Evaluation de l`algorithme de l`Organisation Mondiale de la Santé

Transcription

Evaluation de l`algorithme de l`Organisation Mondiale de la Santé
INT J TUBERC LUNG DIS 15(7):919–924
© 2011 The Union
Evaluation de l’algorithme de l’Organisation Mondiale de la
Santé pour le diagnostic de la tuberculose à bacilloscopie
négative des frottis de crachats associée au VIH
D. Wilson,*† L. Mbhele,* M. Badri,‡ C. Morroni,§ J. Nachega,¶#** R. E. Chaisson,¶# G. Maartens**
* Department of Medicine, Edendale Hospital, Pietermaritzburg, † Department of Medicine, University of
KwaZulu-Natal, Pretoria, ‡ Department of Medicine, University of Cape Town, Cape Town, § Institute of Infectious
Diseases and Molecular Medicine, University of Cape Town, Cape Town, Afrique du Sud ; ¶ Department of International
Health and Epidemiology, Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, and # Department of International
Medicine, Johns Hopkins School of Medicine, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland, Etats Unis ; ** Division
of Clinical Pharmacology, Department of Medicine, University of Cape Town, Cape Town, Afrique du Sud
RÉSUMÉ
Les résultats finaux des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (l’OMS) pour le diagnostic de la tuberculose (TB) à frottis négatifs (TPM–) ne sont pas connus dans les contextes à prévalence élevée
du virus de l’immunodéficience humaine.
É T U D E , P O P U L AT I O N E T M É T H O D E S : Nous avons appliqué rétrospectivement l’algorithme de l’OMS pour les
TPM– sans signes de danger à une cohorte enrôlée de manière prospective et formée d’adultes ambulatoires suspects
de TPM– au KwaZulu-Natal, Afrique du Sud. Les participants répondant aux critères spécifiés de TPM– ont reçu un
traitement antituberculeux empirique, le reste de la cohorte étant soumis à observation. Tous ont été suivis jusqu’à
8 semaines. On a défini comme TB confirmée l’existence d’une culture positive ou de granulomes avec bacilles acidorésistants à l’examen histologique.
R É S U LTAT S : Les critères d’entrée dans l’algorithme pour les TPM– ambulatoires de l’OMS ont été remplis rétrospectivement par 221 participants. La performance diagnostique de l’algorithme de l’OMS a été la suivante : valeur prédictive positive 0,34 (IC95% 0,26–0,43) ; valeur prédictive négative 0,86 (IC95% 0,76–0,92) ; ratio de probabilité
positive 1,43 (IC95% 1,34–1,48) ; ratio de probabilité négative 0,46 (IC95% 0,38–0,56) ; et odds de diagnostic 3,1
(IC95% 1,52–6,34). On n’a pas observé de différence significative en ce qui concerne les pertes de suivi (n = 4), les
hospitalisations (n = 6) et les décès (n = 5) entre ceux chez qui le diagnostic de TPM– a été porté ou non.
C O N C L U S I O N S : L’algorithme TPM– ambulatoire de l’OMS possède une valeur prédictive négative raisonnablement
élevée mais une faible valeur prédictive positive. La mortalité a été faible au cours d’une période de 8 semaines chez
les participants qui répondaient aux critères d’entrée dans l’algorithme de l’OMS.
M O T S - C L É S : tuberculose à bacilloscopie négative des frottis de crachats ; VIH ; OMS ; recommandations;
performance
CONTEXTE :
LA TUBERCULOSE (TB) est une des causes principales de morbidité chez les adultes infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) vivant en
Afrique subsaharienne et est devenue la cause principale de décès en Afrique du Sud.1–6 L’examen microscopique des frottis de crachats à la recherche de bacilles acido-résistants (BAAR) est le seul test rapide
de diagnostic de la TB disponible dans les con-textes
à ressources limitées.7 Chez les patients infectés par le
VIH, le diagnostic est souvent retardé en raison d’une
fréquence plus importante de la tuberculose à bacilloscopie négative des frottis de crachats chez les
patients en immunodépression.1,2,8,9 Par voie de conséquence, le traitement antituberculeux peut être mis en
route trop tardivement dans le décours de l’infection
pour améliorer la survie, ou bien les patients peuvent
décéder sans que la TB ait été diagnostiquée.10
En 2007, l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) a publié des recommandations mises à jour
comportant des algorithmes en vue de faciliter le diagnostic empirique de la TB à bacilloscopie négative
(TPM–) pour la TB pulmonaire (TBP) et extrapulmonaire (TBEP) dans les contextes à ressources limitées avec prévalence élevée du VIH (prévalence
prénatale ⩾1% ou prévalence chez les patients TB
⩾5%).11 Les recommandations de l’OMS incluent
deux algorithmes pour le diagnostic de la TPM– chez
les adultes séropositifs ou de statut inconnu pour le
VIH et qui toussent depuis plus de 2 semaines, en
fonction de la présence ou de l’absence de signes
Auteur pour correspondance : D Wilson, Department of Medicine, Edendale Hospital, Pietermaritzburg, 3216 South Africa.
