CéS-182-3.3-6402 - Commission de l`équité salariale

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CéS-182-3.3-6402 - Commission de l`équité salariale
Dossier no : 6402 étudié aux 181e et 182e séances de la Commission de l’équité
salariale
Membres :
Louise Marchand, présidente
Carol Robertson, commissaire
Loi :
Loi sur l’équité salariale (L.R.Q., chapitre E-12.001), articles 8, 31, 33,
50, 54, 75, 76 et 97
Résolution : CÉS-182-3.3-6402
Objet de la
demande :
Plainte déposée par une personne salariée contre l’employeur Groupe
Perspective (Québec) inc.
DÉCISION
Les membres de la Commission de l’équité salariale (la Commission) sont saisies d’une
plainte alléguant que le programme d'équité salariale de l’employeur Groupe Perspective
(Québec) inc. n'a pas été réalisé conformément à la Loi sur l’équité salariale (la Loi).
LES FAITS
a) Les parties
L’entreprise mise en cause offre des services conseil en ressources humaines et en
placement de personnel. Elle comptait environ 60 personnes salariées entre le 21
novembre 1996 et le 21 novembre 1997, période de référence prévue à la Loi.
L’entreprise compte aujourd’hui environ 270 personnes salariées.
La partie plaignante est une personne salariée de cette entreprise.
Aucune association accréditée n’est présente dans l’entreprise.
b) L’exercice d’équité salariale
L’enquête démontre qu’un programme d’équité salariale a été réalisé dans l’entreprise et
qu’un groupe de travail informel a été institué à cette fin. Un premier affichage a été fait
en décembre 2001 et un second qui s’est terminé le 18 mars 2002. Ceux-ci ont été
effectués dans les locaux de l’entreprise, soit dans la salle du personnel. La partie
plaignante n’y a cependant pas eu accès, puisqu’elle fait partie des personnes salariées de
l’entreprise placées dans les différentes entreprises clientes de l’employeur.
L’enquête démontre que plusieurs catégories d’emplois n’ont pas été considérées dans le
programme d’équité salariale, notamment au sein du personnel administratif travaillant à
l’interne. Par exemple, les catégories d’emplois de directeur général, de contrôleur et de
vice-président division cadres ont été exclues du programme. De plus, plusieurs
catégories d’emplois, dont celle visée par la plainte, se retrouvent au sein du personnel
travaillant à l’externe et n’ont pas été considérées non plus dans le programme. Il s’agit,
entre autres, des catégories d’infirmière, de mécanicien machineries fixes, de commis
d’entrepôt et de caissière.
Durant l’enquête, l’employeur a fait état de sa volonté de se conformer à la décision de la
Commission.
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La Commission a fait parvenir aux parties un préavis de décision le 20 septembre 2007
afin d’obtenir leurs commentaires. Des commentaires ont été reçus des deux parties. Les
membres de la Commission les ont pris en considération aux fins de la décision.
LES PRÉTENTIONS DES PARTIES
a) La partie plaignante
La partie plaignante prétend que l’employeur n’a pas réalisé son programme d’équité
salariale conformément à la Loi
b) La partie mise en cause
L’employeur mis en cause prétend au contraire avoir réalisé un exercice d’équité salariale
conformément à la Loi, tout en manifestant son intention de se conformer à la décision de
la Commission.
LE DROIT APPLICABLE
Les articles 8, 31, 33, 50, 54, 75, 76 et 97 sont les principales dispositions de la Loi sur
l’équité salariale qui s’appliquent en l’espèce. Ces articles sont reproduits en annexe.
ANALYSE
L’enquête démontre que l’employeur avait l’obligation de réaliser un programme d’équité
salariale selon les dispositions applicables aux entreprises de 50 personnes salariées mais
de moins de 100. Aux termes des articles 75, 76 et 97, le délai pour porter plainte à
l’encontre d’une entreprise de cette taille est de 120 jours de l’affichage des résultats
prévu à l’article 75.
Or, bien que l’employeur ait complété son programme d’équité salariale en 2002,
l’enquête démontre que les affichages n’ont pas été effectués conformément à la Loi car
ils n’ont pas été affichés dans des endroits visibles et facilement accessibles aux
personnes salariées qui devaient être visées par ce programme, faisant en sorte que la
partie plaignante n’a pu en prendre connaissance. Compte tenu de sa situation particulière,
l’employeur eût été mieux avisé de joindre une copie de l’affichage aux documents qu’il
transmet à ses personnes salariées qui travaillent dans ses entreprises clientes (copie de
dépôt de paie, par exemple). Dans les circonstances, les délais pour porter plainte ne
pouvaient donc courir. Par ailleurs, les manquements constatés lors de l’examen du
dossier par la Commission doivent être corrigés. Ainsi, le programme devra être repris en
incluant les catégories d’emplois de l’entreprise qui n’ont pas été incluses lors du premier
exercice.
