Construire une première culture littéraire à l`école maternelle

Transcription

Construire une première culture littéraire à l`école maternelle
Construire une première culture littérature à l’Ecole Maternelle
Compte-rendu de l’animation pédagogique de Bassin
Circonscription de Lille1 – Marcq-en-Baroeul
Les I.O. ont, au fil des temps, précisé la place et le rôle essentiels de la Littérature de Jeunesse
dans la construction des apprentissages et des savoirs à l’école maternelle.
En 2002, elles insistent sur un rendez-vous quotidien, avec les albums : « La littérature est
inscrite dans les programmes de l’école maternelle ».
I - Programmes de maternelle :
« Construire une première culture littéraire :
2 ans : impact de la lecture du maître et verbalisation suggérée par les images
3 ans : mémorisation des textes soutenue par les images qui permet la reformulation (gage
de première compréhension : un texte qui n’est pas compris n’est pas mémorisé)
5ans : travail rigoureux de compréhension et débats sur l’interprétation des textes. »
II - Compétences concernant le langage d’évocation - I.O. de 2002
Comprendre une histoire adaptée à son âge et le manifester en reformulant dans ses
propres mots la trame narrative de l’histoire
Identifier les personnages d’une histoire, les caractériser physiquement et moralement ;
les dessiner
Raconter un conte déjà connu en s’appuyant sur la succession des illustrations (l’enfant
devra être capable de résumer une dizaine d’albums)
Raconter une courte histoire dans laquelle les acteurs seront correctement posés, où il y
aura au moins un événement et une clôture
III - Texte littéraire – Culture littéraire
Monsieur Christian Poslaniec (De la lecture à la littérature): « On peut considérer comme
littéraire, tout livre qui provoque de l’étonnement, de l’admiration, chez tel lecteur, à tel
moment. »
Lors de sa conférence à l’intention des enseignants des C.1 et 2 des circonscriptions de
Lambersart et de Marcq-en-Baroeul, Monsieur Jean Hébrard insiste sur l’importance pour
l’enfant de se créer une « bibliothèque mentale », une culture littéraire : « C’est dans l’abondance
de rencontres avec les textes que se fait le lecteur. Il s’agit pour l’élève de comprendre qu’il entre
dans un univers où chaque livre amène à un autre. Pour que cet univers se constitue, il faut lire
tous les jours pour nourrir une mémoire littéraire de textes qui se constitue en réseaux. Une
culture littéraire se construit par la fréquentation régulière des œuvres. Elle suppose une mémoire
des textes mais aussi de la langue…Chaque lecture est le lieu de réinvestissement de lectures
anciennes et un tremplin pour de nouvelles lectures ».
Les propos de cette animation concernent la lecture compréhension., celle qui va permettre la
mise en place du langage d’évocation, la lecture pour comprendre une histoire et être capable de
la raconter.
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IV - La littérature de Jeunesse est centrée sur l’étude des albums.
Albums - Règles de base :
Une page texte – Une page image
Le texte n’est pas une caractéristique
Le texte est bref
L’image occupe une très grande place (« occupation » importante)
Le texte est assujetti à l’image
Rapport étroit texte / image
L’image a un rôle narratif
Parfois : albums sans texte
Parfois : vraiment très peu de texte (d’où importance de l’image pour comprendre l’histoire)
Tous les thèmes – Pas de règle – Beaucoup de liberté.
Tous les genres (science-fiction…policier…aventures…fantastique…)….
L’album est une forme littéraire qui regroupe tous les genres et tous les thèmes.
V - Historique de l’album : (Médiathèque de Marcq-en-Baroeul)
1) Les Techniques d’impression
13ème siècle : gravure sur bois au rendu très grossier
16ème siècle : gravure « taille-douce »
19ème siècle : - lithographie
- « Bois de bout »
- pochoirs
2) Dates principales
1919 : émergence de l’album avec Macao et Cosmage ou l’expérience du bonheur (œuvre de
référence pour le cycle 3). L’image suscite la narration.
Textes calligraphiés – Images : « Arts déco » - « Japonisme ».
1931 : Babar – Albums du Père Castor
1967 :Max et les maximonstres de Maurice Sendak aux éditions L’école des loisirs.
C’est la première fois que l’inconscient et l’imaginaire chez l’enfant sont évoqués. On passe du
réel à l’imaginaire, de la réalité au rêve…et cependant jamais le rêve n’est mentionné.
Dans les années 1970, les éditions Gallimard créent un Secteur Jeunesse.
C’est l’arrivée de Claude Ponti à L’école des Loisirs.