Tel : (+27) 33 395 4146. Fax : (+27) 33 395 4060. e-mail : [email protected]
[Traduction de l’article : « Evaluation of the World Health Organization algorithm for the diagnosis of HIV-associated sputum
smear-negative tuberculosis » Int J Tuberc Lung Dis 2011; 15(7): 919–924]
2
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
spécifiés inquiétants. Les algorithmes de l’OMS reposent largement sur une opinion d’expert sans base
solide d’évidence pour plusieurs recommandations
spécifiques. L’utilité diagnostique des algorithmes
de l’OMS n’est pas connue et on ne dispose pas de
données concernant les résultats finaux cliniques.
Nous avons appliqué rétrospectivement l’algorithme de l’OMS destiné à des suspects de TPM– sans
signes inquiétants à une cohorte prospective de suspects ambulants TPM– dans une zone à prévalence
élevée du VIH et nous avons évalué les résultats finaux du diagnostic.
POPULATION DE L’ÉTUDE ET MÉTHODES
Population de l’étude
L’algorithme de l’OMS destiné aux suspects de TPM–
ne présentant pas de signes inquiétants a été appliqué
de manière rétrospective à une étude de cohorte prospective composée de sujets traités en ambulatoire et
suspects de TB à bacilloscopie négative des frottis de
crachats enrôlés entre juin 2005 et février 2007 en
provenance de polycliniques de soins primaires dans
le District Umgungundlovu, KwaZulu-Natal, Afrique
du Sud. Ce district est représentatif du fardeau élevé
de TB et de VIH en Afrique du Sud : en 2006, la prévalence du VIH dans les consultations prénatales du
secteur public était de 39% et l’incidence annuelle
estimée de la TB était de 1.094 pour 100.000 habitants.12,13 On avait créé l’étude de la cohorte TPM–
en vue de faciliter une mise en route rapide du traitement antituberculeux chez les participants répondant
à des critères cliniques spécifiés pour la TB et/ou la
TBEP (à l’exclusion de la méningite) que nous avions
précédemment validés.14
Enrôlement dans la cohorte prospective de TPM–
Les critères pour l’inclusion dans la cohorte TPM–
ont été les suivants : tout symptôme compatible avec
une TB (toux, sueurs nocturnes, fièvre ou perte de
poids) persistant pendant plus de 2 semaines, au
moins deux frottis de crachats négatifs pour les bacilles acido-résistants (BAAR) ou une impossibilité de
fournir un échantillon de crachats, un âge supérieur à
18 ans et un consentement éclairé.
Les critères d’exclusion ont été : un score de performance de Karnofsky inférieur à 40, une suspicion
de méningite tuberculeuse, l’administration d’un traitement antituberculeux pendant plus d’une semaine,
d’un traitement antirétroviral (ART) pendant moins
de 3 mois ou celle d’une fluoroquinolone au cours des
6 derniers mois. Les participants se plaignant de toux
pouvaient être traités par antibiotiques par les médecins de l’étude, mais ils avaient aussi l’option de la
mise en route immédiate d’un traitement antituberculeux. Le traitement par antibiotiques a été utilisé
dans l’étude pour traiter une suspicion d’infection
bactérienne mais non en tant qu’outil de diagnostic.
