Les usages avancés du téléphone mobile » revue

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Les usages avancés du téléphone mobile » revue
Networks and Communication Studies,
NETCOM, vol. 23 (2009), n° 3-4
pp. 297-300
« Les usages avancés du téléphone mobile »
revue Réseaux, La Découverte, volume 27,
juillet-septembre 2009
MATHILDE CLERET, ANNE -CATHERINE PICART1
Le volume 27 de la revue Réseaux « Les usages avancés du téléphone mobile »
aborde la question de la transformation des terminaux portables et de leurs usages. Il
regroupe des études menées entre 2007 à 2009, dans le cadre d’un projet collaboratif
« Mobile en ville » labellisé par le pôle de compétitivité Cap Digital. Il est constitué de
six articles qui interrogent les nouvelles pratiques individuelles et collectives de la
téléphonie mobile. Ils questionnent la façon dont s’articulent les nombreux usages du
portable (écouter de la musique, regarder la télévision, filmer, se parler, parfois avec
l’image visiophonique) en situation de mobilité en milieu urbain (marcher, attendre
dans une station de métro, prendre les transports en commun…). Les expériences
étudiées renvoient finalement à la question de la multi-activité et du nomadisme.
Le premier article « Configurer l’accessibilité des voyageurs équipés à des services
multimédia » (Christian Licoppe et Claire Levallois-Barth) analyse un projet de publicité
interactive consistant à envoyer des contenus multimédias sur les téléphones mobiles
des usagers des stations de métro parisiennes, via la technologie Bluetooth. Ceci ne va
pas sans poser de problèmes juridiques puisque sans l’accord préalable de l’utilisateur,
cela s’apparente à une forme sauvage et abusive de prospection commerciale à laquelle
la CNIL s’oppose. D'autres organismes de défense de l’utilisateur travaillant sur cette
question de l’accessibilité numérique (associations «Ras la pub », « souriez vous êtes
filmés »...) s'inquiètent en outre du danger de cette nouvelle technique publicitaire
pour la santé des voyageurs.
L’article suivant, « Embarqués dans la ville et la musique » (Anthony Pecqueux),
centre sa réflexion sur les conséquences de l'écoute musicale via le téléphone mobile.
Il montre combien les moments d'ancrage avec l'environnement sont rares et la
capacité des usagers de s'isoler ou de fuir les nuisances urbaines par ce moyen.
Toutefois, en situation de mobilité, le récepteur reste toujours vigilant au monde
extérieur substituant à l’audition tous les autres sens et profitant le plus souvent d’une
connaissance assurée des lieux. L’écoute musicale, à la différence d’autres pratiques
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Master Géographie et Aménagement Ingénierie Territoriale, Urbanisme et Politiques publiques de
l’Université du Havre.
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centrées sur le portable (capture d’images, de vidéos) renferme la particularité de ne
pas être « contrainte spatialement ».
Le troisième article : « L’appropriation de la télévision mobile personnelle autour des
réseaux de communication » (Julien Figeac) introduit la notion de technologie spatialisante
(Dourish 2007). Cette enquête sociologique rend compte de la manière dont les
contraintes d’usages, la disponibilité du réseau téléphonique, viennent bousculer les
habitudes et les préférences télévisuelles dès lors qu’elles s’expriment en situation de
mobilité. Il en ressort des formes de stratégies de recherche de réseaux disponibles et
une adaptation des usages qui s’insèrent dans d’autres pratiques culturelles.
Le quatrième article : « La télévision mobile : une modalité de gestion du lien,
complémentaire de celle des fonctions de communication » (Catherine Lejealle) insiste sur le fait
que la télévision mobile ne transpose pas les usages de la télévision domestique mais
les complète. Elle permet d’accéder à des contenus différents s’inscrivant dans des
plages horaires jusqu’à lors inhabituelles. Selon le réseau disponible, les utilisateurs
varient leurs activités entre les supports traditionnels (journal, livre...) et les nouvelles
technologies. Immersif ou en parallèle, de durée courte ou longue, ces usages,
permettent de s’isoler ou de faire lien.
Dans le cinquième article intitulé « Les usages amateurs de la vidéo sur téléphone
mobile » (Anne Bationo, Moustafa Zouinar) les auteurs interrogent l’usage de la caméra
video. Depuis quelques années, la prise d’images est devenue plus fréquente et plus
spontanée : le téléphone mobile est toujours à portée de main. Il sert d’avantage à
filmer les petites scènes du quotidien que les grands événements avec un souci
esthétique important, parfois au mépris des techniques de cadrage. Cette
démocratisation s’appuie sur des logiciels de traitement d’images faciles à utiliser, la
possibilité de visionner immédiatement sur toute une série de supports (ordinateur,
téléphone mobile) et l'échange immédiat de la vidéo avec d'autres personnes. Une
variable influence encore fortement la fréquence d’usage de la vidéo : la place limitée
du stockage qui occasionne des vidéos majoritairement courtes et partagées presque
aussitôt après leur prise.
Le sixième article « La vidéocommunication sur téléphone mobile », (Julien Morel et
Christian Licoppe) analyse les raisons des appels visiophoniques, en particuliers les
freins à l’usage. Seuls 2 à 3% de personnes s’adonnent à cette pratique, certaines
contraintes se révélant insurmontables techniquement et humainement. D’une part,
l’environnement direct et ses perturbations conditionne l’usage même de l’outil ;
d’autre part, l’exposition publique est toujours problématique car le contrôle sur sa
propre image et sur son environnement reste très aléatoire.
Le numéro propose une analyse fine des usages de la téléphonie mobile en
situation de mobilité en éclairant le lecteur sur leurs différents enjeux. D’un point de
vue méthodologique, les auteurs empruntent à l’ethnographie et à la sociologie et
exposent très clairement leurs protocoles d’enquêtes. Dans cette démonstration
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fondée sur des études de cas, des questions se posent toutefois quant à la
représentativité des résultats à une échelle plus large. Il sera donc intéressant de
confronter ces résultats à d’autres contextes pour avoir une lecture plus nourrie des
pratiques questionnées dans ce numéro. En termes de résultats, l’ensemble fournit
tout de même un paysage tendanciel des usages de la téléphonie mobile au 21e siècle.
Si certains phénomènes risquent de s’essouffler, d’autres semblent devoir s’inscrire
durablement dans les pratiques, tandis que, de l’autre coté de la chaîne, des stratégies
intrusives s’opèrent pour contourner les obstacles juridiques censés protéger les
consommateurs (pratiques de démarchage commercial par le Bluetooth ou MMS et
SMS).
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