Introduction La langue tibétaine parlée, le Bhökä, et la langue écrite

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Introduction La langue tibétaine parlée, le Bhökä, et la langue écrite
Introduction
La langue tibétaine parlée, le Bhökä, et la langue écrite basée sur le sanscrit
du 7ème siècle n’ont aucune ressemblance avec le chinois. Ce n’est pas
seulement l’une des langues les plus remarquables du monde, c’est aussi
selon de nombreux chercheurs contemporains, la seule langue qui ait
préservé la totalité des enseignements du Bouddha et des écrits d’autres
grands maîtres bouddhistes tibétains.
Pendant des milliers d’années, la langue tibétaine a été utilisée dans les
trois provinces historiques du Tibet, dans tous les domaines – culturel,
politique, administratif, religieux, artistique, éducatif, ainsi que dans les
domaines des échanges et de la communication, dans l’économie et le
commerce.
Après l’invasion du Tibet, le gouvernement chinois a mis en place diverses
politiques visant à affaiblir et à faire disparaitre la langue et la culture
tibétaine.
La place du tibétain au Tibet après l’invasion chinoise
Entre 1955 et 1979, une politique déclarée a été instaurée afin de faire
disparaître la langue, la culture et la religion tibétaines. L’obligation
d’utiliser le chinois comme langue tibétaine à un déclin irréversible.
Le dixième Panchen Lama, aujourd’hui décédé, avait remarqué : « Ce pays,
qui a su se gouverner pendant plus de 1300 ans avec sa propre langue a
perdu sa tradition écrite deux décennies après sa ‘libération’ sous la
direction du parti communiste. Nous avons dû insister pour que soit passée
une loi destinée à promouvoir l’usage de la langue tibétaine au Tibet. Que
l’on doive en passer par là est un scandale. » Longtemps après la fin de la
révolution culturelle, et même après le commencement des réformes et de
la politique d’ouverture culturelle envers les ethnies minoritaires, aucune
mesure sérieuse n’a été prise par Beijing pour que la langue tibétaine soit
employée ni dans le gouvernement central ni même au niveau des régions.
En réalité, le discours des Chinois n'a jamais été suivi de décisions ou
d'actions allant dans le même sens.
Phuntsok Tashi Sertang, ancien officier de la Commission des Affaires des
Ethnies Minoritaires, qui avait travaillé comme officier protocolaire et
traducteur pendant les négociations sino-tibétaines de 1951 (il fut plus tard
chercheur invité au centre chinois de recherche en Tibétologie) a écrit dans
un article paru en 1989 :
« Depuis que le chinois est devenu la langue dominante au Tibet, il n’existe
pratiquement plus de documents en langue tibétaine. Les documents mis
en circulation sont censés être des directives rédigées par des cadres
supérieurs à l’intention de leurs subalternes, lesquels ne peuvent les lire
puisqu’ils sont presque toujours rédigés en chinois. De ce fait, les directives
ne peuvent être mises en pratique et ces documents encombrent les
fonctionnaires qui vivent dans la peur d’une punition s’il leur arrivait de les
égarer. » Il ajouta : « Certains dirigeants n’ont pas accepté ou ont même
rejeté des réclamations présentées par la population locale et écrites en
tibétain sous prétexte qu’ils ne pouvaient les lire ».
Pourquoi la langue tibétaine en est-elle réduite à un tel déclin ?
Ce même chercheur a cité comme responsable la politique
« d’assimilation » poursuivie par le gouvernement chinois depuis 1958,
après l’invasion chinoise du Tibet. « L’assimilation » selon lui est la politique
par laquelle les ethnies minoritaires se noient dans l’océan des ethnies
majoritaires Han. Il ajoute : « A cause de ce vent néfaste appelé
assimilation, la langue tibétaine n’est pas traitée avec respect, ni même
utilisée. Et la vive douleur que cause ce vent est toujours ressentie dans le
pays. »
Dans son livre Bolag Gyi Re-sman, Tsering Dhondup Dherong, autre
intellectuel tibétain membre du parti communiste, cite trois causes
majeures responsables de ce déclin.
