Les Régions, acteurs légitimes d`une ambitieuse politique maritime

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Les Régions, acteurs légitimes d`une ambitieuse politique maritime
Xavier Gizard
Secrétaire Général
et Patrick Anvroin, Directeur
Conférence des Régions
Périphériques Maritimes
de l’Europe
Les Régions, acteurs
légitimes d’une
ambitieuse politique
maritime européenne
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La CRPM regroupe 156 Régions maritimes. Elle promeut la place des Régions dans la construction européenne
et œuvre en faveur de politiques communautaires qui contribuent au développement durable et équilibré du
territoire. Depuis 2004, elle joue un rôle important dans la mise en place d’une politique maritime européenne
intégrée et ambitieuse, aux côtés de la Commission européenne (Commissaire Joe Borg).
Après la publication par celle-ci d’un Livre Vert en juin 2006, les Régions participent à la consultation
publique en défendant un certain nombre de principes et en émettant des propositions sur les contours de cette
future politique maritime. Cet article présente, en priorité, les propositions qui concernent la gouvernance:
comment mieux associer les autorités régionales, au niveau de leur territoire et à celui plus large des bassins
maritimes internationaux, à une meilleure valorisation des atouts de la mer et de l’océan, dans une optique de
croissance durable (Objectifs de Lisbonne et Goteborg).
Pour autant, l’Europe reste une construction inter-Etatique, et sans une mobilisation forte – à côté des
Régions – des citoyens et de leurs organisations, relayée par le Parlement européen, ce pari de l’Europe de la Mer
est loin d’être gagné.
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A CRPM agrupa 156 regiões marítimas. Promove o lugar das regiões na construção europeia e actua a favor de
políticas comunitárias que contribuam para o desenvolvimento sustentável e equilibrado do território. Desde
2004, desenvolve um papel importante na implantação de uma política marítima europeia integrada e ambiciosa,
ao lado da Comissão Europeia (Comissário Joe Borg).
Após a publicação de um Livro Verde em Junho de 2006, as regiões participam na consulta pública, defendendo
um certo número de princípios, e fazendo propostas sobre os contornos dessa futura política marítima. Este
artigo apresenta, prioritariamente, as propostas relativas à governança: como associar as autoridades regionais
da melhor forma, a nível dos seus territórios e a um nível mais alargado das bacias marítimas internacionais, a
uma melhor valorização dos recursos do mar e do oceano, numa óptica de crescimento sustentável (Objectivos de
Lisboa e de Goteborg).
Mas porque a Europa continua a ser uma construção entre Estados, sem uma mobilização forte – ao lado das
regiões – dos cidadãos e das suas organizações, apoiada pelo Parlamente Europeu, essa aposta da Europa do
Mar está longe de estar ganha.
Qui sommes-nous?
Le Conférence des Régions Périphériques Maritimes de l’Europe (CRPM) a été créée en 1973,
à l’initiative des acteurs publics et économiques
de Bretagne (France), avec le double objectif de
promouvoir le rôle des Régions dans la construction européenne et de promouvoir une politique communautaire de préservation du littoral – en particulier contre les marées noires.
La CRPM réunit, aujourd’hui, 156 Régions
issues de 25 Etats, membres ou non de l’Union
européenne (UE). Interlocuteur des Institutions
communautaires et des Gouvernements nationaux, elle agit pour la prise en compte des besoins et intérêts des Régions maritimes et pour
un développement plus équilibré du territoire
communautaire. A ces fins, elle émet des propositions sur les politiques européennes à fort
impact territorial: cohésion, transports, pêche,
recherche, environnement, …
Elle est aujourd’hui présidée par Claudio Martini, Président de la Région Toscane, et son secrétariat est installé à Rennes.
