MEG/EEG et Neurochirurgie

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MEG/EEG et Neurochirurgie
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MEG/EEG et Neurochirurgie
Hugues Duffau
Service de Neurochirurgie, H™pital Salp•tri•re, Paris
I Ð ProblŽmatique
La chirurgie du syst•me nerveux central expose ˆ de haut risques de sŽquelles neurologiques, en particulier
lorsque rŽalisŽe en zones dites ÇÊfonctionnellesÊÈ (Apuzzo, 1993). Par consŽquent, la lŽgitimitŽ dÕune
intervention neurochirurgicale Žtant conditionnŽe par le ratio risque/bŽnŽfice de lÕacte, il para”t nŽcessaire afin de
planifier lÕexŽr•se optimaleÊ:
-
dÕune part de dŽfinir prŽcisŽment la topographie et les contours de la zone ˆ idŽalement rŽsŽquer si lÕon
souhaite maximiser les chances dÕamŽliorer les pronostics vital et/ou fonctionnelÊ;
-
dÕautre part de cartographier la rŽpartition des aires ÇÊŽloquentesÊÈ ˆ prŽserver dans le but de minimiser
les risques de dŽficits post-opŽratoires dŽfinitifsÊ;
-
enfin dÕextrapoler en fonction de ces deux crit•res lÕinterface ÇÊrŽsultantÊÈ optimal, qui constituera en
pratique la dŽlimitation rŽelle de la rŽsection chirurgicale, les deux sous-groupes tissu pathologique/aires
fonctionnelles pouvant le cas ŽchŽant se superposer au moins partiellement (Duffau, 2000aÊ; Morrell,
1999Ê; Ojemann, 1996Ê; Skirboll, 1996).
DÕun point de vue mŽthodologique, les techniques classiquement utilisŽes dans ces repŽrages cruciaux ont
certes ŽtŽ ŽprouvŽes, mais p•chent toutefois par un certain nombre de lacunes.
Ainsi concernant lÕidentification du tissu pathologique, si en mati•re de chirurgie lŽsionnelle (notamment
tumorale), la dŽtection du processus expansif a nettement bŽnŽficiŽ de lÕav•nement de lÕIRM anatomique, non
seulement prŽ-opŽratoire (avec en particulier les reconstructions surfaciques tridimensionnelles), mais Žgalement
per-opŽratoire via les syst•mes de neuronavigation (possiblement combinŽs ˆ un repŽrage Žchographique en
temps-rŽel), plus difficile reste la dŽfinition prŽcise du (ou des) foyer(s) Žpileptog•ne(s) prŽalable ˆ toute
ÇÊchirurgie de lÕŽpilepsieÊÈ (lŽsionnelle ou non). En effet, outre les signes cliniques et lÕEEG de surface (couplŽs
sous forme dÕenregistrement vidŽo-EEG des 24h), le bilan neuropsychologique, lÕIRM anatomique, associŽs aux
examens mŽtaboliques (tomographie par Žmission de simple photons ou de positrons) (Engel, 1993), les
implantations de grilles corticales et/ou dÕŽlectrodes profondes sont bien souvent nŽcessaires afin de dŽtecter la
structure ˆ rŽsŽquerÊ: ces mŽthodes fiables et prŽcises sont cependant invasives, nŽcessitant un premier acte
opŽratoire avant la chirurgie dÕexŽr•se ˆ proprement parler (Spencer, 1993).
Sur le plan du repŽrage des zones Žloquentes, fait dÕune importante variabilitŽ anatomo-fonctionnelle interindividuelle actuellement bien documentŽe, tant chez le volontaire sain quÕa fortiori chez le patient porteur dÕune
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pathologie cŽrŽbrale (Galaburda, 1990Ê; Ojemann, 1979), les simples crit•res anatomiques dÕidentification des
sulci et gyri ne procurent quÕune information tr•s imparfaite. LÕidentification directe des cartes fonctionnelles
(notamment motrice, sensitive et du langage) semble donc souhaitable pour toute intervention
intraparenchymateuse dans ou au voisinage des aires Žloquentes. Alors que la mŽthode des stimulations
Žlectriques per-opŽratoires permet une dŽtection fiable et prŽcise de ces aires Žloquentes (essentielles) au fur et ˆ
mesure de la rŽsection chirurgicale (Berger, 1992Ê; Duffau, 1999Ê; Ojemann, 1989), cette derni•re ne rend
toutefois pas possible la planification de lÕacte en prŽ-opŽratoire. Par ailleurs, commence ˆ •tre dŽmontrŽe
lÕexistence de phŽnom•nes de rŽorganisation des cartes fonctionnelles, dans un but compensateur, non seulement
rŽactionnels au dŽveloppement progressif dÕune lŽsion intracŽrŽbrale (Seitz, 1995Ê; Wunderlich, 1998), mais
Žgalement induits par la procŽdure chirurgicale elle-m•me, ˆ court (Duffau, 2000b, 2001) et ˆ long termes
(Krainik, in pressÊ; LŸders, 1997). Une meilleure comprŽhension de ces mŽcanismes pourrait dŽboucher sur une
prŽdiction individuelle du potentiel de rŽorganisation fonctionnelle, possiblement incorporable dans la stratŽgie
neurochirurgicale (en opŽrant en plusieurs temps, pour profiter de la redistribution entre les procŽdures).
LÕav•nement rŽcent de la MagnŽtoencŽphalographie (MEG) semblerait reprŽsenter un apport substantiel dans
les diffŽrents domaines sus-citŽs de la planification opŽratoire ÇÊdynamiqueÊÈ: ˆ la fois dans lÕidentification des
foyers Žpileptog•nes, dans le repŽrage des aires fonctionnelles, et le cas ŽchŽant dans lÕauthentification des
phŽnom•nes de rŽorganisation des cartes (prŽ- et/ou post-opŽratoires).
Ces diffŽrents aspects seront successivement envisagŽs.
II Ð MEG et foyers Žpileptog•nes
Les bases ayant ŽtŽ mises en place dans lÕexposŽ ÇÊMEG et ŽpilepsieÊÈ, nous nÕinsisterons que sur lÕaspect
ÇÊplanification prŽ-opŽratoireÊÈ.
Deux types de ÇÊchirurgie de lÕŽpilepsieÊÈ sont ˆ clairement distinguer, du fait dÕune stratŽgie thŽrapeutique
diffŽrenteÊ: chirurgie de lÕŽpilepsie lŽsionnelle, et chirurgie de lÕŽpilepsie non-lŽsionnelle.