La première est la politique nationaliste menée par le
gouvernement chinois, qui accélère le processus de sinisation,
La seconde est la notion que le tibétain est une langue sans
valeur dans la société actuelle,
La troisième est le complexe d’infériorité dont souffrent les
Tibétains, qui les empêche de protéger et valoriser leur propre
langue.
Adoption de certaines dispositions concernant l’étude, l’utilisation et le
développement de la langue tibétaine parlée et écrite
A la suite d’efforts de nombreux Tibétains menés par le défunt dixième
Panchen Lama et par Ngawang Jigme Ngabo pour faire appliquer les droits
légitimes du peuple tibétain, la 5ème session du 4ème Congrès populaire
des régions autonomes du Tibet a adopté, en 1987, les « dispositions
concernant l’étude, l’usage et le développement de la langue tibétaine
parlée et écrite (dispositions qui devaient être appliquées sur une base
expérimentale).
En 1988, ce fut au tour du gouvernement populaire de la Région autonome
du Tibet, RAT, de promulguer des « règles détaillées pour l’application des
dispoisitions » citées ci-dessus.
Lors de la première session du 5ème Congrès populaire de la RAT, quelques
membres des provinces limitrophes, des membres de congrès populaires
ou de conférences politiques consultatives eurent le plaisir de pouvoir
exprimer leurs idées en tibétain. Mais un représentant officiel chinois leur
coupa la parole : « Veuillez parler chinois, si vous parlez en tibétain nos
camarades chinois ne vous comprendrons pas. » Ainsi les participants de ce
congrès, qui étaient à 80 % des Tibétains, durent-ils parler en chinois lors
d’une assemblée qui avait lieu dans la Région autonome du Tibet et dont
l’ordre du jour était de discuter de l’étude, de l’utilisation et du
développement de la langue tibétaine dans cette même région. Cet
incident démontre clairement le manque de volonté de la part des
dirigeants chinois à mettre en œuvre ce projet de loi.
Après l’annonce des dispositions de 1987, le journal Tibet Daily publia un
essai critique intitulé : « Nous devons utiliser en toutes circonstances la
langue tibétaine dans tous les aspects de notre vie au Tibet. »
Les dirigeants du parti communiste de la RAT, les porte-parole du
gouvernement, les entreprises et organisations commerciales n’ont pas
appliqué les dispositions ni les nouvelles lois. Voilà ce qu'en dit Sonam,
écrivain tibétain :
" Non seulement les responsables ne comprennent pas le sens des lois en
vigueur dans la région autonome, mais de plus ils ne savent pas gouverner
les régions peuplées d'ethnies minoritaires. Ils ne réalisent pas non plus à
qui le peuple fait confiance, ils ne savent pas qui les Tibétains aiment,
respectent et admirent. Quoiqu’il en soit, leur ambition ne se borne qu’à
devenir des cadres bien rémunérés de haut niveau qui ne parlent que
chinois, ne se servant de la langue chinoise que pour leur profit. Et quelle
que soit la rigidité de leur façon de penser, ils ne chercheront pas à en
changer. En se procurant les écrits détaillés pour l’application des
dispositions concernant la langue tibétaine, ils ne font qu’un geste
symbolique d’obéissance envers leurs supérieurs en les lisant en public,
sans vouloir les mettre en pratique. La preuve en est que dans chaque
assemblée, petite ou grande, ils continuent à parler chinois et de ce fait
mettent en difficulté plus de 90 % de leurs membres, qui sont en fait des
cadres ou des travailleurs tibétains.
Les « règles détaillées »
Le gouvernement chinois a fait du chinois la langue officielle du Tibet,
rendant plus difficile l’usage quotidien de la langue tibétaine dans toutes
les activités sociales y compris les dépôts et retraits dans les banques.
En 1996, suite aux recommandations du troisième Forum de travail sur le
Tibet, le budget pour les publications académiques et littéraires du Tibet a
été considérablement réduit. Le comité directeur a été dissout et ses
membres supérieurs mutés au Bureau régional de la traduction. Des projets
pilotes visant à prolonger l’organisation de l’enseignement en tibétain aux
écoles secondaires (dans le but d’aider les élèves à faire plus de progrès si
l’enseignement n’était pas en chinois) furent également supprimés. Des
cours de langue tibétaine à l’université de Lhassa subirent le même sort et
les conférenciers reçurent l’ordre de réécrire les manuels afin d'en
expurger le contenu religieux.
