Bibish de Kinshasa

Transcription

Bibish de Kinshasa
Cahier pédagogique
BIBISH DE KINSHASA
Un spectacle des productions Hôtel-­‐Motel
Du 13 au 24 octobre 2015 1945, RUE FULLUM, MONTRÉAL Bibish de Kinshasa
Production Hôtel-­‐Motel Texte Marie-­‐Louise Bibish Mumbu Mise en scène et montage dramatique Philippe Ducros Interprétation Marie-­‐Louise Bibish Mumbu, Philippe Ducros, Gisèle Kayembe Bar Papy Maurice Mbwiti Conception Zazie Brosse, adjointe à l'éclairage, à la scénographie et aux costumes Manon Claveau, assistance à la mise en scène et régie Thomas Godefroid, lumières Caroline Turcot, direction technique et de production Julie Vallée-­‐Léger, scénographie Renseignements
Tarif billet groupe scolaire: 22 $ (Espace Libre et Omnibus), 24 $ (NTE) Réservations de groupe: Marie Semel 514-­‐521-­‐3288 poste 5 [email protected] Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 2 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Marie-Louise Bibish Mumbu
Marie-­‐Louise Bibish Mumbu est née à Bukavu, en République démocratique du Congo. Son trajet personnel et artistique a toutefois été profondément marqué par Kinshasa, où elle a étudié et travaillé. Habile à évoquer dans une langue alerte les détails qui parlent, qui épinglent et qui tuent, elle tisse une œuvre grouillante de vie qui s’appuie sur une forte compréhension des frictions culturelles, politiques et philosophiques entre l’Occident et le continent africain. «Il faut lire Marie-­‐Louise Mumbu (alias Bibish pour les Kinois et les proches) comme on fait un voyage inoubliable. Grâce à son humour subtil, son style ciselé et un vocabulaire efficace, Bibish nous prend par la main pour nous entraîner à la suite de son héroïne Samantha, journaliste de profession, à travers les quartiers de Kinshasa. C’est alors à une grande leçon de vie, d’humilité, mais aussi de dérision, que nous convie l’auteur, un rendez-­‐vous pour un repas littéraire savoureux. Mais on ne se contente pas de déguster, on se dit surtout qu’après ça, plus rien n’est vraiment grave… ni la montre brisée, ni le temps qui passe… Tout le monde devrait lire Bibish1.» Philippe Ducros
Philippe Ducros est à la fois auteur, metteur en scène et photographe. Autodidacte, il a séjourné dans plus d’une vingtaine de pays d’Amérique latine, d’Europe, du Moyen-­‐Orient, d’Afrique et d’Asie. Avec l’organisme français Écritures Vagabondes, il était en Syrie à l’automne 2004. La rupture du jeûne, le carnet de voyage de cette expérience, a été éditée aux Éditions Lansman. À la suite de cette résidence, il écrit L’affiche, une pièce sur l’occupation de la Palestine, où il a séjourné à trois reprises. Il y était lors des bombardements de Gaza en janvier 2009. Il y a compris que l’enfer n’entrait pas dans un écran de télévision. Les lanceurs de pierres, nouveau carnet sur ses voyages en Palestine et en Israël cette fois-­‐ci, a été édité chez Lansman également. Son texte suivant, Dissidents, créé par Le Théâtre PàP en mars 2012, a été finaliste pour le Prix du Gouverneur général ainsi que pour le prix Michel-­‐Tremblay. Son roman Eden motel sortira à l’hiver 2015, aux éditions L’instant scène. Il en a présenté une adaptation théâtrale au printemps 2014 à Espace Libre. 1
http://www.lecri.be/lecri.acgi$criCat_fr?art=LC000349Fr&
Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 3 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] En résumé
Bibish de Kinshasa est l’adaptation du roman Samantha à Kinshasa de Marie-­‐Louise Bibish Mumbu, écrit en 2008 en sa ville d’existence, Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. L’œuvre a été rééditée en 2015 à Montréal, sa ville de résidence actuelle. Une journaliste quitte son pays natal, le lieu de ses amours et de ses deuils, en quête d’un meilleur futur. En plein Airbus, le vertige la surprend. A-­‐t-­‐elle bien fait? Elle plonge alors dans ses souvenirs et se remémore ce qu’elle quitte. Au fur et à mesure de la représentation, où se côtoient les odeurs, les vapeurs et la cacophonie du Congo, la nouvelle immigrante nous guide à travers les rues et les différents quartiers de cette mégapole qu’est Kinshasa, 