grand nombre de pays en développement, l’absence de bases de données cohérentes, normalisées, centralisées sur l’ensemble du territoire (et a fortiori de données partagées en ligne) constitue un frein au traitement démocratique des questions environnementales et au développement d’une action de l’Etat répondant à des principes de justice environnementale, notamment en termes d’exposition au risque. Plus simplement encore, l’absence de données dans un grand nombre de pays rend tout à fait illusoire toute volonté de gouvernance informationnelle de l’environnement22. Dans un registre proche, l’article de Louca Lerch sur l’Infrastructure Nationale de Données Géographiques bolivienne montre que les initiatives Open Data peuvent aussi constituer des outils de reconstitution d’une capacité informationnelle, par des Etats ayant pendant longtemps perdu leur capacité à produire et certifier des connaissances nationales sur leur territoire et leur environnement. Dénoncés dans certains territoires tels que la France comme un outil de recentralisation rampante de la production de connaissances23, les initiatives Open Data peuvent donc dans d’autres contextes être mises au service de projets de reconquête de souveraineté de l’Etat. En lien avec cette relativisation géographique des enjeux de l’Open Data, les approches politiques et historiques de la construction de capacités cognitives par l’Etat montrent également que les tentatives permanentes de constituer des connaissances homogènes sur la société sont très souvent marquées par l’échec. L’ouvrage de Scott « Seeing like a State » (1998) décrit la tendance historique de l’Etat à vouloir rendre « lisible » territoires et environnement par la mise en place de systèmes d’information et la normalisation des connaissances statistiques et cartographiques (cadastres). Dans cet ouvrage trop souvent lu avec un regard foucaldien simpliste y voyant uniquement l’avancée de techniques de contrôle social, Scott signale au contraire l’échec très fréquent de ces tentatives. L’Open Data, qui peut être assimilé à une ramification contemporaine de cette volonté de constituer des systèmes d’information sans cesse plus complexes sur la société, est également soumis à ce risque. La fragmentation et le caractère très limité des expériences actuelles ne permet pas encore de prouver que les dangers dénoncés par certains en termes de normalisation des savoirs et de standardisation des formes de concevoir et de gérer l’environnement soient réellement en germe dans ce vaste processus. C’est la principale question que pose Mol (2009) à propos de la Chine et du Vietnam : “…what is the relevance of these new modes of informational environmental governance in the so-called informational peripheries where environmental information is known not to be made widely or freely available?” 23 Cette critique est sous-jacente aux travaux précédemment cités de Pierre Alphandéry et Agnès Fortier. 22 18 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 3.2. Une géographie de l’information environnementale pour mieux comprendre l’Open Data C’est également en termes méthodologiques que la géographie peut apporter une meilleure compréhension de l’Open Data, et tout d’abord en appliquant aux corpus de données mis en ligne des méthodes d’analyse spatiale déjà bien éprouvées dans d’autres champs. La représentation cartographique de ces corpus, dont l’article de Louca Lerch donne un aperçu dans ce numéro à propos de la Bolivie, permet de saisir la couverture spatiale et temporelle de certains territoires par des initiatives de partage. Dans le prolongement des études géohistoriques sur les progrès de la connaissance territoriale et environnementale par l’Etat moderne (extension des cadastres, développement de la cartographie topographique…), diverses méthodes de formalisation des corpus de données mises en ligne doivent être développées, tant pour comprendre les inégalités spatiales de représentation de certaines thématiques environnementales sur le Web (Gautreau, accepté) que pour mesurer les progrès inégaux de normalisation et standardisation de ces données selon les pays24. Des méthodes spécifiquement géographiques sont par ailleurs à inventer pour contribuer à la compréhension des processus de décentralisation ou au contraire de recentralisation de la gestion de l’environnement liées à la circulation des données. L’analyse de réseaux d’acteurs institutionnels peut en effet s’appuyer sur une étude des flux d’information entre ces acteurs, notamment par l’exploration des réseaux de leurs sites web (par exemple, réseau formé par les sites des DREAL des régions françaises et les sites ministériels et scientifiques comme celui du Muséum National d’Histoire Naturel). L’étude de la circulation de certains jeux de données dans ces réseaux permet d’aborder des rapports de hiérarchie et de coordination/absence de coordination entre ces acteurs. La géographie offre enfin la possibilité de remobiliser les apports des courants relevant de la cartographie critique (Harley, 1989) pour déconstruire certains discours sur la portée ou la nature des données cartographiques en accès libre. Laurent Couderchet et Xavier Amelot (2010) offrent un exemple de cette démarche, en démontrant à partir d’une analyse spatiale fine du fichier de l’inventaire naturaliste des ZNIEFF25 mis à disposition sur le web comporte d’importantes hétérogénéités26, liées au mode décentralisé et fortement local du choix de ces zones, essentiellement par des acteurs associatifs naturalistes. Cette analyse géographique et critique déconstruit l’idée que ce fichier constitue un document représentant une vision homogène des zones Voir notamment une première ébauche d’analyse spatiale et temporelle des patrimoines de données contenus dans les Infrastructures Nationales de Données Géographiques d’Argentine, de Bolivie et du Brésil (http://baguala.hypotheses.org/324). 25 L’inventaire ZNIEFF (pour Zones d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) a été lancé en 1982. Il a pour objectif de recenser et de décrire des secteurs présentant de « fortes capacités biologiques et un bon état de conservation » (Site du Muséum National d’Histoire Naturelle). 26 Sur la précision des contours des zones d’inventaire et sur les patterns géographiques de choix des zones. 24 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 19 d’intérêt pour la conservation, qui est pourtant à la base de la légitimité de son maintien et de son usage à diverses fins. La diffusion de bases de données géographiques réutilisables et devenues malléables incite d’ailleurs la géographie à envisager un renouvellement partiel de ces approches critiques (Joliveau et al., 2013). Hanna et Casino (2003) en appellent ainsi à ne plus considérer les cartes comme de simples représentations de lieux mais comme « des sujets mobiles et pleins de sens à travers un ensemble de pratiques socio-spatiales conflictuelles, complexes, intertextuelles et interreliées. » L’Open Data, tel que le soulignent Samuel Goëta et Jérôme Denis, se construit sur le mythe que les données « libérées » sont universellement réutilisables et peuvent faire l’objet d’une multitude de nouveaux usages27. Par une approche ethnographiques, ils montrent comment les acteurs décidant de mettre en ligne leur données procèdent à un travail de « désindexicalisation » et de « délocalisation » de leurs données afin de leur donner cette apparence d’universalité, en bref, comment ils tentent de gommer les motifs initiaux de création de ces données et les traitements intermédiaires dont elles ont fait l’objet avant de pouvoir être mises en ligne. Mais ce travail de gommage reste en grande partie une entreprise de mystification, qui tente de masquer le fait que les jeux de données mis en ligne sont justement marqués par toute leur histoire précédent leur « libération ». C’est à un tel travail de déconstruction des pratiques de la mouvance Open Data qu’une cartographie critique renouvelée pourrait contribuer, particulièrement à propos des données géographiques ou de toute information géolocalisée, ce qui est le cas de la majorité des données environnementales. 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Cet article met en évidence le rôle réduit de la « donnée » dans la structuration des webs environnementaux sud-américains, notamment en termes de différenciation des stratégies de communication des acteurs ou de la détermination de l’autorité des sites au sein du web. Cette situation s’observe quel que soit le pays considéré. Au-delà de ce constat, cette recherche confirme l’intérêt heuristique de l’analyse de la place des « données » dans les sites Web, comme méthode d’identification de pratiques émergentes de communication par les acteurs de l’environnement. Plus particulièrement, elle permet une meilleure compréhension de ce que la transition numérique impose comme nouvelles contraintes à l’État en tant qu’acteur autrefois central de la production et la circulation de l’information environnementale. Concurrencé de façon croissante sur le Web dans ce domaine, l’Etat tente de conserver un rôle central dans cette circulation en développant des stratégies de référencement des données publiques et privées, mais aussi de diffusion de données de référence, dans une logique de « soft power » numérique. Mots clés – Web ; environnement ; donnée ; autorité ; Argentine ; Bolivie ; Brésil. Abstract – This paper analyzes simultaneously different levels of organization of three environmental webs from South America (Argentina, Brazil, Bolivia), revealing general trends in the forms of mobilization of downloadable data by environmental actors of these countries. The research highlights the reduced role of “data” in the structuring of these South American environmental webs: nor the differentiation of communication strategies, nor the level of websites’ authority is clearly explained by the nature of downloadable data. This happens regardless of the Maître de Conférences, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, UMR PRODIG 8586. 2 rue Valette, 75005 Paris. Tél. : 0033 (0)1 44 07 75 [email protected] 2 Maître de Conférences, Université Lille 3, équipe Geriico, [email protected] 3 Ingénieur d’étude, UMS 2414 RIATE, [email protected] 4 Chargé de recherche. UMR 5185 ADESS (CNRS / Universités de Bordeaux), [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 23 country. Beyond this point, this research confirms the heuristic interest for analyzing the importance given to "data" in websites, as a method to identify emerging communication practices by environmental actors. More particularly, it provides a better understanding of the kind of constraints that the State faces with the digital transition in environmental matters, questioning its centrality in the production and circulation of environmental information. In this context, the State has to face a rising competition from other non-public actors. In order to maintain its centrality in the circulation of information, its strategies range from the indexing of public and private data to digital “soft power” actions through dissemination of reference datasets. Key-words – Web ; environment ; data ; authority ; Argentina ; Bolivia ; Brazil. INTRODUCTION L’Internet constitue pour les sciences sociales un très riche terrain pour l’étude de la diversité des formes actuelles de problématisation des questions environnementales, et plus largement de la dynamique des représentations dont l’environnement fait l’objet (Guichard, 2007). Dans une perspective politique, il permet également d’analyser la façon dont ces représentations irriguent divers positionnements dans le champ du débat environnemental. Si l’on considère comme faisant partie du « Web environnemental » tous les sites fournissant des informations sur le monde biophysique terrestre (état, localisation) et/ou revendiquant explicitement un discours sur « l’environnement », on peut faire l’hypothèse qu’il est possible au travers de l’étude d’Internet de repérer des formes de représentation (Severo & Venturini, à paraître) dominantes, marginales, ou encore émergentes de l’environnement5. A partir d’un inventaire de sites portant sur la Bolivie, l’Argentine et le Brésil, cet article propose d’opérer ce repérage à la fois dans une perspective comparative entre pays et en se focalisant sur une pratique particulière de construction des sites Web, la mise à disposition de matériaux en téléchargement –textes, fichiers audiovisuels, cartes, etc – que nous qualifierons ici de « données ». L’ambition est donc d’abord de caractériser à la fois les formes que prend cette pratique de partage en ligne des données, mais aussi les fonctions que lui attribuent les auteurs des sites, c'està-dire le rôle que la « donnée » joue dans leurs stratégies communicationnelles et politiques. L’originalité de l’approche proposée ici est de caractériser les représentations de l’environnement dont sont porteurs les sites Web au travers d’une pratique technique, la mise à disposition de données en téléchargement. Dans une perspective qui relève de la sociologie des sciences et techniques, nous nous intéressons aux dispositifs de partage des données à la fois en tant qu’expression de représentations spécifiques de l’environnement (formes de problématisation) et en Les recherches pour cet article ont été menées dans le cadre du Projet Baguala « Usages des données environnementales en accès libre en Amérique du Sud et en France (CNRSUniversité Paris 1 Panthéon Sorbonne, http://baguala.hypotheses.org ). 5 24 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 tant qu’agents qui modèlent ces représentations. Nous proposons donc quelques méthodes simples de caractérisation de ces dispositifs de partage, et développons plusieurs hypothèses sur les différentes stratégies sociales sous-jacentes à leur mobilisation dans les sites étudiés. Notre approche est donc « média-centrée » (Weltverde 2009), dans le sens où elle s’intéresse au Web au travers de son organisation technique et porte l’attention sur « les objets, les structures et les dynamiques du Web qui n’existaient pas avant et hors du numérique ». A partir de l’étude de trois pays d’Amérique du sud, la principale question abordée ici est de savoir si les « Webs environnementaux » de ces pays sont organisés « autour » de la « donnée ». La prégnance des conceptions matérialistes et naturalistes de l’environnement dans les communautés universitaires fait qu’aujourd’hui encore, on mesure l’importance d’un site à l’abondance et la « qualité » des données qu’il fournit. Selon cette perspective, la maîtrise de la « donnée » resterait un facteur essentiel de légitimité des acteurs de l’environnement, le Web ne faisant que refléter le monde hors ligne. Cette affirmation mérite largement d’être évaluée, au regard de la multiplication des acteurs qui investissent les questions environnementales, notamment avec l’irruption des mouvements « socio-environnementaux » dans l’Amérique latine des années 1990 (Svampa, 2008). Les représentations de l’environnement à cette époque (politiques, esthétiques, éthiques…) se démultiplient, et les acteurs qui les développent entretiennent un rapport différent aux « évidences scientifiques » et aux « données ». Nous proposons donc d’analyser la place qu’occupe la « donnée » dans les stratégies informationnelles actuellement déployées sur Internet : celle-ci est-elle centrale ou marginale ? Quels sont les principaux modes de mise en scène dont elle fait l’objet? Une attention particulière sera portée aux pratiques spécifiques des acteurs publics. La multiplication des demandes d’accès à l’information publique et des législations qui renforcent ce droit place progressivement la question de « l’open data » au centre des discussions sur l’évolution des rapports entre États et citoyens6. Il est aujourd’hui intéressant de mesurer dans un champ thématique particulier (l’environnement) si cette tendance se traduit effectivement par une évolution des pratiques publiques de partage des données en ligne. La comparaison entre trois pays fortement différenciés en termes de caractéristiques environnementales de l’espace, de mobilisation de la société civile, de capacité de l’État à produire des connaissances, permet d’explorer le rôle des facteurs nationaux dans la différenciation de stratégies de communication sur le Web grâce aux données. Les contrastes entre deux pays émergents où l’institutionnalisation des questions environnementales est très forte (Brésil) ou faible (Argentine), avec un pays en développement marqué par un grand manque d’expérience de gestion publique de ces questions (Bolivie), permet de couvrir une très forte diversité de situations. Les contextes d’usage sont également fortement contrastés, avec des pays où le taux de pénétration d’Internet reste nettement inférieur à celui de l’ensemble des pays de l’OCDE (75%), mais varie de 47% ou 45% de la population pour l’Argentine et le 6 Sur ce point, voir l’introduction au numéro de la revue. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 25 Brésil, à 30% pour la Bolivie (Rojas, 2012)7. Le taux de pénétration du haut débit est encore plus faible, posant d’emblée la question de l’accès aux sites mettant en téléchargement de gros volumes de données. Ce taux était en 2011 de 21% de la population au Brésil, de 11% en Argentine et de 3% en Bolivie, pour une moyenne de 10% à l’échelle de l’Amérique latine et des Caraïbes8. L’un des objectifs de cet article est donc de chercher à mettre en évidence d’éventuelles différences nationales dans l’offre de données environnementales sur le Web. Cette recherche s’inscrit dans le cadre du « tournant national » des études du Web, qui cessent de le penser en termes de « cyberespace » où se déploient des phénomènes langagiers déconnectés de l’inscription géographique de ceux qui l’animent, en faveur d’une approche ancrée dans un espace matériel (Rogers et al., 2013). Compris ainsi, le Web peut être conçu comme un espace social et politique où peuvent être analysés d’importants enjeux, notamment environnementaux : l’usage de ce terme au pluriel (les « webs ») reconnaît donc l’existence de spécificités dans les formes de constitution des sites propres à des territoires donnés, liés aux ancrages géographiques de leurs auteurs. Pensé en « continuité avec d’autres espaces sociaux » (Miller and Slater, 2000: 5), Internet permet ainsi de mieux comprendre quels sont les acteurs qui se saisissent aujourd’hui des questions environnementales dans différents pays, et notamment de révéler certaines tensions et conflits entre ces acteurs. Le Web comme terrain permet alors d’envisager d’importantes « moissons documentaires » qui nécessitent une grille d’analyse formelle pour permettre la comparaison des sites entre eux (Bakis et al., 2009). A partir d’un corpus de sites, trois regards différents sur les formes et fonctions de la « donnée » dans ces webs environnementaux nationaux sont proposés successivement. La première partie de l’article esquisse une typologie des sites environnementaux inventoriés sur la base des données qui y sont présentes, dégageant quelques grandes logiques de constitution de ces sites et analysant la part de ces différents types dans chacun des pays étudiés. La seconde partie s’interroge sur les rapports existants entre la présence de données en téléchargement sur un site et sa popularité sur le Web, afin de comprendre dans quelle mesure le partage des données environnementales est un facteur d’attractivité d’un site. La troisième partie, enfin, décrit les pratiques actuelles de mise en accessibilité des données dans diverses catégories de sites web, et en propose une analyse en termes de stratégies d’acteurs. C’est le constat d’une fracture numérique fondée sur la localisation qui a “ancré” géographiquement les études du Web et initié l’intérêt pour leurs différenciations nationales, ou « national turn » (Weltevrede, 2009). 8 Il s’agit du taux de pénétration du haut débit sur téléphones portable, généralement plus fort que le taux du haut débit sur postes fixes. Les vitesses de téléchargement par haut débit varient également fortement, de 1.2 MB/seconde en Bolivie à 4 en Argentine et 6.2 au Brésil. Ces chiffres ne doivent pas faire oublier la progression notable du nombre d’usagers d’Internet dans la région. Le Brésil passe d’un taux de pénétration de 8.2% en 2005 à 45% en 2011, l’Argentine de 11.2% à 47%, la Bolivie de 3.2% à 30% (Castillo, 2005, Rojas, 2012) 7 26 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Corpus et méthodes Les analyses développées s’appuient principalement sur la constitution d’un corpus représentatif de l’offre de sites environnementaux argentins, boliviens et brésiliens. Celui-ci constitue un instantané du web à la date de sa constitution, entre janvier et mars 2012. A partir de requêtes-type adressées au moteur de recherche Google, ont été sélectionnés parmi les cinquante premières réponses obtenues9 les sites offrant des données relatives aux aspects biophysiques de l’environnement, ou dont les auteurs proposaient des rubriques dédiées à l’environnement clairement identifiées comme telles10. Pour qu’un site soit inclus dans le corpus, il était donc nécessaire que soit clairement identifiée une volonté de la part de son auteur de rassembler des données portant sur ce que lui considérait relever de l’environnement11. Il devait aussi fournir au moins partiellement des données ou informations sur l’un des trois pays du corpus. Ont donc été intégrés à la fois des sites non spécialisés en environnement, mais dont une rubrique portait sur un thème environnemental, et des sites fournissant des données sur l’un des trois pays, mais dont les auteurs leur étaient étrangers, aboutissant à un nombre total de 1675 sites. Un postulat essentiel aux analyses qui suivent est que l’inventaire réalisé est représentatif des principaux traits du « web environnemental » des pays concernés, c'est-à-dire de l’ensemble des sites qui parlent et débattent d’objets qui sont communément acceptés dans le débat public comme relevant de l’environnement aujourd’hui : les dimensions biophysiques de l’espace terrestre, leur dynamique, leur caractère de ressource ou de risque pour la société. Le corpus formé permet donc de caractériser à grands traits l’espace public environnemental virtuel du pays étudié (Rogers, 2010). Le premier traitement du corpus a consisté à catégoriser chaque site, à partir d’une grille préétablie de variables permettant de caractériser simultanément les sujets Le moteur de recherche Google a été choisi car il est le plus utilisé (65% de parts de marché d’après l’étude ComScore QSearch parue en décembre 2012). La sélection des 50 premiers résultats (hors liens sponsorisés) obtenus permet d’inventorier les sites Web ayant le plus d’autorité selon l’algorithme PageRank de Google. 10 Les requêtes ont associé le nom d’une entité géographique à un mot-clé thématique (biodiversité, climat, eau, déchets, conflit environnemental, etc.) et à une extension (l’une des quatre suivantes : .org, .com, .gouv, .blog). Pour le Brésil et l’Argentine, les entités géographiques retenues ont été celle du pays et celles de huit états ou provinces fédérés, répartis dans l’ensemble du territoire. Pour la Bolivie, de taille sensiblement moindre, tous les départements (8) ont été pris en compte dans les requêtes. 11 Cette volonté est détectée à partir de la page initiale du site où sont détaillés les objectifs du site et de leurs auteurs et/ou dans la présence de rubriques dédiées au sein du site dans le cas des sites non spécialisés en environnement, mais qui en traitent dans une partie de leurs pages : dans ce second cas, c’est la présence d’un principe de classification des contenus du site, et l’identification d’une catégorie relevant de l’environnement par les auteurs eux-mêmes, qui permet d’inclure le site dans le corpus. 9 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 27 abordés (thématiques), l’auteur12 du site, et de qualifier les dispositifs techniques informationnels (format des données téléchargeables et modes d’interaction avec l’usager13). Vingt modalités ont été définies pour les thématiques, permettant de couvrir la diversité des sujets abordés dans les sites relatifs aux trois pays14. La variable format a été déclinée en huit modalités, permettant de qualifier les données en téléchargement. Sont ainsi distingués les formats « conventionnels » (textes, images, cartes statiques) des formats « techniques » (vidéo, audio, cartes dynamiques). Enfin, les formats « réutilisables » désignent des ensembles de données pouvant, une fois téléchargés par l’usager, être intégrés dans ses propres bases de données ou faire l’objet de combinaison numérique avec d’autres ensembles de données aux formats compatibles: il s’agit pour l’essentiel des jeux de données statistiques ou géographiques (couches intégrables à des Systèmes d’Information Géographique). Notre hypothèse est que le choix de ces variables permet d’analyser les grandes formes de problématisation thématico-techniques de l’environnement sur le web. Dans un second temps, le réseau formé par les hyperliens reliant entre eux les sites du corpus (graphe) a été déterminé par crawling15, et formalisé grâce au logiciel Gephi (figure 1). Une partie des sites du corpus n’est pas connectée au graphe (sites isolés), qui ne réunit que 1184 sites. La formalisation de ce graphe permet d’une part de repérer les grandes logiques de structuration des webs des trois pays, et notamment de comparer la place des différents acteurs dans leur organisation (Gautreau, accepté). D’autre part, elle permet la mesure de « l’autorité » relative des sites, à partir de la comptabilisation des « liens entrants », c'est-à-dire du nombre d’hyperliens pointant vers chaque site. Cette analyse se fonde sur l’idée aujourd’hui communément acceptée Cinq types d’auteur ont été prédéfinis : Individus ou groupes informels, administration publique nationale, administration internationale, associations et ONG, entreprises, auteur non identifiable. 13 Ces dispositifs sont : l’existence d’un bulletin auquel l’usager peut souscrire, existence d’un forum sur le site, présence d’un courriel de contact, d’une connexion à un réseau social, syndication de contenu, possibilité de poster des commentaires voire dispositif de crowdsourcing permettant à l’internaute d’ajouter/actualiser les bases de données diffusées. 14 Inventaires naturalistes, questions énergétiques, photographie naturaliste, pollution, industrie et environnement (politiques de responsabilité sociale et environnementale, projets impactant l’environnement…), changement climatique, étalement urbain, questions minières, risque environnemental, agriculture et environnement, aléas naturels, déchets, éducation à l’environnement, questions pénales, activisme social (question environnemental abordée selon une perspective de justice sociale, de dénonciation de risques, de promotion de modes alternatifs d’usage des ressources…), aspects pénaux et légaux (sites portant sur la législation environnemental, ou certains droits liés à l’environnement), déforestation, usages traditionnels (activités décrites comme telles par l’auteur du site), conservation. 15 Le crawling consiste à détecter les hyperliens reliant des sites entre eux par exploration automatique du Web. Dans notre cas, le crawling a été réalisé grâce au logiciel issuecrawler, développé par la Fondation Govcom.org (Amsterdam), dirigée par Richard Rogers. L’algorithme utilisé a recherché les liens existants entre les sites de notre corpus (logiciel IssueCrawler, appliqué en juin 2012, algorithme inter-actor, profondeur 2). En considérant le type de site web inclus dans l'échantillon, une profondeur de 2 a été suffisante pour accéder à l'essentiel du contenu des sites, en réduisant le temps de prospection. 12 28 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 que les réseaux de sites Internet représentent des réseaux d’affinités entre acteurs, et peuvent être considérés comme une bonne approximation à l’identification de réseaux d’échange d’information et de relations entre groupes sociaux, le fait de créer un lien sur son site vers un autre site ayant une signification sociale forte et non due au hasard (Kleinberg et Lawrence 2001 ; Plantin, 2013). L’utilisation du « degré entrant » comme indicateur de la reconnaissance dont jouit un site et ses auteurs dans un réseau est maintenant courante pour détecter différents niveaux d’autorité ou légitimité dont il jouit à propos d’un thème donné (Adamic et Glance 2005, Gibson, Kleinberg et Raghavan, 1998). Nous l’utiliserons dans ce travail essentiellement pour explorer les liens potentiels entre autorité d’un site et présence de données en téléchargement. Figure 1. Graphe des webs environnementaux argentin, bolivien et brésilien Sites représentés par des cercles dont la taille est proportionnelle au nombre de liens entrants Etape 1 : classification des sites selon leurs dispositifs communicationnels Une première façon d’aborder la place de la « donnée » environnementale dans les stratégies des acteurs du web est d’analyser dans quelle mesure celle-ci contribue à différencier – statistiquement parlant – des types de sites environnementaux. Dans ce but, une analyse des correspondances multiples (ACM) a été appliquée sur la matrice des 1675 sites décrits par les quatre variables évoquées précédemment (auteur, thématiques, modes d’interaction avec l’usager, format), afin d’évaluer l’importance de la variable « format » dans l’explication de la variance. Nous NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 29 avons ensuite réalisé une classification ascendante hiérarchique sur les axes factoriels de l’ACM16, permettant de distinguer 10 classes de sites. Etape 2 : exploration du rapport entre autorité sur le web et disponibilité de données en téléchargement Afin d’évaluer si les données en téléchargement constituent un facteur d’attractivité (autorité) d’un site sur le web, le « degré entrant » des sites a été mis en rapport avec leur « offre informationnelle ». Cette offre a été caractérisée sur la base de deux indicateurs : le nombre de formats disponibles en téléchargement, ainsi qu’un indice synthétique de « richesse informationnelle ». Cet indice combine à la fois le nombre de thématiques abordées dans le site et la diversité des formats de données en téléchargement, en pondérant cette diversité en fonction de la technicité des données en téléchargement, de façon à favoriser dans le classement les sites qui présentent ce type de données17. Les plus hautes valeurs correspondent aux sites traitant à la fois de nombreux thèmes (plus de 5) et fournissant des formats de données réutilisables. Les valeurs moyennes correspondent à des sites ne fournissant pas de données réutilisables mais abordant de nombreux thèmes (entre 4 et 6). Enfin, les valeurs les plus basses correspondent aux sites ultra-spécialisés thématiquement et ne proposant aucune donnée en téléchargement, ou uniquement des données conventionnelles18. Pour chaque pays, la moyenne de ces deux indices a été calculée pour plusieurs groupes de sites : les sites isolés (sans lien avec un autre groupe de site dans le graphe), les sites à très faible autorité (un lien entrant), à moyenne et à forte autorité. Ce calcul permet notamment d’observer des corrélations potentielles entre l’offre informationnelle et l’autorité. Critère de dissimilarité : distance euclidienne ; critère d’agrégation : Ward ; logiciel utilisé : Xlstat. 17 L’indice est calculé comme suit : nombre de thématiques x indice de diversité des formats. L’indice de diversité des formats attribue un score à chaque site en fonction du type de format présent : 0.25 pour du texte en téléchargement, 0.25 pour des images, 0.5 (vidéo), 0.5 (audio), 1 (cartes statiques), 1.5 (cartographie dynamique), 3 (fichiers statistiques), 3 (fichiers géographiques). 18 Parmi les sites présentant le plus fort indice de diversité informationnelle, on compte les grands sites internationaux (fao.org; iucn.org; ncdc.noaa.gov; comunidadandina.org), les principales ONG (worldwildlife.org;; farn.org.ar; earthtrends.wri.org), les sites d’administrations dédiées aux questions environnementales (capital.sp.gov.br; fepam.rs.gov.br; sema.pa.gov.br; ambiente.gov.ar; mma.gov.br) ou celles dédiées à la production de données (atlasdebuenosaires.gov.ar; ine.gob.bo). Les sites correspondant aux valeurs moyennes de l’indice sont des sites publics à faible diversité de formats (agrobolivia.gob.bo; hidroweb.ana.gov.br), des sites activistes (neuquencontaminada.blogspot.com; saltacontaminada.blogspot.com; fundacionintiraymi.org.bo; ahguarosario.wordpress.com; historiaaguasantafe.wordpress.com;) ou d’amateurs spécialisés dans l’environnement (geoperspectivas.blogspot.com). 16 30 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Etape 3 : pratiques éditoriales des sites autour de la « donnée » Afin de mieux comprendre le rôle attribué aux données dans les sites environnementaux sud-américains, il est nécessaire de changer de niveau d’observation et de décrire les stratégies informationnelles à l’échelle du site. Pour ce faire, les pratiques éditoriales de trois catégories différentes de sites ont été analysées : ceux spécialisés dans les questions de conservation, ceux fournissant des données géographiques, et enfin ceux dont l’objectif est l’activisme social (revendication de droits et campagnes de protestations relatives à des injustices environnementales). Pour chaque catégorie, un échantillon de 30 sites possédant la plus forte autorité dans le corpus a été exploré et décrit selon une grille d’analyse à deux dimensions (voir annexe). L’analyse du contenu éditorial et de l’organisation du site (visibilité) permet d’évaluer le poids de la donnée dans le discours et la volonté de mettre en avant sa diffusion. L’analyse de la forme et de l’ergonomie des interfaces d’accès aux données (valorisation) permet d’évaluer les modalités opérationnelles cherchant à améliorer la valeur de la donnée. Cette démarche consiste à repérer ce que Weltevrede (2009) nomme les « arrangements techniques »19 utilisés par les acteurs des webs environnementaux, et à proposer une interprétation de la fonction stratégique (et bien sûr politique) que leurs auteurs leurs attribuent. 1. LE RÔLE DE LA « DONNEE ENVIRONNEMENTALE » DANS LA DIFFERENCIATION DES SITES ET DES WEBS ENVIRONNEMENTAUX NATIONAUX Une première façon d’aborder la place des données dans le web environnemental est de comprendre dans quelle mesure celles-ci contribuent à différencier des formes de communication sur Internet -types de sites-, et si des patterns nationaux -part des différents types de sites par pays- se dégagent. Le traitement statistique du corpus entier (voir section « corpus et méthodes »), puis l’analyse nationale de ses résultats, permettent d’y apporter une première série de réponses. 1.1. Typologie des sites web environnementaux Les figures 2 et 3 représentent les résultats de l’analyse en correspondances multiples (ACM), indiquant la position des variables sur le premier plan factoriel, qui “The software devices such as search engines and platforms that order content and users in distinct Web spaces are what I call ‘technical arrangements.’ The term technical arrangement is used to call attention to how Web spaces are computationally governed. In Seeing Like a State (1998), political scientist James Scott follows a similar approach to examine how central modern governments attempted to force legibility on society […] On the Web software devices arrange and organize Web territory and population to govern the Web space most effectively (Weltevrede, 2009, p.23). 19 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 31 explique 58,8% de la variance. L’axe 1 de l’ACM différencie à gauche les sites d’auteurs publics à faible interactivité avec l’usager (absence d’outils du web 2.0 de type réseaux sociaux, plateforme de crowdsourcing, etc.), des sites d’auteurs individuels ou informels à forte interactivité potentielle20 avec l’usager et spécialisés autour de questions de vulnérabilité socio-environnementale (à droite). Il n’existe pas de contribution forte d’un thème ou d’une série de thèmes avec les valeurs négatives de l’axe 1 : il n’y aurait donc pas de corrélation aussi forte entre les sites d’auteurs publics et certains thèmes comme celle qui existe pour les sites d’auteurs privés et les questions de vulnérabilité (à droite du graphique). Cette faible corrélation est liée au fait que les sites publics tendent à être peu spécialisés thématiquement du fait de leur mission d’information générale sur l’environnement qui les pousse à aborder simultanément un grand nombre de thèmes, à la différence des sites créés par un individu ou un groupe informel de personnes. Il est intéressant de relever que les variables correspondant aux formats réutilisables (jeux de données statistiques ou géographiques) ne contribuent que de façon relativement marginale à la création du premier axe : la présence ou non de ce type de données n’explique donc que faiblement la différenciation du corpus de sites. L’axe 2 différencie les sites essentiellement sur la base de leur thématique, et secondairement des formats téléchargeables21. Les sites abordant des thèmes d’interaction société-environnement tels que la vulnérabilité face au risque ou l’usage du sol (en haut) s’opposent aux sites abordant des thèmes plus naturalistes tels que les inventaires de faune et de flore (en bas). Les premiers tendent également à fournir un riche matériel téléchargeable -cartes et texte notamment- et sont souvent gérés par des organisations associatives ou non gouvernementales. Les seconds sont généralement des sites plus simples, peu riches en matériel téléchargeable et gérés par des individus (en bas). Ce second axe serait alors celui de l’opposition entre sites « professionnels » liés à de grandes thématiques bien établies dans l’espace public et sites amateurs. Dans ce dernier cas, la présence fréquente de ce type d’outils du Web 2.0 indique un potentiel d’interaction avec l’usager, mais ne signifie ni que ce potentiel soit utilisé, ni qu’elle corresponde à un projet de communication des auteurs du site. De nombreux sites amateurs sont créés à partir de modèles préétablis (patrons de mise en page ou en anglais « templates ») qui incluent par défaut ces outils. 21 Les variables contribuant le plus à la création de l'axe 2 sont les thématiques "usage du sol" (4.8%), "vulnérabilité" (4.6%), "activités minières" (2.9%) et les formats "texte" (4%) et "carte statique" (2.9%). 20 32 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 2. Analyse en correspondances multiples de l’inventaire des sites web : principales variables explicatives Le principal enseignement de cette première analyse est de montrer que la différenciation entre sites dans ces trois pays sud-américains n’est que très faiblement imputable aux types de données disponibles. Ce sont principalement les thématiques abordées, les auteurs et les modes d’interaction potentiels avec l’usager qui différencient les sites. La disponibilité de données conventionnelles en téléchargement (texte et cartes statiques) est certes un élément de différenciation, mais qui n’explique qu’une faible part de la variance. La présence de données en téléchargement, en termes généraux, n’est donc pas un élément décisif de différenciation des sites. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 33 Figure 3. ACM de l’inventaire des sites web : interprétation générale (en haut) et dendrogramme de la Classification Ascendante hiérarchique (en bas). Les axes 1 et 2 de la figure correspondent aux deux premiers axes de l’ACM. Sur la base des résultats de l’ACM, une CAH a été réalisée, aboutissant à la distinction de 10 sous-types de sites, eux-mêmes réunis en trois grands types, signalés sur la figure 322. Un premier grand type (A), situé dans la partie droite du graphique, regroupe les sites à fort potentiel d’interaction avec l’usager, présentant soit peu de données en téléchargement, soit uniquement des données conventionnelles. Les sites animés par des organisations non gouvernementales ou associatives, travaillant dans le champ de la vulnérabilité sociale et des questions de droits constituent un premier sous-type (A1). Abordant l’environnement sous une multiplicité d’angles, ils fournissent un abondant matériel textuel à télécharger, reflet de leurs pratiques de publication numérique très développées. Il s’agit de sites activistes portés par des Avec V(intra) = 67,31% et V(inter) = 32,69% où V(intra) désigne la variance intra-classe et V(inter) la variance inter-classe. 22 34 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 mouvements sociaux ou ethniques incluant un volet environnemental, d’observatoires thématiques sur les conflits environnementaux, ou encore de sites de chercheurs engagés en écologie politique, sans claire inscription territoriale de leurs contenus23. Un second sous-type (A2) regroupe les sites animés par des acteurs dont l’objectif ou l’action est quant à elle explicitement territorialisée. Ce sont des sites dédiés généralement à des thèmes ou un évènement clairement circonscrits dans le temps, généralement créés à cette occasion, souvent mal mis à jour et vraisemblablement inactifs pour certains. Ils offrent généralement peu de matériel téléchargeable. S’y retrouvent à la fois des journaux régionaux en ligne, des blogs régionalistes, des sites de mouvement sociaux organisés autour de la diffusion d’information sur un conflit environnemental… ou des blogs des entreprises prises dans ces mêmes conflits, qui utilisent ces supports pour défendre leur projet. Appartiennent aussi à ce sous-type les site-forums animés par les entreprises qui agissent dans une région, et quelques rares cas d’administration publique dont la mission est précisément territorialisée, comme dans le cas de l’Amazonie brésilienne24. Le troisième sous-type enfin (A3) regroupe les sites amateurs gérés par des individus, extrêmement pauvres en matériel téléchargeable, ne montrant pas d’action continue ou structurée dans le temps autour de l’environnement. S’y trouvent notamment de nombreux blogs25. Le grand type B regroupe quant à lui des sites à très faible potentiel d’interaction avec l’usager, où sont légèrement surreprésentés les thématiques « conservation », « photographie naturaliste » et « inventaires naturalistes ». Indépendamment du type d’auteur, il s’agit des sites les plus pauvres en données téléchargeables de tout le corpus. Un premier sous-type (B1) rassemble des sites fortement spécialisés dans la pratique naturaliste, qu’elle soit le fait d’amateurs ou d’institutions publiques dédiées à la flore ou la faune26. On y trouve notamment, uniquement pour l’Argentine, des sites d’observateurs d’oiseaux ressemblant aux sites associatifs européens (en France, sites de la Ligue de Protection des Oiseaux27). Le sous-type B2 correspond à des sites similaires, mais plus diversifiés thématiquement. Enfin, appartiennent au dernier grand type (C) les sites à faible interaction potentielle avec l’usager, aux nombreuses données en téléchargement parmi lesquelles sont surreprésentés les formats réutilisables. Ces sites combinent souvent une grande diversité des formats de données téléchargeables et une relative pauvreté thématique ; A titre d’exemples du sous-type A1 : lafogata.org, oilwatchsudamerica.org, olca.cl, gudynas.com, estudiosecologistas.org. 24 A titre d’exemples du sous-type A2 : noticias.goias.gov.br, xinguvivo.org.br, riosparalavida.org.ar, blogbelomonte.com.br, ruraldeneuquen.com.ar, sudam.gov.br. 25 A titre d’exemple, des sites recopiant Wikipedia (creditocarbono.wordpress.com), d’enseignants (blog.controversia.com.br), ou des sites généralistes axés sur une profession liée à l’écologie (biologo.com.br). 26 herbariolpb.umsa.bo, cria.org.br, gbifargentina.org.ar, brcactaceae.org, coaberisso.blogspot.com. 27 Cf. dans ce numéro la note d’information consacrée à la plateforme www.fauneaquitaine.org mis en œuvre par la Ligue de Protection des Oiseaux d’Aquitaine. 23 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 35 il s’agit dans une grande mesure de sites gérés de manière professionnelle, par de grandes ONG ou des administrations publiques focalisées sur quelques questions précises. Le sous-type C1 correspond à des administrations publiques nationales ou internationales, non spécialisées en environnement mais qui l’incluent comme un volet de leur action. Leurs sites possèdent donc une section dédiée à des questions de vulnérabilité, d’aménagement du territoire, d’aléas naturels28. Les grandes ONG et organisations conservationnistes forment le sous-type C2. Elles abordent dans leurs sites les thèmes de l’agenda environnemental international : grandes politiques de conservation, déforestation, changements d’occupation des sols, éducation à l’environnement. Il s’agit clairement du pendant institutionnel des organisations activistes appartenant au type A1, qui se caractérise plutôt par une action gestionnaire, non militante, et n’abordant pas l’environnement sous l’angle des droits sociaux29. Le sous-type C4 regroupe les acteurs publics de la gestion du territoire, dont les sites fournissent peu de données en téléchargement et sont spécialisés sur les questions urbaines et d’usage des sols. Il s’agit d’administrations publiques nationales ou urbaines, ou encore de réseaux d’acteurs liés à la gestion du territoire, dans certains rares cas portés par un lobby entrepreneurial30. Le sous-type C5 rassemble des grandes agences publiques spécialisées sur une thématique environnementales, généralement productrices de données et fondant en partie leur action sur la réunion et la diffusion de ces données. On y trouve notamment les ministères de l’environnement ou d’exploitation des ressources naturelles, ou encore les grandes agences statistiques ou en charge de systèmes d’information nationaux. Il subsiste enfin une forte proportion de sites (23%) au profil flou et difficilement caractérisables sur les bases de cette analyse, rassemblés dans le sous-type C3. Sont notamment présentes des organisations intergouvernementales ou inter-métropoles (cepal.org, mercociudades.org, oas.org, comunidadandina.org, comisionriodelaplata.org), la Banque Interaméricaine de Développement (iadb.org), la FAO. 29 Parmi ces sites, ceux des grandes ONG conversationnistes nationales (vidasilvestre.org.ar, lidema.org.bo, socioambiental.org, imazon.org.br), des institutions spécialisées sur la déforestation au niveau international ou national (reddamazonia.com, red-habitat.org, observatoriodoredd.org.br), ou des organismes conservationnistes internationaux (iucn.org, ramsar.org). 30 Y appartiennent de nombreuses municipalités argentines (territorial.web.rd.gov.ar), des réseaux thématiques de gestion des déchets urbains (ablp.org.br), des corporations agroindustrielles faisant du lobbying sur les politiques de transport et d’aménagement du territoire (foroagroindustrial.org.ar). Entre autres exemples : Système de protection de l’Amazonie du Ministère de la Défense brésilien (sipam.gov.br), ministères boliviens des mines, (mineria.gob.bo) ou de l’environnement (mmaya.gob.bo), agences thématiques comme l’agence brésilienne de l’eau (ana.gov.br), agence spatiale argentine (conae.gov.ar), points nodaux de réseaux internationaux pour la fourniture de données (grid.inpe.br), infrastructures de données géographiques nationales (http:geointa.inta.gov.ar, inde.gov.br), agences statistiques (indec.gov.ar, ine.gob.bo). 28 36 1.2. Types de sites et formes de environnementales : patrons nationaux NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 problématisation des questions L’observation de la part des différents types de sites dans chacun des trois pays étudiés permet de décrire des « patterns nationaux » du web environnemental (figure 4), qui permettent de formuler une série d’hypothèses sur les formes de problématisation des questions environnementales et sur ce qui distingue en la matière les trois pays. Dans la mesure où la part relative de chacun des types identifiés peut être affectée par des biais de collecte du corpus et où près d’un quart des sites de chaque pays correspond à un sous-type mal caractérisé (C3), ces hypothèses doivent être considérées avec précaution, avant tout comme permettant de pointer de probables phénomènes émergents. L’approche naturaliste de l’environnement, centrée sur les écosystèmes, leurs caractéristiques biophysiques et les risques qui les affectent, domine globalement sur ces trois webs, tout en étant moins marquée au Brésil. Cette approche est représentée par les sites de grandes organisations conservationnistes et les sites d’inventaires naturalistes (C2 et B), qui représentent 31% des sites en Argentine, 32% en Bolivie, et 23% au Brésil. La moindre part de cette approche dans le web brésilien peut s’expliquer par la plus grande importance dans ce pays de l’approche « territorialisée » de l’environnement (sites A2), rassemblant les sites abordant de multiples questions environnementales, mais uniquement sous l’angle de leur expression dans un cadre territorial précis. Le fait que près de 20% des sites brésiliens relèvent de cette approche pourrait suggérer d’une part une certaine normalisation de l’inclusion de questions et débats environnementaux dans des médias circonscrits à certains territoires (journaux régionaux ), mais aussi la multiplication d’instances publiques spécialisées dans la gestion de l’environnement à des échelons sous-nationaux (régions, municipalités…), instances qui font généralement défaut en Argentine et Bolivie. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 37 Figure 4. Répartition des types de sites web environnementaux selon les pays La dominance de sites relevant d’une approche naturaliste en Argentine et Bolivie cache cependant une différence de taille. En Argentine, une part substantielle de ces sites est portée par des naturalistes amateurs (sur la figure 1, sites gérés par des « groupes informels »), probablement en lien avec des évolutions sociologiques récentes de diffusion de pratiques amateur proches de celles dorénavant communes en Europe ou en Amérique du nord. En Bolivie, ce sont au contraire les organisations conservationnistes qui sont surreprésentées. Le pays reste marqué par plusieurs décennies de retrait de l’Etat de la gouvernance des ressources naturelles et de la gestion de l’environnement, et par sa dépendance dans ce domaine à l’égard de l’aide internationale et d’une myriade d’ONG (Rodríguez-Carmona, 2009). Cette dépendance se traduit par cette forte présence sur la toile d’ONG et associations financées par la coopération ou de grandes ONG étrangères, qui impulsent un traitement avant tout naturaliste des questions d’environnement, souvent à l’échelle de toute la Bolivie. On peut imputer à cette forte extraversion du web bolivien la faible proportion de sites de portée locale (15%) et la très faible part des approches territorialement ancrées de l’environnement (A3, C4), qui témoignent de la difficile émergence sur le web de représentations locales de celui-ci. Le fait le plus surprenant reste cependant la sous-représentation au Brésil des sites relevant d’une approche militante et socialement engagée de l’environnement (A1), où ils ne représentent que 2% du corpus du pays, contre 10% dans chacun des pays voisins. Différents facteurs peuvent contribuer à expliquer cette observation. Au Brésil, le web environnemental est puissamment structuré autour de sites de 38 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 l’administration publique possédant une forte autorité –mesurée par le nombre de liens entrants vers ces sites- grâce à une institutionnalisation précoce des questions environnementales dès la fin des années 1980 (figure 1). S’est ajouté à cela l’ancienneté de la présence de grandes organisations conservationnistes, en lien avec l’importance qu’a revêtu au niveau international la question de la déforestation amazonienne. Ces deux phénomènes ont pu d’une part réduire la propension de groupes militants à créer des sites web sur l’environnement, et d’autre part à dépolitiser en partie les questions environnementales. L’analyse des principales thématiques abordées par les sites de la société civile brésilienne montre que leur approche de l’environnement est avant tout consensuelle et apolitique31 : 46% d’entre eux traitent de conservation, 20% d’éducation à l’environnement. En Argentine et en Bolivie au contraire, la très faible présence des entités publiques sur le web environnemental, alliée aux effets des crises sociales et politiques des premières années de la décennie 2000, aurait laissé plus de place aux revendications militantes, qui greffent sur des revendications politiques préexistantes des considérations environnementales, abordées sous l’angle de la justice sociale. La différence entre Argentine et Bolivie sur ce point réside là encore sur le fait que les sites activistes argentins sont bien plus animés par des groupes informels, tandis que ce sont des ONG qui prennent en charge ce type de sites en Bolivie. 2. « DONNEE » ET AUTORITE DANS LE ENVIRONNEMENTAL : DES RELATIONS COMPLEXES WEB Les discours sur le « web des données »32 et l’importance capitale pour les communautés scientifiques naturalistes des données d’inventaire (comme vecteur de reconnaissance parmi les pairs et dans l’espace public) pourraient laisser à penser que les « données » constituent un élément clé de la structuration du web environnemental, déterminant au point d’être l’élément principal qui permet aux usagers de différencier les sites, en fonction de leur richesse relative. La communication du GBIF, consortium porteur d’une plateforme mondiale permettant l’accès à des données de biodiversité, conforte ce point de vue en faisant du nombre d’occurrence d’espèces dans sa base (plus de 400 millions) un argument fondamental Nous parlons « d’apolitisme » au sens où les auteurs de ces sites adoptent une posture dénuée de référence à des revendications sociales, et proposent des actions de type managérial censées répondre à des « problèmes » faisant consensus dans la société, indépendamment des rapports de force. Ces démarches ont bien évidemment, de façon implicite, une incidence politique sur la façon dont sont conçus ces mêmes « problèmes environnementaux ». Melé (2011) a montré pour le Mexique que les actions d’éducation environnementale tendent généralement à dépolitiser les enjeux, en diluant les responsabilités quant aux atteintes à l’environnement : ces atteintes sont présentées comme relevant des pratiques quotidiennes de tous, et non plus principalement des agissements de grands pollueurs tels que les entreprises. 32 Tim Berners Lee, « The Semantic Web », Scientific American Magazine, May 17, 2001. 31 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 39 de son discours promotionnel33. Mais le lien entre richesse en données et popularité (ou autorité) d’un site environnemental est encore loin d’être avéré, et de nombreuses institutions s’interrogent sur les façons d’augmenter la fréquentation de leur site en proposant des services qui puissent aller au-delà de la seule fourniture de données34. Un préalable nécessaire à cette discussion est d’évaluer d’abord la richesse en données de l’ensemble des sites environnementaux. 2.1. En attendant l’Open Data : pauvreté et richesses des sites Web relatifs à l’environnement en Amérique du Sud. La figure 5 permet de décrire quelques grands traits de la disponibilité de données en téléchargement dans les sites du corpus. Assez logiquement, on peut d’abord observer comment la fréquence de disponibilité d’un format de donnée décroît proportionnellement à son niveau de technicité, et donc au niveau de compétences nécessaires à son utilisation (par l’auteur du site ou par ses usagers). Alors que les formats textuels ou audiovisuels sont présents dans environ 60% des sites, les cartes statiques n’apparaissent que dans 30% de ceux-ci, les jeux de données statistiques dans 10% des cas, les jeux de données géographiques dans 6% 35. Ces résultats sont contradictoires avec les analyses du GéoWeb36 et de l’idée communément admise (Mericskay et Roche, 2011) que l’on assiste à un développement puissant de mise en ligne de cartes sur Internet, notamment via l’universalisation supposée du recours à l’API Google Maps37. Ces analyses, il est vrai, ont jusqu’ici surtout concerné l’Europe et l’Amérique du nord. Globalement, les sites de l’administration publique présentent plus fréquemment des données à télécharger, quel que soit le format (à l’exception notable des formats audio et vidéo). Mais plus la technicité du format augmente, plus la différence avec les autres sites (gérés par des Le GBIF est une infrastructure internationale de données ouvertes, financée par des Etats de l’OCDE. Au centre de la page d’accueil du site (www.gbif.org) sont situés les « chiffres » de la base : 17.165.184 occurrences, 1.426.888 espèces, 11.976 jeux de données (consulté le 8.10.2013). 34 Le GBIF a ainsi entrepris en 2012 une réflexion sur les moyens d’augmenter l’utilisation de sa plateforme par les scientifiques, prenant acte du fait que posséder un très grand nombre de données ne suffisait pas à lui seul pour se maintenir comme site de référence auprès de la communauté naturaliste. 35 Les cartes statiques sont des documents au format image (JPG, etc), non modifiables. Les jeux de données géographiques sont des couches d’information spatialisées, interrogeables par l’utilisateur, et généralement intégrables et modifiables dans un système d’information géographique. 36 Le GéoWeb caractérise une organisation par l’espace de l’information sur Internet à travers un géoréférencement direct ou indirect sur la surface terrestre de tous types de contenus : photos, vidéos, articles d’encyclopédie, billets de blogs, dépêches d’agence de presse, flux RSS, etc. (Fisher, 2008 ; Joliveau, 2011). 37 Une interface de programmation – ou Application Programming Interface (API) – est une bibliothèque de données et/ou de fonctionnalités de traitements que l’utilisateur va interroger par des requêtes afin, dans le cas de Google Maps, d’afficher une carte sur sa page Web. 33 40 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 auteurs privés ou associatifs) augmente, témoignant du poids des capacités économiques et organisationnelles dans la mise à disposition de ce type de données, dont la production et la maintenance en ligne sont coûteux. La fréquence de données cartographiques statiques est ainsi de moitié supérieure dans les sites publics par rapport aux autres, et de quatre à six fois supérieure lorsqu’il s’agit de données statistiques ou géographiques. En termes de comparaison entre les trois pays, un point notable de ces résultats est l’absence de fracture sensible de l’offre de données entre les pays : le web bolivien notamment présente des fréquences de disponibilité similaires (données conventionnelles) voire supérieures à celles de ses voisins38, contrairement à ce que les faibles performances du pays en terme de diffusion sociale du Net pouvait laisser prévoir. Ce constat peut s’expliquer par le fait que les sites boliviens sont proportionnellement moins nombreux mais plus fréquemment portés par des acteurs professionnels (ONG) et plus enclins à mettre en partage des données que leurs homologues argentins et brésiliens. 100 Argentine - administration publique Argentine - Autres auteurs de sites 80 Bolivie - administration publique Fréquence (%) Bolivie - Autres auteurs de sites Brésil - administration publique 60 Brésil - Autres auteurs de sites 40 20 0 Texte Audiovisuel Cartographie statique Jeux de données statistiques Jeux de données géographiques Figure 5. Fréquence de données en téléchargement selon l'auteur du site et le pays Les débats actuels mais aussi les actions de normalisation en cours autour de l’open data, dominés en France par les professionnels de la gestion du territoire39 ou les réseaux de promotion du numérique40 et récemment appropriés par la sphère C’est le cas des données géographiques sur les sites privés et associatifs. A l’image de l’association OpenDataFrance qui a pour but : « de regrouper et soutenir les collectivités engagées activement dans une démarche d’ouverture des données publiques et de favoriser toutes les démarches entreprises par ces collectivités dans le but de la promotion de l’open data. » (communiqué de presse pour la création de l’association le 9 octobre 2013 : http://opendatafrance.net). 40 Nous réunissons sous cette expression les cabinets de conseil comme BlueNove, associations comme la FING, sociétés d’analyse de données comme DataPublica, ou 38 39 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 41 politique41, ont tendance à se focaliser sur la mise en libre accès de ces données dites « réutilisables », c’est-à-dire dont la structuration et le format offrent des conditions nécessaires et suffisantes à leur exploitation dans de nouveaux contextes techniques et pour des usages variés. Sont dits « réutilisables », pour l’essentiel, les jeux de données statistiques et géographiques, considérés comme les plus à même de modifier en profondeur l’impact des politiques de gestion de l’environnement, notamment en démultipliant le potentiel des actions participatives grâce à la réutilisation citoyenne des données42. Les tentatives actuelles de mettre en place une « gouvernance informationnelle » de l’environnement (Mol, 2009) s’appuient notamment sur la mise en place de sites où ce type de données est mis à disposition. Force est cependant de constater leur très faible diffusion dans les sites Web étudiés (figure 6). Sur les 1674 sites analysés, 38% diffusent des données statistiques et/ou géographiques. Mais parmi ceux-ci, seul un tiers diffuse ces données sous la forme de fichiers réutilisables, soit à peine 12% du corpus global. Les deux tiers restants sont diffusés sous la forme d’applications encapsulées qui permettent la consultation statique43 ou interactive44 sans offrir de possibilité de téléchargement des données Parmi les sites qui diffusent des fichiers réutilisables, 50% d’entre eux offrent l’accès à des fichiers statistiques45, 40% rendent accessibles des données géographiques46, tandis que 10% des sites proposent un téléchargement de ces deux types de données. groupements de sociétés comme GFII qui produisent et diffusent des rapports (vadémécums, livres blanc…) de recommandations sur l’open data. 41 Les Chefs d’Etat du G8 ont récemment signé une charte pour l’ouverture des données publiques dont le principe n°5 fait explicitement référence à la fourniture de données structurées : « Nous veillerons à ce que les données puissent être lues en blocs par machine en fournissant des données structurées permettant un accès automatique au moyen d’un nombre minimal de téléchargements de fichiers » (Sommet de Lough Erne, Irlande du Nord, 18 juin 2013). 42 A titre d’exemple, l’introduction du rapport « Rôle et impacts de l’Open Data dans les processus de concertation » publié en 2012 par le collectif (FING / Démocratie Ouverte / Décider Ensemble) débute ainsi : « Le mouvement d’ouverture et de réutilisation des données publiques (open data) s’est développé (…) en portant avec lui plusieurs promesses citoyennes : celle d’une plus grande transparence des informations, d’une plus grande capacité d’actions pour des citoyens mieux informés, d’une plus grande participation à la vie publique. » 43 Voir la cartothèque du Centre de Documentation et d’Information de la Bolivie (http://www.cedib.org/mapas) qui diffuse près de 90 cartes sous la forme fichiers JPG ou le CEDLA qui diffuse des tableaux de bord statistiques sur la politique énergétique de la Bolivie sous la forme de rapports Pdf (http://plataformaenergetica.org). 44 Comme l’Observatoire des Conflits Miniers d’Amérique Latine (http://conflictosmineros.net/) qui propose une cartographie dynamique avec frise chronologique des conflits (http://ocmal.ourproject.org/) 45 Cas du Centre de prévision et d’étude climatique brésilien qui permet la consultation et le téléchargement des observations issues des stations météos depuis le site : http://bancodedados.cptec.inpe.br/. 46 Cas de l’infrastructure de données géographiques brésilienne – INDE – qui dispose d’un catalogue permettant la consultation des métadonnées et le téléchargement de certains jeux de données http://inde.gov.br. 42 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 On ne peut cependant en conclure que les sites Web environnementaux sudaméricains soient dépourvus de données. Les fréquences des données conventionnelles (texte et audiovisuel) montrent que les sites ne présentant aucune donnée en téléchargement sont minoritaires (de l’ordre de 20 à 30%) : la communication au travers de sites environnementaux s’appuie clairement sur la mise à disposition de livres ou rapports numériques, ou d’images et de vidéos. La fréquence de données cartographiques statiques, si elle reste faible (40% pour les sites publics, 20% pour les autres), montre une fracture relativement classique entre une petite minorité de sites fournissant des données techniques à fort potentiel de réutilisation, et une majorité de sites fournissant des données dans des formats peu coûteux à produire. Figure 6. Disponibilité de données réutilisables dans l’ensemble du corpus des sites 2.2. Les ressorts de l’autorité dans trois webs environnementaux sudaméricains Une fois constatée à la fois la faible importance des données en téléchargement dans la différenciation des types de sites et la grande pauvreté en données réutilisables du corpus étudié, il est nécessaire de s’interroger sur la nature des liens entre l’autorité (voir section méthodologique) dont jouit un site environnemental sur le web et sa politique en termes de mise à disposition de données. Le tableau 1 classe l’ensemble des sites de chaque pays en fonction de leur autorité, et calcule pour chaque groupe les valeurs moyennes des indices informationnels. On note pour chaque pays une co-évolution positive entre l’autorité et ces indices informationnels, suggérant que la diversité de données et la richesse 43 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 informationnelle restent des facteurs de l’attractivité d’un site et déterminent en partie sa position dans le web. Ces facteurs semblent par ailleurs plus déterminants que la thématique abordée dans le site, aucun patron clair ne permettant de relier thématiques dominantes et indicateur d’autorité. Dans tous les groupes de sites, quelque soit leur position hiérarchique dans le graphe, la conservation de la nature est le thème dominant, les thèmes secondaires apparaissant indifféremment dans les groupes à fort ou faible autorité (« activisme social » en Argentine par exemple). Coévolution des indicateurs n’est cependant pas corrélation statistique, et il est important de souligner certains écarts notables montrant que certains sites pauvres en données peuvent néanmoins occuper des positions d’autorité hautes. C’est le cas des sites naturalistes argentins, présents dans le groupe au plus fort degré entrant, bien que spécialisés thématiquement et n’offrant généralement que peu de données en téléchargement. Le calcul du degré entrant et de l’indice de richesse des données pour chaque type de site identifié en première partie de l’article montre un lien similaire entre richesse et autorité (tableau 2). Les sites relevant des administrations internationales non spécialisées en environnement (mais dont une partie du site en traite) et ceux des agences publiques de production de données possèdent les plus hauts indicateurs d’autorité, simultanément au plus fort indice de richesse (14). Au bas de l’échelle de la richesse en données, les sites amateurs présentent une très faible autorité. L’intérêt d’une approche quantificatrice telle que celle qui vient d’être présentée est de permettre d’explorer certaines grandes tendances quant à la « place des données » dans les webs environnementaux sud-américains. Il est cependant nécessaire de combiner cette approche avec d’autres méthodes permettant de mieux cerner la diversité de stratégies d’utilisation des « données » par les auteurs de sites environnementaux de ces trois états sud-américains. Indicateur d’autorité des sites ARGENTINE Nb de sites Thématiques dominantes du groupe (par ordre décroissant d’importance) Part des sites de l’administration publique Nombre de formats en téléchargement (moyenne) Indice de richesse des données (moyenne) Fort Degré entrant (39-5) Degré entrant moyen (4-2) 104 168 Conservation Inventaires naturalistes Activisme social Conservation Activisme social Usage du sol Faible Degré entrant (1) Sites isolés (Degré entrant = 0) 150 299 Conservation Agriculture Inventaires naturalistes Conservation Activisme social Agriculture 41 29 37 26 3.1 2.4 2.3 2.0 10.3 5.9 5.5 4.4 44 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Indicateur d’autorité des sites BOLIVIE Fort Degré entrant (8-2) Faible Degré entrant (1) Sites isolés (Degré entrant = 0) Nb de sites 23 25 82 Thématiques dominantes du groupe (par ordre décroissant d’importance) Conservation Activisme social Agriculture Conservation Usage du sol Questions énergétiques Conservation Agriculture Usage du sol Part des sites de l’administration publique 43 64 24 Nombre de formats en téléchargement (moyenne) Indice de richesse des données (moyenne) 3.0 2.5 2.1 8.3 7.2 5.7 Indicateur d’autorité des sites BRESIL Nb de sites Thématiques dominantes du groupe (par ordre décroissant d’importance) Part des sites de l’administration publique Nombre de formats en téléchargement (moyenne) Indice de richesse des données (moyenne) Fort Degré entrant (70-6) Degré entrant moyen (5-2) 70 124 Conservation Agriculture Questions énergétiques Conservation Agriculture Usage du sol Faible Degré entrant (1) Sites isolés (Degré entrant = 0) 97 Conservation Education à l’environnement Agriculture 308 Conservation Education à l’environnement Agriculture 57 43 26 21 2.8 2.5 2.3 2.0 8.5 6.2 5.7 4.3 Tableau 1. Caractéristiques relationnelles et informationnelles des sites relatifs aux trois pays en fonction de leur autorité dans le corpus étudié. Sous-type C1. Grandes administration internationales C5. Agences publiques productrices de données C2. Grandes organisations conservationnistes A1. Activisme social & diversité informationnelle C4. Acteurs publics de la gestion du territoire A2. Information territorialisée B. Spécialisation thématique (naturaliste). A3. Amateurs non spécialisés C3. Profil flou 4.4 5.1 2.4 1.7 2.0 2.4 Richesse des données (moyenne) 14 14 9 4.0 5.0 8 1.3 2.3 1.8 1.0 1.8 2.4 2.1 1.8 3.7 1.6 6 5 5 4 3 Degré Degré entrant sortant (moyenne) (moyenne) Tableau 2. Quelques caractéristiques relationnelles et informationnelles des types de sites web. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 45 3. STRATEGIES DE LA DONNEE ENVIRONNEMENTALE…. STRATEGIES POLITIQUES ? C’est au niveau du site web lui-même que peut être menée une analyse plus fine des fonctions attribuées aux données dans les stratégies de communication des acteurs de l’environnement. Dans les sections suivantes, on interroge les pratiques éditoriales de plusieurs catégories de sites, qui ont en commun d’être les sites avec la plus forte autorité sur les sites Web étudiés (les 30 premiers pour chaque catégorie), développant à un autre niveau la question précédemment évoquée du lien entre autorité et disponibilité de données. Les sites publics font l’objet d’une analyse à part, interprétant certaines initiatives de mise en partage de données environnementales comme un ensemble de stratégies politiques émergentes. 3.1. Trois regards sur les pratiques éditoriales autour de la « donnée » environnementale dans les sites web La donnée écologique : le paradoxal parent pauvre du web environnemental ? L’analyse de l’échantillon de sites portant sur la conservation de l’environnement présente un panorama paradoxal. Ce thème est historiquement porté par des communautés scientifiques naturalistes extrêmement attachées à la production de données (d’inventaire, d’expérimentation), et les politiques de conservation se réfèrent en permanence au besoin de s’appuyer sur ces données et d’en produire de nouvelles pour agir47. Cependant les acteurs du web ayant la plus forte autorité sur le graphe étudié ne sont qu’une minorité à organiser leur communication autour de ces « données ». Parmi les trente sites étudiés, couvrant les trois pays, deux grandes stratégies informationnelles se dégagent (figure 7). La plus fréquente (13 sites sur 30) consiste à signaler les actions menées par l’institution qui gère le site, principalement sous forme de pages décrivant des projets passés ou en cours. Parmi ces sites, très rares sont ceux dont le but est de susciter l’adhésion active de l’usager48 : le site est conçu d’abord comme une vitrine institutionnelle, et les données téléchargeables n’y sont ni fortement visibles, ni valorisées sur le site (elles constituent simplement un produit annexe du site). La plupart des sites offrent en page d’accueil une section « publications » ou « multimédia », où quelques rapports, vidéos et photographies sont téléchargeables, mais ces sections sont dispersées dans l’arborescence et ne font pas l’objet d’une mise en visibilité particulière. Il n’existe donc pas de volonté de mettre en avant une expertise particulière autour de la production ou de l’analyse des données, et celles-ci permettent avant tout de témoigner d’une capacité d’expertise parmi On peut citer à titre d’exemple en France, la politique sur les trames vertes et bleues (TVB) issue du Grenelle de l’environnement et qui fait de la production de données et d’indicateurs de suivi un élément d’évaluation central (Alphandéry et al., 2012). 