À cet égard, en vertu des pouvoirs qui lui sont confiés par la Loi et sur la foi de
l’information rendue disponible par l’employeur, la Commission tient à préciser que seuls
le président et le propriétaire de l’entreprise peuvent être exclus de l’exercice d’équité
salariale à titre de cadre supérieur au sens de l’article 8 de la Loi. De même, l’employeur
doit prendre en compte, aux fins de la réalisation du programme d’équité salariale,
l’ensemble des catégories d’emplois existantes dans son entreprise au 21 novembre 2001.
Par ailleurs, l’analyse des documents fournis par l’employeur à l’appui de sa démarche
soulève des interrogations quant à l’outil d’évaluation retenu en ce qui a trait à la
définition des sous-facteurs d’évaluation, de leurs niveaux et à la pondération retenue.
L’employeur n’ayant pas soumis ces définitions à la Commission, celle-ci ne peut se
prononcer sur l’outil d’évaluation. À titre d’exemple, des questions se posent à l’égard de
la définition du sous-facteur conditionnement et dextérité manuelle et à la valeur du sous-
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facteur expérience considérant que sa pondération représente 13 % des points
d’évaluation alors que 11 % des points sont accordés au sous-facteur formation.
La Commission rappelle à cet effet que les articles 51 et 56 de la Loi prévoient que l’outil
d’évaluation retenu ainsi que sa pondération doivent être exempts de biais
discriminatoires et permettre de prendre en compte tant les caractères propres aux
catégories d’emplois à prédominance féminine que ceux attribuables aux catégories
d’emplois à prédominance masculine de l’entreprise.
En résumé, l’employeur doit reprendre son programme d’équité salariale en y intégrant
les catégories d’emplois exclues du premier exercice. À ces fins, l’employeur devra, au
besoin, adapter son outil d’évaluation de telle sorte que celui-ci permette la correction des
écarts salariaux discriminatoires fondés sur le sexe.
En conséquence :
CONSIDÉRANT que l’enquête démontre que l’employeur Groupe Perspective (Québec)
inc. n’a pas procédé aux affichages prescrits par l’article 75 de la Loi;
CONSIDÉRANT de ce fait que la plainte alléguant que le programme d’équité salariale
de l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. n’a pas été réalisé conformément à la
Loi n’est pas prescrite;
CONSIDÉRANT que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. a exclu plusieurs
catégories d’emplois de son programme d’équité salariale;
CONSIDÉRANT que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. s’est dit disposé à
se conformer à la décision de la Commission;
Après étude et délibérations, la Commission, à l’unanimité :
DÉTERMINE que la plainte déposée contre l’employeur Groupe Perspective (Québec)
inc. est fondée;
PREND ACTE de la volonté de l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. de se
conformer à la décision de la Commission;
EXIGE que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. reprenne son programme
d’équité salariale pour y inclure les catégories d’emplois qui en ont été exclues;
EXIGE que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. procède aux deux affichages
prévus à la Loi, en indiquant les droits et recours des personnes salariées ainsi que les
délais pour les exercer;
EXIGE que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. transmette copie de
l’affichage aux personnes salariées ne travaillant pas dans les locaux de l’entreprise;
EXIGE que l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. transmette à la Commission
de l’équité salariale un rapport faisant état des mesures qu’il a prises pour se conformer à
la décision dans les 90 jours de sa réception;
RAPPELLE à l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. qu’aux fins
d’identification des catégories d’emplois, doivent être regroupés des emplois qui ont les
caractéristiques communes suivantes : des fonctions ou des responsabilités semblables;
des qualifications semblables; la même rémunération, soit un même taux ou une même
échelle de salaire. La rémunération d’une catégorie d’emplois est le taux maximum de
salaire ou le maximum de l’échelle de salaire des emplois qui y sont regroupés. Une
catégorie peut être constituée d’un seul emploi;
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RAPPELLE à l’employeur qu’il doit s’assurer que chacun des éléments du programme
d’équité salariale, ainsi que leur application, est exempt de discrimination fondée sur le
sexe;
RAPPELLE à l’employeur que la méthode d’évaluation retenue doit mettre en évidence
tant les caractères propres aux catégories d’emplois à prédominance féminine que ceux
propres aux catégories d’emplois à prédominance masculine;
RAPPELLE à l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. que le paiement des
ajustements salariaux, le cas échéant, est rétroactif au 21 novembre 2001 et porte intérêt
au taux légal à compter de cette date;
RAPPELLE à l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. que les ajustements
salariaux doivent être versés à toutes les personnes salariées pour la période où elles
étaient en poste dans les catégories d’emplois à prédominance féminine visées mêmes si
elles ont maintenant quitté l’entreprise ou qu’elles y occupent un autre poste;
RAPPELLE à l’employeur Groupe Perspective (Québec) inc. qu’après avoir complété
son exercice d’équité salariale, il devra maintenir l’équité salariale.
AVISE l’employeur qu’à défaut d’appliquer la présente décision dans le délai imparti, la
Commission de l’équité salariale pourra se prévaloir des pouvoirs conférés par l’article
105 de la Loi pour saisir la Commission des relations du travail, sans autre avis ni délai.