Procédures de l’étude pour la cohorte
prospective de TPM–
Les participants se sont vus offrir sur place un accompagnement et un test VIH volontaires. A l’enrôlement, les participants ont été évalués en matière de
preuve de TPM– au moyen d’un protocole standardisé. Lors de la première consultation de l’étude, les
médecins de soins primaires de l’étude ont réalisé un
examen clinique et une évaluation du cliché thoracique
(CXR). En cas d’une suspicion d’épanchement péricardique au CXR, les participants ont été référés pour
confirmation par scanner ultrasonique ; ceux avec
suspicion d’une TB abdominale ont été référés pour
un scanner abdominal ultrasonique. Pour la cohorte
prospective de TPM–, on a mis en route un traitement antituberculeux empirique en fonction des critères suivants : au CXR, caractéristiques compatibles
avec une TB active (infiltrat pulmonaire, épanchement pleural, adénopathies hilaires ou médiastinales),
épanchement péricardique confirmé par scanner ultrasonique, signes caractéristiques de TB au scanner abdominal ultrasonique (lymphadénites ou micro-abcès
spléniques) et caractéristiques cliniques de TBEP.
Tous les participants ont subi un test d’expectoration provoquée au moyen d’un nébuliseur diffusant
une solution saline hypertonique. Les crachats provoqués et les échantillons obtenus à partir d’autres
sites cliniquement pertinents ont été envoyés pour
culture mycobactérienne. Si aucun site n’a été identifié,
on a envoyé pour culture mycobactérienne un échantillon d’urine prélevé à mi-jet car nous avions montré
précédemment le bon rendement de ce mode d’investigation chez les suspects de TPM– séropositifs pour le
VIH.14 Les produits d’aspiration pleurale ont été inoculés immédiatement dans des flacons pour culture
mycobactérienne en milieu liquide (Bactec Myco/F
Lytic Medium, BD Diagnostic Systems, Sparks, MD,
États-Unis) car cette technique s’avérait augmenter le
rendement de la culture.15 On a pratiqué une ponction-biopsie centrale dans les ganglions >2 cm pour
les cas de lymphadénite périphérique asymétrique.16
Tous les échantillons envoyés pour culture mycobactérienne ont été colorés en vue d’une recherche de
bacilles acido-résistants au moyen de la microscopie
à fluorescence et mis en culture en milieu liquide
(BACTEC™ Mycobacteria Growth Indicator Tube
[MGIT]™, BD Diagnostic Systems). Les cultures positives ont été identifiées comme Mycobacterium tuberculosis par le test à la niacine. La définition d’un
cas de TB confirmée a correspondu soit à au moins
un échantillon positif en culture pour M. tuberculosis
soit à la présence de granulomes à l’examen histologique avec présence de bacilles acido-résistants.
L’adhésion au traitement antituberculeux a été documentée par un accompagnateur de traitement choisi
par le patient. Les patients qui ne répondaient pas
aux critères pour bénéficier immédiatement d’un
traitement antituberculeux empirique ont été mis en
Diagnostic de la TB à bacilloscopie négative des frottis de crachats associée au VIH
surveillance. Tous les participants ont été revus 2, 4 et
8 semaines après l’enrôlement et même plus fréquemment si c’était indiqué d’un point de vue clinique.
Dans le groupe d’observation, les participants qui au
cours du suivi avaient une bacilloscopie positive des
frottis ou dont l’état s’était détérioré ont été mis sous
traitement antituberculeux.
On a demandé des décomptes de lymphocytes T
CD4+ chez les participants infectés par le VIH. Une
prophylaxie au cotrimoxazole a été mise en route
chez les patients diagnostiqués comme TB ou chez
qui le décompte des CD4 était < 200 cellules/μl ;
après 8 semaines de suivi, tous les participants dont
les décomptes de CD4 étaient < 200 cellules/μl ont
bénéficié de l’ART à la polyclinique antirétrovirale de
l’Hôpital Edendale, conformément aux directives
nationales.
Evaluation rétrospective de l’algorithme de l’OMS
pour les patients ambulants séropositifs ou de statut
inconnu pour le VIH sans signes inquiétants
Les recommandations de l’OMS pour la TPM– ont
été publiées11 à la fin de notre étude de cohorte. Les
caractéristiques-clé de cet algorithme de l’OMS sont
d’accélérer le recours à la culture mycobactérienne.