4e ville la plus peuplée d’Afrique. Peu à peu, on y rencontre la faune de cette capitale si puissante, ces jeunes en pleine guerre vestimentaire, ces enfants des rues et ces enfants soldats, ces chauffeurs de «Kombi», ce transport en commun où s’entasse la population en quête de la pitance de la journée. Cette visite guidée des souvenirs du personnage est interrompue par des échanges décontractés entre Bibish, l’auteure et Philippe Ducros, le metteur en scène, sur les réalités du Congo, sur ses enjeux et ses liens avec l’Occident en général et le Canada en particulier. Depuis 1994, le conflit le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale sévit en République démocratique du Congo. Trois à six millions de Congolais y sont morts. Or, les différentes milices s’arment en vendant à rabais les zones qu’ils occupent aux minières internationales. Et on dit que 75% de l’industrie minière mondiale aurait le Canada comme lieu d’enregistrement2. Ce projet est issu d’une lecture organisée par le Centre des auteurs dramatiques (CEAD) lors de l’édition 2014 du festival Dramaturgies en Dialogue. On y disait : «Pour accéder au monde, toute Cité doit recevoir ses mythes de la plume des écrivains. À Kinshasa, lorsque l’on parle d’écriture, le nom de Marie-­‐Louise Bibish Mumbu surgit immédiatement. Or, cette congolaise est depuis déjà quelques années montréalaise et membre du CEAD. Nous avons demandé au montréalais Philippe Ducros, qui connaît bien Kinshasa, et Marie-­‐Louise Bibish Mumbu, de s’emparer de son recueil de chroniques Samantha à Kinshasa et de le transformer en fête théâtrale kinoise. Cette lecture est un rendez-­‐vous détendu, une déclaration d’amour à Kinshasa l’insaisissable, lieu d’excès, de vitalité, de démesure.» 2
http://www.monde-diplomatique.fr/2013/09/DENEAULT/49598
Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 4 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Le paysage
À travers le parcours de Bibish, nous plongeons en ces mondes invisibles que portent dans leurs valises ces nouveaux arrivants en nos rues. Présenté avec humour, tendresse et compassion, le spectacle nous permet de visiter l’ailleurs. L’exode urbain lié au conflit qui sévit actuellement en RDC et qui découle directement du génocide rwandais a fait exploser la démographie de Kinshasa… On y rencontre la magnifique résilience des gens qui vivent avec couleur la vie de cette mégapole, on plonge au cœur des banalités extrêmes auxquels doivent faire face ces habitués de la guerre. Les gens y pratiquent l’article 15, c’est-­‐à-­‐dire la débrouille! On suit les destins de quelques-­‐unes des figures colorées de Kinshasa, en des épisodes de leur quotidien, nous donnant accès aux réalités des gens à l’autre extrémité du spectre économique… Peu à peu, la guerre et la violence se désamorcent et ne reste que l’humanité, que la vie. L’entrevue avec l’auteure en parallèle, nous ramène toujours à la confrontation des réalités, entre l’ici et le là-­‐bas, entre les clichés prémâchés et la complexité des réalités géopolitiques actuelles. Et tout à coup, les liens entre le Canada et le reste du monde se révèlent… «Cette prouesse, que le gouvernement fédéral présente comme un «moteur de la prospérité canadienne», met à mal l’image complaisante que le pays s’attache à donner de lui-­‐même depuis des décennies : celle d’une contrée paisible oeuvrant pour le bien de l’humanité. À travers le monde, des commissions parlementaires, des cours de justice, des panels d’experts de l’Organisation des Nations unies (ONU), des observateurs indépendants et des reporters chevronnés s’évertuent à dénoncer les abus, sinon les crimes, commis ou soutenus par les compagnies minières implantées au Canada. Corruption, évasion fiscale, pillage institutionnalisé, pollution massive, atteintes à la santé publique, expropriations violentes, meurtres de manifestants, complicité dans le viol et l’assassinat d’opposants aux projets miniers, poursuites-­‐bâillons, criminalisation de la contestation politique, trafic d’armes… la liste n’en finit pas.» Extrait de L’industrie minière reine du Canada, de Alain Deneault et William Sacher, parue dans l’édition de septembre 2013 du Monde diplomatique. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 5 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Extrait du texte 1*