“Sur le terrain”, la CRPM est organisée en 6
Commissions géographiques: Arc Atlantique,
Méditerranée, Baltique, Mer du Nord, BalkansMer Noire, et une Commission des îles. La Commission Arc Atlantique, par exemple, regroupe
29 Régions, de l’Andalousie à l’Ecosse. Elle comprend toutes les Régions continentales portugaises, et est présidée par M. Areces, Président de la
Principauté des Asturies. Ces entités décentralisées sont, à la fois, des espaces de débat entre les
Régions sur les priorités politiques à mettre en
avant, et de mise en œuvre de projets concrets de
coopération transnationale, sur toutes les thématiques du développement régional . Ces projets
sont souvent cofinancés par l’Union européenne
(FEDER) dans le cadre du programme Interreg
(qui deviendra, à partir de 2007, le troisième objectif de la politique communautaire de cohésion).
L’ “émergence” d’une
politique maritime
communautaire intégrée
Lorsqu’il a constitué son équipe de Commissaires en 2004, le nouveau Président de la Com-
mission européenne, José Manuel Barroso, n’a
pas oublié qu’au cours de son mandat de Premier Ministre du Portugal, il avait lancé une
ambitieuse stratégie nationale sur la valorisation des océans. Tout en confiant au Commissaire maltais, Joe Borg, le portefeuille de la pêche, il lui a également demandé de conduire
une réflexion sur l’avènement d’une véritable
politique maritime européenne. Grâce à lui,
pour la première fois, une opportunité de concrétisation de “l’Europe de la mer” voyait le
jour, à l’image de l’Europe de l’espace, aux succès bien connus.
En mars 2005, MM Barroso et Borg publiaient une communication intitulée: “Vers
une politique maritime de l’Union: une vision
européenne des océans et de la mer”. Ils y formulaient une série de principes et proposaient
un chemin:
“Les océans et les mers constituent une ressource
essentielle pour la vie sur terre. Ils jouent un rôle
fondamental dans notre vie économique, sociale et
culturelle. Ils représentent une source de richesse importante dotée d’un grand potentiel de développement.
Assurer l’utilisation durable de l’environnement marin est une condition indispensable de la pleine réalisation de ce potentiel. Le fait que l’océan et les affaires maritimes soient liés et nécessitent une approche
commune, fait l’objet d’une reconnaissance internationale qui ne cesse de s’étendre, et l’on observe une
nette tendance à l’adoption d’une telle approche dans
de nombreuses parties du monde.
Il est très souhaitable que l’Europe considère l’océan
et les affaires maritimes d’une façon plus coordonnée,
plutôt que de la manière sectorielle qui est la sienne
actuellement. (…)
Un livre vert sur la politique maritime future de
l’UE, qui doit être adopté au cours du premier semestre de 2006, constituera un premier pas vers l’établissement d’une politique maritime exhaustive de
l’UE, conformément aux objectifs stratégiques de
la Commission.”
Au moment où nous écrivons cette contribution, il est d’ores et déjà possible d’affirmer
que la “fusée maritime” a été lancée avec succès,
grâce à la forte implication du Commissaire
Borg: Le Livre Vert publié le 7 juin 2006, suivi
d’une période d’un an de consultation, dont
on peut déjà dire, à la fin 2006, qu’elle a intensément mobilisé les acteurs professionnels et
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publics, au premier rang desquels les Régions,
sous le leadership de la CRPM.
Le Livre Vert du Commissaire
Borg, premier jalon de la
concrétisation d’une
ambition maritime
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Pour les Régions maritimes, l’objectif est de
parvenir à un engagement ferme des institutions européennes sur une politique maritime
ambitieuse, avant la fin du mandat actuel de la
Commission et du Parlement européen, c’està-dire, pour le début 2009. Ce document devra
à la fois proposer une stratégie et un cadre politique, législatif et réglementaire. Pour respecter cette échéance, nous attendons en particulier
du Portugal qu’il donne un “coup d’accélérateur” décisif au processus, à l’occasion de la
Présidence de l’Union européenne qu’il assurera au second semestre 2007.