Dans notre cohorte prospective de TPM–, les modalités d’étude ont été très similaires aux recommandations de l’OMS : les antibiotiques ont été administrés sans réserve aux patients qui se plaignaient de
toux mais n’ont pas été utilisés en tant qu’outil de
diagnostic, et on a encouragé la mise en route rapide
d’un traitement antituberculeux empirique (après envoi des cultures mycobactériennes) chez les patients
chez qui deux frottis de crachats étaient négatifs et
chez qui le cliché thoracique ou un examen clinique
était suggestif de TB. Pour évaluer les résultats finaux
obtenus par l’algorithme de l’OMS pour les adultes
ambulants séropositifs ou de statut inconnu pour le
VIH sans signes inquiétants, nous avons appliqué rétrospectivement cet algorithme à notre cohorte prospective de TPM–. Pour l’analyse des résultats à partir
de l’algorithme de l’OMS pour les patients ambulants
sans signes inquiétants de notre cohorte, nous avons
introduit dans notre base de données des critères additionnels d’inclusion et d’exclusion. Les critères d’inclusion ont été : 1) une toux depuis plus de 2 semaines
et 2) la séropositivité ou un statut inconnu pour le
VIH. Les critères d’exclusion ont été : 1) la séronégativité pour le VIH ; 2) le diagnostic de TB porté
uniquement à partir du scanner abdominal ultrasonique, puisque ce diagnostic n’est pas spécifié dans la
directive de l’OMS ; 3) la présence d’au moins un des
signes inquiétants définis par l’OMS (rythme respiratoire >30/minute ; fièvre >39°C ; pouls >120/min
lors du dépistage, impossibilité de se déplacer sans
une aide [défini comme un score de Karnofsky inférieur à 40) ; et 4) les participants attribués au bras
d’observation non traités par un antibiotique (puisque
3
l’algorithme de l’OMS spécifie que les patients évalués
comme « TB improbable » devaient être traités pour
une infection bactérienne).
Après application rétrospective de ces critères additionnels d’exclusion et d’inclusion, les participants
qui avaient été attribués au groupe de traitement antituberculeux empirique répondaient aux critères de
diagnostic de « TB probable » et ceux attribués au
groupe d’observation répondaient aux critères de
diagnostic de « TB improbable » dans l’algorithme
de l’OMS.
Analyse des données
Les données des participants ont été codées dans une
base de données Microsoft Access (Microsoft Corp,
Redmond, WA, États-Unis) et analysées en utilisant
Analyse-it pour Microsoft Excel (version 2.11). La
comparaison entre les différents groupes a été faite
pour les données catégorielles en utilisant le test χ2 de
Pearson, pour les ODDS de diagnostic par le test
exact de Fisher et pour les données continues par le
test de Mann-Whitney.
Bilan éthique
L’étude a reçu l’approbation des Biomedical Research
Ethics Committees de l’Université du KwaZulu-Natal
et de l’Université de Cape Town ainsi que celle du Département de la Santé du KwaZulu-Natal. Tous les
participants ont donné par écrit un consentement
éclairé avant l’enrôlement.
RÉSULTATS
Caractéristiques des participants éligibles pour une
évaluation de l’algorithme de l’OMS
L’enrôlement des participants et les résultats à la semaine 8 sont résumés dans la Figure. Les caractéristiques cliniques des 221 participants éligibles pour
l’évaluation de l’algorithme de l’OMS destiné aux
patients ambulants apparaissent au Tableau 1 : 127
(51%) sont séropositifs pour le VIH (décompte médian des CD4 : 140 cellules/μl ; extrêmes interquartiles [IQR] 92–273 chez les 79 participants qui ont
bénéficié du test au cours de la période d’étude) et 94
ont refusé le test VIH. Trois participants (1%) étaient
sous ART depuis plus de 3 mois et chez deux d’entre
eux, on a porté le diagnostic de TPM– ; 201 (91%)
ont été référés avec deux ou davantage bacilloscopies
négatives des crachats et 20 (9%) ont été incapables
de fournir des crachats.
Prescription d’antibiotiques
Des antibiotiques ont été prescrits à 184 participants (83%) pour une suspicion d’infection bactérienne avant ou durant le processus d’évaluation :
175 (95%) ont reçu de l’amoxicilline, 3 (2%) une
autre béta-lactamine à large spectre, 2 (1%) du cotrimoxazole et 4 (2%) de l’érythromycine. Parmi les
4
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
improbable ; P = 0,001). Les performances du diagnostic de l’algorithme ambulatoire de l’OMS pour
une TB confirmée ont été : sensibilité 0,80 (intervalle
de confiance [IC] 95% 0,67–0,89), spécificité 0,44
(IC95% 0,37–0,52, valeur prédictive positive 0,34
(IC95% 0,26–0,43), valeur prédictive négative 0,86
(IC95% 1,34–1,48) ratio de probabilité positive 1,43
(IC95% 1,34–1,48), ratio de probabilité négative 0,46
(IC95% 0,38–0,56) et Odds de diagnostic 3,1 (IC95%
1,5–6,3).