Dans les années 1990, des maisons d’éditions plus petites, plus novatrices font leur apparition (Le
Sorbier – Le Rouergue….). Tout est possible : formats, mises en page, utilisation des TICE, des
matériaux, feuilles ajourées, perforées, transparentes…etc…
VI - Choix des albums
1) A partir de deux ans :
Exemple :La collection des « Petit Ours Brun » - Editions Centurion Jeunesse.
Distribution – Organisation :
- pas de page de garde : on entre de suite dans l’histoire
- texte à gauche sur fond blanc
- illustration pleine page à droite sur fond de couleur
- mise en page identique
- couleurs assorties (+ la couverture)
- importance des liens textes/images (l’évocation est, de ce fait, plus facile)
- succession logique de séquences (chronologie facilitée)
- structures de phrases répétitives (mémorisation plus aisée)
Les histoires : Ce sont des situations où chaque enfant peut se reconnaître, s’identifier, retrouver
ses préoccupations : c’est le « héros miroir ».
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Thèmes : - Petits moments importants de la vie quotidienne des tout-petits (Mêmes émotions,
mêmes sentiments, mêmes apprentissages…)
- Découverte du monde
- Règles de vie à suivre
Les situations ne sont jamais dramatiques, délicates, dérangeantes…
Les auteurs ont le souhait d’éduquer mais sans jamais inquiéter.
Pistes pédagogiques :
Reformuler l’histoire en s’aidant des images
Associer des images aux couvertures correspondantes
Retrouver les mots les plus fréquemment employés
Réaliser des imagiers
2) Les textes
Textes « faciles »
La syntaxe est proche de la syntaxe enfantine.
Le langage écrit peut être semblable au langage oral du quotidien
L’enfant comprend aisément ce que recherche le héros. Aucun doute ne s’installe sur son
caractère, sur ce qu’il veut faire. Il peut être dessiné.
Les illustrations permettent d’expliciter la lecture orale du maître.
L’univers que propose le texte doit être accessible aux enfants et se rapporter à leurs mondes
connus. L’univers et les personnages sont proches des enfants. Les actions des personnages leur
sont familières.
Lorsque les enfants manquent de référents pour comprendre une histoire et se la représenter, il est
indispensable d’utiliser des images, des documents représentants des objets et/ou des situations
jusque-là inconnus.
La mémorisation est aisée : l’évocation est facilitée.
Textes « résistants »
Catherine Tauveron (Lire la littérature à l’école) surnomme ainsi « les textes qui se veulent
problématiques, dont le sens n’est pas couru d’avance ».
Les textes et les images sont riches, implicites.
Implicite signifie « ce qui est plié dedans». Le rôle de la lecture à l’école va être d’expliciter, de
déplier ce qui est plié confusément à l’intérieur de nous, par la parole.
Ces textes favorisent les échanges. Ils permettent de faire des inférences : c’est-à-dire de tirer des
conséquences d’un fait, d’une proposition par induction ou déduction.
Ils sont créatifs, c’est-à-dire qu’ils vont permettre à l’enfant d’imaginer, de poursuivre l’histoire.
Ils permettent de tisser des liens avec d’autres écrits.
3) L’image
« Elle est une composante littéraire à part entière. On travaillera sur les fonctions de
complémentarité et d’écart entre le texte et l’image ».
L’image a une valeur esthétique et interprétative. Elle donne à voir et permet à l’enfant de
raconter. On insistera sur les liens entre les images et les textes en habituant l’enfant à trouver des
indices, des repères.
L’enfant vit dans un monde d’images fixes, animées, virtuelles…Des activités spécifiques sur
l’image peuvent être envisagées (affiches d’expositions, d’éditeurs – tableaux – publicité…) On
parle alors de lecture d’images, puisqu’il y a, comme dans la lecture d’un texte, une prise
d’indices qui donne du sens. C’est aussi une lecture pour comprendre, pour évoquer.
VII - Comment va se faire « l’entrée en littérature » ?
La lecture faite par l’enseignant (c’est une « lecture experte ») doit être quotidienne
La mise en voix est très importante : elle suscite des émotions, elle est essentielle à la
compréhension et à la mémorisation.
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Il est important que l’enseignant dise pourquoi il a choisi de lire cet album : il va expliquer son
choix.
Avant la lecture,
Plusieurs pistes possibles :
Présenter les personnages
Raconter avant de lire
Montrer les images avant de lire
Résumer l’histoire
Faire découvrir la couverture
Ces différentes entrées peuvent permettre une compréhension allégée du langage écrit lu aux
élèves.
La rencontre avec la littérature se fera à haute voix par le maître.
L’enseignant peut décider de :
Lire l’album en entier
Lire l’album en partie à condition qu’il soit demandé aux élèves de rappeler la lecture
précédente avant le nouvel épisode lu par l’enseignant.
Attention : il ne faut jamais simplifier le texte !