Comme nous le voyons tous les jours, le Parlement européen acquiert une influence croissante
sur les prises de décision communautaires. L’une
des clés de la réussite de l’ambition maritime
réside donc dans la capacité de cette institution
à intégrer ces enjeux et à se doter dans ce domaine d’une philosophie, d’une organisation et de
moyens d’action pour y faire face. Il lui revient –
à lui aussi – de se doter d’une vision transversale
des questions maritimes, actuellement du ressort de plusieurs Commissions thématiques:
pêche, transport, politiques régionales, … La
nomination récente du Député allemand M. Piecyk comme coordinateur de la contribution parlementaire, chargé de “mettre en musique” les
contributions des Commissions concernées, laisse augurer une prise de position de qualité.
Enfin, les Etats ne peuvent rester en dehors
du jeu. Le Commissaire Borg ne souhaite pas
tout réinventer, mais bien plus apporter une
valeur ajoutée communautaire à un ensemble
des politiques publiques non coordonnées,
menées avec insuffisamment d’intégration verticale et horizontale. L’amélioration de la gouvernance est au cœur des priorités du Livre Vert.
Il est évident que les Etats conserveront, dans
la plupart des Pays non fédéraux, un poids
important dans les processus décisionnels en
matière notamment de défense et de sécurité,
mais aussi de transports ou d’application du
droit maritime. Pour autant, les Régions considèrent l’ouverture de ce “chantier” communautaire comme une excellente occasion de se positionner comme acteurs à part entière, et non
plus seulement comme partenaires auxiliaires.
En effet, elles ne sauraient plus se satisfaire de
voir leur rôle réduit, par exemple, à financer les
conséquences des marées noires sans participer
à l’élaboration de la politique européenne de
sécurité maritime.
Les Régions, acteurs légitimes
d’une ambitieuse politique
maritime européenne …
Il est du ressort des Régions et Villes littorales de gérer, au quotidien, et de manière durable, la situation complexe induite par la proximité de la mer ou de l’océan : pressions liées
aux usages contradictoires voire conflictuels du
littoral – foncière, démographique, environnementale, entre autres… – conséquences d’éventuelles pollutions marines ou catastrophes naturelles, etc… Cette tâche est rendue difficile
par la profusion de politiques et d’acteurs et
leur manque de coordination, voire leur caractère contradictoire.
Lors de son Assemblée Générale de novembre 2005, la CRPM a adopté une première contribution au Livre Vert. Lors de son Bureau
Politique du 18 février 2006, une deuxième contribution a été approuvée grâce aux enrichissements tirés des travaux menés dans le cadre du
Conseil Scientifique de la CRPM, en particulier
à l’occasion des 3 réunions tenues au Portugal,
avec le soutien des autorités portugaises. La réunion tenue à Porto en décembre 2005, a en particulier permis de jeter les bases d’une réflexion
prospective, de moyen et long terme, sur la contribution de la mer et des océans à un nouveau
modèle de développement européen.
Cette deuxième contribution, s’appuie également sur les résultats d’un projet de coopération dédié à cette question, projet associant 50
Régions et Villes maritimes, sur les thémati-
ques suivantes: économie et emploi, développement durable, recherche et technologie, transports et sécurité maritime, et gouvernance.
Enfin, le 26 octobre dernier à Murcia en Espagne, l’Assemblée Générale de la CRPM a adopté
la réponse des Régions au Livre Vert et un calendrier interne de poursuite de formulation de
propositions, d’ici à la fin juin 2007, fin de la
période de consultation publique .
Pour les Régions, le Livre Vert
génère des satisfactions, mais
présente des lacunes
La position prise à Murcia, ainsi que tous les
documents et rapports préparatoires sont disponibles sur les sites suivants: www.crpm.org
et www.europedelamer.org. Présentées à la
Commission européenne en amont de sa publication, les options de la CRPM ont pour
partie été intégrées dans celui-ci:
– importance de la gestion intégrée des zones côtières, de la prise en compte des effets
territoriaux des changements climatiques,
de l’amélioration de la sécurité maritime;
– priorité accordée à la recherche, à la formation et à l’emploi;
– prise en compte du développement soutenable du tourisme côtier.
