Le Canard enchainé - 2016.04.27 - Des méthodes de malade pour l

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Le Canard enchainé - 2016.04.27 - Des méthodes de malade pour l
Des méthodes de malade
pour l'essai clinique de Rennes
De rapports en expertises, le protocole apparaît comme délirant.
courageauxlabospour ne s'était pas retrouvé dans le
uve ~ _cobayes e,.n coma, le dosage serait passé-<1.4
âprès 1'ëssai de Rennes rectement de 50 mg à 100 mg,
qui a fait un mort ... Plus les sur la seule base des "données
rapports d'expertise tombent, de la cohorte 20 mg» ! Ce n'est
plus les cheveux se dressent plus tin essai, c'est la roulette
sur la tête. Non seulement le russe ...
protocole du laboratoire Bial
Avec cette méthode, le labo
était aussi sûr qu'une bagnole a foncé droit vers le drame,
sans freins, mais, en plus, la sans remarquer que la moléréglementation n'imposait pas cule agissait dix fois plus vite
vraiment d'attacher sa cein- que prévu! En clair, le labo a
ture ... « J'ai moi-même été vo- progressé dans le noir complet.
lontaire pour des essais cli- Et l'ANSM a autorisé le protoniques. A posteriori, je cole sans lui demander d'allutremble », rit (jaune) un phar- mer la lumière. L'Inspection
macologue.
générale des affaires sociales
Le rapport final du comité · (lgas), qui finalise son enquête,
des 12 experts: "Choisis par le relevait d'un ton sibyllin
-l'Agence nationale de sécurité dans son rapport intermédu médicament (ANSM) est diaire : « La mission regrette
tombé le 19 avril. On y apprend l'imprécision du protocole ( ... )
un nouveau détail tuant : alors pour les décisions relatives aux
que son médoc n'avait jamais escalades de dose.» Un détail.
été testé chez l'homme, le labo Au talent de Bial, qui a mis au
augmentait les doses ... avant point l'étude, s'est ajouté celùi
même de savoir ce qu'avait de Biotrial, qui l'a appliquée
donné la dose précédente !
avec un soin touchant. Quand
le premier volontaire a été hosDose au pif
pitalisé, Biotrial a poursuivi
Au début, le labo y est allé l'essai le lendemain, comme si
prudemment : les cobayes ont de rien n'était, sur les autres
avalé 1,25 mg du médoc, puis cobayes. Résultat: trois d'entre
2,5 mg, puis 5 mg, puis 10 mg. eux ont des séquelles graves.
Mais, subitement, la dose est Là encore, le protocole restait
passée de 20 mg à 50 mg, un flou sur la « conduite à tenir »,
seuil qui a envoyé six volon- note l'Igas : « La réglementation
taires à l'hôpital. Un bond n'indique rien de précis sur les
beaucoup « trop brutal », esti- conditions faisant obligation à
ment les experts, d'autant qu'à un investigateur d'interrompre
ce niveau-là on atteignait la une recherche. » Les cobayes
zoné à risque. Mais il y a pire : n'ont qu'à faire leurs prières ...
« Du fait de la chronologie d'enTube à décès
chaînement des cohortes et des
délais nécessaires aux analyses,
Avec cette prudence chevillée
les dernières données (. .. ) dis- au tube à essai, le protocole ne
ponibles étaient celles des sujets prévoyait pas d'étaler les tests :
[dosés] à 10 mg. »
les doses étaient gobées par six
Et l'étape suivante aurait été cobayes en même temps. <<C'est
encore plus dingo : si un cobaye fou ! La prudence de base, c'est
quand même de tester une per-sonne après Z:autr.e ! » s:énerve
une épidémiologiste. Après un
essai clinique qui avait failli
tuer six cobayes à Londres, en
2006, l'Agence européenne du
médicament avait elle-même
recommandé d'échelonner les
essais. Mais ce n'est pas obligatoire : « C'est même raretnent
le cas ... soupire un pharmacologue. Les labos veulent aller
plus vite pour que les essais
coûtent moins cher. » Avant
l'essai de Rennes, la pression
de l'industrie pharmaceutique
était même à son comble. En
France, l'Agence du médicament donne son feu vert en
soixante jours, avec une sévérité qui force le respect. Trop
long, pestaient encore les labos,
Biotrial en tête ! Comme l'a raconté «Le Canard>> (20/1), la
loi Macron prévoyait de simplifier ces procédures.
C'est vrai que les règles sont
beaucoup trop sévères ...
1. B.