quelles fréquences et quelles raisons

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quelles fréquences et quelles raisons
COMMUNICATION BRÈVE
Int J Tuberc Lung Dis; 12(7): 820-823
© The Union 2008
Abandon initial du traitement de la tuberculose :
quelles fréquences et quelles raisons ?
E. Botha, * S. Den Boon, † S. Verver, †‡ R. Dunbar, * K-A Lawrence, * M. Bosman, §
D. A. Enarson, ¶ I. Toms, # N. Beyers*
* Desmond Tutu TB Centre, Department of Paediatrics and Child Health, Stellenbosch University, Tygerberg, South Africa ;
†
KNCV Tuberculosis Foundation, The Hague, ‡ CINIMA, Academic Medical Centre, Amsterdam, The Netherlands; § National
Health Laboratory Services, Cape Town, South Africa ; ¶ International Union Against Tuberculosis and Lung Disease, Paris,
France ; # Department of Health, City of Cape Town, Cape Town, South Africa.
Résumé
La proportion de non-mise sous traitement (défaillance initiale) et ses raisons ont été déterminées dans 11 services de soins de
santé primaires à Cape Town et aux environs dans des cas de tuberculose (TB) avec confirmation bactériologique. Les bases de
données provenant des laboratoires centralisés ont été comparées avec les registres électroniques de traitement de la TB. Il y a
eu 14% (373/2753) de cas de TB parmi les suspects de TB. Parmi les 58 cas (16%) de défaillance initiale, 14 (24%) sont décédés
et 26 (45%) n’ont pas pu être interviewés pour des raisons liées à leur adresse. Parmi les 18 sujets interviewés, 58% ont indiqué
des raisons de leur défaillance initiale liées aux services et 44% des raisons non liées aux services. Le taux élevé de défaillance
initiale impose une amélioration de la qualité des services de santé.
MOTS CLÉS : tuberculose ; Afrique du Sud ; traitement ; abandon initial
La lutte antituberculeuse dépend d’une
détection et d’un traitement rapides des patients tuberculeux (TB) contagieux.1,2 Les Programmes Nationaux
contre la Tuberculose (PNT) essayent d’améliorer les
taux de détection des cas et de suivre soigneusement
les résultats du traitement. Toutefois, on connaît peu la
proportion des cas de TB diagnostiqués qui n’ont jamais
commencé le traitement (abandons initiaux) dans les
zones endémiques. Dans une étude récente, nous avons
signalé un taux d’abandon initial de 17% dans le district
de Stellenbosch en Afrique du Sud,3 mais les raisons de
ce taux élevé d’abandon initial n’étaient pas claires. Nous
avons mené une nouvelle étude dans d’autres collectivités pour investiguer ces raisons et émis l’hypothèse que
le décès en est le facteur contributif majeur.
MÉTHODES
Nous avons mené une révision des dossiers dans 11 services de soins de santé primaires de la Province de Western Cape (huit dans la Métropole de Cape Town et trois
dans des villes voisines). On a inclus dans l’étude tous
les adultes (≥ 15 ans) et tous les enfants (< 15 ans) qui
avaient envoyé des échantillons de crachats pour le diagnostic de la TB. Les échantillons de crachats avaient été
recueillis dans les services des Soins de Santé Primaire
(SSP) mais examinés par bacilloscopie dans des laboratoires centralisés hors-site. La culture n’a été exécutée
qu’à la demande des services (habituellement pour des
cas de TB traitée antérieurement). Les résultats des frottis
positifs et des cultures de TB ont été identifiés dans les
bases de données des trois laboratoires du Service National des Laboratoires de Santé (NHLS) dans le contexte
de l’étude pendant les mois d’avril à juin 2005. Les résultats ont été joints aux données personnelles sous forme
de nom, d’adresse, d’âge et de sexe. La base de données
de NHLS a été reliée manuellement aux registres électroniques de traitement TB pour les mêmes sites pendant la
période d’avril à septembre 2005, ce qui a permis d’identifier les abandons initiaux. La liaison électronique n’a
pas été possible en cas de différences d’orthographe.