48 http://www.porlareserva.org.ar 47 46 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 d’autres49. La seule exception dans cet ensemble de sites orientés vers la promotion d’une action de conservation est le site brésilien de l’ONG Instituto Socioambiental, qui bâtit sa légitimité sur une action continue de veille et de production de données à propos des aires protégées et des populations indigènes du Brésil, et valorise fortement ses « observatoires » dans le site (interface SIG, consultation de bases de données). La seconde stratégie des sites à forte autorité spécialisés dans la conservation est centrée autour de la fourniture d’information spécialisée (10 sites sur 30). Elle est le fait d’ONG, d’associations ou de l’administration publique. Si quelques sites offrent de très nombreuses données textuelles en téléchargement dans des rubriques dédiées, indexées et sélectionnées selon des limites thématiques précises50, la plupart n’offrent que des données éparses, sans qu’aucun effort de visibilisation (hiérarchisation des thèmes) ne soit détectable. Dans les rares cas où des bases de données (géographiques, statistiques, bibliographiques) existent, elles sont difficilement accessibles et faiblement valorisées51. Les sites gérés par les ONG relèvent généralement d’un fonctionnement de blog, collectant et centralisant des billets d’information issus d’autres sources, sans qu’aucun principe précis de cette collecte n’apparaisse. Dans ce second groupe, des sites sponsorisés par des entreprises52 constituent un cas à part (4 sites). En apparence dédiés à l’information environnementale généraliste, il s’agit probablement de plateformes permettant de donner une visibilité à la politique de RSE53 de celles-ci en mimant l’apparence de sites spécialisés en environnement afin d’attirer des usagers, alors qu’aucun projet éditorial précis n’apparaît. Le reste des sites relève de stratégies mixtes (présenter ses actions, informer sur un thème). Cette paradoxale pauvreté en données téléchargeables de sites dédiés à la conservation les plus populaires de notre corpus peut avoir plusieurs explications. La première tient à la nécessité, pour les acteurs producteurs de données de terrain (ONG conservationnistes en premier lieu) de capitaliser leurs efforts en restreignant leur diffusion : c’est grâce à ces bases de données privées qu’ils pourront postuler à Un site emblématique à cet égard est celui du Ministère brésilien de l’environnement (http://www.mma.gov.br). En page d’accueil, aucune rubrique ne renvoie expressément aux jeux de données téléchargeables pourtant nombreux et riches, accessibles indirectement au sein d’une rubrique dénommée « gouvernance environnementale ». 50 C’est le cas des bibliothèques en ligne : http://www.redesma.org (ONG), http://www.ibama.gov.br/ (Administration brésilienne). 51 A titre d’exemple, les sites dépendants du site du Ministère de l’environnement du Minas Gerais dédiés aux données (bases de données géographiques et de données administratives et contentieuses) sont accessibles après 4 clics, sans être mentionnés en page d’accueil (http://www.siam.mg.gov.br/). 52 ONG : http://www.alihuen.org.ar. Entreprises: http://www.eco-sitio.com.ar; http://www.patrimonionatural.com; http://www.ecodesenvolvimento.org.br. 53 RSE : Responsabilité Sociale des Entreprise. Ce terme recouvre l’ensemble des actions volontaires visant à faire bénéficier la société de l’action des entreprises, actions censées dépasser le seul cadre des activités productives pour intégrer des actions environnementales et sociales. 49 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 47 des offres de financement relevant des territoires et thématiques sur lesquels ils sont spécialisés. Quant aux administrations publiques, l’explication tient au fait que celles-ci ont encore très peu intégré la production de données comme un élément de leur action et de leur légitimité (Argentine), voire ont une capacité faible de production en interne (Bolivie, administration de certains Etats fédérés brésiliens). Le sondage effectué suggèrerait donc que le principal facteur d’autorité sur le web d’un site dédié à la conservation est d’abord lié à la reconnaissance des actions de son auteur en faveur de la gestion de l’environnement au sens large (inscription dans la durée et dans l’espace public), plus que de son expertise en production et analyse de données. Les différences entre pays recoupent les observations antérieures sur l’ensemble du corpus : les sites dédiés à la conservation les plus populaires sont en Argentine et en Bolivie très majoritairement gérés par des ONG, par l’administration publique au Brésil. Figure 7. Trois regards sur la place de la donnée dans les sites environnementaux La donnée géographique dans les sites environnementaux sud-américains La consultation des sites diffusant des données géographiques montre que celles-ci font l’objet d’une très forte mise en visibilité. Ainsi, les activités de production et de diffusion de données géographiques sont évoquées dans les pages de présentation du site qu’il s’agisse ou non du cœur de métier de l’organisation. Par ailleurs, les données géographiques sont rarement dispersées : des rubriques leur sont souvent dédiées, accessibles par liens rapides (onglet « mapas » en en-tête de plusieurs sites brésiliens). Sur tous les sites étudiés, l’accès aux données géographiques s’effectue rapidement, en très peu de clics. Cette mise en visibilité de données plutôt techniques qui ne s’adressent, par conséquent, qu’à un public limité, témoigne de la volonté de mise en exergue des investissements et des compétences techniques des organismes diffuseurs. Même quand les jeux de données diffusés sont relativement limités 48 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 (quelques couches SIG mises à disposition sur des référentiels nationaux) la publicité autour des données géographiques est importante et semble vouloir renforcer la légitimité d’action des diffuseurs. La donnée géographique n’est quasiment jamais diffusée sans une mise en valeur de son contenu. Cette dernière passe par une mise en cartes qui permet de combiner le jeu de données diffusé avec d’autres sources ou de le mobiliser pour réaliser des analyses thématiques (cartes choroplèthes par exemple). Ainsi, 25 des sites analysés encapsulent la donnée dans des interfaces de consultation statique (cartothèque) ou dynamique (application de WebMapping dédiée, utilisation de l’API Google Maps). En revanche, seuls les deux tiers des sites analysés proposent des métadonnées (des fichiers PDF non normés aux fichiers XML intégrés dans un véritable géocatalogue). Une part non négligeable de données est donc diffusée sans aucune documentation. Pourtant, la mise à disposition des données semble, au niveau du contenu éditorial et de l’arborescence du site, tout aussi centrale. Enfin, la moitié des données géographiques diffusées est accompagnée d’analyses et de commentaires, la plupart du temps sous la forme de publications. L’exploration de l’échantillon met en évidence trois types de stratégies autour de la donnée géographique (figure 7). Celle, d’abord, des sites Web qui diffusent des données faiblement valorisées (non documentées, non analysées) mais qui disposent d’une forte visibilité. Ce type regroupe 6 des 30 sites analysés qui semblent faire de la donnée un « produit d’appel ». Ensuite, celle des sites Web qui diffusent des données géographiques ayant une bonne visibilité dans l’arborescence du site et faisant l’objet d’un effort de valorisation via la mise en ligne d’un géocatalogue, le développement de multiples interfaces de consultation (statique, dynamique) et la mise en scène des données dans un système d’information en ligne (sous-domaine spécifique). Ce type regroupe 21 des 30 sites de l’échantillon. Il concerne à la fois des dispositifs comme les Infrastructures de Données Géographiques dont la production et le partage de données sont le cœur de métier54 et des dispositifs de type observatoire dont l’analyse est le cœur de métier. Seulement deux distinctions majeures peuvent être observées entre les trois pays étudiés. Premièrement, le volume de sites de l’échantillon diffusant des données distingue le Brésil (plus de la moitié des sites diffusant des données géographiques) de l’Argentine et de la Bolivie (respectivement 9 et 4 sites). Ce premier constat est cohérent avec ce que montre la figure 5 pour l’ensemble du corpus, et témoigne du différentiel d’avancement du déploiement des technologies de l’information géographique dans ces pays. Les fonctions de la donnée environnementale dans les stratégies d’activisme social Le foisonnement contemporain des mouvements sociaux sud-américains qui incorporent à des degrés divers les questions environnementales se retrouve dans la http://www.dpi.inpe.br/prodesdigital/prodes.php http://www.sib.gov.ar ; http://geointa.inta.gov.ar . 54 ; http://geo.gob.bo ; NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 49 diversité des sites que nous qualifions « d’activistes ». Parmi ces sites, deux grands types d’acteurs se dégagent : les mouvements sociaux qui mènent des campagnes sur des thématiques précises, et les institutions se donnant une mission éducative ou de recherche (fondations ou ONGs). Ces deux catégories sont néanmoins poreuses, et on peut trouver des mouvements très organisés qui développent également des activités de formation et de recherche ou des fondations et organisations qui facilitent la création de campagnes de mobilisation à partir de leurs activités de recherche55. Le fait le plus notable des sites de mouvements sociaux est l’absence quasi totale de données téléchargeables. Lorsqu’elles existent, elles sont faiblement valorisées et leur localisation est rendue difficile par leur dispersion dans le site. Les sites relevant de l’activisme social ont généralement une structure de blog, où les contenus sont proposés comme une succession d’actualités. Dans ces sites, les données ont une visibilité faible, ne sont pas téléchargeables et présentées sous forme discursive, accompagnant plus rarement le texte sous forme de tableau ou d’image. Les sites présentant une section dédiée aux données sont extrêmement rares56, et dans l’échantillon analysé, aucun site ne propose d’interface dédiée à l’accès aux données (moteur de recherche avancé) au-delà du moteur de recherche général du site web. Cet état de fait s’explique par l’objectif des sites activistes, qui est avant tout d’informer une gamme variée d’usagers du Web, et il est bien plus efficace pour ce faire de proposer des synthèses et analyses que des jeux de données réutilisables. Ces sites proposent ainsi rarement des données géographiques et, quand ils le font, les données sont retravaillées dans des textes d’analyse. Les sites d’institutions à mission éducative ou de recherche peuvent avoir une structure plus complexe et procurer une visibilité variable à leurs données. Généralement, ces sites sont construits comme des portails informationnels, dont les contenus peuvent être organisés en rubriques thématiques (type de ressources, zone géographique, type d’action..) et par type de contenu (multimédia, publications, liens, documents..). Dans les rubriques thématiques, les données sont dispersées dans les textes des articles et souvent résumées dans des analyses ou des commentaires, sans que les données originales ne soient disponibles. C’est généralement dans les rubriques par type de contenu que l’on peut trouver des sections du site dédiées aux données. On y collecte généralement des ressources bibliographiques, publications produites par l’organisation ou publications concernant la thématique du site publiées par des tiers. Très rarement, ces sites proposent des formats téléchargeables ou fournissent les éléments sur les conditions de collecte ou de production des données (métadonnées). Si le niveau de visibilité des données est très variable parmi les sites « activistes », la valorisation de la donnée y est par contre toujours centrale, même si la plupart des sites revendique moins une expertise dans la production de données que dans leur analyse ou leur capacité à les diffuser. La rubrique « qui sommes nous », où Voir le forum bolivien pour l’environnement et le développement (http://fobomade.org.bo), le forum Carajas (http://forumcarajas.org.br/) ou la Fondation pour la défense de l’environnement en Argentine (http://www.funam.org.ar/) 56 Comme par exemple http://www.noalamina.org qui a une section « téléchargement » directement accessible en page d’accueil. 55 50 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 est présentée la mission que se donne le collectif qui gère le site met toujours en avant la nécessité de collecter et diffuser des données sur son champ thématique. Mais la valorisation prend des formes différentes de celles que pratiquent les deux types de sites vus précédemment. L’accent est avant tout mis sur la facilitation de l’accès à l’information, en offrant des bulletins d’information par email ou des actualités par flux RSS57, ou en suggérant des façons de valoriser les données dans un but d’action, éducatif ou revendicatif58. Les stratégies des sites activistes accordent donc surtout aux données téléchargeables un statut de « produit annexe » (figure 7) : les mouvements focalisés sur l’organisation d’actions dans l’espace physique en font un élément de mobilisation parmi d’autres pour des campagnes d’actions ; les sites qui se donnent pour mission de relayer et diffuser des informations les évoquent ou les mettent en accès sur leurs pages, mais de façon marginale. Si au Brésil les sites activistes ont une architecture de sites amateurs, les sites boliviens qui sont plus souvent portés par des ONG et des institutions de recherche, sont riches d’information et offrent souvent une rubrique dédiée aux données (documents ou publications). Le cadre argentin est plus varié, et on y trouve à la fois des sites de mouvements sociaux à l’organisation très avancée et des sites d’acteurs de la recherche. 3.2. L’administration au risque de l’accès libre : stratégies publiques dans un contexte de concurrence croissante dans la diffusion des données Une ultime façon de caractériser les pratiques contemporaines de partage des données environnementales consiste à se focaliser sur les stratégies des pouvoirs publics en la matière. L’objectif de ce dernier paragraphe est moins de décrire l’ensemble des initiatives publiques décelées dans le corpus que de signaler des phénomènes émergents, significatifs selon nous des stratégies les plus notables. Notre principale hypothèse est que les initiatives publiques de partage en ligne des données environnementales relèvent en partie d’une prise de conscience par l’administration que plusieurs de ses prérogatives dans le domaine de l’information sont de plus en plus concurrencées par les processus simultanés de numérisation des données et d’essor du Web. Témoin de cette concurrence, le recensement de sites environnementaux effectué pour cette recherche a bien montré que les sites publics sont minoritaires dans les webs argentins, brésiliens ou boliviens (respectivement 31%, 31% et 36% des sites de chaque pays). Une forte proportion des sites possédant la plus forte autorité dans chacun de ces webs nationaux (tableau 1) correspond à des sites des sphères individuelle, de l’entreprise, ou associative (59% en Argentine, 43% au Brésil, 57% en Bolivie). La prééminence écrasante des pouvoirs publics dans le domaine (hors ligne) de la production et du contrôle des connaissances environnementales est dont largement entamée sur l’espace de la Toile. La transition Par exemple, le site http://fobomade.org.bo. Les sites de mouvements sociaux proposent des outils d’aide à la mobilisation, à l’exemple du forum brésilien pour l’économie solidaire, le plus riche d’outils destinés aux militants (http://www.fbes.org.br/). 57 58 51 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 numérique (numérisation des données et émergence du Web) depuis les années 1990 constitue un défi à plusieurs des objectifs traditionnellement poursuivis par l’Etat au travers de ses politiques informationnelles (tableau 3). Objectifs de l’Etat par rapport à l’environnement Affirmer un pouvoir symbolique. Contrôle par la connaissance. Principales stratégies informationnelles Ce que changent la numérisation et le Web... 1. Unification des représentations des ressources et du patrimoine naturel. Facilitation de circulation des représentations alternatives et/ou concurrentes de l’environnement. 2. Maîtrise de la circulation des données (monopole de fait des institutions publiques). Explosion des échanges de données aux marges ou hors de la sphère publique. 3. Monopole de la localisation des ressources. Pratiques croissantes de localisation par le secteur privé (individus, entreprises). 4. Monopole de la qualification des données (imposition de normes et contrôle de la standardisation) Essor de modes concurrents de qualification des données en lien avec l’activisme social et les processus participatifs. Précision et pertinence sont relatifs aux usages (non prévus par les pouvoirs publics) dont seront objet les données. Tableau 3. Que changent la numérisation des données environnementales et Internet pour les politiques informationnelles des pouvoirs publics ? Historiquement, l’Etat a affirmé son pouvoir sur les ressources naturelles des territoires qu’il contrôlait, notamment symboliquement, par une action constante d’unification de leur représentation par le contrôle des moyens de mesure environnementale, de délimitation spatiale des ressources (cartographie naturaliste, zonages…). Cette unification permettait d’assurer la prééminence de la vision de l’Etat dans l’espace public. Aujourd’hui, la transition numérique permet à de nombreuses représentations alternatives de se diffuser dans l’espace public, tirant parti de la démocratisation de l’usage de technologies individuelles de mesure (GPS, SIG…). Ces représentations alternatives sont notamment portées par des mouvements revendicatifs, qui utilisent Internet comme plateforme de structuration et diffusion de connaissances, et outils de contre-expertise (observatoires environnementaux)59. Dans des pays où l’environnement fait l’objet d’une faible C’est notamment dans le domaine des conflits environnementaux que ces observatoires se développent (olca.cl), ou dans celui des luttes contre les mines à ciel ouvert dans les régions 59 52 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 institutionnalisation comme la Bolivie ou l’Argentine, de telles initiatives entrent, sur Internet, en concurrence directe avec celles de l’Etat. L’Etat a par ailleurs historiquement assuré un contrôle de la gestion de l’environnement par le biais de divers monopoles informationnels que la transition numérique remet aujourd’hui en cause. Les coûts de production et de diffusion des données environnementales ont longtemps été tels que l’Etat possédait de fait un monopole sur leur circulation, aujourd’hui largement battu en brèche par la facilité des échanges de données numérique sur Internet, qu’il s’agisse de données produites et circulant hors de la sphère publique, ou de données publiques relayées et réutilisées par de multiples acteurs privés ou associatifs sur leurs sites. De la même façon, les monopoles de localisation des ressources et de leur qualification sont largement remis en cause. Le premier, par la diffusion de pratiques de cartographie contributive60 en ligne qui, en permettant à un nombre croissant d’acteurs de signaler sur le Web des objets environnementaux, bouleversent les catégories les plus stables de la cartographie: public, auteurs, techniques de conception, mode de consommation, canaux de décision, sémiologie (Joliveau et al., 2013). Le second monopole, par le fait que sur le Web l’Etat cesse d’être le seul acteur habilité à qualifier la qualité de données environnementales mises en partage. La démultiplication des usages potentiels de ces données habilite de nombreux autres acteurs à définir si une donnée est ou non conforme à leurs attentes, et rend relatives les normes établies par les pouvoirs publics61. Dans ce contexte, une série d’initiatives publiques de partage des données peuvent être interprétées comme la tentative de contrer, sur Internet même, certains effets de cette concurrence. Trois grands types de pratiques sont à noter (tableau 4). Tout d’abord, celles relevant d’une diffusion par des sites publics spécialisés (ministères, agences publiques thématiques) de « référentiels environnementaux », c'est-à-dire de jeux de données validés par l’Etat et fournissant pour un territoire une représentation homogène de certaines dimensions de l’environnement. Ce type de pratiques est courant au Brésil, moins en Argentine, quasiment nul en Bolivie62. Il peut être assimilé à une stratégie de dissémination non contrainte (aucun acteur n’a obligation d’utiliser ces données) ayant pour objectif d’inciter le plus grand nombre andines (Observatorio de Conflictos Mineros de América Latina, http://www.conflictosmineros.net ; Mapa de conflicots mineros, http://mapaconflictominero.org.ar ; No a la Mina, http://www.noalamina.org). 60 On parle aussi de cartographie 2.0, de contenus cartographiques générés par les utilisateurs, de « crowdsourcing » géographique, de mash-up cartographiques ou encore d’information géographique volontaire - VGI (Sui et al., 2012) pour évoquer cette démultiplication des possibilités de contributions en information géographique par les Internautes dont la mobilisation dans des démarches formelles et institutionnelles pose question. 61 Des travaux de recherche sur la qualité externe des données (qui se définit comme l’adéquation au besoin, au « fitness for use ») viennent ainsi compléter les protocoles plus classiques d’évaluation de la qualité interne des données (qui font référence au contrôle des spécifications initiales). (Deviller et al., 2005). 62 Voir les sites http://mapas.mma.gov.br/mapas/aplic/probio/datadownload.htm pour la végétation et http://www2.snirh.gov.br/home pour l’eau au Brésil. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 53 d’acteurs de l’environnement à utiliser ces représentations pour planifier leur action ou développer leurs analyses63. On serait alors face à une stratégie d’influence (« soft power »), visant à réunifier par la « donnée » des représentations dorénavant éclatées et souvent divergentes des enjeux environnementaux. Certains signes montreraient que cette stratégie est effective dans certaines situations de conflits (Brésil), où l’on observe un consensus entre adversaires sur l’usage de tels référentiels, qui jouent alors un rôle de médiation entre les parties opposées (Gautreau & Vélez 2011). Le second type de pratique publique contre-concurrentielle concerne les initiatives de référencement de données (tableau 4). Ce référencement consiste à fournir en ligne des outils grâce auxquels l’usager peut interroger des bases de données, où accéder de façon aisée à de multiples données au travers de liens organisés et centralisés par l’administration. Ces données sont de moins en moins des données uniquement publiques, mais un ensemble disparate que l’administration juge digne de figurer dans ses répertoires en ligne. Un premier mode de référencement est le référencement par localisation, où les données sont réunies sur un critère territorial et sur celui de leur format (données géographiques) : les infrastructures de données géographiques correspondent à ce premier type, référençant les données cartographiques (numériques) existantes sur un périmètre territorial précis. Les bibliothèques numériques constituent un second mode de référencement, sémantique cette fois, rassemblant des ressources textuelles portant sur ce que l’administration définit comme « environnemental »64. Enfin, certains sites de type représentent un mode de référencement « composite », consistant à donner accès à des données de divers formats et nature sur un sujet ou un territoire précis65. De telles pratiques peuvent relever à notre sens d’une double stratégie. Il s’agirait de pallier la perte du contrôle de la circulation des données environnementales en faisant évoluer le rôle des pouvoirs publics de celui d’ordonnateur de la production de connaissance à celui d’organisateur de leur circulation. Par le référencement des « gisements » de données du Web, l’Etat tente de préserver un rôle de qualificateur des données (la mention d’une donnée dans ses répertoires valant reconnaissance publique), qui peut s’apparenter à une tentative de lutter contre l’éclatement des représentations de l’environnement. Bien souvent, ces initiatives de référencement s’appuient sur des dispositifs institutionnels (cas des IDG) qui incitent les acteurs d’un domaine particulier a normaliser progressivement (mais volontairement) leurs données, afin que celles-ci soient repérées et indexées par Cette situation différencie ces pays de l’Europe, où certains référentiels publics en ligne deviennent d’usage obligatoire (leur mise en partage relève donc plus d’une extension grâce au Web de mesures de contraintes légales, que d’une volonté de partage de l’information, ou d’une volonté d’influence). 64 Voir la Bibliothèque Numérique de l’Environnement de l’IBAMA brésilien (http://www.ibama.gov.br/sophia). 65 Les observatoires peuvent également relever de la troisième stratégie identifiée (mise en scène d’une capacité d’analyse environnementale), et relève souvent de deux stratégies à la fois (B et C). C’est par exemple le cas de l’Atlas environnemental de Buenos Aires (http://www.atlasdebuenosaires.gov.ar/aaba). 63 54 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 les pouvoirs publics (moissonnage66). Un processus de re-normalisation des données de l’environnement serait alors à l’œuvre, fortement déterminé par Internet. Ce type de stratégie peut relever de plusieurs objectifs, parfois opposés. Le projet d’IDG nationale bolivienne « Geobolivia » assume ainsi ouvertement sa volonté politique de contribuer à la réunification des représentations du territoire bolivien et de ses ressources naturelles en localisant et donnant accès aux données géographiques produites de façon fragmentaire et hétérogène au cours des dernières décennies67. D’autres initiatives correspondent elles à une logique classique d’unification des savoirs scientifiques, tablant sur la transition numérique pour harmoniser et rendre compatible des jeux de données sur la biodiversité dispersés dans le monde68. PRATIQUES STRATEGIES informationnelles A. Diffusion de référentiels environnementaux Dissémination non contrainte de représentations (soft power) (Re) Normalisation des données de l’environnement (formatage / traduction) B. Référencement de (gisements de) données C. Mise en scène d’une capacité d’analyse environnementale Réunifier un savoir fragmenté (Pallier la perte du contrôle de la circulation des données) Occupation offensive d’espaces publics du débat environnemental. Lutter contre la perte du monopole de la qualification des ressources naturelles EXEMPLES - référentiels de végétation du Ministère de l’environnement brésilien. - référentiels hydrographiques de l’Agence de l’Eau brésilienne. - Référencement par localisation : Infrastructures de Données Géographiques. - Référencement sémantique : Bibliothèques numériques. - Référencement composite. - Production d’indicateurs environnementaux. - Sites publics de veille thématique (déforestation au Brésil). - Référencement composite. Tableau 4. Stratégies Internet des pouvoirs publics dans le champ environnemental. Voir Noucher, dans ce même numéro de revue. Voir Lerch, dans ce même numéro de revue. 68C’est le cas du Système National de Données Biologiques argentin (http://www.datosbiologicos.mincyt.gob.ar), articulé au projet de l’OCDE (www.gbif.org) 66 67 55 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Une troisième pratique relève plus d’une mise en scène des capacités d’analyse de l’Etat, destinée à occuper l’espace public sur un thème qui met en jeu sa légitimité. Un exemple emblématique de cette pratique est la mise en ligne en 2004 d’un site où l’agence spatiale brésilienne (INPE) met à disposition du public des rapports sur les lieux et les taux de déforestation en Amazonie69. Ce site relève d’une politique plus large d’indépendance informationnelle du Brésil (Gautreau, accepté) ayant pour objectif de ne pas dépendre d’organismes étrangers pour la quantification et la qualification du processus de déforestation amazonienne70. A cette initiative publique répond depuis 2009 le site d’une ONG, qui fournit une contre-expertise dans le domaine de la détection de la déforestation71. Ce type de pratiques est encore extrêmement rare, car dépendant de fortes capacités institutionnelles dont ni la Bolivie ni l’Argentine ne font pour l’instant preuve. Dans l’ensemble, ces pratiques témoigneraient d’une évolution en cours de la place des pouvoirs publics dans les systèmes d’échanges et de qualification des données environnementales. C’est sur ce point que les différences entre les trois pays étudiés sont les plus flagrantes, le Brésil se détachant nettement par la force de ses institutions environnementales, visible à la richesse et au nombre de leurs initiatives sur Internet. En Bolivie (dans une moindre mesure en Argentine), l’Etat n’a jamais occupé de place centrale dans les systèmes d’échange et de qualification des données environnementales. Dans ce cas, la transition numérique n’impose pas à l’Etat un défi « nouveau » à une autorité déjà établie, mais bien une concurrence concomitante de la construction naissante de capacités informationnelles publiques. CONCLUSION L’analyse conjointe de différents niveaux d’organisation du Web environnemental permet de dégager quelques grandes tendances dans la mobilisation qui est faite des données en téléchargement par les acteurs de l’environnement des pays étudiés. En abordant un vaste ensemble de sites, représentatifs d’un « espace public » environnemental (parties 1 et 2), il est possible de dégager des analyses du web focalisées sur des sites particulièrement visibles ou des initiatives de partage originales, qui retiennent souvent l’attention des chercheurs au détriment d’une compréhension du continuum des pratiques en ligne dans un champ thématique donné. Il est ainsi possible de mieux contextualiser les caractéristiques des sites occupant les plus hautes positions hiérarchiques sur le Web (partie 3), en les mettant en regard de celles du reste des sites environnementaux, généralement animés par des acteurs moins reconnus ou puissants dans ces différents pays. La principale conclusion de cette recherche est de montrer la faible place des « données » dans ces webs sud-américains : elles ne contribuent pas de façon décisive Portail DETER, de DEtection en TEmps (http://www.obt.inpe.br/deter) 70 Voir Nicolle & Leroy, dans ce même numéro de revue. 71 http://www.imazongeo.org.br. 69 Réel de la Déforestation 56 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 à différencier les sites entre eux, dans tous les cas moins que leurs caractéristiques thématiques (thèmes traités) ou interactionnelles (dispositifs d’interaction avec les usagers) ; elles sont peu fréquentes sur les sites, et le sont d’autant moins qu’elles sont techniques et complexes (données réutilisables) ; elles ne contribuent guère à expliquer à elles seules l’autorité des sites, puisque ceux qui possèdent les plus forts niveaux d’autorité n’en font que très rarement un élément structurant de leur politique de communication (partie 3.1). Le fait que la disponibilité de données, notamment de données réutilisables, soit plus fréquente dans les niveaux hiérarchiques supérieurs du Web pris dans son ensemble (partie 2.2), n’est pas contradictoire avec cette affirmation. Il indique juste que dans ces niveaux supérieurs, les sites investissant fortement dans le partage des données sont plus nombreux, sans être pour autant majoritaires. La disponibilité de données serait donc un facteur additionnel pour expliquer ce qui fait l’attractivité d’un site, mais pas un facteur décisif. Le cas des sites fournissant des données géographiques réutilisables est à ce titre intéressant : leur autorité provient généralement du fait qu’ils appartiennent à des institutions tirant leur attractivité de fonctions institutionnelles classiques et antérieures à la constitution du Web, d’administrations de référence dans la gestion de l’environnement ou des territoires au sens large. La mise en partage de données sur ces sites renforcerait donc une centralité sur le Web déjà établie pour d’autres raisons. Ce constat permet de démontrer la distance qui sépare le web environnemental des trois pays étudiés d’un hypothétique « web des données ». Même en Argentine et au Brésil, où la pénétration d’Internet est nettement plus forte qu’en Bolivie et où les organisations publiques ou non gouvernementales sont très actives sur la Toile, les données réutilisables sont une denrée rare. Cette situation est certainement imputable à la très faible diffusion des capacités de production de ce type de données par des acteurs nouveaux, notamment par les mouvements sociaux ou les associations. D’autre part, elle montre une faible appétence ou compétence des acteurs présents pour la mise à disposition sur leur site de données produites par d’autres. L’une des promesses d’Internet, liée aux possibilités techniques de construire des sites qui collectent des données distantes, donc de créer des corpus ad hoc en fonction des objectifs et représentations de chacun, semble rester largement lettre morte dans ces pays. Les sites web environnementaux, pour la plupart, sont créés pour signaler une identité, pour publiciser des actions. Ces conclusions provisoires ouvrent le champ pour un débat plus large sur la façon dont Internet modifie les stratégies de communication et de positionnement des acteurs de l’environnement, en Amérique du sud et ailleurs. Notamment, elles ouvrent la question du rôle d’Internet dans l’évolution des fonctions de l’Etat dans le contrôle de la production et de la circulation de l’information environnementale (Benkler, 2006). Internet constitue parfois une forme de menace face à la prééminence de l’Etat, surtout dans des pays comme l’Argentine ou la Bolivie. Mais le constat de la pauvreté en données de ces webs indique aussi qu’il existe un potentiel important pour que se déploient avec succès les stratégies publiques de positionnement dans cet espace, fondées sur l’organisation de l’offre de données. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 57 BIBLIOGRAPHIE ADAMIC L., et GLANCE N. (2005), « The Political Blogosphere and the 2004 U.S. Election: Divided They Blog », Proceedings of the 3rd international workshop on Link discovery, pp.36-43 ALPHANDERY P., FORTIER A. et SOURDRIL A. (2012), “Les données entre normalisation et territoire : la construction de la trame verte et bleue”, Développement durable et territoires, vol. 3 – n°2 | Juillet 2012, mis en ligne le 12 juillet 2012, consulté le 14 janvier 2014. URL : http://developpementdurable.revues.org/9282 BAKIS H., MARCHANDISE S., RAYNAUD J. et VALENTIN J. (2009), « Pour une grille de lecture scientifique des sites web par les géographes. 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NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 59 - Profondeur (hiérarchie dans l’arborescence du site), ou nombre de clics pour accéder aux pages mettant à disposition les données. - Il existe un adressage spécifique ou un sous-adressage de l’interface d’accès aux données (par exemple, data.lacub.fr, en parallèle au site de la Communauté Urbaine de Bordeaux). - Il existe un moteur de recherche permettant de pointer (aussi) sur les données. - Le site est inscrit dans un réseau de banques de données en ligne, ou référencé dans des catalogues externes. - Existence d’un bulletin (Newsletter) ou flux RSS dédié aux données. Axe 2. Ergonomie de l’accès : comment la donnée est-elle valorisée ? - Forme d’encapsulation de la donnée (environnement de consultation statique et/ou dynamique). - Il existe un interface de téléchargement de la donnée. - Les données diffusées sont accompagnée de commentaires ou d’analyses, par exemple sous forme de publications associées. - Les données diffusées sont hiérarchisées et/ou classées. - Les modalités de production des données sont explicites (métadonnées disponibles). - Les données sont datées. - La mise à jour des données est régulière. - Un contact dédié aux données est identifié. - Il est fait référence à des normes ou à des textes réglementaires relatifs aux données. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 60-87 STRATÉGIES DE PARTAGE ET DIFFUSION DE DONNÉES PUBLIQUES ENVIRONNEMENTALES : CAS D’ÉTUDE EN AMAZONIE FRANÇAISE ET BRÉSILIENNE NICOLLE SANDRA1, LEROY MAYA2 Résumé - Cet article se propose d’analyser les stratégies mises en œuvre en France et au Brésil vis-à-vis de la production et de la diffusion de données de suivi de pressions anthropiques sur les écosystèmes amazoniens, à savoir les impacts de l’orpaillage en Guyane française et du développement agricole au Brésil. On montre qu’indépendamment de la législation en vigueur, les stratégies mises en œuvre par les États sont très différentes et que cela influe de façon déterminante sur les positionnements et revendications de la société civile vis-à-vis de ces données. Au cours de la dernière décennie, le Brésil tend vers une ouverture croissante de l’accès aux données concernant la déforestation, poussé à la transparence par la contre-expertise d’ONG nationales et par la pression internationale. En Guyane, on constate au contraire un mouvement de fermeture des données concernant le suivi des impacts de l’orpaillage, lié à une implication croissante des services d’État en charge de la sécurité nationale dans le processus de suivi. Mots-clés – Données libres, stratégie environnementale, Amazonie, Brésil, Guyane Abstract - In this article, we analyse and compare the strategies implemented by France and Brazil regarding the production and distribution of monitoring data concerning the impact of human activities in an Amazonian context: gold mining impacts in French Guiana, and agricultural development impacts in Brazil. We show that independently of the legislation, the strategies implemented by each of the two countries are very different, with consequences on the positioning and demands of civil society toward these data. Over the course of the last decade, the Brazilian government showed a tendency towards the opening access to deforestation monitoring data, under the pressure for transparency coming from national NGOs and from the international level. On the Doctorante en sciences de gestion (option environnement), AgroParisTech, école doctorale de l’Université Antilles-Guyane, OHM Oyapock (UPR 3456 CNRS-Guyane, UMR Ecofog, EA 4557 MRM), [email protected] 2 Enseignant-Chercheur en sciences de gestion, AgroParisTech, EA 4557 MRM, F- 34000 Montpellier, France, [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 61 contrary, in French Guiana, there is a reduction of information distribution concerning gold mining impacts, linked to an increased involvement of national security state services in the monitoring process. Key words - Open data, environmental strategy, Amazonia, Brazil, French Guiana Resumo - Neste artigo, analisamos as estratégias implementadas pelo Brasil e a França em relação á produção e divulgação de dados ambientais de monitoramento de pressões antrópicas no contexto amazônico. Estudamos o monitoramento da garimpagem na Guiana francesa e o monitoramento do desmatamento no Brasil. Mostramos que independentemente da legislação, as estratégias dos governos são muito diferentes e que tem uma influência sobre o posicionamento e as reivindicações da sociedade civil em relação aos dados considerados. Nas ultimas décadas, o governo brasileiro abriu o acesso livre aos dados de monitoramento do desmatamento, influenciado pela pressão de ONG’s nacionais pedindo transparência, e também pela pressão internacional. Na Guiana francesa, ocorreu pelo contrario um movimento de bloqueio de acesso aos dados sobre a garimpagem, vinculado com a crescente implicação dos serviços governamentais tratando da segurança nacional no processo de monitoramento. francesa Palavras-chave - Dados livres, estratégia ambiental, Amazônia, Brasil, Guiana INTRODUCTION Le Brésil et la France ont tous deux une part importante de leur territoire en forêt amazonienne : l’Amazonie légale brésilienne a une superficie de 5 217 423 km2 (soit environ 60 % de son territoire et 40 % concernés par le biome amazonien) et la Guyane française est la plus grande région de France, avec une superficie de 83 846 km2 (soit environ 12 % du territoire si l’on intègre la superficie des départements d’outre-mer) Ces deux pays font face à la pression internationale au regard de leur capacité à préserver les écosystèmes amazoniens : le Brésil est considéré comme principal responsable d’un patrimoine mondial inestimable qu’il convient de préserver (Léna, 1999), et la France, en tant que pays européen, annonce la mise en œuvre d’une gestion environnementale modèle de la forêt tropicale sur son territoire (Groupe national sur les forêts tropicales, 2012). Pourtant, les pressions sur ces écosystèmes sont extrêmement fortes. Au Brésil, la pression principale est liée à la conversion massive de la forêt tropicale en terres agricoles (Fearnside, 2008). Environ 71 millions d’hectares de la couverture initiale de forêt amazonienne ont été détruits (données INPE 2011), causant une forte perte de biodiversité via la destruction totale des habitats forestiers. En Guyane française, la pression principale sur la forêt tropicale est liée aux activités d’extraction aurifère, l’orpaillage (WWF, 2008; Charles-Dominique, 2005). Si une filière d’extraction aurifère légale est encadrée par le code minier depuis 1998 et soumise à certaines contraintes environnementales, une large part des impacts proviennent d’une 62 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 filière illégale ayant des conséquences graves sur les écosystèmes (destruction des ripisylves, destruction du lit mineur des cours d’eau, augmentation importante de la turbidité, pollution au mercure) mais également au niveau social (climat d’insécurité, trafics de drogue et d’armes, prostitution,…). Ces activités d’orpaillage illégal sont alimentées par des flux de migratoires irréguliers essentiellement en provenance du Brésil. Au Brésil comme en France, les gouvernements annoncent une prise en charge de ces problèmes, également dénoncés par les acteurs de la société civile. Pour suivre les impacts de ces activités sur la forêt, des dispositifs de suivi satellitaire ont été mis en place par les autorités publiques dans les deux pays : au Brésil, l’Institut national de recherches spatiales (INPE) suit régulièrement les avancées de la déforestation depuis les années 1980 ; en Guyane, l’Office national des forêts (ONF) a commencé à produire des suivis de la déforestation et de la turbidité des cours d’eau liées à l’orpaillage depuis la fin des années 1990. Ces données sont également importantes pour la société civile puisqu’elles permettent d’une part de suivre l’évolution de l’état des écosystèmes amazoniens et d’autre part d’avoir un regard sur l’efficacité des actions entreprises par les pouvoirs publics face à ces dégradations. En outre, elles répondent à des enjeux juridiques croissants concernant l’obligation de mise à disposition et de diffusion des données environnementales (et a fortiori publiques) pour l’ensemble de la population (traduction législative de la convention d’Aarhus en France, et loi n° 10 650 de 2003 au Brésil). Considérant que la mise en lisibilité des impacts anthropiques sur un territoire et ses écosystèmes est primordiale pour une prise en charge efficace des enjeux environnementaux et qu’elle nécessite l’existence et la mise à disposition de données concrètes de suivi de la qualité des écosystèmes, nous nous positionnons ici dans une logique d’évaluation de l’action publique menée en faveur de l’environnement, basée sur l’analyse des choix stratégiques réalisés par les acteurs publics français et brésiliens pour la production et la diffusion de données environnementales (Mermet et al., 2010). Notre étude vise en particulier à analyser de façon comparée les stratégies de production et de diffusion de données issues des suivis satellitaires réalisés par le Brésil et la France (en Guyane) sur les thématiques de conversion agricole et d’orpaillage en forêt amazonienne et leurs conséquences sur les stratégies des autres acteurs intéressés par les données d’expertise produites sur l’état des écosystèmes amazonien, principalement des organisations non gouvernementales d’environnement (ONGE). 1. CADRAGES THÉORIQUES ET MÉTHODOLOGIE Le travail mobilise principalement deux grilles d’analyse. L’analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) proposée par Mermet et al. (2005) nous permet d’observer et d’évaluer les politiques publiques mises en œuvre au regard d’objectifs environnementaux. On s’intéresse en particulier ici à comprendre comment les acteurs annonçant une prise en charge des questions environnementales NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 63 s’organisent autour de la question de la production et de la diffusion des données de suivi des écosystèmes pour une plus grande efficacité environnementale. Nous avons, de façon complémentaire, mobilisé partiellement une grille de lecture proposée par Chignard (2012b), qui permet, elle, de comparer plus spécifiquement les stratégies mises en œuvre par les acteurs en ce qui concerne la diffusion et l’ouverture des données. 1.1. Une évaluation stratégique de la place des données dans l’action publique en environnement Mermet et al. (2010) proposent, en s’appuyant sur l’analyse stratégique pour la gestion environnementale (Mermet et al., 2005), un cadre d’analyse pour l’évaluation des politiques environnementales et des dispositifs de gestion qu’elles contribuent à mettre en œuvre. La base de la réflexion est qu’il est nécessaire d’évaluer les politiques annonçant une visée environnementale au regard d’objectifs clairs en termes de résultats sur les écosystèmes. Il s’agit donc de reconstruire une analyse de situation de gestion à partir d’une préoccupation environnementale clairement exprimée. Cela implique d’une part de traduire les engagements politiques en objectifs concrets, et d’autre part d’identifier les indicateurs qui permettent de suivre ces objectifs. Ces indicateurs doivent être les plus pertinents possibles en se basant sur les données les plus simples à produire pour avoir l’information nécessaire pour agir (Leroy, 2006; Leroy et Mermet, 2012). Dans notre cas les objectifs environnementaux sont de stopper la conversion massive de la forêt amazonienne pour l’Amazonie brésilienne, et d’éradiquer l’activité d’orpaillage illégal en Guyane française. Actuellement, les données et indicateurs mobilisés par les services publics sont principalement basés sur l’analyse d’images satellites (Landsat et C-bers au Brésil ; Spot en Guyane). La suite de l’analyse proposée par l’ASGE consiste à comprendre les jeux d’acteurs influant sur l’état de l’écosystème au regard des objectifs environnementaux retenus, en analysant d’une part le rôle des acteurs impliqués dans les processus technico-économiques et sociopolitiques qui produisent les dommages, et d’autre part le rôle des acteurs de changement qui développent une stratégie en faveur de la préservation des écosystèmes. En Amazonie brésilienne, ce cadre d’analyse a déjà été mobilisé par Taravella (2008; 2010; Taravella et Arnauld de Sartre, 2012) pour faire un diagnostic approfondi des processus de déforestation en Amazonie orientale et pour comprendre les stratégies qui ont permis de limiter les dommages sur ce front pionnier en Terra do Meio. Dans notre cas, nous proposons de nous focaliser uniquement sur la façon dont les données produites sur les écosystèmes pour suivre l’évolution de leur dégradation sont partagées et diffusées, en les considérant comme une ressource spécifique et stratégique pour les acteurs d’environnement, nécessaire à l’action et à l’évaluation. Notre analyse se concentrera sur les données publiques produites dans la prise en charge de la déforestation liée au développement agricole et de l’orpaillage, et sur l’influence de leur diffusion sur les stratégies des acteurs qui se mobilisent sur ces questions. 64 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 En effet, les engagements politiques annonçant une lutte contre la déforestation en Amazonie sont nombreux et il est donc nécessaire d’avoir des données permettant de suivre et quantifier l’évolution du couvert forestier. Néanmoins, les impacts des activités humaines sur la forêt amazonienne sont difficilement évaluables compte tenu de son immensité, de la faible densité de population, des difficultés d’accès à la plupart des espaces. L’imagerie aérienne est ainsi un outil particulièrement adapté pour produire de l’information dans ce contexte (Demaze, 2002) et son utilisation en termes de moyens de contrôle des dynamiques humaines s’est largement répandue. Les données cartographiques issues de l’interprétation des images satellites sont donc particulièrement utiles pour le suivi des dynamiques environnementales (Guéneau et Jacobée, 2005; Taravella, 2008). Dès lors que ces données permettent effectivement d’évaluer les dynamiques de déforestation, leur production devient un enjeu important et une ressource pour les acteurs agissant en faveur de l’environnement. Dans le cas des acteurs publics en charge de ces questions, produire soi-même les données d’évaluation de l’activité de lutte contre la déforestation implique d’être juge et partie. Pour que ces données aient une valeur et puissent être jugées, une transparence sur la méthodologie et une communication au public des résultats sont nécessaires. Mais la diffusion des données, bien qu’elle soit une obligation législative, peut s’avérer délicate, pour peu qu’elle ne montre pas d’amélioration sensible de la situation. La comparaison entre la France et le Brésil est ainsi particulièrement intéressante car elle permet de mettre en évidence la façon dont les stratégies divergentes des acteurs publics en lien à ces questions influencent la structuration des jeux d’acteurs et leurs marges de manœuvre pour la prise en charge des questions environnementales. 1.2. Enjeux stratégiques en lien à la production et à la diffusion de données Avant d’entrer dans l’analyse fine des cas d’étude, reprenons un certain nombre d’éléments d’analyse stratégique d’une part sur les raisons qui font que la maîtrise et le contrôle de la production et de la diffusion des données environnementales peuvent être une source de pouvoir importante, et d’autre part sur les motivations qui peuvent néanmoins pousser à diffuser ces données. Le pouvoir qu’un acteur tire d’une compétence spécifique est d’autant plus élevé que cette capacité est difficilement substituable (Friedberg, 1993, p. 134). Cela peut être lié aux capacités scientifiques et techniques nécessaires pour produire l’information et aux coûts qu’elles représentent. Le processus de création et de clôture des controverses est étudié en détail par Latour (1989) dans le cas du processus de production scientifique. Il montre que plus l’information est étayée et repose sur des modes de production complexes, plus elle est difficile et coûteuse à contredire. Il l’exprime ainsi : « Si nous approfondissons la discussion et atteignons la frontière ou les faits sont fabriqués, les instruments deviennent visibles et avec eux le coût de la poursuite de la discussion s’élève d’autant. Il apparaît que la critique coûte cher. » (Ibid., p. 169). Si aucun autre acteur n’est en NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 65 mesure de produire une donnée contradictoire, la donnée produite est ainsi l’unique source d’information. Dans nos deux cas d’étude, on pourra donc s’interroger sur le degré de technicité et les moyens mobilisés par les acteurs publics pour produire des données de suivi de la déforestation par images satellite. On pourra ensuite observer dans quelle mesure et sous quelles conditions certains acteurs, comme des ONG environnementales spécialisées, peuvent se donner comme mission d’ouvrir les « boites noires », c’est à dire les faits établis considérés comme réutilisables, en analysant de près leurs modes de production ou en les reconstruisant elles-mêmes (en construisant leur propre « laboratoire »), pour être en mesure de rouvrir la controverse si nécessaire ou pour pouvoir confirmer et appuyer les données officiellement produites. Au vu du coût que cela représente, il n’est pas toujours possible ni souhaitable de produire des données parallèles, mais maintenir une controverse possible, et donc une critique, implique d’avoir accès à la fois aux résultats produits et aux processus de construction des données. Un moyen radical de bloquer la controverse est alors de ne pas diffuser les données. Une source de pouvoir supplémentaire est la maîtrise des informations par le blocage ou la limitation de la capacité des autres acteurs à la mettre en doute, que ce soit sur le processus de création ou sur les résultats eux-mêmes. C’est justement le phénomène que la convention d’Aarhus tend à limiter en recommandant une transparence maximale sur les données environnementales. Mais choisir de diffuser ses données peut, au-delà de la simple obligation législative, constituer également un positionnement stratégique. Chignard (2012) propose une typologie de ces logiques de diffusion de données, selon qu’elles répondent à des enjeux de transparence, de participation, et à des stratégies offensives (mettre en avant ses pratiques) ou défensives (se justifier de ses actions). À ce stade, nous ne nous intéresserons pas à la question de la réutilisation des données, nous n’avons donc pas repris ici les stratégies en lien à la participation. En se basant sur des études de cas de stratégies d’entreprises, Chignard a ainsi identifié les 5 stratégies décrites en Figure 1. Figure 1 : Stratégies autour de la diffusion libre des données (adapté de Chignard 2012 b) 66 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Stratégie Rendre des comptes Datawashing Répondre à un enjeu de gouvernance Préparer au changement Compenser la qualité de service par l’information Description Certaines activités sont soumises à la pression publique et/ou au droit de regard exercé par un régulateur de marché. L’obligation de rendre des comptes fait alors partie des déclencheurs d’une démarche de partage et de diffusion des données Similaire à l’éco-blanchiment (greenwashing), le datawashing consiste à publier des jeux de données (présentant souvent peu d’intérêt pour les réutilisateurs) afin de se donner une image de transparence. L’objectif est d’anticiper la demande de transparence en publiant des données sur le fonctionnement de son activité ou de ses missions, fournir à toutes les parties prenantes les mêmes éléments de compréhension et d’action. Diffuser des données peut aussi aider à préparer au changement, à poser les bases d’un diagnostic commun. Cette stratégie peut être le miroir du "datawashing", […] donc on restera critique quand on la verra à l’œuvre. Pour les activités de services, le fait même de fournir une information sur la qualité du service tend à améliorer sa perception par les usagers. Tableau 1 : Description des stratégies identifiées par Chignard (2012 b) Nous montrerons donc comment ces stratégies se déploient, dans le cas des suivis de la déforestation, en Guyane et au Brésil. Mais avant de présenter ces résultats, précisons la méthodologie de recherche mise en œuvre. 1.3. Méthodologie L’approche de recherche que nous avons choisie est, comme nous l’avons déjà souligné, comparative et s’appuie sur une étude de cas. La mise en place comparée des systèmes de suivi des impacts sur les écosystèmes amazoniens, par la France et le Brésil, implique un travail contextualisé sur les situations de gestion et les dispositifs mis en œuvre, exigeant une présence sur le terrain, mais aussi une approche processuelle qui permette d’examiner les différentes étapes qui ont conduit à la construction de ces dispositifs. Du point de vue de la méthode (cf. Leroy, 2010, p. 299), la description du processus de mise en gestion et du dispositif lui-même, repose : d’une part sur l’analyse documentaire, basée en majorité sur une littérature grise abondante, produite principalement par les organismes impliqués dans le dispositif. Il s’agit donc d’une production assez hétérogène à laquelle se livrent les acteurs tout au long du processus de mise en gestion (sous des formats multiples, y compris internet, des bases de données, etc.), mais aussi des documents auxquels ils font référence pour justifier de leurs actions (production scientifique, expertises, etc.), d’autre part sur un travail sociologique basé sur des entretiens qualitatifs auprès des acteurs concernés, qui permet à la fois de comprendre les NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 67 stratégies mises en œuvre par les organismes, et leurs évolutions en faisant appel à la mémoire des acteurs interrogés. Ces différentes données sont ensuite triangulées. La majeure partie des interlocuteurs est constituée d’acteurs publics, car ce sont essentiellement les administrations publiques, dans les deux pays, qui produisent les données écologiques de suivi. Mais les ONG d’environnement sont également impliquées, essentiellement au Brésil. En France, les entretiens ont eu lieu à Paris et Cayenne, au Brésil à Macapá, Belém et Manaus. Leur durée était en moyenne de deux heures. Un équilibre a été recherché entre les deux pays : au total 21 entretiens ont été menés principalement en 2010 et 2011, 11 en France et le reste au Brésil. En France, ils ont été réalisés auprès des services déconcentrés de l’État concernés par la question, ainsi que des services techniques des ministères de l’environnement, de l’agriculture et de l’outre-mer, et des organisations non gouvernementales (une locale et une nationale. Au Brésil, les entretiens ont été menés, auprès du directeur du centre INPE de Belém et de différents services d’environnement fédéraux et fédérés de Macapá (État d’Amapá), ainsi qu’auprès d’ONG d’environnement (5 entretiens, soit la moitié). Ils visaient à comprendre (i) l’historique de la mise en place des suivis satellitaires utilisés, (ii) les caractéristiques techniques de ces suivis et leurs limites, (iii) leur utilisation actuelle et les routines de production de données, (iv) le cadre et les modalités de diffusion (ou de restriction d’accès) de ces données, (vi) les enjeux stratégiques liés à leur diffusion et les positionnements face aux autres acteurs concernés. Selon les acteurs rencontrés et leur place dans le système, certains des axes de la grille d’entretien étaient plus poussés que d’autres. Nous allons maintenant présenter nos résultats. Dans un premier temps nous exposerons en quoi consistent les suivis mis en œuvre et par qui ils sont portés, pour nous concentrer ensuite sur les stratégies liées à leur diffusion et les positionnements stratégiques qu’elles impliquent chez les autres acteurs d’environnement. 2. LA CONSTRUCTION DE COMPÉTENCES SPÉCIFIQUES POUR LE SUIVI DES PRESSIONS ANTHROPIQUES La mise en place d’un suivi spécifique pour un problème d’environnement donné implique nécessairement qu’un acteur ait une bonne raison de s’en saisir. Au Brésil, la pression face à la déforestation de l’Amazonie est principalement venue des arènes internationales. Dans le premier bilan du programme de suivi, il est d’ailleurs stipulé que «la raison principale de la création du projet vient de la grande préoccupation dont fait preuve la communauté au niveau international et national, sur la situation réelle de la déforestation en forêt amazonienne » (INPE, 1989, p. 5). En Guyane, s’il existe aujourd’hui quelques suivis de la déforestation liée à l’agriculture, cela n’a jamais été considéré comme une pression majeure par les pouvoirs publics qui l’ont au contraire encouragée. En revanche l’orpaillage non contrôlé a été considéré comme une menace sévère à partir des années 1990. Il est à l’origine de conflits importants dans le cadre de la mission 68 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 pour la création du Parc national de Guyane, qui se cristallisent notamment au travers de la problématique du mercure et de ses conséquences sur la santé des Amérindiens (Ranoux, 2007). 2.1. Le suivi de l’orpaillage en Guyane française Face à la recrudescence du phénomène de l’orpaillage dans les années 1990 et dans une optique de contrôle du territoire sous sa gestion, l’Office national des forêts de Guyane (ONF) met en place une unité opérationnelle directement en charge du suivi des activités minières et de leurs impacts, l’Unité spécialisée nature ». Ils produisent des données GPS de suivi des activités illégales via des survols héliportés du territoire. D’autres administrations telles que la Direction de l’agriculture et de la forêt (DAF), la Direction de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE) ou encore les forces armées produisent à ce moment également de l’information, et les actions sont menées en partenariat, mais les données et les systèmes de suivi sont disparates et difficilement mobilisables (Coppel et al., 2008). Acteurs Suivis DRIRE Brigade Nature ONF Armée Suivi des exploitations légales. Localisation des sites lors des missions en forêt. Pas de mandat d’intervention. Gendarmerie Enquêtes et interventions : destruction du matériel et reconduction des clandestins à la frontière. DAF Suivi de la qualité de l’eau Brigade Nature de l’ONF Relevés systématiques des positions GPS des sites clandestins survolés. Tableau 2 : Les acteurs publics producteurs de données sur l’orpaillage en 2008 Face à cette situation et au vu de travaux menés en Guyane par le CIRAD sur le suivi des impacts de l’agriculture sur le couvert forestier par analyse satellite, la région Guyane et l’IRD lui commandent en 2004 une étude de faisabilité du suivi de l’orpaillage par des méthodes similaires 3 . L’étude produite met au point une méthodologie utilisable avec des images Landsat ou Spot et prévoit d’ores et déjà la faisabilité d’un observatoire via l’acquisition quotidienne d’images Spot liées à l’installation prochaine à Cayenne de la station de réception Seas4 (Gond et Brognoli, 2005). Les travaux initiaux du CIRAD concernant l’automatisation de la détection des changements d’utilisation des sols n’ont en revanche jamais été réellement reconnus et mis en œuvre localement, malgré des lacunes dans le domaine (comm. pers. V. Gond). 4 La station Seas est une station de réception d’images satellites Spot implantée au centre IRD de Cayenne depuis 2005. 3 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 69 À la suite de cette étude et en s’inspirant de la méthodologie, l’ONF Guyane décide de solliciter le CIRAD pour bénéficier d’un transfert de compétences et publier conjointement une synthèse des données disponibles, complétées d’analyses satellitaires, sur l’évolution des impacts de l’orpaillage entre 1990 et 2006 : le bilan patrimonial (ONF, 2006). Il met notamment en évidence deux types d’impacts principaux : d’une part les linéaires des cours d’eau impactés, c’est à dire présentant une forte turbidité, conséquence de l’extraction alluvionnaire (destruction des lits mineurs) et d’autre part les surfaces déforestées liées à la destruction des ripisylves. Cette production de cartes a permis de « faire prendre conscience aux acteurs politiques de l’étendue des dégâts causés à l’environnement » et de « réfléchir de façon pertinente sur les outils complémentaires pour améliorer la gouvernance territoriale » (Gond, 2009). « Fort de ses compétences environnementales et de l’expertise en géomatique développée à l’occasion du « bilan patrimonial de l’activité minière », l’ONF se positionne désormais comme un acteur majeur de la mise en place d’un Observatoire de l’Activité Minière en Guyane » (Joubert et al., 2008), qui vise à regrouper et coordonner en continu l’ensemble des données produites par les acteurs concernés par la lutte contre l’activité minière illégale (voir encadré 1). Il serait notamment alimenté en continu par des images satellite traitées rapidement par l’ONF, indiquant les zones d’activité de l’orpaillage illégal, et facilitant la lutte pour la gendarmerie et l’armée. En effet, la lutte contre l’orpaillage illégal, qui représente plusieurs milliers de personnes en provenance des pays voisins, devient progressivement un enjeu important en termes de sécurité nationale. Soutenu par la préfecture, l’ONF coordonne dès lors le montage du projet, tant pour la recherche de financements que pour l’architecture du serveur FTP qui permet un partage des données limité à un groupe d’acteurs restreint. L’ONF s’est donc constitué une compétence technique à la fois dans le suivi des impacts et dans la structuration des interactions entre les partenaires du projet. Le projet n’a cependant pu être mis en œuvre que lorsque les acteurs force de proposition (CIRAD, ONF) ont traduit les enjeux techniques et environnementaux en enjeux sécuritaires et de préservation de la souveraineté nationale auprès de la préfecture, de la gendarmerie et des forces armées. S’agissant d’une mise en commun des données d’une grande partie des services déconcentrés de l’État, et au vu des enjeux sécuritaires, c’est la préfecture qui est alors devenue pilote du dispositif. 70 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 2 : Synthèse cartographique produite en 2006 sur l’évolution des impacts de l’activité minière (ONF, 2006). En Rouge figurent les surfaces impactées par l’orpaillage (zones déforestées) et en jaune, les linéaires aval des cours d’eau potentiellement impactés. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 71 Encadré 1 : l’observatoire de l’activité minière - OAM (adapté de Nicolle, 2010) Le principe de fonctionnement de l’observatoire est simple : un serveur FTP sécurisé5 installé à la préfecture permet de centraliser les données sur l’orpaillage illégal, produites par les différents organismes concernés de Guyane. Chacun de ces organismes a un système d’information géographique configuré pour que tous les fichiers diffusés soient compatibles entre eux et lisibles par tous. Les acteurs concernés sont représentés en figure 3 ci-contre. Leur participation à l’observatoire est de 5000 € par an. Chaque partenaire est lié à la préfecture par une charte. Les droits d’accès à l’information sont définis pour chaque donnée produite, par le producteur. Le principe est donc une mise en commun d’informations, avec l’apport régulier de flux actualisés permettant les opérations de lutte contre l’orpaillage illégal. Ainsi, grâce au traitement d’images satellites récupérées à la station Seas, et confirmées par des missions de terrain héliportées (gendarmerie/ONF), les localisations de sites d’orpaillage illégaux sont transmises en près de 4 jours sur la plate-forme et peuvent être utilisées pour les interventions armées sur les sites. Il s’agit du premier degré de confidentialité, lié à Figure 3 : Les acteurs de l'observatoire de l’aspect opérationnel rassemblant forces de l'activité minière de Guyane l’ordre, préfecture et ONF (cercle intérieur). C’est seulement dans un second temps, une fois les opérations armées réalisées que les autres acteurs (cercle externe) ont accès aux données. Le BRGM est uniquement fournisseur et ne prélève rien. Pour observer le bon fonctionnement de cet observatoire, un modérateur du serveur est affecté à mi-temps à la préfecture : il gère les droits d’accès et apporte son assistance face aux problèmes informatiques ou procéduraux rencontrés par les acteurs. Un outil de gestion installé sur le serveur permet de suivre l’utilisation qui en est faite par les différents acteurs et détecter d’éventuels dysfonctionnements qui ne seraient pas signalés (baisse de l’utilisation,…). En parallèle, une animation du réseau est menée par l’ONF (formation, assistance), ainsi qu’un soutien opérationnel (réalisation occasionnelle de cartes opérationnelles en aide aux forces de l’ordre...). Ce système qui, au bout de deux ans de rodage, fonctionne plutôt bien aux dires des acteurs rencontrés, présente encore aujourd’hui des limites importantes (entretien ONF 2011) : par exemple le turn-over des personnels (tous les 3 mois pour les militaires) concernés implique des efforts conséquents de maintenance des capacités de fonctionnement du système (formation, réinitialisation des codes d’accès...) et nécessite une présence en continu. C'est-à-dire un espace sécurisé disponible sur internet sur lequel un nombre donné d’organisations ou d’individus identifiés nominalement peuvent déposer et télécharger des fichiers. La sécurisation rend le site inaccessible à la société civile. 5 72 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Les mêmes traitements d’images, complétés par des missions héliportées, permettent ainsi de remplir deux objectifs principaux : ils constituent un système d’alerte à destination des forces de l’ordre (principalement via le suivi de la turbidité) et à plus long terme (annuel) ils permettent d’avoir une évaluation environnementale de l’évolution des impacts liés à l’orpaillage en Guyane (turbidité et déforestation). Si c’est l’objectif environnemental qui a été à l’origine des méthodologies développées par des organismes de recherche (CIRAD, IRD) et techniques (ONF), ce sont les enjeux sécuritaires qui ont été déterminants pour la mise en place du dispositif de suivi. Cet observatoire profitant de l’apport quotidien des images Spot, devient un outil opérationnel de la lutte contre l’orpaillage illégal permettant de fournir des informations stratégiques pour les actions des forces armées. Ainsi le choix d’un groupe restreint de partenaires impliqués dans la lutte contre l’orpaillage illégal, le pilotage de l’observatoire par la préfecture et l’aspect stratégique que prend l’outil redistribue les cartes au regard de l’utilisation qui peut être faite des données. Avec les enjeux liés à la lutte armée, les services d’État ont verrouillé l’accès à l’information, qui n’est diffusée qu’au niveau du gouvernement central (Ministères de l’environnement, de l’agriculture, de l’outre-mer, direction générale ONF). L’ONF n’a donc plus à ce stade de prise sur la diffusion de l’information qu’il produit, même s’il reste un acteur incontournable du dispositif au regard des compétences et moyens humains mobilisés pour réaliser le suivi. 1996 2001 Création de l’unité spécialisée nature à l’ONF Début des travaux en détection satellitaire automatisée de la déforestation – Valéry Gond (CIRAD) 2002-2004 Mise en place de la station de réception d’images satellite SPOT – Station SEAS à l’IRD 2004 L’IRD et la Région Guyane commandent une étude de faisabilité de suivis satellites de l’orpaillage au CIRAD 2005 Convention entre le CIRAD et l’ONF pour opérationnaliser la méthode 2006 Publication du bilan patrimonial 2008 Mise en place de l’observatoire de l’activité minière, piloté par la préfecture Figure 3 : Synthèse chronologique de la mise en place du suivi des activités d’orpaillage Tant en Guyane qu’en France métropolitaine, il existe des instituts de recherche ayant accès aux images satellites et disposant des compétences pour réaliser des contre-expertises, notamment à l’IRD. Néanmoins ces instituts sont généralement peu intéressés par l’aspect de veille environnementale et de routinisation des suivis, dès lors que l’innovation technique n’est plus l’enjeu majeur. En dehors de l’État, l’importance des suivis est plutôt portée par les associations environnementales de Guyane. Ces dernières sont de petites organisations, beaucoup moins fortes et structurées que les ONG au Brésil. Globalement, les questions environnementales de NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 73 Guyane sont relativement peu relayées par la population locale 6 , et quelque peu marginales au regard des préoccupations des acteurs métropolitains. 2.2. Le suivi de la déforestation par les institutions publiques au Brésil. Le Brésil a commencé à réaliser des suivis de l’Amazonie dès les années 1970. Les premières grandes campagnes de collecte d’images aériennes, couplées à de la technologie radar avaient pour but principal la mise en valeur de l’espace amazonien, c’est à dire son exploitation économique (Pereira et de Menezes, 2007; Tricart, 1975). Une première carte de la déforestation est produite à cette époque. Mais dans les années 1980, la pression internationale a conduit à mettre en place des dispositifs de suivi régulier de la déforestation. “ Un astronaute qui était en orbite a pris une photo d’un incendie immense au Rondônia. Ça faisait un panache qui cachait presque tout l’État du Rondônia. C’était quelque chose de tellement grand que ça a causé une très grande pression internationale, comme quoi le Brésil était en train de dévaster toute l’Amazonie et qu’il n’y avait aucun contrôle là dessus. Et des chiffres sortaient, que la moitié de l’Amazonie était dévastée ou un dixième ou un cinquième, une confusion, une confusion de nombres. Alors on a de nouveau demandé à l’INPE d’actualiser la carte.” (Entretien INPE). À partir de 1988, l’INPE (Institut national de recherches spatiales) produit alors un suivi annuel des taux de déforestation en Amazonie brésilienne : c’est le programme PRODES (projet d’estimation de la déforestation en Amazonie). Les calculs étaient réalisés manuellement sur des images satellites mais, selon Câmara et al. (2006) aucun document écrit ne retrace précisément la méthodologie alors adoptée. Le premier rapport de PRODES est produit comme contre-expertise des estimations étrangères des taux de déforestation de l’Amazonie (Fearnside, 1990). Il se base sur les données actualisées ainsi que sur des données produites par des projets antérieurs, afin de faire une rétrospective de la déforestation depuis 1975, par États, et de démontrer que les estimations internationales des taux de déforestation de l’Amazonie sont largement surestimées (INPE, 1989). À travers le projet PRODES, le Brésil met ainsi en place « une politique de souveraineté informationnelle » (Gautreau, 2012). À partir de 2002, le projet PRODES digital est lancé pour mettre en place une nouvelle méthodologie basée sur la photo-interprétation d’images satellites Landsat (complétées par d’autres satellites depuis 2005). Ces images d’une résolution de 30 m permettent de détecter les zones déforestées à partir de 6,25 ha. Elles sont gratuites et accessibles à tout individu. L’INPE réalise les analyses de déforestation et les diffuse annuellement. En revanche, les images Spot utilisées en Guyane, certes de Récemment, le collectif « les hurleurs de Guyane », portant sur la scène publique la question de l’orpaillage illégal, semble néanmoins prendre de l’ampleur. Voir http://www.guyaweb.com/les-hurleurs-disent-non-a-l’indifference/, consulté en novembre 2013. 