Dans lÕŽpilepsie lŽsionnelle, ˆ savoir secondaire ˆ lÕexistence dÕun processus malformatif
(dysembryoplasique, vasculaire) ou tumoral, lÕintervention vise le plus souvent ˆ Žradiquer la lŽsion seule dans
un premier temps. La chirurgie Žvite ainsi le risque inhŽrent ˆ lÕhistoire naturelle du processus lui-m•me
(saignement dÕune malformation vasculaire, croissance tumorale É), du moins lors dÕune exŽr•se compl•te, et
de plus ag”t favorablement sur les crises comitiales dans 80% des cas (Awad, 1991Ê; Boon, 1991Ê; Packer, 1994Ê;
Villemure, 1996). Ce nÕest quÕen cas dÕŽventuelle continuation voire aggravation de lÕŽpilepsie apr•s rŽsection
lŽsionnelle, que peut se poser la question dÕune deuxi•me intervention, ˆ type de chirurgie ÇÊde lÕŽpilepsieÊÈ ˆ
proprement parler. CÕest dans ce cadre quÕune recherche prŽcise dÕun (ou plusieurs) foyer(s) Žpileptog•ne(s) peut
devenir nŽcessaire, car si le plus souvent la zone irritative se situe autour la lŽsion dŽsormais enlevŽe conduisant ainsi ˆ rŽsŽquer une collerette de tissu gliotique pŽricavitaire, geste pr™nŽ par certains auteurs
directement au cours de la premi•re procŽdure chirurgicale afin de majorer les chances dÕamŽlioration immŽdiate
de la symptomatologie critique (Berger, 1993Ê; Jooma, 1995Ê; Zentner, 1997) - certains foyers ont toutefois pu
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•tre identifiŽs ˆ distance de la lŽsion initiale (Fish, 1991Ê; Sperling, 1989). La problŽmatique rejoint alors celle
rencontrŽe dans les ÇÊŽpilepsies non-lŽsionnellesÊÈ.
En effet, par dŽfinition, il nÕy a pas de ÇÊpoint dÕappel anatomiqueÊÈ dans les Žpilepsies non induites par un
processus expansif, en dehors dans certains cas dÕune atrophie de la face mŽsiale du lobe temporal par sclŽrose
hippocampique mesurable sur lÕIRM. CÕest en consŽquence beaucoup plus un faisceau dÕargument clinico-EEG
(enregistrement des 24h), neuropsychologique et mŽtabolique (tomographie par Žmission de simple photon ou de
positron) quÕune vŽritable ÇÊvisualisationÊanatomiqueÊÈ du foyer de dysfonction Žlectrophysiologique, qui peut
dŽboucher sur une Žventuelle rŽsection chirurgicale dans les cas de parfaite concordance. Sinon, si discordance il
y a, les mŽthodes de dŽtection directe du site Žpileptog•ne doivent •tre utilisŽes afin de prŽciser la zone qui sera
la cible de la chirurgie dÕexŽr•se (Engel, 1993). Ces techniques consistent pour certaines en la rŽalisation
dÕŽlectrocorticographie directement en per-opŽratoire (Ojemann, 1989), Žvitant ainsi les implantations
chroniques, mais nÕoffrant pas la possibilitŽ de planifier lÕacte en prŽ-opŽratoire (voire m•me exposant ˆ une
moins grande fiabilitŽ de dŽtection du(des) site(s) Žpileptog•ne(s) dÕapr•s dÕautres auteurs). Soit une
implantation dÕŽlectrodes corticales et/ou profondes (ces derni•res mises en place par mŽthode stŽrŽotaxique) est
nŽcessaire dans les foyers suspectŽs dÕapr•s les premiers examens sus-mentionnŽs, afin dÕenregistrer les
phŽnom•nes Žlectriques survenant pendant les crises (tout en les comparant avec les autres param•tres
notamment cliniques) (LŸders, 1992Ê; Spencer, 1993). Cette technique prŽsente ainsi lÕinconvŽnient dÕ•tre
invasive, obligeant la rŽalisation dÕune premi•re procŽdure chirurgicale avant m•me lÕintervention dÕexŽr•se,
non dŽnuŽe de risque (hŽmatome, infection), et nŽcessitant de surveiller en milieu spŽcialisŽ le patient pendant
plusieurs jours, le temps que se produisent un quota suffisant de crises pour recueillir les informations Žlectriques
nŽcessaires.
La MEG pourrait reprŽsenter un examen essentiel concernant lÕidentification du (des) foyer(s)
Žpileptog•ne(s), dans le cadre dÕune planification de lÕacte opŽratoire. En effet, la MEG est contrairement ˆ
lÕimplantation dÕŽlectrodes une mŽthode non-invasive. De plus, la MEG bŽnŽficie outre son excellente rŽsolution
temporelle, dÕune meilleure rŽsolution spatiale que lÕEEG, puisquÕil nÕy a pas de distorsion des champs
magnŽtiques induite par la peau et lÕos. Enfin, lÕenregistrement simultanŽ des champs au niveau de lÕensemble
du cerveau semble cruciale pour la cartographie de lÕactivitŽ Žpileptog•ne. Ainsi, de nombreuses Žtudes ont dŽjˆ
commencŽ ˆ tester la fiabilitŽ de la MEG, intŽgrŽe dans un bilan rigoureux de planification prŽ-opŽratoire, pour
diffŽrentes formes de chirurgie de lÕŽpilepsie (lŽsionnelle/non-lŽsionnelleÊ; temporale/extra-temporaleÊ;
enfant/adulte), et comparŽe aux autres examens sus-mentionnŽs.