Sur les 137 participants diagnostiqués cliniquement comme TPM–, 67 (49%) étaient atteints uniquement d’une TBP, 44 (32%) d’une TBP et d’une
TBEP et 26 (19%) uniquement d’une TBEP. Les participants atteints d’une TBEP étaient significativement
plus susceptibles d’être atteints d’une TB confirmée
que ceux atteints seulement d’une TBP : la TB a été
confirmée chez 32/70 participants (46%) atteints de
TBEP par comparaison à 15/67 (22%) de ceux atteints
uniquement de TBEP (P = 0,004). Sur les 70 participants atteints uniquement de TBEP, deux (3%) souffraient d’une lymphadénite périphérique tuberculeuse
sans preuve de TB au niveau du cliché thoracique.
Figure Enrôlement des participants, diagnostic et résultats à
8 semaines. * Raisons d’exclusion : incapable de se présenter
pour un suivi régulier (n = 28), pas de symptômes actifs (n =
17), autre diagnostic médical (n = 4), score de Karnofsky <40
(n = 5), pneumonie à Pneumocystis (n = 4), consentement informé non obtenu (n = 3), crachats à bacilloscopie positive
(n = 3), déjà sous traitement antituberculeux (n = 3), autres
(n = 6). † Rythme respiratoire >30/min, température >39°C,
pouls >120/min. ‡ P = 0,07 pour la comparaison. § P = 0,93
pour la comparaison. ¶ P = 0,81. TPM− = tuberculose à bacilloscopie négative ; VIH = virus de l’immunodéficience humaine.
137 participants chez qui le diagnostic de TPM– avait
été porté, 100 (73%) ont reçu un antibiotique, comme
cela fut le cas chez tous les participants du bras d’observation. Sur les 184 participants, 120 (65%) ont reçu
un antibiotique prescrit par une infirmière de soins
primaires avant d’être référés à l’équipe de l’étude.
Résultats finaux du diagnostic chez les participants
évalués par l’algorithme de l’OMS
Les résultats du frottis et de la culture par type
d’échantillon apparaissent au Tableau 2. Au total, 59
participants ont été diagnostiqués comme TB confirmée ; 47 (34%) du groupe diagnostiqués comme TPM–
(TB probable) ont vu la TB confirmée, comme ce fut
le cas chez 12 (14%) du groupe d’observation (TB
Morbidité et mortalité au cours des 8 semaines
de suivi
Sur les 221 participants, 193 (87%) ont terminé les
8 semaines de suivi ; 5 (2%) sont décédés, 3 (1%) sont
revenus sur leur consentement, 10 (4%) ont déménagé, 4 (2%) ont été perdus de vue pour le suivi et 6
(3%) n’ont pas terminé l’étude pour d’autres raisons.
Six participants (3%) ont été hospitalisés au cours
des 8 semaines de suivi. La proportion de participants
qui sont décédés ou qui ont été perdus de vue n’a pas
été différente entre la TPM– (TB probable) et les
groupes d’observation (TB improbable ; Figure). Dans
le bras d’observation, deux des 12 participants chez
qui la culture était positive sont décédés avant d’avoir
reçu le résultat de la culture et un dont l’état de santé
s’était détérioré s’est rétabli après la mise en œuvre
d’un traitement antituberculeux empirique selon le
protocole. Dans le bras d’observation, trois participants chez qui la culture était négative et dont l’état
s’était détérioré ont commencé un traitement antituberculeux et se sont rétablis. Dans le groupe TPM–,
chez trois participants dont l’état s’était détérioré, on
a diagnostiqué une méningite à Cryptocoques, un
sarcome de Kaposi et un mycétome pulmonaire.
DISCUSSION
Nous avons appliqué le nouvel algorithme de l’OMS
pour le diagnostic de la TPM– chez des patients ambulants dans un contexte à prévalence élevée de VIH
à une cohorte de suspects de TPM– enrôlés prospectivement. La TB a été confirmée chez 47 des 137 participants (34%) diagnostiqués comme TPM– et chez 12
des 84 participants (14%) du groupe d’observation.