(* D’autres extraits du texte sont disponibles sur demande. Le roman Samantha à Kinshasa sera également en vente à la billetterie d’Espace Libre.) Lexique, à l’usage des néophytes 4e bureau : le bureau est la deuxième femme qu’on n’a épousée ni religieusement ni civilement. Elle est installée, choyée et son foyer est le domicile parallèle. On peut avoir un premier, un deuxième, un troisième, un quatrième ou un dixième bureau selon son compte en banque. C’est une forme de polygamie. Abacost : contraction de « à bas le costume ». À l’époque de Mobutu et de son « recours à l’authenticité », des habitudes se sont installées. Elles étaient jugées dignes et proches du guide et de ses acolytes, les Mobutistes, notamment la suppression des prénoms chrétiens, le rejet des costumes-­‐cravates, etc., directement remplacés par les noms et post-­‐noms, le port de l’abacost avec écharpe, etc. Bloc : il se situe à Bandal et nulle part ailleurs, il s’agit d’une succession de terrasses où sont fumées de longues brochettes de viande et de poisson, le tout accompagné de piment, chikwangue ou plantain, avec dans l’air une musique tonitruante. Bonobos : les bonobos sont des « grands » singes qui vivent essentiellement dans la partie nord du Congo (une dizaine de milliers seraient encore en liberté). Comme pour le chimpanzé, 98% des gènes qui sont présents dans leurs chromosomes sont semblables à ceux de l’homme, ce qui suggérerait un lointain ancêtre commun. Le comportement social des Bonobos est entièrement ordonné par la sexualité. Bonobo est un mot découlant de la déformation du nom de la ville Bolobo (République démocratique du Congo). Caoutchoucs rouges : c’est le caoutchouc produit par le sang à l’époque coloniale. Chaque Congolais engagé dans les plantations de caoutchouc du roi des Belges, Léopold II, avait un quota de production à atteindre. Chaque fois qu’il ne l’atteignait pas, on lui coupait les mains pour le punir de sa « paresse ». Château Rouge : station de métro parisien sur la ligne 4, lieu de rencontre des populations étrangères dans l’Île-­‐de-­‐France, mais surtout repère des Congolais, comme la Porte de Namur à Bruxelles pour les ressortissants de la RDC. Faux têtes : ce sont, dans le jargon des transporteurs privés kinois, toutes les personnes désignées comme exemptes de frais de transport par l’État congolais : les fonctionnaires de l’État, les militaires et les journalistes. Fufu : aliment de base congolais dit « la boule nationale », on le fait avec de la farine de manioc mélangée à celle de maïs et qui se présente sous forme d’une boule. J.B. Mpiana : star de la chanson congolaise ; avec Werrason, il est leader de la quatrième génération de la musique de la RDC. Ils étaient tous les deux dans un même ensemble, le Wenge Musica Maison Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 6 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Mère BCBG 4x4 Number One. Aujourd’hui JB Mpiana est le patron de l’orchestre Wenge BCBG, et Werrason gère le Wenge Musica Maison Mère. Jetons : dans l’entendement kinois, ce sont des quolibets, des insultes que s’échangent souvent des rivales. Kadogos : jeunes enfants enrôlés dans l’armée de Kabila, le père, pour une promesse de salaire de 100 $. Situation très attirante, puisqu’il faut savoir que la majorité de la population kinoise vit avec 1 dollar par jour et que les fonctionnaires de l’État ne sont toujours pas payés. Kombi : minibus Volkswagen qui sert de taxi-­‐bus dans les transports en commun. Lingala : une des quatre langues nationales parlées au Congo avec le kikongo, le tshiluba et le swahili. Le lingala est la langue nationale la plus parlée à Kinshasa. Martyrs : il s’agit du stade des Martyrs, appelé stade Kamanyola au temps de Mobutu. Mokonzi : signifie «chef» en lingala. Molière : c’est une des nombreuses chaînes de télévision privée commerciale diffusée dans le pays. Monique : déformation du terme « Monuc ». Pour les Congolais, les agents des Nations unies au Congo s’intéressent davantage aux femmes congolaises qu’à leur travail, ils sont trop portés sur « la chose », d’où tout le monde préfère dire « Monique ». Monuc : abréviation de « Mission de l’Organisation des Nations unies du Congo ». Moziki : c’est une tontine, un regroupement de femmes qui s’entraident. Nganda : variante du maquis ivoirien ; mot en lingala signifiant terrasse, souvent en plein air, où on boit des bières locales en grignotant des brochettes ou autres grillades. Nganga : ou nganga nkisi signifie en lingala « féticheur ». Le mot nganga désignerait au départ « celui qui soigne ou le soigneur », et nkisi, c’est le fétiche. C’est pourquoi le médecin est appelé Monganga (Moto Nganga ou l’homme qui soigne) et le prêtre, lui, c’est le Nganga Nzambe (le soigneur de Dieu). Papa Wemba : la plus grande star congolaise qui a réussi à exporter la musique congolaise jusqu’au Japon, inventeur dans le milieu du showbiz de la SAPE, la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, les « sapeurs »… Primus : marque de bière locale de la compagnie Bralima. Roulage : policier chargé de régler la circulation. Sapeuse : ou « Sapeur », se dit d’une personne qui appartient à la confrérie de la SAPE, la Société des ambianceurs etc, personnes élégantes. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 7 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Shayeur : argot kinois, celui qui « fait le shay », le vendeur ambulant qui déambule dans les quartiers kinois. Shégués : argot kinois signifiant « enfants de la rue ou délinquants »… Skol : marque de bière locale de la société Bracongo. Sosamambu : expression kinoise empruntée au kikongo, « personne à problèmes », « qui cherche noise »… Turbo King : bière brune locale de la société Bralima. Wenge BCBG : orchestre cher à JB Mpiana. Wenge Maison Mère : orchestre cher à Werrason. Werrason : star de la chanson congolaise ; avec JB Mpiana, il est leader de la quatrième génération de la musique de la RDC. Ils étaient tous les deux dans un même ensemble, le Wenge Musica Maison Mère BCBG 4x4 Number One. Aujourd’hui, Werrason est le patron de l’orchestre Wenge Musica Maison Mère. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 8 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Extrait du texte 2 9. Viande de ruelle Kinshasa est une ville très bruyante et très odorante. La rue a ses épices et ingrédients, qui font de la «viande de la rue» un délice que personne n’a réussi à recalquer à domicile. La chèvre est tuée, dépecée et exposée sur place, et les morceaux choisis sont grillés sur un barbecue spécial (un long fût découpé, sur lequel on a posé un grill et les morceaux de viande). On n’utilise pas de la braise, mais du bois, question de maintenir le goût du « fumé ». Et tout y passe sur ce grill : poisson, poulet, brochettes… La chèvre ne fonctionne qu’avec le grand fût ! Quand elle est cuite, on la découpe en petits morceaux, on assaisonne, on remet le tout sur le grill géant et on attend encore un peu. Quand le sel a bien pris, que les oignons se sont adoucis, on emballe dans du papier « ciment » qu’on remet vite fait sur le grill pour réchauffer. Au bout de cinq minutes, on retire et on transfère sur un plateau, quand c’est à consommer sur place. On sert avec du piment séché en poussière et du manioc préparé dans des feuilles, non pas en boule comme le « fufu », mais un peu en demi-­‐baguette, ou « chikwangue. » Et toute cette opération se fait en plein air. Ainsi, tous les autres assaisonnements de la rue se mixent : odeurs de carburant, de tuyaux d’échappement (toutes marques de voitures confondues), courses de gamins sans couvre-­‐feu qui jouent le soir jusqu’à fatiguer, musique tonitruante, conversations de ceux qui attendent d’être servis, poussière, vent, chaleur, etc. Ça fait de cette « viande ruelle » un délice ! Certains coins sont experts en « croupions de dinde ». Pas de cuisses, pas d’ailes, pas de « blancs », uniquement du croupion ! C’est d’ailleurs la partie de la dinde qu’on trouve facilement ici, sur les marchés. D’autres ne