- Epilepsie lŽsionnelleÊ: la MEG a ŽtŽ jugŽe comme fiable dans la dŽtection des foyers Žpileptog•nes associŽs
ˆ la prŽsence de malformations artŽrio-veineuses. Morioka (2000a) a ainsi dŽcrit une excellente corrŽlation entre
les rŽsultats MEG et scintigraphiques prŽ-opŽratoires, en parfaite concordance avec les donnŽes
Žlectrophysiologiques prodiguŽes par lÕŽlectrocorticographie (EcoG) per-opŽratoire (autour du nidus
malformatif). Le m•me auteur a Žgalement utilisŽ un couplage MEG/ EcoG dans plusieurs chirurgies de tumeurs
cŽrŽbrales (neurocytomes) engendrant une Žpilepsie pharmacorŽsistante, avec exŽr•se de la lŽsion ainsi que de
zones Žpileptog•nes dŽtectŽes par ces enregistrements MEG/EcoGÊ: les crises ont ŽtŽ rŽsolues, et lÕexamen
anatomo-pathologique des aires Žpileptog•nes ÇÊnon-tumoralesÊÈ rŽsŽquŽes sur les donnŽes Žlectro-magnŽtiques
a rŽvŽlŽ lÕexistence dÕune dysplasie corticale associŽe (Morioka, 2000b). De nombreuses Žtudes en MEG
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interictales ont Žgalement ŽtŽ rŽalisŽes spŽcifiquement dans le cadre dÕŽpilepsies lŽsionnelles temporales
(Knowlton, 1997Ê; Nakasato, 1994Ê; Stefan, 1992, 1994Ê; Sutherling, 1992). Il a ainsi ŽtŽ montrŽ que la MEG
pouvait aider ˆ la comprŽhension des mŽcanismes Žtroits reliant la lŽsion et la production des crises, permettant
dans le planning prŽ-opŽratoire de diffŽrencier les patients pouvant bŽnŽficier dÕune lŽsionectomie seule, de ceux
nŽcessitant une rŽsection associŽe des aires Žpileptog•nes adjacentes (Fried, 1993Ê; OÕBrien, 1997). Enfin,
certains auteurs ont rapportŽ quÕˆ la suite dÕune lŽsionectomie seule, en cas de persistance des crises, la MEG
pouvait reprŽsenter un excellent examen pour dŽtecter les foyers irritatifs corticaux pŽri-lŽsionnels, en raison du
fait que les champs magnŽtiques subissent tr•s peu de distorsion malgrŽ les remaniements cutanŽo-ostŽo-duraux
- contrairement aux champs Žlectriques, tŽmoignant de la supŽrioritŽ de la MEG par rapport ˆ lÕEEG de surface ces phŽnom•nes cicatriciels g•nant par ailleurs lÕimplantation dÕŽlectrodes sous-durales (Baumgartner, 2000Ê;
Kirchberger, 1998).
- Epilepsie non-lŽsionnelleÊ: lÕintŽr•t de la MEG a ŽtŽ premi•rement soulignŽ chez lÕenfant, puisque cet
examen est non seulement non-invasif, mais de plus prodiguant des informations de qualitŽ dÕapr•s des
enregistrements inter-ictaux - quoique rŽalisable en ictal (Eliashiv, 1999) - contrairement ˆ lÕEEG voire aux
mŽthodes scintigraphiques nŽcessitant le plus souvent un enregistrement ictal (Imai, 2001). A fortiori, comme
dŽjˆ mentionnŽ, lÕimplantation dÕŽlectrodes intracr‰niennes nŽcessite ˆ la fois une premi•re intervention et
lÕattente des crises pour analyser la source irritative, deux ŽlŽments particuli•rement invasifs chez lÕenfant.
Minassian (1999) a ainsi rapportŽ une sŽrie pŽdiatrique (Žpilepsie non-lŽsionnelle extratemporale), montrant que
les foyers Žpileptog•nes dŽtectŽs par la MEG prŽ-opŽratoires correspondaient aux zones de dŽcharges ictales
enregistrŽes par Žlectrodes intra-cr‰niennes dans 10 cas sur 11. Chez lÕadulte, de nombreuses Žtudes de
corrŽlations entre les mŽthodes ÇÊclassiquesÊÈ et la MEG, ont Žgalement objectivŽ lÕexcellente fiabilitŽ de ce
nouvel outil dÕenregistrement des champs magnŽtiquesÊ: tant avec la clinique (Knowlton, 1997), lÕEEG
(Sutherling, 1991), le monitorage vidŽo-EEG (Gallen, 1997), lÕIRM (Stefan, 1992), les techniques
scintigraphiques (Lamusuo, 1999 ; Stefan, 1992Ê; Volkmann, 1998), que les mŽthodes invasives (Ebersole,
1997Ê; Morioka, 1999Ê; Otsubo, 1999Ê; Wheless, 1999). Ces comparaisons ont semblŽ aussi favorables dans
lÕŽpilepsie non-lŽsionnelle extratemporale (Stefan, 2000) que temporale (Baumgarten, 2000). Dans ce cas
particulier de lÕŽpilepsie temporale, Baumgartner a de plus montrŽ que la MEG Žtait suffisamment prŽcise pour
diffŽrencier les crises dÕorigine mŽsiale de celles dÕorigine latŽrale, avec toutefois une meilleure prŽdictibilitŽ des
bons rŽsultats post-opŽratoires lors dÕune origine temporale antŽro-interne - donnŽs rŽcemment confirmŽes par
Shih (2000). Enfin, la plupart des auteurs sÕaccordent ˆ penser que bien au delˆ dÕune rivalitŽ des mŽthodes,
lÕassociation des ces derni•res ne peut •tre que bŽnŽfique pour optimiser la planification prŽ-opŽratoire (Stefan,
1995), dans un premier temps en essayant de recueillir les informations nŽcessaires ˆ partir des techniques noninvasives - notamment couplage MEG/EEG (Ebersole, 1994Ê; Fuchs, 1998Ê; Matsuo, 2000Ê; Ossenblock, 1996Ê;
Stefan, 1996) - mais si besoin le cas ŽchŽant en utilisant la MEG comme guidage pour lÕimplantation des
Žlectrodes chroniques (Stefan, 2000Ê; Sutherling, 1992).
En conclusion, la MEG, bien que nŽcessitant dÕautres Žtudes de corrŽlations avec les techniques
conventionnelles de dŽtection des foyers Žpileptog•nes, semble dŽjˆ tr•s prometteuse sur le plan de la sensibilitŽ
et de la fiabilitŽ dans le cadre de la planification de lÕacte opŽratoire en mati•re de chirurgie de lÕŽpilepsie
(lŽsionnelle ou non-lŽsionnelle), mais Žgalement sur le plan de la sŽlection des patients candidats ˆ ce type de
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chirurgie (Aung, 1995Ê; Ebersole, 1995Ê; Shih, 2000Ê; Smith, 1994a). En effet, au delˆ de lÕexcellente rŽsolution
temporelle de cet examen (et de sa meilleure rŽsolution spatiale comparŽe ˆ lÕEEG), de son aspect non-invasif, la
MEG apporte en soi une information diffŽrente donc complŽmentaire des autres mŽthodes, ˆ savoir
lÕenregistrement des champs Žlectriques, donnant un Žclairage nouveau sur la conception des ÇÊrŽseaux
Žpileptog•nesÊÈ (Bartolomei, 2000Ê; Blumenfield, 2000Ê; Wendling, 2000).
III Ð MEG et cartographie fonctionnelle
Le risque majeur de toute chirurgie intra-syst•me nerveux central reste celui dÕengendrer un dŽficit
neurologique dŽfinitif. Ce probl•me est dÕautant plus aigu quÕexiste une importante variabilitŽ inter-individuelle
physiologique dans lÕorganisation des rŽseaux fonctionnels (Galaburda, 1990Ê; Ojemann, 1979), majorŽe lors de
lÕexistence de lŽsion intracŽrŽbrale, gŽnŽrant bien souvent au delˆ dÕun simple refoulement mŽcanique
(Wunderlich, 1998) des phŽnom•nes de redistribution fonctionnelle ipsilatŽrale (Atlas, 1996Ê; Fandino, 1999Ê;
Seitz, 1995) voire controlatŽrale (Chollet, 1994Ê; Vikingstad, 2000Ê; Weiller, 1998).