Les nouvelles législations omettent d’instaurer la langue tibétaine comme
langue principale
En 1987, le Panchen Lama et Ngawang Jigme Ngabo, deux éminents
Tibétains obtinrent, avec le soutien de cadres de l’éducation spécialisée,
que la langue tibétaine soit utilisée dans les écoles, collèges et autres
institutions dans la région autonome du Tibet.
Un projet de loi, appelant quelques résolutions concernant l’étude, l’usage
et le développement de la langue écrite et orale tibétaine (à mettre en
œuvre à titre expérimental) fut adopté en 1987. Il décrétait que le tibétain
serait la langue principale du Tibet, avec le chinois en seconde place. Il était
également décrété que serait instauré dans la région autonome du Tibet un
système d’éducation faisant principalement usage de la langue tibétaine.
Cette importante décision était en parfait accord avec les résolutions prises
dans la Constitution et par les lois gouvernant la Région autonome du
Tibet. Cependant la version révisée de ce projet de loi ne fait plus mention
de cette décision, une omission qui ne constitue pas seulement un
historique pas en arrière mais qui est aussi contraire à la Constitution.
Cette nouvelle loi n’éclaircit pas des articles importants de l’ancienne
législation concernant l’étude de la langue tibétaine et qui sont passés sous
silence : il en résulte que l’étude de la langue tibétaine se fait de moins en
moins et il semble comme sans importance que cette langue vive ou
disparaisse.
L’article 6 de la nouvelle loi stipule que l’enseignement pendant les années
obligatoires sera fait en chinois et en tibétain et que des cours de langue
étrangère seront offerts pendant une période appropriée (plus tard). Ce
soi-disant enseignement obligatoire devait aller jusqu’en 6ème, il est
maintenant repoussé jusqu’en 9ème. Cependant même si le tibétain est
enseigné au niveau de l’éducation secondaire (de la 10ème à la 12ème),
tous les cours sont faits en langue chinoise. Ainsi, comme l’indique Mr.
Tashi Tsering, beaucoup d’étudiants seront incapables de maîtriser les deux
langues et cela aura un effet délétère sur le résultat de leurs études. Cette
nouvelle loi qui dévalorise la langue tibétaine la condamne en fait à un
déclin irréversible ou même à disparaître de la sphère pédagogique. Ainsi,
la culture du peuple tibétain disparaîtra de la sphère de la culture de
l’humanité. Elle prive également tous les peuples du monde -y compris les
Chinois- de leurs libertés et de leur droit d’étudier, conserver et développer
la langue tibétaine. Les intérêts du peuple tibétain tout entier s’en trouvent
bafoués.
En outre, cette loi va à l’encontre des dispositions prises dans la
Constitution de l’Autorité de la Région autonome, de la loi sur l’éducation
obligatoire et de la politique concernant les ethnies minoritaires, et cela
non seulement en ce qui concerne uniquement la région autonome du
Tibet mais aussi dans d’autres régions tibétaines.
Discrimination contre la langue tibétaine
Les dirigeants chinois ont toujours estimé que pour contrôler
complètement le Tibet, la langue et la culture tibétaines, (et aussi sa
religion) doivent être détruites et remplacées par le chinois. Ils ont mis ce
plan en action, il en résulte que la langue tibétaine est progressivement
remplacée par le chinois dans tous les domaines d'activité du territoire
autonome du Tibet.
Il n’y a pas de textes en langue tibétaine lors des concours pour la fonction
publique et les documents gouvernementaux ne sont presque jamais
rédigés en tibétain. Les chefs de bureaux s’expriment toujours en chinois
pendant les réunions, petites ou grandes. Il en résulte que la langue
tibétaine est de plus en plus dévalorisée dans la vie sociale des Tibétains.
