Pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé

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Pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé
J Fran Viet Pneu 2015; 18(6): 1-60
 2015 JFVP. All rights reserved. www.afvp.info
CrossRef: http://doi.dox:10.12699/afvp.6.18.2015.47
JOURNAL FRANCO-VIETNAMIEN DE PNEUMOLOGIE
Journal of French-Vietnamese Association of Pulmonology
Print: ISSN 2264 - 7899. Online: ISSN 2264 - 0754
CAS CLINIQUE
Pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé
S. Rabiou1, M. Lakranbi1, J. Ghalimi1, I. Issoufou1, S. Sanoussi2,3, Y. Ouadnouni1,4, M. Smahi1,4
1:
Service de Chirurgie Thoracique. CHU Hassan-II, Fès. Maroc
Service de Neurochirurgie. HNN - Niamey. Niger
3: Département de Chirurgie et Spécialités Chirurgicales. FSS - Niamey. Niger
4: Faculté de Médecine et de Pharmacie. Université Sidi-Mohamed-Ben-Allah, Fès. Maroc
2:
SUMMARY
Introduction. The presence of a pneumorachis in thoracic trauma is still witnessing the severity of the trauma. It is most
often associated with spinal trauma, rarely secondary to an isolated closed thoracic trauma. Its discovery with the waning
of chest trauma should push investigations with the aim to understand not only the constitution of this aeric effusion but
also adapt adequate therapeutic strategy.
Observation. In the purpose to underline the diagnostic, therapeutic, and evolutionary features by the way with a review
of the literature of the pneumorachis authors bring back the case of a male patient aged of 54 years, smoking and alcoholic
that was victim of an aggression by throw of stone on the thoracic partition having caused a thoracic traumatism to closed
glottis. The radiological results had put in multiple aeric outpouring in thorax of which a pneumorachis. A bronchial fibroscopie made in emergency had come back without anomaly. The treatement consisted to drainage of a pneumothorax associated to clinical and radiological surveillance of the pneumorachis. The evolution was favorable after 4 months.
Conclusion. The presence of a pneumorachis following a closed chest trauma witnessed the severity of the trauma. Its discovery in a trauma patient has to push the investigations in finding out other lesions that could explain the formation of
the gas collection. The treatment is that the causal lesion.
KEYWORDS: Thoracic traumatism, pneumorachis, emergency
RÉSUMÉ
Introduction. La présence d’un pneumorachis chez un traumatisé thoracique est toujours témoin de la gravité du traumatisme. Il est le plus souvent associé à un traumatisme rachidien, rarement secondaire à un traumatisme thoracique fermé
isolé. Sa découverte au décours d’un traumatisme thoracique doit faire pousser les investigations dans l’objectif de comprendre non seulement la constitution de cet épanchement aérique mais aussi adapter une stratégie thérapeutique adéquate.
Observation. Dans le but de souligner les caractéristiques diagnostiques, thérapeutiques, et évolutives avec une revue de
la littérature à propos du pneumorachis, les auteurs rapportent le cas d’un patient de sexe masculin âgé de 54 ans, alcoolotabagique qui a été victime d’une agression par jet de pierre sur la paroi thoracique ayant occasionné un traumatisme thoracique à glotte fermée. Le bilan radiologique avait mis en évidence des multiples épanchements aériques thoraciques dont
un pneumorachis. Une fibroscopie bronchique faite en urgence était revenue sans anomalie. La prise en charge consistait à
un drainage d’un pneumothorax associé à une surveillance clinique et radiologique du pneumorachis. L’évolution était
favorable après 4 mois.
Conclusion. La présence d’un pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé est témoin de la gravité du traumatisme. Sa découverte chez un patient traumatisé doit faire pousser les investigations à la recherche d’autres lésions, pouvant expliquer la constitution de cette collection gazeuse. Le traitement est celui de la lésion causale.
MOTS CLES: Traumatisme, thorax, pneumorachis, urgence
Auteur correspondant: Dr Rabiou SANI. Service de Chirurgie Thoracique. CHU Hassan-II, Fès. Maroc
Tel : +21268077220. E-mail: [email protected]
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S. RABIOU
PNEUMORACHIS SUITE À UN TRAUMATISME THORACIQUE
INTRODUCTION
La présence d’air dans le canal rachidien ou pneumomyélogramme ou pneumorachis est essentiellement rapportée comme complication d’un geste neurochirurgical, d’une anesthésie péridurale ou comme
manifestation d’un abcès épidural. La présence d’un
pneumorachis chez un traumatisé thoracique est toujours témoin de la gravité du traumatisme. Il est le
plus souvent associé à un traumatisme rachidien,
rarement secondaire à un traumatisme thoracique
fermé isolé [1, 2]. Sa découverte au décours d’un
traumatisme thoracique doit faire pousser les investigations dans l’objectif de comprendre non seulement la constitution de cet épanchement aérique
mais aussi adapter une stratégie thérapeutique adéquate.
Les auteurs rapportent l’observation d’un patient
ayant un pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé.
OBSERVATION
Mr M. âgé de 54 ans admis aux urgences suite à une
agression par jet de pierre sur la paroi thoracique
ayant occasionné un traumatisme thoracique à glotte
fermée. Dans ses antécédents on notait une notion
d’alcoolisme et de tabagisme chronique en raison de
40 PA (paquet - année).
La pression artérielle était à 120/70 mmHg, la fréquence cardiaque à 81 b/min et la SpO2 à 94 % sous
3 l/min d’oxygène administrés par une sonde nasale. Il y avait des ecchymoses au niveau de la paroi
thoracique gauche associées à un important emphysème sous cutané cervicothoracique sans plaie thoracique ou cervicale évidente (Figure 1).