La rŽalisation dÕune cartographie fonctionnelle individuelle semble donc souhaitable, afin de dicter les
limites de la rŽsection chirurgicale selon ces crit•res fonctionnels (respect des zones Žloquentes constituant la
fronti•re ˆ ne pas dŽpasser) et non pas en fonction des seuls contourages lŽsionnels (foyers Žpileptog•nes
prŽdŽterminŽs ˆ lÕaide des mŽthodes sus-mentionnŽes, tumeurs ou malformations repŽrŽes de visu, par
Žchographie ou neuronavigation).
Trois mŽthodes de rŽfŽrence ont longtemps ŽtŽ utilisŽes lors dÕinterventions conduites dans ou au voisinage
de rŽgions fonctionnelles. Premi•rement, la technique dÕenregistrement des potentiels ŽvoquŽs somesthŽsiques
dans la chirurgie en zone rolandique, technique basŽe sur le principe de lÕinversion de phase en regard du sillon
central, et permettant ainsi un repŽrage prŽcis du sulcus rolandique, mais en aucun cas des sites moteurs ou
somatosensoriels primaires eux-m•mes (Wood, 1988). Deuxi•mement, lÕimplantation de grilles dÕŽlectrodes
corticales, rendant possible la rŽalisation de stimulations Žlectriques du cortex, donc lÕŽlaboration de
cartographies assez exhaustives des diffŽrentes fonctions (sensori-motrice, langagi•re, É) sans limitation de
temps (LŸders, 1992). Toutefois, cette technique prŽsentaient plusieurs inconvŽnients majeursÊ: la nŽcessitŽ de
pratiquer un premier acte opŽratoire avant la chirurgie dÕexŽr•se ˆ proprement parler (bien souvent donc dans un
contexte de chirurgie de lÕŽpilepsie, les Žlectrodes servant ˆ la fois au repŽrage des zones fonctionnelles mais
aussi voire surtout ˆ la dŽtection des foyers Žpileptog•nes)Ê; lÕimpossibilitŽ de rŽaliser une cartographie souscorticale (grilles dÕŽlectrodes posŽes sur la surface du cortex)Ê; le manque relatif de prŽcision spatiale (la distance
inter-Žlectrode Žtant de 1 cm dans les grilles conventionnelles). En consŽquence, la technique la plus pr™nŽe dans
la littŽrature ancienne (Foerster, 1931Ê; Penfield, 1937) et rŽcente (Berger, 1992Ê; Duffau, 1999Ê; Ojemann,
1989Ê; Skirboll, 1996), consiste en la rŽalisation per-opŽratoire de stimulations Žlectriques directes. Ces derni•res
sont prŽcises car utilisant un courant bipolaire ne diffusant pas, et permettent ˆ tout moment (en temps-rŽel) et
tout endroit (cortico-souscortical) pendant la rŽsection chirurgicale, dÕidentifier avec fiabilitŽ et reproductibilitŽ
les aires Žloquentes corticales et leurs faisceaux correspondants, indispensables pour la rŽalisation de t‰ches
motrices (patient opŽrŽ sous anesthŽsie gŽnŽrale), somatosensorielles, du langage, de la mŽmoire ou autres t‰ches
cognitives (patients opŽrŽs ŽveillŽs sous anesthŽsie locale afin de pratiquer directement les tests pendant toute la
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durŽe de lÕexŽr•se). LÕinconvŽnient majeur toutefois de cette mŽthode, est lÕimpossibilitŽ de planifier lÕacte
opŽratoire puisque par dŽfinition les informations fonctionnelles sont prodiguŽes au fur et ˆ mesure de la
rŽsection chirurgicale.
Minimiser les risques de sŽquelles post-opŽratoires implique donc le dŽveloppement dÕune technique de
cartographie fonctionnelle prŽ-opŽratoire non-invasive, en complŽment de la dŽtection des aires Žloquentes peropŽratoires par les stimulations directes. CÕest dans ce cadre prŽcis de prŽ-planification fonctionnelle que la
MEG semble reprŽsenter un examen tr•s prometteur, occupant une place ˆ part au sein des diffŽrentes techniques
dÕimagerie neurofonctionnelle actuellement disponibles (IRMf, TEP, SPECT). En effet, la MEG donne
contrairement ˆ ces autres mŽthodes un reflet direct de lÕactivitŽ neuronale (et non via les modifications
indirectes du dŽbit sanguin et/ou du mŽtabolisme local), et bŽnŽficie gr‰ce ˆ son excellente rŽsolution temporelle,
du potentiel de mise en Žvidence des modifications de cette activitŽ neuronale en temps-rŽel (Lewine, 1994).
Comme dans le cadre de lÕŽpilepsie, les premi•res Žtudes dÕŽvaluation de la fiabilitŽ et sensibilitŽ de la
MEG concernant la cartographie fonctionnelle prŽ-opŽratoire, ont bien souvent consistŽ en une corrŽlation avec
les mŽthodes de rŽfŽrence sus-mentionnŽes, tout particuli•rement avec les stimulations per-opŽratoires directes
(Alberstone, 2000Ê; Gallen, 1993, 1995Ê; Meunier, 2000Ê; Morioka, 1994, 1995aÊ; Nakasato, 1998, 1999Ê;
Orrisson, 1992Ê; Papanicolaou, 1999Ê; Roberts, 1995a, 1997aÊ; Simos, 1999a, 1999bÊ; Sutherling, 1988), mais
Žgalement avec les autres mŽthodes de neuroimagerie anatomo-fonctionelle (Baumann, 1995Ê; Joliot, 1999Ê;
Morioka, 1995a, 1995bÊ; Orrisson, 1990Ê; Roberts, 1997bÊ; Stippich, 1998). Ces comparaisons ont portŽ tant sur
la composante prŽcoce des rŽponses magnŽtiques (jusquÕˆ 150 ms post-stimulus), intŽressant notamment les
fonctions auditives, visuelles ou sensorimotrices (Alberstone, 2000Ê; Buchner, 1994Ê; Gallen, 1993,1995Ê; Hund,
1997Ê; Morioka, 1994Ê; Nakasato, 1996, 1997, 2000Ê; Orrison, 1999Ê; Rezai, 1996Ê; Roberts, 1995a, 1995b,
1997a, 1997b), que sur la composante tardive de ces rŽponses (de 150 ˆ 700 ms post-stimulus), particuli•rement
informatives en mati•re de langage et autres fonctions cognitives (Breier, 1999aÊ; Papanicolaou, 1999Ê; Simos,
1999a, 1999b, 2000). Les taux de corrŽlations positives ont ainsi rapportŽ des chiffres compris entre 81% et
100% en fonction des sŽries.