Le système de notation qui prévaut dans les collèges et les universités est
une autre source de difficultés. Généralement, lorsque l’on passe des
examens dans les collèges ou les universités, 50 % des sujets d'examen
seulement sont rédigés en langue tibétaine, parfois même il n'y en a aucun
en tibétain. Ces agissements constituent un traitement humiliant pour la
langue tibétaine. Sa grammaire est traitée avec dérision et les efforts que
font l’Etat pour éduquer ses citoyens sont totalement dénigrés. Cependant
le Livre blanc chinois assure « qu’un système d’enseignement bilingue a été
adopté globalement dans l’éducation au Tibet, la priorité étant donnée à
l’enseignement en tibétain » et que cette langue est également enseignée
en Chine continentale. Le Livre blanc assure même que le gouvernement
chinois est responsable d’un essor de la langue tibétaine sans précédent
dans l’histoire du pays.
De nouveaux projets concernant l’usage accru du chinois ont suscité des
protestations
Le 19 Octobre 2010 à Rebkong (en chinois Tongren), dans le comté de
Malho, province de Qinghai de la Région autonome du Tibet, des milliers
d’étudiants tibétains sont sortis dans les rues pour protester contre les
réformes de l’éducation et les inégalités subis par les Tibétains. Des élèves
de six écoles de la région, y compris le premier Lycée tibétain, le lycée
national de Yigu et l’Université pour la formation des enseignants à Malho
ont exigé que la langue tibétaine soit plus souvent présente et ont protesté
contre les nouvelles mesures d’enseignement en langue chinoise (Radio
Free Asia, vidéo des manifestations : http….
Un site de réseau social populaire rapporte : « A 12 heures aujourd’hui,
plus de 400 étudiants ont protesté à l’Université chinoise Minzu, à Beijing,
pour obtenir la liberté de parole, selon « Haut sommets, terre pure » qui a
aussi publié des photos de la manifestation : http…
Cette université a rassemblé le plus grand nombre d’étudiants dans la
capitale chinoise, la plupart d’entre eux étudiants en tibétologie.
La sécurité a été renforcée dans les lieux où les étudiants avaient protesté,
des sources locales citent la détention de plus de 20 étudiants du lycée de
Chabcha (en chinois Gonghe), le vendredi 22 Octobre.
Des sources tibétaines en exil en contact avec d’autres Tibétains de la
région ont confirmé ces rapports.
Ces manifestations à Qinghai et Beijing semblent avoir été provoquées par
de nouvelles mesures qui mettent l’accent sur le chinois comme langue
principale et repoussent au second plan la langue tibétaine enseignée
comme langue étrangère avec moins d’heures consacrées à l'étudier.
Un bulletin de CNN confirme la déclaration faite par un fonctionnaire du
Bureau international d’information du Quinghai, Mr. Wang : « La
manifestation est le résultat d’une nouvelle politique d’éducation destinée
à réduire la durée du temps d’enseignement en langue tibétaine ‘ (http…)
Radio Free Asia a également cité une source disant que les autorités
provinciales avaient donné l’ordre aux enseignants tibétains de prendre
part à des ateliers pour faciliter le passage du tibétain au chinois dans les
écoles, soulignant que : « Si ce plan est mis en œuvre de nombreux
professeurs tibétains perdront leur emploi au profit des Chinois. »
En 1988, des élèves de l’université du Tibet avaient organisé à Lhassa,
capitale du Tibet, une manifestation sans précédent, réclamant que la
langue tibétaine soit utilisée au Tibet. Des manifestations similaires avaient
eu lieu à Tso-ngon (en chinois Qinghai).
Dans les enclaves tibétaines des provinces de Ganser et du Sichuan des
étudiants ont distribué des tracts demandant aux autorités régionales de
faire usage de la langue tibétaine.
Une pétition contre la réforme politique linguistique
Plus de 300 enseignants et étudiants ont signé une pétition demandant que
le tibétain reste la langue d’enseignement au Tibet tout en reconnaissant la
nécessité d’apprendre le chinois.
Cette pétition fut rédigée après la conférence tenue à Rebkong (Tongren en
chinois) du 11 au 16 Octobre, avant les manifestations. Il est noté qu’une
différence existe entre l’enseignement d’une langue et une langue
d’enseignement. La plupart des chercheurs et des érudits s’accordent pour
dire que l’on doit introduire une 2ème langue, dans ce cas le chinois,
progressivement, pour qu’une éducation bilingue soit véritablement
réussie.