La définition du cas de TB a été basée sur les directives de 2004 du Programme National de Tuberculose
d’Afrique du Sud qui définissent un cas de TB confirmée
par l’examen bactériologique comme correspondant à
une personne ayant deux frottis positifs ou une culture
positive.4 On a inclus également comme résultats positifs
les résultats de frottis très faiblement positifs.5 Les abandons initiaux ont été définis comme des cas de TB qui
n’ont pas été enregistrés dans les registres de traitement
TB tenus dans les services SSP de la Province de Western Cape au cours des 2 mois faisant suite à l’envoi de
l’échantillon de crachats dans les 11 services de SSP.
On a recherché les abandons initiaux et interviewé
ceux qu’on a retrouvé pour mettre en évidence les raisons de la non-mise en route du traitement antituberculeux. On a obtenu un consentement écrit et administré
les questionnaires dans les langages locaux des participants à l’étude (anglais, isiXhosa et afrikaans). Les interviewers ont été formés pendant une semaine à l’obtention
du consentement, aux techniques d’interview et à l’utilisation du questionnaire.
L’approbation éthique a été accordée par le Comité de
la Recherche humaine de l’Université de Stellenbosch.
RÉSULTATS
On a revu les données provenant de 9 598 échantillons
envoyés au laboratoire parmi lesquels 4 462 (47%)
l’avaient été pour le diagnostic de la TB. Ces échantillons
Auteur pour correspondance : Elsabe Botha, Department of Paediatrics, Faculty of Health Sciences, Desmond Tutu TB Centre,
Stellenbosch University, P O Box 19063, Tygerberg 7505, South Africa. Tél. : (+27) 21 938 9177. Fax : (+27) 21 938 9719.
e-mail : [email protected]
[Traduction de l’article : « Initial default from tuberculosis treatment: how often does it happen and what are the reasons? »
Int J Tuberc Lung Dis 2008; 12(7): 820-823]
The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Suspects de TB
2 758
Deux résultats positifs
de frottis
227 (8%)
Sous
traitement
≤ 2 mois
203
Pas
de traitement
≤ 2 mois
24 (11%)
Résultats positifs
seulement à la culture
91 (3%)
Sous
traitement
≤ 2 mois
60
Culture plus un résultat
de frottis positif
55 (2%)
Pas
de traitement
≤ 2 mois
31 (34%)
Sous
traitement
≤ 2 mois
52
Un résultat positif
de frottis
331 (12%)
Pas
de traitement
≤ 2 mois
3 (5%)
Sous
traitement
≤ 2 mois
195
Résultats
négatifs
2 054 (74%)
Pas
de traitement
≤ 2 mois
134 (41%)
Figure Processus de diagnostic chez les suspects de tuberculose ayant fourni un échantillon de crachats entre avril et juin 2005.
Les cases grises correspondent aux abandons initiaux. TB = tuberculose.
provenaient de 2 758 individus parmi lesquels 373 (14%)
étaient des cas de TB : chez 227 (61%), le diagnostic a
reposé sur deux frottis positifs et chez 146 sur les résultats de la culture (chez 91, uniquement des cultures positives, chez 55, une culture positive accompagnée d’un
frottis positif) (Figure). Parmi les 373 cas de TB, il y a
eu 58 (16%) abandons initiaux. Parmi ceux qui ont commencé le traitement, neuf (3%) l’ont mis en route dans
un service SSP différent de celui où le diagnostic avait
été porté. L’abandon initial a été plus élevé parmi ceux
détectés par la combinaison d’un frottis et d’une culture
(23%) que parmi ceux diagnostiqués sur base de deux
frottis positifs (11%) (odds ratio [OR] 2,57, intervalle de
confiance [IC] 95% 1,40-4,73) (Figure).