Les diffŽrences observŽes entre MEG et stimulations Žlectriques intra- ou extra-opŽratoires peuvent •tre en
partie expliquŽes par le fait que les stimulations dŽtectent les sites essentiels (non compensables) et non
lÕensemble des sites participant ˆ une fonction donnŽe (compensables). Par ailleurs, la MEG dŽtecte plus
volontiers lÕactivitŽ magnŽtique du cortex situŽ dans les sillons que du cortex de surface. Or, cette activitŽ
Žlectrique ÇÊsurfaciqueÊÈ est la seule dŽtectŽe par les stimulations extraopŽratoires (les stimulations directes
peuvent Žventuellement tester le cortex tapissant les sillons - voire la substance blanche - ˆ condition toutefois
que la rŽsection nŽcessite lÕouverture de ces sulci), et dans tous les cas la seule enregistrŽe de fa•on fiable tant
par les potentiels ŽvoquŽs, que par lÕŽlectrocorticographie. Si lÕon tient compte du fait que le cortex de surface
reprŽsente moins de la moitiŽ de lÕensemble du cortex cŽrŽbral, ceci montre tout lÕintŽr•t de complŽter les
donnŽes fonctionnelles ÇÊclassiquesÊÈ par les informations MEG. De plus, concernant le cas particulier de lÕEEG,
lors de la prŽsence dÕune tumeur intracŽrŽbrale, plusieurs auteurs ont montrŽ combien la distorsion pouvait •tre
majorŽe pour les enregistrements Žlectriques par le processus expansif, alors que ce dernier nÕinduisait que peu
dÕartŽfacts sur le plan des enregistrements magnŽtiques (Gallen, 1993, 1995Ê; Kucharczyk, 1996Ê; Morioka,
1994, 1995a, 1995bÊ; Nakasato, 2000Ê; Sutherling, 1988, Wood, 1988). Enfin, des corrŽlations ont Žgalement ŽtŽ
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pratiquŽes entre la MEG et la simple imagerie IRM anatomique, en particulier en cas de lŽsions expansives
modifiant lˆ encore les rep•res classiques. Ainsi, concernant lÕidentification du sillon rolandique, Sobel a dŽcrit ˆ
partir de 127 IRM, interprŽtŽes par 2 neuroradiologues diffŽrents utilisant les crit•res rapportŽs dans la littŽrature
(Berger, 1990Ê; Kido, 1980Ê; Naidich, 1996Ê; Yousry, 1997), une erreur dÕau moins un sillon dans 20% des cas,
rectifiŽe par la MEG.
LÕensemble de ces considŽrations a en consŽquence un intŽr•t majeur dans la conduite thŽrapeutique en cas
de lŽsion (quelquÕen soit sa nature) dans ou au voisinage dÕune zone Žloquente. Tout dÕabord dans la prise de
dŽcision concernant lÕindication opŽratoire. En effet, le recalage tridimensionnel des informations ÇÊMEG
fonctionnelleÊÈ sur une IRM anatomique, montrant directement la lŽsion (Kucharczyk, 1996Ê; Morioka, 1994),
ou sur laquelle seront Žventuellement dans le cadre de lÕŽpilepsie superposŽes les donnŽes ÇÊMEG/foyer(s)
Žpileptog•ne(s)ÊÈ telles que nous les avons prŽcŽdemment dŽfinies (Smith, 1994bÊ; Sutherling, 2000), permettra
dÕanalyser avec prŽcision les rapports tissu pathologique/aires fonctionnelles. Ce param•tre sera effectivement
crucial pour Žvaluer si a priori une exŽr•se pourra •tre totale, subtotale ou simplement partielle, puisquÕil a dŽjˆ
ŽtŽ dŽmontrŽ tant en tumorologie (Duffau, 2000aÊ; Ojemann, 1996Ê; Skirboll, 1996) quÕen Žpilepsie (Morrell,
1999), que des ”lots fonctionnels pouvaient persister au sein m•me du tissu pathologiqueÊ: ainsi pourra •tre
estimŽ le fameux rapport individuel risque/bŽnŽfice de lÕintervention (pour un patient donnŽ, porteur dÕune
lŽsion donnŽe, ˆ un instant donnŽ - i.e. avec une organisation des cartes fonctionnelles bien prŽcise mais
susceptible de se modifier secondairement, comme nous le reverrons ultŽrieurement -), et donc choisir lÕoption
thŽrapeutique optimale. CÕest ainsi que Benzel (1993) a rapportŽ le cas dÕun patient porteur dÕune lŽsion
pariŽtale gauche, interprŽtŽe comme infiltrant lÕaire sensorimotrice primaire par 4 neuroradiologues diffŽrents,
dÕapr•s un simple repŽrage ÇÊanatomiqueÊÈ du sillon rolandique. La rŽalisation dÕun MEG a objectivŽ quÕen fait,
le sulcus central Žtait situŽ plus en avant que supposŽ selon ces seuls crit•res anatomiques, et que la marge entre
la tumeur et les zones fonctionnelles devait finalement •tre confortable. A lÕaide de ce nouvel Žclairage, le
chirurgien qui avait prŽalablement dŽcidŽ de ne pas opŽrer le patient, a rŽvisŽ son indicationÊ: la lŽsion a ŽtŽ
totalement rŽsŽquŽe, et aucune complication post-opŽratoire nÕa ŽtŽ ˆ dŽplorer. DÕautres cas semblables ont plus
rŽcemment ŽtŽ Žgalement dŽtaillŽs (Alberstone, 2000).