6 74 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 plus haute définition, ne sont gratuites que pour un nombre d’acteurs limité, et uniquement dans le cadre de projets spécifiques7 bénéficiant à la Guyane. Mais si le PRODES permettait de produire des bilans a posteriori, il était insuffisant pour permettre une réaction des services de police environnementale (Entretien INPE). Alors, en 2004, le système DETER (Détection de la déforestation en temps réel) est lancé et permet de réaliser un suivi bimensuel de la déforestation sur des images produites par les satellites C-bers. Bien que moins précis (limite de détection à 25 ha), il permet de constituer un système d’alerte régulier pour le repérage des grosses zones de déforestation. Les alertes sont transférées aux services opérationnels de l’environnement (IBAMA, ICMBio, secrétariats de l’environnement des États fédérés)8 qui peuvent orienter leurs missions de contrôle en fonction des informations reçues. En raison de l’ennuagement important de l’Amazonie sur une grande période de l’année, les données de PRODES sont produites sur des images correspondant aux mois les moins ennuagés dans les régions où la pression de déforestation est la plus forte (les meilleures images autour du mois d’août sont sélectionnées). Dans les cas où le temps manque pour finir la digitalisation des zones déforestées, l’INPE se concentre sur les espaces les plus impactés l’année précédente (Câmara et al., 2006). La précision du suivi est faible par rapport à celle du suivi de l’orpaillage réalisé sur les images Spot en Guyane française (résolution de 5 m). Mais elles sont à la mesure des processus dommageables qui déterminent la gestion effective de ce territoire. En effet, compte tenu des pressions immenses en termes de superficie de forêt convertie sur les fronts pionniers amazoniens, les images Landsat ont une résolution suffisante face à l’ampleur du problème combattu sur les fronts pionniers. Dans l’État brésilien d’Amapá, frontalier de la Guyane, par contre, la pression de déforestation est moindre. De plus, c’est une zone plus ennuagée et dont la période d’ennuagement maximal est décalée de quelques mois par rapport au reste de l’Amazonie brésilienne. Dans ces conditions, avec des zones déforestées beaucoup plus petites, ce suivi n’est pas suffisamment précis pour fournir des données fiables (taux sous-estimés de déforestation). Une expertise complémentaire est donc directement menée au niveau des autorités environnementales d’Amapá (Amapá SEMA, 2011). Le service télédétection du Secrétariat de l’environnement réalise des suivis similaires à ceux du PRODES, mais en se basant sur des images du mois de Septembre qui correspond aux mois les moins ennuagés dans cette région. À l’échelle de l’Amazonie, l’INPE a ainsi constitué un système opérationnel reconnu au niveau international pour le suivi de la déforestation amazonienne. Nous verrons dans la partie suivante que l’accès libre aux images satellites ainsi que la libre diffusion des Voir conditions d’accès aux données sur https://www.seasguyane.org/seasguyane/index.htm. 8 L’IBAMA est l’institut brésilien de l’environnement au niveau fédéral, et l’ICMBio (Institut Chico Mendes de la biodiversité) est l’administration en charge de la gestion des espaces protégés fédéraux. 7 75 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 résultats de l’INPE permet au public et aux ONG de s’en saisir et de produire euxmêmes aussi des données sur la déforestation. Finalement, tant en Guyane pour la question de l’orpaillage, qu’au Brésil pour la conversion en terres agricoles, les pouvoirs publics ont été capables de développer des compétences spécifiques et évolutives, basées sur des technologies adaptées au milieu amazonien, permettant de suivre l’évolution des impacts sur les écosystèmes. Dans les deux cas, cela s’est fait notamment en réponse à une pression externe : pression internationale dans le cas du Brésil, pression locale via la médiatisation du problème de l’orpaillage dans le cas de la Guyane. Ces compétences sont mises au service des organes institutionnels de lutte contre les dégradations environnementales (IBAMA au Brésil, force de l’ordre en Guyane) via la création d’un système d’alertes satellitaires. Les méthodologies de production des données utilisées sont décrites précisément dans la littérature scientifique. Elles sont également reconnues comme pertinentes par les ONG d’environnement tant en Guyane qu’au Brésil. Elles permettent de produire, outre un outil opérationnel d’action de lutte, une évaluation continue de l’état des écosystèmes et donc de l’efficacité des politiques environnementales mises en place. Mais dans les deux cas, l’État produit lui-même les données d’évaluation de son activité de lutte contre les pressions environnementales, devenant ainsi juge et partie. Nous avons précédemment souligné qu’une grande transparence, tant sur la méthode que sur les résultats, permet la réalisation d’une éventuelle contre-expertise, ce qui est alors particulièrement important pour conférer aux données une validité externe. Analysons donc maintenant les modalités de diffusion des données environnementales dans les deux cas. 3. STRATÉGIES DE ENVIRONNEMENTALES DIFFUSION DES DONNÉES La partie précédente a montré le rôle prépondérant des institutions publiques dans la production de l’information sur la déforestation, que ce soit au Brésil ou en Guyane française. Ces données sont des données sensibles9 pour les États car elles rendent compte des résultats des actions de luttes qu’ils entreprennent pour remplir leurs engagements. Susceptibles d’être jugés sur la base des informations qu’ils produisent, la diffusion des données peut ainsi s’avérer délicate et devient un enjeu important. Dans le même temps, il s’agit bien du type de données concernées par l’accès du public aux informations environnementales mentionnées par la convention Pris au sens large (données dont la diffusion est jugée délicate), et non au sens juridique du terme. 9 76 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 d’Aarhus. Nous allons voir maintenant que les stratégies des deux États sont très différentes concernant la diffusion de leurs données. Cela implique en réaction un positionnement et des stratégies spécifiques des ONG environnementales pour qui ces informations sont particulièrement importantes. 3.1. La diffusion des données concernant l’orpaillage illégal en Guyane française. Le principal outil de communication de l’Observatoire de l’activité minière (OAM) est un rapport avec un support cartographique présentant les impacts de l’orpaillage (cours d’eau impactés et surfaces déforestées). Il est diffusé annuellement auprès des ministères financeurs (Agriculture, Développement durable, Outre-mer, Défense), et auprès de quelques autres organisations au niveau national (ONF, Bureau français de l’Union internationale pour la conservation de la nature par exemple). Toute demande externe à ces organisations nécessite une autorisation spécifique du préfet. Après 2006 (publication du bilan patrimonial par l’ONF), aucun de ces rapports n’a été communiqué officiellement à la société civile en Guyane française et ce malgré des demandes répétées des ONG, dont notamment le WWF Guyane et Guyane Nature Environnement. Pourtant, certains des acteurs impliqués dans l’OAM (Parc amazonien de Guyane, DEAL - « Service environnement », ONF moyennant certaines conditions) ainsi que la plupart des représentants des ministères interrogés (Développement durable, Outre-mer, Agriculture) ne voient pas d’inconvénient à la diffusion de ces informations, moyennant l’attente d’un laps de temps suffisant pour ne pas léser l’intérêt stratégique lié à l’intervention armée. Mais la préfecture, la DEAL – « Service des mines » et la gendarmerie font partie des opposants locaux à la diffusion de l’information. Les raisons les plus fréquemment invoquées au cours des entretiens sont : (i) la sensibilité10 des données au regard des actions de police, (ii) la volonté d’éviter de donner des éléments susceptibles de guider les choix des clandestins en terme de zones prospectées, (iii) la peur de la déformation médiatique et d’une déstabilisation accrue du rôle de l’État en Guyane, (iv) la peur d’une démotivation des forces de police au regard de résultats non probants. Pourtant, ne pas communiquer ces informations, même sous une forme qui pourrait être moins précise que celle utilisée pour l’intervention de terrain, et dans un laps de temps suffisant pour en atténuer la portée stratégique, revient à priver la société civile, et donc l’ensemble des citoyens, de tout moyen de porter un regard externe sur les atteintes à leur environnement. Au vu de la technicité des compétences mobilisées, l’État a acquis un pouvoir important par la maîtrise de l’information. Ne Les données sur l’orpaillage ne sont pas des données sensibles au sens juridique du terme, mais une partie des acteurs guyanais estime que leur diffusion, même ultérieure aux interventions, serait préjudiciable à l’efficacité des actions de police menées. 10 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 77 pas diffuser les données permet de se soustraire à la critique puisque aucune autre partie intéressée ne se donne les moyens de refaire ce travail déjà réalisé ou de produire les contre-expertises. D’autant que contrairement au Brésil, les données satellites sont difficiles à obtenir et doivent dans la plupart des cas être achetées à un prix élevé4. Le Parc amazonien de Guyane – Parc national – a, lui, une stratégie à part. Il fait partie intégrante de l’observatoire de l’activité minière et les mêmes conventions le lient à la préfecture, mais il prend des libertés concernant la communication des données sur son territoire d’intervention. En effet, l’orpaillage est pour le parc un des facteurs bloquant son intégration sur le territoire. Il est donc essentiel pour lui de pouvoir communiquer sur l’évolution du contrôle de l’activité aurifère. « Le parc prend le droit de diffuser cette information. Ce sont nos sujets environnementaux. […] Dans nos missions on considère qu'on a le droit, c'est notre responsabilité, on a une mission de préservation de l'environnement, de suivi des patrimoines naturels, de connaissance des territoires. Ne pas communiquer là dessus, ne pas livrer ces éléments d'information là ce serait hypocrite et contre productif par rapport à nos missions. » (Entretien PAG 2012). De part leur contribution financière aux missions et la construction de leur propre dispositif logistique (survols, suivis de qualité de l’eau), ils s’estiment légitimes à diffuser cette information11 depuis fin 2011 pour faire pression sur le dispositif Harpie (opérations armées) et prioriser la lutte contre l’orpaillage sur les territoires du parc par rapport au reste de la Guyane. Un autre acteur important est le bureau Guyane du WWF France. Depuis l’arrêt de la communication sur les données d’orpaillage, ils font des demandes régulières à la préfecture pour avoir accès aux informations environnementales en question. « C’est une chose pour laquelle on se bat parce qu’on pense que la question de l’orpaillage illégal est une question très complexe à première vue, et même à deuxième vue complètement sans solution. Donc on pense que c’est très important que la société civile soit impliquée là dedans et au moins ait entre les mains des éléments pour savoir si l’activité est en augmentation ou en diminution. Aujourd’hui on n’a aucun moyen de le faire. » (Entretien WWF Guyane, 2012). En réponse, ils tentent donc de produire des analyses parallèles. Cela passe par la production de cartes, de communiqués de presse, la réalisation de missions de terrain pour saisir l’atmosphère locale dans les villages impactés par l’orpaillage. En 2010, ils ont produit une cartographie sur les impacts de l’orpaillage à l’échelle du plateau des Guyanes (WWF, 2010) dont la réalisation a paradoxalement été confiée à l’ONF. Cette première étude ne mobilise pas de données plus récentes que celles déjà communiquées en 2006, mais les replace dans le contexte régional et en fait un outil de communication important. Plus récemment, le WWF a publié une étude, dont la réalisation a été confiée à un bureau d’étude local, visant à « estimer la part de l'orpaillage illégal dans les impacts liés aux activités d'extraction aurifère, en recoupant les données de déforestation avec les titres miniers et en considérant comme illégal tout ce qui ne peut pas raisonnablement être considéré comme potentiellement légal » (WWF 2013). L’étude est basée sur des données de 2008. Ce rapport couvre deux objectifs principaux : d’une part Sous la forme de cartes des surfaces impactées et des linéaires de cours d’eau touchés au sein du territoire concerné par le par cet en bordure immédiate . 11 78 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 montrer qu’il est nécessaire de produire des analyses claires sur les contributions des activités légales et illégales vis-à-vis des pollutions, tout en identifiant les zones où les limites entre ces deux activités sont difficiles à établir du moins géographiquement ; d’autre part, cela permet de mettre en exergue l’intérêt d’avoir des données officielles plus récentes pour réaliser l’étude car « l’orpaillage illégal est un phénomène extrêmement plastique et capable de s’adapter rapidement aux évolutions du contexte (notamment répressif), les conclusions d’une telle étude sont forcément fragiles du fait du caractère ancien des seules données rendues disponibles ». Cette étude s’avère également intéressante d’un point de vue méthodologique car les méthodes de calcul utilisées sont différentes et complémentaires de celles mobilisées par les services d’État (WWF Guyane, 2013). Le bureau national de WWF France assure le relais et la diffusion plus large de cette information pour faire écho aux demandes locales, à savoir principalement la mise en place d’un observatoire en open data des activités illégales en Guyane française (WWF France, 2013). On a donc ici une confrontation de logiques sur la question de la diffusion de données. L’État détient une expertise et des moyens supérieurs à ceux du WWF pour l’établissement des suivis réguliers des dynamiques de dégradation des écosystèmes mais ne diffuse pas l’information. Pour limiter ce monopole, le WWF produit des informations, en se basant sur d’anciennes données de l’ONF, qui sont moins pertinentes car décalées dans le temps mais qui ont pour but de montrer des problèmes et d’alimenter un débat qui autrement ne pourrait avoir lieu. En Guyane, les images satellites Spot ont été choisies en raison de leur caractéristiques techniques et de leur disponibilité accrue via la station Seas, mais n’étant pas libres d’accès pour tous les utilisateurs potentiels, et les ressources humaines compétentes et intéressées à la question étant peu nombreuses, globalement la possibilité de construire un dispositif parallèle ou une contre-expertise est limitée. Aujourd’hui ce n’est donc pas la méthodologie utilisée pour la production de données qui est mise en cause par la société civile, mais bien la diffusion des données existantes 3.2. La politique de diffusion des données au Brésil concernant la déforestation. Au Brésil, on l’a vu, les données concernant la déforestation sont également des données extrêmement sensibles pour l’État. Ces données sont produites depuis 1988, et elles sont rendues publiques depuis 2003. Le Brésil, pourtant au centre de l’attention mondiale concernant l’évolution de la déforestation amazonienne, a ainsi fait le choix de s’exposer à la critique, en rendant publiques les données qui peuvent lui être préjudiciables. Cette transition est mise en avant par Câmara et al., (2006, p.3) pour les aspects de gouvernance qu’ils impliquent : « Il faut se souvenir que l’INPE n’a commencé à diffuser les cartes numériques qui décrivent la déforestation qu’à partir de 2003. Jusque là, cette information était restrictive et non accessible, y compris pour les autres organes gouvernementaux, ce qui a eu de graves conséquences puisque cela a beaucoup réduit la capacité du NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 79 gouvernement et de la société à lutter contre la déforestation. 12 » L’analyse ici est bien que la diffusion de l’information permet d’augmenter l’efficacité du gouvernement et de la société pour lutter ensemble. On est dans une rupture totale de vision et de stratégie au regard du cas français, qui voit les autorités publiques (services techniques, préfecture) comme étant en charge pour la société du problème à gérer, et qui craint une diffusion directe de l’information à la société civile. En outre, rappelons que contrairement aux images Spot, les images Landsat ou C-bers utilisées pour les suivis annuels ou bimensuels sont totalement libres d’accès, ce qui laisse, au Brésil, une grande liberté à la société civile pour produire et vérifier l’information. Si l’on reprend les termes de Latour, fabriquer un « antilaboratoire », c’est à dire se donner les moyens de produire une information scientifique en répétant ou modifiant le protocole n’est dans ce cas pas très coûteux : il suffit d’être en mesure de mobiliser les compétences techniques nécessaires. Au Brésil, la récupération et le traitement des données par d’autres acteurs sont considérés comme quelque chose de positif, qui non seulement permet une participation importante de la société civile aux suivis de la déforestation, mais qui par là-même améliore la qualité de l’information satellite traitée. “C’est criant, j’ai commencé à travailler dans la télédétection il y a 20 ans, en 1991, et quand tu vois combien la communauté scientifique produit aujourd’hui de technologie et à quel point la société l’utilise. [...] Mais cette démocratisation des données, elle permet que tout le monde s’empare de cette information, alors c’est un investissement qui pour la société n’a pas de prix. » (Entretien INPE) Pour aller plus loin encore, l’INPE fait de la transparence de ses données une ligne de conduite garantissant la liberté vis-à-vis de l’État et souhaite en faire un enseignement à l’extérieur du Brésil. Le directeur de l’INPE à Belém précise qu’il insiste auprès des techniciens qu’il forme en Afrique : “ Vous devez avoir de la transparence, c’est la transparence qui va garantir votre efficacité. Je sais que ça va être difficile, votre gouvernement ne voudra pas toujours être transparent, mais la transparence va vous protéger, parce que le jour où votre gouvernement voudra en finir avec votre projet, si le projet est transparent, il ne pourra pas l’arrêter parce que toute la communauté va protester. Maintenant si ton projet est fermé [sans communication vers l’extérieur], il l’arrête quand il veut.” (Entretien INPE) C’est cette stratégie de récupération et de traitement propre des données scientifiques pour lutter contre la destruction de l’Amazonie, que développe l’ONG environnementale brésilienne, IMAZON13. Elle produit mensuellement des données comparables à celles du dispositif d’alerte DETER, en se basant sur les images du même satellite, et en utilisant une autre méthodologie de traitement d’images. Contrairement au WWF Guyane, sa plus-value n’est pas dans la création d’une méthode innovante pour analyser des données déjà produites, mais dans la reprise du processus de traitement des images dès le début via une méthodologie qui lui est propre. Ses résultats sont disponibles en ligne et l’IMAZON met également en place un système d’alertes ouvert à tous, qui permet à n’importe qui d’être informé par téléphone ou par mail des nouvelles zones déforestées. L’IMAZON se positionne 12 13 Traduction des auteures http://www.imazon.org.br 80 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 donc tout à la fois en soutien et en contrôle de l’information publiée par les organismes nationaux (cf. Encadré 2). Voici un extrait d’un entretien 14 réalisé par Afonso Capelas Jr. de National Géographic Brésil auprès de Carlos Souza, chercheur à l’IMAZON. Encadré 2 “Quel est le rôle de l’IMAZON dans le contrôle de la forêt ? L’ONG se donne pour fonction de compléter les informations officielles de l’INPE, qui est un organe gouvernemental. Le SAD (système d’alerte de la déforestation) a été créé pour permettre la détection de la déforestation et augmenter la transparence des informations officielles. En effet, avoir deux systèmes de suivi est une bonne chose parce qu’il s’établit une pression salutaire sur le gouvernement pour qu’il n’arrête pas de publier ses informations à la société. En plus de ça, cela force les institutions à améliorer en permanence leurs systèmes. Pour autant, ensemble, l’INPE et l’IMAZON avancent dans le but de suivre l’intervention humaine sur la forêt et d’en produire des rapports actualisés chaque mois. Le Brésil est-il le seul pays à détenir cette technologie ? Non, la technologie existe dans plusieurs pays et on a nous-même importé beaucoup de choses. Ce qui différencie le Brésil c’est l’utilisation de cette technologie sous forme opérationnelle. [...] Un autre aspect positif est que le Brésil est exemplaire pour la transparence des données de déforestation et la mise à disposition des images et logiciels pour le traitement des données satellites, sous l’impulsion de l’INPE. Il est ainsi un modèle pour les autres pays. Les informations que l’INPE gère sont extrêmement importantes pour la discussion avec toute la société et pour rendre des comptes, là, à l’étranger, sur la façon dont on traite l’Amazonie.” S’il y a bien une notion de pression sur l’État, elle n’est pas vue comme négative, mais comme une garantie de la qualité des informations et méthodologies communiquées, comme une forme de coopération et de co-construction pour un objectif qui sera mieux rempli à plusieurs, et comme une façon de maintenir en place les systèmes publics de suivi. L’INPE lui-même produit des analyses comparatives des résultats obtenus par les deux méthodes (Escada et al., 2011) - certes pour prouver la supériorité de sa méthode sur celle de l’IMAZON - mais s’obligeant par là même à avoir un regard critique sur les résultats et méthodologies employées. En parallèle, la confirmation des résultats de l’INPE par l’IMAZON constitue au niveau national et international une forte garantie de la fiabilité des résultats. Au bilan, l’IMAZON luimême reconnaît l’excellence de la transparence des données de déforestation produites par l’INPE, tout en se réservant les moyens d’émettre des critiques, notamment au regard de l’explicitation des méthodologies employées pour fournir les données15. 14 http://planetasustentavel.abril.com.br/noticia/ambiente/tecnologia-contra-desmatamento- 647212.shtml 15 Journal « Estado de São Paulo » : http://www.jornaldaciencia.org.br/Detalhe.jsp?id=54075, consulté en février 2013. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 81 DISCUSSION Un premier constat est qu’au delà de l’obligation législative de mise à disposition des données, les stratégies concrètement mises en œuvre par les différents acteurs publics sont très différentes, et qu’elles vont avoir des effets déterminants sur les stratégies déployées par les ONG d’environnement qui s’adaptent au comportement des services étatiques. Ces derniers restent dans tous les cas les principaux producteurs de l’information, mais il est plus facile de monter une contreexpertise dans le cas brésilien que dans le cas français. En effet, en Guyane les services d’État ont un pouvoir central lié à leur haute compétence technique formée en alliance avec la recherche et peu partagée, ainsi qu’une maîtrise presque totale des flux d’information. Au Brésil la mise à disposition des données et l’accès facilité aux moyens de les reproduire assurent une transparence accrue et une forte légitimité aux données. En Guyane, ce n’est pas tant la qualité des données produites qui est remise en cause, mais bien la possibilité de discuter les résultats et de contribuer à la réflexion sur la lutte contre le problème de l’orpaillage illégal. Nous proposons de replacer sur le graphe proposé par Chignard (2012b) les différentes logiques de diffusion de l’information rencontrées dans ces deux cas (Figure 4). En Guyane nous sommes dans un cas « limite » pour utiliser cette grille d’analyse, puisque les services de l’État n’ont en majorité pas de volonté de diffuser les données. Leur système de gouvernance, qu’il serait plus juste de qualifier de gouvernement, s’appuie sur les principes de gestion de l’État français qui met la préfecture en responsabilité au centre du dispositif. La logique d’une « gouvernance partagée » pour gérer les problèmes d’environnement n’est pas un enjeu ici, bien moins que ce qui est vécu comme prioritaire : la sécurité du territoire. Les services de l’État ne sont donc pas offensifs sur ce point, ils sont même particulièrement défensifs. S’il faut rendre des comptes au sein du système de gestion des données, c’est d’abord à la hiérarchie au sein des services de l’Etat qui porte l’intérêt général, mais pas à la société civile. Cette logique est d’autant plus défendable aux yeux des services publics que le dispositif est moins un dispositif de gestion de l’environnement qu’un dispositif de gestion de la sécurité du territoire, même s’il cherche à afficher les deux objectifs comme complémentaires. Il y a fondamentalement, et le processus de partage de l’information le rend lisible, un déplacement de l’objectif de gestion et des enjeux à relever. Le Parc amazonien de Guyane, compte tenu de son statut d’espace protégé et ses finalités environnementales affichées, mais n’ayant pas le contrôle de la lutte contre l’orpaillage sur son territoire, a besoin, lui, de rendre des comptes aux habitants du territoire et à la société civile pour alerter et pousser à un effort croissant de lutte 82 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 contre l’orpaillage. L’offensive se fait ainsi en ouvrant la gouvernance, contre la stratégie générale des services de l’État. a) Guyane b) Brésil Figure 4 : Les stratégies des acteurs face à la diffusion de l’information, (a) en Guyane, (b) au Brésil. Les cercles de couleur permettent d’associer à un acteur une ou plusieurs stratégies. Les flèches indiquent ce vers quoi tendent ces stratégies. Le WWF se positionne, lui, dans une stratégie offensive, en produisant des données qu’il diffuse (bien qu’il sache qu’elles sont moins à jour et donc de moins bonne qualité) il tente d’augmenter la transparence en compensant la qualité du service par l’information, mais également en préparant au changement de la situation actuelle vers une gouvernance plus large de la question, dans une situation pratiquement conflictuelle avec les organismes publics qui eux sont dans une culture du secret et de la faible diffusion de l’information, si ce n’est sa rétention. Une stratégie plus frontale encore pourrait être la poursuite au tribunal administratif de la préfecture au nom de la convention d’Aarhus, mais d’autres négociations et processus en cours ne rendent pas forcément cette stratégie aujourd’hui souhaitable pour le WWF qui se place plutôt dans une posture constructive de coopération possible. C’est d’autant plus important, que dans le cadre de la Guyane française, les acteurs travaillant sur les questions environnementales sont peu nombreux et sont donc NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 83 amenés régulièrement à travailler conjointement sur des dossiers différents, ce qui rend difficile les oppositions frontales. Ainsi, le Parc amazonien de Guyane et le WWF constituent des acteurs majeurs pour pousser les services de l’État au changement dans leur stratégie de diffusion et de partage de l’information. Au Brésil, le schéma peut paraître à première vue classique, à savoir un État qui produit des données pour se justifier face à la communauté internationale et face à des ONG qui font de la transparence un mode offensif pour préserver la qualité des données. Mais en fait, notre recherche montre que l’État est aujourd’hui dans une stratégie d’ouverture très importante sur cette question, et qu’il s’appuie au contraire sur une reconnaissance mutuelle de l’utilité respective et de la complémentarité des données produites non seulement par lui mais aussi par les ONG qui s’en saisissent. Contrairement à la Guyane, la stratégie ici conjointe est dans l’ouverture à la participation, via une large mise à disposition des données qui améliore globalement l’expertise. L’action des ONG, beaucoup plus nombreuses qu’en Guyane et plus puissantes en termes de compétences et d’expertise mobilisable, maintient une pression sur le gouvernement brésilien. Elles se positionnent donc également dans une stratégie offensive de transparence, axée sur une gouvernance accrue. Mais cette pression n’est pas vécue comme contradictoire à une co-construction, ONG/organismes gouvernementaux, du travail à mettre en œuvre pour lutter contre la déforestation. CONCLUSION À ce stade de la recherche, une des questions reste encore importante à traiter, à savoir les raisons d’une telle différence de positionnement entre la France et le Brésil. Nos entretiens, nous donnent actuellement quelques pistes, essentiellement politiques et historiques, qu’il s’agira d’étayer dans la suite des travaux. Un représentant de l’INPE interprétait le mouvement de mise à disposition des données au Brésil, comme étant très lié à l’arrivée du gouvernement de « Lula » (2003) et tout spécifiquement celle de l’INPE comme une réponse à la sortie définitive de tout risque de retour de la dictature. En effet, beaucoup de Brésiliens sont encore très marqués par cet épisode de leur histoire, et, particulièrement dans les milieux scientifiques, mettent des moyens en œuvre pour limiter au maximum la concentration des données entre les seules mains des pouvoirs publics. Par ailleurs les ONG d’environnement sont nombreuses, structurées, présentes depuis longtemps sur le territoire. Elles ont structuré leurs alliances non seulement pour la mise à l’agenda des questions d’environnement, mais aussi pour la mise en œuvre des politiques d’environnement, d’abord entre elles, puis, en particulier depuis l’arrivée de Lula au pouvoir, avec le gouvernement. C’est tout particulièrement vrai dans le cas amazonien, ou ces alliances permettent aussi de compenser un manque d’expertise au sein des services publics. 84 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Pour ce qui touche à la France, il est intéressant de constater qu’initialement pilotée uniquement par l’ONF et soutenue par le ministère de l’environnement, l’initiative de suivi des impacts de l’orpaillage était publique et avait même vocation à attirer l’attention sur ce problème environnemental. Les acteurs d’environnement, peu nombreux en termes d’ONG mais importants en termes d’expertise au sein des services spécialisés de l’Etat, sont d’ailleurs souvent plutôt proactifs dans ces dynamiques de diffusion des données. En Guyane, c’est d’ailleurs aujourd’hui sur les thématiques dépendant des anciennes directions de l’environnement que la mise à disposition de l’information est la plus avancée. En revanche, la création de l’observatoire de l’activité minière implique des corps d’État dont la culture est plus tournée vers le secret industriel et le secret militaire que vers l’ouverture à tous de l’information. C’est illustré par les réactions de l’un des acteurs interrogés vis-à-vis des données qu’il aurait pu transmettre à l’observatoire « Quand c’est chez moi, je maîtrise mon réseau informatique et je maîtrise la confidentialité. Quand je transmets ailleurs, je ne maîtrise plus rien d’accord ? Point. ». La logique défendue ici ne pointe pas du tout vers les avantages possibles de la diffusion publique des données environnementales. La logique initiale a ainsi été bouleversée par l’aspect opérationnel et la mise en concurrence d’autres logiques, en particulier sécuritaires ou liées à la peur que la diffusion des données n’aggrave le phénomène. Un interlocuteur de l’ONF disait ainsi qu’à chaque réunion élargie des acteurs de l’observatoire la question de la diffusion des données était reposée, sans que la situation ne se débloque, et ce depuis 2008. Si le type d’images satellite utilisées et leur coût ne favorisent pas, en outre l’élaboration d’une contre-expertise, il faut souligner que peu d’acteurs sont en demande de justification vis-à-vis de la lutte contre l’orpaillage, ce qui n’incite pas l’État à la publication des résultats, contrairement à la pression qui s’est exercé au Brésil dans les années 1980 face à la déforestation amazonienne. Néanmoins, des ouvertures progressives aux données se font, via l’action du WWF et du côté des acteurs publics d’environnement tel que le Parc amazonien de Guyane. Ce genre de dynamique se retrouve, pour les données environnementales de façon plus générale au niveau des services déconcentrés en charge de l’environnement via l’établissement d’une plateforme de téléchargement (qui ne concerne bien sûr pas les données sur l’orpaillage). Le mouvement d’ouverture au public n’en est cependant qu’à ses balbutiements par rapport à la dynamique brésilienne, et est très peu ancré dans la culture des métiers de l’industrie ou de la défense, qui dans le cas de l’orpaillage, sont en interaction directe avec les questions environnementales. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 85 REFERENCES AMAPA - SEMA (2011). Relatorio tecnico de desmatamento no estado do Amapa referente ao periodo de 2009 a 2010. Macapá, SEMA, 45 p. CÂMARA, G., D. VALERIANO, J.V. SOARES (2006), Metodologia para o cálculo da taxa anual de desmatamento na Amazônia Legal, São José dos Campos, INPE, 24 p. CATZEFLIS, F., H. GERAUX, R. LE GUEN (2002), L’orpaillage en Guyane : Un mal incurable ? 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Le « projectorat » d’où partait la Bolivie dans les années 2000 et que connaissent nombre des marges du Sud globalisé, s’exprime sur le terrain par la prolifération de projets de développement non coordonnés et financés depuis l’extérieur par des acteurs internationaux. Je propose ici d’étendre la notion de « projectorat » au processus de production d’une géoinformation segmentée et non ré-appropriable au -delà de la logique des projets. Ainsi, Geobolivia tente de dépasser les limites de ce système et de capitaliser l’information existante en produisant une infrastructure nationale permettant à la fois un « contrôle social » de l’information géographique existante et une vision d’ensemble – une géographie de l’information géo-environnementale – sur les vides et les lacunes en matière de production de cette information. La capacité de l’IDG GeoBolivia à contribuer à une régulation et à une re-distribution « post-néolibérale » de cette information, de même que les contradictions d’une telle entreprise, sont examinées à la lumière de la notion de gouvernementalité proposée par Foucault. Mots clés - Infrastructure de données géographiques, Bolivie; projets, coopération internationale, gouvernementalité, information géo-environnementale. Abstract - Based on the experience of the spatial data infrastructure project carried out by the Bolivian Government (GeoBolivia), this article aims at studying the geo-environmental information data heritage owned by the country after two decades of « by project » and « remote » public action. The « projectorate », which has been a characteristic feature of Bolivia until the first decade of the 21st century as well as of other countries of the “globalized South”, corresponds to the proliferation of uncoordinated development projects financed by foreign international actors. I propose to extend the concept of « projectorate » to the process of production of segmented geographical Doctorant et assistant au Département de Géographie et Environnement de la Faculté des Sciences Economiques et Sociales de l’Université de Genève. [email protected] et [email protected]. 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 89 information that cannot be re-appropriated beyond the logic of projects. The GeoBolivia initiative aims at overcoming this situation by capitalizing existing information and producing a national data infrastructure which would allow a « social control » of the existing geographical information as well as an overview of the gaps to be filled regarding the production of geographical knowledge. The capacity of the GeoBolivia initiative to contribute to a « post-neoliberal » regulation and redistribution of geographical information, as well as the contradictions of such an initiative, will be analyzed in the light of Foucault’s concept of govermentality. Key-words - Spatial data infrastructure, Bolivia, projects, international aid, governmentality, geo-environmental information. INTRODUCTION “En Bolivie, l’absence presque totale de l’Etat dans le domaine de l’accès libre reflète l’effondrement de ses capacités à produire des référentiels environnementaux et les actualiser”. Partant de ce constat dressé par Pierre Gautreau (2012) et qui peut s’étendre à d’autres Etats, cet article propose d’en comprendre les causes, les conséquences et de proposer une stratégie et des instruments pour sortir de la fragmentation et de l’absence de régulation et de souveraineté en matière d’information géographique. Ceci à partir de l’expérience en cours de mise en oeuvre de l’Infrastructure de Données Géographiques nationale bolivienne. Selon l’économiste Rodriguez Carmona (2009), la Bolivie serait devenue entre 1980 et 2006, sous l’influence des politiques néolibérales, un « projectorat ». Ce néologisme est défini par l’auteur comme une « forme de pensée fragmentaire qui incite les gestionnaires publics à percevoir la réalité comme un ensemble de projets ». L’hybridation sémantique entre « projet » et « protectorat », rend très bien compte du mélange de pensée managériale post-fordiste (Boltanski and Chiapello, 1999 ; Roberts ed. al. 2005), caractérisée par une hyper valorisation de l’organisation par projet et des vieilles habitudes coloniales associées à la pratique du Protectorat auxquelles s’apparentent de nombreuses initiatives de coopération internationale dans les excolonies européennes. En effet, si l’administration publique locale ou des organisations non gouvernementales (ONG) se chargent généralement de l’exécution des projets, ce sont quasi systématiquement des agences d’aide internationale bilatérale ou multilatérale qui assurent le financement et énoncent, de fait, les modes d’intervention et donc de gouvernement à distance. Cette distance implique la mise sur pied de systèmes permettant de mesurer l’efficacité de ces politiques indépendamment des mécanismes habituels de communication entre gouvernants et gouvernés, soit la démocratie représentative et/ou les différentes formes de participation ou de protestation sociale. Ces systèmes de mesure, d’information, ont le plus souvent une composante d’informations géolocalisées relatives aux terrains travaillés par les projets (par exemple dans le domaine de la biodiversité ou des populations), ainsi qu’aux réalisations de ces projets (infrastructures, aires d’influence, etc.). Réunies et mises à disposition sur Internet, ces informations peuvent cependant constituer une base pour le dépassement du 90 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 « projectorat » pour nourrir de nouvelles formes de gouvernement « postnéolibéraux » (Andolina, Laurie et Radcliffe, 2009) qui, tout en reprenant à leur compte certaines idées issues du néolibéralisme (transparence, décentralisation, mise en réseau) (Larner, 2000 ; Harvey, 2005), rejettent les postulats de la privatisation des ressources et services comme moteurs du développement. Proche de ce que Latour (2006) nomme l’« acteur-réseau », une infrastructure de données géographiques articule des institutions, des groupes professionnels et des outils techniques autour d’une stratégie de transformation sociale. La mise sur pied d’un portail cartographique permettant de visualiser et de télécharger l’information géo-environnementale aux mains de l’Etat, apparait dans cette perspective, non seulement comme un dispositif permettant de situer dans l’espace le patrimoine commun que représentent ressources, infrastructures et projets, mais également la richesse immatérielle (mais très coûteuse), que représente l’information géographique. Entre « impérialisme numérique » et « processus de participation citoyenne » (D’Alessandro-Scarpari, Elmes et Weiner, 2008), les enjeux du cas bolivien rejoignent un débat plus large sur la fonction sociale des systèmes d’information géographique2. La mise en réseau de l’information géographique par une initiative d’Infrastructure de Données Géographiques (IDG) permet-elle de pallier les blocages qu’ont imposés les logiques néolibérales de constitution de savoirs géoenvironnementaux durant les années 1990 – 2000 ? Je prétends ici au travers de l’analyse du projet d’IDG officielle bolivienne de la Vice-présidence de Bolivie (projet GeoBolivia)3, ses antécédents et les intentions de ses promoteurs, mettre en évidence premièrement, que les logiques néolibérales – l’organisation « par projet » de l’information géographique – n’avaient pas permis l’émergence d’une capacité de gouvernement du développement ou de “gouvernementalité” 4 (Foucault, 2004 ; “En facilitant le croisement de données hétérogènes non seulement en termes de contenu, mais aussi de source (données formelles et informelles, officielles ou non-officielles, scientifiques ou non-scientifiques par exemple), cette technologie est ambivalente. Elle peut contribuer à exacerber des problèmes ou des conflits déjà existants ou en créer d’autres, mais elle peut aussi bien participer à pointer des conflits potentiels et à créer une plate-forme de partage de l’information pour les désamorcer” écrivent Cristina D’Alessandro-Scarpari Gregory Elmes Daniel Weiner (2008). 3 La Vice-présidence de l’Etat Plurinational de Bolivie dépend directement du Vice-président. Second personnage de l’Etat, il préside l’Assemblée Législative Plurinationale. De ce fait, la Vice-présidence est une instance de lien entre pouvoirs législatif et exécutif. Par ailleurs, de cette instance dépendent entre autres l’Agence pour le Développement de la Société de l’Information en Bolivie (ADSIB) ainsi que la Bibliothèque de l’Assemblée. Durant le mandat du Vice-Président Alvaro Garcia Linera (mathématicien et sociologue de formation), une Unité de Participation citoyenne a été mise sur pied. C’est à partir de cette unité que le Projet GeoBolivia a été formulé. Voir : http://www.vicepresidencia.gob.bo. et http://geo.gob.bo/?Vicepresidente-Alvaro-Garcia (consulté le 13.06.2013). 4 La notion de « gouvernementalité » proposée par Michel Foucault en 1978 est synthétisée par Pierre Lascoumes (2004) comme « un changement radical dans les formes d’exercice du pouvoir par une autorité centralisée, processus qui résulte d’un processus de rationalisation et de technicisation. Cette nouvelle rationalité politique s’appuie sur deux éléments fondamentaux : une série d’appareils spécifiques de gouvernement, et un ensemble de savoirs, plus 2 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 91 Lascoumes, 2004 ; Elden, 2007 ; Jessop, 2007; Dumont, 2011) au sein de l’Etat bolivien; deuxièmement que GeoBolivia, en favorisant la circulation de l’information géographique publique, permet d’envisager une gouvernementalisation “socialement contrôlée” de l’Etat bolivien. Ceci, d’une part en permettant la récupération d’une vision globale sur l’information géographique au delà de la multiplicité de projets qui en sont la source ; d’autre part en permettant la circulation entre les acteurs (et leurs projets) de cette information ; enfin en facilitant des formes émergentes de « contrôle social » de l’information numérique et ses vecteurs, les réseaux de télécommunication et les logiciels. Mais avant de discuter plus en détail cette hypothèse, il me faut expliciter quelques éléments qui caractérisent le contexte latino-américain et plus spécifiquement bolivien d’émergence de l’expérience GeoBolivia. Depuis la conquête espagnole au seizième siècle, le périmètre actuel de la Bolivie s’est caractérisé comme un important fournisseur de matières premières et de ressources génétiques (métaux, pomme de terre, caoutchouc, hydrocarbures, bois, soja, etc.) aux puissances coloniales et impérialistes (Franqueville, 2000). Au vingtième siècle, ce mouvement d’extraction de richesses, s’est confronté à un mouvement de croissante revendication nationaliste ouvrière et paysanne (révolution de 1952), puis « indigéniste » à partir des années 1990 pour le contrôle local des matières premières et leur transformation. Aujourd’hui, depuis l’arrivée au pouvoir en 2006 du Mouvement vers le Socialisme (MAS) d’Evo Morales, le pays vit un processus de « récupération des ressources naturelles » caractérisé par la re-nationalisation de certaines ressources stratégiques privatisées durant les années 1980 – 1990 et l’utilisation des gains issus de leur commercialisation dans des politiques de développement local et d’équipement, routier par exemple. Ceci ne va pas sans poser de nouveaux défis politiques. Ainsi, l’impact de certaines infrastructures fait l’objet de véritables guerres de l’information entre tenants de cette politique d’extension de la production et tenants du conservationisme environnemental, notamment des ONG (Perrier-Bruslé, 2012) et des agences d’aide au développement issues des pays industrialisés. L’information géographique relative aux ressources naturelles, aux infrastructures et aux différentes formes de territorialité, autochtone et étatique mais également « transnationale » (Andolina, Laurie et Radcliffe, 2009 ; Hirt, Lerch, 2012 et 2013) et « post-moderne », comme les concessions et les périmètres de projets en tous genres (Giraut, 2005 ; Giraut, Vanier 2006) prend, dans ce contexte, une importance toute particulière. Il s’agit, via le partage de l’information géographique, de faire passer les politiques publiques de la « compensation des effets de l’ajustement structurel » sur les segments les plus vulnérables de la société (peuples indigènes, enfants des rues,…) et de l’environnement (aires protégées) préconisée par la Banque Mondiale (Giraut 2009), à la mise en œuvre d'initiatives touchant l’ensemble de la population et du territoire (infrastructures de transport, réseaux de télécommunications, services publics, précisément de systèmes de connaissance. L’ensemble qui articule l’un et l’autre constitue les fondements des dispositifs de sécurité de la police générale. Ces techniques et savoirs s’appliquent à un nouvel ensemble, « la population » pensée comme une totalité de ressources et de besoins ». 92 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 dispositifs d’exploitation, transformation et distribution des ressources naturelles, localisation de l’investissement et dépense publique, etc.). C’est partant de cette volonté politique, que la Vice-présidence de Bolivie a mis sur pied une Infrastructure de données géographiques multithématique et quasi intégralement en libre accès. Cette expérience est analysée en quatre temps. Dans un premier temps, je reviendrai sur le contexte bolivien et plus spécifiquement sur le diagnostic qui a motivé la mise sur pied de GeoBolivia. Celui-ci fût établi entre 2007 et 2012 par l’auteur à partir d’une démarche de « rechercheaction » au sein de divers projets gouvernementaux et l’identification de cas emblématiques des effets de l’organisation « par projet » sur l’offre d’information géographique. Une seconde partie sera consacrée aux principaux axes stratégiques qui ont guidé l’élaboration et la mise en œuvre de GeoBolivia. Ceux-ci sont explicités de manière à montrer en quoi le projet GeoBolivia est en quelques sortes à la fois un contre-projet aux initiatives développées jusqu’ici et un pas en direction d’un gouvernement par les instruments (Lascoumes 2004). Une troisième partie présente l’offre actuelle du portail GeoBolivia à partir d’une proposition méthodologique originale consistant à cartographier l’emprise des jeux de données répertoriés et dans la majorité des cas, offerts en téléchargement dans le cadre de cette initiative. L’analyse rétrospective de la part de l’information environnementale dans l’ensemble de données géospatiales, la périodisation de la production d’information, sa distribution géographique serviront de base à la discussion du potentiel régulateur qu’une telle “géographie de l’information géographique” (Roche, 2000) recèle. Enfin, en guise de conclusion je récapitulerai les principaux enseignements de mon étude, les enjeux stratégiques identifiés, puis je discuterai l’hypothèse que l’IDG bolivienne participe à l’établissement d’une gouvernementalité « socialement contrôlée ». 1. LA BOLIVIE FACE AU “PROJECTORAT” DE L’INFORMATION GÉO-ENVIRONNEMENTALE La dispersion des données géo-environnementales et la faible institutionnalisation de systèmes d’information accessibles et sous contrôle démocratique (Silva, 2007) en Bolivie sont caractéristiques d’une gouvernementalité à distance, à la fois fortement localisée autour de régions emblématiques de certaines thématiques et supranationale car construite à partir du système d’aide internationale. Cependant l’évolution de cette situation à partir de 2008 permet d’observer l’émergence d’une gouvernementalité nationale construite à partir de l’émergence de nouvelles formes de régulation étatique, plus fondées sur la mise en commun d’information que la contrainte bureaucratique. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 1.1. 93 1980-2012 : Une succession de projets à différentes échelles La Figure 1 présente en synthèse la succession des principaux projets de collecte et de systèmes d’information géographique boliviens5 entre 1980 et 2012. Elle synthétise un travail d’inventaire et d’analyse initié en 2007 en vue de la mise sur pied de l’IDG bolivienne (Lerch, 2007). Figure 1: Succession des projets de systèmes d'information géo-environnemetale en Bolivie, 1980-2012 La figure distingue en gradient vertical une estimation du taux de financement externe de ces projets. A chaque projet est associée la source principale de financement. Sans prétendre à l’exhaustivité, cette figure et le tableau présenté en annexe, permettent de saisir l’ampleur de l’investissement externe dans le domaine de l’Information Géographique et paradoxalement la difficulté que ces projets ont rencontrée dans leur institutionnalisation. De ce tableau certains éléments méritent un développement spécifique tant ils illustrent bien la dynamique générale du “projectorat” dans le domaine de l’information géographique. Les détails (nom complet, fonctions principales, durée, montants approximatifs des financements, etc.) des projets mentionnés sont présentés en Annexe 1. 5 94 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Premièrement, on constate une importante présence de projets d’origine étasunienne durant les années 1980. Des projets comme ERTS (Environment Resources Technological Satellite), NIMA - Bolivia (National Imagery and Mapping Agency) ou encore BOLFOR (Proyecto de Manejo Forestal Sostenible) ont constitué les fondements, sans précédent, de bases de données sur l’environnement amazonien et ont ouvert la voie à ce qui aujourd’hui constitue une part importante de la base informationnelle de l’”économie du carbone” et de la recherche en matière de biodiversité. Des domaines aujourd’hui totalement en mains privées en Bolivie (et pour cause, le gouvernement bolivien s’y oppose), mais qui sont présents dans le paysage contemporain de la production non-gouvernementale et académique de données géoréférencées en Bolivie (Sandoval et al., 2013)6. Deuxièmement, d’autres projets, largement financés par des fonds d’origine européenne comme OTRA BID-Amazonia (Programa para el Ordenamiento Territorial de la Región Amazónica Boliviana) ou ALT (Proyecto Especial del Lago Titicaca) relèvent d'initiatives de gestion environnementale à l’échelle de bassins versants internationaux. Toujours sur des périmètres déconnectés des cadres territoriaux de l’administration publique, des projets comme ZONISIG (Apoyo a la Planificación del Desarrollo Sostenible) dans le domaine de la planification territoriale (départements de Pando, Tarija, Potosí, Chuquisaca et La Paz) ou BOL-F57 dans le domaine du contrôle policier des zones productrices de coca, ont produit ou produisent de l’information de haute précision, mais uniquement au sein de périmètres définis dans le cadre d’accords bi- ou multilatéraux souvent sans que ces périmètres n’aient de relation avec la dynamique politico-territoriale au niveau national. Troisièmement, on trouve une série de projets dont le nom commence généralement par “SN...” pour système national. Il s’agit de projets de systèmes d’information thématiques nés au sein du gouvernement bolivien mais largement financés depuis l’extérieur. Ces systèmes, bien que publics, ont souvent été développés sur la base d’une dépendance financière telle que lorsque les financements se sont terminés, le personnel (qui dans le meilleur des cas était partiellement rémunéré par l’Etat bolivien en guise de contrepartie) ne pouvait continuer à travailler qu’en utilisant des logiciels piratés. Ceci rendant très difficile toute initiative de distribution de données par Internet 7 . De même, l’actualisation de ces dernières n’a, à ma connaissance, jamais eu lieu dans ce contexte. Les cas du SNID (Sistema Nacional de Información del Desarrollo) et du SUNIT (Sistema Único de Información de la Tierra) sont emblématiques. Le premier a disparu du Ministère de la planification en 2008, à la fin de son financement international, malgré le fait qu’il représentait la plus grande base de données géospatiales de l’État bolivien. Le second, censé centraliser et distribuer toutes les géodonnées concernant la gestion des terres agricoles du pays, persiste, mais éloigné de sa mission. En effet, le Vice-ministère des Terres dont il Un colloque tenu du 19 au 21 mars 2012 à La Paz, Zonas Críticas de Gobernanza de la Tierra a escalas múltiples - Pautas metodológicas desde la Geografía y Cartografía, a permis de saisir l’importance de cette thématique auprès de ces acteurs. 7 En effet, les logiciels “piratés” connectés à internet sont facilement détectables par leurs fabricants qui peuvent entamer des poursuites judiciaires. 6 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 95 dépend, a été incapable de financer les moyens informatiques (serveur, connexion internet) permettant le partage de la base de données constituée. Le SNID et le SUNIT incarnent une première génération de systèmes d’information sectoriels dont la fonction de distribution d’information n’a quasiment jamais été traduite dans les faits. C’est en grande partie cette absence d’interaction avec la société (combinée avec d’importants coûts de fonctionnement) qui induit le faible soutien qu’ils ont reçu durant les quatre premières années du gouvernement Morales. Perçus comme des « gadgets technocratiques » d’origine néolibérale, les « systèmes nationaux d’information » sectoriels n’ont jamais reçu d’appui budgétaire national suffisant pour se développer au-delà des besoins internes des institutions qui les abritent. Quatrièmement, dans la partie supérieure du tableau, sont regroupées les plateformes d’information “non-gouvernementales”. Elles représentent une grande part de la production et la diffusion d’information géo-environnementale bolivienne et s’établissent et se développent en marge des pouvoirs publics. Elles sont par ailleurs centrales en matière de diffusion d’information (par forcément géographique) sur le « Web environnemental » bolivien (Gautreau 2012). Parmi les ONG, on peut distinguer celles consacrées exclusivement à l’information environnementale telles que FAN (Fundación Amigos de la Naturaleza), WCS (World Conservation Society), CI (Conservation International) et d’autres possédant un fort savoir-faire en matière de traitement d’images satellitaires et modélisations de données; et celles consacrées au soutien aux peuples autochtones et au développement local, telles AVSF (Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières) ou Fundación Tierra, généralement centrées sur les techniques de cartographie participative et cadastres communautaires (Hirt, Lerch, 2012). Enfin, est mentionné le CDNRB (Centro Digital de Recursos Naturales de Bolivia, soit Centre Digital des Ressources Naturelles de Bolivie), une initiative privée de diffusion de données environnementales mise sur pied par une université étasunienne (Perotto-Baldivieso et al., 2012), sur laquelle nous allons revenir. Comment les données générées dans le cadre de tous ces projets, dont le coût total dépasse, selon mes estimations8, les trente millions de dollars sur trente ans, ontelles été stockées et mises à disposition des gestionnaires publics? Le travail de Julia Sillo Condori (2012), consacré aux pratiques des consultants environnementaux répondant à des commandes publiques en matière de cartographie, a permis d’estimer que 70% de ces consultants utilisent exclusivement des données circulant sur CD et clé USB et seulement 30% avaient recours à des bases de données en ligne. Parmi ces bases, on trouvait début 2012 essentiellement quelques sites gouvernementaux diffusant des données spécifiques et le CDNRB précédemment mentionné. Or ce portail publie non seulement de l’information issue de la recherche dans le domaine Les coûts estimés des SIG présentés en annexe ont étés déterminés à partir d’entretiens avec des professionnels ayant participé ou suivi des projets qui les ont générés et de documents issus de ces projets. Dans la majorité des cas, il m’a en effet été impossible de distinguer les composants SIG au sein des budgets globaux des projets dans les bases de données officielles, telle la base du Système National du Financement (Sistema Nacional de Financiamiento, SISFIN). 8 96 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 environnemental mais publie également de nombreuses données relatives à la planification territoriale, la population et les infrastructures. Des données pour la plupart issues des projets mentionnés plus haut, publiés sans métadonnées et généralement sans que des accords institutionnels n’aient autorisé leur diffusion. Il va sans dire que cette initiative, bien qu'étant motivée par un souci de partage d’information, n’a pas toujours été appréciée par les autorités boliviennes qui y ont vu une forme de perte de souveraineté sur l’information publique. C’est là un des arguments qui a décidé la Vice-présidence à mettre sur pied une infrastructure de données (GeoBolivia) disponible sur Internet. 1.2. « Aide liée » et logiciels SIG La question des logiciels et formats de données est un autre aspect fondamental à mentionner ici tant ceux-ci sont consubstantiels aux relations de pouvoir inhérentes au financement international. Durant les années 1990, les projets de SIG publics en Bolivie se sont caractérisés par une certaine concurrence entre deux logiciels associés à deux sources de financement : ILWIS, utilisé par les projets à financement hollandais et ArcView dans le cadre de projets à financements nordaméricains. Cette dualité s’est peu à peu éteinte au profit d’ArcView et sa version serveur ArcIMS, un logiciel propriétaire dont les évolutions postérieures (ArcServer) ont induit une dépendance en matière de savoir-faire, mais également en matière de formats de données. Cette problématique n’est pas une évolution récente puisque déjà des projets tels que OTRA BID-Amazonia ou ZONISIG (parmi les plus chers de notre échantillon) ont produit grand nombre de données qui ne sont aujourd’hui que difficilement lisibles du fait que les logiciels utilisés à l’époque cessé d’être développés par leurs fabricants. Par ailleurs, la dépendance envers les logiciels propriétaires peut être associée à une forme d’”aide liée” 9 (OCDE 2005) qui a permis à l’entreprise étasunienne ESRI de se positionner en quasi-monopole en Bolivie grâce à vingt ans de projets d’aide au développement dans ce même pays. La dépendance de l’administration envers ces produits est telle qu’en 2012, ce sont (selon un entretien réalisé auprès d’un fournisseur sous couvert d’anonymat) pas moins de quinze licences ArcServer à 57'000 dollars étasuniens chacune qui seraient en mains de l’État Bolivien (soit 855’000 USD). Aucune de ces licences ne semble avoir été utilisée pour offrir plus que de simples services de visualisation sur plus de dix couches thématiques10 et il 9 L’ « aide liée » consiste à offrir des fonds d’aide au développement en imposant de fait des services ou des produits issus du pays ou la région d’origine des fonds. Ce mécanisme a été dénoncé par la « Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement et programme d’action d’Accra» du 2 mars 2005 sous les auspices de l’OCDE. Le projet ZONISIG est un autre exemple emblématique d’”aide liée”, associant financement, exécution (DHV consulting), et (partiellement) options technologiques (logiciel Ilwis) d’origine hollandaise. Une association qui, nous le verrons plus tard, n’a pas facilité la valorisation des résultats du projet. 10 Voir, par exemple, une de ces rares licences « en service » sur une plateforme web sur la page du Système d’Information Territorial de Soutien à la Production - Unidad de Análisis Productivo (2011) Sistema de Información Territorial de Apoyo a la Producción - SITAP. 97 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 est fort probable que la majorité d’entre-elles arrive à terme de validité d’ici fin 2013 sans que leur renouvellement ne soit assuré sans apports externes de la coopération internationale. 1.3. Le projectorat et l’information géo-environnementale Ainsi le bilan que l’on peut dresser de trente ans d’accumulation d’information géo-environnementale dans le cadre de projets de coopération internationale peut se résumer comme suit: information environnementale en mains privées et souvent inutilisable ; discontinuité de l’information réunie en fonction de périmètres de projets définis par des financements internationaux et discontinuité temporelle des systèmes d’information ; dépendance et vulnérabilité des utilisateurs nationaux vis-à-vis de logiciels propriétaires et dont l’usage et la compatibilité n’est pas assurée sur la durée. Telles sont les caractéristiques qui définissaient le “projectorat” géographique bolivien jusqu’en 2012. L’analyse de la mise sur pied de GeoBolivia durant cette année va nous permettre de saisir la complexité de la stratégie à mettre en place pour tenter d’en sortir. 2. GEOBOLIVIA: UN INSTRUMENT POUR RÉGULER LE PROJECTORAT? Pierre Lascoumes (2004) a mis en évidence que la « gouvernementalisation » de l’Etat se caractérise par la mise sur pied d’instruments ou « technologies de gouvernement » tels que la statistique et la cartographie. Il montre que ces instruments, loin de constituer de simples technologies, forment des stratégies de « conduite des conduites » collectives ou individuelles. En effet, ils produisent des « effets d’inertie » qui leurs permettent de se déployer au-delà des discours politiques circonstanciellement dominants ; ils sont « producteurs de représentations spécifiques », de catégories et d’unités de mesure établissant des « principes d’équivalence entre les êtres » (Boltanski, Thévenot, 1991) ; enfin « l’instrument induit une problématisation particulière de l’enjeu dans la mesure où il hiérarchise des variables et peut aller jusqu’à induire un système explicatif » (Lascoumes 2004). Autrement dit, la manière dont les objets et les individus sont classés permet d’asseoir un point de vue politique sur la société et l’environnement. Centraliser et mettre à disposition de tous l’information géographique issue de la multiplicité des projets passés et en cours, comme le fait GeoBolivia, relève donc d’une option stratégique dont le postulat implicite est que l’information possède des vertus régulatrices (Raffestin 1981). Par ailleurs, le fait de classer et distribuer cette information en adoptant des normes techniques internationales (normes ISO et Open Geospatial Consortium), des logiciels en « code ouvert » développés par différents acteurs et le Ministerio de Desarrollo Productivo http://www.produccion.gob.bo/sitap/mapas (05.03.2011). y Economía Plural 98 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 fait de permettre la visualisation simultanée de divers jeux de données sur un même « fond de carte », lui-même issu d’un projet collaboratif international, relève d’une stratégie de gouvernementalisation articulant divers niveaux d’échelle : internationale pour la dimension technique, nationale pour la régulation de l’information et locale pour le type d’usages et d’usagers principalement visés. 2.1. Echelles et réseaux A l’échelle internationale l’utilisation du fond de carte collaboratif Open Street Map, inscrit d’emblée le portail cartographique de GeoBolivia dans un paradigme commun (Hussy 1998), un système classificatoire partagé par une communauté globale indépendante des ordres institutionnels qui ont jusqu’ici caractérisé la cartographie : expression de pouvoirs militaires, scientifiques ou entrepreneuriaux coloniaux ou impériaux (Wood and Fels 1992, Crampton 2008, Radcliffe 2009). Dans le même ordre d’idées, le choix du framework logiciel GeOrchestra, développé par des régions françaises (Bretagne et Aquitaine, entre autres) n’ayant aucun lien de coopération avec la Bolivie, plutôt que d’autres solutions proposées par des institutions d’aide internationale, tel GeoNode proposé en Bolivie par la Banque Mondiale, illustre une volonté de non dépendance envers ces institutions 11 . GeoBolivia s’est ainsi inscrit dans un réseau technique et territorial non centralisé, mais surtout décentré par rapport à la Bolivie. Ceci a, de fait, ouvert la voie à une certaine autonomie d’action, mais également au risque d’une dispersion des efforts et une dépendance envers des « experts » dépendant d’institutions distantes et non directement intéressées au succès du projet (les régions françaises), une configuration qui pourrait être assimilée au projectorat. Cependant cette prise de risque a également permis l’établissement d’une relation symétrique avec les institutions développant ces applications12. Par ailleurs, l’usage bolivien de GeOrchestra a impliqué la traduction vers l’espagnol de l’ensemble des applications, ouvrant ainsi la voie à la reprise de cet outil par d’autres acteurs hispanophones et par conséquent la constitution d’un réseau de coopération Sud-Sud d’envergure continentale13. A l’échelle nationale, c’est la volonté d’offrir une vision d’ensemble de l’action publique, de « représenter géographiquement ce qui est en train d’être fait Les pages web des deux projets illustrent bien leurs différences respectives. Voir: GeOrchestra http://www.georchestra.org /. GeoNode : http://geonode.org / 12 Cette symétrie s’est notamment traduite par une reconnaissance des apports boliviens de la part de la communauté GeoOrchestra qui a nommé sa version 12.11 “Bolivia”. Voir: http://blog.georchestra.org/post/2012/12/16/geOrchestra-12.11-Bolivia-is-out (13.06.2013) 13 Le 27 avril 2013, Fernando Molina, le coordinateur de GeoBolivia à présenté le projet lors de la rencontre latino-américaine du réseau de concepteurs et utilisateurs de logiciels libres destinés à la géographie (FOSS4G Latino) à Buenos Aires, rencontrant un fort intérêt de la part de plusieurs acteurs institutionnels argentins. Une présentation similaire est prévue lors de l’événement mondial du même réseau à Nottingham (Royaume-Uni) en septembre 2013. En novembre 2014 GeoBolivia a collaboré à la mise sur pied d’une infrastructure de données géographiques au Nicaragua sur la base du framewok GeOrchestra. 11 99 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 politiquement », et d’offrir un outil articulation entre initiatives, l’information géographique publique et gratuite, qui est primordiale. Il s’est agi à partir de 2006, pour une équipe gouvernementale arrivée au pouvoir à partir d’une position politique radicalement opposée aux gouvernements précédents et donc démunie face à la complexité administrative et aux réseaux technocratiques en place, de récupérer une vision cartographique d’ensemble des ressources, infrastructures, délimitations et projets que l’Etat et les acteurs privés développent sur le territoire. Par ailleurs, la démarche a également rencontré des besoins de géolocalisation de nouveaux grands programmes sociaux comme la Renta Dignidad (rente distribuée à toutes les personnes de plus de soixante ans) qui ont impliqué la mise sur pied de SIG opérationnels voués à déterminer la localisation optimale des points de paiement permettant d’atteindre les populations les plus dispersées. La mise sur pied de ce SIG 14 , rendue très laborieuse par la dispersion et l'inaccessibilité de l’information géographique, même pour les plus hautes instances de l’État, a suscité une prise de conscience rapide de la nécessité de rassembler un maximum d’information dans une infrastructure informatique disponible en permanence tant pour le pouvoir exécutif que pour le reste du pays. “Il s’agit de passer son temps non plus à rechercher telle ou telle information sur la localisation d’un projet spécifique, mais d’accumuler de manière structurée toute l’information disponible sans savoir à l’avance laquelle sera utile” (entretien avec Nicolas Laguna, responsable des données de la Vice-présidence de l’Etat Plurinational et co-auteur du projet GeoBolivia 07.02.2013). Cette tâche s’est concrétisée en 2012, à travers une prise de contact avec l’ensemble des institutions susceptibles de produire, ou d’avoir produit de l'information géographique au sein de l’État bolivien pour leur demander de la transmettre à la Vice-présidence. GeoBolivia se chargerait de créer les métadonnées et de les publier sur son portail (Flores, 2012). Le point commun entre la majorité des réponses reçues réside dans le fait qu’au sein même des différents ministères, l’information n’était pas mise à disposition des instances dirigeantes par le personnel technique, généralement des consultants dont le salut professionnel réside avant tout dans leur capacité à valoriser l’information générée et non à la partager. Cependant, heureusement pour GeoBolivia, tous les consultants n’ont pas adopté cette stratégie. Certains ont au contraire avaient fait le pari du partage de données, mais hors du contexte institutionnel bolivien. En effet, nombre de ces données refusées ou absentes, telles que celles de l’Institut National de Statistiques ou celles du SUNIT ont été très facilement « récupérées » par GeoBolivia sur une page web, mise sur pied par un chercheur en sciences de l’environnement, Humberto Perotto, sur le site l’Université du Texas, le CDNRB évoqué précédemment 15 . Ainsi, au sein même de l’État bolivien, la privatisation de l’information publique semble parfois résister aux injonctions politiques, même de haut niveau. Mais, c’est paradoxalement la même dynamique qui a permis la sauvegarde du caractère commun de cette information. En effet, sans l’initiative individuelle, privée et transnationale (mais accessible à tous via Internet), d’un A laquelle a participé activement l’auteur de cet article. Centre de Données sur les Ressources http://essm.tamu.edu/bolivia/ (28.05.2013) 14 15 Naturelles de Bolivie. Voir: 100 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 chercheur d’une université privée étasunienne, il est probable qu’il aurait été encore bien plus ardu de récolter l’information publiée aujourd’hui par GeoBolivia. Enfin, à l’échelle locale ou dans des domaines thématiques spécifiques, la mise sur pied de « nœuds » thématiques ou territoriaux répliquant et enrichissant la base de données partagée au sein d’institutions spécialisées ou d’entités territoriales de niveau inférieur constitue l’élément central de la stratégie développée par GeoBolivia. Il s’agit de favoriser la connexion mais surtout l’interconnexion des acteurs territoriaux déjà dotés d’IDG locales (tels que la municipalité de La Paz) et d’autre part d’intégrer des projets plus avancés, comme par exemple dans le domaine de l’environnement ou la gestion des risques16. 2.2. Un projet « contre-projet » : axes stratégiques de GeoBolivia Le projet GeoBolivia est né dans un contexte de crise de la gouvernementalité « par projet », mais il n’a pas échappé à cette logique et il est trop tôt pour savoir s’il n’en sera pas « victime » à son tour. Il a cependant été conçu (par une équipe à laquelle a activement participé l’auteur de cet article) en tant que stratégie visant à sa régulation. La Figure 2 synthétise les principaux partis-pris de GeoBolivia face aux « effets pervers » de l’organisation par projet tels que présentés dans le document de projet initial (Vicepresidencia del Estado Plurinacional de Bolivia, 2011)17. La première implémentation “hors murs” de GeOrchestra s’est réalisée dans le cadre d’un projet du Ministère de l’Environnement et la Communauté Andine des Nations (CAN) sous le nom de SIBAB (Sistema de Información sobre Biodiversidad de la Amazonia Boliviana soit Système d’information sur la biodiversité de l'Amazonie bolivienne). En mai 2013, le portail est fonctionnel mais encore en “phase de test” selon les responsables du projet. Par ailleurs, trois « nœuds » utilisant des technologies interopérables sont effectivement accessibles depuis le portail GeoBolivia : la municipalité de La Paz, le système national d’information pour la gestion des risques (SINAGER) et l’Université Majeure de San Andrés (Département de La Paz). 