Lors des essais de récupération de ces patients, 14
(24%) des 58 abandons initiaux ont été signalés comme
décédés dont huit avaient deux frottis positifs. Sept des
14 sont connus comme morts de TB dont deux au cours
des 2 mois faisant suite à l’envoi de crachats. Parmi les
44 abandons initiaux restants, 26 n’ont pas pu être retrouvés par suite de raisons liées à leur adresse (Tableau). Les
18 abandons initiaux restants (41%) ont pu être retrouvés
et interviewés.
Les raisons signalées pour non-initiation du traitement
ont été en relation directe avec les services (56%) ou non
(44%) (Tableau). Neuf ont signalé être revenus dans le
service SSP pour les résultats de leurs crachats. La raison
de ne pas venir y chercher les résultats de crachats men-
Tableau Raisons de l’abandon initial en fonction des résultats de l’analyse des crachats
Deux frottis
positifs
n (%)
8 (33)
4
1
3
Positifs
uniquement
à la culture
n (%)
6 (19)
3
0
3
Perdus de vue
Pas d’adresse au niveau du service
Adresse non retrouvée
Inconnu à l’adresse
Déplacement/sans adresse fixe
Adresse impliquant un danger pour la visite
9 (38)
1
3
3
2
0
Interviewés
7 (29)
Décès
TB
Accident
Inconnu
Raisons d’abandon initial liées aux services,
données par les sujets interviewés
Résultats non disponibles
Résultat négatif du frottis
Absence d’information par la policlinique
Perte antérieure du dossier TB
Raisons d’abandon initial non liées aux services,
données par les sujets interviewés
Déménagement/absence de longue durée
Dénégation d’avoir commencé tardivement le traitement
Ne pense pas que la TB est grave
Religion
Travail
Total
* Proportion des sujets interviewés sur les raisons d’abandon initial.
Culture positive
et
un frottis positif
0
0
0
0
Total
14 (24)
7
1
6
14 (45)
5
5
0
2
2
3
1
2
0
0
0
26 (45)
7
10
3
4
2
11 (36)
0
18 (31)
10 (56)*
2
1
0
0
1
4
1
1
0
0
0
0
3
5
1
1
8 (44)*
1
2
0
0
1
0
1
1
1
1
0
0
0
0
0
1
3
1
1
2
24
31
3
58
Abandon initial du traitement de la TB en Afrique du Sud
tionnée par les neuf restants sont les suivantes : l’agent
de santé avait apporté les résultats au domicile du cas de
TB (n = 4), le centre de SSP avait indiqué qu’il allait
apporter les résultats (n =2), on n’a pas dit à la personne
en cause qu’elle devait revenir au service pour y chercher
les résultats (n = 1), le travail (n = 1) et une interdiction religieuse (n = 1). Onze des 18 abandons initiaux
ont commencé le traitement plus de 2 mois après avoir
fourni l’échantillon de crachats : cinq d’entre eux l’ont
commencé dans les 3 mois, alors que chez les autres, le
délai avant le début du traitement a atteint 4 à 12 mois.
Quoique cette étude n’ait pas évalué dans les mêmes détails ce qui était survenu chez les suspects de TB
n’ayant qu’un seul résultat de frottis positif, 41% de ces
derniers (136/331) n’ont pas commencé le traitement
dans le service PHC où le diagnostic avait été porté.
DISCUSSION
Nous avons observé un taux élevé d’abandon initial à
Cape Town et dans les villes voisines. Le taux élevé de
décès parmi les abandons initiaux est préoccupant, particulièrement parce que plus de la moitié de ces décès
étaient en relation avec la TB. Un grand nombre d’abandons initiaux n’ont pas pu être retrouvés en raison d’une
insuffisance d’information quant à l’adresse. La plupart
des sujets interviewés ont indiqué que les raisons principales de l’abandon initial étaient en relation avec les services de santé. D’autres études avaient confirmé que des
erreurs des services de santé constituaient un facteur majeur d’abandon.6,7 Ces déficiences et les décès évitables
devraient être maîtrisés par l’amélioration des services de
santé en ce qui concerne l’obtention d’adresses correctes
et d’informations complémentaires quant aux contacts
(par exemple, numéro du téléphone portable, particularités concernant des membres de la famille ou le lieu de
travail), par l’encouragement des suspects de TB à informer les services SSP de leurs déplacements, par la communication claire des résultats du frottis et de la culture
et par un suivi actif des abandons initiaux. Les services
qui recourent à des laboratoires hors-site devraient également tenir un registre des crachats TB (basé sur le registre de laboratoire de l’Union Internationale Contre la
Tuberculose et les Maladies Respiratoires)8 pour faciliter
la détection de ces problèmes et les résoudre.