Si lÕindication chirurgicale est retenue, les informations MEG pourront •tre utilisŽes en prŽ-opŽratoire
premi•rement pour choisir une voie dÕabord (porte dÕentrŽe et trajectoire) ne traversant aucune aire activŽe (en
particulier pour les lŽsions profondes nÕaffleurant pas ˆ la corticalitŽ), deuxi•mement pour dŽfinir o• devront se
situer les limites de la rŽsection. Ces informations pourront le cas ŽchŽant •tre intŽgrŽes dans un rep•re
stŽrŽotaxique, voire dans un syst•me de neuronavigation, de fa•on ˆ utiliser ces donnŽes fonctionnelles pendant
lÕacte opŽratoire lui-m•me (Ebmeier, 1999Ê; Ganslandt, 1997, 1999Ê; Jannin, 2000Ê; McDonald, 1999Ê; Rezai,
1996) - du moins en surface et/ou dans les lŽsions de petites tailles, ˆ savoir tant quÕaucune dŽformation
cŽrŽbrale nÕaura rendu caduque le recalage IRM prŽ-opŽratoire (indŽformable)/cerveau du patient en perpŽratoire (dŽformable) -. Enfin, la MEG prŽ-opŽratoire aidera au choix des modalitŽs selon lesquelles devront
•tre pratiquŽes les procŽdures chirurgicales (anesthŽsie gŽnŽrale ou locale, largeur du volet notamment). Ainsi,
concernant le langage, la MEG semble selon certains auteurs permettre une dŽfinition de la dominance
hŽmisphŽrique (Breier, 1999aÊ; Simos, 1998), voire m•me un repŽrage prŽcis des aires impliquŽes notamment
dans la reconnaissance visuelle ou auditive des mots (Simos, 1999a)Ê: la prŽsence de sites du langage dŽtectŽs
par la MEG prŽ-opŽratoire proches de la lŽsion ˆ rŽsŽquer, fera prŽfŽrer la rŽalisation dÕune intervention chez un
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ÇÊpatient ŽveillŽÊÈ afin de rŽaliser une cartographie du langage per-opŽratoire directe en temps-rŽel. Cette
derni•re pourra Žgalement •tre guidŽe par les rŽsultats MEG, ˆ savoir avec une stimulation premi•re des sites
identifiŽs en MEG (dans le but de diffŽrencier parmi eux les ÇÊindispensablesÊÈ - blocage du langage, ˆ conserver
impŽrativement -, de ceux ÇÊcompensablesÊÈ - pas dÕinduction de troubles phasiques durant les stimulations
malgrŽ une activation en MEG, donc rŽsŽquables si envahis par la lŽsion, au prix dÕun probable dŽficit postopŽratoire immŽdiat mais avec rŽcupŽration secondaire (Duffau, 1999) -), ˆ lÕorigine dÕun gain de temps
prŽcieux dans les procŽdures conduites sous anesthŽsie locale. Le cas ŽchŽant, la largeur du volet osseux
exposant ˆ la fois la lŽsion et les aires fonctionnelles ˆ impŽrativement identifier en per-opŽratoire, pourra peu ou
prou •tre modulŽe par la rŽpartition corticale des sites Žloquent prodiguŽe par la MEG initiale.
Si par contre lÕindication neurochirurgicale nÕa finalement pas ŽtŽ retenue, en particulier en raison dÕune
trop grande proximitŽ entre les aires fonctionnelles et la lŽsion, les informations MEG pourront cependant •tre
utiles pour guider une biopsie en conditions stŽrŽotaxiques, souvent nŽcessaire pour bŽnŽficier dÕun diagnostic
histologique permettant de dŽcider si un autre traitement que lÕintervention est souhaitable (par exemple
radiothŽrapie ou chimiothŽrapie), en planifiant un trajet Žvitant les sites Žloquents (Alberstone, 2000). Le cas
ŽchŽant, si est retenue une indication de radiothŽrapie, notamment multifaisceaux, la MEG a Žgalement ŽtŽ
dŽcrite comme pouvant •tre incorporŽe dans les param•tres de prŽ-planification des modalitŽs de dŽlivrance des
rayons (Smith, 2000).
En conclusion, la MEG, bien que nŽcessitant encore comme dans le cadre de la dŽtection des foyers
Žpileptog•nes, des complŽments de corrŽlations avec les autres mŽthodes prŽ- et per-opŽratoires de cartographie
fonctionnelle dans le but de majorer sa fiabilitŽ et sa reproductibilitŽ, semble nŽanmoins reprŽsenter dÕores et
dŽjˆ un examen ˆ intŽgrer dans le bilan systŽmatique dÕŽvaluation prŽ-chirurgicale, lors de lŽsions situŽes (selon
un a priori anatomique) dans ou au voisinage des aires Žloquentes. En effet, tant dans la pose de lÕindication
opŽratoire, que dans la planification de lÕacte (voie dÕabord, trajet, limites de rŽsection), avec une Žventuelle
incorporation des donnŽes dans un syst•me de neuronavigation per-opŽratoire, lÕenregistrement des champs
magnŽtiques donne un reflet prŽ-chirurgical direct du fonctionnement neuronal, contrairement aux autres
mŽthodes non-invasives dÕimagerie fonctionnelle - qui plus est avec une meilleure rŽsolution temporelle -. De
plus, cet examen offre le potentiel de dŽtecter non seulement les aires fonctionnelles isolŽment, mais Žgalement
de mettre en Žvidence le fonctionnement des rŽseaux neuronaux eux-m•mes, notamment concernant certains
tests classiquement utilisŽs lors des cartographies per-opŽratoires (dŽnomination dÕobjets par exemple) (Breier,
1998, 1999bÊ; Levelt, 1998Ê; Salmelin, 2000).
IV- MEG et plasticitŽ cŽrŽbrale
Alors que pendant de nombreuses dŽcades a persistŽ la vision dÕune organisation statique des aires
fonctionnelles du syst•me nerveux central, une conception plus dynamique a rŽcemment ŽtŽ proposŽe, tant dans
le domaine de la physiologie quÕen cas de lŽsion cŽrŽbrale. CÕest ainsi quÕest nŽ le concept de ÇÊplasticitŽ
cŽrŽbraleÊÈ, dŽfinissable comme lÕensemble des processus continus permettant des modifications ˆ court, moyen
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et long termes de lÕorganisation neurono-synaptique dans le but dÕoptimiser le fonctionnement des rŽseaux du
syst•me nerveux central.
LÕapprentissage reprŽsente en consŽquence lÕarchŽtype m•me de la ÇÊplasticitŽ naturelleÊÈ. LÕessor des
mŽthodes de neuroimagerie fonctionnelle non-invasives a permis ces derni•res annŽes dÕobjectiver chez le
volontaire sain des phŽnom•nes de rŽorganisation qui jusquÕˆ lors Žtaient rŽduits ˆ lÕŽtat de simple hypoth•se.
Ainsi, il a ŽtŽ montrŽ en IRMf en particulier ˆ la suite dÕapprentissage prolongŽ de t‰ches motrices complexes,
une augmentation de la taille de la reprŽsentation de lÕaire motrice primaire de la main (Karni, 1998), notamment
chez les instrumentistes (Hund-Georgiadis, 1999).