Les insatisfactions portent, en particulier, sur
les aspects suivants:
– les autorités régionales ne se voient pas
reconnues de rôle dans la future politique
maritime;
– les Régions ultrapériphériques et les îles ne
sont pas abordées à hauteur de leur importance en termes de handicaps et d’opportunités;
– aucune ambition réelle n’y apparaît en faveur d’une politique européenne des transports maritimes qui offre une alternative
crédible au transport routier, notamment
pour les territoires peu accessibles;
– il nous semble, enfin, que le Livre Vert
manque de souffle prospectif et imaginaire: le citoyen européen doit être invité et
aidé à se projeter dans l’Europe maritime
de demain.
Sur ces questions, la CRPM organise une
série de séminaires spécialisés qui permettront
d’aider la Commission européenne à préparer des propositions équilibrées. Se tenant
dans les différents bassins maritimes de l’UE,
ces réunions permettront également, à la future politique maritime, d’être opportunément déclinée sur chaque espace spécifique:
Stavanger-Norvège pour les Mers du Nord
de l’Europe, Gijon-Espagne pour l’espace atlantique, Livourne-Italie pour la Méditerranée, La Réunion-France pour l’ultra périphérie, les Açores pour les relations avec les autres
continents…
Les propositions de la CRPM
dans le cadre de la consultation
maritime européenne
Elles sont organisées autour de quatre grandes priorités:
– politique maritime européenne et territoire;
– politique maritime européenne et développement durable;
– politiques sectorielles communautaires au
service de l’ambition maritime;
– politique maritime européenne et gouvernance;
Dans le présent article, c’est cette dernière priorité qui sera développée. Nous apporterons toutefois quelques éléments résumés sur les trois
premières.
La politique régionale 2007-2013:
le FEDER – un outil territorial
au service de la politique maritime
Le règlement du FEDER pour 2007-2013
permet de financer une large gamme d’investissements contributifs à l’économie maritime
européenne.
Il s’agit là d’une opportunité pour mettre en
œuvre des projets structurants et innovants :
clusters maritimes, infrastructures portuaires et
raccordement des ports aux hinterlands, en particulier pour la mise en œuvre effective des autoroutes de la mer.
A partir de 2007, la coopération territoriale
accède au statut d’objectif à part entière de la
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politique régionale communautaire – l’Objectif
3. Cet outil est appelé à devenir le principal instrument financier de concrétisation de la politique maritime pour la période 2007-2013, en ce
qui concerne les aspects “internationaux” de
celle-ci. Ses priorités thématiques intègrent bien
la problématique maritime.
La CRPM considère en outre que le renforcement des clusters maritimes régionaux et leur
consolidation à l’échelle internationale, est une
condition clé du développement des régions
maritimes. Elle demande donc qu’un encouragement soit apporté à la mise en œuvre de tels
clusters, à la fois dans le cadre des politiques
régionales, de recherche et d’innovation.
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Une politique maritime au service
du développement durable
Les Régions maritimes insistent sur l’occasion que représente le Livre Vert pour engager
un nouveau modèle de développement basé
sur les principes du développement durable.
La dimension maritime du développement
durable s’inscrit dans un contexte politique caractérisé par des initiatives récentes, prises par
la Commission européenne dans des domaines complémentaires: la “stratégie marine”, la
“stratégie de gestion intégrée des zones côtières (GIZC)” et la priorité mise sur l’état de
l’environnement dans les zones littorales engagée par l’Agence Européenne de l’Environnement.
Les Régions soutiennent la stratégie marine
proposée par la Commission – et aujourd’hui
adoptée par le Parlement et le Conseil – et notamment son approche par écosystèmes. Elles
font toutefois remarquer que cette stratégie ne
saurait à elle seule de constituer l’approche “développement durable” du Livre vert.
