Le rôle des partis politiques africains dans l`éducation civique du

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Le rôle des partis politiques africains dans l`éducation civique du
Le rôle des partis politiques africains
dans l’éducation civique du citoyen
Rapport de synthèse du séminaire-atelier
Lomé, 23-26 janvier 1996
Observatoire Panafricain de la Démocratie (OPAD)
À l’initiative de l’Observatoire Panafricain de la Démocratie (OPAD), s’est tenu un Séminaire-Atelier à Lomé
(Togo), du 23 au 26 janvier 1996 sur le thème « Le rôle des partis politiques africains dans l’éducation civique du
citoyen ».
Cette rencontre inter-africaine a réuni des parlementaires et représentants de formations politiques du Sénégal,
du Niger, du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, du Togo et des experts africains spécialisés sur les questions politiques africaines. Ces assises se situent dans le cadre de la préparation de la Deuxième Conférence panafricaine sur la démocratie et la maîtrise de la transition en Afrique prévue à Libreville (Gabon) en 1996.
Il s’agit d’une réunion préparatoire de quelques pays ouest-africains liés par l’histoire, la géographie et ayant
connu des expériences spécifiques dans leur processus de démocratisation.
1. La séance d’ouverture du séminaire a eu lieu, au siège de l’OPAD, le mardi 23 janvier 1996 à 9 heures, avec
une déclaration de Maître Djovi Gally, ancien ministre, président de l’OPAD, qui présidait la cérémonie, en présence des participants, de plusieurs représentants de partis politiques togolais et de membres du corps diplomatique accrédités à Lomé.
Après avoir situé les enjeux du Séminaire-Atelier dans le cadre de la mise en œuvre de l’Initiative de Lomé
pour l’Éducation à la Culture Démocratique en Afrique et de la préparation de la 2ème Conférence panafricaine de
Libreville, Maître Djovi Gally a tenu à remercier au nom du Conseil Exécutif de l’OPAD et en son nom personnel, tous ceux qui ont contribué à la réalisation de la rencontre.
Il a particulièrement adressé toute sa reconnaissance à l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT),
à son Secrétaire Général M. Jean-Louis Roy ainsi qu’à Mme Christine Desouches, Délégué général à la Coopération
juridique et judiciaire, pour le soutien constant apporté à l’OPAD.
2. Des exposés introductifs ont été présentés lors des séances plénières suivantes :
• « le rôle des partis politiques africains dans l’éducation civique du citoyen » par Maître Robert Dossou, ancien
ministre des Affaires étrangères du Bénin ;
• « les enjeux de la 2ème Conférence panafricaine sur la démocratie et la maîtrise de la transition en Afrique »
par le Professeur Falilou Diallo, conseiller spécial à la présidence de la République du Sénégal, vice-président de l’OPAD ;
• « les implications économiques de la démocratisation en Afrique » par M. Nadim Michel Kalife, consultant,
ancien doyen de la Faculté des sciences économiques et de Gestion à l’Université du Bénin à Lomé.
3. Les participants, venus des six pays mentionnés plus haut ont fait part de l’expérience de leur pays respectif dans le processus démocratique ainsi que de leur vision du rôle des partis politiques dans l’éducation
civique des citoyens des pays africains.
Des débats enrichissants, ouverts, francs et approfondis ont suivi ces exposés.
Nous pouvons en dégager les points majeurs suivants :
I.– LES DIFFICULTÉS DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE
Elles sont liées à plusieurs facteurs :
• Manque de culture démocratique.
• Mauvaise gestion du passage du parti unique au multipartisme.
• Risques potentiels de confrontation physique durant les campagnes électorales (culture de violence).
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• Code électoral non consensuel et mauvaise organisation des élections.
• Mésentente des formations politiques sur les règles du jeu.
• Abus des libertés nouvellement acquises.
• Blocages politiques liés aux résultats contestés des élections.
• Problèmes liés au financement des partis.
• Éducation civique insuffisante des citoyens.
• Manque de statut de l’opposition.
• Le nomadisme politique des élus de la nation.
• Prolifération tous azimuts de partis politiques.
• Le problème de l’indépendance de la magistrature.
Les participants estiment qu’il faut résoudre ces difficultés afin d’instaurer une démocratie saine et durable.
Cela doit se faire dans la transparence ayant comme cadre une concertation des forces politiques. Ils invitent les
formations politiques africaines à réfléchir sur les conditions d’accès et de sortie du pouvoir ; prévoir, en particulier, un statut des anciens chefs d’État et de Gouvernement.
Les atouts de l’organisation traditionnelle africaine (démocratie à la base) doivent être réactualisés.
L’opposition reste un rouage indispensable à la démocratie et sans opposition l’Afrique risque de renouer avec
le système de parti unique. Cependant les experts estiment que l’Afrique ne doit pas oublier que le développement
économique doit aller de pair avec les exigences de la démocratie.
II.– ÉDUCATION CIVIQUE DU CITOYEN
La problématique du civisme en Afrique en vue de l’instauration de régimes démocratiques venant rompre la
suite des régimes monolithiques et autoritaires des 30 premières années de l’indépendance des États d’Afrique
noire, peut se résumer en quatre thèmes, comme l’a relevé Maître Robert Dossou, à savoir :
• la problématique institutionnelle
• la problématique socio-économique
• la question culturelle
• la question « nationale » (patriotisme et conscience nationale).