Les professeurs tibétains sont pour une éducation bilingue. Les autorités de
Qinghai, de leur côté, disent mettre en place une politique de bilinguisme.
En réalité leur but est d’imposer l’éducation en chinois à des étudiants de
langue tibétaine. De nouvelles mesures à cet effet –forcer l’éducation
bilingue dans les écoles maternelles situées dans les zones rurales,
renforcer l’étude de la langue chinoise dans les écoles primaires et résoudre
les problèmes de communication entre Chinois et ethnies minoritaires –
ont été mises en place en Juin dans le cadre d’un plan couvrant la période
2010-2020 au Qinghai.
Les professeurs tibétains ont écrit : « La sagesse d’une personne et sa
capacité à analyser sont intimement liées au développement de leurs
capacités linguistiques. » Les signataires de cette lettre veulent ainsi
soutenir l'idée « qu’il serait souhaitable, d’un point de vue scientifique, de
continuer à utiliser la langue maternelle des étudiants pour les aider dans
leur développement intellectuel. »
David Germano, professeur de tibétain et d’études bouddhiques à
l’université de Virginie, écrit : « Des études ont montré régulièrement que
des étudiants qui sont éduqués et passent des tests en chinois obtiennent
de moins bon scores lorsqu’ils étudient et passent des tests en tibétain, y
compris des tests de quotient d’intelligence (Q.I.). Le professeur Germano
souligne que « faire du chinois la langue professionnelle et littéraire du
Tibet condamne les Tibétains à une position subalterne comme citoyens de
seconde classe dans leur propre pays ».
L’importance de la langue tibétaine
« Sans la langue tibétaine, il est clair que le Tibet ne sera plus le Tibet. »
La langue tibétaine est cruciale pour l’identité tibétaine, sa culture et sa
religion, c’est l’une des quatre langues les plus anciennes et les plus
originales d’Asie. Lors d’une table ronde qui s'est tenue à Washington, DC,
le chercheur Nicolas Tournadre, professeur à l’Université de Provence et
expert en langue tibétaine, a déclaré : « Il y a une réelle menace
d’extinction ou de grave déclin de la langue et de la culture tibétaine, dans
deux ou, tout au plus, trois générations … Au cours des 15 dernières
années, j’ai été personnellement témoin de ce déclin. Les langues ne sont
pas neutres. Elles véhiculent très spécifiquement des comportements
sociaux et culturels et des modes de pensée. Ainsi, l’extinction de la langue
tibétaine aura des conséquences énormes pour la culture tibétaine, qui ne
peut continuer à exister sans elle… C’est important parce que la langue et la
culture tibétaines sont uniques. Oubliez la linguistique, la médecine ou
l’architecture et ne considérez que la littérature ; de toutes les littératures
de l’Asie, c’est l’une des quatre les plus anciennes, les plus complètes et les
plus originales avec le sanscrit et les littératures chinoises et japonaises.
C’est donc une très bonne raison de maintenir cette culture pour le
patrimoine de l’humanité.
De plus sauvegarder cette langue est de la plus haute importance dans
presque tous les domaines.
A l’heure actuelle, le taux de chômage est très élevé au Tibet. Beaucoup de
Tibétains en milieu rural, qu'ils soient nomades ou paysans, vivent presque
comme des étrangers dans leur pays parce qu’ils n’ont pas les
connaissances linguistiques nécessaires pour trouver du travail. Quand ils
viennent dans les villes, leur culture est dévaluée et marginalisée, ce qui
conduit à la dévalorisation et à la marginalisation du peuple lui-même. Sans
la langue tibétaine, le Tibet ne sera plus le Tibet. (Transcription de
l’ensemble de la table ronde de la Commission exécutive du Congrès sur la
Chine : Enseigner et apprendre le tibétain ; le rôle de la langue tibétaine
pour l'avenir du Tibet. Http… )
En 2002, les autorités chinoises ont annoncé de nouveaux règlements
concernant la langue tibétaine. Le quotidien China Daily présente ce décret
gouvernemental « comme le premier décret jamais passé en Chine sur la
préservation d’une langue ethnique » (22 Mars 2002). Bien que cette
mesure semble reconnaître la gravité de la menace qui pèse sur la langue
tibétaine, aucune mesure concrète n’a été mise en place pour améliorer la
situation et la dévalorisation de la langue tibétaine en faveur de la langue
chinoise continue.