Les propositions formulées par les Régions
portent sur:
– la nécessité de disposer d’instruments contraignants communautaires pour faire face
aux dégradations des écosystèmes, issues
d’activités en mer ou sur terre;
– à court terme, l’urgence de mettre en place
les instruments pour que la GIZC puisse
être appliquée;
– la nécessité de poursuivre les orientations
de l’Agence Européenne de l’Environne-
ment vers le renforcement des liens entre
les informations et leur utilisation dans les
zones côtières;
– la nécessaire coordination des initiatives
par bassins maritimes visant à favoriser la
diffusion et la valorisation des expériences et des bonnes pratiques, notamment
pour les thèmes liés à l’élaboration de
l’Agenda 21;
– une réforme des modes de gouvernance
permettant de substituer une approche
intégrée à l’approche sectorielle qui prévaut
aujourd’hui.
Des politiques sectorielles
communautaires au service de
l’ambition maritime
Les considérations et propositions qui précèdent, accordent une priorité aux dynamiques
d’intégration des interventions publiques dans
le domaine maritime, autour des concepts de
territoire et de durabilité.
Une intégration verticale et horizontale des
politiques n’aurait toutefois pas de sens si chacune des politiques sectorielles ne contribuait
individuellement aux objectifs majeurs que
s’est données la CRPM: stratégie de Lisbonne
et de Göteborg, place des Régions, cohésion
territoriale.
Le débat sur le Livre Vert doit donc donner
l’occasion d’une remise à plat de ces politiques
sectorielles:
– pallier les insuffisances du paquet Erika III
en matière de sécurité maritime;
– accorder une priorité effective à la recherche maritime et marine dans le 7 ème Programme Cadre communautaire de Recherche et Développement – la CRPM
travaillera à cet objectif en partenariat avec
l’organisation internationale Eurocean,
basée à Lisbonne;
– mettre effectivement en œuvre les Autoroutes de la Mer, proposées en 2001 par la
Commission européenne, mais pas encore concrétisées 5 ans plus tard;
– intégrer les potentialités côtières à la politique européenne de l’énergie, grâce à la
mobilisation d’un groupe de travail interrégional piloté par la Navarre (Espagne).
Imaginer la gouvernance de la
future politique maritime
communautaire: les Régions
au cœur des dispositifs
Eléments de cadrage
de la gouvernance maritime
Les rapports produits par la CRPM dans le
cadre du projet de coopération Europe de la Mer,
apportent de façon exhaustive tous les éclairages
utiles sur la gouvernance actuelle des océans:
– contexte juridique international: Convention des Nations Unies sur le Droit de la
Mer (1982), Convention sur la Diversité
Biologique, Organisation Maritime Internationale, Convention sur le Changement
Climatique, Marpol …;
– deux instruments majeurs non contraignants: Agenda 21, qui fournit un cadre
pour mettre en œuvre le développement
durable – en particulier les chapitres dédiés aux océans, aux côtes, aux îles et à la
participation locale. Le Plan de Mise en
Oeuvre de Johannesburg propose un calendrier et des objectifs pour finaliser
l’Agenda 21 et les objectifs des traités internationaux.
Une série de conventions “régionales” complète ce cadre légal, et en particulier:
– la Convention d’Helsinki (Helcom) pour
la Baltique;
– la Convention OSPAR pour l’Atlantique
du Nord-Est;
– la Convention de Barcelone pour la Méditerranée.
L’action de la CRPM portera sur les liaisons
possibles entre ces instruments et les politiques et sur les modalités de leur mise en œuvre
au niveau national et régional. Elle identifiera
les processus qui devraient permettre aux Régions d’y participer.
S’agissant du rôle des Régions, des enseignements peuvent être tirés des expériences conduites dans d’autres zones géographiques et,
en particulier, des cas les plus “mûrs”: l’Australie et le Canada. Il convient, toutefois, de
prendre en compte la différence d’échelle géographique entre les Régions européennes et celles de ces Pays. Ainsi les “régions” de mise en
œuvre de la politique nationale canadienne pour
les océans se rapprochent plus d’une zone de
coopération transnationale européenne, que du
territoire d’une Région européenne.