Dans le domaine des maladies du syst•me nerveux central, ont ŽtŽ de dŽcrits de nombreux exemples de
rŽcupŽration fonctionnelle ˆ la suite dÕune lŽsion brutale (accident vasculaire cŽrŽbral ou traumatisme
notamment) ayant initialement engendrŽ un dŽficit. Ce phŽnom•ne de ÇÊplasticitŽ post-lŽsionnelleÊÈ a rŽcemment
ŽtŽ documentŽ gr‰ce aux mŽthodes TEP et IRMf, qui ont pu montrer lÕactivations de rŽgions compensatrices
ispsilatŽrales loco-rŽgionales ou distantes de la zone lŽsŽe, voire dÕhomologues contro-hŽmisphŽriques, tant
concernant les fonctions motrice (Chollet, 1994), somatosensorielle (Bittar, 2000) que du langage (Weiller,
1998). Ces techniques ont Žgalement permis de commencer ˆ entrevoir les mŽcanismes de compensation mis en
jeu au fur et ˆ mesure de la croissance dÕune lŽsion lentement Žvolutive - voire lors de lÕexistence dÕune
malformation congŽnitale (Vikingstad, 2000) - expliquant lÕabsence de tout dŽficit neurologique chez un patient
qui bien souvent sÕignore jusquÕau signe rŽvŽlateur (le plus frŽquemment de nature Žpileptique). Plusieurs Žtudes
PET/IRMf conduites chez des patients porteurs de gliomes de bas grade en zone Žloquente sans retentissement
fonctionnel, ont par consŽquent dŽmontrŽ le recrutement dÕaires de voisinage pŽri-lŽsionnelles (Atlas, 1996Ê;
Seitz, 1995Ê; Wunderlich, 1998). Certains travaux ont par ailleurs utilisŽ la mŽthode des stimulations Žlectriques
directes, offrant la possibilitŽ de rŽaliser des cartographies fonctionnelles rŽpŽtŽes per-opŽratoires, pour mettre en
Žvidence lÕexistence de phŽnom•nes de rŽorganisation des aires Žloquentes ˆ court terme (en quelques minutes)
(Duffau, 2000b, 2001). Les hypoth•ses avancŽes ont ŽtŽ celles dÕun dŽmasquage de redondances fonctionnelles
(locales ou rŽgionales), probablement induit par une levŽe dÕinhibition gŽnŽrŽe par lÕacte opŽratoire lui-m•me.
LÕexistence de rŽseaux multiples potentiellement compensateurs les uns pour les autres, pourrait avoir une
implication majeure dans la modification de la stratŽgie neurochirurgicale en zone fonctionnelle, ˆ condition
toutefois de conna”tre en prŽ-opŽratoire lÕorganisation prŽcise de ces circuits parall•les chez un patient donnŽ.
Enfin, des mŽcanismes de compensation post-opŽratoires ont Žgalement ŽtŽ observŽs, et ont commencŽ ˆ •tre
ŽtudiŽs, lors de dŽficits post-chirurgicaux immŽdiats survenant malgrŽ la prŽservation des aires fonctionnelles
ÇÊindispensablesÊÈ, avec toutefois rŽcupŽration secondaire comme par exemple dans le syndrome de lÕaire
motrice supplŽmentaire (Krainik, in press), voire ˆ la suite de lŽsions chirurgicales volontairement effectuŽes au
sein m•me des aires sensorimotrices primaires (Duffau, in pressÊ; LŸders, 1997) (en particulier lors de
transections sous-piales multiples dans le cadre de la chirurgie de lÕŽpilepsie non-lŽsionnelle extratemporale)
(Leonhardt, 2000).
Sur la base de ces donnŽes actuelles, la MEG semble pouvoir apporter une aide substantielle dans la
comprŽhension des mŽcanismes de plasticitŽ cŽrŽbrale, dans le but dÕappliquer cette connaissance ˆ la
thŽrapeutique neurochirurgicale. Ainsi, la MEG a dŽjˆ pu documenter certains phŽnom•nes de plasticitŽ naturelle
lors de t‰che dÕapprentissage, concernant notamment les fonctions somatosensorielle (Spengler, 1997) et
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auditive - augmentation de la reprŽsentation corticale de lÕaire auditive de 25% chez les musiciens - (Pantev,
1998). Par ailleurs, des phŽnom•nes de rŽorganisation des cartes fonctionnelles somatosensorielles ont ŽtŽ tr•s
largement illustrŽs ˆ la suite de dŽaffŽrentation pŽriphŽrique, en particulier apr•s amputation (Elbert, 1994,
1997Ê; Knecht, 1998Ê; Weiss, 2000Ê; Yang, 1994), rŽimplantation digitale (Wiech, 2000), et intervention pour
syndactylie (majoration de la distance entre les reprŽsentations corticales de chacun des doigts ˆ la suite de la
chirurgie pŽriphŽrique de sŽparation digitale) (Mogilner, 1993). Le m•me processus a ŽtŽ observŽ au niveau de
lÕaire corticale auditive chez des patients porteurs dÕune surditŽ congŽnitale unilatŽrale (Vasama, 1994). De plus,
dans plusieurs cas de lŽsions intracŽrŽbrales nÕengendrant aucun dŽficit ou avec rŽcupŽration post-lŽsionnelle,
des recrutements dÕaires compensatrices ont ŽtŽ objectivŽs (Farmer, 1991Ê; Lewine, 1994). Ainsi, Lewine (1994)
a montrŽ chez un enfant victime dÕun infarctus nŽonatal dans le territoire de lÕart•re sylvienne gauche, la
dŽtection en MEG lors dÕun test somatosensoriel dÕune source magnŽtique au niveau dÕune rŽgion atypique
(gyrus temporal infŽrieur gauche), ainsi que du recrutement de lÕhomologue pariŽtal controlatŽral droit
probablement dŽsinhibŽ du fait de la destruction de lÕaire sensitive primaire gauche. Breier (1999c) a Žgalement
rapportŽ le cas dÕune patiente de 18 ans porteuse dÕune volumineuse malformation artŽrio-veineuse (donc
congŽnitale) frontopariŽtale gauche, avec seulement quelques troubles modŽrŽs de la sensibilitŽ de la main
droiteÊ: la MEG a objectivŽ lors de la stimulation pŽriphŽrique de lÕhŽmicorps droit la reconstitution dÕun
homonculus cortical au niveau de lÕhŽmisph•re ipsilatŽral droit, respectant la somatotopie classique, et situŽ plus
obliquement par rapport ˆ lÕhomonculus correspondant ˆ lÕhŽmicorps gauche. Dans un autre cas de lŽsion
pŽrinatale du carrefour gauche, cÕest une activation bilatŽrale des deux cortex somatosensoriels primaires qui a
ŽtŽ retrouvŽe lors de t‰ches somesthŽsiques de la main droite ÇÊatteinteÊÈ (Simos, 2000). A souligner de plus que
chez ces deux derniers patients, au delˆ des cartes somatosensorielles, les aires du langage ont aussi ŽtŽ trouvŽes
redistribuŽes au niveau de lÕhŽmisph•re non lŽsŽ droit par la MEG (Simos, 1999b).