Diagnostic de la TB à bacilloscopie négative des frottis de crachats associée au VIH
5
Tableau 1 Caractéristiques des 221 participants séropositifs pour le VIH ou de statut VIH inconnu se plaignant de toux et
répondant aux critères de l’algorithme de l’OMS pour les patients ambulants sans signes inquiétants
Age, années
Hommes
Sans emploi
Traitement antérieur pour tuberculose
Fumeur de tabac
Perte de poids
Anorexie
Sueurs nocturnes abondantes
Fatigue
Douleurs thoraciques
Fièvre et frissons
Dyspnée
Hémoptysie
Gonflement des ganglions
Score de performance de Karnofsky
Rythme respiratoire, respirations/min
Temperature, °C
Pouls au repos
Index de masse corporelle, kg/m2
Cohorte d’évaluation
de l’algorithme OMS
(n = 221)
n (%) ou
médiane [IQR]
Groupe TPM−
(TB probable)
(n = 137)
n (%) ou
médiane [IQR]
Groupe
d’observation
(TB improbable)
(n = 84)
n (%) ou
médiane [IQR]
Valeur
de P*
35,8 [29,9–42,9]
115 (53)
120 (54)
74 (33)
48 (22)
156 (71)
146 (66)
142 (64)
129 (58)
126 (57)
111 (50)
85 (38)
21 (9)
21 (9)
70 [60–80]
24 [20–28]
36,5 [36,0–37,0]
98 [80–102]
20,8 [18,8–23,3]
34,0 [29,8–40,8]
71 (52)
75 (55)
34 (25)
26 (19)
109 (79)
103 (75)
89 (65)
83 (60)
81 (59)
77 (56)
58 (42)
11 (8)
19 (14)
70 [60–80]
24 [22–28]
36,8 [36,3–37,4]
100 [88–110]
20,7 [18,5–24,1]
37,4 [31,6–45,2]
44 (52)
45 (53)
40 (48)
22 (26)
47 (56)
43 (51)
53 (63)
46 (55)
45 (53)
34 (40)
27 (32)
10 (12)
2 (3)
70 [70–80]
21 [20–24]
36,0 [36,0–36,5]
86 [80–98]
21,4 [19,7–25,1]
0,02
0,73
0,86
0,0005
0,22
0,0002
0,0003
0,78
0,39
0,42
0,02
0,13
0,34
0,005
0,03
<0,0001
<0,0001
<0,0001
0,12
* Pour la comparaison entre le groupe TPM− (TB probable) et le groupe d’observation (TB improbable).
VIH = virus de l’immunodéficience humaine ; OMS = Organisation Mondiale de la Santé ; IQR = extrêmes interquartiles ; TPM− = tuberculose à bacilloscopie
négative.
L’algorithme de l’OMS pour les patients ambulants
suspects de TPM– sans signes inquiétants a une valeur
prédictive négative raisonnablement élevée mais une
faible valeur prédictive positive. La faible positivité de
la valeur prédictive peut être expliquée en partie par
notre standard de référence strict qui n’a pas inclus
certains patients qui pourraient avoir été atteints
d’une TPM– avec culture négative. Le nombre de décès a été relativement faible au cours des 8 semaines
de suivi et n’a pas été significativement différent entre
les participants attribués au groupe d’observation et
au groupe TPM–.
Notre observation d’une TB confirmée chez 34%
des participants diagnostiqués avec une TPM– est similaire aux 39% confirmés lors d’une étude antérieure
au Malawi.17 Toutefois, la proportion de participants
atteints d’une TB confirmée a été considérablement
plus basse que les 71% que nous avions signalés dans
une étude chez des patients infectés par le VIH référés
à un hôpital régional.14 L’explication probable de cette
Tableau 2 Envoi d’échantillons de frottis et de cultures en
provenance de 221 participants
Echantillons
Expectoration provoquée
Biopsie à l’aiguille
de ganglions
Ponction pleurale
Urine
Echantillons
envoyés
n
BAAR
positifs
n (%)
Culture
positifs
n (%)
221
4 (2)
51 (23)
11
33
177
4 (36)
N/A
0
4 (36)
11 (33)
2 (1)
BAAR = bacilles acido-résistants ; N/A = non applicable (les produits de
ponction ont été inoculés directement dans le milieu de culture liquide).