Le séminaire-atelier a déploré l’irresponsabilité de certains acteurs de la vie politique et les comportements
inadmissibles de quelques dirigeants politiques qui conduisent souvent à la violence et au chaos politique.
Les gouvernements et les partis politiques africains doivent organiser la formation, l’éducation et l’information pour s’assurer du civisme de leurs citoyens et de leurs militants afin de faciliter le processus démocratique.
Certains partis disposent de départements formation ou d’instituts ayant pour vocation de former les adhérents
à l’idéologie du parti mais également à la citoyenneté dans un État démocratique. La tenue des journées parlementaires est aussi un moment de formation civique.
La formation des militants doit se faire aussi dans le cadre de la prise de conscience des droits et devoirs des
citoyens. La sensibilisation peut se faire à travers les instances du parti et quelques centres de réflexion.
Des émissions radiophoniques existent pour diffuser leurs programmes. Cette sensibilisation mérite d’être soutenue et encouragée. Encore faut-il que l’opposition ait accès aux médias d’État.
Certains pays ont élaboré des brochures et fascicules pour permettre aux citoyens de se familiariser aux techniques de vote. Ce travail a connu une vulgarisation grâce à la traduction en langue nationale des manuels. Les
femmes jouent un rôle considérable pour la diffusion du savoir.
L’État aussi doit prendre en charge la question de formation des citoyens.
III.– ENJEUX DE LA 2ÈME CONFÉRENCE PANAFRICAINE
SUR LA DÉMOCRATIE ET LA MAÎTRISE DE LA TRANSITION EN AFRIQUE
La poursuite du dialogue entamé à Dakar, en 1992, entre les partis au pouvoir et ceux de l’opposition, permettra de faire le point du processus de démocratisation en Afrique. On insistera sur les points suivants :
1. Effectivité du multipartisme et du pluralisme.
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Symposium international de Bamako
2. Organisation des élections libres et transparentes (code électoral) :
• commission électorale indépendante nationale autonome
• observateurs étrangers
• proclamation des résultats des élections.
3. Mise en place des institutions pour favoriser le processus démocratique :
• conseil constitutionnel ou cour constitutionnelle
• rôle et indépendance de la magistrature
• autres institutions.
4. Statut de l’opposition, périodicité et régularité des élections libres, démocratiques, transparentes.
5. Participation de l’opposition aux grandes instances (Assemblée nationale, conseils régionaux).
6. Statut de la presse :
• loi sur la presse
• accès aux médias d’État.
7. Rôle de la société civile.
8. Dialogue entre opposition et pouvoir.
Le séminaire a souhaité que les partis politiques des pays africains envoient des délégations à la Conférence
de Libreville pour la poursuite de ce dialogue.
IV.– LES IMPLICATIONS ÉCONOMIQUES DE LA DÉMOCRATISATION EN AFRIQUE
La dévaluation du franc CFA, la réduction de l’aide publique au développement, le surendettement de l’Afrique,
l’évolution non maîtrisée des cours des matières premières constituent des entraves graves au processus de démocratisation de l’Afrique.
L’Union économique UEMOA qui vit présentement des balbutiements n’a pas encore donné les résultats
escomptés, mais impose sa souveraineté aux pouvoirs politiques locaux. Or, elle est un maillon essentiel de l’intégration économique sous-régionale. Des institutions, dans certains pays ont pris en compte des priorités dans le
domaine de la santé, du travail, de l’environnement, de l’éducation, de la redistribution des richesses, etc.
Les régimes politiques ne représentent pas toujours les intérêts populaires parce que tout simplement ces
régimes ne sont pas des pouvoirs démocratiques.
Une politique fiscale adaptée doit être trouvée pour permettre une relance de l’investissement afin que les
entreprises puissent créer des emplois ( le droit au travail est un élément de la démocratie).
Aussi, il est suggéré une réunion de la politique du crédit dans nos pays pour faciliter l’accès au crédit en abaissant les taux d’intérêt. Le crédit coûte cher et empêche notre décollage industriel. C’est dire que les droits sociaux
et économiques sont à prendre en considération pour que les États africains puissent sortir de l’ornière.
Ce séminaire-atelier a permis des échanges fructueux des expériences et évoqué des possibilités d’échanges
d’informations et d’outils de travail pour nos Parlements.
Au terme de ces travaux, les participants ont tenu à remercier les organisateurs de cette rencontre, à savoir
l’OPAD, les bailleurs de fonds et les différents conférenciers. Cette rencontre a permis des échanges utiles pour la
poursuite de la démocratisation en Afrique.
La séance de clôture s’est tenue le vendredi 26 janvier 1996, à 10 heures, au siège de l’OPAD en présence des
participants, de plusieurs représentants de partis politiques togolais et de membres du corps diplomatique accrédités à Lomé. Elle a été marquée par la présentation du rapport de synthèse par le rapporteur général, le professeur
Falilou Diallo, et par le discours de clôture de Maître Djovi Gally, président de l’OPAD.

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