L’économiste Andrew Fischer, qui a fait un travail de terrain approfondi au
Tibet, y compris dans le Rebkong, suggère un examen de deux aspects
essentiels de la politique actuelle afin de réduire la polarité économique et
l’instabilité sociale qui règnent dans le pays.
« L’emploi en milieu urbain nécessite une protection et une promotion à la
fois des couches inférieures et supérieures. D’autre part on doit veiller à
réduire les désavantages linguistiques et culturels des Tibétains qui
travaillent en zone urbaine sans porter atteinte à la langue et à la culture
tibétaine. Il existe déjà des lois qui permettraient de résoudre ces
difficultés, si elles étaient appliquées, comme le recommandait feu le
dixième Panchen Lama : il faudrait que les employés du secteur public
travaillant dans les régions tibétaines puissent s’exprimer en tibétain et que
soit appliqué aussi une véritable politique d’éducation bilingue dans les
régions d'ethnies minoritaires. (Eduquer pour exclure en Chine
occidentale… les dimensions structurelles et institutionnelles du conflit
dans les régions du Qinghai et au Tibet, http… )
Les envoyés de Sa Sainteté le Dalai Lama ont remis aux autorités chinoises
un mémorandum réclamant une réelle autonomie pour le peuple tibétain,
le 4 et 5 Novembre 2008, dans le cadre du processus de dialogue sinotibétain. Ils attirent l’attention des autorités sur l’importance cruciale de la
langue tibétaine, citant les dispositions de la Constitution de la République
populaire de Chine et de la loi sur l’autonomie régionale qui garantissent
aux ethnies minoritaires le droit de parler et d’écrire leur langue : « L'article
10 de la loi sur l’autonomie régionale garantit aux ethnies minoritaires le
droit d’utiliser et de développer leur langue parlée et écrite… http..
Conclusion
Le gouvernement communiste chinois a suivi une politique de destruction
systématique de la langue et de la culture tibétaines au cours de ses années
de domination sur le Tibet. Pourquoi s’acharne t-il à faire disparaître la
langue tibétaine ? La réponse est simple : siniciser les ethnies minoritaires
pour exercer sur elles un contrôle total et résoudre la culture et la religion
tibétaines, qui constituent le fondement psychologique du peuple tibétain,
représentant pour les autorités chinoises le plus grand obstacle à leur
contrôle total du peuple tibétain et de sa terre. Le chef du Parti de la
Région autonome du Tibet, Zhang Qingli, a décrit le chef religieux tibétain
comme le principal obstacle à la normalisation du Bouddhisme au Tibet.
Il a aussi désigné le parti communiste chinois comme le ‘Bouddha vivant’ et
un ‘parent’ du peuple tibétain. Ces propos démontrent clairement le
chauvinisme des Hans et leur totale incompréhension de ce que
représente le bouddhisme tibétain, une partie intégrante de l’identité et
de la nationalité tibétaines.
Recommandations
Nous voulons exhorter les dirigeants chinois :
1) A veiller à respecter la liberté de parole des étudiants ;
2) A considérer la question de l'éducation des Tibétains dans leur
propre langue. Nous insistons sur le fait que le gouvernement
chinois leur a déjà accordé la liberté de parler leur langue, ainsi
qu'en témoigne la législation de 2002 relative à l’utilisation de la
langue tibétaine, en accord avec la loi d’autonomie régionale ;
3)
A dialoguer avec les représentants du Dalai Lama sur les
questions de langue et d’éducation tels qu’elles ont été envisagées
dans le Mémorandum sur une autonomie réelle.
Préparé par : Tenzin Samphel, Human Rights Officer, Bureau du Tibet,
Genève
Date : 14 Novembre 2010
Traduction de l’anglais au français d’Arlette de Long, relecture de Malie
Montagutelli pour Montagne du Bonheur

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