Après la lecture :
les questions posées aux enfants permettent à l’enseignant de :
Evaluer la compréhension. Pourquoi le loup souffle-t-il sur la maison du Petit cochon?
Ce type de question est indispensable. Relire simplement un passage ne suffit pas.
Développer des comportements de lecteur : Que pensez-vous de ce qu’a fait le loup ?
Est-ce bien…mal…intéressant…Qu’auriez-vous fait à sa place ?...Aimez-vous cette
histoire ?...Est-elle difficile à comprendre ?...
L’enfant va, ainsi, peu à peu, être capable de donner son avis sur…de prendre position…
Echanger. Les discussions entre le maître et ses élèves, entre les élèves sont à favoriser.
On met déjà en place des petits débats interprétatifs.
Mettre les albums en relation. La question ; « Est-ce que cela vous rappelle quelque
chose » est à privilégier.
Les illustrations :
On peut aussi faire observer précisément les illustrations qui sont des prises d’indices visibles et
en discuter :
- A quoi voit-on que c’est la nuit ?
- L’histoire se passe à la montagne : à quoi le voyez-vous ?
- L’ours est triste…en colère…joyeux…A quoi le voyez-vous ?
Le maître peut :
- Faire jouer l’histoire sous forme de saynètes
- S’il n’a pas dit le titre de l’album, il peut demander aux élèves d’en donner un
- Trouver un autre titre
- Montrer des images significatives et demander ce qu’elles racontent
- Montrer les images des personnages et demander leurs noms, ce qu’ils font…
- Donner des images des principaux moments du récit et les faire remettre dans
l’ordre.
- Et surtout faire reformuler les enfants sur la lecture qu’ils viennent d’entendre.
Il faut susciter, encourager la verbalisation. C’est le langage d’évocation qui est ainsi mis en
place.
Cette activité est concrétisée lorsque les enfants sont rassemblés pour écouter leur maîtresse lire
une histoire. Ensuite, ils partagent leurs découvertes, leur imagination, leur interprétation, leur
questionnement : c’est ce qu’on appelle la culture partagée.
On peut également, pendant la reformulation, retourner au texte et/ou à l’image pour favoriser la
compréhension. Les images viennent en renfort et aident à se souvenir.
Parler sur le livre : c’est fondamental ! Les lectures sont au service de l’oral. Le langage est
présent dans de réelles et concrètes activités de communication : c’est « le langage au cœur des
apprentissages ».
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VIII - Autres façons de découvrir, de présenter des albums
- On peut projeter les illustrations que l’on a photocopiées, scannées…à l’ensemble de la classe.
Le maître lit l’histoire au fur et à mesure de la projection.
- L’album est ouvert devant les élèves. Ils observent les illustrations. Le maître lit alors le texte
photocopié (ou recopié) au fur et à mesure.
Les images permettent et facilitent l’entrée dans l’écoute.
- On pourra également présenter (quand cela semblera réalisable) un album sans
texte ou un album où vous aurez, vous-même, supprimé le texte. A partir des
images et de leur mise en relation, les enfants imagineront, créeront une ou
plusieurs histoires.
IX - Fixer la mémoire des enfants.
Il est important que les albums lus soient visibles dans la classe et facilement accessibles aux
enfants. Des photocopies ou des photos numériques des couvertures, des vignettes découpées
dans les catalogues des éditeurs peuvent être collées sur des affiches. On peut y ajouter des
personnages, des éléments particuliers qui peuvent être utiles à la mémorisation…
On peut également faire la même chose sur un cahier des lectures de la classe (cahier
collectif…cahier individuel). Ces « carnets de voyage dans la littérature » pourront être emmenés
à la maison.
Garder la trace de ce qui a été lu, notifier la « mémoire » des livres, c’est très important.
Peu à peu, la mise en réseau sera possible, voire évidente pour certains élèves qui en parleront
d’eux-mêmes. Le maître pourra susciter, provoquer cette mise en réseau par la question ::
« A quel album vous fait penser celui que l’on vient de lire…et pourquoi. » ?
Alors, on recherchera l’album, on le relira, on y retournera , on retrouvera les indices qui
permettent de « mettre ensemble ».
Donc, régulièrement, les albums seront rapprochés les uns des autres pour des motifs variés,
différents. La mise en réseau pourra alors se faire et bien sûr elle sera explicitée : »Pourquoi les
avoir mis ensemble » ?...et on pourra créer des affiches réseaux.