De manière générale, au plan mondial, la participation des niveaux infranationaux aux politiques maritimes paraît éparpillée seulement sur
des bases “ad hoc”, et les rôles et les moyens
des Régions dans les décisions et la mise en
œuvre ne sont pas suffisants, notamment dans
les domaines suivants:
– programmes cohérents de gestion intégrée
des zones côtières;
– connexion entre la gestion des eaux douces et des eaux côtières;
– activités offshores qui peuvent affecter l’environnement côtier et la vie des communautés qui en dépendent;
– coopération entre Régions voisines;
– bonnes politiques de voisinage.
Pour assurer le développement efficace de
politiques maritimes aux niveaux européen,
national, régional et local, il est urgent de développer une vision pour le rôle des niveaux infranationaux:
– clarifier le rôle et le mandat des différents
niveaux;
– coordonner les mécanismes et les institutions entre la gestion côtière locale, le niveau national, le niveau continental et le
niveau mondial;
– prévoir les moyens de mise en œuvre: instruments et mécanismes, notamment financiers, d’incitation aux échelons infranationaux à s’impliquer et soutenir les
politiques nationales et internationales;
– impliquer les partenaires et les communautés concernées à un stade aussi précoce que
possible.
Le transfert de pouvoir depuis le niveau national vers les niveaux infranationaux relève de
l’ordre interne de chaque Etat, et pas d’une
politique européenne. Dans ce contexte, trois
aspects sont à prendre en considération, pour
proposer un rôle des Régions dans la future
politique maritime de l’UE:
– les mandats actuels dans le cadre desquels,
en vertu du principe de subsidiarité, les
Régions sont “autorisées” à participer à la
politique communautaire;
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– les nouveaux rôles, non encore planifiés
par les gouvernements nationaux, mais
pour lesquels les Régions peuvent prétendre agir dans les domaines de la gestion
des océans et du développement socio-économique des zones côtières;
– les pouvoirs légitimes des Etats, qu’ils
peuvent déléguer aux gouvernements régionaux ou locaux. L’UE ne peut intervenir sur ces changements internes aux Etats.
Compte tenu de ces éléments de contexte, la
CRPM propose de progresser dans la gouvernance de la politique maritime en travaillant aux
deux niveaux suivants:
– le niveau régional, à travers des accords tripartites entre l’UE, les Etats et les Régions,
portant sur le développement durable des
régions maritimes;
– le niveau transnational des bassins maritimes pour une mise en œuvre concertée des
différentes politiques communautaires affectant la mer et le littoral.
Vers des contrats tripartites
pour le développement durable
des régions maritimes
Le 25 juillet 2001, la Commission européenne adoptait un Livre Blanc sur la “gouvernance
européenne”. Il prévoyait de lancer, à partir de
2002, des contrats tripartites pilotes par objectifs “dans un ou plusieurs domaines comme
moyen plus souple d’assurer la mise en œuvre
des politiques communautaires”, associant la
Commission européenne, un Etat et une collectivité territoriale, régionale ou locale. En octobre 2003, les trois premières initiatives de
projets pilotes de convention tripartite d’objectifs ont reçu un appui de la part de la Commission européenne. Elles ont été prises par
trois municipalités – et non par des Régions –
et portaient toutes sur les questions d’environnement.
A ce jour, la seule des politiques européennes pour laquelle existe un cadre clair impliquant les Régions au sein d’un partenariat
équilibré Commission/Etats/Régions, est la
politique régionale. Ce mécanisme doit être
étendu aux autres politiques à fort impact territorial (transports, recherche, environnement,
entreprises, développement rural, pêche).
Le lancement d’une nouvelle politique communautaire, la politique de la mer, offre une
occasion unique de mettre en place, par anticipation, un cadre de gouvernance adapté au niveau régional.