17 Pour une vision “en cours de route” de la mise en œuvre de cette stratégie, une présentation générale de l’avancée du projet en décembre 2012 est disponible en ligne http://geo.gob.bo/IMG/pdf/presentacion_geobolia_4version.pdf (21.02.2013) 16 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Effets pervers de l’organisation par projet In-soutenabilité financière et technologique des Systèmes d’Information Géographique 101 Stratégies de GeoBolivia Choix de logiciels « libres » n’impliquant pas d’autres coûts que ceux du travail que requiert leur mise en œuvre, un facteur relativement bon marché dans le contexte bolivien. Dissociation entre source de financement et origine géographique des technologies adoptées. Adoption de standards internationaux (ISO et Open Geospatial Consortium ) pour les formats de stockage et d’échange de données. Négociation par la Vice-présidence des coûts de connection à Internet (très élevés en Bolivie) auprès de l’entreprise nationale (publique) de télécommunications. Offre de services cartographiques gratuits visualisables sur les pages web d’institutions tièrces (API). Dispersion, discontinuité et hétérogénéité de l’Information Géographique Classification et récolte proactive d’information selon des critères institutionnels plus que thématiques. Le choix de développer l’IDS au sein de la Vice-présidence, hors et au-dessus de découpages thématiques entre ministères répond à cette nécessité. Mise sur pied de dispositifs visant à rendre effective la circulation des données au delà des cadres institutionnels (Géoservices). Mise sur pied d’un portail cartographique à l’échelle nationale permettant de visualiser les données sur un référentiel partagé, le fond de carte Open Street Map issu d’un projet collaboratif mondial. Incitation aux usagers de GeoBolivia à participer à l’amélioration de ce référentiel commun. Valorisation des producteurs d’information et mise sur pied d’un mécanisme permettant aux institutions productrices de publier sur leur propre page web l’information transmise (API). Capitalisation de l’information et des savoir-faire par un nombre restreint de consultants Développement « itératif » consistant à publier systématiquement tout au long des phases de développement du projet l’ensemble des données et des fonctionnalités développées, pour en permettre la critique par les utilisateurs et la réutilisation par des projets similaires. Obligation faite à l’ensemble de l’équipe de documenter et publier sur une plateforme web en libre accès, l’ensemble de la documentation concernant le montage technique (configurations, manuels, code source). Figure 2: Axes stratégiques adoptés par GeoBolivia face aux tendances du « projectorat géographique ». Synthèse sur la base du document de projet initial de Geobolivia en 2011 (http://geo.gob.bo/IMG/pdf/ide_-_vpep_l_.pdf, consulté le 10.01.2014) et notes de l’auteur. 102 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 3. L’OFFRE DE GEOBOLIVIA, OU QUE RESTE-T-IL DU PROJECTORAT? Si la dimension politico-technique de la mise en œuvre de l’IDG bolivienne a été largement traitée dans la partie précédente, reste à discuter en quoi un tel instrument permet-il de réguler les effets du projectorat dans le domaine de l’information géo-environnementale ? Je prétends qu’une IDG, au-delà de ses fonctions de redistribution de l’information est également un outil de mesure des disparités spatio-temporelles de l’offre informationnelle et par conséquent un instrument de gouvernement de l’information par l’information. Cela pouvant alors s’inscrire dans une logique d’”intelligence territoriale” fondamentale pour le développement territorial (Bozzano 2013). Il s’agit pour moi avant tout de montrer ici comment GeoBolivia permet de récupérer une vision d’ensemble sur l’héritage des nombreux projets générateurs de données géo-environnementales repérés en première partie de cet article et de visualiser temporellement et spatialement les effets de leur « sédimentation » discontinue sur le territoire. Je propose d’observer le contenu de l’IDG en analysant d’une part thématiquement les données mises en libre accès, puis, élargissant l’échantillon à l’ensemble des métadonnées publiées (malheureusement pour l’instant non classées selon la même typologie), de proposer une “géographie de l’information géographique” (Roche, 2000) qui serait révélatrice de la « géographie du projectorat ». La première partie de l’analyse permettra d’offrir un panorama synthétique de l’offre de données en ligne en mettant en évidence la part de données qualifiées d’ « environnementales » dans l’ensemble de la production de données entre 1992 et 2012. La seconde partie de l’analyse sera l’occasion de proposer une méthode développée par Sylvain Lesage (Lerch, Lesage 2013) permettant de saisir de manière synthétique les disparités spatiales en matière d’information géographique et de proposer une lecture identifiant des zones critiques (Sandoval et al., 2013) pour lesquelles le “projectorat” n’a que très peu produit ou sauvegardé d’information. A contrario, l’analyse nous permettra également de mettre en évidence les zones pour lesquelles l’investissement en matière de relevé d’information à des échelles opérationnelles18 semble avoir été le plus important. Ces résultats seront à mettre dans la perspective et à relativiser à la lumière d’une réflexion encore émergente autour des IDG (Elwood, 2008 ; Nedovic-Budic, Crompvoets and Georgiadou, 2011 ; Rajabifard, Feeney and Williamson, 2003). 3.1. Données publiées: tendance à une gouvernementalité moins verte Ce sont au total 27 institutions qui avaient remis 252 jeux de données à GeoBolivia en janvier 2013. Une classification opérée par mes soins sur la base des métadonnées des données publiées permet d’établir une lecture chronologique de la Par “échelles opérationnelles” j’entends aptes à servir au positionnement et l’orientation d’acteurs sur le terrain et à la formulation spatiale de projets d‘infrastructures nécessitant un niveau de précision cartographique inférieur à 1:100’0000. 18 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 103 part de données environnementales dans l’ensemble de la production de données bolivienne répertoriée par GeoBolivia (Figure 3). La proportion de données environnementales a fortement varié dans le temps, sans pour autant que cette distribution ne permette d’identifier une tendance générale. Cependant, l’analyse des périodes de majeure publication de données environnementales publiées fait clairement ressortir la période 1998 et 2002. Celle-ci correspond aux plus grands investissements internationaux dans le domaine de la création d’information géographique en Bolivie. On remarque également que si l’offre de données environnementales a progressivement repris à partir de 2009, en 2012 la part des « autres données », relatives aux infrastructures et à la planification, dépasse elle les volumes des années précédentes. Cette augmentation, initiée à partir du second mandat d’Evo Morales en 2010, offre une première confirmation de l’idée d’une tendance à une gouvernementalisation moins centrée sur la gestion environnementale, sur laquelle nous allons revenir. Figure 3: Part des données "environnementales" dans l'ensemble des jeux de données par années de publication (nombres absolus). Réalisation propre. Source : base de métadonnées GeoBolivia au 24.01.2013 téléchargeable http://geo.gob.bo/blog/IMG/csv/catalogo_geobolivia.csv. Réalisation propre sur la base de données préparées par Wilson Huanca et Marissa Castro - GeoBolivia, février 2013. Cependant ce type d’analyse est à mon sens insuffisant pour comprendre les enjeux relatifs à la complexité et l'hétérogénéité de l’information géographique bolivienne. Pour mieux saisir la dynamique générale de production d’information géographique et les effets de l’organisation “par projet” sur celle-ci, il faut également prendre en compte l’information qui n’a pas forcément pu être mise à disposition sur les serveurs de GeoBolivia mais dont le processus de collecte d’information a permis de répertorier l'existence et l’emprise spatiale. 3.2. Analyse temporelle des métadonnées : un projectorat cyclique et non cumulatif Pour cette seconde partie de l’analyse, j’ai retenu un échantillon plus large, soit l’ensemble des métadonnées (413 références en janvier 2013) disponibles sur le géo- 104 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 catalogue de GeoBolivia19. Collectées durant l’année 2012, ces métadonnées renvoient à une variété de sources d’information géographique et pas uniquement aux bases de données à référence spatiale, par exemple des cartes topographiques et atlas en format graphique (PDF, JPG …) disponibles depuis les serveurs d’autres institutions ou sur demande auprès des auteurs. Ce type de documents est souvent la seule trace restante de projets passés ayant produit d’abondantes informations. Nous allons examiner l'ensemble de cet échantillon d’un point de vue temporel, puis spatial. D’un point de vue temporel, le graphique (Figure 4) confirme l’hypothèse d’une grande discontinuité du rythme de publication d’information géographique (IG) depuis 1990, du moins ce qu’il en reste de disponible au sein des institutions publiques boliviennes. Figure 4: Nombre de documents et données géographiques publiés entre 1992 et 2012 répertoriés par GeoBolivia. Réalisation propre. Données : GeoBolivia 2012. Après un « pic » de publications en 1992-93 (probablement lié au recensement de population effectué en 1992), la production chute de manière drastique durant trois ans jusqu’en 1997, date qui correspond aux résultats de nombreux projets démarrés en parallèle durant cette période (ZONISIG, SNID, UDAPE, etc.). Puis la production d’IG se maintient avec un pic précédant le recensement de 2001 20 et, l’année du recensement passée, un niveau croissant de publication s’installe jusqu’en 2005. A partir de cette année la production d’IG chute drastiquement jusqu’en 2011. Comme indiqué précédemment, cette rupture correspond au premier mandat d’Evo Morales et la « mise sur la touche » des projets de SIG précédemment évoqués, associés par le nouveau pouvoir à des formes de technocratie néolibérale. C’est en quelque sorte l’entrée en crise d’un cycle du « projectorat » qui se reflète dans cette rupture. A l’image d’un cycle de « destruction créatrice » schumpetérien, cette chute de la production d’IG est suivie en 2011 d’une importante reprise de la production à partir de 2011 qu’il est possible, comme pour 1992 et 2001, d’associer à la réalisation de recensements. Mais il est également possible d’interpréter cette discontinuité comme http://geo.gob.bo/geonetwork/srv/es/main.home « C’est le dernier moment pour publier des cartes sur la base de données du précédent recensement qui après ne serviront plus à rien», telle est en gros l‘explication donnée par un géographe-consultant de haut niveau consulté à ce sujet sous couvert d’annonymat. 19 20 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 105 caractéristique du mode néolibéral de production d’information géo-environnementale qui ne permet pas l’établissement de continuités dans l’établissement de principes d’ « équivalence entre les êtres » dans le temps et dans l’espace. La question que pose par conséquent cette analyse est de savoir si, au-delà de 2014 (fin de l’actuel mandat présidentiel), la Bolivie entrera à nouveau dans un cycle de non-actualisation des bases de données récupérées et remises en circulation par GeoBolivia ou si au contraire ce dispositif marque l’émergence d’un processus cumulatif à moyen terme? 3.3. Analyse spatiale des métadonnées : géopolitique des disparités d’information géo-environnementale D’un point de vue spatial, la Figure 5 montre la répartition des données cumulées dans une grille recouvrant le pays. La classification des données par seuils naturels permet de saisir au mieux les différences de couverture au sein du territoire national. 106 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 5: Répartition spatiale de l'information géographique et répartition de la population. Réalisation propre sur la base de données traitées par Sylvain Lesage. Données: GeoBolivia 2012 et INE 2001. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 107 L’inégale répartition de l’information, la discontinuité spatiale et l'hétérogénéité des échelles, très souvent distinctes de celles de la division politicoadministrative s’y trouve confirmée. La géographie de l’information spatiale indique son inégale distribution et ses logiques de répartition. La région autour du siège du gouvernement et de l’ensemble des organismes internationaux, La Paz, est sans surprise, la plus cartographiée et « géorenseignée » du pays; suivent les départements de Santa Cruz et Tarija, les plus riches du pays en matière d’hydrocarbures mais aussi, dans le cas de Santa Cruz, de production agro-industrielle; et enfin une partie du bassin amazonien (Pando, Beni) dont la richesse en biodiversité semble avoir motivé de nombreux travaux. En creux, Cochabamba frappe tant sa couverture en information géographique est faible au regard de sa densité de population (cf.: carte miniature figure 5). Les départements d’Oruro et Potosi, situés en haute altitude (3500-4500 m.) et dans un régime climatique quasi désertique semblent également ne pas avoir attiré beaucoup de projets de relevés cartographiques. Mais face à cette première lecture, il faut nuancer le propos en revenant sur les “creux” que la carte met en évidence: ils n’expriment pas nécessairement une absence de projets dans le passé mais, dans certains cas simplement une perte (pour l’Etat bolivien) de l’information collectée. Par exemple dans le domaine environnemental, il manque beaucoup d’information issue du projet ZONISIG qui, rappelons-le, couvrait (partiellement) le sud de la Bolivie (Potosi, Chuquisaca, Tarija), le nord (Pando) et une partie du département de La Paz. Or, seules les données concernant La Paz ont été transmises par le Ministère de la Planification du Développement à GeoBolivia, alors même qu’il est officiellement propriétaire et dépositaire de l’ensemble de l’héritage du projet. Un constat similaire peut être dressé concernant les projets ALT (bassin du Titicaca) et OTRA BID-Amazonia dont ni les données ni les métadonnées n’ont été transmises à GeoBolivia. Autre exemple, dans le domaine de la cartographie de la population, le cas de l’extrême nord du Département de Potosi, une des régions les plus et les mieux cartographiées du pays dans le cadre de projets de coopération (Hirt and Lerch 2013) apparaît pourtant sur les figures 5 et 6 comme un quasi désert cartographique. Ces exemples sont, à mon sens, caractéristiques de la manière dont l’organisation « par projet » entraine une concentration spatiale d’information sur certaines zones, mais aussi une déperdition d’information une fois le projet terminé que seule une “métacartographie” telle que celle esquissée ici, permet d’identifier et éventuellement de compenser à l’avenir. Reste que mesurer l’accumulation de données géographiques sans les distinguer dans leur niveau d’échelles et leurs sources ne permet que partiellement de saisir les lacunes et concentrations d’information sur le territoire. La figure 6 représente uniquement les ensembles de données et documents répertoriés à des 108 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 échelles départementales (intermédiaire) ou infra-départementales (locale), ainsi que (en points, équivalents aux centroïdes des rectangles d’emprise) leurs origines institutionnelles. Figure 6 : Répartition spatiale et sources des données couvrant des échelles infranationales répertoriées par GeoBolivia (1992 – 2012). Réalisation propre sur la base de données traitées par Sylvain Lesage. Données : GeoBolivia 2012. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 109 A ces échelles, la discontinuité des couvertures géographiques disponibles est nettement plus frappante. Parmi les couvertures disponibles, la cartographie militaire apparait largement sur la carte avec une certaine continuité sur des zones géographiques telles que l’Amazonie bolivienne (essentiellement Pando) et les frontières brésiliennes et péruviennes, cependant il ne s’agit pas là de cartes boliviennes. Elles correspondent en effet à une collection de cartographie militaire étasunienne réalisée par la National Imagery and Mapping Agency (NIMA), dans le cadre du programme Latin America, Joint Operations Graphic, récemment partiellement mise à disposition via Internet par l’Université de Texas at Austin21. Mis à part ces couvertures de type topographique et aéronautique non géo-référencées, on trouve également au sud du pays, sur le département de Tarija une grande densité de couvertures plus ou moins superposées. Celles-ci correspondent à une « étude stratégique environnementale » commandée par le Ministère des Hydrocarbures et de l’Énergie. A des échelles intermédiaires on retrouve également les études PLUS SantaCruz et ZONISIG, précédemment mentionnées. Une analyse plus approfondie de la concentration de relevés de données financés et/ou réalisés par des gouvernements étrangers sur les zones majeures de biodiversité et souvent d’un grand intérêt minier et pétrolier pourrait à mon sens faire l’objet d’une recherche spécifique. Contrôle militaire sur les ressources naturelles et exploitation des hydrocarbures semblent, pour l’instant, les deux seuls domaines pour lesquels de l’information à des échelles opérationnelles sont disponibles. Il faut cependant à nouveau nuancer le propos. En effet, en 2012 plusieurs institutions situées hors de ces domaines ont remis des relevés d’infrastructures scolaires, de santé publique, bancaires, routiers, etc. à l’échelle nationale, mais dont le niveau de précision est comparable à une cartographie au 1:25'000, donc parfaitement adapté à un usage dans le domaine de la planification territoriale locale voire à des fins opérationnelles. Néanmoins, le constat ne varie pas sur le fond : l’État central ne dispose, de manière organisée, que de très peu de données précises, alors que celles-ci existent en grande quantité dans le cadre d’études d’impacts et de planification territoriale municipale (Condori, 2012) et de cartographie de territoires indigènes. Ce sont les mécanismes de classement et de partage d’information qui font défaut. CONCLUSION: UN INSTRUMENT DE POLICE OU DE POLIS? « Le peuple souverain, par le truchement de la société civile organisée participera à la conception des politiques publiques. La société civile organisée Ceci, dans le cadre d’une cartothèque numérique accessible par Internet à l’adresse http://www.lib.utexas.edu/maps/jog/latin_america/. L’examen d’une carte d’index démontre que la Bolivie a été quasiment entièrement couverte par ce programme de relevé cartographique alors que ses voisins ne l’ont été que très partiellement. 21 110 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 exercera le contrôle social de la gestion publique à tous les niveaux de l’État, entreprises et institutions publiques mixtes et privées qui administrent des fonds publics. (…) » stipule l’article 241 de la Constitution bolivienne (ma traduction). L’IDG GeoBolivia doit dans cet esprit remplir plusieurs fonctions : envers l’Etat, elle doit permettre la mise en réseau et la sauvegarde de nombreux systèmes d’information géographique (SIG) thématiques existants et passés ; envers la population, elle doit permettre l’émergence d’un véritable “contrôle social” de l’activité étatique. GeoBolivia, devrait ainsi offrir la possibilité d’observer à la fois ce qu’il reste en termes d’information géographique après trente ans de néolibéralisme dans les marges du Système-Monde (Wallerstein, 2011) et comment la centralisation, systématisation et distribution de cette information peuvent favoriser l’émergence d’une gouvernance par l’information (Lavoux, 2003) au sein d’un Etat, sous bien des égards, dépassé par l’ampleur de la tâche qu’implique la sortie d’un système néolibéral en crise. La croissante “géo-codification” (Pickles, 2004 ; Rose-Redwood 2006, World Bank Institute, 2013)22 de l’ensemble des bases de données publiques et privées apparait avant tout comme un puissant dispositif de “contrôle social” du “projectorat” et, qui sait, de par la flexibilité des périmètres d'agrégation que les Systèmes d’Information Géographique permettent, peut être le ferment pour l'émergence d’une nouvelle combinatoire entre développement “par projet” et régulation étatique. C’est du moins le pari sous-jacent et paradoxal de l’IDG bolivienne : réguler la gouvernementalité néolibérale avec des outils issus de cette dernière. C’est en définitive le caractère ambivalent de l’analyse proposée par Foucault – à la fois critique de l’Etat moderne et démonstration de la solidité historique et philosophique de ce même Etat – qui est reflété ici. Deux interprétations de la gouvernementalité sont en effet mobilisées : une première en tant que concept critique permettant de comprendre le « projectorat » dans ses fondements stratégiques et idéologiques, soit un chaos apparent destiné à rendre les marges ingouvernables, si ce n’est à distance ; une seconde, qui voit en cette notion une base pour qualifier les tentatives « post-néolibérales » démocratiques de mise sur pied de nouvelles formes de gouvernance de et par l’information. L’étude présentée a permis d’établir quelques enseignements qu’il semble utile de rappeler: 22 La géo-codification consiste en l’attribution de coordonnées géographiques ou de codes alphanumériques (adresses, codes postaux) à une information qui n’en avait pas. Dans le domaine du développement, la Banque Mondiale a initié depuis plusieurs années d’importants efforts de géo-codification de ses investissements (30’0000 projets dans 143 pays, notamment en Bolivie). Voir le portail (consulté le 01.03.2013). En Bolivie, cette initiative est en cours d’être étendue à l’ensemble des bailleurs de fonds internationaux dans le cadre d’un programme pilote http://www.openaidmap.org. Mais cette géo-codification se mène également au sein de l’Etat bolivien avec un nombre croissant de relevés d’infrastructures et de projets, comme par exemple ceux du programme “Evo cumple” financé par le Vénézuela jusqu’en 2010 puis la Bolivie, mené notamment par l’actuel coordinateur de GeoBolivia, Fernando Raul Molina. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 111 Premièrement, le fait qu’avant la mise sur pied de GeoBolivia, vingt ans de “projectorat” dans le domaine de l’information géographique n’ont pas permis la capitalisation des connaissances acquises et que ces connaissances ont été accumulées de manière dispersée, hétérogène et discontinue sur le territoire, souvent par des acteurs non gouvernementaux ou transnationaux (Andolina, Laurie and Radcliffe 2009). De ce processus, une gouvernementalité « par projet », dominée par des acteurs privés et distants, a émergé en Bolivie durant les années 1980-2000. Deuxièmement, que la mise sur pied du projet GeoBolivia se veut une contremesure à cette situation. L’examen des intentions du projet montre une stratégie fondée sur la mutualisation d’informations et de moyens, de faibles coûts d’opération et l’appui sur des réseaux de développement technologique faiblement centralisés. Plus que de combattre l’organisation “par projet” de l’action publique, GeoBolivia apparaît comme une tentative de régulation de ce mode d’organisation par la mise en réseau des producteurs et consommateurs d’information géo-environnementale. Une approche cohérente avec ce que Boltanski et Chiappello (1999) nomment “le nouvel esprit du capitalisme” dont la régulation serait fondée sur la tension entre circulation de l’information en réseau et regroupement ponctuel d’acteurs autour de projets. Troisièmement, l’analyse (meta)cartographique de la localisation des données accumulées par GeoBolivia a permis de confirmer cartographiquement le constat dressé au premier point, mais surtout, démontre l’intérêt d’une IDG en tant qu’outil d’analyse permettant par la suite de prendre des décisions en matière de futures politiques publiques de l’information. La “géographie de l’information géographique” évoquée par Stéphane Roche (2000) dans son ouvrage consacré aux enjeux sociaux des systèmes d’information géographique trouve ici un écho en tant qu’instrument de gouvernement de l’information géographique, de ce que l’on sait et ce que l’on devrait savoir sur le territoire. Reste la question de la nature de la gouvernementalité émergente à l’échelle de l’Etat bolivien Cette gouvernementalité par et pour l’information permet-elle à la “société civile organisée” d’exercer le “contrôle social de la gestion publique” comme le stipule la Constitution bolivienne? L’étude présentée, basée sur une expérience en plein développement, ne permet sans doute pas de répondre de manière définitive à cette question. Il manque en particulier pour cela des informations sur le point de vue et les pratiques des usagers de GeoBolivia, un travail qui reste à réaliser. Cependant, le passage d’une culture de la privatisation “par projet” à celle d’une mutualisation en réseau de l’information à laquelle participe l’IDG bolivienne, va indéniablement dans le sens d’un gouvernement de la population par les instruments, plus que par la contrainte ou la norme. Reste à savoir si ce gouvernement peut également être mené avec la population ou si les instruments de la géo-codification du monde ne relèvent pas 112 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 uniquement de la police et non de la polis, au sens grec du terme23. C’est en définitive la question de savoir si les IDG peuvent être des outils d’un projet “démocratique participatif” post-néolibéral (Dagnino, Olvera and Panfichi, 2008), d’une intelligence territoriale collective (Bozzano 2013) qui se pose. Enfin, l’échelle nationale, adoptée comme échelle fondamentale pour la représentation du territoire, confirme une rupture avec l’organisation “par projet” de l’action publique, dont les financements et lignes générales sont passées d’un gouvernement à distance entre acteurs globaux de la coopération internationale et acteurs locaux sans que l’information ne circule entre ces derniers, à une gouvernance très souvent encore à distance, mais régulée à une échelle intermédiaire (nationale) permettant une mise en réseau des projets et des acteurs. Le renforcement de la régulation nationale fait-t-il alors de la gouvernementalité bolivienne une gouvernementalité “post-néolibérale” ou simplement l’extension du modèle de pouvoir occidental libéral dominant ? Finalement le projet GeoBolivia, n’est-t-il pas lui-même un pur produit du “projectorat” ? En effet, il est difficile d’anticiper sur le succès des intentions de “soutenabilité” financière (et donc d’indépendance envers la coopération internationale) même si les promoteurs de l’initiative ont conscience du risque. Par ailleurs, reste ouvert un débat plus large sur les effets politiques de la mise en ligne d’information géoenvironnementale : l'enthousiasme de la Banque Mondiale pour ce type de démarches pourrait laisser penser qu’en fin de compte elles favorisent avant tout le renforcement des structures dominantes du « consensus de Washington » plus que le renforcement d’une régulation du capitalisme. Instrument de Police, « organisation concrète de la société » (Lascoumes 2004), au service des puissants, ou instrument de la Polis (Cité) entendue comme espace de justification des « économies de la grandeur », de montée en généralité des points du vue et projets des acteurs dans le cadre de controverses, tels que le conceptualisent Boltanski et Thévenot (1991) au sein d’une référentiel partagé : la carte? Ces questions restent ouvertes et doivent être intégrées à un nécessaire débat politique. Mais pour que ce débat puisse être mené sur des bases pertinentes, l’explicitation de faits et de parti-pris stratégiques au sein d’expériences concrètes, à laquelle je me suis livré ici, apparaît indispensable. Remerciements - Cet article est le reflet d’un travail collectif de plusieurs années mené au sein de l’équipe de la Vice-présidence de l’Etat Plurinational de Bolivie. Merci pour la confiance et l’absolue liberté de recherche qui m’a été donnée durant toutes ces années. Par ailleurs, ce texte a été largement amélioré tant sur le fond que sur la forme grâce aux commentaires de Pierre Gautreau, Mathieu Noucher, Gabriela Merlinsky, Frédéric Giraut et Alexandra van Lanschot. Merci également à la Fondation Boninchi et au Swiss Network for International Sciences (SNIS) qui “Par polis on désigne la cité-État en Grèce antique, c'est-à-dire une communauté de citoyens libres et autonomes”. Contributeurs à Wikipedia, 'Polis', Wikipédia, l'encyclopédie libre, 18 février 2013, <http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Polis&oldid=88972423> (01.03.2013). 23 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 113 soutenu mes activités durant la période de réalisation de cet article, notamment dans le cadre du projet de recherche “A multi-scale approach to land governance in complex cultural, environmental and institutional contexts. Development of a comparative GIS methodology linking land use, land cover and land tenure from the cases of Bolivia and Lao PDR”. 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Estimation de la part de financement externe % PLUS-SC 10,000,000 OTRA BIDAmazonia 5,000,000 ZONISIG 500,000 SNIA Nationale 100,000 1993 750,000 Génération d'IG environnementale et planification territoriale 2,000,000 Sistema Nacional de Información Ambiental Chuquisaca; La Paz; Pando; Potosí; Tarija Estimation du coût total (USD) 1993 USA / ? Génération d'IG et planification territoriale La Paz; Beni; Cochabamba Pays-Bas 1992 BID/ BM / autres agences Génération d'IG et planification territoriale Allemagne Programa para el Ordenamiento Territorial de la Región Amazónica Boliviana Apoyo a la Planificación del Desarrollo Sostenible Santa Cruz OEA / UE 1985 La Paz; Oruro USA Génération d'IG et planification territoriale Nationale Origine du finnacement Plan de Uso de Suelos de Santa Cruz Aire de couverture 1985 2000 Génération d'IG et planification territoriale 2001 ALT Proyecto Especial del Lago Titicaca 1998 1978 1993 Génération d'IG environnementale - ERTS Environment Resources Technological Satellite 1985 Année début Fin des activités Fonctions principales Nom court Nom complet 90 100 100 90 100 100 118 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Sistema Unico Nacional de Información de la Tierra Génération d'IG relative à l'usage et couverture du sol et distribution 2007 - Nationale Estimation de la part de financement externe % Chapare; Yungas del La Paz 1999 2010 BOLFOR 2008 SNIDS 2006? SNIOT Proyecto F57 SUNIT 350,000 - 4,700,000 2001 800,000 Génération d'IG relative à la culture de feuille de coca 450,000 Land use management and monitoring system Nationale ? 2001 200,000 Génération d'IG et planification territoriale ? Sistema Nacional de Ordenamiento Territorial Nationale Estimation du coût total (USD) 1997 Santa Cruz; Beni; Pando Dannemark Génération d'IG et distribution 1994 Nationale Pays-Bas Sistema Nacional de Información para el Desarrollo Sostenible Proyecto de Manejo Forestal Sostenible ? BID / USA / PNUD 1994 USA Génération d'IG sur le développement humain à l'échelles municipale et distribution Génération d'IG environnementale et planification de l'exploitation forestière discontinue USA SIG-UDAPE / UDAPSO SIG de la Unidad de Analisis de Politicas Sociales y Economicas Nationale USA 1994 Origine du finnacement Genération de cartographie militaire au 1:100'000 Dannemark / UE / France / Espagne / Royaume Uni / USA NIMA Bolivia National Imagery and Mapping Agency) Aire de couverture Année début Fin des activités Fonctions principales Nom court Nom complet 100 90 90 90 95 90 90 119 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Nationale Compilation d'IG relative à la prevention des risques et distribution 2012 - Nationale Distribution de cartographie de base au 1:250000 Nationale Estimation de la part de financement externe % - ? 2011 1,000,000 Génération de metadonnées et distribution d'IG 200,000 Infraestructura de Datos Espaciales del Estado Plurinacional de Bolivia GeoBolivia Sistema Integrado De Información Nacional Para La Reducción De Riesgos “Sinager” Infraestructura de Datos Espaciales del Instituto Geografico Militar ? Nationale Estimation du coût total (USD) - BM 2008 Suisse IDE-IGM Génération d'IG planification de la production agraire et manufacurée Espagne SINAGER Subsistema de Información Territorial de Apoyo a la Producción (SITAP) Origine du finnacement GeoBolivia Année début Aire de couverture SITAP Fonctions principales Fin des activités Nom court Nom complet 70 60 90 0 Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 120-147 INFRASTRUCTURES DE DONNEES GEOGRAPHIQUES ET FLUX D’INFORMATION ENVIRONNEMENTALE : DE L’OUTIL A L’OBJET DE RECHERCHE NOUCHER MATTHIEU Résumé – Les Infrastructures de Données Géographiques (IDG) qui se développent à tous les échelons territoriaux depuis les années 90, sont des plateformes qui rassemblent les données, les réseaux informatiques, les normes et standards, les accords organisationnels et les ressources humaines nécessaires pour faciliter et coordonner le partage, l’accès et la gestion des données géographiques sur un territoire et/ou une thématique donnée. Cet article vise à présenter l’intérêt scientifique d’une analyse approfondie des Infrastructures de Données Géographiques qui apparaissent aujourd’hui comme des leviers essentiels dans la diffusion de données institutionnelles. Après avoir présenté les concepts à la base de ce dispositif et leur inscription dans un contexte légal et technique en pleine évolution, une analyse des IDG comme dispositif socio-technique de mise en ordre (en carte) du monde permet d’identifier quelques enjeux associés à la question de la production et de la gestion des flux d’information sur l’environnement. Nous proposons ensuite trois pistes de réflexion pour mobiliser les IDG afin d’évaluer les patrimoines de données géographiques aujourd’hui disponibles et d’analyser les recompositions territoriales et informationnelles qu’ils traduisent. L’objectif est de démontrer la pertinence des infrastructures de données géographiques non plus comme un simple outil de recherche mais comme un véritable objet de recherche pour une meilleure compréhension de la circulation de l’information environnementale. Mots clés – SIG, IDG, donnée géographique, géomatique, environnement. Abstract – Spatial Data Infrastructure (SDI), that emerge at every scale since 1990, are plateform that gather datas, informatics network, norme and standard, organizational arrangement and human ressources in order to facilitate and coordinate spatial data sharing, management and access on a specific territory and/or thematic. The purpose of this article is to present the Spatial Data Infrastructure that appears today as an essential driver of institutional data diffusion. After presenting the concept and its inclusion in the actual legal and technologic context, an analysis of SDI as a sociotechnical system allows us to identify some issues related to the question of the production and management of knowledge on the environment. Then, we propose some markers to analyse spatial data patrimonies nowadays accessible and to analyse territorial and informational recomposition they translate. The aim is to make spatial data infrastructure not just a research tool but a real object of research for a better understanding of the flow of environmental information. Key-words – GIS, SDI, spatial data, geomatic, environment. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 121 INTRODUCTION La volonté de faciliter l’accès sur un même territoire à des données et des services géographiques issus de fournisseurs différents a conduit, depuis les années 1990, au développement croissant d’Infrastructures de Données Géographiques (IDG) nationales (Crompvoets et al., 2004) puis à leur déclinaison à tous les échelons territoriaux (Masser, 2010). Ces plateformes rassemblent aujourd’hui les données, les réseaux informatiques, les normes et standards, les accords organisationnels et les ressources humaines nécessaires pour faciliter et coordonner le partage, l’accès et la gestion des données géographiques (Rajabifard et al., 2003). Les IDG sont désormais au cœur de l’écosystème des données en libre accès dans la mesure où elles structurent depuis maintenant plusieurs années les données géographiques institutionnelles qui constituent une part essentielle des données publiques libérées (Noucher et Gautreau, 2013). Dès lors, ces infrastructures peuvent être considérées comme des dispositifs socio-techniques originaux à analyser pour mieux comprendre les modalités de construction, circulation, confrontation des savoirs (institutionnels) sur l’espace en général, et ses caractéristiques environnementales en particulier. L’originalité de la proposition est donc ici d’envisager les Infrastructures de Données Géographiques non comme un simple outil permettant d’accéder à des données mais comme un véritable objet de recherche dont les données peuvent révéler des éléments de compréhension en particulier dans la façon dont s’organise actuellement la circulation des savoirs environnementaux. L’objectif de cet article est donc d’interroger les enjeux de la mise en réseaux de l’information géographique à travers l’observation de ces infrastructures, afin de mieux comprendre les modalités selon lesquelles les représentations spatiales de l’environnement s’établissent, se diffusent et se confrontent. L’approche préconisée ici est que l’analyse des contenus et usages de l’information géographique opérée par une observation longitudinale (des processus de production collaborative de données à leur réception sociale) et comparative (des plateformes locales aux plateformes nationales) des IDG doit permettre de mieux comprendre ces enjeux. Pour initier cette analyse, cet article commence par définir la notion d’Infrastructures de Données Géographiques et son inscription dans un contexte légal et technique en pleine évolution (1). Par la suite, nous questionnons la place des IDG dans la construction / circulation des représentations de l’environnement afin d’identifier plusieurs enjeux de recherche (2). Nous proposons enfin des pistes de réflexion à partir d’une analyse d’une vingtaine de plateformes régionales de données géographiques françaises (3). 122 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 1. OBJECTIFS ET CONTEXTES DE MISE EN ŒUVRE DES IDG 1.1. Contexte légal : de la Loi CADA à la Directive INSPIRE Comme le souligne Boustany (2010)1, le premier pays à avoir accordé le libre accès aux documents publics à ses citoyens fut la Suède en 1766, suivie par les EtatsUnis en 1966, soit 200 ans plus tard. Jusqu’en 1990, seuls treize pays s’étaient dotés d’une telle loi. Entre 1990 et 2010, le nombre de pays engagés dans cette dynamique a sensiblement augmenté. En 2010, ils étaient environ 80 pays à avoir rejoint ce mouvement. En France, la loi du 17 juillet 1978 sur l’accès aux documents administratifs (n° 78-753, dite loi CADA : Commission d’Accès aux Documents Administratifs) constitue une première étape. Elle a, ensuite, été complétée par plusieurs ordonnances. Ainsi, la directive 2003/98/CE du Parlement européen du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation des informations du secteur public, entend harmoniser les pratiques des États membres en la matière. L’ordonnance (n°2005-650) du 6 juin 2005, relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, transpose cette directive en droit français. Le décret (n° 2005-1755) du 30 décembre 2005, pris en application de cette ordonnance, vient en préciser les modalités d’application et permet désormais une réutilisation à des fins commerciales ou non. Par ailleurs, dans le domaine spécifique de l’environnement, la convention d’Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée le 25 juin 1998 par 39 États est transposée par la Directive 2003/4/CE. C’est dans ce contexte d’ouverture progressif et d’accessibilité renforcée aux données, et en particulier aux données environnementales, qu’est apparue la directive 2007/2/CE du Parlement européen dite « Directive INSPIRE » qui vise expressément à appuyer la politique environnementale de l’Union européenne par l’établissement d’une infrastructure européenne de données géographiques. Une infrastructure de données géographiques (en anglais « Spatial Data Infrastructure », SDI) a pour but de permettre aux utilisateurs un accès direct à des informations et services géographiques de différents fournisseurs. Une IDG se compose d’un ensemble de technologies, de stratégies politiques, de normes et de ressources humaines pour traiter, stocker, distribuer et améliorer l'utilisation et la diffusion de l'information géographique. Elles sont considérées par de nombreux auteurs comme des infrastructures de base qui soutiennent le développement économique, la gestion environnementale durable, la gestion des risques et la modernisation de l’administration (Rajabifard et al., 2003) (Crompvoets et al., 2004). Rajabifard (2008) décrit les IDG comme l'infrastructure sous-jacente, souvent sous la forme de politiques, de normes et de réseaux d'accès, qui permet aux données d'être partagées entre et au sein des organisations, régions ou pays. Le succès de ces systèmes dépendrait alors autant de leur conception qui doit être apte à permettre l'accès L’auteure propose un panorama des droits d’accès aux documents publics à travers le monde sur son site : www.docinfos.fr 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 123 efficace, la récupération et la diffusion de l'information géographique que de la collaboration entre toutes les parties. Pour faciliter cette dernière une évolution du cadre légal est souvent nécessaire. Ainsi, en Europe, la Directive INSPIRE 2 vise effectivement à assurer une coordination entre les utilisateurs et les fournisseurs d'informations, de manière à pouvoir combiner et diffuser les informations provenant de différents secteurs. INSPIRE s'applique aux informations liées à un cadre géographique détenues sous format électronique par des autorités publiques ou en leur nom. Ces informations concernent des zones sur lesquelles un État Membre détient ou exerce une compétence et couvrent des thèmes tels que les frontières administratives, les observations de la qualité de l'air, des eaux, des sols, la biodiversité, l'occupation des sols, les réseaux de transport, l'hydrographie, l'altitude, la géologie, la répartition de la population ou des espèces, les habitats, les sites industriels ou encore les zones à risque naturel (les annexes I, II et III de la Directive fournissent la liste complète des 34 thèmes retenus). Il s’agit à la fois de données de référence ou de données plus spécifiques à la thématique environnementale. Ces informations doivent être assorties de métadonnées complètes qui concernent, entre autres, les conditions applicables à l'accès et à l'utilisation des informations géographiques visées, la qualité et la validité de ces informations, les conditions d'accès ainsi que les autorités publiques en charge de ces informations. Des services normalisés de visualisation, de traitement et de téléchargement devront également, à terme (2020), être disponibles. Ainsi, là où les textes précédents stipulent des obligations et des modalités administratives d’accessibilité des données publiques, la Directive INSPIRE oblige à la création de dispositifs ayant une dimension technique importante et nécessitant notamment la définition de nouvelles normes. Des services en réseau sont mis à la disposition des utilisateurs par les États Membres pour faciliter l’accessibilité des données géographiques. Le premier grand projet d’infrastructure européenne de données géographiques s’est donc bâti autour du thème de l’environnement, qui continue aujourd’hui d’être l’axe prioritaire de son développement. Ainsi, la conférence annuelle INSPIRE 2013 qui s’est déroulée à Florence du 23 au 27 juin 2013 avait pour thème principal : « la Renaissance verte » et visait notamment à évaluer l’impact de la Directive sur l’environnement. Alors que la problématique de l’accessibilité aux données apparaît comme transversale, les enjeux environnementaux semblent particulièrement propices à l’instauration de cadres règlementaires contraignants qui favorisent l’accroissement des capacités de régulation des flux informationnels. 1.2. Contexte technique : des SIG en silos aux services en réseaux Du point de vue de l’internaute, les infrastructures de données géographiques 2 Infrastructure for Spatial Information in the European Community 124 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 sont souvent assimilées à un site Web permettant d’accéder à quatre fonctionnalités principales (figure 1) : connaître les données disponibles à partir d’un moteur de recherche qui donne accès à des fiches de métadonnées (géocatalogue), visualiser ces données à partir d’une interface de consultation en ligne (géoportail), accéder aux données (par téléchargement ou par des services Web) et consulter des ressources en ligne en lien avec les activités des communautés d’utilisateurs (site éditorial). Figure 1. Les 4 fonctionnalités « visibles » d’une infrastructure de données géographiques : le géocatalogue, le géoportail, le site éditorial et les services d’accès aux données. Illustrations issues de la Plateforme d’Information Géographique Mutualisée d’Aquitaine : http://www.pigma.org L’IDG propose une porte d’entrée vers des données souvent dispersées car issues de fournisseurs différents. En fédérant des données éparses, les IDG rompent ainsi avec les logiques dites « en silos » qui s’étaient développées jusque là avec la multiplication des systèmes d’information géographique sectoriels (un SIG par territoire et par thématique). Elles favorisent ainsi la mise en réseau notamment par la mise en œuvre de services Web normés qui améliorent l’interopérabilité des systèmes et, ce faisant, facilitent le croisement des données géographiques. Cet objectif nécessite la mise en place d'une infrastructure informatique complexe qui s'appuie d'un côté sur un réseau distribué de bases de données et d'un autre côté sur des applications permettant d'interroger et de travailler les données de ce réseau. Techniquement, ce sont à la fois les efforts de normalisation des systèmes d’information, la chute des NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 125 coûts de communication et l’amélioration des performances des infrastructures de communication qui ont permis le développement de nouveaux outils informatisés s’attachant à faciliter le traitement collectif de l’information : groupware, collecticiel, synergiciel, Intranet, Extranet... Le traitement de l’information n’est plus considéré dans sa relation avec un individu unique mais dans le cadre de réseaux interorganisationnels (Noucher, 2009). Les architectures orientées services (ou Service Oriented Architecture, SOA) qui sont ainsi déployées permettent des couplages externes « lâches » entre applications d’organisations différentes grâce à l'utilisation de couches d'interfaces interopérables. Elles visent à décomposer une fonctionnalité en un ensemble de fonctions basiques, appelées « services ». Il s’agit le plus souvent de services web de type WMS3 pour les données raster (cartes scannées, orthophotoplans, etc.), de type WFS4 pour les données vectorielles (bases de données topographiques, zonages environnementaux, etc.), de type CSW 5 pour les métadonnées (description des données) voire de type TJS 6 pour les données statistiques (recensement par exemple). L’idée sous-jacente est alors de cesser de construire les systèmes d’information autour de logiciels fonctionnant en silos pour proposer des modules réutilisables dans divers contextes et fonctionnant ainsi en réseaux. Les experts en Système d’Information parle d’orchestration pour évoquer la combinaison de services web distribués. La directive INSPIRE s’appuie sur ces nouvelles possibilités pour promouvoir l’accès aux données géographiques grâce à la publication, en cours, de nombreux textes techniques : prescriptions (obligatoires), recommandations et définition de modèles qui reprennent les standards mondiaux d’Internet et de l’information géographique. S’appuyant sur les travaux des organismes internationaux de normalisation, en particulier de l’Open Géospatial Consortium, INSPIRE (ré-) organise les flux d’information géographique en Europe (figure 2) en définissant les spécifications fonctionnelles d’interopérabilités autour de cinq services (tableau 1). Cette mise en réseaux de l’information géographique par le déploiement des IDG se double d’une interconnexion des IDG entre elles, ce qui permet ainsi de renforcer l’accessibilité aux flux de données. En France, l'Infrastructure Nationale de Données Géographiques (INDG) représentée par le géoportail/géocatalogue7 est complétée par des infrastructures régionales qui constituent des maillons essentiels dans la production et la diffusion d’informations publiques. Leur mise en réseau, du fait de l’interopérabilité et de la normalisation des données, facilite la circulation de contenus grâce, par exemple, au « moissonnage » de catalogues émanant de producteurs indépendants. Le moissonnage est un mécanisme permettant de collecter des métadonnées sur un catalogue distant et de les stocker sur le nœud local pour un accès Web Map Service : http://www.opengeospatial.org/standards/wms Web Feature Service : http://www.opengeospatial.org/standards/wfs 5 Catalogue Service for the Web : http://www.opengeospatial.org/standards/cat 6 Table Joining Service : http://www.opengeospatial.org/standards/tjs 7 http://www.geoportail.gouv.fr/ et http://www.geocatalogue.fr/ 3 4 126 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 plus rapide. Le moissonnage n’est pas un import simple : les métadonnées locales et celles du catalogue distant sont synchronisées. Ainsi, un catalogue est capable de découvrir quelles sont les métadonnées ayant été ajoutées, supprimées ou mises à jour dans le nœud distant. Tout en conservant leur autonomie (thématique ou territoriale) l’interopérabilité des dispositifs mis en œuvre permet de multiplier les « portes d’entrée » vers des sources de données toujours plus variées. Figure 2. Synoptique des flux d’information mis en œuvre dans le cadre de la directive INSPIRE Spécifications (Réf. directive) Objectif du service Service de recherche (INSPIRE Search Service) chapitre IV Article 11/1/a Service de consultation (INSPIRE View Service) IV Article 11/1/b Service de téléchargement (INSPIRE Download Service) Chapitre IV Article 11/1/c Service de transformation (INSPIRE Transformation Service) Chapitre IV Article 11/1/d Service d’appels (INSPIRE Networks Service) Chapitre IV Article 11/1/d Identifier des séries et des services de données géographiques sur la base du contenu des métadonnées correspondantes et d’afficher le contenu des métadonnées. Afficher des données, naviguer, changer d'échelle, opter pour une vue panoramique, ou superposer plusieurs séries de données consultables et afficher les légendes, afficher des couches distantes par les services d’appels. Télécharger des copies de séries de données géographiques ou de parties de ces séries, et, lorsque cela est possible, y accéder directement. Transformer des séries de données géographiques en vue de réaliser l'interopérabilité (par exemple, pour réaliser un changement de système de coordonnées) – WCTS. Fournir une interface de communication et d'échange de données entre applications et systèmes hétérogènes - WMS, WFS et CSW. Tableau 1. Les cinq services préconisés dans les Spécifications Fonctionnelles d’Interopérabilités de la directive européenne INSPIRE. Source : directive 2007/2/CE – Chapitre 4 – Article 11/1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 127 Les Infrastructures de Données Géographiques apparaissent dès lors comme des innovations techniques mais aussi (et surtout) organisationnelles, construites avec la participation d’une grande variété d’acteurs et basées sur une démarche où l’organisation des acteurs est aussi importante que les caractéristiques techniques du système. Pourtant les conséquences de ces innovations techniques et sociétales sur les usages de l’information géographique et à terme sur les pratiques de gestion de l’environnement sont aujourd’hui toujours largement méconnues. 1.3. Les IDG comme nouvel objet de recherche en Géographie Aujourd’hui, peu de travaux de recherche s’intéressent au contenu des IDG comme révélateur de dynamiques socio-spatiales des territoires. Les analyses techniques, sur l’interopérabilité des systèmes (Mohammadi et al., 2008) ou la normalisation des données sont souvent privilégiées (Ibannain, 2009). Les questions organisationnelles sont parfois abordées (van Loenen et Rij, 2008), notamment pour évaluer la reproductibilité des systèmes de gouvernance d’un pays à l’autre (Georgiadou et al., 2006). Des typologies sur le profil des utilisateurs de ces plateformes commencent à apparaître (Georis-Creuseveau, 2013) mais l’évaluation des IDG restent le plus souvent traitée sous l’angle économique par des études de retour sur investissement ou d’analyse coûts-bénéfices qui en limitent leur portée (Noucher et Archias, 2007; Genovese et al., 2010). Elles mériteraient ainsi des compléments sur le versant socio-cognitif de ces dynamiques (Noucher et Golay, 2010). A ce jour, les IDG sont évaluées sur des critères essentiellement quantitatifs (nombre de métadonnées, nombre de services Web de consultation, de téléchargements, nombre de sources de données, etc.) pour les rendre comparables. Ainsi, EUROGI8 a mis en place en 2011 un cadre d’auto-évaluation à destination des gestionnaires des IDG. L’objectif est de décrire tous les ans à partir de 61 indicateurs communs l’ensemble des IDG (en particulier celles des échelons infra-nationaux départements, régions) pour les comparer à l’échelle de l’Union européenne et remettre les eSDI-Netplus Awards qui récompensent les meilleures pratiques en la matière. La plupart des 61 indicateurs propose des listes fermées de réponses qui permettent d’évaluer le niveau de développement de l’IDG à partir de critères liés au volume de données disponibles ou à la conformité aux normes en vigueur. De même, en France, depuis 2010, le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie utilise le Géocatalogue national pour réaliser le rapportage9 exigé par la Commission européenne (Décision n°2009/442/CE). Pour ce faire, il est appuyé par le BRGM10 et l’IGN11 qui produisent un suivi annuel et un European Umbrella Organisation for Geographic Information est une instance européenne de coordination dans le domaine de l’Information Géographique : http://www.eurogi.org/ 9 Rapport d’évaluation normé selon un modèle proposé par la Commission. 10 Bureau de Recherches Géologiques et Minières en charge du géocatalogue national : http://www.geocatalogue.fr/ 8 128 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 rapport triennal. Le dernier rapport triennal, validé par le CNIG12, a été diffusé en mai 2013. Il dresse le bilan de la période 2010-2012 et a été établi à partir d’une enquête, de retours d’utilisateurs et d’une série d’indicateurs. Ces derniers sont produits via l’analyse des séries de données et services géographiques qui s’inscrivent dans le périmètre de la directive et étaient disponibles au 31 décembre 2012 dans le géocatalogue national. Ils concernent essentiellement les suivis des métadonnées, des données, des services en réseaux et des actions de coordination. L’analyse de l’évolution des volumes (données, métadonnées, services) et de leur niveau de conformité permettent de comparer entre elles les plateformes nationales et d’opérer leur suivi dans le temps. Le rapport de la France souligne ainsi le quadruplement des données téléchargeables entre 2010 et 2012 et la forte progression de la conformité des métadonnées aux normes en vigueur. Mais aucune analyse sur le contenu du patrimoine de données n’est ici opérée : quelles sont les données disponibles ? Quelles sont les thématiques prioritaires ? Où sont les territoires les plus / les moins couverts ? Quelles sont les échelles des données diffusées ? Quelle est la répartition par type d’organisation ? Quelle est l’emprise temporelle des données proposées ? La décision de la Commission (2009/442/CE) du 5 juin 2009 inscrit le rapportage avant tout dans une logique de benchmarking13 visant à créer un référentiel cognitif commun destiné à rendre les données comparables d’un pays à l’autre, sans porter de réflexion de fond sur les types de contenus à créer ni sur leur pertinence. En ce sens, l’évaluation des IDG relève aujourd’hui davantage d’une « logique de contrôle et de stimulation des Etats en situant leurs performances sur des échelles normatives » (Alphandéry et al., 2012) que d’une volonté de mieux comprendre les connaissances territoriales qu’elles sont susceptibles de diffuser ou des flux informationnels qu’elles sont potentiellement en train de réagencer. Fortes de ce constat, les sciences humaines et sociales pourraient être mobilisées pour participer à une analyse critique et distanciée des recompositions organisationnelles, territoriales et informationnelles que ces dispositifs peuvent révéler. Aujourd’hui, les IDG font parties de ces objets socio-techniques qui deviennent centraux dans les pratiques quotidiennes des organisations publiques sans pour autant être analysés comme tels. Pour les géographes, elles sont plus souvent assimilées à un outil qu’à un objet de recherche. Pourtant, ces dispositifs sont encore difficilement appréhendables par d’autres disciplines du fait de la spécificité de l’analyse de ces systèmes où la composante principale de l’information est sa localisation. Nous Institut national de l’information Géographique et forestière en charge du géoportail national : http://www.geoportail.gouv.fr/ 12 Conseil National de l’Information Géographique, instance qui a notamment en charge la tâche de coordination prévue par les articles 18 et 19-2 de la directive INSPIRE : http://www.cnig.gouv.fr/ 13 Le benchmarking est une technique issue du marketing pour comparer les performances des entreprises. Un benchmark est un indicateur chiffré de performance dans un domaine donné tiré de l'observation des résultats de l'entreprise qui a réussi le mieux dans ce domaine. Cet indicateur peut servir à définir les objectifs de l'entreprise qui cherche à rivaliser avec elle. 11 129 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 défendons donc l’importance d’une analyse géographique des infrastructures de données géographiques. Opérer la « bascule » de l’outil à l’objet de recherche permettrait, notamment par le prisme de la géographie, d’identifier de nouveaux enjeux sur les politiques informationnelles des institutions en charge de la gestion de l’environnement. 2. LES IDG : INTERROGER UN DISPOSITIF SOCIO-TECHNIQUE A 2.1. Un dispositif socio-technique de mise en ordre (en cartes) du monde Après avoir montré les éléments techniques mais aussi juridiques et organisationnels qui composent une infrastructure de données géographiques nous choisissons, dans cet article, de les qualifier de dispositifs socio-techniques. Ce terme a émergé des travaux des sociologues de l’innovation et de la traduction pour décrire la dimension sociale d’un objet technique, considérant que « les objets techniques définissent dans leur configuration une certaine partition du monde physique et social, attribuent des rôles à certains types d’acteurs – humains et non-humains – en excluent d’autres, autorisent certains modes de relation entre ces différents acteurs de telle sorte qu’ils participent pleinement de la construction d’une culture (…) en même temps qu’ils deviennent des médiateurs obligés dans toutes les relations que nous entretenons avec le réel. » (Akrich, 1993). Ainsi un objet technique, comme une IDG, induit dès sa phase de conception un certain agencement social et définit un ordre politique « au sens où il constitue des éléments actifs des organisations des relations des hommes entre eux et avec leur environnement » (Akrich, 1993). Des critères d’analyse, autres que les indicateurs techniques ou économiques pré-cités, sont donc à mettre en place pour observer les agencements sociaux et politiques produits par les infrastructures de données. Considérer les infrastructures de données géographiques comme des dispositifs socio-techniques nous invite à regarder comment ces objets techniques, qui plus est numériques, façonnent les processus de mise en ordre (i.e. mise en cartes) du monde et quel modèle(s) politique(s) ils sous-tendent. Un instrument d'action publique comme les IDG constitue « un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur » (Lascoumes et Le Galès, 2005 : 13). A l’instar de Mormont et Hubert (2008), nous préférons parler ici de dispositifs, c’est-à-dire d’agencements, plutôt que d’instruments des politiques publiques. La notion d’instruments évoque en effet une ligne d’interprétation en termes de moyens et elle encourage une analyse et une évaluation en termes de tensions entre les objectifs et les résultats (attendus ou inattendus). La notion d’instrument renvoie donc plutôt à une démarche d’évaluation, alors que notre objectif d’analyse est davantage de mettre en exergue les dynamiques que les politiques environnementales induisent, les reconfigurations qu’elles entraînent. Ces dynamiques 130 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 ne sont pas seulement de l’ordre du résultat en regard des objectifs, mais de l’ordre du changement des rapports entre les composantes du système complexe à l’étude. Par reconfiguration, on entend plus qu’un simple ajustement d’une pratique à une contrainte. On entend plutôt l’émergence d’un nouvel objet. La notion de reconfiguration connote ainsi une certaine rupture, le passage d’un système à un autre. Ainsi, le concept de dispositif socio-technique (Mormont, 1996) comporte un triple avantage pour aborder les infrastructures de données géographiques. D’une part, il met à distance une lecture des IDG en terme de buts et moyens – lecture qui distingue, parfois artificiellement, les producteurs des utilisateurs – et il met l’accent sur la dynamique des rapports qui s’instaurent entre toutes les parties prenantes du système. D’autre part, la notion de dispositif socio-technique met en évidence l’hétérogénéité des composantes dont on a vu dans le chapitre précédent qu’elles étaient aussi bien techniques que juridiques et organisationnelles. Enfin, ce concept oriente la lecture vers l’action en train de se faire plus que vers une lecture en terme de causes et d’effets. Ce faisant, il est possible d’envisager les IDG comme des dispositifs socio-techniques ayant une valeur heuristique, parce qu’ils ne sont pas axiologiquement neutres ; Ils véhiculent des valeurs et une vision de la régulation politique : « Les choix d'instruments sont significatifs des choix de politiques publiques et des caractéristiques de ces dernières. On peut alors les envisager comme des traceurs, des analyseurs des changements. Le type d'instrument retenu, les propriétés de celui-ci et les justifications de ces choix nous semblent souvent plus révélateurs que les exposés des motifs et les rationalisations discursives ultérieures » (Lascoumes et Le Galès, 2005 : 28). Depuis la fin des années 70, la cartographie critique, s’appuyant notamment sur les travaux de Brian Harley (1989) a largement contribué à interroger les processus de « mise en cartes » comme des processus de « mise en ordre » du monde et, ce faisant, à repenser les cartes comme des formes de savoir socialement construit, subjectif et idéologique (Lascoumes, 2007). Dans les années 90, cette même cartographie critique a été remobilisée pour interroger et combattre l’idéologie positiviste et à vocation hégémonique d’une première Science de l’Information Géographique (Pickles, 1995). La place centrale que prend le Web dans la production et la diffusion de l’information géographique génère aujourd’hui de nouvelles pratiques associées aux nouveaux contextes techniques, juridiques et organisationnels que nous avons précédemment décrits (chapitre 1). Analyser les IDG comme des dispositifs socio-techniques de « mise en cartes institutionnelles » pourrait alors conduire la géographie à envisager en retour les nouvelles formes de la critique en cartographie (Joliveau et al., 2013). 2.2. Les IDG favorisent-elles la construction de représentations communes de l’environnement ? La diffusion croissante d’outils, de données, de méthodes et la mise en réseau des SIG rendent l’analyse de ces dispositifs incontournables pour comprendre la constitution des politiques publiques en matière d’environnement, en particulier la NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 131 genèse de certaines normes en matière de représentations et d’évaluations territoriales. Ainsi, le SIG devient un point de passage obligé (d’Alessandro-Scarpari et al., 2008) qui tend aujourd’hui à se renforcer, sous l’effet conjugué des évolutions législatives et de l’accroissement des capacités techniques (Amelot, 2012). Les « données de l’environnement » réunies au sein de bases numériques sont devenues des instruments jugés comme indispensables à l’optimisation des politiques de protection de la nature. Elles contribuent significativement à l’efficacité des actions mises en œuvre comme c’est le cas par exemple sur les zones côtières (Gourmelon et al., 2006) ou au contraire participent des difficultés d’application des politiques publiques environnementales comme dans le cas du recours inadapté au zonage ZNIEFF dans la délimitation des sites Natura 2000 français (Couderchet et Amelot, 2010). Cette diffusion exponentielle de la production des données géographiques s’est accompagnée d’une expansion et d’une diversification des usages et des usagers qui a conduit, depuis les années 80-90 et le développement de la micro-informatique et des SIG dits « bureautiques », à une dispersion des patrimoines de données géographiques. Aujourd’hui, les infrastructures de données géographiques sont conçues comme une réponse à cette dispersion de l’information. Par un réagencement des flux d’informations qui ne visent pas à centraliser les données mais à structurer leur mise en réseaux, les IDG apparaissent comme des dispositifs socio-techniques uniques qui, à l’échelle de territoires locaux, régionaux, nationaux voire internationaux, permettent de construire des représentations communes de l’environnement. Ainsi, en Europe, on pourrait poser l’hypothèse que la directive INSPIRE conduit à la construction d’une représentation commune de l’environnement, a minima dans la sphère de l’administration. En cela, elle s’inscrit dans les stratégies d’européanisation des politiques publiques des États membres. Ces dernières accordent aux processus de transfert de connaissances une place centrale (Saurugger et Surel, 2006). Pour ce faire, elles font des dispositifs techniques des pivots essentiels (Sibille, 2009). L’originalité des IDG est ici d’opérer un renouvèlement dans les méthodes de transfert des connaissances environnementales. En effet, les administrations centrales ne sont plus des organisations qui accumulent les données publiques mais les nœuds de réseaux de bases de données. Ceci révèle un double mouvement. Les administrations locales sont confortées dans leur rôle de création des données, conformément au principe de subsidiarité : ce sont les acteurs les plus proches des phénomènes sociaux ou naturels qui sont les plus légitimes pour produire les données. Les données doivent être produites, stockées et entretenues au niveau local. Mais le principe de subsidiarité dans la création et la gestion des données publiques ne se fait pas au détriment des administrations centrales dans la mesure où celles-ci ont à présent les moyens techniques pour que le maintien des données au niveau local n'empêche pas leur agrégation nationale ou transnationale. Au contraire, les IDG permettent aux autorités centrales de consulter les données quand elles le souhaitent et avec des moyens de traitement plus importants qu'auparavant. La non centralisation de ces patrimoines de données sur l'environnement européen permet à l'UE de soumettre les États membres à une forme de « reporting » 132 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 continu. Ce dernier, par le processus de sélection des données qu’il opère, offre aux autorités européennes la possibilité d’organiser un travail de redéfinition implicite de ce qu'est « l'environnement européen ». Ainsi, la définition européenne de l'environnement diffère sensiblement de celle donnée par différents États membres, ce qui conduit INSPIRE à mettre en réseaux des juridictions nationales (voire infranationales) qui ne sont parfois pas directement en charge des questions environnementales. La reconfiguration des flux d’information tend ainsi progressivement à ré-agencer à la fois les données, les méthodes, les normes et les acteurs de l’environnement. Ces nouveaux dispositifs socio-techniques réduisent aussi progressivement les réticences des différentes institutions à partager leurs données dans le cadre de projets de mutualisation. Dans le domaine naturaliste par exemple, la mise en réseau de l’information est un élément essentiel pour convaincre des institutions historiquement jalouses de leurs données de connecter leurs bases à des plateformes communes : les données restent déposées sur le serveur de l’institution, qui reste responsable de leur gestion et de leur mise à jour, tout en étant consultables et « moissonnables » par moteur de recherche interposé (Noucher et Gautreau, 2013). Ainsi, le consortium gérant le GBif, système mondial d’information sur la biodiversité référençant près de 400 millions de données de présence d’espèces animales et végétales, rassure d’emblée les potentiels collaborateurs sur son site : « le GBIF offre un moteur de recherche portant sur des bases de données connectées au GBIF de manière standardisée. Les possesseurs de données peuvent connecter tout ou partie de leurs ressources au GBIF, afin de les rendre visibles et interopérables, mais restent maîtres de leurs données, qu’ils continuent à héberger et à utiliser dans le cadre de leur travail »14. Ce faisant, les IDG participent à la construction d'une représentation commune de l'environnement de la part des administrations et/ou des ONG. Cette construction ne suit pas un schéma classique de centralisation des informations locales mais organise plutôt une agrégation horizontale de ces données grâce à leur identifiant spatial. A titre d’exemple, INSPIRE devrait permettre, à terme, une représentation européenne de l'environnement à travers la mise en réseau de bases de données distribuées, chacune des bases de données restant dans les États membres. Cette mise en réseau impose une « mise en compatibilité », ou harmonisation, des bases de données, afin qu'elles soient interopérables et puissent répondre à une même forme de requête informatique. La construction d’une représentation commune de l’environnement passe donc aujourd’hui par de vastes chantiers de standardisation des données numériques qu’il convient d’interroger. 2.3. Les IDG ou le renforcement des chantiers de standardisation ? La production d’indicateurs à l’échelle de l’Union européenne engendre nécessairement un vaste chantier d’harmonisation des données géographiques. Les 14 http://www.gbif.fr NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 133 Infrastructures de Données Géographiques participent ainsi à l’important travail de rationalisation de la production d’information multiple en tentant de mettre en cohérence et d’emboîter les multiples canaux de diffusion de données (géographiques). En France, pour marquer sa volonté de remédier au caractère disparate et difficilement mobilisable des données sur la nature, le Ministère de l’Ecologie met en œuvre depuis 2007 le Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) et depuis 2009 l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB). SINP et ONB sont conçus comme complémentaires et en pleine adéquation avec la directive INSPIRE précédemment évoquée. Cette dernière, en visant à assurer une coordination entre les utilisateurs et les fournisseurs d'informations de manière à pouvoir combiner et diffuser les informations provenant de différents secteurs, a également ouvert un vaste chantier de standardisation dont les IDG nationales et régionales constituent un maillon essentiel. Ainsi, la directive européenne concerne les données géographiques existantes ou qui seraient collectées à l’avenir, mais elle « n’impose pas la collecte de nouvelles données géographiques » (article 4-4). Elle n’impose pas non plus de ne publier que des données « parfaites » : elle demande seulement que le niveau de qualité des données soit indiqué de façon « sincère » et précise dans les métadonnées. Le périmètre des données géographiques concernées par la directive est alors défini par 34 thèmes, précisés dans ses 3 annexes (voir annexe du présent article). Cependant, afin d'assurer l'interopérabilité de ces informations, des règles de mise en œuvre sont en cours d’élaboration. Les nouvelles informations géographiques devront alors être conformes à ces règles de mise en œuvre dans un délai de deux ans à compter de leur adoption, tandis que les informations existantes disposent d'un délai de sept ans. Les règles de mise en œuvre comprennent, par exemple, les modalités de géoréférencement de ces données afin de faciliter les analyses transfrontalières, mais aussi, la définition et la classification des objets géographiques liés aux informations couvertes par la directive. Ainsi les spécifications en cours sur les « modèles de données » auront potentiellement un impact fort sur les modalités de structuration des futures bases de données. Il ne s’agit pas uniquement de généraliser les données existantes pour les rendre comparable mais bien d’orienter, dès la phase de conception, les modélisations. Quid alors des spécificités géographiques locales lors de la conception d’une base d’occupation des sols, par exemple ? La normalisation des formats, apparemment neutre, implique en fait une modification (souvent non explicitée) des modes de collecte des données (Alphandéry et al., 2012) et, par extension, une marginalisation des modes locaux de connaissance du vivant. Sous couvert d’une volonté de faciliter l’interopérabilité des données et systèmes, l’instauration de ces vastes chantiers de standardisation des modes de production et de diffusion des données publiques ne conduit-elle pas à une perte de la richesse sémantique et in fine, à une normalisation de la pensée sur le territoire ? Cette question reste aujourd’hui ouverte. 