Résolution prise à l’unanimité par la Commission de l’équité salariale à sa 182e séance
tenue le 5 décembre 2007 (résolution CÉS-182-3.3-6402).
La secrétaire générale,
Maryse Pelletier
Annexe
Articles pertinents de la Loi sur l’équité salariale
Article 8
Est un salarié toute personne physique qui s'oblige à exécuter un travail moyennant
rémunération, sous la direction ou le contrôle d'un employeur, à l'exception:
1° d'un étudiant qui travaille au cours de l'année scolaire dans un établissement choisi par une
institution d'enseignement en vertu d'un programme, reconnu par le ministère de l'Éducation,
du Loisir et du Sport, qui intègre l'expérience pratique à la formation théorique ou d'un étudiant
qui travaille dans l'institution d'enseignement où il étudie dans un domaine relié à son champ
d'étude;
2° d'un étudiant qui travaille durant ses vacances;
3° d'un stagiaire dans un cadre de formation professionnelle reconnu par la loi;
4° (paragraphe abrogé);
5° d'une personne qui réalise une activité dans le cadre d’une mesure ou d’un programme
d’aide à l’emploi établi en application du titre 1 de la Loi sur l’aide aux personnes et aux
familles (chapitre A-13.1.1) et à l’égard de qui les dispositions relatives au salaire minimum
prévues à la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) ne s’appliquent pas;
6° d'un cadre supérieur;
7° d'un policier ou d'un pompier.
Article 31
Un employeur dont l'entreprise compte 50 salariés ou plus mais moins de 100 salariés doit
établir, conformément à la présente loi, un programme d'équité salariale applicable à
l'ensemble de son entreprise.
Sauf pour les établissements qui ont fait l'objet d'une entente en vertu du deuxième alinéa de
l'article 32, un employeur peut s'adresser à la Commission pour obtenir l'autorisation d'établir
un programme distinct applicable à un ou plusieurs établissements, si des disparités régionales
le justifient.
Il peut choisir d'instituer un comité d'équité salariale conformément aux articles 16 à 29.
Article 33
Les articles 12 à 15 s'appliquent compte tenu des adaptations nécessaires.
Article 50
Un programme d'équité salariale comprend:
1° l'identification des catégories d'emplois à prédominance féminine et des catégories d'emplois
à prédominance masculine, au sein de l'entreprise;
2° la description de la méthode et des outils d'évaluation de ces catégories d'emplois et
l'élaboration d'une démarche d'évaluation;
3° l'évaluation de ces catégories d'emplois, leur comparaison, l'estimation des écarts salariaux et
le calcul des ajustements salariaux;
4° les modalités de versement des ajustements salariaux.
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Article 54
Aux fins d'identifier les catégories d'emplois à prédominance féminine et les catégories
d'emplois à prédominance masculine, doivent être regroupés les emplois, occupés par des
salariés, qui ont les caractéristiques communes suivantes:
1° des fonctions ou des responsabilités semblables;
2° des qualifications semblables;
3° la même rémunération, soit un même taux ou une même échelle de salaire.
La rémunération d'une catégorie d'emplois est le taux maximum de salaire ou le maximum de
l'échelle de salaire des emplois qui y sont regroupés.
Une catégorie d'emplois peut être constituée d'un seul emploi.
Article 75
Le comité d'équité salariale ou, à défaut, l'employeur doit, lorsque les étapes du programme
d'équité salariale prévues aux paragraphes 1° et 2° de l'article 50 sont complétées, en afficher
les résultats dans des endroits visibles et facilement accessibles aux salariés visés par ce
programme, accompagnés de renseignements sur les droits prévus à l'article 76 et sur les délais
pour les exercer.
Il doit faire de même lorsque les étapes du programme d'équité salariale prévues aux
paragraphes 3° et 4° de l'article 50 sont complétées. Les résultats de ces étapes doivent être
accompagnés d'une copie de ceux déjà affichés en vertu du premier alinéa.
Article 76
Tout salarié peut par écrit, dans les 60 jours qui suivent un affichage prévu aux articles 35 ou
75, demander des renseignements additionnels ou présenter ses observations au comité d'équité
salariale ou, à défaut, à l'employeur.
Le comité d'équité salariale ou, à défaut, l'employeur doit, dans les 30 jours suivant le délai
prévu au premier alinéa procéder, le cas échéant, à un nouvel affichage en précisant les
modifications apportées ou en affichant un avis précisant qu'aucune modification n'est
nécessaire. Cet affichage doit, en l'absence d'un comité d'équité salariale, être accompagné de
renseignements sur les recours prévus à la présente loi ainsi que sur les délais pour les exercer.
Article 97
Un salarié ou une association accréditée représentant des salariés d'une entreprise qui compte
50 salariés ou plus mais moins de 100 salariés et qui n'est pas visé par un programme d'équité
salariale prévu à l'article 32 peut, en l'absence d'un comité d'équité salariale, dans les 30 jours
qui suivent l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa de l'article 76, porter plainte à la
Commission s'il est d'avis que l'employeur n'a pas établi le programme d'équité salariale
conformément à la présente loi.