proportion plus élevée de patients atteints d’une TB
confirmée dans notre étude antérieure basée sur
l’hôpital est que les participants de cette dernière
étaient plus immunodéprimés, avaient des décomptes
plus bas de CD4, qu’il y avait des biais de référence et
que de nombreux patients étaient hospitalisés. Dans
l’étude actuelle, le rendement de la culture des urines,
qui reflète une TB disséminée dans le contexte du
VIH, a été faible, mais il est comparable à celui des
observations récemment publiées d’une étude transversale chez des patients thaïlandais et vietnamiens.18
Dans notre présente étude, le rendement de la culture
a été relativement bon pour les échantillons extrapulmonaires autres que l’urine. Toutefois, cette observation peut être difficile à reproduire dans des contextes à ressources plus limitées qui ne peuvent mettre
en culture que les échantillons de crachats.
Nos observations ont plusieurs implications en
santé publique. Bien que la valeur prédictive négative
de l’algorithme de l’OMS soit élevée (0,86), une minorité significative de patients qui ne répondent pas
aux critères d’un traitement antituberculeux empirique souffrent de TB et doivent être suivis. La faible
valeur prédictive de l’algorithme pose problème et
suggère que de nombreux patients seront traités abusivement s’il est mis en œuvre largement. Chez la majorité de nos participants diagnostiqués comme TBEP,
il y a des anomalies du cliché thoracique (épanchements pleural ou péricardique, ou une lymphadénite
intrathoracique), indiquant que le CXR reste important pour le diagnostic de la TPM–. Nous soutenons
la recommandation de l’OMS à savoir que le CXR
6
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
ainsi qu’une formation en interprétation radiographique devraient être largement accessibles.11
Notre étude comporte plusieurs limitations. Premièrement, nous avons appliqué l’algorithme ambulatoire de l’OMS rétrospectivement à notre cohorte
prospective. Toutefois, notre étude de TPM– a été prospective, et l’algorithme de l’OMS a reflété de près nos
procédures pour la mise en route d’un traitement antituberculeux, sauf que nous n’avons pas exigé un traitement avec antibiotiques dans le groupe d’observation.
Dès lors, ces participants ont été exclus plus tard.
Deuxièmement, notre période de suivi n’a duré que
8 semaines et la mortalité pourrait avoir été plus importante avec une durée prolongée de suivi.3–5
Troisièmement, la faible mortalité que nous avons
observée est survenue dans un contexte de suivi soigneux aussi bien clinique que de laboratoire, en accord avec le protocole de l’étude et dans un contexte
d’utilisation importante d’antibiotiques. Dans les contextes à ressources limitées où l’accès aux antibiotiques
et à la culture mycobactérienne est limité, où un contrôle clinique de suivi est difficile à obtenir, les résultats pourraient être considérablement plus mauvais.
CONCLUSION
L’algorithme de l’OMS pour le diagnostic de la TPM–
a détecté la majorité des cas ambulants de TB confirmée et a été de pair avec une faible mortalité. L’algorithme de l’OMS doit être évalué dans des contextes
différents avec une prévalence du VIH plus faible que
la prévalence extrêmement élevée de notre contexte.
Le diagnostic clinique de la TB est imprécis—il est
nécessaire de disposer d’urgence dans les lieux de
soins de tests de diagnostic simples, accessibles financièrement et précis.
Remerciements
Les auteurs remercient P Bartman et Z Mgcaba (infirmières de
l’étude), S Carries (gestionnaire de données), L Ngubane et L
Gabuza (cliniciens de soins primaires de l’étude). L’aide de D
Bangsberg a été appréciée pour l’élaboration du manuscrit.
L’étude n’aurait pas été possible sans le soutien du Dr J Muller, du
Département de Santé du KwaZulu-Natal, des polycliniques de
District de Umgungundlovu et de l’Hôpital Edendale. Cette étude
a bénéficié du soutien de Bristol Meyer Squibb Secure the Future.
GM a été soutenu en partie par le Fogarty International Center
Grant N° U2RTW007370. Le contenu est entièrement sous la responsabilité des auteurs et ne représente pas nécessairement les
vues officielles du Fogarty International Center ou des National
Institutes of Health.
Références
1 Colebunders R, Bastian I. A review of the diagnosis and treatment of smear-negative pulmonary tuberculosis. Int J Tuberc
Lung Dis 2000; 4: 97–107.