134 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 3. IDG ET ENVIRONNEMENT : PERSPECTIVES RECHERCHE ET PREMIERES ANALYSES DE Dans ce dernier chapitre, nous soumettons quelques perspectives de recherche et testons quelques propositions méthodologiques pour tenter d’approcher les enjeux précédemment mis en exergue. 3.1. Analyser le contenu des IDG pour « donner à voir » l’état du patrimoine de données environnementales L’exploration du contenu des IDG par l’analyse de leur géocatalogue permet de dresser un état des lieux du patrimoine de données géographiques. Ce dernier fournit alors une vision inédite de la couverture en bases de données géographiques qu’il convient d’interroger. Nous proposons ici une approche par l’analyse des données disponibles à l’échelon régional. Les IDG existent à différents niveaux de l’international, au local en passant par le national ou le régional (Masser, 2010). Ainsi, en France, le foisonnement des infrastructures de données géographiques au niveau régional est le témoin de la volonté de cet échelon de jouer un rôle majeur entre le niveau national et le niveau local dans la mise en œuvre de la directive INSPIRE. En liaison avec les principales institutions françaises, ces IDG œuvrent à l’acquisition mutualisée, au partage et à la diffusion des données géographiques. En animant des réseaux thématiques locaux (« pôles métiers ») elles encouragent la réutilisation ou la coproduction des données pour des usages ancrés dans les territoires. Ainsi, l'infrastructure nationale de données géographiques (INDG) représentée par le géoportail/géocatalogue est complétée par des infrastructures régionales de données géographiques qui constituent des maillons essentiels dans la production/diffusion d’informations publiques car leur mode de gouvernance est généralement partagé entre les services déconcentrés de l’Etat (SGAR15 ou DREAL16) et les collectivités territoriales (conseil régional voire conseil général). Fin 2012, selon l’inventaire des IDG mis en œuvre par l’AFIGéo17, 20 des 27 régions françaises (Métropole et Outre-Mer) disposent d’une IDG identifiée avec pour la majorité d’entre elles une plateforme Web opérationnelle (figure 3) : 80% des IDG régionales disposent d’un catalogue de données géographiques. La consultation de ces catalogues et des fiches de métadonnées qu’ils contiennent laisse apparaître une très grande disparité. En effet, si en moyenne ces catalogues proposent 455 fiches de métadonnées, la dispersion des écarts à la moyenne est importante (l’écart-type est de 540) et les bornes extrêmes très éloignées (de 6 à 1787 métadonnées en fonction des IDG ). Cette disparité s'explique par l'historique des IDG (certaines plateformes Secrétariat Général pour les Affaires Régionales Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement 17 Association Française pour l’Information Géographique : www.afigeo.asso.fr/ 15 16 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 135 existent depuis la fin des années 90 quand d’autres n’émergent que depuis peu ou sont en cours de migration), par les types de données cataloguées (certains se concentrent sur les données SIG stricto sensu, d'autres recensent des photos, des cartes scannées…), par les connexions vers d'autres catalogues (entre 0 et 6 catalogues sub-régionaux ou thématiques sont moissonnés), par la façon dont les jeux de données sont documentés. La BD CARTO®, base de données vectorielles au 50.000ème de l’IGN peut, par exemple, être associée à une fiche de métadonnées ou à 7 fiches – un par thème : réseau routier, réseau ferré, hydrographie, équipement, etc. - en fonction de la granularité de la documentation. Figure 3. Etat des lieux des infrastructures régionales de données géographiques en France en 2012 Ce premier constat témoigne du manque de maturité d’un secteur encore en train de se structurer, où la définition des normes de catalogage est récente et la diffusion de guides de saisie ne date que de fin 2012. Il rend l’analyse comparative complexe mais potentiellement très riche pour identifier à la fois les différentes stratégies et priorités de mise en avant des données et sur le long terme analyser les évolutions qui vont avoir lieu. Il permet également de souligner l’importance des analyses supra-régionales, en particulier pour comprendre comment des projets de gestion environnementale inter-régionale peuvent ou non mobiliser les informations disparates disponibles. L’analyse fine des données et métadonnées disponibles sur un 136 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 ensemble conséquent de cas d’étude nous semble ainsi un enjeu de recherche majeur. Par une extraction des fichiers XML de métadonnées puis par un requêtage sur leur contenu, il devient possible de « cartographier les cartes » et d’explorer ainsi la valeur heuristique des IDG. L’exploration du contenu des IDG par l’analyse de leurs géocatalogues nous semble intéressante à réaliser aujourd’hui pour, a minima, deux raisons. Premièrement, le mouvement de structuration et de diffusion de l’information géographique institutionnelle au sein des IDG a été initié depuis une dizaine d’années. Par conséquent, on dispose désormais d’un historique intéressant à considérer (analyse rétrospective de la constitution des bases de métadonnées, des emprises disponibles, des échelles de travail, des nomenclatures...). Deuxièmement, malgré l’apparition progressive des normes en vigueur (et des guides de bonnes pratiques qui y sont associées), les stades d’avancement sont encore très différents. Les IDG travaillent donc avec des approches et des priorités thématiques différentes selon les territoires et permettent de comparer des compréhensions et appropriations différentes des normes informationnelles et environnementales en cours de constitution. 3.2. Analyser les activités des IDG pour « donner à voir » les principales préoccupations en matière de questions environnementales Au-delà du patrimoine d’information diffusée par les infrastructures de données géographiques, il semble également intéressant d’analyser les actions d’animation qui sont mises en œuvre par ces dispositifs socio-techniques car elles témoignent des questions prioritaires actuellement traitées par ces réseaux sociotechniques. Ainsi, plusieurs Infrastructures de Données Géographiques régionales ont profité de leur positionnement inter-organisationnel et de la transversalité de l’information géographique pour animer des communautés de pratiques dont les actions sont ancrées sur des territoires ou métiers spécifiques (Noucher, 2009). Ainsi, l’analyse des activités 18 des 20 infrastructures régionales de données géographiques précédemment identifiées (figure 3) révèle que la moitié d’entre elles animent des groupes de travail (également qualifiés de « pôles métier », « groupes thématiques » ou « groupes projet »). Les 10 IDG régionales concernées par ce travail d’animation supportent ainsi 61 groupes de travail (de 3 à 9 par IDG) comme l’illustre la figure 4. La répartition des thématiques (en reprenant les principales appellations) laisse apparaître deux types de groupes de travail : des groupes plutôt focalisés sur l’organisation du dispositif (gouvernance, plateforme technique, catalogage…) et des groupes plutôt focalisés sur des problématiques métier (urbanisme, aménagement numérique, agriculture…). Ces derniers vont alors avoir pour objectifs, la plupart du temps, de répondre aux lacunes des bases de données géographiques existantes et chercher ainsi à harmoniser des données hétérogènes ou à coproduire de nouvelles Ces groupes de travail / pôles métier ont été identifié par un examen des 20 sites Web des infrastructures régionales de données géographiques identifiées par l’AFIGEO (2012). L’activité effective de chaque groupe n’a pu donner lieu à une vérification. 18 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 137 données thématiques. Il est alors intéressant de noter que les thématiques les plus développées concernent encore aujourd’hui les référentiels autour du triptyque classique qui constitue souvent la base des SIG institutionnels : cadastre / plan local d’urbanisme / orthophotoplan. On peut également noter l’importance de deux autres thèmes présents dans plus de la moitié des IDG ayant des activités d’animation : l’aménagement numérique des territoires et l’occupation des sols. L’aménagement numérique des territoires (7 groupes thématiques) est effectivement un thème fédérateur et d’actualité qui nécessite une collaboration entre Etat, conseils régionaux et collectivités locales et une mutualisation de l’information géographique pour connaître les infrastructures existantes. L’occupation des sols (5 groupes thématiques) est également un sujet fédérateur car les politiques publiques relatives à la maîtrise des changements environnementaux sont fondées sur une évaluation de l’environnement qui passe par la reconnaissance des états matériels de l’occupation du sol. De nombreux programmes de suivi de l’occupation du sol sont ainsi menés à cette fin depuis plus de trente ans pour constituer des bases de données géographiques plébiscitées pour leur caractère standard supposé faciliter la transversalité entre différentes sphères de l’aménagement de l’espace (Bousquet et al., 2013). La plus connue est sans conteste CORINE Land Cover pilotée par l’Agence Européenne de l’Environnement et qui couvre 38 Etats. Mais en l’absence de référentiel national, nombre d’organisations publiques régionales travaillent à partir cette base européenne qu’elles jugent trop grossière et qu’elles souhaitent alors spécialiser pour affiner l’unité minimale de collecte (5 ha) et la nomenclature (44 postes de légende au niveau 3). Figure 4. Les groupes de travail dans les infrastructures régionales de données géographiques. Répartition par thématiques des 61 groupes de travail des IDG qui en animent en 2013. Source : Sites Web des IDG, consulté en mars 2013. 138 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Bien que la moitié des IDG régionales françaises se réfère à la directive INSPIRE pour légitimer leurs activités19, l’environnement n’apparaît pas aujourd’hui, comme un axe prioritaire. Ainsi, même si c’est une injonction justifiée par la politique environnementale à l’échelon européen qui initie un vaste chantier de création d’IDG régionales, il apparaît que, pour le moment, ces mêmes IDG régionales traitent surtout de thématiques non strictement environnementales. Par ailleurs, concernant les groupes de travail qui s’intéressent aux données environnementales, on remarque une grande variété de thématiques : eau, forêt, bocage, littoral… sans pour autant qu’un thème majeur ne se dégage. On notera cependant que ce sont bien souvent les IDG mis en place depuis plusieurs années qui s’engagent sur les thématiques environnementales. La priorité pour les IDG les plus récentes semble davantage s’ancrer dans l’amélioration des référentiels géographiques avant l’ouverture de chantiers thématiques autour des données environnementales. Dans ce contexte, il nous semble potentiellement intéressant d’assurer aujourd’hui un suivi de ces vastes chantiers car ils peuvent s’envisager comme des indices des logiques géographiques de structuration des représentations environnementales. En cela les infrastructures de données géographiques constituent potentiellement un levier essentiel pour analyser la façon dont la sphère institutionnelle construit et diffuse la question environnementale. La proposition de recherche qui est défendue ici est que l’analyse des contenus mais aussi des actions d’animation assurées par les infrastructures de données géographiques constitue un enjeu majeur pour comprendre la construction et la circulation des savoirs sur l’environnement. Cet enjeu et les verrous scientifiques qui y sont associés permettent d’envisager de nombreuses perspectives de recherche. 3.3. Analyser les usages des IDG pour « donner à voir » les recompositions informationnelles… et territoriales Un des verrous scientifiques persistants à la compréhension des valeurs et visions de la régulation politique de l’environnement que véhiculent les infrastructures de données géographiques tient à la difficulté de repérer leurs utilisateurs. Le passage de systèmes cartographiques centralisés et fermés à des infrastructures de données distribuées et ouvertes rend délicate l’identification des utilisations qui découlent de la mise en réseau des données. Un autre obstacle tient à la difficulté à qualifier ces usages et à les définir les uns par rapport aux autres tant l’usage de données géographiques constitue un continuum de transformations, du fait de la malléabilité des données numériques20. Il apparaît donc nécessaire de développer des méthodes d’identification Sur les 20 IDG régionales, 10 affichent INSPIRE comme un axe structurant de leur action mais seulement 2 évoquent explicitement des questions environnementales (analyse réalisée à partir de la consultation en mars 2013 des 20 sites Web – pages « présentation » et pages « missions / objectifs » - des 20 IDG régionales listées sur la figure 3). 20 Les bases de données géographiques numériques sont malléables c’est-à-dire qu’elles sont suffisamment flexibles pour être façonnées à partir de traitements divers (sur leur géométrie, 19 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 139 et de caractérisation des usages des données géographiques, comme préalable à une analyse de leur rôle dans la modification des pratiques territoriales. La sociologie des usages peut alors être d’un grand recours pour proposer, en complément de l’analyse des patrimoines de données (3.1) et de l’analyse des communautés de pratique (3.2), un changement de point de vue. En se focalisant sur les pratiques des acteurs de l’environnement, il s’agit ici de mobiliser d’autres cadres théoriques pour éclairer la question de la circulation et l’appropriation de l’information géographique. Afin d’appréhender cette problématique dans ses différents registres (techniques, cognitifs, organisationnels, culturels), plusieurs approches pourront être mises en œuvre et dans la mesure du possible articulées entre elles. L’approche par la traçabilité de la donnée géographique constitue l’entrée privilégiée. Elle permet de questionner les usages à partir de l’observation de la circulation des données dans une perspective longitudinale : conception, diffusion, adoption, voire modification et (re)diffusion. L’approche par les productions cartographiques constitue une manière complémentaire pour appréhender l’évolution des usages. En effet, même si elle peut reposer sur des modèles conceptuels très élaborés, la donnée géographique a ceci de particulier qu’elle échappe rarement au fait d’être visualisée et visualisable. Ce faisant elle passe du statut de donnée, avec toutes les contraintes et propriétés techniques associées, à celle d’image (carte). La déconstruction de productions cartographiques sur l’environnement doit ainsi permettre de retracer les traitements et d’identifier la circulation des sources de données. Enfin, l’analyse des non-usages de l’information géographique mise à disposition en travaillant notamment sur les habitudes comme possible facteur de résistance d’usage peut mettre en évidence des pratiques qui vont à l’encontre des injonctions institutionnelles (directive INSPIRE notamment) et permettre un renouvellement – ou plutôt une complexification – des modèles analytiques. La géographie a toute sa part à jouer dans cette analyse des usages qui doivent notamment permettre de mettre en évidence des jeux d’échelles. Dans l’étude des usages des IDG, la question des échelles d’analyse, de leur difficulté d’articulation et des problèmes de traduction y afférents, prend, en effet, une dimension et une intensité toute particulière. Ce constat est lié au fait qu’aujourd’hui encore les études sur l’usage de l’information géographique sont peu nombreuses et semblent souvent assignées à des observations centrées sur un « individu » (i.e. analyse d’une organisation, d’un jeu de données, d’un territoire, d’un système d’information géographique). En se focalisant sur un ensemble de systèmes interconnectés, il s’agit alors d’ouvrir l’exploration des flux d’information environnementale. Ainsi, malgré l’interopérabilité affichée des systèmes et les possibilités de moissonnage des géocatalogues entre eux, on est encore loin des « poupées russes » et de l’emboitement multi-scalaire des flux de données. Les 35.303 fiches de métadonnées du géocatalogue leur représentation graphique ou leur contenu sémantique) en fonction des besoins des utilisateurs. Les applications composites (mashup) qui, sur une page Web, combinent des cartes avec des sources d’origines diverses en sont de bons exemples. 140 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 national français (Pierson et al., 2013) ne renferment qu’une faible part des 8.171 fiches de métadonnées disponibles dans les 17 géocatalogues régionaux accessibles21. Les différences de dénominations, de structuration, de référencement, en un mot de documentation sont le reflet d’usages différenciés entre l’échelon national et l’échelon régional voire local. L’analyse des IDG doit permettre cette vision globale en observant l’entremêlement de ces dispositifs socio-techniques à travers l’identification et la traçabilité des flux d’information environnementale. En proposant une lecture fine et nuancée de ce que les usagers font effectivement avec les données géographiques institutionnelles issues des IDG, il s’agit de réinterroger les usages comme des expériences individuelles et collectives dans lesquelles les utilisateurs sont engagés à titre d’acteurs de l’environnement au-delà de la sphère institutionnelle stricto sensu. Ainsi, l’analyse des usages tend à renforcer potentiellement l’intérêt heuristique des infrastructures de données géographiques non plus comme support de recherche mais bien comme objet de recherche pour une meilleure compréhension des pratiques de gestion de l’environnement. CONCLUSION : DE L’OUTIL A L’OBJET DE RECHERCHE Etant donné le caractère éminemment complexe et réticulaire des questions environnementales, s’appuyer sur les moyens matériels et conceptuels que se donnent les acteurs pour communiquer, pour se coordonner et pour agir nous semble une manière pertinente pour retracer la trame des relations et des enjeux socioécologiques. L’intérêt de traiter des questions d’environnement par le truchement des flux informationnels (et en particulier des IDG) c’est qu’ils permettent de les saisir non par le biais des discours (que chaque acteur est amené à construire devant un observateur, souvent en écho au cadre légal et normes en vigueur) mais par le biais des pratiques (à partir de l’analyse de leur contenu effectif et des usages associés). Pourtant, comme ce fut le cas avec les Systèmes d’Information Géographique, la mise à distance critique de l’impact des Infrastructures de Données Géographiques tarde à être opérée par les géographes pour qui les IDG sont le plus souvent considérées comme un outil au service de l’analyse des territoires. Les prises de recul sur ces dispositifs socio-techniques et l’analyse globale et transversale de leur contenu sont donc encore rares. Le panorama juridique, technique et organisationnel proposé à partir d’exemples régionaux (IDG régionales), nationaux (INDG française) et internationaux (INSPIRE) a permis de mettre en exergue la complexité et l’hétérogénéité des composantes de ces plateformes Web de diffusion des données géographiques environnementales. En les définissant comme des dispositifs socio-techniques, nous Relevé effectué par l’auteur le 19/03/2013 sur les sites Web des IDG régionales inventoriées par l’AFIGEO (2012). 21 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 141 avons cherché à mettre en évidence les dynamiques des rapports qui peuvent s’instaurer entre toutes les parties prenantes du système. Ce faisant, trois pistes exploratoires ont été proposées. Elles concernent les métadonnées qui, par l’exploration des géocatalogues issus des IDG, permettent de suivre l’évolution des patrimoines de données géographiques illustrant ainsi les reconfigurations informationnelles passées et en cours ; les communautés de pratique associées aux IDG qui, par l’analyse de leurs activités, révèlent les modalités de constitution des représentations communes de l’environnement ; et enfin, les usages des données diffusées par les IDG qui, par l’identification et la qualification des usagers, réinterrogent la circulation de l’information géographique au-delà de la sphère institutionnelle. Dès lors, ces premiers résultats illustrent l’intérêt heuristique des Infrastructures de Données Géographiques non plus comme outil mais comme objet de recherche pour une meilleure compréhension de la circulation de l’information environnementale. Ces propositions constituent des perspectives programmatiques qui apparaissent comme essentielles à développer aujourd’hui. En effet, il semble que s’ouvre une période charnière qui offre une opportunité intéressante pour faire des IDG un véritable objet de recherche. Sous l’effet d’une évolution du cadre légal et des avancées technologiques, les IDG disposent, désormais, d’une « épaisseur historique » qui commence à être suffisamment conséquente pour offrir un regard dynamique sur la constitution et la circulation de l’information géographique institutionnelle. Ainsi, cet article avait pour ambition de démontrer que, dans le domaine environnemental, les IDG peuvent être considérées comme une entrée intéressante (bien que non exclusive) pour approcher les politiques environnementales. Sous couvert d’une apparente immatérialité, l’information environnementale contenue dans les IDG est potentiellement riche de sens spatial et territorial. A ce titre, elle mériterait, à l’instar des travaux sur l’analyse géographique du Web (Duféal, 2004), que se développe une véritable géographie de l’information géographique. BIBLIOGRAPHIE AFIGéo (2012), Le réseau des CRIGEs : le partage d’expérience autour d’INSPIRE, Conférence INSPIRE’12, Istanbul. AKRICH M. (1993), Les formes de la médiation technique, Réseaux, vol. 60, pp. 8798. ALPHANDERY P., FORTIER A. et SOURDRIL A. (2012), Les données entre normalisation et territoire : la construction de la trame verte et bleue, Développement durable et territoires, 3/2. 142 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 AMELOT X. (2012), Cartographie participative et web 2.0 pour le développement local et la gestion de l’environnement à Madagascar, empowerment ou impérialisme numérique ?, In Séminaire GRANIT « Cartographie et participation : quand la cartographie critique et la cartographie 2.0 se rencontrent. », UMR ADESS – Maison des Suds, 22-23 octobre. D’ALESSANDRO-SCARPARI C., ELMES G., WEINER D. 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Deux systèmes d’informations géographiques dans la gouvernance, Thèse de Science Politique, Université de Montréal, 293 p. ANNEXE : THEMES DE LA DIRECTIVE INSPIRE Annexe I de la directive INSPIRE 1. Référentiels de coordonnées Systèmes de référencement unique des informations géographiques dans l'espace sous forme d'une série de coordonnées (x, y, z) et/ou la latitude et la longitude et l'altitude, en se fondant sur un point géodésique horizontal et vertical. 2. Systèmes de maillage géographique Grille multi-résolution harmonisée avec un point d'origine commun et une localisation ainsi qu'une taille des cellules harmonisées. 3. Dénominations géographiques Noms de zones, de régions, de localités, de grandes villes, de banlieues, de villes moyennes ou d'implantations, ou tout autre élément géographique ou topographique d'intérêt public ou historique. 4. Unités administratives Unités d'administration séparées par des limites administratives et délimitant les zones dans lesquelles les États membres détiennent et/ou exercent leurs compétences, aux fins de l'administration locale, régionale et nationale. 5. Adresses Localisation des propriétés fondée sur les identifiants des adresses, habituellement le nom de la rue, le numéro de la maison et le code postal. 6. Parcelles cadastrales Zones définies par les registres cadastraux ou équivalents. 7. Réseaux de transport Réseaux routier, ferroviaire, aérien et navigable ainsi que les infrastructures associées. Sont également incluses les correspondances entre les différents réseaux, ainsi que le réseau transeuropéen de transport tel que défini dans la décision no 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996 sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport et les révisions futures de cette décision. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 145 8. Hydrographie Éléments hydrographiques, y compris les zones maritimes ainsi que toutes les autres masses d'eau et les éléments qui y sont liés, y compris les bassins et sous bassins hydrographiques conformes, le cas échéant, aux définitions établies par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et sous forme de réseaux. 9. Sites protégés Zone désignée ou gérée dans un cadre législatif international, communautaire ou national en vue d'atteindre des objectifs spécifiques de conservation. Annexe II de la directive INSPIRE 1. Altitude Modèles numériques pour l'altitude des surfaces terrestres, glaciaires et océaniques. Comprend l'altitude terrestre, la bathymétrie et la ligne de rivage. 2. Occupation des terres Couverture physique et biologique de la surface terrestre, y compris les surfaces artificielles, les zones agricoles, les forêts, les zones (semi) naturelles, les zones humides et les masses d'eau. 3. Ortho-imagerie Images géoréférencées de la surface terrestre, provenant de satellites ou de capteurs aéroportés. 4. Géologie Géologie caractérisée en fonction de la composition et de la structure. Englobe le substratum rocheux, les aquifères et la géomorphologie. Annexe III de la directive INSPIRE 1. Unités statistiques Unités de diffusion ou d'utilisation d'autres informations statistiques. 2. Bâtiments Situation géographique des bâtiments. 3. Sols Sols et sous-sol caractérisés selon leur profondeur, texture, structure et teneur en particules et en matières organiques, pierrosité, érosion, le cas échéant pente moyenne et capacité anticipée de stockage de l'eau. 4. Usage des sols Territoire caractérisé selon sa dimension fonctionnelle prévue ou son objet socioéconomique actuel et futur (par exemple, résidentiel, industriel, commercial, agricole, forestier, récréatif). 5. Santé et sécurité des personnes Répartition géographique des pathologies dominantes (allergies, cancers, maladies respiratoires, etc.) liées directement (pollution de l'air, produits chimiques, appauvrissement de la couche d'ozone, bruit, etc.) ou 146 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 indirectement (alimentation, organismes génétiquement modifiés, etc.) à la qualité de l'environnement, et ensemble des informations relatif à l'effet de celle-ci sur la santé des hommes (marqueurs biologiques, déclin de la fertilité, épidémies) ou leur bien-être (fatigue, stress, etc.). 6. Services d'utilité publique et services publics Comprend les installations d'utilité publique, tels que les égouts ou les réseaux et installations liés à la gestion des déchets, à l'approvisionnement énergétique, à l'approvisionnement en eau, ainsi que les services administratifs et sociaux publics, tels que les administrations publiques, les sites de la protection civile, les écoles et les hôpitaux. 7. Installations de suivi environnemental La situation et le fonctionnement des installations de suivi environnemental comprennent l'observation et la mesure des émissions, de l'état du milieu environnemental et d'autres paramètres de l'écosystème (biodiversité, conditions écologiques de la végétation, etc.) par les autorités publiques ou pour leur compte. 8. Lieux de production et sites industriels Sites de production industrielle, y compris les installations couvertes par la directive 96/61/CE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution et les installations de captage d'eau, d'extraction minière et de stockage. 9. Installations agricoles et aquacoles Équipement et installations de production agricoles (y compris les systèmes d'irrigation, les serres et les étables). 10. Répartition de la population — démographie Répartition géographique des personnes, avec les caractéristiques de population et les niveaux d'activité, regroupées par grille, région, unité administrative ou autre unité analytique. 11. Zones de gestion, de restriction ou de réglementation et unités de déclaration Zones gérées, réglementées ou utilisées pour les rapports aux niveaux international, européen, national, régional et local. Sont inclus les décharges, les zones restreintes aux alentours des sources d'eau potable, les zones vulnérables aux nitrates, les chenaux réglementés en mer ou les eaux intérieures importantes, les zones destinées à la décharge de déchets, les zones soumises à limitation du bruit, les zones faisant l'objet de permis d'exploration et d'extraction minière, les districts hydrographiques, les unités correspondantes utilisées pour les rapports et les zones de gestion du littoral. 12. Zones à risque naturel Zones sensibles caractérisées en fonction des risques naturels (tous les phénomènes atmosphériques, hydrologiques, sismiques, volcaniques, ainsi que les feux de friche qui peuvent, en raison de leur situation, de leur gravité et de leur fréquence, nuire gravement à la société), tels qu'inondations, glissements et affaissements de terrain, avalanches, incendies de forêts, tremblements de terre et éruptions volcaniques. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 147 13. Conditions atmosphériques Conditions physiques dans l'atmosphère. Comprend les données géographiques fondées sur des mesures, sur des modèles ou sur une combinaison des deux, ainsi que les lieux de mesure. 14. Caractéristiques géographiques météorologiques Conditions météorologiques et leur mesure: précipitations, température, évapotranspiration, vitesse et direction du vent. 15. Caractéristiques géographiques océanographiques Conditions physiques des océans (courants, salinité, hauteur des vagues, etc.). 16. Régions maritimes Conditions physiques des mers et des masses d'eau salée divisées en régions et en sous-régions à caractéristiques communes. 17. Régions biogéographiques Zones présentant des conditions écologiques relativement homogènes avec des caractéristiques communes. 18. Habitats et biotopes Zones géographiques ayant des caractéristiques écologiques particulières conditions, processus, structures et fonctions (de maintien de la vie) favorables aux organismes qui y vivent. Sont incluses les zones terrestres et aquatiques qui se distinguent par leurs caractéristiques géographiques, abiotiques ou biotiques, qu'elles soient naturelles ou semi-naturelles. 19. Répartition des espèces Répartition géographique de l'occurrence des espèces animales et végétales regroupées par grille, région, unité administrative ou autre unité analytique. 20. Sources d'énergie Sources d'énergie comprenant les hydrocarbures, l'énergie hydraulique, la bioénergie, l'énergie solaire, l'énergie éolienne, etc., le cas échéant accompagnées d'informations relatives à la profondeur/la hauteur de la source. 21. Ressources minérales Ressources minérales comprenant les minerais métalliques, les minéraux industriels, etc., le cas échéant accompagnées d'informations relatives à la profondeur/la hauteur de la ressource Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 148-153 NOTES D’INFORMATION INTERVIEW DE SIMON CHIGNARD PAR NOUCHER MATTHIEU Simon Chignard est l’auteur de « L’open data, comprendre l’ouverture des données publiques » (FYP éditions, mars 2012). Dans ce livre il propose des repères pour replacer l’open data dans le contexte français et comprendre les enjeux et les limites de l’ouverture des données publiques. Il a participé dès 2010 à l’animation de l’ouverture des données publiques de Rennes Métropole, territoire pionnier en France. Consultant et formateur indépendant, il est à titre bénévole président de l’association Bug (innovation sociale et numérique) et vice-président de la Cantine numérique rennaise. Il anime le blog : http://donneesouvertes.info/ Matthieu Noucher. Rennes Métropole, dont le portail open data a été lancé en avril 2010, est souvent présentée comme pionnière en manière d’ouverture de données alors que depuis de nombreuses années des administrations, en particulier dans le domaine de l’environnement, diffusent des données réutilisables en libre accès. Ainsi, les DIREN (Directions Régionales de l’Environnement devenues depuis la Réforme Générale des Politiques Publiques les DREAL – Directions Générales de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement) diffusent des zonages environnementaux, comme les ZNIEFF ou les arrêtés de biotopes, en format SIG. Comment jugez-vous cette réécriture de l’histoire ? Simon Chignard. L’open data apparaît effectivement comme un élément perturbateur de nombreuses dynamiques déjà en œuvre. En particulier, sur les questions environnementales, les dynamiques de diffusion des données étaient présentes depuis longtemps : il n’y pas d’équivalent à la Directive INSPIRE sur des problématiques liées à la mobilité ou à la santé, par exemple. Ceci dit, l’open data ne se limite pas à la mise en ligne de données, aux questions de droits d’accès et de droits de réutilisation. La dynamique porte aussi un message politique. Ainsi, selon moi il y a deux dimensions à prendre en considération : NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 149 Une dimension technique, avec des questions qui rejoignent celles que se sont posées depuis des années les dynamiques environnementales (par exemples, quels sont les critères qui permettent la diffusion des données ? quelle est la valeur des données ? quelles sont les licences les plus pertinentes ?). Une dimension politique : les données ouvertes sont, d’une part, un mouvement issu d’origine très diverses (les premiers à avoir utilisé cette expression en 1995 sont des chercheurs américains qui travaillaient en climatologie et réagissaient à la privatisation des revues scientifiques) et d’autre part, une injonction. En s’inscrivant dans l’agenda politique, l’open data ramène des nouveaux acteurs autour de la table. Ces nouveaux entrants bouleversent les logiques existantes. MN. Peut-on généraliser ce constat et l’attribuer aussi au domaine environnemental ? SC. Certains ministères comptent dans leur mission la diffusion des données. Le Ministère en charge de l’environnement en est l’exemple type. L’effet perturbateur de l’open data en est peut être un peu amoindri mais il est tout de même bien présent. Dans le domaine des données environnementales, comme d’ailleurs dans le domaine des données géographiques (les deux vont souvent de paire mais ne sont pas forcément liés) il est saisissant de voir que l’open data a rapidement été perçu comme une opportunité plutôt que comme une menace. Ainsi, un certain nombre d’organismes ont « repeint » leurs initiatives INSPIRE aux couleurs de l’open data. Dans le domaine du partage de l’information transport, ce constat n’est pas posé, alors que cela pourrait être envisageable. MN. Y-a-t-il d’autres spécificités liées aux données environnementales ? SC. Oui, il est frappant de constater que la donnée environnementale existe, qu’elle est souvent déjà diffusée mais qu’aujourd’hui encore, on a des problèmes de repérage, d’identification et de qualification. Ainsi, le site de l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE) diffuse des données brutes et recense les sites sur lesquels on peut trouver, par exemple, des données sur le thème de l’eau. Pour la France, il y a plus de 45 liens… c’est délirant ! Je ne connais aucun autre secteur où autant d’information est disponible. Il y a là une vraie difficulté, en amont de la diffusion, liée spécifiquement aux données environnementales. De multiples facteurs l’expliquent : diversités de acteurs qui la produisent ou qui la mettent en ligne, diversité des périmètres (géographiques / thématiques). A titre d’exemple, si on s’intéresse à la problématique de la qualité des eaux de baignade, il existe des séries de données temporelles importantes avec des qualifications sur la conformité de la qualité des eaux qui peuvent variées d’une série à l’autre. C’est là l’une des spécificités des données environnementales : elles sont très dispersées et par conséquent il est difficile de les comparer et d’en dégager une vision globale. En conséquence, la diffusion des données environnementales pose, plus que dans d’autres thématiques, la question de 150 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 l’échelon territorial. Les compétences sont disséminées à tous les niveaux territoriaux (communal, départemental, régional, national, européen, etc.). MN. Face à cette potentielle dispersion des données environnementales, de vastes de chantiers de normalisation sont à l’œuvre. Sont-ils au cœur des préoccupations des porteurs de projet autour de la diffusion des données ouvertes ? SC. Le travail de normalisation s’effectue aujourd’hui essentiellement sur les formats d’échange, pas sur les contenus. Même si des travaux de normalisation des contenus existent, ils ne sont pas pris en compte dans les portails open data. Ainsi, les métadonnées disponibles sur ces portails n’ont pas repris les gabarits de métadonnées INSPIRE1 et les spécifications en cours sur les modèles des données géographiques concernées par la Directive ne seront pas forcément pris en compte par les dynamiques open data. Ces dernières tendent à se focaliser davantage sur les usages et la réutilisation des données et s’accommodent finalement assez bien de l’hétérogénéité des contenus. Dans le domaine de l’information géographique, on peut citer un bon exemple : le modèle d’OpenStreetMap (OSM). Le contenu de la base de données d’OSM est très hétérogène. Les dynamiques au cœur de l’open data se bâtissent donc autour de systèmes suffisamment flexibles pour supporter l’hétérogénéité. MN. L’ouverture des données environnementales répond-t-elle à une demande sociale plus importante ? SC. A priori, non. Quelques territoires ont lancé des enquêtes ou questionner des forums pour savoir quelles étaient les attentes des internautes, quelles ouvertures de données étaient souhaitées…Le constat est d’ailleurs au niveau international: une enquête réalisée aux Etats-Unis auprès de réutilisateurs (étude Socrata 2011) faisait clairement ressortir un fort intérêt pour les données de mobilité ou les données budgétaires locales. Jamais la thématique environnementale n’est sortie prioritaire. Aujourd’hui, l’objectif des réutilisateurs dits de « rang 1 »2 est de développer des services à partir d’applications, d’API… Il existe certainement des usages de consultation ou de médiation des données environnementales et une utilité sociale à ce type de données, mais ces usages ne sont pas identifiés et jugés prioritaires dans la sphère open data. Les gabarits de métadonnées INSPIRE sont des modèles normés de fiches descriptives permettant de documenter les données géographiques diffusées sur les Infrastructures de Données Géographiques (voir article de M. Noucher dans le présent numéro). 2 Les réutilisateurs de rang 1 sont ceux qui réutilisent directement les données - les réutilisateurs de rang 2 n’utilisent pas directement les données brutes, mais les résultats des transformations / agrégations / enrichissements réalisés par les réutilisateurs de rang 1) 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 151 MN. Côté collectivités territoriales, quelle est la place des données environnementales dans les portails open data qui voient le jour ? SC. A ma connaissance, elle est traitée sous l’angle des données géographiques. Les services SIG ont souvent été parties prenantes des politiques de diffusion des données. A Rennes, par exemple, les premières données libérées ont été celles de Keolis Rennes (le délégataire des transports en commun) et les données du service SIG de la ville. L’open data n’a fait que récolter les fruits d’un travail mené depuis très longtemps par l’équipe SIG sur les conditions techniques et économiques de diffusion des données. MN. Quels sont alors les principaux jeux de données environnementaux diffusés ? SC. Aujourd’hui, seuls les services qui gèrent leurs données (c’est-à-dire leurs productions) libèrent des données. Donc, dans une collectivité locale, les seules données environnementales qui sont pleinement du ressort de la structure concernent bien souvent uniquement les services techniques (données sur les parcs et jardins) alors que de nombreux autres services (énergie, développement durable, logement…) mobilisent potentiellement d’autres jeux de données conséquents mais issus de sources externes. Ce constat traduit le fait qu’aujourd’hui très peu de collectivités ont pensé leur portail open data comme le portail du territoire et non simplement comme le portail de la collectivité. Montpellier, la région Pays de Loire et Nantes ont essayé de fédérer la diffusion de données n’émanant pas exclusivement de leur collectivité, mais ces initiatives restent non exhaustives et assez exceptionnelles. MN. Finalement, qu’en est-il des usages ? Avez-vous des exemples d’usages originaux des données ouvertes ? SC. On pense immédiatement aux nombreuses applications mobiles qui ont pu être développées, notamment dans les concours initiés par les collectivités. Mais au-delà des services anecdotiques sur les arbres remarquables qui alimentent de nombreuses applications, on trouve parfois des démarches d’analyse et de co-conception à partir des données ouvertes. Je pense notamment à l’initiative DataKind mené avec la ville de New-York. Les services de la ville ont mis à disposition des réutilisateurs un très grand nombre de données sur les parcs et jardins, les interventions des services techniques (localisation des arbres abattus notamment) ainsi que les historiques des épisodes météo importants, ... Ils ont ensuite posé une question aux réutilisateurs, sous la forme d’un défi: peut-on prévoir où se trouvent les arbres les plus menacés à la prochaine tempête ou ouragan qui frappera la ville ? Cet exemple illustre bien la capacité de l’ouverture - et de la réutilisation - des données à créer une boucle de rétroaction vertueuse: de l’autorité publique aux réutilisateurs et des réutilisateurs à l’autorité publique3. Voir le billet «Moderniser l’action publique par l’Open Data ?» sur le blog : http://donneesouvertes.info/2013/01/03/moderniser-laction-publique-par-lopen-data/ ) 3 152 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 MN. Aujourd’hui, au-delà des usages commerciaux ou ludiques des données ouvertes, voit-on émerger en France des usages par la société civile ayant pour vocation de proposer des contre-expertises ou d’alimenter les dynamiques de contestation, par exemple autour de projets d’aménagement du territoire ? SC. C’est un sujet que je vois émerger depuis un an. De plus en plus, à la fin de mes conférences, des auditeurs viennent me voir et se présentent comme militants dans des associations de défense ou de protection de tel ou tel site. Ils développent une vision de l’open data comme un levier pour obtenir des données utiles à leur cause. On peut citer le cas de l’aéroport de Notre Dame des Landes. Le portail Open Data de Loire Atlantique propose quelques jeux de données en rapport avec ce projet, notamment la délimitation des différentes zones d’aménagement. L’association nantaise Libertic s’était proposée, avec d’autres acteurs locaux, de fournir davantage de données pour alimenter le débat public. (Libertic est une association qui intervient dans le champ du numérique et de l’économie sociale et solidaire, sa déléguée générale Claire Gallon est bien connue en France dans le domaine de l’open data). Le plus éclairant dans cette expérience a été l’accueil très réservé des associations et collectifs qui se sont historiquement impliqués dans l’opposition à ce projet d’aéroport. Ils ont été au mieux indifférents, au pire hostiles à la démarche. Rares sont ceux qui ont considéré les données comme un élément supplémentaire du débat ! MN. Si les portails open data se sont développés à partir du postulat que l’évaluation ex ante des usages est inutile voire contre-productive, le prolongement ou la généralisation de certaines initiatives dépendent aujourd’hui d’une évaluation in itinere voire ex-post des usages des données libérées. Se posent alors un problème méthodologique majeur : comment identifier puis qualifier les usages ? SC. On ne dispose pas aujourd’hui d’un modèle complet d’évaluation des impacts de l’open data, tant sur les objectifs économiques que démocratiques. Le chercheur britannique Tim Davies a recensé trois types d’outils d’évaluation4. Chaque type correspond à une phase du projet. Dans la première catégorie on mesure l’état de préparation des acteurs et des structures à l’open data: sont-ils en ordre de marche pour ouvrir leurs données et/ou leurs process ? Dans la seconde catégorie, on se concentre sur l’implémentation des politiques open data et leur mise en oeuvre (l’approche des 5 étoiles développée par Tim Berners Lee peut se classer dans cette catégorie). Enfin, les outils qui permettent d’évaluer les impacts, directs et indirects de l’ouverture des données. Force est de constater que ce dernier champ reste largement une terra incognita... L’open data construit ses propres outils d’évaluation au fur et à mesure de son développement et il est important, je pense, de rappeler que les «Mesurer l’Open Data et ses effets» : http://donneesouvertes.info/2013/06/26/mesurerlopen-data-et-ses-effets/. 4 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 153 premiers portails Open Data ont aujourd’hui à peine 7 à 8 ans aux Etats-Unis et 3 ans en France. On est encore loin d’avoir atteint la maturité requise ! MN. Enfin, comment percevez-vous les initiatives de niveau national de libération des données et leurs articulations avec les dynamiques locales ? SC. En Europe, chaque pays a sa propre culture en matière de relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, notamment en matière de décentralisation. Ce qui fait la force de la France dans ce domaine, c’est précisement le fait que l’Open Data émerge simultanément à tous les échelons administratifs (communes et métropoles, départements, régions, mais aussi l’Etat avec la mission Etalab établie en 2011). La question de l’articulation entre ces démarches se pose à au moins deux niveaux. Il y a d’une part le sujet de la mutualisation et de la coordination des actions sur un même territoire. Par exemple, sur le territoire de Bordeaux co-existent à la fois le portail Open Data de la ville, celui de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB) qui est lui-même distinct du portail mutualisé entre la région Aquitaine et le département de la Gironde (datalocale.fr). A Montpellier, deux portails ont été mis en place, celui de la ville et celui de la métropole... Pas certains que les réutilisateurs s’y retrouvent ! Au niveau national, l’association Open Data France rassemble plusieurs collectivités engagées dans la démarche, c’est aussi un lieu pour porter un effort de mise en cohérence des approches, notamment sur l’offre de données et leurs formats techniques. Second sujet, celui de la coordination entre les initiatives de l’Etat et celles des collectivités. La mission Etalab, sous la direction d’Henri Verdier, me semble beaucoup plus ouverte sur le sujet qu’auparavant, du temps du précédent responsable. On peut imaginer que le portail national data.gouv.fr référence les jeux de données publiés sur les portails des collectivités. Par contre, je reste convaincu que les actions d’animation resteront majoritairement locales et propres à chaque territoire, en fonction de son éco-système et de ses objectifs de politique publique. Une belle application du principe de subsidiarité ! Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 154-164 LE GBIF : OUVRIR L’ACCES AUX DONNEES PRIMAIRES SUR LA BIODIVERSITE GBIF FRANCE1 Résumé - Depuis 2001 la communauté internationale s’est organisée en un consortium, le GBIF, pour promouvoir et développer l’accès libre et gratuit aux données primaires sur la biodiversité : spécimens biologiques détenus à travers le monde dans les collections, et observations sur les organismes vivants effectuées sur le terrain. Avec presque 400 millions de données accessibles en Mars 2013, le GBIF est le portail majeur dans ce domaine (data.gbif.org). Il collabore au niveau national avec les autres SI sur la biodiversité et apporte la composante biologique dans les programmes plus globaux sur l’environnement tel que GEOBON. Mots-clés – Biodiversité, données primaires, accès libre Abstract - Since 2001, the international community has established a consortium, the Global Biodiversity Information Facility (GBIF), to encourage free and open access to primary data on biodiversity (specimens in natural history collections, and field observations of living organisms). In March 2013, nearly 400 million data are accessible via the GBIF portal (data.gbif.org), and is the major portal in this domain. GBIF interacts at the national level with other SI on biodiversity and at the international level with large programs on the environment, like GEOBON. Key-words – Biodiversity, primary data, open access NB : Les graphiques présentés dans cette note sont extraits du portail www.gbif.org, et d’un support de présentation réalisé par Samy Gaiji (Senior Programme Officer for Science & Scientific Liaison au Secrétariat du GBIF : [email protected]). INTRODUCTION Les Musées d’histoire naturelle et les grandes institutions détiennent et préservent d’immenses collections indispensables aux travaux d’inventaire, d’analyse et de suivi de la biodiversité, et auxquelles accèdent tous les jours des milliers de L’équipe GBIF France 2013 comprend Anne-Sophie Archambeau (IRD), Eric Chenin (IRD), Marie-Elise Lecoq (MNHN), Pere Roca Ristol (MNHN), et Régine Vignes Lebbe (UPMC) ; GBIF France, MNHN CP 48 - 43, Rue Buffon 75005 Paris – France. E-mail : [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 155 chercheurs à travers le monde localement ou sur Internet. Les organismes observés ne font pas toujours l’objet du prélèvement d’un spécimen déposé dans une collection ; souvent seuls des relevés d’observation sont effectués sur le terrain. Le chercheur doit pouvoir s’appuyer sur les ressources déjà collectées ou observées. Une recherche reproductible, vérifiable, demande de pouvoir relier ses résultats aux données sousjacentes. C’est tout l’enjeu du GBIF que de donner un accès libre, gratuit et efficace à l’ensemble des données primaires (spécimens et observations). 1. LE GBIF 1.1. Mise en place du consortium Il y a une vingtaine d’années, suite à la Conférence des Nations Unies sur la diversité biologique (Rio, 1992), un Forum Megascience de l’OCDE2 sur le thème « Biological Informatics » mesure l’ampleur et l’enjeu des données de biodiversité, et les considère comme ne pouvant relever que d’un effort international (megascience). Un consortium international est alors fondé en 2001 pour promouvoir et coordonner la mise à disposition libre et gratuite via Internet, des informations sur la biodiversité : c’est la naissance du Système Mondial d’Information sur la Biodiversité (en anglais « Global Biodiversity Information Facility » : GBIF). La France signe le protocole d’accord et s’engage dans ce consortium dès sa création, mais ne constitue une équipe nationale qu’en 2006. Aujourd’hui le GBIF compte 58 pays participants (fig 1) et 46 ONG, et il propose un portail (data.gbif.org) qui donne accès à plus de 390 millions de données (fig 2) issues de plus de 11.000 bases de données dans le monde. Figure 1. Pays membres du GBIF en mars 2013 (38 pays votants, 20 pays associés). OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques. Voir http://www.oecd.org 2 156 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 2. Evolution du nombre de données connectées au portail GBIF (en millions). 1.2. Organisation du GBIF Organisé en un réseau de nœuds nationaux et de nœuds associés (ONG), le GBIF est une structure de soutien coordonnée par un secrétariat international basé à Copenhague. Il fournit un portail de recherche, qui permet d’interroger toutes les bases de données connectées au GBIF pour y trouver des spécimens ou des observations par taxon (groupe d’organismes), par pays, par région, et par jeu de données. Il met en oeuvre et développe des standards de données et de métadonnées, des formats d’échange, des référentiels, et des outils d’exploitation, tous développés dans une philosophie de libre accès (open source, open data). Les standards utilisés par le GBIF sont ainsi pour les données le Darwin core et ABCD, et pour les métadonnées EML. Pour plus de détail voir le site du GBIF (www.gbif.org) et aussi le site de TDWG (www.tdwg.org). 1.3. Le GBIF France Le point nodal national relaie en France les efforts du GBIF, rend accessible l'évolution du projet au travers du site http://www.gbif.fr, organise des formations et met à disposition des documents sur les règles de propriété intellectuelle, le nettoyage de données, etc. Le GBIF France a récemment développé un nouveau portail en faisant appel aux technologies NoSQL avec MongoDB, de recherche full-text avec Elasticsearch, JAVA, Javascript/jQuery, et postGIS (voir une démonstration sur http://www.youtube.com/watch?v=U5jQzqERgeg). NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 157 Figure 3. Exemple d’écran du portail GBIF France Le GBIF France interagit en premier lieu avec les fournisseurs de données afin de connecter celles-ci au réseau international (outil de mapping), et avec les utilisateurs de ces données (au travers de formations, conférences, développement de web-services). Il établit le lien entre l’international (GBIF) et un paysage français complexe incluant de nombreux dispositifs de gestion ou d’agrégation de données de biodiversité tels que les BD de collections, INPN (www.inpn.fr), SINP (http://www.naturefrance.fr/sinp), réseau des herbiers de France etc. 2. CONTENU DU PORTAIL ET UTILISATION 2.1 Hétérogénéité des contenus, évaluation des biais Le GBIF consacre actuellement un effort particulier à analyser le contenu du portail et son utilisation. Comme on peut s’y attendre sur un portail généraliste et universel comme celui du GBIF, son contenu est assez hétérogène, et il présente des lacunes et des biais (fig 4). Deux caractéristiques fondamentales du recueil des données d’occurrence peuvent expliquer cet état de fait. D’une part, la dispersion et l’hétérogénéité des dispositifs et des programmes qui recueillent les données d’occurrence, dans leurs trois dimensions : taxonomique, géographique et temporelle. D’autre part, les biais naturels qui affectent les processus de collecte : l’accessibilité par route, piste, ou fleuve ; la priorité donnée à certains territoires (par exemple les espaces qualifiés de points chauds de la biodiversité), ou à certaines espèces (par exemple celles qui intéressent des organisations d’amateurs –ornithologues, entomologistes, orchidophiles, etc.-, ou bien des programmes particuliers –espèces 158 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 sauvages apparentées aux plantes cultivées, vecteurs de maladies, espèces marines exploitées, etc.-). Figure 4. Hétérogénéité des volumes de données selon les groupes taxonomiques. Sur le plan géographique, on constate en particulier que l’on dispose de beaucoup de données sur les zones tempérées et de très peu sur la zone intertropicale. Ceci entraîne le paradoxe suivant : les plus grands volumes de données concernent les espaces où se trouvent le moins d’espèces (fig. 5). NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 159 Figure 5. Distribution paradoxale en latitude des données d’occurrence et des espèces. Le manque de données sur la zone inter-tropicale apparaît de manière particulièrement évidente sur les cartes de densité de données à échelle fine : en dessous de ¼ de degré de maille, le vide de la zone inter-tropicale est patent (fig. 6a à 6c). Figure 6a. Avec un maillage de 1 degré, la distribution des occurrences peut faire illusion. 160 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 6b. Avec une maille de 1/2 degré, le vide entre les tropiques apparaît. Figure 6c. Avec une maille de 1/4 degré, le vide entre les tropiques est patent. On peut remarquer sur ce point que les données disponibles sur cette zone proviennent essentiellement des collections d’histoire naturelle des grandes institutions du Nord, en particulier de celles du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Ces données sont donc anciennes, ce qui donne une profondeur de temps intéressante, mais ne compense pas le manque de données récentes, qui ne pourra être comblé qu’en dynamisant et en modernisant les dispositifs de collecte d’observations dans les pays du Sud. On pourrait pour cela s’inspirer du dynamisme actuel de la collecte de données d’observation au Nord, dont il faut toutefois noter qu’il est très inégal selon les groupes taxonomiques (fig. 7) : plus de données sur les animaux que sur les plantes, et pour les animaux, prééminence des observations d’oiseaux (fig. 4). NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 161 Figure 7. Dynamisme de la collecte de données récentes, inégal selon les taxons. 2.2 Utilisation du portail Pour ce qui est de l’utilisation des données accessibles via le portail GBIF, elle est encore difficile à mesurer. La consultation du portail et le téléchargement de données sont en forte croissance, mais l’utilisation correspondante, qu’elle soit liée à la recherche ou à l’action et à la prise de décision, n’est pas facile à identifier. Quant aux publications scientifiques qui citent le GBIF (mention, discussion, ou données issues du portail ; fig. 8) leur nombre est en forte croissance mais reste faible, notamment comparé aux grands portails thématiques. Une explication pourrait être, au-delà du fait que le portail GBIF est encore assez récent, qu’il est utilisé comme référence universelle pour la découverte de données et pour des opérations de recherche préliminaires -comme par exemple la vérification de la présence d’une espèce dans une zone géographique donnée- ; mais que lorsque l’opération de recherche s’approfondit, elle fait appel à des données spécifiques plus faciles à trouver sur des portails thématiques spécialisés, et que ce sont ces sources qui sont alors citées dans les publications, disciplinaires par nature. Pour permettre de connaître les publications scientifiques en lien avec le portail GBIF, celles-ci sont régulièrement ajoutées à une base publique Mendeley (http://www.mendeley.com/groups/1068301/gbif-public-library/ ). 162 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 8. Publications liées au GBIF dans des revues à comité de lecture Le GBIF fait un gros effort pour mesurer et pour faciliter l’utilisation du portail, et pour favoriser la citation des données. En associant à chaque lot de données téléchargé un texte de citation prêt à être inséré dans la publication éventuelle. Et en intégrant au portail, via des Web services dont le GBIF stimule le développement, des fonctions utiles à l’exploitation des données, comme la production de cartes de distribution des occurrences, ou la modélisation de niche écologique, associée à la production de cartes d’aire de répartition potentielle d’espèces. Il est par ailleurs envisagé d’étendre les données accessibles sur le portail GBIF à d’autres types de données qui augmenteront sa pertinence pour la recherche et pour l’action et l’aide à la décision : par exemple les données d’abondance ou les traits fonctionnels. Cet effort est relayé dans chaque pays membre par le point nodal national. Le point nodal GBIF France y contribue à plusieurs niveaux. Il a mis en place un groupe de travail « utilisateurs » qui réfléchit aux besoins, aux types d’usage et aux moyens de stimuler et faciliter l’utilisation et de la mesurer ; il développe des fonctions spécifiques sur son portail national, en liaison avec le Secrétariat et les autres points nodaux ; et il participe à des programmes qui soutiennent la participation des pays du Sud au GBIF et contribuent à l’extension du portail aux données d’abondance -programmes Sud Expert Plantes (SEP) et SEP Développement Durable (SEPDD) : www.sud-expertplantes.ird.fr-. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 163 CONCLUSION En une dizaine d’années le GBIF a démontré sa capacité à mobiliser les ressources (fig. 2) et à organiser efficacement l’accès aux données primaires, ainsi que la viabilité technologique de son architecture. De nombreux points restent toutefois à améliorer, relatifs notamment à la qualité des données et au retour vers les fournisseurs, à la couverture géographique du portail et aux types de données prises en compte. Une attention particulière doit être portée aux métadonnées, pour les préciser et mieux les exploiter (niveau de précision, contexte de collecte, etc.). Ce point fait l’objet de discussions au sein de groupes de travail. L’hétérogénéité des scénarios conduisant un contenu de BD jusqu’au portail commun peut générer des doublons (en raison des multiples agrégateurs intermédiaires nationaux ou internationaux). Le GBIF a élaboré un protocole pour détecter et traiter certains doublons. Il a aussi émis, en collaboration avec le TDWG3, des recommandations pour la mise en place d’identifiants uniques (Cryer et al., 2009), mais cette mise en place n’en est encore qu’à ses débuts (http://community.gbif.org/pg/groups/1058/persistent-identifiers-interest-group/ ). La motivation de la communauté scientifique à partager ses données repose notamment sur le retour obtenu en termes de publications. En plus de l’incitation à l’utilisation scientifique du portail (Chapman 2005) et à la citation des données, et du recensement des publications, le GBIF a récemment développé en partenariat avec les éditeurs universitaires Pensoft, un outil facilitant la rédaction d’une publication scientifique dont le but principal est de décrire un jeu de données ou un ensemble de jeux de données, plutôt que de rendre compte d’une analyse de recherche. Ces Data Papers (ex. Pierrat et al. 2012), sont une incitation à publier des données de biodiversité en créditant et valorisant sous forme d’une publication reconnue comme telle les efforts réalisés par les scientifiques et les institutions qui rendent accessibles leurs données dans un portail commun. L’analyse des biais et des lacunes dans le portail fait notamment ressortir un manque de données sur la zone inter-tropicale, qui est pourtant la plus riche en espèces. Le GBIF poursuit son effort en faveur de la participation des pays de la zone, récompensé récemment par l’adhésion du Brésil et de plusieurs pays d’Afrique. Sur le plan des types de données, il est aussi envisagé d’enrichir le portail avec des données d’abondance, précieuses pour les estimations de stockage de carbone, et avec des données relatives aux traits fonctionnels, précieuses pour l’étude des écosystèmes. 3 Taxonomic Data Working Group 164 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Aujourd’hui reconnu comme le portail de référence pour les données primaires de biodiversité, le GBIF est partenaire de GEO (http://www.earthobservations.org ) et apporte la composante biodiversité dans les programmes plus globaux sur l’environnement mondial GEOSS / GEOBON. Il est aussi au cœur du dispositif sur lequel s’appuiera l’IPBES4 pour formuler ses recommandations. BIBLIOGRAPHIE CRYER, Phil et al. (2009), Adoption of Persistent Identifiers for Biodiversity Informatics. : GBIF Secretariat publisher http://www.gbif.org/orc/?doc_id=2956&l=en CHAPMAN, A. D. (2005), Les usages des données primaires d’occurrence d’espèces, version 1.0. Trad. Chenin, N. Copenhague: Global Biodiversity Information Facility, 103 pp. http://links.gbif.org/gbif_usages_donnees_manual_fr_v1.1.pdf PIERRAT et al. (2012), Antarctic, Sub-Antarctic and cold temperate echinoid database. ZooKeys 204: 47–52 « International Panel on Biodiversity and Ecosystem Services », équivalent créé en 2012 de ce qu’est le GIECC pour le climat. 4 Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 165-169 INTER-AMERICAN INSTITUTE DATA AND INFORMATION SYSTEM: MAKING DATA AVAILABLE FOR THE IAI COMMUNITY ACHITE LUÍS MARCELO1 The Inter-American Institute for Global Change Research (IAI) is an international institution supported by 19 countries in the Americas dedicated to foster scientific research, international collaboration and creation of networks and full and open exchange of scientific information. In general terms, the institute was conceived because of the need for an international non-governmental and non-profit institution whose main objective would be to support scientific development in the Americas, focusing on the challenge of global environmental and climate changes, as well as be dedicated to pursuing the principles of scientific excellence. In 1992 during the United Nations Conference on Environment and Development (RIO92), global change matter was perceived as one important and critical theme facing the world. Several aspects had driven the discussions on that time, like physical and socioeconomic evidences of global change, changes in rainfall patterns and trends, biodiversity, deforestation, human integration within the environment and changes due to such integration, and other examples. The IAI was created to act as an intergovernmental entity to address global change issues with a regional mandate. It was officially established through an agreement signed in Montevideo, Uruguay on May 13th, 1992. The institute operates as a funding agency, issuing open calls to the scientific communities and creating scientific opportunities for different groups of researchers in the Americas. In general, all countries recognize that global environmental and climate changes represent a threat to a great number of their activities such as agriculture, cattle breeding, fishing and tourism as well as the interaction of man with environment. Furthermore, climate events such as floods, hurricanes, tornadoes and aridity directly affect city infrastructure and require governments to undertake specific actions to prevent, protect against and solve such problems. On the other hand, 1 Inter-American Institute for Global Change Research, http://www.iai.int - e-mail : [email protected] 166 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 environmental and climate changes may also bring benefits to some communities, for example changes in air circulation in the atmosphere may increase rainfall in semi-arid regions, improving the quality of the soil and as a result increasing grain production. During the last years, the Inter-American Institute for Global Change Research has supported and developed different multidisciplinary activities with the direct or indirect participation of various American countries and of more than 1300 researchers in several scientific projects. These activities generate a great number of results such as papers, presentations, administrative, policy and statistical reports, etc. Such results contribute directly or indirectly to the identification of solutions for the problems caused by global environmental and climate changes. Serving as an example of this we can quote two projects hereafter. The first one is project SACC, South-Atlantic Climate Change Consortium. This project was implemented as a collaborative resource network with researchers representing 5 countries, Argentina, Brazil, Uruguay, Chile and USA. The main objective of this project was coordinate and enhance resources in the participant countries in order to advance the understanding of coupled effects of global change and climate variability on oceanic, atmospheric and terrestrial ecosystems of the Western South Atlantic region. Researchers from this project have studied exchange processes between deep ocean and the Patagonian shelf in order to identify trends in ocean circulations and ocean biota. With that matter in mind, they have determined the influence of currents and direct relations in fishery production, as well as the biodiversity of that marine environment. Since that region is a very important fishery area with about two million tons of fish and squid landed by year (3% of world production), this research was extremely important for the fishing businesses of that region, and therefore very useful. This research have contributed directly for the building of a more sustainable and reliable fishing businesses. Another example is project TROPDRY, Human Ecological and Biophysical Dimensions of Tropical Dry Forests. This project was also implemented as a collaborative resource network with researchers from different countries, like Canada, Mexico, USA, Costa Rica, Cuba, Venezuela and Brazil. The main objective of this project was understanding ecology and diversity of Tropical Dry Forests region located in the northern part of the states of Minas Gerais in Brazil. Also the project aimed to know better the climatic and socioeconomic drivers of development and degradation of that region, in order to document trends on the biota of Tropical Dry Forests areas. Researchers from this project have presented years of data on the forest, like remote sensing data, ground observations, satellite data in order to better understand the region and its biological trends. As a directly consequence of these studies, NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 167 thousands of hectares of tropical dry forests in that region are now safe from logging and deforestation. Using information from TROPDRY, the members of the Superior Court of Minas Gerais overturned a state law that altered the status of more than 16,000 square kilometers (6,000 square miles) of tropical dry forests. If that law was put into practice, it had contributed directly for deforestation, the non-sustainable use of that region and the loss of these forests would threat biodiversity and ecosystem services, including weather regulation and water production in Brazil´s second-largest watershed, the São Francisco River. These two examples above, show the importance of having scientific information being translated into policies, environmental reports, and statistical analysis documents in order to help environment as a whole. It is precisely in this area that the data and information system (IAI-DIS) of the Inter-American Institute for Global Change Research has its conceptual foundations. Its main goal is to group information in an organized and standardized way, in order to make this information available for the scientific communities via an internet website and allow people, specially researchers, to find information about the institute’s scientific production and use such information within their own research, as well as use information to solve practical problems, like the examples showed before. The main motivation in creating a system like that, is because we observed that many data produced within our projects began to be hidden as time passed and consequently information were lost. We observed that is was a challenge to obtain information from different sources of data located in several places, and it was necessary to have a system that would allow us to have all this stuff structured. A second point of motivation was based on the roots of the institute, when we tried to fulfill the full and open exchange of scientific information mandate in order to increase the understanding of global change phenomena. With that in mind, we began to search for mechanisms that could allow us to implement that solutions and the system were born. The IAI-DIS is an Internet-based data and information system focusing on data dissemination and contribution. The system has 3 mechanisms (metadata editor, search and retrieval process and harvest process) that together proportionate the fulfillment of its goals (figure 1). 