X - Activités pour aider à approcher, à aborder l’idée de réseau :
Préparer une exposition sur un thème précis
Trier / classer / comparer des albums
Dégager des ressemblances entre des albums
Trouver un intrus dans une série
Fabriquer un imagier : les attributs d’un héros, des sorcières, des loups, des ogres, des
princesses…
Créer le musée des fées, des loups…(= faire une collection)
Exemples de réseaux en maternelle
Le héros : on retrouve le même dans plusieurs albums. On définit les critères de
reconnaissance : vêtements, aspect physique, caractère, comportement, famille, maison,
entourage…On arrive petit à petit à la notion de personnage principal…et plus tard de
série ou de collection.
Un personnage récurrent : le monstre, le loup, la princesse, la sorcière…Ils ont la même
identité mais ils sont différents : pas les mêmes vêtements, pas le même caractère…
Un thème : c’est une mise en réseau complexe sauf pour des thèmes très ciblés (Noël) et
ceux qui concernent les préoccupations des enfants : le coucher, la maladie, l’école, la
naissance d’un petit frère…
Un sentiment identique : l’amitié, la peur
Une structure de phrase identique et répétitive
Des illustrations qui se ressemblent : on pourra arriver à la notion d’illustrateur
Les lieux des récits : mettre ensemble les albums dont l’histoire se passe à la mer, à la
montagne, dans la forêt, dans un château. On peut faire une affiche récapitulative avec
tous les lieux des histoires lues.
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La collection : le réseau plus facile à réaliser après observation des objets-livres qui se
ressemblent (formats, illustrations…)
Parfois des réseaux pourront se croiser : ainsi une sorcière (du « réseau sorcières ») pourra se
retrouver dans le « réseau peur » ou le « réseau amitié »…
C’est donc à l’enseignant que revient la tâche d’éduquer un comportement de mise en relation et
de favoriser l’émergence du « C’est pareil…C’est comme… ». Il créera des conditions telles que,
peu à peu, les enfants vont comparer, associer, dissocier. Peu à peu, les enfants « penseront en
réseau » et pourront justifier leurs choix.
Il faudra organiser des parcours de lectures où on trouvera des ouvrages « du répertoire » et des
ouvrages nouveaux.
Ces parcours nécessitent une programmation rigoureuse.Un répertoire d’albums est à
programmer et à graduer. Un même album pourra être repris, avec des objectifs différents, à
plusieurs niveaux des cycles. (Cycle 1 + Cycle 2 – G.S./C.P.)
Une attitude, un comportement de lecteur
L’important est que, peu à peu, l’enfant va acquérir une attitude de lecteur : il aura le projet
d’apprendre à lire. Il saura pourquoi apprendre à lire, c’est bien, c’est nécessaire. Il découvrira les
finalités de la lecture : il lira des histoires, celles qu’il aura choisies. Il pourra, ainsi, s’informer et
communiquer sur un sujet qui l’intéresse.
Là encore, c’est l’Ecole Maternelle qui a un rôle prépondérant dans la construction du projet de
lecteur de l’enfant. Comme le dit Emilia Ferreiro : « L’enfant est un constructeur de
connaissances, il est curieux par nature ; il faut encourager, développer ses capacités de
chercheur et d’acteur dans ses découvertes du langage écrit. »
XI - Comment évaluer ?
Intérêt porté par l’enfant à la lecture du maître. Il est capable de se concentrer. Il est dans
la réception du message oral.
Il est capable de raconter, d’évoquer le texte lu (d’abord un passage…puis en entier).
Il va spontanément retrouver les affiches des albums lus.
Il va de lui-même retrouver les albums déjà lus (coin-lecture, BCD…)
Il est de plus en plus capable de trouver des points communs entre des albums, de faire
des comparaisons, de trouver des différences ou des points communs.
XII – Lecture et Ecriture
L’enfant acteur et producteur d’écrits
Dicter un texte individuellement à un adulte est LA compétence concernant le langage écrit et
plus particulièrement la rubrique Familiarisation avec la langue de l’écrit et la littérature.
La dictée à l’adulte
L’enseignant est un « écrivain public ». Il est aussi un pédagogue : au cours de la
production, il fait des commentaires, il accompagne oralement son écrit (ex : pour écrire
Le lapin saute il faut trois mots…le premier est un Le… etc…(André Ouzoulias)
Exemples :
- Raconter une histoire et demander d’imaginer la fin
- Raconter une histoire et demander d’envisager une « autre » fin
- Raconter le début et demander de raconter la suite
- Raconter le début et la fin et demander de raconter ce qui s’est passé « au
milieu » (au moins un événement)
Les rimes
Le reparamétrage d’album à partir de phrases répétitives ((André Ouzoulias)
XIII – Des albums qui donnent des idées pour en créer d’autres en classe
Des illustrateurs choisissent de tirer partie d’opérations et de procédés plastiques facilement
réutilisables en classe. (collages divers – dessins – modelage – photos – papiers découpés –
papiers déchirés – trouver et réaliser des effets matières etc…)
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