FIGURE 1. Patient traumatisé thoracique.
Noter la présence des traces d’impact latéro-thoracique
gauche (cercle) avec un important emphysème sous cutané
cervico-thoracique (tête des flèches).
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FIGURE 2. Radiographie thoracique de face montrant un
pneumothorax gauche de grande abondance associé à un
emphyseme sous cutanné diffus de la paroi thoracique.
L’ECG montrait un rythme sinusal, sans trouble, de
la conduction ou de la repolarisation. La radiographie pulmonaire montrait un hemopneumothorax
gauche de moyenne abondance et des fractures des
arcs costaux postérieurs des 5ième et 6ième côtes
(Figure 2).
Une exploration tomodensitométrique thoracique
réalisée en urgence, montrait un foyer de contusion
parenchymateuse lobaire supérieure gauche avec
une pneumatocèle, confirme l’existence d’un important pneumomédiastin, objective de l’air accumulé
dans le canal rachidien ou pneumorachis et dans le
tissus cellulograisseux sous cutané (Figure 3-A et B).
Par ailleurs les images de reconstruction centrées sur
le rachis n’ont pas mis en évidences des lésions rachidiennes. La fibroscopie bronchique ne montrait
aucune brèche causale. La prise en charge initiale a
consisté en une oxygénothérapie par masque à haute
concentration, un traitement antalgique et le drainage d’un hémopneumothorax gauche. Le traitement symptomatique était poursuivi et l’évolution
ultérieure était marquée par une nette amélioration
clinique avec un bon retour du poumon à la paroi à
la radiographie thoracique de contrôle (Figure 4). Le
patient est déclaré sortant après 72h de surveillance.
Revu en consultation une semaine, puis 4 mois
après, nous n’avons pas notés des symptômes neurologiques
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FIGURE 3. Tomodensitométrie thoracique.
On note la présence d’un emphysème sous cutané, un pneumothorax gauche avec cavité de pneumatocèle post traumatique
associé à un pneumomédiastin (B) mais aussi un pneumorachis (tête des flèches).
L’origine traumatique est très rare, le plus souvent
après un traumatisme thoracique ouvert [4] ou fermé
[3], après fracture de la base du crâne ou après un
traumatisme médullaire direct [3, 5-8]. Ainsi devant
un traumatisme thoracique avec pneumorachis il est
essentiel de comprendre son mécanisme afin d’adapter une stratégie thérapeutique.
Le mécanisme lésionnel le plus rapporté est celui
d’un traumatisme thoracique grave avec des lésions
sévères du rachis qui seraient à l’origine du pneumorachis. L’air provenant de l’espace pleural pénètre dans l’espace péridural, grâce aux plaies de la
plèvre pariétale et des méninges, causées par une
fracture rachidienne [3]. Des cas de pneumorachis
par extension d’une pneumocéphalie secondaire à
un traumatisme craniofacial avec fracture de la base
du crâne ou des sinus paranasaux ont été décrit dans
la littérature [9-11].
La pénétration d’air en intracanalaire rachidien ou
pneumorachis peut être rattachée à plusieurs étiologies dont les plus fréquentes sont d’origine iatrogène [3].
Dans le cas précis de notre patient nous avons suspecté une augmentation brutale de la pression alvéolaire avec rupture des alvéoles pulmonaires et migration d’air le long des axes bronchovasculaires
jusqu’au médiastin. L’air accumulé dans le médiastin finit par disséquer la plèvre médiastinale de
l’aorte et la plèvre pariétale du rachis pour pénétrer
dans l’espace épidural par les trous de conjugaison.
La présence de l’air dans le canal rachidien est rarement en lui-même responsable d’une symptomatologie neurologique. Le diagnostic d’un pneumorachis
est avant tout scannographique, de découverte
fortuite le plus souvent devant un scanner thoracique
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FIGURE 4. Radiographie thoracique post drainage montrant un retour du poumon a la paroi thoracique avec nette
régression de l’emphysème sous cutané.
DISCUSSION
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réalisé dans le cadre d’un bilan lésionnel d’un traumatisme thoracique et ou rachidien. Le scanner thoracique grâce à son excellent pouvoir de résolution
en contraste, identifie les clartés aériques même minimes, qui siège à l’intérieur du canal rachidien disséquant les méninges.
La fibroscopie bronchique et ou œsophagienne doit
s’attacher à chercher la présence d’une lésion trachéobronchique ou oesophagienne, d’autant plus
que le pneumorachis est associé à un emphysème
médiastinal ou à un pneumothorax uni ou bilatéral.
Le pneumorachis se résorbe lentement sur plusieurs
jours. Il faut savoir que le traitement du pneumorachis est celui de son étiologie.
Le plus souvent, comme c’est le cas dans notre observation, le pneumorachis a un caractère bénin et ne
nécessite pas de traitement spécifique en dehors du
drainage d’un éventuel pneumothorax associé.
CONCLUSION
La présence d’un pneumorachis suite à un traumatisme thoracique fermé est témoin de la gravité du
traumatisme. Sa découverte chez un patient traumatisé doit faire pousser les investigations à la recherche d’autres lésions, pouvant expliquer la constitution de cette collection gazeuse. Le traitement est
celui de la lésion causale.
CONFLIT D’INTERÊTS
Les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt.
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