168 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 1. Architecture of the IAI-DIS (Inter-American Institute Data and Information System). The system is being active since 1999 and during this period several reformulations and add-ons were made. Currently the system is based on the Mercury system, developed by the Oak Ridge National Laboratory (ORNL), and each day there is a “harvesting” process running from Oak Ridge that update the database. There are approximately 950 metadata created on the system. Metadata are references to real data which may be available electronically or not or may be accessed locally or remotely. The reference is based on specific fields which classify and organize information according to different criteria. Giving a more detail information, these metadata are XML files created by a specific tool, which are used as base information for the index creation, and captures the basic characteristics of a data or information resource. It represents the who, what, when, where, why and how of the resource. Metadata records include core elements such as title, abstract, publication data, geographic elements such as geographic location. We based our XML files on the FGDC/CSDGM, Federal Geographic Data Committee/Content Standard for Digital Geo-spatial Metadata with some changes and adaptations. CSDGM is the current US Federal metadata standard and since the IAI-DIS structure is similar to Mercury solution, from US Oak Ridge National Laboratory, we decided to follow these standards since the beginning. As soon as the index is updated (once a day), that information is open for all people, that can use the “search and retrieval process” to look for specific information produced within our scientific projects. In terms of data diffusion, as we take part on the Mercury Consortium, from US Oak Ridge National Laboratory, we can reach other institutions through their structure. Since several projects from different institutions are using Mercury structure, both of them can share information and also XML files in order to create a unique repository. Examples of institutions using Mercury are ORNL Distributed Active Center, US Geological Survey, DataOne, Large Scale BiosphereAtmosphere Experiment in Amazonia (LBA), among others. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 169 As a conclusion for our work, we can quote that the adoption of a system like IAI-DIS contributed for the better understanding of what we have and what we produce in terms of data and information. Also, there is a better integration between our researchers, and consequently the creation of collaborative networks are favored. As a final positive point, we can quote that our “legacy” is preserved and information can be reached after years of project closure. WEBOGRAPHY http://www.iai.int http://disbr1.iai.int http://mercury.ornl.gov/iai http://mercury.ornl.gov http://www.fgdc.gov http://www.fgdc.gov/metadata/geospatial-metadata-standards#csdgm Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 170-173 LE SYSTÈME D'INFORMATION DU "RÉSEAU DE CAPTEURS DE TEMPÉRATURE DES EAUX CÔTIERES DANS LA RÉGION DU PACIFIQUE SUD ET SUD-OUEST" HOCDE RÉGIS1 , FIAT SYLVIE2 Le Grand Observatoire de l’environnement et de la biodiversité terrestre et marine du Pacifique Sud (GOPS) informe de l’ouverture du nouveau Système d’Information du « réseau de capteurs de Température des eaux Côtières dans la région du Pacifique Sud et Sud-Ouest (ReefTEMPS) » à la fin du 1er trimestre 2013. 1. LE RESEAU DE CAPTEURS ReefTEMPS est un réseau de capteurs de température sur le domaine côtier d’une vingtaine de territoires et états insulaires à l’échelle du Pacifique Sud, Sud-Ouest et Ouest (Cook, Etats Fédérés de Micronésie, Fidji, Iles Marshall, Iles Salomon, Kiribati, Nauru, Nouvelle-Calédonie, Palau, Papouasie Nouvelle-Guinée, Pitcairn, Polynésie française, Samoa, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Wallis et Futuna, Yap) pour le suivi à long terme du changement climatique et de ses effets sur l’état des récifs coralliens et de leurs ressources. Coordonné par le GOPS et la CPS (secrétariat général de la communauté du Pacifique), ce réseau d’observation implique cinq partenaires gestionnaires de sites et Chef de projet des Systèmes d’informations scientifiques et adjoint au directeur du GIS GOPS, IRD Montpellier, 911 av Agropolis – 34090 Montpellier – e-mail : [email protected] 2 Ingénieur d’Etude au sein de l’UR COREUS de l’IRD, BP A5 98848 Nouméa, NouvelleCalédonie – e-mail : [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 171 producteurs de données : l’IRD3 de Nouvelle-Calédonie, le CNRS/EPHE4 à Mooréa avec l’UMR CRIOBE et le SO CORAIL, l’UNC5, la CPS avec les services des pêches et/ou de l’environnement des différents pays, et également depuis 2012 de l’USPPACE-SD6 à Fidji. Il regroupera 48 sites7, soit 117 stations, fin 2013. 1.1. Les données Les données de température du domaine côtier sont mesurées avec une précision suffisante (au millième de degré) pour mesurer des variations sur le longterme. Les stations les plus anciennes (depuis 1958) permettent de disposer aujourd’hui de séries de mesures continues et de mettre en évidence par exemple, pour le site de l’Anse Vata à Nouméa, une tendance à un réchauffement moyen de +0,11 °C par décennie. Le travail de qualification des données est assuré par les producteurs, les différents niveaux de qualité étant gérés par le système d’information SI-TEC-PSO. Les données issues des 117 stations répartis dans plus de 20 pays et territoires de la région sont rendus disponibles aux utilisateurs sans restriction dès validation. 1.2. Les enjeux de la diffusion Ce système d’information a plusieurs objectifs. Il permet de rendre les données accessibles et validées à la communauté le plus rapidement possible, avec un libre accès. Il assure la pérennité des données dans une logique d'entrepôt ou de centre de données virtuel. Il permet de produire et diffuser des cartes et indicateurs par agrégation de ces données (chronique et tendance par station, cartes régionales de températures côtières, etc.). SI-TEC-PSO alimente également en données (ou s'interface avec) les banques de données nationales (CORIOLIS IRD : Institut de Recherche pour le Développement des pays du Sud : www.ird.fr EPHE : Ecole Pratique des Hautes Etudes. www.ephe.fr 5 UNC : Université de la Nouvelle-Calédonie. www.univ-nc.nc 3 4 USP-PACE-SD: University of South Pacific - Pacific Centre for Environment and Sustainable Development. http://www.usp.ac.fj/ 7 Sites gérés par l’IRD : 17 sites en Nouvelle-Calédonie (dont 2 avec mesure de salinité), 6 sites au Vanuatu, 2 sites en Polynésie française et 1 à Cook (Manihiki). Sites gérés par le CRIOBE : 12 sites en Polynésie française (Marutea, 2xMooréa, NengoNengo, Nuku-Hiva, Raiatea, 2xTahiti, Takapoto, Tetiaroa, Tikehau, Tubuai), 5 sites en Etats “polynésiens” (Wallis, Cook-Rarotonga, Tonga-Tongatapu, Kiribati-Christmas, Pitcairn), 4 sites avec mesure de salinité et 7 avec mesure de pression pour la houle. Sites gérés par l’UNC : 2 sites à Wallis et Futuna. Sites gérés par la CPS : 14 sites, les sites des états de FSM (Etats Fédérés de Micronésie) dont Pohnpei, Kiribati, Papouasie Nouvelle-Guinée (Manus), Tuvalu et Iles Marshall (Majuro) ayant été installés en 2011, ceux dans les états de Samoa, Iles Salomon (Guadalcanal), Nauru, Palau et Tokelau, FSM (Yap), Fiji et Tokelau ayant été mis en place en 2012. Sites gérés par l’USP-PACE-SD : 3 sites à Fidji (6 en prévision pour 2013). 6 172 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 http://www.coriolis.eu.org/), européennes (SeaDataNet http://www.seadatanet.org/), régionales du Pacifique Sud (SOPAC, nœud PI-GOOS http://pi-goos.org/...) avec en particulier le portail ‘Integrated Marine Observing System (IMOS) / Australian Ocean Data Network (AODN)’ porté par le gouvernement australien ( http://imos.aodn.org.au/webportal/) ou internationales. 1.3. Le dispositif de diffusion Le système d'information SI-TEC-PSO est basé sur l'application préexistante DB-Oceano, logiciel de gestion permettant d’importer les données en base et de les exporter au format NetCDF principalement. A cette application sont couplés deux serveurs : un serveur ‘SOS-Oceano’ de données d'observation issues de capteurs ou Sensor Observation Service (SOS), délivrant des services web permettant d’accéder aux données d’observations (Observations and Mesurement) en arrivant par des métadonnées de plusieurs niveaux (DescribeSensors) ; ainsi qu’un serveur de données Thredds Data Server (TDS) basé sur le protocole OpenDAP, un standard permettant d’encapsuler des données grillées, et notamment des jeux de données de type NetCDF, HDF5. D’autres web services conformes à l’OGC sont proposés, dont des services web géographiques WMS (Web Map Service) et les services web catalogue CSW (Catalog Services for the Web), afin de consulter ou extraire les données selon des critères géographiques, temporels, thématiques ou encore qualitatifs. Plusieurs voies de visualisation et d'extraction des données sont offertes aux utilisateurs, pour répondre aux besoins de différentes communautés : le client SOS ‘ReefTEMPS’ de données capteurs, qui offre une visualisation spatiotemporelle des stations, capteurs et données d’observation et via lequel l’utilisateur peut accéder aux fichiers de séries de données, http://data.observatoire-gops.org. le serveur Thredds de SI-TEC-PSO qui peut être attaqué directement, avec des outils tels que Matlab, ou consulté en ligne pour les données descriptives de chaque fichier NetCDF, le service web de visualisation d’une série de données (graphique), qui permet à l’utilisateur de visualiser les données et d’identifier d’éventuels phénomènes ou anomalies dans une logique de premier contrôle visuel, le service web de téléchargement d’une série de données (extraction dynamique et export d’un fichier CSV normé), qui permet à l’utilisateur de récupérer les données brutes, validées pour une plateforme et un niveau de qualité choisi, le service web catalogue CSW, diffusant la fiche descriptive du réseau ReefTEMPS, consultable en ligne ou via des outils catalogues distants. La fiche de métadonnées ReefTEMPS inclus les liens vers les différents services web, http://data.gopsobservatoire.org/geonetwork. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 173 les services web géographiques WMS permettant d’afficher la position de chacune des plateformes, de les différencier, d’en sélectionner une et d’afficher ses principales données descriptives et enfin de renvoyer vers les services associés, http://data.gops-observatoire.org/geoserver. la page d’information sur le portail web GOPS dédiée au réseau ReefTEMPS, http://www.observatoire-gops.org/fr/temperatures-cotieres synthétisant les fonctionnalités mises à disposition par le système d’information SI-TEC-PSO. LES PERSPECTIVES Les données acquises par ce réseau de capteurs ont permis aux chercheurs de préciser les variations de températures du domaine côtier dans cette région du monde sur les dernières décennies. Ces données sont également utilisées par la CPS et les services des pêches et/ou de l’environnement des différents pays à des fins de surveillance et de gestion de leurs littoraux. Ce réseau est d’ailleurs en cours d’extension dans des lagons exploités d’atolls et d’îles en Polynésie française et aux Iles Cook (exploitation de ressources benthiques ou abritant des activités perlicoles) victimes d’épisodes dystrophiques. Techniquement, la plateforme SI-TEC-PSO du réseau d’observation ReefTEMPS a été conçue de manière générique afin de favoriser sa réutilisation par des partenaires ou des projets connexes pour la gestion et la diffusion de données physico et biogéochimiques acquises lors des campagnes océanographiques ou issus des mouillages instrumentés SPOT et MOISE en Nouvelle-Calédonie, des bouées océaniques du SO PIRATA en Atlantique Sud, du SO SSS pour l’océan global, ou enfin des données d’unités de recherche en océanographie côtière ou hauturière (UMR LEGOS, US IMAGO, UMR MIO). Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 174-180 THE FRENCH EXPERIENCE OF ENVIRONMENTAL DATA SHARING: WHY FRANCE SUPPORTED THE INSPIRE EUROPEAN DIRECTIVE ? LEOBET MARC1 1. THE CONTEXT OF THE LATE 1990s When I arrived at the Ministry for the Environment in late 1998, my mission was to disseminate information and maps on natural and technological hazards on the web. The legal framework was designed by a 1989 law that gave every French citizen the right to be informed about the risks that concern himself. Nearly ten years later, its implementation was still barely begun. In the field of natural hazards, but also in others, some politicians were convinced of the importance of environmental issues. The department had it not been created in 1971? He had quickly focused on water management, biodiversity and industrial pollution. But that's an understatement to say that the more ancient departments were not enthusiasts at changing their habits. Public action is already difficult, consider orders from transversal policies related to the environment adds complexity. Disseminate information to the general public is having to explain or justify themselves. It was a lot to ask. However, in the late 1990s, internet arrives in the computers of some makers. The French government launches "Governmental Action Programme for the Information Society" who decides "a state more transparent and efficient, improving the internal performance of the administration and making life easier for the user, via a reorganization, online dissemination of public information and the generalization of remote procedures. " Notably, the Prime Minister was seeking to use the Internet to Chief of French delegation to INSPIRE Regulation Committee, ministry of ecology, sustainable development and energy. E-mail : [email protected] 1 175 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 modernize government. In this context, the tactic was to press the lever of public opinion on the fulcrum of internet to move the government. 2. INITIAL FINDINGS ENVIRONMENTAL DATA OF THE DISSEMINATION OF Internet, in 1998, that was 56Ko/s modems, no standard for IT, except html and jpeg, no user's habits except those acquired on Microsoft Word. Fast enough, the problems of dissemination of environmental information, by a government of a country as large as France, have appeared in four forms: - recovering environmental data in administrations: - First, the cultural reluctance to decide under the gaze of the citizen, that we meet up to today. This is a complex power struggle as data sharing lead to empowerment, and where there will be winners and losers. - and the sense of ownership, for most of the people who produce spatial data, which lead to be reluctant to share "his" data, even within government. - using data: - The heterogeneity of methods of observation or modelling of a phenomena related to the environment lead to an impossibility to compare and mix the data with a high level of reliability; - the infinite variety of type, structure, quality is costly for users, and sometimes prevent re-use; - the absence of information describing the quality (dates, methods, limits of use) drives the users to work blind. - disseminating spatial data: - the cost of reference data, for example large scale maps on which environmental informations are often localized and without which diffusion becomes uneffective; - the absence of standard broadcast on the Internet, which is a major gap for interoperability and make data sharing a headache. - the scarcity of expertise in these specialized fields, which require knowledge in informatics, telecoms AND spatial information. - Appropriation by the citizens: - ergonomics foreign to most users, as internet brings spatial data to new publics (academics, GNO, citizens) - issues of great complexity and a certain limit to the pedagogy of a government (what the data say? What's the point?). 176 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 3. BACK ON THE PATH Ten years of implementation, reinforced by the Aarhus Convention and Directive for the reuse of public sector information (2003) and by the INSPIRE Directive (2007) have helped to change our domain. The French part of the negotiation of INSPIRE was largely driven by our experience of the broadcast. The most notable is probably the change in mindset of many public officials and policy-makers in the dissemination of public information. Since the mid-2000s, the spread of risk maps and other environmental information is no longer considered by some préfets2 as "defense secrets". In early 2011, French Prime Minister has launched a policy of open data and a portal, data.gouv.fr, to expand the transparency of public action in all areas. Of course, after the ratification of the Aarhus Convention, EU rules require that citizens participate in defining decisions about the environment. For this, he must act as an"informed citizen" and therefore have a legal access to all information related directly or indirectly to a plan or program likely to affect the state of the environment, in the most wide. It is perhaps not the only explanation for this development. So, in France, the State has the right to prohibit construction in areas under natural hazards, or to compel owners to build under certain provisions to reduce the risk. Obviously, the owners have the right to challenge in court this attack on private property, protected by the Constitution. In 2005, the analysis of litigation by the Department of Ecology showed that to allow time for consultation and to share information builds a shared diagnosis, and saves time. Indeed, the temptation of some State services to push through, and not to explain the decision, leads more homeowners to challenge the decision. If successful on their part, the procedure is often delayed for several years. Our experience is the more decisions are introduced in advance to the population, the better they are prepared and the better they are applied. Moreover, a profound reorganization of the French State services took place and led to homogenize dissemination practices. Finally, the reference map data became free to public authorities, under the conditions imposed by the INSPIRE Directive. Under the aegis of the European directives (Water Management, Air Quality, Noise, Biodiversity and Flood now), many local information systems, national and European led to harmonize and standardize methods, data structures and databases data. Of course, the Internet has produced many IT standards, including through the Open Geospatial Consortium for the spatial part, and ergonomics, especially after the A préfet is the representative of the national Government in a Département. There are 101 départements in France. 2 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 177 arrival of Google Maps. In recent years, in France, we have produced standards for environmental data not covered by European guidelines. Interoperability has became a more mature stand of standards, although all are not yet hugely deployed. Information systems at local, regional and national levels start to exchange information, although for the moment, these are the information systems of the Department of Ecology who benefit most. The number of users of environmental data has increased significantly, especially in services of local authorities and inside State itself, but also in some private sectors, such as insurance. One consequence of the widespread distribution of environmental data on the internet is the loss of direct communication between producer and user. In most cases, there is not exchange between them. In 2010, a survey of users of French Hydrographic repository told us that 40% of them belonged to local authorities, who do not attend any level of the national information system on water. It was a surprise, naïve afterward, to see so technical data so much used by parties outside the small world of water experts. 4. ABOUT DATA QUALITY IN AN OPEN WORLD We have seen that the computer part of these operations become more standardized. However, in the environmental field, the methods are still varied. Even well-described, they are based on expert scientific body that operators from other areas are struggling to understand. Ontologies are often misinterpreted. How to provide to the user the warnings? Often, the scarcity leads a user to employ a dataset outside the scope of its use, if he found nothing else. In conducting his work knowingly, it is not a particular concern. But if he crosses unwillingly the line of validity, that's all the scientific work, or the planning decision which is wavering. Some of us, in France and Europe, consider that the implementation of the mass distribution of public data must be accompanied by a strengthening of the description of data quality from the perspective of the user. This is the concept of "external quality". At the request of France3, the European Commission organized a first workshop on this subject on March 2010 and at the annual conferences on INSPIRE. Unfortunately, this topic shows little progress: it is not yet well defined by a standard, and the only existing standard on the subject is only applicable by national mapping agencies. Yet it is a subject of work, including the University of Laval (Quebec, Canada) and, in France, the CERTU4, a specialized service of our ministry. During the 5th INSPIRE Committee meeting, the 14th December 2009. La qualité des données géographiques : état des lieux pour un débat, by Gilles Troispoux, 2011. 3 4 178 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Our view is that the next decade must accumulate findings, best practices for describing data sets, but not limited to rare cases of use that is found too often in the literature. We must continue to work on the subject of the external quality and to gain experience in the following decade, to be able to win in usability, after working, and have sometimes beaten, for dissemination. 5. WHAT ARE THE BENEFITS OF THESE POLICIES? As mentioned above, the first is the establishment of a legal framework, more and more precise and binding to reach transparency. However, it seems to induce a behavior of public authorities more open than a real emergence of a citizen consexpertise. While the practice of sharing environmental data are yet to improve, there is no case law which would bring a better understand of the different texts. The 16th of March 2012 , a conference of the State Council5 concluded that the difficulty of defining precisely the concept of public data let the debate open. However, most environmental data are, first, public data. European legislation requires many impact studies before starting a project on a territory. Every practitioner knows that 30 to 60% of the time of the study is spent to find, to get and to understand relevant data. The downloading of data, along with their metadata and a license simple, clear and stable, thus resulting in productivity gains. All available studies (Catalonia, UK, New Zealand, France) also show the very high profitability of a spatial data infrastructure (SDI). In France, following the Government, the implementation of an IDS following the rules of the INSPIRE Directive would create 29,000 jobs per year6. The most interesting, perhaps, for the geographer, was highlighted in the study of Catalonia7, updated. It shows that the establishment of a SDI has reduced the gap in accessing to environmental services among residents of affluent communities and those living in poorer communities. Access to services such as information on risks or a faster authorisation to build through the use of information systems provide competitive advantages to the most advanced communities. The sharing of this infrastructure allows territories, especially in rural areas, to better fight against the population loss. This is one reason for major investment of the French departments in the deployment of high bandwidth networks at home. Le patrimoine immatériel des personnes publiques - Colloque organisé par le Conseil d’État à l’École nationale d’administration. 6 La directive Inspire pour les néophytes, F. Merrien & M. Leobet (3e édition décembre 2011). 7 The Socio-Economic Impact of theSpatial Data Infrastructure of Catalonia, JRC reports, 2008 5 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 179 However, these investments for the pipes are often difficult to extend to content. The problem of infrastructure is that it worths only by providing new services to the people or decision makers. Despite existing studies, often theoretical, the actual economic benefits remain unknown. In times of economic crisis, how to convince decision makers to invest the hundreds of thousands of dollars needed? Our answer is that the SDI should answer first the concerns of policy makers and citizens. It is obvious, but rarely explicite. The first priority could be to help drivers of SDI to build it according to the rules of art, and the most important are standards compliance and dissemination of good metadata. These elements should be explained to individual producers, and primarily metadata, simply for the proper use of their environmental data, at least by their own scientific colleagues. To help it, we maintain since 2009 a French "INSPIRE for Dummies"8. Furthermore, the French National Council for Geographic Information has produced technical guidelines about metadata of both datasets9 and network services10, and one guide about the management of federating catalogs11. Now, the French SDI is enough reliable to allow the French President François Hollande to announce12, in March 2013, a national geo-portal for Urban Planning. This geo-portal will be build on the SDI, getting spatial datasets from municipalities and publics operators, and will be a tool for transparency and efficiency and, by the way, for the protection of our environment. A CONCLUSION? Less than two years ago, the French National Council for Scientific Research (CNRS) realized that its funded works suffered from the same problems as those cited in this article. Data management should be improved in a sensitive context where scientists have to retain their data to progress in the scientific competition and to share it to enrich the collective thinking. A “mixed service unit”13 for supporting research units has been created: its priorities include the preservation, creation of INSPIRE pour les néophytes V, MEDDE/MIG, 2011, http://georezo.net/blog/inspire/files/2011/12/La_directive_Inspire_pour_les_neophytes_V 3.pdf 9 Le guide de saisie des éléments de métadonnées INSPIRE v1.0, CNIG, décembre 2011 : http://inspire.ign.fr/sites/all/files/guide-saisie-metadonnees-inspire_prj12_1.pdf 10 Le guide de saisie des métadonnées de service INSPIRE v1.0, CNIG, décembre 2012, http://inspire.ign.fr/sites/all/files/guide_saisie_elements_metadonnees_inspire_services_10.pdf 11 Guide de gestion des catalogues de métadonnées INSPIRE , CNIG, août 2012, http://inspire.ign.fr/sites/all/files/guide_saisie_elements_metadonnees_inspire_services_10.pdf 12 http://www.gouvernement.fr/gouvernement/en-direct-des-ministeres/vingt-mesuresphares-pour-le-logement 13 UMS 3468 - Database on Biodiversity, Ecology, Environment and Societies (BBEES) 8 180 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 catalogs and metadata, and dissemination. It is not without interest that it be housed in the Natural History Museum, a center of global environmental information. This experience illustrates that we are still to unite specialists and professionals. The relationship between humans and their environment are more complicated to explain, and this complexity often leads to mapping more or less happy, more or less oriented. No technical innovation will solve this. So what? Our experience is that this educational role is sometimes occupied by the State, but it is not always credible. It could be that dissemination of data aims mainly to feed mediators between professionals and citizens... or policy makers. They already offer, often, analysis and put into perspective the terabytes of information now available on Europe. Of course, they will sometimes be politically directed or will distort our and your information. But, in these matters, the role of a SDI must just be to ensure access to data, and to be neutral in putting forward scientific analysis. That is all, but that is huge, and that is the law of democracy. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 181-189 LA DIFFUSION DE L’INFORMATION SUR LA BIODIVERSITE EN FRANCE. L’EXEMPLE DE L’INVENTAIRE NATIONAL DU PATRIMOINE NATUREL (INPN) PONCET LAURENT1 1. LE CONTEXTE L’inventaire du patrimoine naturel est institué pour l'ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin par le code de l’environnement (L411-5). Le ministère en charge de l’écologie en assure la gouvernance globale, définit les objectifs et organise un système de partage de l’information. Il a ainsi organisé la mise en place d’une part du Système d’Information sur la nature et le paysage (SINP) qui organise la production et la diffusion des informations sur la biodiversité française et, d’autre part, de l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB) qui a pour objectif d’établir des indicateurs robustes et compréhensibles par le plus grand nombre afin d’orienter les actions en faveur de la biodiversité. Pour assurer la mise en œuvre de cette politique, le ministère s’appuie sur un ensemble d’établissements publics dont le Muséum national d’Histoire naturel (MNHN) qui a la responsabilité d’assurer la cohérence scientifique et la diffusion consolidée de l’information au niveau national depuis 2002 (code de l’environnement L 411-5). Au sein du MNHN, le Service du patrimoine naturel (SPN) à la charge de cette mission en lien étroit avec d’autres unités du muséum. Il s’appuie également sur un ensemble de partenaires nationaux ou régionaux, notamment les directions régionales de l’environnement (DREAL), les établissements publics et les associations productrices de connaissance. Le SPN assure ainsi un rôle de coordonateur technique et scientifique national pour la plupart des programmes nationaux. Pour organiser, structurer et diffuser l’information, le SPN a mis en place depuis 2003 un système d’information global : l’inventaire national du patrimoine naturel (INPN) Directeur adjoint du Service du Patrimoine naturel au Muséum national d’Histoire naturelle Coordinateur de l’INPN. MNHN 36 rue G. St Hilaire 75005 Paris. E-mail : [email protected] 1 182 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 dont la partie visible est le site internet de l’INPN (http://inpn.mnhn.fr) en ligne depuis 2005. 2. LES OBJECTIFS L’INPN a pour objectif de répondre aux questions quoi ?, où ? quand ? sur la thématique biodiversité et géodiversité française. Le « Quoi » correspond au patrimoine naturel au « sens large » c'est-à-dire la faune, la flore, les habitats, les espaces protégés et la géologie. Le « Où » correspond au territoire français : la métropole et l’outre-mer et aussi bien la partie terrestre que marine Le « Quand » correspond à toutes les périodes de la vie : bien sûr et en priorité les périodes contemporaines mais également les périodes protohistoriques. L’objectif « générique » est donc de connaître le nom (la taxonomie, la syntaxonomie, la géologie), la localisation, le statut… de la biodiversité et géodiversité française et ainsi de connaître l’évolution de ces différents paramètres dans le temps et dans l’espace. Pour illustrer cet objectif, l’INPN vise à pourvoir répondre, au niveau national, aux questions du type : quelles espèces, habitats, éléments géologiques sont présents en France et où ?, quels statuts (indigénat, réglementaire, menace…) ? Quelles répartitions et leurs évolutions ? Quelles taxonomies ? … Quels types d’espaces protégés ou réglementés? Où sont-ils…? 3. LES PROGRAMMES Pour répondre à ces questions, l’INPN s’appuie sur un ensemble de programmes dont l’information est standardisée, consolidée et gérée au niveau national, en lien étroit avec les partenaires. Il est donc nécessaire de développer des méthodologies d’acquisition, de gestion et de contrôle mises en œuvre au sein de cet ensemble et gérées par le système d’information. Il est important de rappeler succinctement les objectifs et les enjeux de chacun de ces programmes, afin de bien comprendre le « périmètre » et les « moyens » mis en œuvre pour parvenir aux objectifs principaux décrits précédemment. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 183 Les programmes sont ici regroupés en trois catégories : Les listes de référence (référentiels) Les référentiels « espèces » dont le référentiel taxonomique national « TAXREF » qui est au centre du dispositif puisqu’il est la « colonne vertébrale » de la partie biodiversité spécifique. L’objectif est ici de réaliser un référentiel taxonomique partagé, complet et cohérent sur l’ensemble du territoire français en s’appuyant autant que possible sur les référentiels internationaux afin d’assurer une cohérence globale. Il compte actuellement 123 407 espèces et plus de 263 756 synonymes ainsi que la taxonomie supérieure (Gargominy et al., 2013). En complément de ce programme, est développé le référentiel des réglementations sur les espèces. Ce dernier tient à jour les statuts réglementaires des espèces et comprend aujourd’hui 142 textes juridiques du niveau régional à international. Chaque espèce a ainsi son ou ses statuts réglementaires cohérents avec l’évolution de la taxonomie (Gargominy et al., 2013). Au-delà de la réglementation, il est également nécessaire de connaître les statuts de menace associés aux espèces présentes sur le territoire français. Le programme des listes rouges nationales a ainsi été déployé depuis 2008 en partenariat entre le comité français de l’Union International pour la Conservation de la Nature (UICN, MNHN, 2008). Actuellement, il a permis d’évaluer plus de 3000 espèces dont tous les vertébrés de métropole. Ce travail est bien sûr mis en relation avec les statuts européens et mondiaux de l’UICN et permet d’établir la responsabilité Française. Pour prendre en compte la part de plus en plus grandissante du suivi des écosystèmes dans les processus de connaissance, des référentiels communément appelés « habitats » sont aujourd’hui disponibles. Face à la multiplicité des besoins liée à la conservation des espaces naturels, il n’existe plus de 15 types de nomenclatures disponibles dans le cadre de l’INPN ainsi que, pour partie, leurs correspondances (http://inpn.mnhn.fr/programme/referentiels-habitats). Enfin, les différents types des référentiels géographiques sont également disponibles (http://inpn.mnhn.fr/telechargement/cartes-et-informationgeographique). L’ensemble de l’information de ces programmes, est consultable en ligne et en téléchargement. Cela permet aux partenaires de les intégrer dans leurs systèmes d’information aussi bien pour leur processus d’acquisition (outils de saisie), de gestion (base de données spécifique) ou de diffusion de la connaissance (site internet, rapport de synthèses…). L’objectif est donc de partager des listes de références communes et de structurer l’information pour mieux l’échanger. 184 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Les zones à enjeux Les gestionnaires de la nature tentent de cartographier les zones à enjeux pour la biodiversité. L’objectif de l’INPN est ici de structurer cette information et de la diffuser. Il y a tout d’abord les espaces d’inventaire, et notamment le programme français historique, initié il y a plus de 30 ans : les « ZNIEFF 2». Ce programme a pour objectif d’identifier et de décrire des zones présentant de fortes richesses écologiques ou biologiques et un bon état de conservation (ELISSALDE-VIDEMENT L., et al. 2007). Actuellement, ce programme compte plus de 17 000 zones avec leur évaluation (richesse, menace, cartographie…). L’ensemble de l’information validée au niveau national est disponible sur l’INPN3. Un programme visant à inventorier les zones à enjeux pour la géologie est également en cours de développement : l’Inventaire national du Patrimoine Géologique (InPG). Ensuite viennent les espaces « réglementés », en commençant par le programme inventoriant les « espaces protégés ». Il recense et consolide tous les espaces « réglementés 4 » français soit 13 types d’espace différents et plus de 2800 sites. Ce programme a plus de 15 ans et permet notamment le rapportage européen dans le cadre du Common Database on Designated Areas (CDDA) géré par la commission européenne. La méthodologie de ce programme est disponible dans la partie spécifique à ce programme sur l’INPN (http://inpn.mnhn.fr/programme/espaces-proteges/methodologie). L’ensemble des informations est disponible en ligne et les cartographies associées en téléchargement et service web. Enfin, le programme Natura 2000, qui est au cœur de la politique de conservation de la nature de l’Union européenne, a pour objectif d’identifier un réseau cohérent permettant d’assurer la survie à long terme des espèces et des habitats listés dans les directives européennes « habitat faune flore» et « oiseaux ». Actuellement 1753 sites sont identifiés dont le contenu est disponible sur l’INPN et les cartographies associées en téléchargement et service web. Une évaluation des espèces et des habitats a lieu tous les 6 ans, ce qui correspond d’ailleurs à un programme spécifique sur l’INPN dont le prochain compte-rendu sera envoyé à la commission européenne en juin 2013 (Bensettiti et al., 2012) Les répartitions Le troisième type de programme a pour objectif de définir les répartitions des espèces et des habitats présents sur le territoire français. Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique il a existé également le programme ZICO, non développé ici. 4 Qui ont pour objectif la conservation de la biodiversité et de la géodiversité sur le territoire français 2 3 Historiquement, NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 185 Le programme communément appelé « inventaire national » est le premier d’entre eux. Il a pour objectif d’établir des cartes de répartition actuelles et validées, en général sur un maillage 10km (Touroult et al., 2012). Ce programme s’appuie largement sur les réseaux référents par groupe taxonomique et a également comme objectif d’identifier le manque de connaissance pour certains groupes d’espèce. Actuellement, 14 millions de données sont utilisées pour l’établissement de ces cartes de répartition. Même si cela parait beaucoup, c’est encore loin d’être suffisant pour connaître la répartition des 123 407 espèces inventoriées sur le territoire national ! En parallèle de ce programme, un atlas de répartition départementale a été mis en œuvre depuis 2012 afin d’identifier les répartitions actuelles des espèces (Haffner et al., 2012). Ce programme est pragmatique (une centaine de département contre plus 5 600 mailles 10km) et répond bien aux enjeux des espèces les moins connues. C’est en quelques sorte une version simplifiée des inventaires nationaux qui a pour avantage d’être maintenu à jour plus facilement et donc plus fréquemment. Enfin, un programme spécifique sur les périodes archéologiques a également été initié en 2010. Il a pour objectif d’établir les répartitions anciennes des espèces à partir de données de fouilles archéologiques (http://inpn.mnhn.fr/programme/inventairesespeces). Concernant les habitats, un vaste programme de cartographie (CARHAB) a débuté en 2011. Les données de ce programme seront également disponibles dans le SINP et la restitution sera faite sur l’INPN. 4. LE CONCEPT Comme dans tout système d’information, l’INPN repose sur un ensemble organisé de ressources qui sont avant tout des« données », du matériel, des ressources humaines mais également sur des procédures et des « logiciels ». Ce système permet ainsi l’acquisition, la standardisation, la mutualisation, la qualification, le traitement et la diffusion de l'information de ces programmes. Comme on a pu le voir dans la présentation des programmes, les données sont multiples et complexes. Tous ces programmes ont des objectifs différents et ils ont donc des méthodologies, des organisations et des partenaires spécifiques. - Les trois enjeux principaux de l’INPN sont donc une structuration de l’information sur une base commune (interopérabilité) quelque soit le programme ; un contrôle (validation) de l’information avant diffusion ; une « présentation » compréhensible de l’information et des axes de consultation multiples. 186 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 4.1. La structuration de l’information L’information de ces programmes a été structurée afin qu’elle respecte les mêmes principes généraux. Chacun de ces programmes doit ainsi avoir une méthodologie possédant une description des processus « métiers » et des standards de données. Ils doivent également partager les mêmes référentiels (espèces, habitats, géologiques, géographiques…). Enfin, ils ont chacun une ou des instances de gouvernance et une logique de consolidation et de diffusion dans le cadre de l’INPN. Dans le cadre d’un groupe de travail du SINP, et afin d’améliorer la traçabilité et d’éviter les doublons, nous travaillons sur la mise en place d’un standard d’échange comprenant une identification unique des données. Ce travail est mené par le MNHN et le GBIF5 France et associe plusieurs partenaires producteurs de données. 4.2. La contrôle de l’information La qualification de l’information qui est appliquée dans le cadre de l’INPN dépend du contexte et des objectifs. Les contrôles, au niveau national, sont spécifiques à chacun des programmes et sont principalement utilisés pour vérifier que la « donnée » est cohérente par rapport à la méthodologie et au contexte, notamment par rapport à l’information « connue ». Associée à ces contrôles nationaux, il peut exister une validation par des experts partenaires du programme que ce soit au niveau régional et/ou national. Ces experts sont en général spécialisés dans une « thématique » ; c’est par exemple le cas des conservatoires botaniques nationaux pour la flore ou de la Fédération des conservatoires d’espace naturel pour certains types d’espace protégé. Enfin, il faut rappeler le rôle important des Conseils Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel (CSRPN) dans le rôle de « validateur régional » pour plusieurs programmes. 4.3. Mode de diffusion Dans le cadre de l'INPN, l’ensemble de l’information des programmes est diffusé, ce qui devient complexe et pas toujours facile à appréhender. Il a donc été décidé, et cela dès l’origine de l’INPN, de développer une plate-forme web de diffusion avec une consultation la plus conviviale possible. L’interrogation peut ainsi se faire sur le portail web avec deux axes de consultation principaux: par programme ou par des entrées transversales à tous les programmes: espèce, espace, collectivité, habitat…. Par ailleurs, les usages étant multiples, il est proposé plusieurs modes d’accès à l’information : consultation portail web, téléchargements, exports, service web (WMS, XML…) Dans le cadre d’un groupe de travail du SINP, le MNHN et les partenaires travaillent en ce moment aux critères de diffusion de données sensibles. L’objectif est ici d’établir une liste d’espèces et d’habitats qui pourrait dont les occurrences pourraient ne pas être diffusées pour cause de menace potentielle liée à cette diffusion. Cela étant, il faut garder en tête que la non diffusion de l’information reste 5 Global Biodiversity Information Facility NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 187 exceptionnelle car aujourd’hui la biodiversité est plus menacée par méconnaissance de leur présence, que l’inverse. Par ailleurs, toute la donnée diffusée dans le cadre de l’INPN est publique ou «assimilée » (pas de restriction de la donnée au-delà de la sensibilité). Enfin, l’équipe de l’INPN travaille avec le GBIF France pour que les données d’occurrence soient diffusées au niveau international et à l’inverse pour que les données concernant le territoire français mais détenues par des institutions étrangères puissent alimenter l’INPN. 5. PROBLEMATIQUES GENERALES Il n’est pas simple de résumer en quelques phrases toutes la complexité et les problématiques générales de la gestion et la diffusion de la connaissance en biodiversité et géodiversité française. Les quelques points développés ci-après sont donc forcément réducteurs. Nous avons choisi de développer trois points qui nous semblaient emblématiques des « problématiques générales ». Premièrement, la question des échelles de travail et d’agrégation. En effet, les besoins du niveau local ne sont pas forcément ceux du niveau national ou international. Pour illustrer ce propos, nous pouvons utiliser le cas du référentiel taxonomique national. Il existe par exemple des besoins différents concernant la fréquence ou la priorité des mises à jour. Cela peut concerner également l’échelle de restitution cartographique des programmes espaces : des besoins locaux peuvent nécessiter des cartographies à grande échelle, par exemple au 1/5000ème, alors qu’au niveau national, une cartographie au 1/25000ème est souvent préconisée pour des questions de mise en œuvre et de cohérence nationale. Ce grand écart « méthodologique » est trop souvent réglé par un compromis ou par les principes de réalité sans discussion fondamentale. Par ailleurs, les contextes métropolitains et ultras-marins sont très différents et maintenir les mêmes méthodes est parfois difficile bien qu’utile pour assurer une cohérence nationale. Enfin, en multipliant les acteurs à différents niveaux, le risque d’une variabilité d’application des méthodologies ou d’états d’avancement est trop souvent rencontré. Une autre problématique est d’ordre « technique ». En effet, dans la mise en œuvre des échanges de données, il apparait bon nombre de situation théoriquement non identifiées. Par exemple, la multitude des acteurs6 implique qu’ils n’ont pas tous la même technicité et les mêmes approches, ce qui pose des problèmes importants pour échanger des données en respectant des standards établis. Cela nous conduit à Beaucoup d’acteurs de la biodiversité française sont « bénévoles » dans le cadre d’associations et il est ainsi difficile d’imposer des méthodes de travail « strictes » ou des conditions de diffusion de la donnée cohérente avec les objectifs. 6 188 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 beaucoup de dialogue au coup par coup, ce qui implique une gestion longue et pas toujours cohérente avec les prévisions. Pour autant, nous avons souvent remarqué à posteriori que nous ne réussissons pas toujours à identifier les problèmes de fond. Et, comme cela a été indiqué précédemment, cela nous conduit à augmenter la standardisation de l’information, ce qui a pour conséquence de réduire sa richesse et sa variabilité. Important dilemme ! Enfin, la société s’étant emparé de la problématique « biodiversité », notamment depuis le Grenelle de l’environnement de 2007, il est aujourd’hui difficile de bien connaître les attentes concernant la diffusion de la connaissance en biodiversité. En effet, au-delà de la sphère des partenaires et des acteurs proches, nous connaissons « mal » les autres acteurs et donc leurs besoins et usages d’information en biodiversité. Pour avancer sur ce point, nous avons mis en place un comité d’orientation de l’INPN en 2011 qui a pour objectif de nous conseiller sur les grands axes de développement de nos programmes. Par ailleurs, l’INPN étant visité mensuellement par plus de 100 000 visiteurs, nous travaillons en 2013 avec le CNRS, dans le cadre d’un stage de Master 2, pour mieux connaitre les usages et les besoins sur les données environnementales. Les premiers résultats de ce travail devraient nous permettre de mieux prendre en compte les multiples attentes de la société sur la diffusion de la connaissance ! Pour terminer, il est important de noter que l’amélioration qualitative et quantitative de la production, la gestion et la diffusion de la donnée biodiversité en France est importante même si les objectifs étant «immenses, il est difficile d’estimer la « complétude » actuelle. Les acteurs de la connaissance en biodiversité travaillent aujourd’hui de façon plus partenariale et les collaborations entre les différents réseaux historiquement séparés, notamment les gestionnaires et les chercheurs, n’ont jamais été aussi riches. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 189 BIBLIOGRAPHIE BENSETTITI F., PUISSAUVE R., LEPAREUR F., TOUROULT J., MACIEJEWSKI L. (2012), Evaluation de l'état de conservation des habitats et des espèces d'intérêt communautaire - Guide méthodologique - DHFF article 17, 2007-2012. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'histoire naturelle, Paris, 76 p. [http://inpn.mnhn.fr] rubrique documentation ELISSALDE-VIDEMENT L., HORELLOU A., HUMBERT G., MORET J. (2007), Guide méthodologique sur la modernisation de l'inventaire des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique. Mise à jour 2007. Coll. Patrimoines Naturels. Muséum National d’Histoire Naturelle. Paris. [http://inpn.mnhn.fr] rubrique documentation GARGOMINY, O., TERCERIE, S. DASZKIEWICZ, P., REGNIER, C., RAMAGE, T., DUPONT, P., VANDEL, E. PONCET, L. (2013), TAXREF v6.0, référentiel taxonomique pour la France. Méthodologie, mise en œuvre et diffusion. Rapport SPN/MNHN, 92 pages. Avril 2013. [http://inpn.mnhn.fr/downloads/taxref-docs/TAXREFv6.0.pdf] GARGOMINY, O., DEMONET, S., 2013. La protection juridique des espèces biologiques : gestion de l'information, diffusion sur l'INPN. Rapport SPN/MNHN, 26 pages. Avril 2013. [http://inpn.mnhn.fr/downloads/especes_protegees/protections_08042013.pdf] HAFFNER P., TOUROULT J., DA COSTA H., PONCET L., 2012. Atlas de la biodiversité départementale et des secteurs marins : Rapport méthodologique – version 1.1. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'histoire naturelle, Paris, 9 p. [http://inpn.mnhn.fr] rubrique documentation TOUROULT J., HAFFNER P., PONCET L., GARGOMINY O., NOEL P., DUPONT P., SIBLET J-P. (2012), Inventaires nationaux d’espèces : définitions, concepts, organisation et points clés. Rapport méthodologique version 1. Service du patrimoine naturel, Muséum national d'histoire naturelle, Paris, 26 p. [http://inpn.mnhn.fr] rubrique documentation UICN, MNHN (2008), La Liste rouge des espèces menacées en France - Contexte, enjeux et démarche d’élaboration. MNHN/UICN. [http://inpn.mnhn.fr/docs/LR_FCE/Liste_rouge_France_contexte_enjeux_et_demarc he.pdf] Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 190-194 FEDERATION DE BOTANISTES, SYNTHESE DE CONTRIBUTIONS CITOYENNES ET TRANSFERT DE LA CONNAISSANCE NATURALISTE : L’EXEMPLE DE L’ASSOCIATION TELA BOTANICA MONTAGNE DELPHINE1 Résumé – Tela Botanica est une association dédiée à la botanique. Elle s’appuie sur Internet et les nouvelles technologies pour développer un réseau naturaliste francophone. Cette note rappelle sa construction, ses particularités techniques et organisationnelles. Ces dernières ont permis son succès et le développement de projets pluri-thématiques au service de la connaissance naturaliste. naturaliste Mots-clés – Réseau botanique, réseau francophone, crowdsourcing, communauté Abstract – Tela Botanica is an association dedicated to botany. It relies on the Internet and new technologies to develop a French naturalist network. This note recalls its construction, technical and organizational features. Which have enabled the success and development of multithematic projects in the service of naturalist knowledge. community Key-words – Botanical network, francophone network, crowdsourcing, naturalist INTRODUCTION L’association Tela Botanica, la « toile des botanistes », est un réseau francophone de botanistes représentant 85 pays et recensant 20 000 inscrits en avril 2013. Ingénieure d’étude au CNRS UMR ARTeHIS (6298). Maison des Sciences de l'Homme de Dijon-6 esplanade Érasme - BP 26611 21061 Dijon cedex. Tel : 03.80.39.35.96 - e-mail : [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 191 1. HISTORIQUE Fondée en 2000 à Montpellier (34) l’association se fixe pour objectif de créer des liens entre botanistes francophones. Elle met à la disposition du public des données naturalistes libres de droits, collectées dans un cadre collaboratif, préservant ainsi des savoirs botanistes à forte valeur économique. Implantée dans une ville au riche passé botanique, elle a été créée par trois associations reconnues (la Garance voyageuse, la Société Botanique de France et l’Association pour la Connaissance et l'Étude du Monde Animal et Végétal) et une personne morale, son président actuel, Daniel MATHIEU. Elle s’appuie dès sa création sur les travaux scientifiques botaniques de bénévoles, avec le soutien financier de mécènes et du dispositif des emploi-jeunes. Tela Botanica a pout but de fédérer des botanistes géographiquement autour d’une plate-forme informatique commune. dispersés 2. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES A ses débuts liste de diffusion, Tela Botanica compte en mai 2013 un site Internet2 relais de l’information botanique francophone, plusieurs bases de données regroupant données naturalistes, images, cartes de répartition, référentiels… et une centaine de forums-projets. Au cœur du dispositif, le participant entre dans son « Carnet en ligne » les données botaniques recueillies sur le terrain. L’interface de saisie s’articule en deux onglets, « Observations » et « Images ». Figure 1. Copie d’écran de l’interface de saisie du Carnet en ligne. 2 Site Internet consultable à ce lien : http://www.tela-botanica.org 192 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Le « telabotaniste » entre la donnée naturaliste dans le premier onglet : flore prédéfinie par le référentiel choisi, date et localisation (au choix par coordonnées géographiques, pointage sur une application géographique ou par saisie de la commune. Il est possible d’enrichir la donnée, par exemple avec la phénologie ou des notes. La saisie du taxon entraîne l’apparition dans le panneau de droite d’une illustration de la fiche eflore qui propose carte et photo. Le panneau de gauche filtre les données par dossier « localités », « dates » et « projets ». Le second onglet « Images » permet l’ajout des photos et de les lier aux données saisies. Afin de valoriser ses données personnelles, de nombreux outils (flux RSS, champs personnalisables, widgets…) sont proposés par le site Tela Botanica. Ces valeurs ajoutées à la donnée fidélisent le telabotaniste et entraînent une dynamique de saisie régulière. Les données peuvent, selon le choix de l’utilisateur, être intégrées à la fiche eflore et rejoindre les 288 0003 données publiques. L’ensemble des participations collectives (crowdsourcing), est regroupé pour obtenir l’information botanique connue mise à disposition librement sous la licence Creative Commons. Tela Botanica reprend également les données de bases externes. Ses données sont moissonnées par le GBIF qui les diffuse au niveau mondial. Bien référencée dans Google, Tela Botanica s’appuie sur son dynamisme, par exemple par des concours brefs (« l’image du mois »), sa réactivité par des actualités hebdomadaires ou son adaptation aux technologies pour se positionner comme relais majeur de l’information botanique. 3. CARACTERISTIQUES ORGANISATIONNELLES L’association s’est appuyée à ses débuts sur plusieurs écrits pour expliquer son modèle d’organisation. Tela Botanica a puisé dans La Cathédrale et le bazar (RAYMOND, 1999) pour expliquer son pragmatisme, son efficacité, sa complexité et sur la théorie des fractales et les travaux de Jean-Michel CORNU (CORNU, 2004) pour mettre en place l’articulation des acteurs entre eux. Les valeurs du Réseau Ecole et Nature ont été mobilisées et, plus récemment, la licence Creative Commons pour l’utilisation, la réutilisation et la diffusion des données. Selon les analyses de Tela Botanica au 20 août 2013 : 288 469 publiques sur les 423 849 données entrées sur le Carnet en ligne. 3 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 193 Les contributeurs de Tela Botanica regroupent des savants et des novices4. Les premiers aident les nouveaux arrivants dans la détermination des plantes décrites et photographiées dans un esprit de partage. Ils se réunissent autour de « projets » collectifs visant à produire, sur une thématique discutée et choisie, un résultat exploitable par les adhérents du réseau pour des études scientifiques (étude de la biodiversité, suivi des changements climatiques…) en partenariat avec des chercheurs (CNRS, Muséum National d’Histoire Naturelle). L’association participe également au développement d’outils d’aide à la détermination des plantes, en partenariat avec des scientifiques, dans le cadre du projet Pl@ntNet financé par la fondation Agropolis. L’association emploie dix-huit salariés chargés de l’animation, de la modération, des systèmes d’information et du réseau botanique. Cinquante « membres relais » bénévoles maillent l’ensemble du territoire français dont une majorité se localise dans le sud de la France. Tela Botanica est reconnue au niveau national par le Ministère de l’écologie et du développement durable qui l’associe pour les référentiels botaniques. A l’échelle européenne elle participe à la mise en place des index botaniques. Au niveau international, elle est présente de manière privilégiée en Afrique du Nord francophone. Son président souhaite qu’ainsi structurée et forte de ses données, Tela Botanica soit reconnue scientifiquement et puisse ouvrir davantage de discussions en français dans un monde botanique essentiellement anglophone. 4. PERSPECTIVES D’EVOLUTION Très engagée dans la diffusion non-commerciale des données, Tela Botanica travaille sur un partenariat avec le Conservatoire d’Espaces Naturels du LanguedocRoussillon, les Ecologistes de l’Euzières et Biotope pour mettre en place un projet de développement d’une charte pour la diffusion libre des données naturalistes. Elle vise une meilleure fluidité dans la diffusion des données en utilisant les outils de moissonnage développés par le GBIF. Son développement francophone passe par la mise en place d’un projet « Afrique du Nord ». Débutant en juin 2013 par un colloque à Tunis, il vise à mieux identifier et connaitre tout le potentiel botanique de cette région. Selon les analyses d’avril 2013 des données entrées dans 1500 profils, 40% sont débutants et 30% ont une bonne pratique de la botanique pour un âge moyen de 43ans : http://www.telabotanica.org/actu/article5663.html 4 194 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 L’association met dès à présent à disposition des documents botaniques numérisés. Elle souhaite rendre accessible en ligne l’ensemble des données bibliographiques en français depuis 1850, en partenariat avec les associations éditrices. L’objectif de connaissance de Tela Botanica a permis à l’association de développer des formations de botanique à l’université de Montpellier. Elle souhaite l’étendre à l’échelle nationale. CONCLUSION Tela Botanica propose un support technique fédérateur en botanique qui modifie la production des données et leur diffusion. Regroupant toutes les générations de botanistes, ce réseau renouvelle et maintient des connaissances naturalistes en langue française. Forte de son organisation et de la reconnaissance de son expertise, le réseau des botanistes souhaite gagner une place plus importante au niveau mondial dans la connaissance naturaliste. Merci à Daniel MATHIEU, président de l’association Tela Botanica, pour l’entretien complémentaire qui a permis l’enrichissement de cet article et pour sa relecture attentive. BIBLIOGRAPHIE CORNU J.M. (2004), « La coopération, nouvelles approches », version 1.2, 123p. Licence creative Common MATHIEU D. (2002), « Les réseaux coopératifs, l’expérience de Tela Botanica. Analyse du fonctionnement après trois années d’activités », 25p. MONTAGNE D. (2011), « Les données localisées en accès libre sur la biodiversité en France », mémoire de Master 1, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne soutenu le 5 juillet 2011, 95p. Dont entretien de Madame MOUYSSET du 23/03/11, directrice de Tela Botanica. RAYMOND E. (1999), La cathédrale et le bazar, O'Reilly Media, 16p Société Botanique de France, La Garance Voyageuse, Association pour la Connaissance et l'Étude du Monde Animal et Végétal, MATHIEU D. (1999), « Charte fondatrice du réseau Tela Botanica », 4ème version, 8p. Consultable librement : http://www.tela-botanica.org/sites/reseau/fr/documents/charte.pdf « Statuts de l’association Tela Botanica, adoptés lors de l’assemblée générale du 31 mars 2007 », Montpellier, 6p. Consultable librement : http://www.telabotanica.org/sites/reseau/fr/documents/Statuts_Tela_310307.pdf Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 195-199 LE SYSTEME NATIONAL DES DONNEES BIOLOGIQUES, MINISTERE DE LA SCIENCE, LA TECHNOLOGIE ET L’INNOVATION PRODUCTIVE D’ARGENTINE DAMBORENEA CRISTINA1, ROMERO EDGARDO2 INTRODUCTION Appréhender la biodiversité de notre planète demeure l’un des plus grands défis auxquels les biologistes restent confrontés à l’heure actuelle. Les spécimens préservés dans les collections consacrées à l’histoire naturelle figurent parmi les sources les plus consultées pour connaître la diversité des espèces. Pendant longtemps, les informations contenues dans ces collections et l’accès à ces dernières étaient l’apanage d’experts associés à des institutions spécialisées, qui géraient lesdites collections de façon informelle. À la fin du XXe siècle, les collections biologiques ont commencé à être mises à la disposition de la communauté scientifique, des dirigeants publics, des enseignants et du grand public, car les progrès des techniques de numérisation ont permis de sauvegarder les informations archivées. Dans ce contexte, certaines institutions argentines comme l’institut de botanique Darwinion (IBODA) et le muséum argentin des sciences naturelles « Bernadino Rivadavia » (MACN) ont entrepris de promouvoir l’organisation, la normalisation et la numérisation des collections biologiques à la fin des années 1990. Grâce aux initiatives individuelles de plusieurs conservateurs, des institutions ont commencé à œuvrer en faveur de la coordination interne, mais aussi externe, en s’alliant aux collègues d’autres institutions. C’est essentiellement l’expérience positive d’autres pays en matière de numérisation qui a motivé le lancement de ce projet, car ils ont montré la puissance et le potentiel, pour les activités de recherche, de la gestion des bases de données contenues dans les collections de divers musées et instituts. Museo de La Plata, Facultad de Ciencias Naturales y Museo, Universidad Nacional de La Plata. Paseo del Bosque s/n, 1900 La Plata, Argentina. [email protected] 2 Museo Argentino de Ciencias Naturales, Av. Ángel Gallardo 470, C1405DJR, Buenos Aires, Argentina. 1 196 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 En 2001, une grande base de données sur les espèces a été lancée à l’échelle mondiale : la Global Biodiversity Information Facility (GBIF, http://www.gbif.org/index.php?id=269). Le MACN a contacté des chercheurs participant à ce dispositif afin de contribuer à cette initiative au nom de l’Argentine et de rassembler les informations de centaines de collections argentines grâce au réseau national de collections biologiques (RNC, Red Nacional de Colecciones Biológicas) qui est dirigé par le MACN ; cette opération a commencé en 2003. Ce réseau a été d’abord été créé de façon informelle par des institutions et des chercheurs qui avaient besoin d’une réponse à la question suivante : où se trouvent les collections biologiques existantes ? Des centaines de collections ont commencé à être ajoutées au RNC, mais avec un degré de participation variable, notamment en raison de divergences selon les disciplines et les expériences des organismes. Cette première étape a permis à l’Argentine de participer au projet intitulé « Seed Fund » du GBIF, un programme de subvention dédié aux initiatives de moyenne ampleur. Si les sommes allouées n’était pas très élevées, le « Seed Fund » a été la première subvention consacrée à la numérisation des collections biologiques en Argentine et elle s’est avérée cruciale pour découvrir de nombreuses collections et réunir des conservateurs venus de tout le pays. Au cours de cette expérience, le RNC s’est rendu compte que le GBIF était suffisamment flexible pour accepter des projets adaptés aux besoins spécifiques des collections argentines. Par ailleurs, mettre en lumière l’existence d’un nombre considérable d’espèces et de spécimens sans aucune référence, à l’époque, a souligné la valeur de l’héritage des collections de données biologiques aux yeux de la communauté scientifique. En se plaçant sous la houlette du GBIF, le RNC a pu obtenir le soutien d’autres organisations, comme l’Agence japonaise de coopération internationale (AJCI) et le programme ibéro-américain de science et technologie pour le développement (CYTED, Programa iberoamericano de ciencia y technología para el desarrollo). Ce travail a toutefois révélé deux problèmes. D’une part, la faible reconnaissance des scientifiques engagés dans des missions liées à la création, la maintenance et la diffusion de collections et de données biologiques. D’autre part, la continuité des financements devant permettre de mener à bien le travail de numérisation et de conservation, ainsi que de veiller à sa durabilité. 1. CREATION DU SYSTEME BIOLOGIQUES (SNDB) NATIONAL DE DONNEES Heureusement, un contexte favorable à l’identification et la résolution de problèmes liés à la collecte de données est apparu suite à la création du ministère des Sciences, de la Technologie et de l’Innovation productive (MinCyT) en 2007. Dans le NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 197 cadre des nouvelles politiques promues par le MinCyT, le système national de données biologiques (SNDB, Sistema nacional de datos biológicos) a été créé en juin 20093, en vue de rendre accessibles et visibles les collections biologiques. La création du SNDB a donné un nouvel élan à la première expérience du RNC et a permis sa réorganisation, de façon à optimiser ses liens et ses relations, à créer de nouvelles occasions d’échanger des données en toute confiance entre les différents fournisseurs institutionnels et à renforcer la conviction selon laquelle le processus de numérisation devait se poursuivre et se développer en Argentine. À cet égard, le SNDB a incarné les premiers signes d’une politique scientifique globale devant répondre aux besoins des collections biologiques. Les principaux objectifs du SNDB sont les suivants : • Promouvoir l’échange d’informations par le biais d’un réseau national de données biotiques. • Négocier et adopter des politiques communes sur la qualité et la diffusion des données. • Renforcer et améliorer l’accessibilité des informations, ainsi que leur mise à jour. • Conférer un renom international aux données biologiques argentines grâce à leur diffusion sur des réseaux virtuels. • Promouvoir et consolider des conditions adaptées de maintenance et de gestion des collections ; contribuer à la formation de ressources humaines. • Prodiguer des connaissances de base sur la biodiversité au grand public, conformément à des règles et procédures claires. 2. STRUCTURE INTERNE DE L’ORGANISATION Le SNDB a un conseil consultatif composé d’experts qui représentent toutes les institutions nationales dédiées à la recherche scientifique et au développement technologique, ainsi qu’une centaine d’universités qui ont une place au conseil interinstitutionnel sur les sciences et la technologie (CICYT, Consejo interinstitucional de ciencia y tecnología). Le conseil consultatif est l’organe qui discute des projets, priorités et activités liés à la numérisation des données sur la biodiversité, puis qui les évalue. Il est responsable de l’analyse des candidatures des institutions qui se proposent de rejoindre le SNDB et d’ajouter leurs collections à ce système ; ces institutions déposent par ailleurs des demandes d’aide financière. Le conseil consultatif est également l’organe consultatif permanent du MinCyT concernant les décisions relatives, entre autres, à la conception et à la coordination des programmes de formation ou à l’application de normes, protocoles et procédures pour le contrôle qualité des données. 3 SNDB : http://www.datosbiologicos.mincyt.gob.ar/ (en espagnol) 198 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Le SNDB compte aussi un secrétariat de coordination qui constitue le cœur administratif responsable des processus d’adhésion et de subvention, ainsi que du portail national4 permettant de visualiser les données. 3. DETAILS TECHNIQUES Le logiciel du portail de données du SNDB a été fourni par le GBIF, qui a également apporté une aide technique à son installation et à sa gestion. Ce portail permet un accès direct à des données issues de diverses sources, ce qui facilite les requêtes taxonomiques et géographiques, et aide les institutions à perfectionner la normalisation dans le cadre du traitement des données. En termes de normes, le SNDB a adopté les recommandations internationales relatives à la gestion de données émises par le GBIF, profitant ainsi de son expérience considérable et de ses principes directeurs, qui étaient suffisamment flexibles pour être adaptés aux besoins de l’organisation de données au niveau local. Il faut noter que le portail du SNDB s’appuie sur un système distribué composé d’un nœud central situé au MinCyT qui héberge la base de données unifiée, de façon à ce que les institutions qui fournissent des données partagent les mêmes normes globales. Ce type de dispositif permet aux institutions de conserver leurs données et le nœud central est responsable de proposer un accès à ces dernières grâce au portail. Le SNDB compte actuellement 37 institutions et un total de 161 collections composées de divers types d’objets numériques issus de différentes régions argentines. Ces collections comprennent environ 11 millions d’espèces. Le SNDB a des lignes spécifiques de financement pour le renforcement des bases de données grâce à la subvention d’équipement informatique et de ressources temporaires dédiées à la numérisation, ainsi que d’activités de formation. Ainsi, le nombre d’entrées répertoriées sur le portail augmente progressivement à mesure que de nouveaux projets sont mis en œuvre. Au début de l’année 2012, le conseil consultatif a autorisé l’ajout des groupes de données d’observation au portail du SNDB, approfondissant ainsi la portée des politiques nationales relatives à la préservation des données et au libre accès à ces dernières. 4 http://datos.sndb.mincyt.gob.ar/portal/welcome.htm (en espagnol) NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 199 4. DROIT INTERNE ET BASES DE DONNEES EN LIBRE ACCES En mai 2012, la Chambre des représentants du Congrès national argentin a voté un projet de loi du MinCyT en vertu duquel tous les centres nationaux de recherche qui reçoivent des fonds publics devront créer des bibliothèques numériques officielles en accès libre dans lesquelles les chercheurs devront répertorier les résultats de leurs travaux. Parmi les productions scientifiques à publier dans les bibliothèques numériques, on compte les articles techniques et scientifiques, les thèses universitaires, les articles parus dans les revues spécialisées, les données brutes, ainsi que d’autres résultats issus des travaux financés par des fonds publics et menés par des chercheurs, des technologues, des professeurs ou des étudiants en master, doctorat ou postdoctorat. Les conditions d’interopérabilité pour les bibliothèques numériques seront définies par le système national des bibliothèques numériques (SNRD, Sistema nacional de repositorios digitales), une autre initiative du programme des bases de données (Programa de grandes instrumentos y bases de datos) lancé par le MinCyT, dont le but est de faire en sorte que la production scientifique soit en accès libre sur un portail national unique. 5. REUSSITES ET PERSPECTIVES D’AVENIR Ces dernières années, la communauté scientifique a compris l’importance de la numérisation et de l’accès aux informations relatives à la biodiversité grâce au portail de données, et ce dans le cadre de procédures normalisées. La création du SNDB et de son portail ont contribué à la préservation, l’accès et la visibilité des données biologiques. Le SNDB a également aidé à mettre en lumière la reconnaissance nécessaire du travail mené par les conservateurs, qui sont fidèles et dévoués à leurs deux missions : la gestion physique et numérique des collections, qui constituent une source cruciale d’informations. Le SNDB, qui fait partie des grandes politiques lancées par le MinCyT pour organiser le système scientifique national, devra relever de nouveaux défis pour continuer à augmenter la quantité de données publiées sur le portail, ainsi que le nombre d’utilisateurs pour qui cet outil est en train de devenir l’une des principales sources d’informations consultables sur la biodiversité. Afin de parvenir à cet objectif, le MinCyT continuera à fournir des équipements, consentir des efforts et offrir des financements pour travailler avec toutes les institutions de recherche, quelle que soit leur taille, afin de préserver et diffuser les informations relatives à l’héritage biologique de l’Argentine. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 200-204 THE NATIONAL BIOLOGICAL DATA SYSTEM, MINISTRY OF SCIENCE TECHNOLOGY AND INNOVATION OF PRODUCTION OF ARGENTINA DAMBORENEA CRISTINA1, ROMERO EDGARDO2 INTRODUCTION To know our planet's biodiversity remains one of the great challenges that still face biologists today. The specimens preserved in the collections of Natural History are one of the most consulted sources in order to know the diversity of species. The information of and access to those collections was known or handled informally and exclusively by experts from specialized institutions. By the end of the twentieth century, biological collections started to become available for the scientific community, public managers, educators and society in general thanks to technological advances in digitization of the information stored. In this context, some Argentine institutions such as the Darwinion Institute of Botany (IBODA) and the Argentine Museum of Natural Sciences "Bernardino Rivadavia" (MACN) took the initiative to promote the organization, standardization and digitization of biological collections in the late nineties. From individual efforts of some curators, institutions began to work in both directions: internal coordination and external articulation with colleagues from other institutions. The main motivation to begin this task of digitization was the positive experience in other countries showing the power and the potential for the research activity of managing databases with the information of collections from various museums and institutes. Museo de La Plata, Facultad de Ciencias Naturales y Museo, Universidad Nacional de La Plata. Paseo del Bosque s/n, 1900 La Plata, Argentina. [email protected] 2 Museo Argentino de Ciencias Naturales, Av. Ángel Gallardo 470, C1405DJR, Buenos Aires, Argentina. 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 201 In 2001, a large global database of species started to be fostered worldwide: the Global Biodiversity Information Facility (GBIF; http://www.gbif.org/index.php?id=269). The MACN contacted researchers involved in this facility to allow the Museum to participate in this initiative as the Argentine Node and to nucleate information of hundreds of collections of our country through the so called Red Nacional de Colecciones Biológicas, RNC (National Network of Biological Collections) in 2003, led by MACN. This network was formed informally by institutions and researchers who needed an answer to the following question: Where can the existing biological collections be found? Hundreds of collections started to be included in the RNC network but with uneven involvement mainly due to differences between disciplines and institutional experiences. This first experience allowed our country to participate in the GBIF’s “Seed Fund” sponsored program for medium-sized projects. Although amounts assigned were not big, the "Seed Fund" was the first grant for digitizing biological collections in our country and was crucial to identify the existence of numerous collections and to reunite curators nationwide. Throughout this experience, the RNC learned that GBIF was flexible enough to accept projects adapted to the specific needs of Argentine collections. Also, making visible the existence of a huge number of species and specimens with no references to that time highlighted the heritage value of the biological data collections to the scientific community. By participating as GBIF node, the RNC received support from other organizations such as the Japan International Cooperation Agency (JICA) and the Ibero-American Program of Science and Technology for Development (CYTED). But this work also revealed two problems. On one hand, the low recognition of scientists engaged in tasks of generation, maintenance and dissemination of biological collections and data. And on the other hand, the continuity of funding to carry out and ensure a sustainable work of digitization and preservation. 1. CREATION OF THE NATIONAL SYSTEM OF BIOLOGICAL DATA Fortunately, a favourable context for the assumption and solving of problems associated to the data collections would open with the creation of the Ministry of Science Technology and Innovation of Production of Argentina (MinCyT) in 2007. Within the framework of the new policies promoted by the MinCyT, the System of Biological Data was created in June 20093, in order to provide accessibility and visibility to biological collections. The creation of the SNDB revitalized and 3 SNDB : http://www.datosbiologicos.mincyt.gob.ar/ 202 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 reorganized that first experience of the RNC, making the most of its ties and links and generating new opportunities for data exchange based on trust between institutional providers and reinforcing the belief that the digitization process should continue and multiply in Argentina. The SNDB meant, in this sense, the first signs of a scientific policy of articulation to answer to the needs of biological collections. The SNDB's main objectives are: • To promote the exchange of information through a biotic nationwide data network. • To discuss and agree joint policies on data quality and distribution. • To Increase and improve the accessibility of information and to keep it updated. • To provide international renown to biological data produced in the country through its dissemination in virtual networks. • To promote and consolidate appropriate conditions of maintenance and management of collections, contributing to the training of human resources. • To provide basic knowledge of biodiversity to the general public, under clear rules and procedures. 2. ORGANIZATIONAL STRUCTURE The SNDB has an Advisory Council composed of experts representing all national institutions of scientific research and Technological development and over a hundred universities represented on the Inter-institutional Council on Science and Technology (CICYT). The Advisory Council is the body that discusses and evaluates projects, priorities and activities on digitization of biodiversity data. It is responsible for assessing applications of the institutions that voluntarily wish to join this National System and add their collections to the SNDB portal as well as to apply for financial aid. It is also the permanent consultative body of the Ministry to decisions concerning, inter alia, the design and coordination of training programs or the application of standards, protocols and procedures for the data’s quality control. The SNDB also counts on a coordinating secretary as the central node that administers the joining and granting processes, as well as the national portal4 that allows visualization of the data. 3. TECHNICALITIES The SNDB Data Portal software was provided by GBIF as well as technical assistance for installation and administration. This portal allows direct access to data 4 http://datos.sndb.mincyt.gob.ar/portal/welcome.htm NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 203 from different sources facilitating taxonomic and geographic search and helping institutions to enhance standardization in processing data collections. Regarding standards, the SNDB adopted international recommendations for data management coming from GBIF, taking advantage of its large experience and of its guidelines that were flexible enough to be adapted to the needs of local organization of data. It’s important to note that the SNDB Portal is based on a distributed system consisting of a central node located at the MinCyT and which hosts the unified database ensuring that data providers, the Institutional nodes, share general standards. This kind of system allows institutions to keep their data and the central node is responsible for providing access to them through the Data Portal. SNDB is currently composed of 37 institutions with a total of 161 collections with various types of digital objects and from different regions of our country. These collections have approximately 11 million records of species. The SNDB has specific funding lines for strengthening databases through subsidizing computing equipment and temporary resources for digitization, as well as training activities. Thus, the number of records in the Portal is increased gradually as projects are implemented. At the beginning of 2012, the Advisory Council decided to allow the accession of observational data groups to the SNDB Portal deepening the scope of national policies on preservation and open access to information. 4. NATIONAL LAW AND OPEN ACCESS REPOSITORIES The House of Representatives of the National Congress of Argentina approved last November 2013 a bill promoted by the MinCyT that requires to all the national research centres that receive public funds, to create institutional open access digital repositories in which researchers should deposit their research results. The scientific production to be published in digital repositories includes technical and scientific papers, academic theses, journal articles, primary data, among other results reached through publicly funded research activity by researchers, technologists, teachers, students of master, doctorate and post-doctorate careers. Interoperability conditions for digital repositories will be established by the National System of Digital Repositories (SNRD), another initiative of the Ministry’s Program of Databases to ensure open access to the scientific production from a unique national portal. 204 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 5. ACHIEVEMENTS AND FUTURE PROSPECTS In recent years the scientific community has taken hold in the importance of the digitization and access to biodiversity information through data portal under standard patterns. The creation of SNDB and its portal has collaborated to preservation, access and visibility of biological data. The SNDB has also helped to point the needed recognition to the work of curators since they are devoted and dedicated to both tasks, physical and digital management of collections that are a crucial source of information. SNDB, as part of one of the main policies of the Ministry to articulate the national scientific system, will have to face new challenges to keep increasing the number of data published in the Portal, as well as the number of users to whom this tool become one of the most important sources of consultation on biodiversity. To achieve this goal, the commitment of MINCYT is to continue offering facilities, initiatives and funds to work with all research institutions, regardless of their size, aiming to preserve and disseminate the information of biological heritage of Argentina. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 205-212 LE SYSTEME D’INFORMATION SUR LA BIODIVERSITE DE L’ADMINISTRATION DES PARCS NATIONAUX ARGENTINS LIZARRAGA LEONIDAS1, GROSS MIGUEL2, CANTARELL FABIANA2, SUREDA ANA LAURA1, CAMPOS MARIANA3, BENESOVSKY VIVIANA4, CERESOLI NATALIA4, LIPORI MARIANA3, CEBALLOS MAXIMILIANO5, CARP ANABELLA5, DOMININO JAEL5, RAYMUNDI DALMA4, LAMUNIERE DANIEL BARRIOS2, GUZMAN ATILIO4, PASZKO LORENA4 INTRODUCTION Le système d’information sur la biodiversité (SIB, Sistema de Información de Biodiversidad) de l’administration des parcs nationaux argentins (APN, Administración de Parques Nacionales) a été lancé en 2002, avec le soutien du Global Environment Fund (GEF) dans le cadre du Projet de préservation de la biodiversité mené par l’État argentin. Le dispositif, abrégé en SIB-APN, est composé d’un ensemble de bases de données thématiques et d’un système d’information géographique : son objectif est d’appuyer les décisions en matière de gestion des zones nationales protégées en Argentine et de fournir des informations au grand public. Delegación Regional Noroeste, SIB-APN Nodo Noa, Administración de Parques Nacionales, Capital, Salta, Argentina. 2 Delegación Regional Patagonia, SIB-APN Nodo Patagonia, Administración de Parques Nacionales, Bariloche, Río Negro, Argentina. 3 Dirección Nacional de Conservación, SIB-APN Nodo Casa Central, Administración de Parques Nacionales, Capital Federal, Buenos Aires, Argentina. 4 Delegación Regional Noreste, SIB-APN Nodo Nea, Administración de Parques Nacionales, Salta, Argentina. 5 Delegación Regional Centro, SIB-APN Nodo Centro, Administración de Parques Nacionales, Salta, Argentina 1 206 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Actuellement, le programme du SIB-APN collecte, stocke, organise et met à disposition sur son site Internet des données issues d’activités techniques, scientifiques et administratives menées au sein des zones protégées à l’échelle nationale par l’APN. 1. HISTOIRE ET CONTEXTE L’Argentine a transposé la Convention sur la diversité biologiques (Nations Unies, 1992) dans le droit national grâce à la loi n°24 375, qui stipule à l’article 7d « la nécessité de maintenir et d’organiser les informations issues de la surveillance et de l’identification des éléments qui composent la biodiversité sur Terre ». Afin de contribuer à la réalisation de cet objectif, l’APN a créé le SIB, avec le concours financier du Global Environment Fund (GEF). Le principal objectif du projet était de « veiller à préserver la biodiversité ayant une importance mondiale », mais également : a) développer et diversifier le système de l’APN, pour y inclure les écorégions argentines qui ont la plus grande importance à l’échelle mondiale mais qui ne sont pas correctement protégées ; b) créer les conditions favorables à une gestion durable grâce à plusieurs mesures : renforcer les institutions grâce à des investissements ; améliorer les mécanismes relatifs à la consultation et à la participation du public ; améliorer la gestion des informations liées à la biodiversité. » Pour relever ce dernier défi, l’APN a créé le dispositif intitulé « Gestion des informations sur la biodiversité » dans le but de « proposer aux organismes nationaux et internationaux un accès immédiat aux informations pertinentes en matière de biodiversité pour la prise de décisions relative à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité. » Puisque l’APN est l’organisme dont la mission est de veiller à la conservation de la biodiversité dans les zones protégées à l’échelle nationale, le SIB-APN a été créé pour collecter, classifier, ordonner et publier des informations biologiques pertinentes pour la préservation des zones protégées, en premier lieu celles qui relèvent de sa juridiction, mais potentiellement toutes celles que compte le système fédéral. À l’origine, la programmation du système s’est appuyée sur l’expérience de la Délégation nationale de Patagonie qui a conçu à partir des années 1980 des systèmes de gestion des données à l’échelle régionale, comme la Banque de conservation des données (BDC-DRP), le Plan d’inventaire, le SIRAT, etc. Pour assurer le fonctionnement du SIB-APN, un bureau a été créé à la Direction nationale pour la conservations des zones protégées (DNCAP, Dirección Nacional de Conservación de Áreas protegidas), à Buenos Aires, ainsi que dans chaque délégation régionale (située à Salta pour le nord-ouest, à Iguazú pour le nord-est, à Córdoba dans le centre et à Bariloche en Patagonie). Par ailleurs, un serveur Internet a été installé pour gérer les bases de données et un portail Internet a été lancé NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 207 (www.sib.gov.ar) afin de permettre l’accès aux données, qu’elles soient restreintes au personnel de l’APN ou destinées au grand public. En 2007, suite à la disparition des sources de financement externes, l’APN a institutionnalisé le système afin d’assurer la continuité du projet. Enfin, en 2008, le SIB-APN a fait l’objet d’une réorganisation afin d’améliorer son fonctionnement, son design et son accessibilité. Parmi les grands changements opérés, on peut citer la mise à jour du serveur, une évolution du système d’exploitation et des langages de programmation, la conception d’un nouveau portail ainsi que d’un gestionnaire de contenus et d’un administrateur de bases de données complètement adaptés à la mise en ligne de données. 2. CARACTÉRISTIQUES ET FONCTIONNALITÉS DU SYSTÈME 2.1. Organisation Le SIB-APN fonctionne à l’échelle régionale : chaque centre met en ligne des données à partir d’un gestionnaire web accessible depuis n’importe quel ordinateur connecté à Internet ; chaque bureau est en général composé d’au moins deux personnes, l’une chargée de la base de données thématique et l’autre du système d’information géographique. L’organigramme est complété par un coordinateur général qui assure la liaison entre les différents centres et un service de coordination informatique, chargé de la programmation du système et de l’intégration de nouveaux outils et de nouvelles bases de données. 2.2. Caractéristiques techniques du SIB-APN Le SIB-APN fonctionne grâce à des logiciels libres, ce qui garantit une architecture solide et sécurisée et permet d’échapper aux coûts élevés des licences : le système d’exploitation LINUX CentOS, le serveur web Apache, le serveur géographique MapServer et l’afficheur p.mapper, des bases de données programmées sous MySQL, POSTGRE et PHP. En termes de programmation, le SIB-APN est composé de deux éléments fondamentaux : 1) un environnement de développement et de téléchargement de données, c’est-à-dire le GESTIONNAIRE de contenus, dont l’accès est protégé par mot de passe ; il permet de mettre en ligne des données depuis n’importe quel poste connecté à Internet, facilitant ainsi la mise à jour permanente des informations publiées et la consultation de données sensibles ; 2) un environnement de production, le PORTAIL, qui permet un accès libre, gratuit et simple, et qui est adapté à la navigation et la consultation pour le grand public. 208 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 2.3. Informations sur la biodiversité Actuellement, les types de données suivants sont intégrés au SIB-APN : Données bibliographiques : références (date et localisation géographique) des espèces présentes dans des zones protégées, mentionnées dans des publications scientifiques, de vulgarisation, dans des rapports internes et externes, dans des thèses, etc. Données d’observation : données sur la présence et/ou l’abondance d’espèces, de façon systématique ou non, enregistrées par les gardes des parcs, les techniciens de l’APN et/ou des spécialistes affiliés à d’autres institutions au sein des zones protégées ; il faut y ajouter certaines données relatives à la botanique et aux spécimens de collections. Fiches descriptives sur les espèces : taxonomie, caractéristiques générales, catégories de conservation, images, sons, cartes de répartition, etc. Fiches descriptives sur les zones protégées : catégories de conservation, données administratives, superficie, images, cartographie, couches géographiques, listes des espèces à valeur spéciale, écorégions, etc. Projets de recherche : description générale, rapports et données d’ordre administratif sur les permis accordés pour réaliser des missions de recherche scientifique au sein des zones nationales protégées. Ressources naturelles : description de sites et d’objets ayant une valeur culturelle dans les zones protégées ; informations sur leur gestion et maintenance. Documents de référence : on intègre également aux archives des documents d’intérêt général, souvent très demandés par le grand public. Recensements des activités, des logements et de l’éducation des personnes qui vivent dans les parcs nationaux. Grâce à la nature dynamique du portail, toutes les données sont mises à jour automatiquement à mesure qu’elles sont téléchargées grâce au gestionnaire de contenus. Pour consulter ces données, on trouve en haut de la page du portail un navigateur taxonomique et trois principaux champs de recherche (pour les zones protégées, les espèces et les sources), ainsi qu’un nouvel outil : la recherche avancée dans les archives biologiques. Par ailleurs, une rubrique au centre de la page d’accueil du portail permet de publier les nouvelles et nouveautés sur les zones protégées et la biodiversité ; sur le côté droit, on trouve une sélection de fiches d’espèces et une carte développée grâce à Google Maps qui montre la répartition des zones nationales protégées. Sur la gauche, un menu propose des liens permettant d’accéder à de nouvelles applications et à de NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 209 nouveaux outils, ainsi qu’à des informations institutionnelles sur le SIB-APN et d’autres pages complémentaires. Le SIB-APN compte notamment les applications et outils publics suivants : documents de référence. recherche avancée dans les archives biologiques. inventaires des espèces biologiques classées par zone protégée et source d’information. base de données sur les recherches scientifiques menées dans les zones protégées par l’APN. cartographie interactive et téléchargement de fichiers de forme. collections et recensements. sons d’animaux. 2.4. Système d’information géographique (SIG) Le SIB-APN a publié sur le portail un grand nombre de cartes thématiques des zones nationales protégées et a créé des cartes interactives ainsi que des outils pour le téléchargement des fichiers de formes géographiques qui contiennent ces données. D’un point de vue institutionnel, le développement d’une cartographie s’appuyant sur un SIG et les données sur la biodiversité ont facilité l’élaboration de cartes consacrées à de nombreuses thématiques (milieux, infrastructures, chemins, topographie, etc.) et ont contribué à la réalisation d’analyses spatiales multiscalaires ainsi qu’à la production d’informations permettant d’appuyer la prise de décisions. 3. LE SIB-APN AUJOURD’HUI : FORCES, FAIBLESSES ET DÉFIS L’une des principales forces ayant contribué à la mise en œuvre du SIB-APN est l’apport financier externe considérable qui a permis, dans un premier temps, de développer le dispositif tout en étant libre de quasiment toute contrainte en termes de ressources humaines et d’équipement. Il faut également noter l’existence d’un flux constant d’informations fournies par le personnel de l’APN et les membres de la communauté technique, scientifique et naturaliste. 210 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 En outre, l’équipe permanente de programmeurs s’est avérée essentielle, car elle a assuré l’intégration de nouveaux outils et bases de données ; avec le concours de professionnels spécialistes de la biodiversité, il a été possible de veiller constamment à la mise à jour, la maintenance et la croissance du SIB-APN. Enfin, l’un des autres points forts est l’interaction avec d’autres dispositifs internationaux (le GBIF, par exemple) ou nationaux (SNDB6), qui a permis ou qui permettra à l’avenir l’échange de données, d’outils et de ressources. Cependant, c’est un aspect dont le développement doit se poursuivre. Parmi les faiblesses faisant obstacle au fonctionnement optimal du SIB-APN, il faut noter le manque de diffusion, formation ou accès à Internet d’une partie des utilisateurs, ainsi que les coûts additionnels engagés pour intégrer de nouveaux langages de programmation et de nouveaux outils informatiques. S’agissant du nombre d’utilisateurs du SIB-APN, environ 600 000 visites ont été recensées au cours de l’année passée. Si aucune description détaillée des usagers externes du SIB-APN n’a été réalisée, différents types de requêtes sont toutefois reçues par courriel ou en personne. Elles peuvent être classées de la façon suivante : Demandes d’informations plus détaillées émises par des étudiants de divers niveaux. Requêtes et contributions de la part de la communauté scientifique et technique, gouvernementale ou non gouvernementale, en vue de l’élaboration de plans, projets et/ou pour l’échange de fichiers de formes géographiques. Contributions et requêtes de la part de naturalistes et du grand public, sous la forme de données et de photographies, ou pour proposer une collaboration sur divers projets, etc. Pour conclure, on peut ajouter que les services d’informations proposés par le SIB-APN ont favorisé l’établissement de liens non seulement externes (avec d’autres institutions et le grand public), mais aussi internes, qui contribuent à la croissance du dispositif grâce à l’apport et à la demande d’informations. Pour cette raison, ces dernières années ont vu la mise en œuvre de nouvelles bases de données sur des thèmes très variés : registres et recensements d’espèces biologiques, collections de musées, permis de recherches, recensements de populations, ressources culturelles, espèces exotiques, etc. Si actuellement, le SIB-APN organise et publie surtout des informations relatives aux zones nationales protégées, il commence à intégrer des données sur les zones protégées relevant d’autres juridictions (provinciales, municipales, privées). 6 Système national de données biologiques NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 211 Dix ans après son lancement, le SIB-APN a atteint les objectifs suivants : − Publier près de 140 000 références sur des espèces qui se trouvent principalement dans des zones nationales protégées et qui sont le résultat d’environ 3 800 enquêtes et rapports techniques menés dans lesdites zones. − Mener 16 590 observations occasionnelles d’espèces de vertébrés d’une valeur spéciale (EVVES, Especies de vertebrados de valor especial) et 334 077 entrées issues de plusieurs collections et recensements. − Publier 300 fiches descriptives sur des zones protégées, des sources et des espèces, composées notamment de textes, de photographies et de sons collectés par le personnel de l’APN, ainsi que par des chercheurs et des observateurs qui n’appartiennent pas à l’institution. − Publier des documents d’intérêt général au format PDF à partir d’une bibliothèque numérique d’archives. − Publier des cartes relatives aux zones nationales protégées et des fichiers de forme géographiques à partir de cartes interactives ; réaliser diverses analyses spatiales à partir desdites cartes. − Élaborer de nouvelles bases de données en accès limité, associées à des thèmes complémentaires à la biodiversité : o Recherches dans zones nationales protégées. o Registre national des ressources culturelles. o Recensement des populations dans les parcs nationaux (Norpatagonia 2008). o Recensement/surveillance mensuelle des espèces d’une zone donnée. Actuellement, l’objectif du SIB-APN est de renforcer son usage en tant qu’outil permettant d’informer la prise de décisions en matière de gestion des zones protégées. Conformément à l’évolution des concepts actuels en matière de préservation, le SIB-APN s’envisage aujourd’hui comme un système d’information qui, outre des données relatives à la biodiversité, propose de plus en plus d’autres thématiques et éléments d’analyse, afin de parvenir à une vision holistique, globale et éco-systémique qui bénéficiera à la planification et à la gestion des zones protégées. Outre la sauvegarde, la conservation, la classification et la mise à disposition des données, le grand défi consiste à faire progresser l’analyse afin de fournir les informations nécessaires aux diverses filiales de l’APN et à tous les utilisateurs, renforçant ainsi les liens internes et externes pour la conservation de notre patrimoine naturel et culturel. 212 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier le premier coordinateur du SIB-APN, Gustavo Iglesias, ainsi que tous les collègues qui ont contribué à la croissance et au développement du dispositif. Nous remercions également les institutions suivantes de leur coopération : le réseau interaméricain d’informations sur la biodiversité (IABIN, Inter-American Biodiversity Information Network), les chercheurs et les institutions qui ont gratuitement fourni des informations, comme l’Agence spatiale argentine (CONAE, Comisión Nacional de Actividades Espaciales), l’Institut géographique national (IGN), le Système d’information sur la biodiversité de l’Institut von Humboldt en Colombie, le botaniste du Musée des sciences naturelles de l’université nationale de Salta (MCNS), la fondation Miguel Lillo et l’institut Darwinion. Nous remercions finalement la docteur Natalia Politi pour la traduction vers l'anglais du texte. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 213-217 BIODIVERSITY INFORMATION SYSTEM OF THE NATIONAL PARKS ADMINISTRATION OF ARGENTINA LIZARRAGA LEONIDAS1, GROSS MIGUEL2, CANTARELL FABIANA2, SUREDA ANA LAURA1, CAMPOS MARIANA, BENESOVSKY VIVIANA4, CERESOLI NATALIA4, LIPORI MARIANA3, CEBALLOS MAXIMILIANO5, CARP ANABELLA5, DOMINIGO JAEL5, RAYMUNDI DALMA4, LAMUNIERE DANIEL BARRIOS2, GUZMAN ATILIO4 4 AND PASZKO LORENA INTRODUCTION The Biodiversity Information System (BIS) of the National Parks Administration of Argentina (NPA) was launched in 2002, with the support of the Global Environmental Fund (GEF) through the Biodiversity Conservation Project in Argentina. The BIS consists of a set of thematic databases and Geographic Information System (GIS) set to support management decisions, and to provide information to the general public on the national protected areas of Argentina. Currently, the BIS-NPA program collects, stores, organizes, and makes available through its website data derived from technical, scientific, and management activities in the national protected areas system. Delegación Regional Noroeste, SIB-APN Nodo Noa, Administración de Parques Nacionales, Capital, Salta, Argentina. 2 Delegación Regional Patagonia, SIB-APN Nodo Patagonia, Administración de Parques Nacionales, Bariloche, Río Negro, Argentina. 3 Dirección Nacional de Conservación, SIB-APN Nodo Casa Central, Administración de Parques Nacionales, Capital Federal, Buenos Aires, Argentina 4 Delegación Regional Noreste, SIB-APN Nodo Nea, Administración de Parques Nacionales, Salta, Argentina. 5 Delegación Regional Centro, SIB-APN Nodo Centro, Administración de Parques Nacionales, Salta, Argentina. 1 214 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 1. HISTORY AND BACKGROUND Argentina subscribed to the Biological Diversity Convention (United Nations 1992) by National Law # 24,375, which states in Article 7d: "the need to maintain and organize data derived from monitoring and identification of Earth´s biodiversity components." To contribute to the fulfilment of this goal, the NPA developed the Biodiversity Conservation Project for Argentina, funded by the Global Environmental Fund (GEF). The project overall objective was "to ensure the conservation of biodiversity of global importance," and: "(a) to enlarge and diversify the NPA System, specifically, to include inadequately protected eco-regions of the country of global importance, and (b) to propose sustainable management alternatives by: strengthening the institution through investment; improving mechanisms for public consultation and participation; and improving the management of biodiversity information." To meet the latter challenge, the NPA created the BIS "to provide national and international agencies with immediate access to relevant biodiversity information for decision-making on the conservation and sustainable use of biodiversity." Since the NPA is a government agency which mission is to ensure biodiversity conservation in national protected areas, the creation of the BIS-NPA had the purpose to collect, classify, and publish biological information relevant for the conservation of biodiversity in national protected areas that might potentially cover areas outside national protection in the country. The initial programming system was based on experience that Patagonia Regional Delegation had gained since 1980 designing regional data management systems; i.e., the Conservation Data Bank (BDC-DRP) and the Plan Inventory, SIRAT, etc. The BIS-NPA has one node in the PNA Conservation Agency (DNCAP) in Buenos Aires, and at each of the four Regional Delegations (i.e., Northwest in Salta, Northeast in Iguazú, Central in Córdoba, and Patagonia in Bariloche). Also a web server was installed to manage databases, and a website created (www.sib.gov.ar) to provide easy public access to data and restricted access to PNA staff. In 2007, the external funds ended therefore, for the project continuation the NPA institutionalized the system. Finally in 2008, the BIS-NPA was redesigned to enhance its functionality, appearance, and accessibility. Among the major changes were that the server was updated, the operating system and programming languages were changed, a new website was designed, and the content manager and database administrator were enabled to upload data online. 2. SYSTEM FEATURES AND FUNCTIONALITY 2.1. Organization The BIS-NPA operates regionally, i.e., the web manager allows uploading data from any Internet terminal at its regional nodes. Each node is composed of at least two people: a database or data-entry operator, and a geographic information system NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 215 operator. The scheme is completed by a General Coordinator that articulates work among nodes, and with an Informatics Coordination which is composed of two programmers for software maintenance, updating, and integration of new tools and databases. 2.2. SIB-APN Technical Features The BIS-NPA operates with free software, to ensure a safe and steady basic structure: CentOS Linux OS, Apache Web server, map server and display Pmapper MapServer, programmed databases in MySQL, POSGRE and PHP. For general programming, the BIS-NPA has two main components: 1) a development environment or content manager with restricted access that allows online updating of public information and of confidential data, and 2) a production environment or portal, which allows free, simple, and public access to data browsing. 2.3. Biodiversity Information There are two main biodiversity information data sources for the BIS-NPA: Bibliographic Data: species records with published date and locations in scientific journals, outreach publications, internal and external reports, thesis, etc. Observational Data: presence and/or abundance records of species obtained systematically or occasionally recorded by collaborators, park rangers and/or technicians within Protected Areas. Also data from herbarium or other biological collections. Species Factsheets: taxonomy, descriptions, conservation status, images, sounds, distribution maps, etc. Protected Areas Factsheets: conservation category, administration data, area, images, maps, geographic covers, lists of special value species, ecoregions, etc. Research Projects: general description, researchers responsible, reports, and administrative information of permits issued to conduct research in national protected areas. Cultural Resources: description of cultural valued sites and objects found in national protected areas, their management and preservation. Documents of interest: collection of files of general interest, including those the public frequently requests. Census of activities, housing and education of National Parks inhabitants. Due to the dynamic nature of the new website, data are updated automatically as they are entered by the Content Manager. To access the data there is a Taxonomic Browser, and three main search engines (i.e., Protected Areas, Species, and Bibliography), and a fourth one recently included; i.e., an Advanced Search of Biological Records that allows the query of georeferenced locations of species in the system. Also, at the website main panel news related to Protected Areas and Biodiversity are displayed, recommended species datasheets are shown and the location of National Protected Areas on Google Map provides an alternative access to the Protected Areas datasheets. Additionally, on the main panel there is access links to the new applications and tools, institutional information, and links to related sites. 216 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Among the BIS-NPA public applications and tools the following can be mentioned: Read documents of interest. Search on the Advanced Biological Records. Species surveys by protected area and information source. The Database of Scientific Research in National Protected Areas. Interactive mapping and downloading shape files. Data on Collections and surveys. Animal sounds. 2.4. Geographic information system The BIS-NPA has published at its web site a number of thematic maps of national protected areas in Argentina, and interactive maps and tools for downloading geographic coverages. GIS-based mapping and biodiversity data allowed the production of thematic maps (i.e., habitat, infrastructure, roads, topography, etc.) and contributed to multi-scale spatial analysis and information to support decision making at NPA. 2.5. The BIS-NPA TODAY: strengths, weaknesses, and challenges One of the main strengths that ensured the construction of the BIS-NPA was a significant external funding for its development, which initially allowed almost no limitations in terms of human resources and equipment. Furthermore, the continuous supply of information by NPA staff and others, such as, technicians, scientists, and naturalists. Additionally, the staff of programmers that continually develop new tools and databases and biodiversity experts that have allowed the maintenance, updating, and sustained growth of the system. Finally, the interaction with international (e.g., GBIF) and national (SNDB) systems has allowed to exchange data, tools, and resources. However, this latter aspect should be further strengthened. The main weaknesses identified that impair the full operation of BIS-NPA are the lack of training or internet access by users, and the additional costs that the inclusion of new technologies and programming tools require . The system recorded about 600,000 visits last year. Although no detailed characterization of users outside NPA has been made, we are also receiving a wide variety of queries via mail and in person, which can be grouped as follows: Requests of more detailed information by students of different educational levels. Queries and suggestions by the scientific and technical community, governmental and nongovernmental, for management plans, projects and/or for geographic coverage exchanging. Contributions and inquiries by naturalists and the general public, providing information and photographs, project collaborators, etc. Therefore, the information services provided by the BIS-NPA has facilitated not only external linkages with other institutions and the general public, but internally it has contributed to the system´s growth with information input and demand. Recently, new databases of several topics have been included; such as species survey records, museum collections, research permits, people census, cultural resources, exotic species, etc. While primarily focused on national protected areas, the BIS-NPA NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 217 scope is extending to protected areas of other jurisdictions (e.g., provincial, municipal, and private). After 10 years of operation, the BIS-NPA has been able to: Make available over 140,000 species references, mainly for national protected areas, from about 3,800 research and technical reports. Organize 16,590 occasional sightings of NPA “specialvalue” vertebrate species and 334,077 records from various collections and surveys. Post around 300 Factsheets of protected areas, resources and species, with text, pictures, and sounds produced by NPA staff, researchers, and observers. Make available relevant documents in pdf format. Post cartography of national protected areas, including thematic maps, geographic shapefiles, interactive maps, and spatial analysis. Develop new databases of restricted access with complementary issues related to biodiversity: Research in national protected areas. National Registry of Cultural Resources. Census of national parks residents - Norpatagonia 2008. Monthly survey and monitoring of species in an area. Currently, the goal of the BIS-NPA is to increase the use of the system as a tool that can provide information for decision-making and management of NPA. At the same, trying to catch up with the evolving concepts of conservation, the BIS-NPA has to become an information system providing updated biodiversity data, and on other sources of information to allow a holistic, integrative, and ecosystem vision for the planning and management of protected areas. Beyond rescuing, saving, organizing, and making available the data, the greatest challenge of the BIS-NPA is to analyze the data and generate information products required by the NPA agency and other users, thus strengthening internal and external bonds for biodiversity conservation. ACKNOWLEDGEMENTS We thank the first coordinator of the BIS-NPA, Gustavo Iglesias, and all the colleagues who worked for its growth and strengthening. We also thank the generous collaboration of researchers and the following institutions: Inter-American Biodiversity Information Network (IABIN), National Commission on Space Activities (CONAE), National Geographic Institute (IGN), Biodiversity Information System von Humboldt Institute of Colombia, Herbarium of the Museum of Natural Sciences of National University of Salta (MCNS), Miguel Lillo Foundation, and Darwinion Institute. Finally, we thank Dr. Natalia Politi for translating the text to English. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 218-223 LIBERATION DES DONNEES GEOGRAPHIQUES A OUAGADOUGOU – BURKINA FASO : EXEMPLE DE LA PLATEFORME D’INFORMATIONS GEOGRAPHIQUES DE OUAGADOUGOU (PIGO) BONNET EMMANUEL1, NIKIEMA AUDE2 INTRODUCTION En Afrique de l’Ouest, les bases de données géographiques ne font pas l’objet d’une production fréquente et systématique. Elles sont plus généralement produites dans le cadre de programmes ponctuels, qu’ils soient consacrés à la recherche ou réalisés dans le cadre de consultations ou d’étude territoriales. En conséquence, la mise en commun et la réalisation d’observatoires sont rares. S’il existe des projets généraux environnementaux comme SIG Afrique ou des SIG dédiés à des projets de recherches dont la vitrine figure sur la toile, peu de projets ont pour objectif de mutualiser et de partager les données. Plusieurs raisons expliquent cette absence. Il existe peu de données géographiques vectorielles ni de référentiels à très grande échelle dans la majeure partie des pays d’Afrique de l’Ouest. Seules quelques bases de données d’occupation du sol issues d’images satellites sont produites pour couvrir l’étendue des territoires nationaux. Les bases de données urbaines sont rares et jamais centralisées dans les organismes d’État ou les institutions internationales. Toutefois, on constate que de nombreux organismes de recherches, de bureaux d’études et d’ONG produisent des bases de données géographiques pour mener leurs projets avec une dimension territoriale. Ils créent des bases de données non partagées, difficilement compatibles et jamais référencées pour être portées à connaissance. La libération des données est donc loin de voir le jour. Quelques pays d’Afrique de l’Ouest apparaissent cependant, dans leur domaine, comme des précurseurs comme le Centre de Suivi Ecologique du Sénégal par exemple, mais il ne Maître de conférences en géographie en délégation à l’UMI RESILIENCES IRD 236 -Centre IRD de Ouagadougou – 01 BP 182 Ouaga 01 – Burkina Faso – [email protected], Université de Caen, UMR IDEES Caen CNRS 6266, [email protected] 2 Chargée de Recherches, INSS – CNRST – Burkina Faso – [email protected] 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 219 s’inscrit pas dans une logique de libération des données. Cette posture est dommageable pour ces pays dans lesquels les formations aux SIG existent, mais où l’accès aux données est limité ou de mauvaise qualité. L’accès payant aux données apparait ainsi contre-productif et favorise la multiplication de productions personnelles, non vérifiables et de qualités médiocres. Dans ce contexte ouest-africain, existe-t-il des démarches novatrices et une volonté de partager les données géographiques ? L’exemple de PIGO, plateforme d’Information Géographique de Ouagadougou tente d’apporter une réponse et se positionne dans une logique de libération des données issues de la recherche, un début de partage qui pose les jalons d’une mutualisation unique en Afrique de l’Ouest. 1. HISTORIQUE DU PROJET L’origine du projet PIGO est liée au programme de recherche EXPOSURES CPU-IRD (2011-2013) consacré à l’analyse des risques urbains à Ouagadougou (exposition des systèmes urbains aux risques environnementaux et sanitaires). Une partie de cette recherche repose sur l’élaboration d’un SIG urbain pour analyser les vulnérabilités des populations face aux risques naturels, technologiques et sanitaires de la ville de Ouagadougou. C’est lors de la collecte des données géographiques que les chercheurs ont constaté qu’il existait beaucoup de données urbaines sur Ouagadougou, mais qu’aucune n’était référencée, ni structurée conformément à des standards internationaux. Ces données étaient disséminées dans les instituts de recherche, dans certaines administrations, mais aucune n’était portée à connaissance. De nombreux projets sanitaires collectaient, par exemple, les mêmes données (localisation des formations sanitaires de la cille par exemple) sans savoir et le faire savoir. La conséquence est une multiplication des mêmes informations, de qualités inégales. La plateforme d'information géographique de Ouagadougou a donc pour objectif de collecter, d’harmoniser et de valoriser des données géographiques sur la ville de Ouagadougou issues de la recherche scientifique en premier lieu. De grandes quantités d’informations produites à l’occasion de différents programmes de recherches se perdent et obligent à recommencer ce qui a déjà été fait lors de nouveaux projets. L’ambition de la plateforme est d’archiver et de corriger ces données pour les rendre compatibles, les doter de métadonnées pour constituer un référentiel utile et accessible (via internet) aux chercheurs et acteurs sur/de la ville de Ouagadougou. Plus globalement, le Burkina Faso est un pays dans lequel la production de données géographiques est fréquente et de qualité convenable. Les compétences sont aussi présentes avec notamment deux formations à bac+5, l’une à l’université de Ouagadougou et l’autre au SIGET dans le domaine privé. Les équipes de recherches 220 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 du CNRST, l’INSS et l’IRSS produisent des bases de données et des analyses géographiques issues des SIG dans des thématiques très diverses. Les collectivités locales possèdent également des services SIG (Office National de l’Eau et de l’Assainissement, Direction Générale de l’Urbanisme et des Travaux Fonciers ou encore la mairie de Ouagadougou) avec des personnels compétents et régulièrement formés aux dernières avancées technologiques. Toutefois, on remarque que la production de données est avant tout réalisée en fonction des projets et non pas comme des productions à pérenniser. On constate également des problèmes géométriques et des problèmes de comptabilités entre les projections géographiques. La production de données géographiques à Ouagadougou est donc présente mais n’est pas partagée, ni harmonisée et souffre de problèmes de structuration. Le développement d’une plateforme de données géographique par un partenariat entre l’IRD et l’Institut des Sciences de la Société du CNRST du Burkina Faso, et les compétences en présence au Burkina Faso assurent une pérennité à PIGO. PIGO a donc été pensée pour fédérer, mutualiser ces données et apporter une expertise pour les corriger et les structurer selon les standards des données géographiques. Elle sera également utilisée pour intégrer les archives cartographiques de Ouagadougou du centre IRD qui seront numérisées et géoréférencées. PIGO est donc à la fois un outil d’archivage et de partage des informations géographiques sur la ville de Ouagadougou. Une première version d’interface accessible par internet est en ligne depuis avril 2013, elle permet de tester l’appropriation de l’outil et les modalités de diffusion. Une version 2.0 est en cours finalisation fondée sur des outils plus robustes, elle verra le jour fin 2013. L’objectif principal de cette mise en ligne est de favoriser la communication entre les équipes travaillant sur la ville et de favorise la constitution de nouveaux réseaux de recherches et d’échange de données géographiques. 2. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES ET ORGANISATIONNELLES L’architecture envisagée est la suivante : Conception de base de données SIG sur les ordinateurs dotés d’ArcInfo au sein de l’IRD et de l’INSS. Mise en commun des bases de données sous ARcGIS Server pour une diffusion via des Web service sur Internet. Le choix d'une solution libre n'est pas adaptée au Burkina Faso car les organismes formateurs ignorent ces outils et ne forment qu'aux suites payantes. Bien que des équipes de l'IRD aient démontré l'efficacité et la qualité des outils libres, les chercheurs et les professionnels de l'information géographiques burkinabè considèrent qu'ils n'ont pas à utiliser des gratuits alors que les occidentaux utilisent des payants. Vaste débat qu'il faudra faire évoluer pour démocratiser davantage la géomatique en Afrique de l'Ouest. 221 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 PIGO s’appui sur Arcgis Server qui est un serveur de données géographiques qui permet d’effectuer la gestion de l’information géographique issue des programmes de recherches au sein d’un même système. Deux options sont ensuite disponibles : 1/ Consultations sans téléchargement des données sur des ordinateurs et des applications mobiles dotées d’ArcGis Online (App gratuite). Cette option permet de composer des cartes avec un choix de données formatées, l’ajout de données personnelles (limitées à 1000 objets) et le partage de documents avec une communauté d’utilisateurs publics ou privés. 2/ Téléchargement (envoi) de données après accord du propriétaire de la donnée et l’acceptation des conditions générales d’utilisation. Figure 1. Page d’accueil site PIGO 222 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 2. Exemple de thème Risques routier à Ouagadougou – PIGO 2012 Les chercheurs propriétaires de leurs données de recherches décident de mettre à disposition ou non leurs bases afin qu’elles soient cataloguées, corrigées si nécessaire, et partagées par la communauté scientifique. 3. PERSPECTIVES D’EVOLUTION PIGO est aujourd’hui aujourd'hui disponible via un prototype ArcGis Online. Une version définitive avec une application flex sera disponible fin 2013. Un financement et un portage de l’IRD permettront la mise en place de cette plateforme et sa diffusion sur internet. PIGO sera élargie, une interface à trois entrées permettra d’accéder : aux données en lignes et autorisera la réalisation d’une carte personnalisable (ajout de données personnelles sur les fonds PIGO) à une demande de téléchargement des données natives à une vitrine de productions cartographiques sur Ouagadougou issues notamment de PIGO Au niveau des perspectives à plus long terme, il est envisagé de reproduire cette plateforme à d’autres villes du Burkina Faso et à d’autres villes d’Afrique de l’Ouest dans lesquelles des projets urbains sont en cours (Bénin, Mali par exemple). PIGO permet d’évaluer les difficultés techniques et technologiques de la mise en place d’une plateforme de données en Afrique de l’Ouest. Il est clair que la performance du NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 223 réseau internet est une des limites majeures à la diffusion et au partage des données. Une version physique et consultable de la plateforme, localisée au centre IRD de Ouagadougou est à l’étude. CONCLUSION PIGO apparait ainsi comme une des plateformes de données libérées sur l’urbain et ses questions environnementales en Afrique de l’ouest. Si les compétences et les productions de données existent, on peut toutefois redouter un positionnement des producteurs de données géographiques qui semblent tentés par la manne financière que peut fournir la diffusion de ce type d’information. Cependant, des démarches similaires à PIGO voient le jour, avec ou sans vitrine internet. Elles sont le plus souvent le fruit de programmes de recherche initiés par des équipes du nord en partenariat avec des équipes locales. Des projets comme AFRICAGIS (www.africagis.com), GEOFORAFRI (partenariat IRD /CNES Fond français pour l'environnement : renforcement des capacités d'accès aux données satellitiares pour le suivi des forêts en Afrique Centrale et de l'Ouest), SIRENA (www.ird.fr/informatique-scientifique/projet/sirena/) ou encore sont dans une logique d’affichage des données géographiques et probablement, à terme, dans une logique de libération des données. Quelles que soient les directions que prendront les producteurs de données, il faut constater que la démarche de production des données géographiques en Afrique de l’Ouest est bien lancée. Si la mise à disposition et les modalités d’acquisition sont encore floues, les projets environnementaux, urbains ou d’aménagement de l’espace en général sont aujourd’hui clairement mis en œuvre avec ces bases et les outils associés et intègrent, de fait, ces pays africains dans les réseaux mondiaux de libération des données. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 224-231 FAUNE-AQUITAINE : PORTAIL COLLABORATIF SUR LA BIODIVERSITE REGIONALE LIGER JEREMIAH1, COUZI LAURENT2, FILIPPI-CODACCIONI ONDINE3 Le site www.faune-aquitaine.org fait partie du projet national Visionature (www.ornitho.fr). Ce site est géré par la Ligue de Protection des Oiseaux en Aquitaine (LPO-Aquitaine), une association à but non-lucratif dédiée à la protection de la biodiversité et particulièrement des oiseaux dans la région Aquitaine. Elle est le représentant régional de la LPO nationale et de BirdLife International. Faune-Aquitaine est un site de collecte et de diffusion des observations d'oiseaux, de mammifères (y compris chauves-souris, micro-mammifères et mammifères marins), reptiles, amphibiens, papillons, libellules et demoiselles, criquets et sauterelles, abeilles et bourdons. 1. OBJECTIFS DE LA PLATEFORME Faune-Aquitaine.org a la volonté de répondre à de nombreux objectifs. En premier lieu, le site a pour but de centraliser un maximum de données de haute qualité. Chacun est libre de saisir ce qu'il souhaite mais la LPO encourage à entrer un maximum d'informations, y compris pour des espèces communes tout en permettant de solides vérifications grâce à son comité de validation. Cette centralisation est la base qui permet d'atteindre les autres objectifs. En ce qui concerne le devenir des données, elles ne sont pas retransmises en brut mais elles sont publiées en synthétisées. Les données recueillies sont synthétisées régulièrement sous forme de notes et d'articles 1 2 3 Université Bordeaux Montaigne. LPO Aquitaine. LPO Aquitaine. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 225 écrits de référence (atlas, livres rouges, fiches espèces, fiches milieux, etc.), mais aussi, plus régulièrement encore, sous la forme de publications distribuées électroniquement. Il y a la réalisation de cartes pertinentes et la contribution efficace aux programmes d'Atlas nationaux. L'interopérabilité entre les systèmes permet la mise en commun de données secondaires pour la réalisation de l’Atlas National des Oiseaux Nicheurs de France (LPO, SEOF). Faune-Aquitaine Publication a pour ambition d’ouvrir un espace de publication pour des synthèses établies à partir des données compilées. Elle est destinée à publier des comptes-rendus naturalistes, des rapports d’études, des rapports de stage pour rythmer les activités naturalistes de la région Aquitaine. (Articles et notes, bilans d'études, de comptages, guides, fiches d’identification). D’une manière générale le site participe de manière indirecte à la préservation de la biodiversité et ceci de plusieurs façons. D’une part, par l’exploitation et la valorisation du réseau des contributeurs naturalistes en exposant leur travail, la qualité et la quantité de données qu’ils produisent. La LPO et d'autres membres de Faune-Aquitaine agissent de manière active auprès des différentes collectivités pour la diffusion, la valorisation et l'exploitation des données. D’autre part, simplement en augmentant les connaissances du public en partant du postulat qu’en diffusant le savoir on permet d'éviter que des erreurs écologiques se produisent à cause de la méconnaissance de l'existence de la faune locale. De nombreuses activités et animations utilisent Faune-Aquitaine pour faire connaître la faune en Aquitaine. Un autre but est de faciliter les différentes tâches que doivent effectuer au quotidien les professionnels, les experts et les particuliers. Il permet de rendre un accès plus aisé aux données grâce à un outil commun à tous, chacun pouvant avoir accès à son « carnet numérique » et aux informations contenues dans Faune-Aquitaine. Il donne aussi accès à une communauté fiable et riche et facilite la recherche des références scientifiques comme celles concernant les études publiées sur la faune et en particulier sur les oiseaux de France métropolitaine. Elles sont identifiables à partir de mots-clés (auteur, année, revue, espèce, lieu, thème) et offrent la possibilité de croiser les demandes. Le site indique pour chaque publication référencée les espèces mentionnées, les lieux d'observations et les thèmes abordés. Un résumé complète ces informations pour plus de 1700 publications. L’accès aux données diffère selon le profil utilisateur et propose des droits différents. Selon leur niveau d'expertise, leur volonté et leur contribution, les utilisateurs n'ont pas tous accès aux mêmes droits, ce qui permet un nivellement vers le haut du contenu de la base de données et d'éviter les erreurs. Les données et l’effort de saisie sont mutualisés. Chacun remplit les données de la même 226 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 façon afin d’homogénéiser les observations. Il y a un minima à remplir pour chaque donnée ce qui permet d'avoir des informations assez complètes pour être utilisables et compréhensibles par tous. Tout ceci permet de réduire le temps nécessaire au contrôle de la fiabilité des données produites au sein de la base de données spatiales. Un autre point important est la nécessité de mettre les données en sécurité. Le site Faune-Aquitaine est protégé des éventuelles personnes mal intentionnées, de par la façon dont l'outil a été conçu (non accès aux données brutes de manière directe), les vérifications qui sont faites et les sauvegardes régulières. Enfin, le site permet de pérenniser les connaissances et le réseau. Afin de maintenir la communauté de Faune-Aquitaine unie, des réunions ont lieu et différents moyens de communication sont présents (forum, email, téléphone, sites, blog...) pour souder cette communauté dans le temps. 2. HISTORIQUE DE FAUNE-AQUITAINE Au cours des années 1990 la LPO Aquitaine a souhaité trouver un moyen de stocker ses données ornithologiques afin de les sécuriser et d'améliorer le traitement des informations. En 2001, elle fit pour cela l'acquisition d'un premier logiciel. Durant presque une décennie, la LPO classe sur ce logiciel quelques 250 000 données ornithologiques réparties sur l’ensemble du territoire aquitain. Il s’agissait in fine d’une des plus grosses bases de données naturalistes de la région, sinon la plus importante. Internet se démocratise et de nouvelles technologies s’imposent. Début 2007, la LPO choisit alors de faire évoluer sa base de données vers un outil plus convivial et collaboratif. Elle s'orienta vers la recherche d'un outil informatique adapté à ses besoins. Cet outil devait pouvoir accueillir les données de l'ensemble de la communauté naturaliste et diffuser ses informations à tous y compris aux décideurs (institutions) conformément à la logique de la convention d’Aarhus. Cette dernière a pour but d'améliorer l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. La solution vint du réseau LPO grâce à des collègues de Haute-Savoie, qui s’étaient déjà équipés d’un système développé en Suisse. En fin d’année 2007, le projet est engagé et prend le nom de « Faune-Aquitaine.org », un nom à la fois simple, évocateur et pouvant être utilisé comme nom de domaine. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 227 Une première réunion des naturalistes de la région (au-delà du réseau de la LPO) permet d’affiner le cahier des charges. Les deux mois qui ont suivi ont été mis à profit pour le développement technologique (cartographie « atlas » notamment), pour l’adaptation de l’outil au contexte régional (listes annotées d’espèces, etc.) et le transfert de la base de données historique de la LPO-Aquitaine. Le 1er février 2008, la base fut ouverte en version de test (« béta »), c’est-à-dire accessible à qui disposait des codes d’accès. Durant près de cinq mois, une cinquantaine de « béta-testeurs » a pu tester le système, tout en commençant à alimenter la base de données. http://www.faune-aquitaine.org fut officiellement ouvert au public le 7 juillet 2008. Dès la mise en ligne, l’accueil fut très positif de la part du réseau de naturalistes régionaux (au-delà du réseau des adhérents de la LPO), et rapidement d’autres sollicitations sont parvenues pour continuer à faire évoluer le système. Depuis fin 2011, un comité de pilotage européen est en place, notamment pour organiser la mise en place de nouvelles fonctionnalités. A ce jour (Aout 2013), le jeu de données compte : 2 250 000 enregistrements dont 2 000 000 sur les oiseaux. Ce nombre augmente actuellement de près de 1 000 enregistrements par jour avec des pics dépassants les 3 000 jusqu’à 4 000. Faune-Aquitaine compte une dizaine de personnes morales (LPO, Bordeaux, Conseils Généraux et régional, Parc ornithologique du Teich, DREAL, Groupe Chiroptère Aquitaine, URCPIE Aquitaine, Cistude Nature), 39 000 média (articles...) et 2 930 inscrits pour environ 1 800 observateurs actifs dont près de 40% possède un métier lié au milieu naturaliste. La LPO-Aquitaine, quant à elle, possède douze salariés dont un directeur, un sous directeur, quatre chargés de mission patrimoine naturel, un chargé de mission faune, une chargée de recherche en écologie, une médiatrice environnement et formatrice, un chargé de projet valorisation de la biodiversité et formateur, une chargée de projet oiseaux en détresse et enfin une aide soignante. Elle partage 44 000 membres adhérents et 5 000 bénévoles avec les 43 structures formant la LPO. 3. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Codé sous langage xml, Faune-Aquitaine est un serveur cartographique installé sous Linux utilisant Google Earth et MapServer. Le site est traduit en plusieurs langues (Allemand, Français, Anglais, Espagnol et Néerlandais), et possède un support utilisateur très complet comprenant un support 228 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 d'assistance, une animation du groupe utilisateurs, des outils de formations ainsi que de la documentation pour l'utilisateur ou le service technique. Concernant sa maintenance, il est capable de gérer les demandes de corrections (rapport de bugs), la gestion des évolutions et la maintenance (évolutive et corrective). Les perspectives de développement peuvent être internes ou externes et suivent une planification des évolutions. En ce qui concerne les référentiels taxonomiques, leurs sources viennent de Fauna Europea et du Muséum National d'Histoire Naturelle (TAXREF). 4. CARACTERISTIQUES ORGANISATIONNELLES Il participe à un réseau de portails web de collecte de données faunistiques aux niveaux national et international, tous gérés par des associations sans but lucratif et notamment la LPO qui est le partenaire en France de BirdLife International, et produits par la petite entreprise suisse Biolovision. Ces portails sont coordonnés entre eux aux niveaux national et international par des comités de pilotage. Au niveau national, Faune-Aquitaine fait partie du comité de pilotage (Copil) français. Il est aussi constitué de représentants de chaque portail Visionature local. Il se réunit environ deux fois par an tout en travaillant aussi par courriel. De plus, un comité technique (Cotech) est chargé de la mise en place des décisions du Copil. Ce Cotech est actuellement constitué de représentants des portails d'Aquitaine, de Franche-Comté, du Languedoc-Roussillon, du niveau national de la LPO. Il est actuellement animé par la LPO Isère. Au lancement du portail Faune-Aquitaine.org, la LPO-Aquitaine a bénéficié d'aides des Conseils Généraux (sauf celui des Landes), du Conseil Régional d'Aquitaine et de l'Etat. Actuellement l'essentiel du coût et de l'énergie humaine nécessaire au fonctionnement de Faune-Aquitaine.org est supporté par les fonds propres de la LPO-Aquitaine et des bénévoles. Le développement du réseau national et sa coordination sont financés par les cotisations des membres de la LPO. 5. FONCTIONNEMENT DE LA PLATEFORME La philosophie du projet Visionature, dont Faune-Aquitaine.org est la déclinaison régionale, est de servir d'abord de carnet d'observations en ligne pour les contributeurs. L'inscription est gratuite et donne le droit de participer. Les participants ont accès à un NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 229 ensemble d'outils de stockage, de recherche et de synthèse de leurs propres données. Ils sont d'accord pour que leurs données soient rendues publiques sous forme de diverses synthèses. La très grande majorité de ces synthèses est générée en temps réel sur le site, tandis que d'autres demandent un approfondissement de l'analyse et sont publiées sous forme d'articles ou de rapports. Faune-Aquitaine.org préfère et favorise l'accès libre aux publications. La LPO Aquitaine se charge, entre autres, de réunir annuellement l'ensemble des contributeurs du site qui le souhaitent, pour discuter des ses évolutions. Les participants peuvent aussi communiquer grâce à une liste e-mail dédiée. La saisie des observations se fait par coordonnées géographiques. Il faut savoir qu'il y a aussi une gestion des données primaires (données entrées par les contributeurs sans traitement) et que l'association des métadonnées est possible. Les données peuvent aussi être ajoutées à partir d'outils externes de localisation ou de saisie (GPS, PocketPC) et des référentiels géographiques peuvent être ajoutés. Une "donnée" au sens de Faune-Aquitaine.org se doit de répondre aux quatre questions de base "Quoi ?", "Où ?", "Quand ?" et "Qui ?". Elle est donc constituée a minima de l'espèce et son effectif, la localisation de l'observation (site de référence), la date de l'observation et un auteur. Il existe d'autres options non obligatoires qui permettent une meilleure précision de la donnée comme mettre un commentaire protégé ou visible, un sexe, l'âge, les conditions d'observation, le code atlas, les comportements, si la donnée doit être protégée ou si elle est de seconde main. De plus, chaque donnée peut être associée à différents documents comme des photos, des liens, des sons, etc. Il y a différentes fonctionnalités de diffusion de l’information. Il est possible d'extraire certaines données (uniquement les siennes) à différents formats (csv, txt, xls). Faune-Aquitaine.org permet l'accès aux données diffusées par mailles de l’ensemble des observateurs par listes d'espèces, par groupe faunistique, listes d'espèces par jours, listes par observateurs. Il permet aussi des synthèses graphiques de type cartographique, générées en temps réel (ex : cartes de migration de la grue cendrée) ou de type graphiques. De plus il permet aussi la production de façon automatisée de cartes de type « Atlas » comme l’atlas des oiseaux nicheurs d’Aquitaine, des mammifères d’Aquitaine ou des amphibiens et reptiles d’Aquitaine. 230 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 D'autres fonctionnalités sont disponibles mais restreintes à un certain nombre d'utilisateurs. Certaines sont accessibles simplement en faisant la demande, comme par exemple la création de nouveaux lieux-dits, d'autres sont soumises à un contrôle rigoureux, comme l'accession à certains droits. Les utilisateurs de Faune-Aquitaine ne sont pas tous égaux dans leur accès à Faune-Aquitaine. Cela répond notamment au principe « donnant/donnant ». Plus un utilisateur contribue à l'augmentation de la base de donnée en y notant des observations, et plus il aura accès à des informations éloignées dans le passé. Sauf pour certaines catégories réservées à des experts, les données saisies sont considérées comme valides par défaut à l'exception des données concernant des espèces soumises à homologation régionale ou nationale. Ces dernières nécessitent une homologation par ces comités indépendants du site avant d'être définitivement validées. Cependant, afin d’assurer la fiabilité des données enregistrées et leur appropriation par le collectif à des fins de synthèses et d'autres restitutions publiques, il existe un dispositif de validation a posteriori. Ce dispositif n’impose aucune contrainte de délais, et toute donnée peut être discutée au sein du comité de validation et avec son auteur n’importe quand après sa saisie : pendant le temps de cette discussion elle continue de figurer dans le site mais une icône "?" symbolise le fait qu'elle est sous la responsabilité de son auteur, et qu'elle n'est pas inclue dans les synthèses. Ce système de validation permet de fiabiliser les données stockées dans la base et d'échanger avec les contributeurs. Cela permet donc aux contributeurs de progresser dans leur connaissance. Ce « dispositif de validation à posteriori » est le fait d'un groupe particulier de personnes inscrites sur Faune-Aquitaine.org. Ce sont des personnes choisies sur proposition de l’administrateur. Elles forment le « comité de validation » et possèdent les droits de validation. Cela signifie qu'elles ont une fonctionnalité à accès restreint qui permet de "pointer" une donnée et d'échanger avec les autres validateurs et/ou son auteur, si l’information qu'elle contient leur semble poser question. Il y a deux modes de discussion, la discussion interne au comité et l'échange avec l'auteur de la donnée qui sont deux processus séparés. Il peut donc arriver qu'une donnée soit marquée avant que son auteur n'en ait eu écho, et même qu'elle soit validée au terme de la discussion "interne" sans qu'il soit sollicité. Les échanges entre le comité de validation et l’auteur sont conservés. Au terme des discussions, la donnée peut être validée, modifiée ou demeurer invalidée. En aucun cas le comité de validation ou les administrateurs du site ne prennent l'initiative de modifier et, à plus forte raison, de supprimer une donnée : seul l’auteur peut décider de le faire. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 231 Le comité de validation est composé d'une trentaine de membres disposant des droits ad hoc. Ils assurent bénévolement une veille permanente sur l’ensemble des groupes taxonomiques concernés, en balayant quotidiennement les données transmises sur le site afin de déceler les éventuelles erreurs et, le cas échéant, en aidant les observateurs à les corriger. 6. PERSPECTIVES D 'EVOLUTIONS L'une des principales évolutions à venir est l'interconnexion entre la plateforme Faune-Aquitaine et le système SIGFA. Ce dernier est un nouveau portail destiné à renforcer la diversité des productions et des offres de restitutions synthétiques à l'échelle régionale et intra-régionale, et ceci à partir d'une réflexion sur le sujet dans le cadre du projet du CG 33 : SIGORE 33 (Système d'information Géographique de l'Observatoire Régional de l'Environnement). Ainsi, la LPO travaille actuellement au développement d’une interface avec l’ORE. Cela va permettre de restituer plus efficacement la connaissance acquise (plus de lisibilité), valoriser encore davantage le réseau d’observateurs et échanger avec des projets émergeants (interopérabilité). SIGFA devient un lieu de croisement entre : référentiels géographiques (scan 25, BD ortho), référentiel d'occupation du sol (Corine Land Cover), référentiels de zonages (ZNIEFF/ZICO, ZSC/ZPS via CARMEN) et des données de Faune-Aquitaine. Un autre sujet qui sera source d'évolution est l'actuelle enquête sur les questionnements et les réflexions de la LPO autour des usages et des usagers qui utilisent Faune-Aquitaine. Il a pour but de mieux les connaître et de savoir quels sont leurs attentes dans l'optique de mieux répondre à leurs volontés et leurs besoins. SOURCES LIGER J. (2013), Etude du site participatif de la Ligue de Protection des Oiseaux en Aquitaine, Mémoire de Master 2 « Gestion territoriale du Développement Durable », Université de Bordeaux 3, 70 p. LPO AQUITAINE (2009), Faune-Aquitaine.org : bilan 2009, p.32. URL (consulté le 15/11/13): http://files.biolovision.net/www.faune-aquitaine.org/pdffiles/news/Bilan2009F A-3309.pdf LPO AQUITAINE (2009), Viosionature en Aquitaine, URL (consulté le 15/11/13) : http://outils-naturalistes.fr/applications/fiche/neerlandais Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 232-236 BD CARTHAGE® GUYANE MOURGUIART CHARLINE1, LINARES SEBASTIEN2 1. LE CONTEXTE Le bassin de la Guyane est décomposé en 5 grandes régions hydrographiques dont deux sont trans-frontalières : celle du fleuve Oyapock, à l’est, avec l’Etat de l’Amapa au Brésil, et celle du Maroni, à l’ouest, avec le Suriname. En 2007, la Direction Régionale de l'Environnement (DIREN)3 a lancé un projet d’envergure : réaliser une cartographie de l’ensemble du bassin guyanais, afin de disposer d'un référentiel commun pour une meilleure gestion de la ressource en eau. L’objectif principal était de faire face aux enjeux environnementaux liés à la préservation de la forêt tropicale en favorisant une meilleure gestion de la ressource en eau. En effet, jusque là, peu de données étaient disponibles. Figure 1. L’emprise spatiale de la BD Carthage® Guyane. Etudiante en géographie de l'environnement et du Paysage à l’université Toulouse le Mirail. courriel : [email protected] 2 Responsable de l'unité information géographique et diffusion de la connaissance DEAL Guyane, service Planification Connaissance et Evaluation, courriel : [email protected] 3 Devenue la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL), depuis janvier 2011. 1 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 233 Le référentiel BD Carthage® a été constitué dans les bassins de l'hexagone à partir de la base de données vectorielle BD Carto® de l'Institut Géographique National (IGN)4. Cependant cette dernière n'avait été développée que sur le nord du département guyanais. Pour s'y substituer, la DIREN, avec l'appui financier et technique de l’Office National de l'Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) a lancé un projet pour réaliser un référentiel hydrographique sur la totalité du bassin guyanais. Un partenariat vit le jour entre une dizaine d'acteurs afin de mobiliser les données nécessaires pour une connaissance plus précise des cours d'eau et des milieux aquatiques, de leurs caractéristiques, de leurs toponymies. L’objectif était de permettre aux gestionnaires de disposer d’une information de qualité et dans un format identique à celui disponible en France métropolitaine, de manière à répondre aux politiques nationale et européenne dans le domaine de l'eau. Figure 2. Aperçu des points isolés et nœuds hydrographique de la Carthage® Guyane. Incluant les limites administratives, la toponymie, les réseaux routiers et ferrés, l'occupation du sol, les équipements divers et le réseau hydrographique. 