Une limitation de notre étude a été le fait que les zones couvertes par les services SSP n’étaient pas toute
connectées entre elles sur le plan géographique. Pour
cette raison, les patients pourraient avoir été signalés à
des services SSP situés en dehors des zones de l’étude.
De plus, comme moins de la moitié des abandons initiaux
supposés en vie ont été interviewés, les observations de
l’étude pourraient avoir été biaisées en raison du fait que
les sujets interviewés pourraient être différents de ceux
non retrouvés et il est possible qu’un plus grand nombre d’abandons initiaux non retrouvés soient décédés. La
mise en route du traitement après un seul frottis de crachats positif n’était pas la politique en cours au moment
de cette étude. La politique actuelle conseille le traitement de ces patients et notre étude démontre donc que
dans le passé un grand nombre d’occasions de traitement
ont été manquées.
Nous concluons que la proportion d’abandons initiaux parmi les patients diagnostiqués comme TB est élevée et que les facteurs causaux les plus fréquents sont en
relation avec la qualité des services de santé fournis.
Remerciements
Les auteurs voudraient exprimer leur reconnaissance à toutes
les personnes ayant contribué à cette étude : le personnel impliqué dans le Programme National Provincial et de District de la
TB, le staff des 11 services PHC inclus dans l’étude, A Klein,
C Marsh et D Gallant. Ils voudraient également remercier les
administrateurs des subsides à l’Université de Stellenbosch,
Tygerberg, Afrique du Sud ainsi que l’United States Agency for
International Development (USAID) pour les subsides de recherche. Cette étude a bénéficié d’un financement de l’USAID
(Subside N° HRN-A-00-00-00018) conformément à l’accord
de la Coalition pour l’Assistance Technique en Tuberculose.
Références
1Styblo K, Bumgarner J R. Tuberculosis can be controlled
with existing technologies: evidence. The Hague, The
Netherlands: Tuberculosis Surveillance Research Unit Progress Report, 1991: pp 60-72.
2Raviglione M C, Uplekar M W. WHO’s new Stop TB Strategy. Lancet 2006; 367: 952-955.
3Botha E, Den Boon S, Lawrence K-A, et al. From suspect
to patient: tuberculosis diagnosis and treatment initiation
in health facilities in South Africa. Int J Tuberc Lung Dis
2008; 12: [In press].
4Department of Health. The South African National Tuberculosis Control Programme. Practical Guidelines 2004.
Pretoria, South Africa: Department of Health, 2004.
5Van Deun A, Salim A H, Cooreman E, et al. Scanty AFB
smears: what’s in a name? Int J Tuberc Lung Dis 2004;
8: 816-823.
6Buu T N, Lönnroth K, Quy H T. Initial defaulting in the
National Tuberculosis Programme in Ho Chi Minh City,
Vietnam: a survey of extent, reasons and alternative actions taken following default. Int J Tuberc Lung Dis 2003;
7: 736-740.
7Squire S B, Belaye A K, Kashoti A, et al. ‘Lost’ smear-positive pulmonary tuberculosis cases: where are they and why
did we lose them? Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9: 25-30.
8Enarson D A, Rieder H L, Arnadottir T, Trébucq A. Management of tuberculosis. A guide for low-income countries.
5th ed. Paris, France: International Union Against Tubercu-