La CRPM appelle donc au lancement d’expériences pilotes d’élaboration de conventions
tripartites Commission Européenne/Etats/
Régions, pour mettre en œuvre de façon intégrée, les différents instruments de politique
maritime – qu’ils relèvent de politiques communautaires, nationales ou régionales.
Elle demande aux services concernés de la
Commission européenne, de lancer, dès que
possible, une réflexion sur ce thème, associant
un groupe de Régions pionnières prêtes à prendre part à l’expérimentation (la Région des Asturies a déjà effectué des démarches en ce sens).
Elle considère qu’une fois tirés les enseignements de cette phase d’expérimentation, ces
contrats tripartites pourraient constituer, à partir de 2010, l’un des outils essentiels de mise
en oeuvre de la politique maritime communautaire.
Le bassin maritime: un échelon
transnational de mise en cohérence
des politiques maritimes
La plupart des politiques communautaires
d’encouragement au développement durable
des régions maritimes ne peuvent limiter leur
champ d’intervention aux seuls échelons local,
régional ou national.
Elles intègrent donc pour nombre d’entre
elles, une dimension transnationale, qui doit
trouver sa place dans la future politique maritime européenne, autour de la notion de “bassin
maritime”. Par exemple:
– transports: les 4 Autoroutes de la Mer intégrées en 2004 au sein du Réseau Trans
Européen de Transports dessinent des
aires de partenariat interétatique, où les
Régions doivent trouver une place;
– environnement: la stratégie thématique
européenne pour la protection et la conservation du milieu marin identifie des
“régions marines”, au niveau desquelles les
Etats membres devront se concerter pour
élaborer des plans d’amélioration de l’état
écologique des eux marines;
– pêche: la gestion des ressources halieutiques dessine elle aussi une cartographie des
zones de pêche, au sein desquelles se mettent en place des Comités Consultatifs
Régionaux;
– coopération transnationale: dans la poursuite du programme Interreg 3B, le volet
transnational du troisième objectif du
FEDER pour 2007-2013 dessine 13 espaces de coopération qui pour la plupart intègrent des territoires maritimes;
– politique de voisinage: la nouvelle politique de voisinage, à l’œuvre pour 20072013, identifie une nouvelle forme de coopération transfrontalière entre les Régions
de l’UE et celles des Pays voisins. Un programme de coopération par bassin maritime est ainsi en préparation pour la Baltique, la Mer Noire et la Méditerranée.
La CRPM demande que soit mis à l’étude,
dans le cadre de la discussion du Livre Vert,
des mécanismes informels, ad hoc, de concertation entre les acteurs concernés dans les bassins maritimes. Il est trop tôt pour imaginer
les formes que pourrait prendre ce nouveau
type de partenariat multi acteurs, mais il n’est
sans doute pas trop tôt pour lancer une réflexion qui pourrait aboutir avant la période
de programmation 2014-2020.
Une ambition maritime
européenne, si nous le voulons!
Si l’existence-même d’une politique maritime
européenne était un combat, nous pourrions dire
qu’il n’est pas gagné d’avance. Si le Président
Barroso, le Commissaire Borg, les Régions et un
certain nombre de représentants d’intérêts professionnels se mobilisent, (transports, construction navale, milieux de la recherche …), l’Union
Européenne reste une construction d’Etats. Or
ces derniers ne souhaitent pas, nécessairement,
s’embarrasser d’une politique maritime “holistique”, intégrée, intersectorielle, qui compliquerait la gouvernance d’ensemble, voire réduirait
leurs marges de jeu.
Il appartient donc aux citoyens européens, à
leurs associations, de se mobiliser pour faire
en sorte que le Livre Vert “accouche” d’une
véritable ambition maritime, aussi percutante
que l’Europe de l’espace. Si le mandat actuel
de la Commission européenne et du Parlement
européen, qui s’achève en 2009, ne permettait
pas de matérialiser cette ambition, il y a fort à
parier que l’Europe prendrait, dès lors, un retard important sur ses partenaires/concurrents
mondiaux sur la valorisation durable de la mer
et des océans.
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