font que du poisson salé, de la morue, avec plein d’oignons, du poivron radouci et un peu d’huile. Et, puisque ça reste dans Kinshasa, et surtout dans la Cité, les assaisonnements de rue se mélangent également, mais pas aussi violemment que Chez papa Sankar qui, lui, est très proche de la grande rue. C’est cela qui manque le plus à Éric, fils cadet de Colonel, qui vit en Europe. Car, franchement, ce n’est ni à Château Rouge à Paris, ni à Matonge à Bruxelles, qu’on peut trouver des tuyaux d’échappement assaisonnant cette viande, ce sable d’où s’échappe la poussière essentielle aux croupions de dinde, ces bières brunes d’au moins 75 cl, comme la Doppel ou la Turbo King, « une affaire d’homme ». Et cette musique ! Tous les téléphones kinois sont réglés sur « volume maximum », en plus du vibreur. Parce qu’on ne s’entend jamais dans les Nganda. Ni même dans les rues. Ou alors, on ne se parle jamais comme dans une conversation normale. On gueule plus fort que l’autre. Plus fort que la musique. Sinon on fait silence, et on savoure… Sa bière, sa viande, ses compagnes, sa musique, sa rue, sa ville. Sa vie. C’est pour ça qu’Éric revient aussi souvent que possible. C’est pour lui une question de survie… Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 9 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Pour en savoir plus
Le grand conflit oublié Jean-­‐Frédéric Légaré-­‐Tremblay, Le Devoir, 21 janvier 2015. La guerre en République démocratique du Congo (RDC) a fait environ cinq millions de morts depuis une vingtaine d’années. C’est le conflit le plus meurtrier au monde depuis la Deuxième Guerre mondiale. Malgré l’opération militaire d’envergure que préparent l’ONU et l’armée congolaise contre les rebelles, le conflit s’annonce encore long, estime Moda Dieng, professeur de sciences politiques à l’Université de Montréal et chercheur associé au CERIUM. Qui sont les principaux acteurs de ce conflit? Depuis 20 ans, les violences les plus préoccupantes en RDC se déroulent dans l’est du pays, où groupes armés et milices de toutes sortes semblent tourner le dos à la paix. La RDC abrite aujourd’hui 2,9 millions de déplacés, 450 000 réfugiés et 6,8 millions de personnes touchées par les conflits armés. Dans le même temps, les réfugiés congolais dans le monde sont estimés à 443 000. La crise liée à l’arrivée de réfugiés hutus rwandais en 1994 s’est muée en crise permanente, notamment dans les provinces orientales (Kivu, Province orientale, Katanga et Maniema). Une cinquantaine de groupes armés et de milices y sont en activité. Certains sont congolais, d’autres sont issus de pays voisins, comme les groupes rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Les FDLR sont un groupe rebelle hutu rwandais installé en RDC en 1994. Certains de ses membres ont participé au génocide des Tutsis au Rwanda. Constituées d’environ 2000 combattants, elles avaient jusqu’au 2 janvier dernier pour désarmer, selon les termes de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et la Communauté de développement d’Afrique australe. Elles ne l’ont pas fait. Que cherchent ces différents groupes ? Leurs revendications sont variées et difficiles à cerner. Il y a un enchevêtrement de causes à cette violence interminable : la crise de l’État congolais, la course à l’accès et à l’exploitation des ressources naturelles, les différends fonciers, la corruption, l’instabilité régionale, l’impuissance de la communauté internationale, l’ingérence de pays voisins comme l’Ouganda et le Rwanda, etc. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 10 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Où en sont les efforts diplomatiques et militaires pour régler ce conflit ? Pourquoi n’ont-­‐ils pas encore abouti ? Après la transition qui a confirmé Joseph Kabila au pouvoir en 2006, la communauté internationale avait pensé que la guerre était finie et avait complètement négligé les conflits locaux qui sévissent dans l’est de la RDC. Elle a beaucoup erré, alors qu’elle dispose de l’opération de maintien de la paix la plus importante et la plus coûteuse de l’histoire de l’ONU. Entre novembre 1999 et juin 