2 Harries A D, Maher D, Nunn P. An approach to the problems
of diagnosing and treating adult smear-negative pulmonary
tuberculosis in high HIV prevalence settings in sub-Saharan
Africa. Bull World Health Organ 1998; 76: 651–662.
3 Connolly C, Davies G R, Wilkinson D. Impact of the human
immunodeficiency virus epidemic on mortality among adults
with tuberculosis in rural South Africa, 1991–1995. Int J Tuberc
Lung Dis 1998; 2: 919–925.
4 Van den Broek J, Mfinanga S, Moshiro C, et al. Impact of human immunodeficiency virus infection on the outcome of treatment and survival of tuberculosis patients in Mwanza, Tanzania. Int J Tuberc Lung Dis 1998; 2: 547–552.
5 Mukadi Y D, Maher D, Harries A. Tuberculosis case fatality
rates in high HIV prevalence populations in sub-Saharan Africa.
AIDS 2001; 15: 143–152.
6 Statistics South Africa. Mortality and causes of death in
South Africa, 2007: finding from death notification 2009. Pretoria, South Africa: Stats SA, 2007. http://www.statssa.gov.za/
publications/statsdownload.asp?PPN=P0309.3&SCH=4507
Accessed November 2009.
7 Hopewell P C, Pai M, Maher D, Uplekar M, Raviglione M C.
International standards for tuberculosis care. Lancet Infect Dis
2006; 6: 710–725.
8 Meintjes G, Schoeman H, Morroni C, Wilson D, Maartens G.
Patient and provider delay in tuberculosis suspects from communities with a high HIV prevalence in South Africa: a crosssectional study. BMC Infect Dis 2008; 8: 72.
9 Millen S J, Uys P W, Hargrove J, van Heerden P D, Williams
B J. The effect of diagnostic delays on the drop-out rate and the
total delay to diagnosis of tuberculosis. PLoS ONE 3; 2008:
e1933.
10 Cohen T, Murray M, Wallengren K, Alvarez G G, Samuel E Y,
Wilson D. The prevalence and drug susceptibility of patients
dying in hospital in KwaZulu-Natal, South Africa: a postmortem study. PLoS Med 2010; 7: e1000296.
11 World Health Organization. Improving the diagnosis and
treatment of smear-negative pulmonary and extrapulmonary
tuberculosis among adults and adolescents. Recommendations
for HIV-prevalent and resource-constrained settings. WHO/
HTM/TB/2007.379. Geneva, Switzerland: WHO, 2007. http://
whqlibdoc.who.int/hq/2007/WHO_HTM_TB_2007.379_eng.
pdf Accessed March 2011.
12 National Department of Health, South Africa. The national
HIV and syphilis survey, South Africa. Pretoria, South Africa:
National Department of Health, 2007. http://www.doh.gov.
za/docs/reports/2007/hiv/part1.pdf Accessed April 2010.
13 The Italian Cooperation in South Africa. Demographic and
health indicators KwaZulu-Natal. Pretoria, South Africa: Italian Cooperation in South Africa. http://italcoop.co.za/Public
Documents/Demographic_Health_Statisticaldata_KW_EC_
SA%20_EN.pdf Accessed April 2010.
14 Wilson D, Nachega J, Morroni C, Chaisson R, Maartens G.
Diagnosing smear-negative tuberculosis using case definitions
and treatment response in HIV-infected adults. Int J Tuberc
Lung Dis 2006; 10: 31–38.
15 Maartens G, Bateman E D. Tuberculous pleural effusions: increased culture yield with bedside inoculation of pleural fluid
and poor diagnostic value of adenosine deaminase. Thorax
1991; 46: 96–99.
16 Wilson D, Nachega J, Chaisson R, Maartens G. Diagnostic
yield of peripheral lymph node needle-core biopsies in HIV infected adults with suspected smear-negative tuberculosis. Int J
Tuberc Lung Dis 2005; 9: 220–222.
17 Hargreaves N J, Kadzakumanja O, Phiri S, et al. What causes
smear-negative pulmonary tuberculosis in Malawi, an area of
high HIV seroprevalence? Int J Tuberc Lung Dis 2001; 5: 113–
122.
18 Monkongdee P, McCarthy K D, Cain K P, et al. Yield of acidfast smear and mycobacterial culture for tuberculosis diagnosis in people with human immunodeficiency virus. Am J Respir
Crit Care Med 2009; 180: 903–908.