Ce type de rŽorganisation a Žgalement ŽtŽ observŽ chez des patients Žpileptiques ainsi que lors de lŽsions
expansives intracŽrŽbrales situŽes en zone Žloquente (Simos, 2000). La MEG a ainsi permis de rŽaliser une
cartographie prŽ-opŽratoire permettant une planification de lÕacte chirurgical comme nous lÕavons dŽjˆ dŽtaillŽ
ci-dessus, mais en tenant compte de la redistribution des aires du langage induite par la lŽsion (Simos, 1999a et
b). Il devient par ailleurs possible de documenter les effets de la rŽorganisation fonctionnelle induite par la
chirurgie elle-m•me. Ainsi, dans un cas de patiente de 14 ans opŽrŽe dÕune lobectomie temporale antŽrieure
gauche en raison dÕune Žpilepsie rebelle au traitement mŽdical, avec sur la MEG prŽ-opŽratoire couplŽe au test
de Wada une rŽpartition bilatŽrale des aires du langage (nŽanmoins avec une lŽg•re prŽdominance gauche), les
m•mes examens pratiquŽs 2 mois apr•s la rŽsection (nÕayant engendrŽ aucun dŽficit clinique), ont objectivŽ une
claire dominance hŽmisphŽrique droite du langage, avec qui plus est la disparition dÕactivations dans des zones
considŽrŽes a priori comme ÇÊessentiellesÊÈ sur la MEG prŽ-opŽratoire (notamment la rŽgion de Wernicke)
(Simos, 2000). Tenant compte du fait que lÕacte opŽratoire pourrait lui-m•me engendrer un phŽnom•ne de
plasticitŽ post-lŽsionnelle, soit ˆ court terme comme dŽjˆ dŽmontrŽ par les stimulations Žlectriques peropŽratoires (Duffau, 2000b, 2001), soit ˆ plus long terme comme suggŽrŽ par les examens MEG apr•s rŽsection
de tumeurs dans la rŽgion somatosensorielle primaire (Meunier, 2000), il pourrait devenir souhaitable pour le
neurochirurgien dÕincorporer dans sa stratŽgie opŽratoire une vision dynamique de lÕorganisation des rŽseaux
neurono-synaptiques. Cette conception a ainsi dŽjˆ pu permettre de rŽopŽrer certains gliomes infiltrants (pour
lesquels la qualitŽ de la rŽsection semble conditionner les pronostic fonctionnel et vital), envahissant en partie
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des aires Žloquentes sans toutefois engendrer de dŽficit neurologique, et qui nÕavaient bŽnŽficiŽ en consŽquence
que dÕune exŽr•se incompl•te au cours dÕune premi•re chirurgie (puisquÕayant dž •tre interrompue au contact
des rŽgions fonctionnelles)Ê: une deuxi•me intervention dŽcidŽe 18 ˆ 24 mois plus tard en raison dÕune
rŽŽvolution tumorale a alors permis la rŽalisation dÕune rŽsection totale gr‰ce ˆ un remodelage des cartes
fonctionnelles survenue ˆ la suite du premier acte (Duffau, 2000c). Devant ces rŽsultats, il semblerait souhaitable
de proposer la rŽalisation de MEG sŽquentielles avant et apr•s toute chirurgie en zone Žloquente, dans le but de
tenter de comprendre et donc de prŽdire non seulement quelle est lÕorganisation des cartes fonctionnelles chez un
patient donnŽ, porteur dÕune lŽsion donnŽe ˆ un instant donnŽ, mais Žgalement comment pourrait •tre modulŽe
cette distribution en fonction de la mani•re dont sera pratiquŽe l'intervention chirurgicaleÊ: un couplage des
informations acquises par les stimulations directes per-opŽratoires (dŽmasquage de redondancesÊ?) et par les
MEG rŽpŽtŽes post-opŽratoires (rŽorganisation par rapport ˆ la MEG prŽ-opŽratoire, voire poursuite du
remodelage au cours du tempsÊ?), pourrait possiblement dŽboucher sur une deuxi•me procŽdure opŽratoire en
cas de premi•re exŽr•se incompl•te, et si les phŽnom•nes de plasticitŽ ont rendu secondairement accessible la
lŽsion qui initialement infiltrait des zones considŽrŽes comme ÇÊindispensablesÊÈ pour la fonction. Le concept de
planification prŽ-opŽratoire prendrait alors une toute autre dimension, intŽgrant non seulement le prŽ-planning de
lÕacte ˆ proprement parler selon les crit•res dŽbattus dans les chapitres prŽcŽdents, mais prŽvoyant le cas ŽchŽant
la rŽalisation de chirurgies successives dans le but dÕoptimiser le ratio risque/bŽnŽfice, en fonction des
informations prodiguŽes par un panel dÕexamens incorporant au premier chef la MEG.
V- Conclusions et perspectives
Du fait de son caract•re non-invasif, de son excellente rŽsolution spatio-temporelle, de sa capacitŽ ˆ
dŽtecter directement les phŽnom•nes neuromagnŽtiques (et non leurs consŽquences hŽmodynamiques), et du peu
de distorsion induite par les lŽsions intracŽrŽbrales, la MEG semble reprŽsenter un examen qui devrait
systŽmatiquement •tre intŽgrŽ dans la rŽflexion neurochirurgicale prŽcŽdent tout acte en zone cŽrŽbrale
fonctionnelle. Cette mŽthode pourrait ainsi participer tant au repŽrage des aires Žloquentes, fixant les limites de
lÕexŽr•se, quÕˆ la dŽtection du tissu pathog•ne ˆ rŽsŽquer dans le cadre de lÕŽpilepsie (lŽsionnelle ou non). De
plus, du fait de son potentiel de mise en Žvidence non seulement des aires fonctionnelles, mais Žgalement des
rŽseaux neurono-synaptiques, la MEG pourrait Žgalement permettre une meilleure comprŽhension des
phŽnom•nes de plasticitŽ induits par la lŽsion et par la chirurgie elle-m•me. Un tel progr•s dans la connaissance
de lÕorganisation fonctionnelle dynamique individuelle rendrait possible une conception diffŽrente de la stratŽgie
neurochirurgicale (planification de plusieurs procŽdures), dans le but de repousser les limites de la chirurgie en
zone fonctionnelle, en optimisant la qualitŽ des rŽsections donc en majorant les chances dÕefficacitŽ de lÕacte,
tout en minimisant les risques de sŽquelles post-opŽratoires. Une telle Žtude multidisciplinaire est actuellement
en cours dans notre institution.
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