4 234 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 2. L’HISTORIQUE Le Ministère de l’Environnement a lancé la constitution du référentiel hydrographique à travers la circulaire no 91-50 du 12 février 1991 relative à la codification hydrographique et repérage spatial des milieux aquatiques superficiels en France métropolitaine. Ce n’est qu’en 1994 que les agences de l'eau, en association avec l’IGN, créèrent la Base de Données sur la CARtographie THématique des Agences de l'Eau (BD Carthage®). Cette dernière fut conçue à partir de la couche hydrographie de la BD Carto®, agrémentée des travaux de codification hydrographique des agences de l'eau. En 2000, la première convention entre le Ministère de l’Environnement et l’IGN permet la diffusion et la mise à jour de la BD Carthage®. La couverture était limitée seulement à la France hexagonale. Ce n'est qu'en 2002, que la convention a été étendue aux régions ultrapériphériques, dans la limite des zones où était disponible la BD Carto®. Outre-mer, les DIRENs, et maintenant les DEALs, assurent les missions des agences de l’eau pour la définition et la constitution des données du référentiel hydrographique sur leur territoire. En 2007, la DIREN Guyane, en partenariat avec l’ONEMA, lance le projet de développement de la BD Carthage® Guyane, en tenant compte des spécificités du contexte local amazonien. Ce partenariat est ensuite étendu à de nouveaux acteurs. Le CEntre national du Machinisme Agricole, du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (CEMAGREF)5 apporte un appui rédactionnel du cahier des charges et assure un suivi technique du projet tandis que l’Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts (ENGREF)6 fournit une assistance administrative et technique. Un comité de pilotage (COPIL) du projet est monté avec la participation de l’office de l’eau de Guyane (OEG), l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et l’IGN. Le CELOS centre de recherche en agronomie surinamais, et l'institut de recherche de l'état d'Amapa l'IEPA –, ont été associé au COPIL et ont participé par l’apport des données pour le territoire hydrographique dépassant les frontières administratives françaises. 3. LES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES Fruit d’une volonté locale, la BD Carthage® Guyane, permet d'accéder aux données cartographiques des cours d’eau et des plans d’eau du territoire cohérentes au Devenu Institut de Recherche en Sciences et Technologies pour l'Environnement et l'Agriculture (IRSTEA), depuis février 2012. 6 Devenu AgroParisTech, suite à la fusion entre l’ENGREF, l’ENSIA et l’INA P-G, depuis janvier 2007. 5 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 235 1/100 000ème disponible sous format vectoriel. Chaque entité hydrographique est décrite par un identifiant unique auquel sont associées des informations descriptives détaillées, telles que la largeur du cours d’eau, le sens de l’écoulement ou encore son hydronyme. La structuration topologique des objets géométriques permet l’identification de nombreux liens entre les cours d’eau, plans d'eau et zones humides. Initialement, la BD Carto® ne proposait que 30 000 kms de linéaire sur le tiers nord du territoire alors qu’aujourd’hui la base de données BD Carthage® Guyane en recense environ 112 000 kms sur tout le bassin. Pour obtenir un référentiel cartographique adapté au bassin guyanais, la méthodologie appliquée fut différente de celle adoptée en France hexagonale. Compte tenu du manque de données – seul 20% du territoire est couvert par des orthophotographies aériennes récentes –, et de la spécificité des paysages guyanais, où le réseau hydrographique est masqué par la forêt, la DIREN et le CEMAGREF ont adopté un mode opératoire spécifique. Dans un premier temps, le réseau hydrographique a été extrait par la mise en place d’un Modèle Numérique de Terrain (MNT), qualifié à des fins hydrologiques ; puis les cours d’eau théoriques ont été extraits automatiquement par traitements en faisant passer les cours d’eau dans les talwegs, les points les plus bas des bassins versants. Dans un second temps, le réseau hydrographique visible a été photointerprété sur l’ensemble du territoire, à partir de scènes sans nuages issues des satellites SPOT et Landsat ainsi que de l'orthophotographie de l'IGN disponible, la BD Ortho® de 2005. La géométrie du linéaire théorique a été corrigée en fonction du réseau photo-interprété. Les cours d’eau ont été découpés en tronçons élémentaires en fonction de leurs caractéristiques et codifiés sur une base unique. Les données complémentaires des différents partenaires du projet ont permis d'améliorer la caractérisation des différents éléments produits. 4. LA DIFFUSION EN LIBRE ACCES A l'issue du processus de validation la BD Carthage® Guyane a été publiée en 2010. Aujourd’hui, ce référentiel est diffusé en libre accès sur deux principaux portails : au niveau national sur celui du Service d’Administration Nationale des Données et Référentiels sur l’Eau, appelé plus communément le SANDRE7, et au niveau régional sur la plate-forme régionale GéoGuyane8. Le SANDRE propose un langage commun pour l’ensemble des données sur l'eau de la France, y compris les régions d'outre-mer, afin de les rendre homogènes et compatibles pour optimiser l’échange des données entre les producteurs et les 7 8 http://www.sandre.eaufrance.fr/ http://www.geoguyane.fr/catalogue/ 236 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 utilisateurs. De ce fait, quelques services restent indissociables pour la mise à disposition de ces données : le catalogage des métadonnées, un service d’accès à la donnée, un flux WMS9, un service de téléchargement dans lequel sont proposées deux formats distincts, à savoir du MIF/MID (compatible avec MapInfo) et du ShapeFile (compatible avec la gamme ESRI). Dès 2011, la DEAL a proposé des actions d'accompagnement auprès des utilisateurs guyanais par le biais de différentes sessions de formation technique sur l’utilisation du référentiel hydrographique afin de leur faciliter la manipulation des données. 5. LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION Si le défi technique de production d’un tel référentiel a été relevé, désormais les enjeux sont doubles. Il s'agit dans un premier de temps de veiller à ce que l'ensemble des acteurs de l'eau s'approprie ce référentiel et l'utilise. Il est cependant nécessaire de le maintenir à jour et d'améliorer son contenu pour répondre au mieux aux différents besoins. La mise à jour de la BD Carthage® Guyane est un enjeu majeur pour répondre activement aux nouveaux besoins liés à une utilisation croissante de ces données. Or, même si des mises à jour annuelles sont prévues dans la convention nationale, aucune actualisation n'a était faite à ce jour. Enfin, la DEAL Guyane cherche à promouvoir une diffusion active du référentiel via la plate-forme régionale GeoGuyane, dans laquelle la BD Carthage® Guyane est entièrement référencée. L’objectif est de veiller au développement des usages d’un référentiel jugé comme structurant pour répondre aux enjeux environnementaux d’un territoire dont la couverture cartographique est encore lacunaire. En ce sens, la mise en ligne et en libre accès constitue un levier essentiel. Web Map Service : protocole de communication et d'échange de données qui permet d'obtenir des cartes aux données géoréférencées depuis un serveur directement depuis son logiciel SIG. 9 Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 237-244 GÉOGUYANE : PLATEFORME MUTUALISEE POUR LE PARTAGE DE L’INFORMATION GEOGRAPHIQUE EN GUYANE LINARES SEBASTIEN1, MOURGUIART CHARLINE2, RUELLE BORIS3 Ouverte au public depuis le 24 avril 2013, GéoGuyane est une infrastructure régionale mutualisée qui vise à faciliter le partage et la diffusion de données géographiques propres au territoire de la Guyane Française. 1. LE CONTEXTE La Guyane représente près d’un cinquième de la France hexagonale, le plus grand département d'une superficie équivalente à celle du Portugal. Ce territoire est encore mal connu et l’information géographique reste incomplète, malgré des enjeux environnementaux et d'aménagement importants. Par ailleurs, l'hyper-concentration des acteurs sur la bande littorale ne facilite pas pour autant la circulation des informations disponibles dans les services de l’État, les collectivités, ou les organismes de recherches. Souhaitant répondre aux exigences de la Directive INSPIRE4, qui cherche à établir une infrastructure de données géographiques5 (IDG) auprès de la Communauté européenne, la plateforme GéoGuyane développe le partage de données afin d’optimiser les politiques publiques d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement. Responsable de l'unité Information Géographique et Diffusion de la Connaissance à la Direction de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement de Guyane, courriel : [email protected] 2 Etudiante en Géographie à l’Université Toulouse le Mirail, courriel : [email protected] 3 Administrateur SIG – Agence d’Urbanisme et de Développement de la Guyane, courriel : [email protected] 4 La Directive INSPIRE s’inscrit dans la Convention Aarhus, publiée en 1998, relative au droit d'accès au public aux informations environnementales ; ainsi que dans le cadre juridique relatif à l'accès et à la diffusion des données publiques, loi n°78-753. 5 Ensemble de services permettant une large diffusion, sur Internet, du patrimoine des informations géographiques, leurs mises à jour régulières, leurs partages et la mutualisation à différentes échelles. 1 238 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Pour la France, le Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE) représente le point de contact national INSPIRE. Chaque année, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) s’associent pour publier des documents dits de rapportage, permettant à l’échelon national de rendre compte de l’avancement de la mise en œuvre de la directive auprès de la Commission européenne. Pour ce faire il s’appuie sur deux portails nationaux : le géoportail6 pour la consultation des données et le géocatalogue7 pour la documentation des données. Cette mise en œuvre nationale s’appuie sur des initiatives régionales, voire locales, dans une approche pyramidale qui permet de faciliter la mise en réseaux des différents systèmes. L’échelon régional apparaît dès lors comme essentiel et de multiples infrastructures régionales de données géographiques assurent la coordination de la production et de la diffusion de données sur leur territoire. Depuis avril 2011, la Guyane dispose des bases d’une infrastructure régionale de données géographiques avec la mise en service de la plateforme. 2. L’HISTORIQUE En mars 2004, le Comité Régional pour l’Information Economique et Sociale (CRIES), organe consultatif placé auprès du Président de Région et du Préfet, mit en place une commission « de l’information géographique », un lieu d’échange entre les différents organismes intéressés par la gestion des données géographiques, sociales et statistiques. Cette instance est présidée par l’Agence Régionale d’Urbanisme et d’Aménagement de la Guyane (ARUAG)8, et co-animée avec la Direction Départementale de l’Equipement (DDE)9. Les échanges au sein de cette commission du CRIES ont fait ressortir le besoin de réaliser un état des lieux. En septembre 2007, les Journées de l’Information Géographique en Guyane (JIGG) rassemblaient la communauté géomatique de Guyane, ainsi que de nombreux intervenants de l'Hexagone, de la Martinique et du Brésil. Le constat est alors double : d’une part, le patrimoine de données géographiques est dispersé et mal connu. Certains acteurs ignorant les données disponibles au sein de leur propre organisation. D'autre part, les données géographiques utilisables ne sont pas toujours convenablement structurées. De plus, peu de contrôle qualité et de documentation (métadonnées) sont réalisés. Pour faire face à cette situation, la DDE et l’ARUAG décident alors de lancer le projet d’une plateforme géographique fin 2009. Son objectif est de mettre en place une première « porte d’entrée » partagée par les services de l'Etat vers le patrimoine de données existant. Depuis, avec notamment la participation de l'ancienne DIrection www.geoportail.fr www.geocatalogue.fr 8 Devenue l’Agence régionale d’Urbanisme et de Développement de la Guyane (AUDeG), depuis 2011. 9 Fusionnée depuis 2011, au sein de la Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DEAL). 6 7 239 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Régionale de l'ENvironnement (DIREN)10, les objectifs du projet ont été élargis à la diffusion des données publiques afin de répondre aux obligations européennes et nationales. Les porteurs du projet font alors le choix de s'appuyer sur une solution robuste et éprouvée, PRODIGE11, un outil simple, à moindre coût et accessible à tous en termes de technicité. Cette application est portée par le MEDDE qui assure une démarche partenariale et un suivi des thèmes imposés par INSPIRE. C’est à partir de 2011 que l’outil PRODIGE est mis en service autour d'un partenariat qui regroupe alors une vingtaine de services et d'organismes. Fin avril 2013, deux journées INSPIRE furent organisées à l'initiative de la DEAL autour de la diffusion des données géographiques. A cette occasion, la plateforme GéoGuyane12 fut officiellement inaugurée et présentée au public. Une journée technique a été mise en place pour former le public professionnel aux fonctionnalités avancées de la plateforme, notamment pour la saisie et la recherche de métadonnées dans le catalogue. 3. LES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES La plateforme tend à répondre aux besoins de l’accessibilité des informations géographiques guyanaises en proposant un ensemble de services imposés par les objectifs de la directive INSPIRE. Pour respecter cela, GéoGuyane est un système interopérable, qui offre la possibilité à différents systèmes de communiquer et d’échanger des données, sans dépendre d’un acteur en particulier. L’interface permet à tout internaute, sauf restriction volontaire des administrateurs, de consulter, visualiser, télécharger, cataloguer et rechercher des métadonnées mises à disposition par différentes institutions. Pour ce faire, les porteurs de projet GéoGuyane se sont basés sur l’outil PRODIGE, qui s’appuie sur des standards internationaux. Il s’agit d’un système multi-composant, qui propose via un service web – à partir de n’importe quel navigateur : un système de base de données (PostGIS), une interface de catalogage de métadonnées (GeoSource, la transcription française de GeoNetwork), un moteur de cartographie en ligne (MapServer), et un service de téléchargement et de transformation des données. L’interface d’accueil de la plateforme propose différents onglets, qui correspondent à chacune des fonctionnalités citées ci-dessus : en page accueil, l’utilisateur peut accéder aux récentes activités d’administration des données publiées sur le catalogue, via la rubrique « actualités » et « mises à jour », la possibilité de lancer une recherche, un tableau de bord synthétique, ainsi que la liste des catalogues moissonnés ; l’onglet recherche permet à l’utilisateur de lancer une recherche simple ou avancée par mot clé, type de ressources ou par domaine / sous-domaine ; l’onglet données autorise l’internaute à accéder aux données via leurs classifications en domaines Également fusionnée en 2011 au sein de la DEAL. PROgiciel pour la Diffusion de http://adullact.net/projects/prodige/ 12 www.geoguyane.fr 10 11 l’Information GEographique, 240 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 et sous-domaines, par thèmes, services producteurs ou périmètres de diffusion ; l’onglet cartes admet l’accès aux cartes selon le mêmes conditions dites précédemment ; l’onglet connexion permet de lancer une session sécurisée pour celui ou celle qui possède un identifiant et un mot de passe ; enfin, l’onglet aide admet la consultation, voire le téléchargement, de divers manuels qui détaillent les services de GéoGuyane. D’ici quelques semaines, un nouvel outil sera disponible pour la plateforme : le moissonnage de métadonnées. Il s’agit d’un « mécanisme permettant de collecter des métadonnées sur un catalogue distant et de les stocker sur le nœud local pour un accès plus rapide. Cette action de moissonnage est une action périodique, par exemple, une fois par semaine. Le moissonnage n'est pas un import simple : les métadonnées locales et celle du catalogue distant sont synchronisées. En effet, un catalogue Géosource est capable de découvrir quelles sont les métadonnées ayant été ajoutées, supprimées ou mises à jour dans le nœud distant. » 13 L’une des possibilités de GéoGuyane est d’associer de multiples données géographiques pour créer de nouvelles cartes qui permettent de répondre à divers questionnements. Par exemple, l’internaute peut combiner plusieurs jeux de données, tels que la localisation des élevages en Guyane, associée aux mesures agroenvironnementales des éleveurs qui se sont engagés à protéger les paysages ruraux. Ou alors, l’utilisateur peut réunir des données concernant les forêts aménagées et les arrêtés préfectoraux réglementant les prélèvements de faune sauvage, malgré que l’échelle soit différente. A son ouverture publique en avril 2013, GéoGuyane comptabilisait plus de 200 fiches de métadonnées, et près d’une quinzaine de cartes étaient publiées. Les données sont rassemblées selon différentes thématiques, à leur tour divisées en sousdomaines. Les deux graphiques ci-dessous donnent la répartition des données disponibles suivant les domaines énumérés sur la plateforme. Métadonnées disponibles suivant les domaines thématiques secondaires (le 22 avril 2013 - http://www.geoguyane.fr/catalogue/) 26 Eau 24 Environnement 20 Habitat/Politique de la ville 12 Risques 9 Agriculture 7 Référentiels "administratifs" 7 Forêt 6 Milieu Physique 6 Aménagement/Urbanisme Mer/Littoral 4 Famille/Santé/Social 4 4 Etablissement Recevant du Public 3 Transport Infrastructure 3 Réseau/Energie/Divers 2 Patrimoine Culture 2 Foncier 0 5 10 15 20 25 30 Figure 1. Nombre de données disponibles suivant les domaines thématiques alimentés. Nombre total de données : 139. 13 http://www.geosource.fr/docs/admin/io/harvesting/index.html 241 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Dans le graphique 1, nous avons fait le choix d’afficher uniquement les domaines qui sont alimentés par les différents contributeurs ; exception faite pour le « Référentiel géographique » qui possède 107 données et qui fausserait le graphique cidessus. Trois domaines ne sont pas représentés, à savoir « Economie/Finance », « Site industriel production » et « Transport déplacement », puisque leur répertoire de données est vide. Pour les domaines les plus alimentés, il s’agit de l’ « Eau », de l’ « Environnement », et celui de l’ « Habitat/Politique de la ville ». Du fait que la DEAL et l’AUDeG soient les co-animateurs de la plateforme, leurs données sont les plus nombreuses. Par conséquent, les thématiques les plus présentes correspondent aux domaines compétences, à savoir, aux problématiques de l’environnement et de l’urbanisme. Métadonnées disponibles suivant le domaine thématique "Référentiel géographique" (le 22 avril 2013 - http://www.geoguyane.fr/catalogue/) BD IGN 40 Photographies aériennes 27 Hydrographie 15 Images satellites 13 Occupation du sol 8 Cartes IGN 4 Plan cadastral 0 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Figure 2. Nombre de données disponibles suivant les sous-domaines répertoriés dans le domaine « Référentiel géographique ». Nombre total de données : 107. Le graphique 2 présente la répartition des données des sept sous-domaines qui appartiennent à la thématique « Référentiel géographique », première parmi les 22 de la plateforme GéoGuyane. Du fait que la DEAL est un rôle de diffusion, cela induit qu’elle émet l’ensemble des données de l’IGN ; d’où sa première place au sein du graphique ci-dessus, qui représente presque 50% des 107 données disponibles. A propos des données se rapportant aux photographies aériennes et aux images satellites, elles sont fournies par la DEAL et possèdent un effectif conséquent ; presque 50% des données proposées dans ce graphique. Les données de l’occupation du sol, quant à elles, sont produites localement mais ne sont pas nombreuses. Les cartes IGN à disposition sont au complet alors que les administrateurs des données du plan cadastral ont eu quelques soucis techniques, liée à PRODIGE, et juridiques d’où l’absence de données. Depuis sa mise en service en 2011, GéoGuyane est alimentée par une quinzaine de collaborateurs qui soumettent les jeux de données qu’ils possèdent. Depuis 2013, les données disponibles sont accessibles au grand public puisque la plateforme a ouvert ses portes aux internautes curieux des données géographiques à propos de la Guyane. 242 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Les sources des données géographiques (22 avril 2013 - http://www.geoguyane.fr/catalogue/) DEAL 95 IGN 58 AUDeG 29 ONF 16 DAAF 11 PAG 10 ASP 4 ARS 3 EPAG 2 DJSCS 2 DAC 2 DIECCTE 1 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Figure 3. Répartition des données suivant les différents contributeurs de la plateforme GeoGuyane. Le graphique 3 révèle la répartition du nombre de données fournies par contributeurs. Le principe reste le même que pour le graphique 1 : seuls les collaborateurs qui ont alimenté la base sont représentés. On peut supposer que les données soumises par la DEAL et l’AUDeG sont subjectives puisqu’il existe une corrélation entre les principaux animateurs de la plateforme et les données géographiques associées. L’Office National des Forêts (ONG) et le Parc Amazonien de Guyane (PAG) sont des producteurs de données pour la plateforme alors que la Direction de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DAAF), malgré son classement, n’est pas productrice de données mais en propose de manière significative ; grâce aux techniciens qui sont en mesure de mettre le patrimoine de données à disposition. Enfin, la faible contribution de services, tels que l’Etablissement Public d’Aménagement en Guyane (EPAG) ou l’Agence Régionale de Santé (ARS), dévoilent leur manque de compétences et/ou de volonté à approvisionner la plateforme. D’autres partenaires, comme la Gendarmerie ou les Forces Armées de Guyane, possèdent une faible implication : ils ont accès à GéoGuyane où ils récupèrent diverses données mais n’en fournissent aucune en retour. Enfin, le BRGM, le Rectorat ou le Secrétaire Général pour les Affaires Régionales (SGAR) etc., n’apparaissent pas sur le graphique car ils ne proposent aucune métadonnée. Cependant, une exception, la Direction Régionales des FInances Publiques (DRFIP), peut-être excusée puisque ce service a eu quelques peines à insérer le cadastre au sein de GéoGuyane. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 243 4. LES CARACTERISTIQUES ORGANISATIONNELLES Le Préfet de la région Guyane est le porteur institutionnel du projet GéoGuyane, qui fédère aujourd'hui une vingtaine d'acteurs. Dans un premier temps, le cercle des partenaires a été ouvert principalement aux services de l'état, établissements publics et organismes associés. Ce partenariat pourra, en outre, être étendu aux collectivités, associations et autres organismes para-publics. La gouvernance du projet se décline en trois niveaux : L'équipe projet, formée par la DEAL (service planification, connaissance et évaluation / unité Information géographique et diffusion de la connaissance) et l'AUDEG, assure le pilotage du projet. Les deux responsables SIG de chacune des deux structures co-animent le réseau des utilisateurs. Le COmité de PILotage (COPIL), qui réunit les directeurs des services, est une instance formelle qui doit statuer une fois par an sur les grandes orientations de fonctionnement du partenariat. Ils gèrent le fonctionnement et les aspects organisationnels de la plateforme. Le Comité des administrateurs rassemble tous les utilisateurs des services adhérents à GéoGuyane plusieurs fois par an, en fonction de l'actualité. Il permet de faire l’état des lieux de la plateforme et de travailler à son évolution. Enfin, une attention particulière est portée par les animateurs à la dynamique du système pour veiller à ce que l’alimentation de la base de données soit progressive mais régulière, et permettre ainsi à GéoGuyane de poursuivre son développement. Des ateliers techniques mensuels sont proposés aux utilisateurs afin de les accompagner dans l'utilisation de l'outil, et pour palier aux difficultés qu'ils peuvent rencontrer pour alimenter la plateforme. Le fonctionnement du partenariat a été formalisé à travers une charte signée par les membres du COPIL. Elle reprend les principes fondamentaux de partage et de mise à disposition des données et les conditions dans lesquels ils doivent être mis en œuvre. Le projet GéoGuyane représente un investissement de 100 000 euros pour la période de 2009 à 2012, soutenu à 80% par le Fond Européen de DEveloppement Régional (FEDER). Les fonds restants sont apportés par l'AUDEG dans le cadre du programme partenarial entre l’État (DEAL) et l’AUDeG. 5. LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION La douzaine de contributeurs principaux de GéoGuyane doivent impérativement poursuivre leurs efforts dans l’apport des données géographiques. En effet, les saisies sont trop disparates sauf de la part des deux porteurs du projet qui alimentent régulièrement la base de données. De ce fait, la DEAL et l’AUDeG doivent mettre en place un suivi régulier pour augmenter ces efforts afin d’améliorer les saisies quantitatives et qualitatives des informations géographiques. Cependant, quelques 244 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 désagréments subsistent : une faible documentation des métadonnées mises en ligne, une complexité de l’outil de catalogage pour certains utilisateurs, une maturité insuffisante des outils techniques pour l’intégration des données complexes et volumineuses, ou encore un manque de volonté à mettre à disposition les données. De plus, de nouveaux acteurs devront venir enrichir le cercle limité des services de l’Etat actuel pour répondre au mieux aux enjeux majeurs de la Guyane. Pour ce faire, il est nécessaire que les collaborateurs de GéoGuyane possèdent des données géographiques d’actualité, fiables et ouvertes au grand public afin de répondre pleinement à l’ensemble des thématiques abordées dans les trois annexes de la Directive INSPIRE. Enfin, pour prolonger la dynamique de GéoGuyane, les porteurs du projet devront veiller à son insertion avec les autres initiatives locales autour de l'information géographique. L'articulation avec la plateforme Guyane SIG, déployée actuellement par la Région auprès des collectivités territoriales guyanaises, permettra de toucher indirectement ce public. Les acteurs de la recherche qui développent de plus en plus leurs propres portails de données ne devront pas être négligés. L’enjeu est d'offrir une vision étendue de l'ensemble du patrimoine de données géographique intéressant la Guyane tout en garantissant au mieux la cohérence de ces flux d'information. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 245-253 LE PORTAIL DES DONNEES NATURALISTES SILENE EN REGION PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR HTTP://WWW.SILENE.EU DELAUGE JULIE1, MEYER DOROTHEE2, NOBLE VIRGILE3, CHONDROYANNIS PASCAL4 Résumé – SILENE est un portail internet de diffusion de données naturalistes développé en partenariat par plusieurs organismes producteurs et gestionnaires de données, les services de l’Etat et du Conseil Régional. Seront ici présentés les principes de son fonctionnement aussi bien au niveau technique qu’organisationnel pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ainsi qu’un premier retour d’expérience après les premières années de mise en œuvre. SILENE apparaît aujourd’hui comme un outil important pour la diffusion des connaissances sur la biodiversité dont il favorise la prise en considération, à plusieurs niveaux, dans l’aménagement du territoire régional. Par son exemple, SILENE montre toute l’importance de l’échelon régional comme relais entre l’acquisition locale d’informations et les bilans nécessaires aux niveaux national ou international. Mots clés – Données naturalistes, webSIG, Système d’information, Biodiversité, Provence-AlpesCôte d’Azur 1. INTRODUCTION L’information géographique est devenue, ces dernières décennies, une composante majeure pour l’organisation de la société. En offrant de nouvelles perspectives de diffusion des connaissances dans un cadre directement exploitable pour l’analyse et le suivi des territoires, elle constitue un outil incontournable des politiques d’aménagement du territoire, en particulier dans le domaine de la protection Responsable « Pôle Biodiversité régionale » – CEN PACA - 96 rue droite – App. 5 – 04200 Sisteron 2 Chargée de mission « Connaissance et Animation Scientifique » - DREAL PACA - Service Biodiversité, Eau et Paysages - Le Tholonet - CS 80065 - Allée Louis Philibert - 13182 AIX EN PROVENCE Cedex 5 3 Responsable « Pôle connaissance » - Conservatoire botanique national méditerranéen – 34 av. Gambetta – 83400 HYERES 4 Directeur – Conservatoire botanique national alpin - Domaine de Charance – 05000 Gap 1 246 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 de l’environnement. En effet, la connaissance et la conservation de la biodiversité demandent la disponibilité d’une information géolocalisée, exploitable par des publics divers : observateurs de terrain, professionnels, collectivités territoriales, services de l’Etat... En région PACA5, il existe un historique de pratiques de mutualisation tel que, dès 2002, la création du Centre Régional de l'Information Géographique (CRIGE)6. Le programme SILENE7 a été engagé en 2008. C’est un portail internet de diffusion des données naturalistes qui a pour objectif de permettre « l’accès à l’information naturaliste pour tous, dans un but de gestion et de protection du patrimoine naturel régional » (figure 1). SILENE propose la consultation de données d’observations géolocalisées sur les espèces de la flore et de la faune sauvage. Le programme est développé à l’échelle régionale depuis maintenant plus de cinq ans et s’inscrit pleinement dans l’organisation du Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) mis en œuvre sur le territoire national. Figure 1 : Page d’accueil de SILENE http://www.silene.eu Les données flore sont également accessibles pour la région Languedoc-Roussillon, du fait du territoire de compétence du Conservatoire botanique national méditerranéen. Toutefois la démarche décrite et les propos de cette note ne concernent que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. 6 Le CRIGE PACA est un centre de ressources en géomatique au service des organismes publics de la région. Créé fin 2002 par l'Etat et la Région, son principal objet consiste à développer les usages, la production et le partage d'information géographique entre les services publics. Première structure géomatique régionale créée sur le territoire français et pionnière dans son domaine, le CRIGE est aujourd'hui une Infrastructure de Données Géographiques reconnue au niveau et européen. http://www.crige-paca.org/ 7 Système d’Information et de Localisation des Espèces Natives et Envahissantes 5 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 247 1. HISTORIQUE DU PROJET En 2008, le Conservatoire Botanique National Méditerranéen de Porquerolles (CBNMed) met en place une application internet d’accès à sa base « Flore » pour mieux répondre aux multiples demandes d’accès aux données dont il assure la gestion. Cette initiative rencontre rapidement les attentes des acteurs régionaux réunis par la DREAL PACA8 dans le cadre de la mise en place régionale du SINP. Dès 2009, le projet reçoit l’appui du Conseil Régional PACA et deux nouveaux partenaires sont associés par la DREAL : le Conservatoire Botanique National Alpin (CBNA) et le Conservatoire d’Espaces Naturels de Provence-Alpes-Côte d’Azur (CEN PACA), chargés respectivement d’étendre l’application à la flore des départements alpins (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes) et à la faune sauvage. Face à la diversité des acteurs et à la dispersion des données faunistiques, une approche spécifique de rencontres et d’écoute sera menée, permettant d’établir les conditions nécessaires à l’adhésion des principaux acteurs. Un rapprochement technique est également initié avec certains Parcs Naturels Régionaux, porteurs du Système d’Information Territorial (SIT) qui servira de point de départ à la structure de la base « faune ». Le module « Faune » est opérationnel à partir de 2010. La construction de SILENE sur des partenariats multiples a largement contribué à la définition des principes d’organisation et de fonctionnement. SILENE propose un processus de standardisation, de validation, de spatialisation et de diffusion des données d’observations naturalistes en région PACA, qui sont ainsi centralisées et sauvegardées. 2. CARACTERISTIQUES TECHNIQUES 2.1. SILENE : un outil de webmapping SILENE est un outil qui exploite pleinement les technologies du web 2.0 en publiant des données dans un cadre cartographique interactif. Plusieurs bases de données MYSQL (faune/flore/et prochainement habitats) sont couplées à un serveur cartographique sous licence (DynMap). Les autres développements utilisés sont en « open source », permettant d’importantes possibilités d’évolution. Chaque interface thématique (faune, flore) permet une recherche par espèce ou par liste d’espèces, ce qui permet de connaître leur répartition géographique et de consulter le détail des observations disponibles. Une recherche cartographique est également possible (figure 2), afin d’identifier les espèces présentes sur un territoire donné et consulter les informations associées. De nombreux critères de sélection permettent d’affiner les requêtes : dates d’observation, observateurs, statuts des espèces, etc. 8 DREAL : Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement 248 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Figure 2 : Recherche cartographique sur la commune de Saint Cyr-sur-Mer (83) : localisation des relevés floristiques et listes des espèces végétales connues sur la commune Les fonctionnalités du serveur cartographique sont exploitées pour permettre des opérations intuitives comme l’intersection géographique d’objets cartographiques importés par l’utilisateur ou dessinés directement dans la carte. Les outils standards de cartographie dynamique sont disponibles : zoom + / -, zoom par sélection rectangle, zoom par sélection d’entités, déplacement sur la carte, choix d’affichage des couches cartographiques, sélection manuelle de l’échelle. Les résultats sont présentés par listes NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 249 d’observations (ou de relevés) et par représentation cartographique d’entités ponctuelles. La disponibilité des fonctionnalités et la représentation des résultats varient en fonction de l’échelle de consultation et des droits d’accès de l’utilisateur. En accès public, la donnée d’observation est simplifiée à la commune ou au centre d’une maille carrée (10km ou 5km selon l’échelle), et un téléchargement des relevés et des observations est possible au format Excel. En accès sur identification, la donnée est visible jusqu’à la précision maximale disponible et toute l’information est alors détaillée. Les résultats peuvent être exportés sous divers formats (Excel, CSV, SIG (MIF/MID, Shape) permettant leur intégration dans d’autres outils « métiers » pour une utilisation privée uniquement (le bénéficiaire s’engage par convention à ne pas les rediffuser). 2.2. SILENE : Les données L’objectif est de centraliser des données d’observation primaires, standardisées mais non synthétisées. Cette donnée brute est constituée de plusieurs champs précisément renseignés, dont quatre sont obligatoires : le nom de l’espèce, l(es)’observateur(s), la date d’observation et la localisation (coordonnées ou indication géographique : lieu-dit et commune). D’autres champs complémentaires peuvent être renseignés : effectifs, phénologie, milieu, commentaires divers, etc. L’alimentation de la base est, à l’heure actuelle, essentiellement assurée par la mise à disposition de données des administrateurs, partenaires et fournisseurs volontaires (données gérées dans leurs bases de données propres appelées « bases sources » qui restent autonomes et indépendantes). SILENE a pour principe de ne jamais se substituer aux dynamiques de collecte de données existantes mais, à l’inverse, de les valoriser. Il s’agit de favoriser les complémentarités et d’assurer la mutualisation globale des données d’observation. SILENE doit également intégrer les données acquises sur fonds publics (NATURA 2000, plans nationaux d’action, études environnementales à maîtrise d’ouvrage publique, etc.). Le conditionnement des marchés et dotations publiques au retour des données naturalistes produites est engagé, aussi bien par les collectivités partenaires (conseils généraux, conseil régional) que par la DREAL. Un format standard des données est proposé aux maîtres d’ouvrages pour intégration dans leurs cahiers des charges. Enfin, les droits d’accès ponctuels à la donnée localisée (besoin des bureaux d’études par exemple) sont aussi conditionnés au retour de la connaissance acquise, mécanisme qui engage des contributeurs non adhérents de SILENE à être également fournisseurs de données. Par l’approbation de la charte SILENE, chaque fournisseur s’engage au respect de la déontologie s’appliquant aux données. Il est donc responsable vis-à-vis 250 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 du producteur initial et de SILENE, et s’engage à obtenir les accords d’utilisation et de diffusion de la donnée qu’il transmet à SILENE. L’objectif de garantie scientifique est un des principes fondateurs de SILENE. Une attention particulière est donc apportée à la qualité de la donnée. Cette garantie est de la responsabilité des administrateurs de données : les deux CBN alpin et méditerranéen au titre de leur agrément national pour la flore, et le CEN Paca pour la faune, qui s’appuie sur un réseau thématique de validateurs et les fournisseurs de SILENE. Après validation, la donnée devient accessible et consultable dans SILENE, avec le nom de l’observateur et du fournisseur (structure mentionnée comme source). 3. CARACTERISTIQUES ORGANISATIONNELLES 3.1. Le pilotage et le fonctionnement de SILENE Le fonctionnement de SILENE repose sur trois principes fondateurs : un outil public, un pilotage partenarial et un objectif de garantie scientifique. Une charte de référence précise les objectifs et valeurs partagés, la déontologie liée à la donnée, les droits et devoirs des partenaires. La gouvernance s’appuie sur la définition claire des acteurs et de leur rôle. L’administrateur système (CBNMed) assure la gestion informatique de l’outil. Les trois administrateurs de données (CBNMed, CBNA, CEN PACA) ont en charge la cohérence scientifique et technique de la base et l’animation du réseau des partenaires concernés. Les structures partenaires apportent un soutien politique, technique ou financier, une expertise, des données, etc. Parmi les partenaires, des experts associés au suivi de la validation des données et de la cohérence scientifique de SILENE sont identifiés comme « référents thématiques ». Enfin, toute personne ou structure mettant volontairement à disposition ses données est appelée « fournisseur de données ». Partenaires et fournisseurs volontaires sont considérés comme « adhérents » de SILENE. Des conventions spécifiques détaillent le rôle et les engagements de chacun. Le comité de pilotage, composé de l’ensemble des partenaires, se réunit une fois par an. Il oriente et accompagne le développement de SILENE en complément de la gestion quotidienne du programme. Le fonctionnement opérationnel de SILENE est assuré par le comité d’administrateurs qui regroupe les administrateurs de données, la DREAL et le Conseil Régional. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 251 3.2. Les droits de consultation et l’usage des données En application des objectifs de SILENE, les principes d’accès aux données et leurs usages reposent à la fois sur une volonté d’échange et de respect des contributeurs. Les modalités de consultation ont donc été établies dans un dialogue avec les fournisseurs, permettant de rallier et rassurer le plus grand nombre d’entre eux. Ainsi, les données de synthèse (à la commune ou à la maille) sont en accès public mais les partenaires et fournisseurs volontaires bénéficient, après signature de leur convention, d’un droit d’accès à la donnée précise sur leur territoire ou domaine de compétence (faune, flore, groupe taxonomique). Des droits d’accès ponctuels sont également proposés dans le cadre d’actions ou d’études spécifiques. Les demandes argumentées sont examinées par les administrateurs sur la base de principes validés en comité de pilotage. Les identifiants d’accès sont strictement nominatifs et leur utilisation reste sous la responsabilité du bénéficiaire. La convention d’accès élaborée pour chaque demande engage les bénéficiaires à communiquer les données acquises dans le cadre de leur étude. 4. RESULTATS ET PERSPECTIVES D’EVOLUTION L’exploitation du portail SILENE s’est rapidement développée et a confirmé sa capacité à répondre aux attentes des acteurs. Les principales utilisations permettent de visualiser la répartition régionale d’une espèce ou alerter sur la présence d’espèces protégées par la loi, favorisant ainsi le respect de la réglementation. Ces informations permettront de construire plusieurs indicateurs de l’observatoire régional de la biodiversité en cours d’élaboration. SILENE permet également d’identifier les enjeux de biodiversité sur un territoire, par exemple dans le cadre d’un bilan écologique ou d’une étude d’impact et d’actualiser les bilans régionaux sur la connaissance à l’intérieur de zonages préexistants (ex : actualisation de l’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique). Quelques chiffres illustrent la réalité du programme : 36 structures partenaires et/ou fournisseurs sont conventionnés dont 24 organisent progressivement la mise à disposition de leurs données, représentant une grande diversité d’acteurs (gestionnaires d’espaces protégés, établissement public, association naturaliste, laboratoire universitaire, muséum, collectivité, etc.) ; SILENE a enregistré plus de 35 000 connections sur les 12 derniers mois, et plus de 1 600 000 requêtes ont été effectuées ; 2 926 913 observations floristiques et 789 753 observations faunistiques sont disponibles (valeurs au 28/08/2013) ; plus de 80 demandes d’accès ponctuels de bureaux d’études ont été traitées en un an (en augmentation constante depuis l’ouverture). Le portail SILENE répond ainsi à un réel besoin d’accès à l’information naturaliste avec des types d’utilisateurs variés : citoyens, naturalistes, structures 252 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 professionnelles de l’environnement telles que bureaux d’études, services de l’Etat, gestionnaires d’espaces naturels, etc. Enfin la communauté scientifique développe des programmes de recherche s’appuyant sur la nouvelle disponibilité offerte. Il est toutefois important de bien considérer les limites de l’outil et notamment le fait que SILENE ne gère ni la donnée d’absence ni la pression d’observation. De plus, les données présentes ne constituent en aucune manière un inventaire exhaustif de la biodiversité et leur interprétation peut relever de la compétence d’un expert. Un avertissement en page d’accueil rappelle aux utilisateurs ces contraintes et responsabilités. Les premières années de construction ont permis de fixer l’organisation générale et la majeure partie des acteurs régionaux sont aujourd’hui associés. L’enjeu principal reste l’alimentation de la base en données nouvelles et plus globalement la consolidation du fonctionnement de SILENE. Mais d’autres sollicitations ont rapidement émergé qui viennent contribuer aux choix d’orientations techniques. L’objectif de SILENE étant de répondre, dans la mesure du possible, aux usages pertinents servant la conservation, le retour des contributeurs et des utilisateurs est essentiel. Il appartiendra aux porteurs du programme de s’adapter au mieux aux besoins exprimés, sans mettre en péril sa cohérence. Ainsi les principales voies de développement concernent en premier lieu l’optimisation du recueil de données, notamment faunistiques, et l’accélération des mises à jour. Au titre du SINP, l’organisation des échanges entre le niveau régional et le niveau national sera effectuée dans le cadre de conventions avec l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN) porté par le Muséum National d’Histoire Naturelle et plateforme du SINP. Deux conventions ont été signées (entre SILENE et INPN pour les données faune, entre CBN et Fédération des CBN et INPN pour les données flore) et sont en cours de mise en œuvre. L’amélioration de la gestion du programme a également nécessité le développement d’applications associées pour permettre le suivi des demandes d’accès ponctuels, le pilotage du projet, la saisie directe des données et leur validation. Pour répondre à certains besoins spécifiques d’interopérabilité avec d’autres dispositifs (serveur DREAL, régions voisines, secteurs transfrontaliers), l’ouverture de flux WMS/WFS et de web-services est en cours de test. L’application informatique est aussi en cours d’évolution avec une reprise de l’ergonomie et une meilleure compatibilité entre les modules faune et flore, ce qui facilitera à terme leur superposition. La création d’un module « Habitats » enfin, est portée par le CBNMed et la DREAL Languedoc-Roussillon. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 253 CONCLUSION Après quelques années de fonctionnement, l’adhésion des producteurs et les chiffres de consultation en ligne témoignent du succès de SILENE. Au-delà du strict apport de l’outil à la connaissance de la biodiversité, il faut également noter des effets plus diffus sur l’ouverture des acteurs au principe de diffusion et à l’intérêt d’une mutualisation, favorisant globalement une dynamique d’échanges des données. Très concrètement, la mise en œuvre de l’objectif de versement des données a également entraîné une nécessité de positionnement et un travail d’organisation au sein de chaque structure partenaire. Au plan national, l’engagement de l’équipe et le succès de SILENE ont permis une participation active aux réflexions sur le SINP. Les principes mis en œuvre et les résultats obtenus en région ont contribué à faire reconnaître la pertinence du niveau régional comme niveau de confiance et d’action, la proximité entre producteurs et gestionnaires de données facilitant la mutualisation et la construction d’un réseau partenarial. Cette organisation régionale a été retenue dans l’architecture globale du SINP. Le projet rencontre bien sûr des difficultés. En premier lieu, la volonté de mutualisation des structures partenaires est souvent freinée par leur défaut d’organisation interne. Sans surprise, la résistance de certains acteurs est parfois liée à une perception de « concurrence » ou de « dépossession » des données qu’ils produisent. Du coté des utilisateurs, le déficit de culture de l’usage de la donnée brute peut conduire à des contre-sens. Ceci nécessite de mettre en place les alertes et formations adéquates ainsi que le relais vers les écologues et naturalistes qui doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle d’experts. SILENE doit rester attentif à ces éléments de contexte et présenter la capacité de réponse et d’adaptation nécessaire, tout en veillant à une stabilité organisationnelle pour garantir sa pérennité. Des solutions existent, qui s’installeront dans le temps, pour peu que le besoin stratégique et le soutien politique de SILENE ne faiblissent pas. Il sera, enfin, important de se questionner sur la réalité et les conditions de l’atteinte de l’objectif initial : dans quelle mesure l’accès à l’information naturaliste pour tous contribue-t-il positivement à la gestion et la protection du patrimoine naturel régional ? Un point de vue extérieur serait nécessaire pour répondre à cette question qui suppose la mise en place d’un processus de suivi et d’évaluation adapté. Networks and Communication Studies, NETCOM, vol. 27 (2013), n° 1-2 pp. 254-263 LES DONNEES ENVIRONNEMENTALES : UN CAS PARTICULIER DANS LA MISE EN PLACE DES DONNEES PUBLIQUES EN OPEN DATA ? VALENTIN JEREMIE1 INTRODUCTION Dans un contexte de crise économique, les États, les régions, les collectivités locales cherchent par tous les moyens des solutions durables qui leur permettent à la fois de réduire leurs coûts de fonctionnement et de trouver des leviers de croissance économique. Pour résoudre cette délicate équation, à laquelle se greffe souvent la variable supplémentaire de durabilité et de pérennité de l’action publique, les instances publiques optent pour diverses stratégies. Celles-ci s’articulent dans un panel très large allant de l’augmentation des prélèvements au lancement de grands plans d’investissement. Dès lors, les TIC dans leur ensemble font souvent office d’une solution d’investissement favorisant l’innovation et maximisant l’utilisation des ressources. Nous proposons ici un retour d’expérience focalisé sur un des sujets d’actualité dans le monde des TIC à savoir la mise à disposition des données publiques et plus particulièrement le cas des données environnementales dans les portails open data de diverses institutions françaises. Notre démarche s’articulera principalement sur le retour d’expérience de la cellule d’Open Data de la Ville de Montpellier2, qui s’est lancée dans l’ouverture des données publique en mars 2011. La démarche Open Data de la Ville s'inscrit dans un programme global d’innovation urbaine autour du Ingénieur de Recherche au CNRS (laboratoire ArtDev UMR 5281) et Chef de projet Open Data de la Ville de Montpellier dans le cadre du projet Montpellier Territoire Numérique : http://opendata.montpelliernumerique.fr/ 1 Deux ans après son lancement, le portail Open Data accueille plus de 100 jeux de données, pour environ 3.000 visites par mois et un nombre de téléchargements supérieur à 50.000. 2 255 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 numérique nommé Montpellier Territoire Numérique. Ce programme3 propose, grâce à l’utilisation des TIC, de permettre aux acteurs traditionnels de la ville (entreprises, institutions, acteurs sociaux) et à ceux du numérique d'anticiper et de préparer ensemble les transformations de la ville. 1. LA MISE A DISPOSITION ENVIRONNEMENTALES DES DONNEES La première question est donc de savoir s’il existe une relation particulière entre les données ouvertes en open data et la thématique générale de l’environnement. Pour ce faire, nous essaierons de voir si cette thématique est présente sur une majorité de portails en France, puis nous chercherons à savoir à quel moment elle est abordée dans le processus d’ouverture des données. Cette double approche s’orientera sur une rapide étude statistique de 10 portails open data en France. À partir de cet état des lieux comptable et en nous appuyant plus précisément sur le cas de Montpellier, nous verrons qu’il existe des facteurs déterminants dans la mise à disposition des données environnementales par rapport à d’autres types de données. Initié par M. Delafosse, adjoint au maire de Montpellier, délégué à l'urbanisme et à l’innovation numérique. 3 256 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Territoire Date de lancement Nbre total de données (mai 2013) Données environnementales (mai 2013) Rapport données environnementales / données de lancement Services applicatifs Paris (Ville) janv-11 89 14 4/13 données au lancement City Gardens, Paris StreetSideTrees (Microsoft) Rennes (Métropole) juil-12 139 14 8/-- données au lancement Parc du Thabor Nantes (Métropole) nov-11 406 31 7/35 données au lancement Oasis à Nantes, Parc à Nantes, Vert'Nantes La Rochelle (Ville) mai-12 230 - - - Toulouse (Métropole) oct-11 66 3 3/31 données au lancement - Bordeaux (Ville) sept-12 58 1 1/58 données au lancement - Montpellier (Ville) mars-11 102 16 5/13 données au lancement City gardens, BioZoom, Cartoclic, Microsoft Région Aquitaine (Région) juin-11 80 5 3/29 données au lancement - Région PACA (Région) juin-12 289 116 5/82 données au lancement - Data,gouv,fr (Mission interministérielle) nov-11 353349 55642 55642/350000 données au lancement - Tableau 1. Répartition des données environnementales dans les données mises en libre accès par dix organismes publics. NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 257 1.1. Les données environnementales en France En nous appuyant sur une analyse de 9 portails4 d’institutions locales françaises (Ville, Agglomération, métropole, département et région) plus le portail national français de la mission Etalab5 (data.gouv.fr), nous essaierons de dégager un constat chiffré sur les données environnementales. Pour ce faire, nous chercherons à connaître la part des données dites environnementales sur chacun des portails, puis nous essaierons de voir à quel moment ces données sont mises en ligne dans le processus d’ouverture et enfin nous verrons quels types de ré utilisation génèrent ces données. En terme de méthodologie le comptage a été effectué à partir du nombre de donnée rattachée aux thématiques ou mots clés « environnement » et « écologie ». À la vue de ce tableau synthétique, peu d’enseignement précis peuvent en être tirés. Premièrement, d’un point de vue méthodologique, il est très difficile de trouver un consensus sur la définition d’une donnée environnementale. Chaque portail définit des thématiques ou catégories, dont souvent une thématique « environnement », et chaque portail est libre d’y associer des données. Sachant qu’il n’existe pas de consensus national sur un quelconque thésaurus thématique ou manière de décrire les données mises à disposition, il est de fait très difficile d’espérer pouvoir comparer dans le détail les portails open data entre eux. Par exemple, la Ville de Toulouse possède 3 données classées dans le thème « environnement », les stations d’épuration, les points de collecte des emballages et du verre, données que nous retrouvons sur le portail de Paris et Rennes, mais Toulouse n’a aucune donnée sur la biodiversité des arbres présents sur son espace, contrairement à Paris et Rennes. Peut-on alors comparer le thème environnement entre les territoires ? Le cas du portail national est tout aussi révélateur de cette situation, en effet sur les 350.000 données mises à disposition à l’ouverture plus de 50.000 sont issues du seul ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, peut-on néanmoins conclure que les données relatives à l’environnement sont sur représentées ? Dès lors quels enseignements tirer de cet état des lieux ? À notre avis plus un sentiment global vis-à-vis du thème « environnement » qu’une réelle situation propre qui lierait les données ouvertes à cette thématique. Néanmoins quelque soit le cadre de définition du thème environnement, ce dernier est présent sur la quasi-totalité des portails open data en France. Ceci quelque soit sa date d’ouverture, en effet les données liées à l’environnement sont souvent présentes dès le lancement du portail open data dans des proportions variables. En revanche fait remarquable, elles ont été valorisées en service sur les territoires précurseurs dans la démarche open date en La sélection s’est opéré selon des critères relatifs à l’ancienneté des portails et du nombre de données diponibles. Enfin la sélection devait représenter au mieux la diversité administrative des institutions engagées dans l’open data en France : Paris, Rennes, Nantes, La Rochelle, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Région Aquitaine, Provence Alpes Cote d’Azur / il est nécessaire de citer les sites web. 5 http://www.etalab.gouv.fr/, consulté le 26/02/2013 4 258 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 France. La mise en ligne des données environnementales tôt dans le processus d’ouverture des données institutionnelles ayant très certainement influé sur leur réutilisation, contrairement à des données qui sont rarement valorisées dans des applications. 1.2. Les facteurs déterminants, le cas de Montpellier La Ville de Montpellier a débuté sa réflexion autour de l’open data en septembre 2010 avec le lancement du programme Montpellier Territoire Numérique. La mise à disposition des données était un des projets phares dont le développement était prioritaire. Les premiers mois ont alors consisté à définir et développer les aspects techniques du futur portail et en parallèle faire de la pédagogie en interne pour exposer la démarche. Lors de ces premières semaines de réflexion, diverses problématiques alimentaient les discussions, comme le choix de la Licence, le format des données et enfin le type de données. Suivant une feuille de route informelle s’inspirant des portails déjà en ligne dans le monde et en France un panel de données a été identifié et hiérarchisé. Parmi ces données se trouvaient les données relatives au thème « environnement ». Au-delà des contacts facilités par une bonne connaissance de la démarche open data dans le monde de la part du directeur de service responsable de ce domaine au sein de la Ville de Montpellier, cette situation s’explique selon deux critères : un premier technique et un second politique. 1.3. Le choix technique Quand est venu le moment du choix des données à mettre en ligne sur le futur portail open data, la question du format était cruciale ainsi que la qualité des données. Une institution comme la Ville de Montpellier gère des dizaines de bases de données loin d’être uniformisées dans un système global de gestion de données. L’objectif fut alors d’identifier les services pour lesquels la base de données était stable et facilement exploitable. Il s’agit de pouvoir extraire facilement une information sous différents formats ouverts et réutilisables par le plus grand nombre. Les données relatives à la gestion métier (c'est-à-dire liée à la compétence du service) du thème environnement offraient à Montpellier un cadre technique « rassurant » à partir duquel la Ville pouvait exporter des données géolocalisées de qualité. C’est pourquoi dès le lancement (avril 2011) le portail open data proposait des données relatives aux arbres d’alignement, aux parcs et jardins, aux espaces boisés classés, aux appellations d’origine contrôlée, aux arbres remarquables et suivirent 2 mois après l’évapotranspiration6 et un inventaire botanique du territoire. L’évapotranspiration est la combinaison de l’évaporation (sol) et de la transpiration des plantes. L’évapotranspiration peut être estimée en quantité d’eau par unité de surface, mais elle est généralement traduite en hauteur d’eau, le plus souvent en millimètre (mm). La Ville de Montpellier dans le cadre de sa maitrise et de son suivi de la consommation d’eau effectue tous 6 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 259 L’environnement était alors la thématique dominante du portail open data de Montpellier. Néanmoins, cet état de fait n’était pas uniquement lié à des prédispositions techniques de ces données, d’autres données métiers de la Ville étaient tout aussi disposées à être exploitées rapidement dans le cadre d’une mise à disposition en open data. 1.4. Le choix politique (stratégie) Cette sur représentativité des données environnementales durant les premiers mois est aussi la conséquence de 4 facteurs politiques. Le premier concerne la sensibilité de la donnée. En effet, lors du lancement d’une démarche open data au sein d’une institution il est rapidement question de la sensibilité des données mises en ligne. Si le cadre des données personnelles est rapidement clos, d’autres animent des discussions d’ordre stratégique pour la municipalité. Hors de question de diffuser des données relatives aux salaires ou par exemple l’emplacement des conduites d’eau potable. D’autres sont destinées a être mise en ligne, comme les subventions attribuées ou l’emplacement des caméras de vidéo protection, mais demandent plusieurs semaines de validation en interne. Dès lors, les données relatives à la thématique « environnement » apparaissent comme non sensibles7 à la diffusion et jouissent d’un arbitrage hiérarchique rapide. Deuxième point, sans doute autant technique que politique, concerne l’aspect géographique des données. Les 5 données mises en ligne dès l’ouverture sont en effet des données géolocalisées, ce point est tout à fait essentiel dans le cadre de la réutilisation par des tiers. Par retour d’expérience nous savions que les données géographiques en open data peuvent être rapidement ré exploitées par divers services de cartographie voire même intégrer des applications ou services web déjà existant. Mettre en ligne, en open data, des données environnementales en France début 2011, soit être la troisième institution à ouvrir ces données après Rennes et Paris, c’est « s’assurer » d’une réutilisation rapide et visible de ces données et donc une démonstration de l’intérêt porté par des acteurs tiers sur la démarche d’ouverture d’une collectivité. Les données liées à la thématique environnementale avaient alors un statut stratégique nourrissant le choix politique d’ouverture. Ce constat valable début 2011 pour la Ville de Montpellier est aujourd’hui avec la multiplication des portails open data et des thématiques représentées nettement moins présent lors du positionnement stratégique d’ouverture des données d’une collectivité. Troisième point, cette fois porté vers une politique d’ouverture à des détenteurs tiers. Au moment de la définition du programme Montpellier Territoire les jours des relevés d’évapotranspiration. Seule la dernière phrase mérite d’être conservée : Cette donnée recoupée avec d’autres informations, comme les températures ou l’ensoleillement, permet à la Ville d’optimiser le réglage de la programmation des temps d’arrosage. 7 Notons qu’une modération est nécessaire sur certaines d’entre elles, impossible de diffuser l’emplacement précis d’une espèce végétale rare pour éviter son vol. 260 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 Numérique et de son volet open data, l’empreinte de l’institution Ville devait moins apparaitre que la volonté de parler d’un territoire de vie non restreint à des limites administratives. Le portail open data de la Ville de Montpellier a été conçu pour pouvoir accueillir des données d’autres acteurs que les services municipaux, l’ouverture des données n’est pas la vocation unique des villes, département et région. Des entreprises, des chercheurs, des associations sont aussi animés par cette volonté d’ouverture. En connaissance de cause, nous avions identifié divers acteurs associatifs sensibles à notre démarche open data. Un de ces acteurs était le réseau Tela Botanica8, regroupant divers acteurs désireux de partager leurs connaissances autour de la botanique. Mettre en ligne des données liées à leur thématique permettait d’établir le contact pour une future collaboration. Cette dernière allait déboucher sur la mise en open data de l’inventaire botanique de Montpellier9. Au-delà de l’aspect politique de mutualisation des connaissances accessibles en un lieu, héberger et mettre à disposition des données non issues de l’institution ville, renforce le positionnement idéologique selon lequel « l’extérieur » possède une intelligence et une information de qualité pouvant être utile à la fois en interne, mais aussi à tous via l’ouverture en open data. Enfin, quatrième point, d’ordre politique générale de la Ville de Montpellier, fait coïncider une stratégie politique encrée depuis plusieurs années en faveur de la biodiversité10 avec la mise à disposition de données environnementales. En effet la Ville de Montpellier à un positionnement fort sur la thématique générale de l’environnement, ce dernier lui a permis d’être récompensée comme capitale française et européenne de la biodiversité en 2011. Mettre l’accent sur les données environnementales en open data était alors un choix politique « naturel » au moment de l’ouverture du portail open data de la Ville de Montpellier. La combinaison stratégie politique avec la facilité technique a donc conduit à un traitement singulier des données environnementales sur le territoire montpelliérain. Deux ans après le lancement du portail open data de Montpellier ce choix a-t-il était concrétisé par une réutilisation elle aussi singulière ? « Le réseau Tela Botanica contribue au rapprochement de tous les botanistes de langue française dans une éthique de partage des connaissances et de respect de l’homme et de la nature. Sa vocation est de favoriser l'échange d'informations, d'animer des projets grâce aux nouvelles technologies de la communication et de produire des données libres de droit au service de l'ensemble des botanistes. », document en ligne, http://www.telabotanica.org/site:accueil, consulté le 26/02/2013 9 Réalisé par Tela Botanica 10 http://www.montpellier.fr/3313-biodiversite.htm, consulté le 26/02/2012 8 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 261 2. LA REUTILISATION DES DONNEES ENVIRONNEMENTALES 2.1. Un choix technique et un format géographique encourageant la réutilisation Nous l’avons vu, les données environnementales offrent un cadre technique « rassurant » garantissant en quelque sorte une exploitation rapide de ces données par des tiers. Ce positionnement fut vérifié dès les premières semaines de mise à disposition avec la réutilisation des données liées aux arbres d’alignement par deux services de cartographie en ligne. Ces deux services web proposent de visualiser sur une carte dynamique tous les arbres gérés par la Ville de Montpellier. Le premier service est développé à partir d’une solution Microsoft, il propose le même type de réutilisation pour la même donnée ouverte issue du portail open data de la Ville de Paris11, il s’agit dans ce cas uniquement de visualisation multi critère. Le second développé par Cartoclic12, une start-up montpelliéraine propose les mêmes options de visualisation des arbres, mais avec la possibilité de modifier la carte via une option de déplacement et d’ajout d’arbre. Le service devient alors collaboratif et invite les citoyens à corriger, voire compléter l’information détenue par les services de la Ville. En effet même si la Ville de Montpellier référence plus de 23.000 arbres en gestion, ces derniers ne représentent qu’une petite part des arbres présents sur son territoire. L’idée a alors été de proposer un service qui permettrait à tout le monde, qu’il s’agisse d’une autre institution ayant des arbres sur son domaine ou bien un simple particulier, de référencer des arbres afin d’aboutir à une base de données la plus exhaustive possible. Partant de ce principe la Ville a voulu alors compléter l’offre d’outil d’ajout d’arbre avec la commande d’une application mobile. L’application BioZoom13 permet depuis un terminal mobile iOS de réaliser une photo et de compléter une fiche descriptive relative à une espèce végétale, le tout géolocalisé depuis le lieu de saisie. Ces informations sont ensuite agrégées sur une base de données tierce et ouverte, puis modérées afin de pouvoir être potentiellement intégrées dans les bases de données de la Ville. De plus les données relevées via l’application BioZoom profitent aussi d’un service de visualisation cartographique14 développé par la société CartoClic. 2.2. De la réutilisation cartographique aux données « crowdsourcées » La combinaison d’une donnée de qualité et d’un format géographique a donc permis de rapidement illustrer les possibilités offertes par la mise à disposition de 11 http://www.govdata.eu/samples/paris/parisarbreseu.html, consulté le 01/03/2013 12http://arbres.cartoclic.org/site/demo/Arbres?xpage=plain#lng=3.872528&lat=43.608978& z=12, consulté le 01/02/2013 13 https://itunes.apple.com/fr/app/id438447326?mt=8&affId=1578782, consulté le 01/02/2013 14http://mtn.softec.lu/site/biozoom/carte?xpage=plain#lng=3.9250563813475&lat=43.6134 52409913&z=12, consulté le 01/03/2013 262 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 données publiques en termes de réutilisation par des tiers et surtout en abordant la question des données non institutionnelles et le rôle des citoyens et des données qu’ils sont susceptibles de produire. Plusieurs mois après le lancement de ces divers services on ne peut pas dire qu’ils aient trouvé leur public (certainement par manque de communication). Néanmoins, ils nous ont permis dès les premières semaines d’amorcer une réflexion pédagogique en interne et en externe autour des données extérieures à l’institution, leur qualité, leur utilité et leur récolte. Cette démarche pédagogique a permis à la Ville de créer des liens nouveaux entre services métiers, développeurs et citoyens qui ont débouché sur par exemple la mise en place d’une méthodologie de cartopartie (relevé citoyen de données) connaissant un petit succès, mais surtout à l’origine de données « crowdsourcées15 » utilisées par divers acteurs16. 2.3. D’autres exemples de réutilisation Nous l’avons vu la réutilisation cartographique des données environnementales fut précoce et rapidement accompagnée par le programme open data de la Ville de Montpellier. Toutefois, il est aussi des applications dont la Ville a eu connaissance que très tardivement et pour lesquelles aucune aide (financière) particulière ne fut mise en place. Il s’agit par exemple de l’application City Gardens17, destinée à la découverte des parcs et jardins d’une ville. Cette application mobile existait déjà pour plusieurs villes en France sans nécessairement utiliser des données ouvertes de ces villes, qui pour certaines n’ont pas de projet open data. Dans le cas de Montpellier, l’ouverture des données relatives aux parcs et jardins a permis aux développeurs de City Gardens d’adapter rapidement et sans sur coût majeur leur application au territoire de Montpellier. La Ville a alors eu connaissance du projet très tardivement et son rôle s’est limité à mettre en relation les développeurs et le directeur du service paysage et biodiversité de la Ville de Montpellier pour régler les derniers détails. Enfin une autre donnée classée dans le thème environnement à fait le fruit d’une réutilisation identifiée, cette dernière est très importante aux yeux de la cellule open data de Montpellier, car elle illustre pleinement la variété des acteurs concernés et intéressés par le mise en ligne de données ouvertes. En octobre 2011, un chercheur de l’INRA18 de Montpellier contacte l’équipe de Montpellier au sujet de la donnée « évapotranspiration » calculée quotidiennement19 par les équipes du service paysage et biodiversité. Cette donnée sert à déterminer les temps et quantités d’arrosage des espaces verts de la Ville de Montpellier durant la période sèche. Le chercheur était à la recherche de données relatives à l'année 2010 afin de modéliser les pertes en eau sur Données issues du travail collaboratif de divers acteurs dans la récolte sur le terrain. Exemple du service Handimap.org, http://www.handimap.org/montpellier, consulté le 04/03/2013 17 https://itunes.apple.com/fr/app/citygardens-la-nature-dans/id505955763?mt=8, consulté le 01/03/2013 18 Institut National de la Recherche Agronomique, http://www.inra.fr/ 19 Uniquement durant la période sèche de mai à septembre. 15 16 NETCOM, vol. 27, n° 1-2, 2013 263 un essai de maïs à Mauguio. Le programme open data de la Ville de Montpellier ayant débuté au printemps 2011, cette information n’était pas disponible en ligne. De fait, la demande a été transmise au service concerné afin d’accéder à des données antérieures si elle existait. La réponse fut positive et les données furent transmises à l’INRA. Accéder librement à des données environnementales semble alors revêtir un certain intérêt pour une multitude d’acteurs. Cet intérêt fut certes formaté par une situation de départ cadrée, mais reflète selon nous plus largement le potentiel offert par des données en open data. Les prédispositions techniques et thématiques des données environnementales à l’ouverture semblent être une réalité sur laquelle peut s’appuyer une institution. CONCLUSION Notre question de départ supposait une situation singulière des données environnementales sur les portails open data en France. Difficile démettre un avis global sur la question. À l’heure actuelle, les données environnementales sont certes une des thématiques phares de l’ouverture de données, mais elles ne sont pas un cas exceptionnel. En revanche, l’étude du cas de Montpellier le montre, elles ont des caractéristiques techniques et politiques favorables qui permettent à une institution de s’appuyer sur la thématique environnement pour accompagner une démarche open data. Mais est-ce vraiment le but ? Un des objectifs intrinsèques de la mise à disposition de ces données serait d’avoir un impact réel sur des problématiques environnementales. Deux ans après l’ouverture, des premiers portails open data, il nous parait difficile de juger de telles répercussions sur le territoire, tant le temps des évolutions environnementales et le temps des innovations numériques évoluent sur des échelles différentes.