2010, 55 résolutions concernant la RDC ont été votées par le Conseil de sécurité de l’ONU, et 31 rapports produits par le secrétaire général, sans véritable résultat, à part le soutien aux élections. Aujourd’hui, l’option militaire semble prévaloir, les FDLR étant le prochain groupe armé à neutraliser. Mais la tâche ne sera pas aisée, comme pour l’opération militaire menée il y a un an contre la rébellion du M23. En novembre 2012, le M23, avec l’appui de l’Ouganda et du Rwanda, avait pris Goma, la capitale du Nord-­‐Kivu. Le groupe a ensuite voulu aller jusqu’à Kinshasa, qui se situe pourtant à 2000 km. Le rêve était permis puisque les forces armées congolaises et la MONUSCO, qui avait pourtant 94 % de ses forces dans l’est du pays, n’ont pu lui barrer la route. C’est à la suite de multiples négociations sans succès que l’ONU a mis en place une brigade d’intervention composée d’environ 3000 soldats de l’Afrique du Sud, du Malawi et de la Tanzanie. Elle a finalement vaincu le M23. À la différence du M23, les FDLR, après plus de 20 ans de présence au Nord et au Sud-­‐Kivu, ont fini par avoir un solide ancrage territorial et maîtrisent bien le terrain. Ce qui rend difficile le projet de neutralisation. Le conflit risque donc d’être long, avec son lot de victimes civiles. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 11 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected] Quelques pistes pour aborder la
forme du spectacle…
1. Comment peut-­‐on qualifier le rapport entre la scène et la salle dans le spectacle? Dans Bibish de Kinshasa, il est possible de parler de «double énonciation» puisque la comédienne Gisèle Kayembe fait partie de la fiction, tandis que Philippe Ducros et Marie-­‐
Louise Bibish Mumbu ne tiennent pas compte du quatrième mur et s’adresse au public à l’occasion. 2. En quoi le théâtre de Philippe Ducros est-­‐il politique ? Philippe Ducros est un artiste autodidacte, dont l’inspiration provient en grande partie de ses voyages (Palestine, RDC, Ukraine, etc.). Il utilise le médium théâtral pour aborder des problématiques d’ordre géographique, politique, sociologique, etc. 3. Quels sont les différences et les points communs entre le roman Samantha à Kinshasa de Marie-­‐Louise Bibish Mumbu et l’adpatation scénique réalisée en collaboration avec Philippe Ducros. Extrait d’un entretien de Geoffrey Gaquère, directeur artistique d’Espace Libre, avec Philippe Ducros et Marie-­‐Louise Bibish Mumbu. Geoffrey Gaquère : Comment vous vous y êtes pris pour adapter le roman à la scène? Philippe Ducros : Le roman a été adapté à la scène en République Démocratique du Congo, en France et maintenant au Canada. On n’a pas le souci de réécriture, de dramatisation des scènes, c'est vraiment le roman qu'on livre, avec quelques coupures, de légères modifications, mais avec beaucoup de montage. Les situations et les personnages du roman sont tellement exubérants, c'est tellement écrit pour être dit que tout est là. […] j’ai envie que ça crée une fête, que ces mots se révèlent dans une salle de spectacle. GG : Par moment, on est presque dans le conte […] On se fait raconter une histoire […]. Et ça nous ramène à la base du théâtre […] Marie-­‐Louise Bibish Mumbu : Je suis contente d’entendre ça! L’éditeur se demandait ce que j'avais écrit : un roman ou une pièce de théâtre. […] J’ai essayé d'écrire en mots de théâtre avec des didascalies, mais j'étais plus dans l'urgence de dire. Ce que j'ai commencé à raconter dans l'écriture de Samantha à Kinshasa, ce sont des tranches de vie. C'est très vivant, car j'entrais dans le transport en commun puis je prenais la ligne jusqu'au terminus et j'écoutais les conversations. Ensuite, je réécrivais. […] C'est très oral, dans plusieurs langues. Quand j'écrivais, c'était des gens, des personnes que je voyais debout en action, en train de faire ce qu'ils sont en train de faire. Les histoires apparaissent comme des photos, mais il a fallu que je choisisse pour que ça ne s'éparpille pas. Espace Libre — Cahier pédagogique – Bibish de Kinshasa Page 12 sur 12 Renseignements : Marie Semel — 514-­‐521-­‐3288 poste 5 — [email protected]