Rapport CESLR rôle et impact taureau et filière taurine LR

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Rapport CESLR rôle et impact taureau et filière taurine LR
REGION
LANGUEDOC-ROUSSILLON
__________
CONSEIL
ECONOMIQUE ET SOCIAL
LE ROLE ET L’IMPACT DU TAUREAU ET DE LA FILIERE TAURINE
EN LANGUEDOC-ROUSSILLON
16 septembre 1997
Le sujet caractérise l’unité dans la diversité du Languedoc-Roussillon que cette culture
symbolise. L’impact de la tauromachie d’une part comme celui de l’élevage et la tradition
camarguaise d’autre part sont très important, que ce soit sur le plan économique ou sur
le plan culturel. Le projet de la création d’une Ecole ou Académie d’équitation
camarguaise va dans le sens de la promotion et de la colorisation de cette activité
économique et culturelle.
Mots clés : taureau – Camargue – culture.
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E-mail: [email protected] – Site : www.cr-languedocroussillon.fr/cesr
RAPPORT D’ETAPE
LE ROLE ET L’IMPACT DU TAUREAU ET DE LA FILIERE TAURINE
EN LANGUEDOC-ROUSSILLON
AVERTISSEMENT ............................................................................... P 3
INTRODUCTION .................................................................................. P 4
PRESENTATION GENERALE............................................................. P 6
A - LA BOUVINE ................................................................................ P 8
I - HISTORIQUE ......................................................................... P 8
1 - L'évolution du territoire camarguais ............................... P 8
2 - La Camargue : un écosystème fragile et unique ........... P 9
3 - Le taureau de Camargue............................................... P 10
4 - Le cheval camarguais.................................................... P 11
I - LA FILIERE DE PRODUCTION ............................................. P 13
1 - Les caractéristiques du taureau de Camargue .............. P 13
2 - Les effectifs ...................................................................
3 - L'aire d'élevage..............................................................
4 - La filière agroalimentaire ...............................................
a) L'abattage ..............................................................
P 14
P 15
P 15
P 15
b) L'AOC "Taureau de Camargue" ............................. P 16
III - LES ACTEURS..................................................................... P 17
1 - Manades et Manadiers .................................................. P 18
a) Les manades ......................................................... P 18
b) Les manadiers ....................................................... P 18
2 - Les gardians amateurs .................................................. P 19
3 - Les clubs ....................................................................... P 20
4 - Les raseteurs................................................................. P 21
5 - Les cocardiers ............................................................... P 22
IV - COURSE CAMARGUAISE ET JEUX TAURINS ................. P 23
1 - La course camarguaise ................................................ P 23
a) Rappel historique ................................................... P 23
b) La course camarguaise aujourd'hui ....................... P 24
2 - Les autres jeux taurins .................................................. P 27
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V - VALORISATION ECONOMIQUE, TOURISTIQUE,
CULTURELLE ET MEDIATIQUE DE LA BOUVINE .............
1 - La dimension économique.............................................
2 - Valorisation culturelle et artistique .................................
3 - La médiatisation : presse et institutions.........................
P 29
P 29
P 30
P 31
a) La presse ............................................................... P 31
b) Les institutions ....................................................... P 32
B - LA TAUROMACHIE ...................................................................... P 33
I - HISTORIQUE.......................................................................... P 33
II - LA FILIERE DE PRODUCTION ............................................ P 34
III - LES ACTEURS..................................................................... P 35
1 - Les acteurs institutionnels ............................................. P 35
a) L'Union des Villes Taurines de France................... P 35
b) L'Association des éleveurs français de
taureaux braves...................................................... P 36
2 - Les professionnels français ........................................... P 38
3 - Les autres partenaires................................................... P 39
IV - LA CORRIDA ....................................................................... P 40
1 - Une brève description.................................................... P 40
2 - Les aspects juridiques ................................................... P 41
V - VALORISATION ECONOMIQUE, TOURISTIQUE,
CULTURELLE ET MEDIATIQUE DE LA TAUROMACHIE.... P 42
1 - Les férias ....................................................................... P 42
a) La Féria de Nîmes :
quelques indicateurs financiers .............................. P 42
b) La Féria de Béziers ................................................ P 43
c) Les autres festivals tauromachiques ...................... P 44
2 - La presse Taurine et les nouveaux médias ................... P 44
3 - La valorisation artistique et culturelle............................. P 46
C - QUELQUES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS ................... P 48
D - CONCLUSION............................................................................... P 49
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AVERTISSEMENT
Lors de sa réunion du 27 janvier 1997, le bureau du Conseil Economique et Social
Régional a, sur proposition du Président Jean-Claude BOUSQUET, décidé de réaliser
une autosaisine sur le rôle et l'impact du taureau et de la filière taurine en LanguedocRoussillon.
La réalisation de ce rapport a été confiée aux Commissions Industrie, Tourisme,
Agriculture - Pêche, et Education - Sports - Culture.
Un document d'étape sera présenté lors de la séance plénière du 16 septembre 1997.
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INTRODUCTION
"Le taureau est, en Occident, un animal déchu. Cette déchéance peut même être
datée avec une relative précision : les premiers siècles du christianisme" Ces
propos de Michel PASTOUREAU (1), fondés sur une brillante analyse du rôle des
religions antiques dans l'histoire de l'animal mythique, pourraient sembler iconoclastes
au voyageur qui parcourt le Languedoc-Roussillon. Difficile, en effet, mais tel n'était pas
l'intention de l'auteur, d'appliquer le qualificatif de déchu à un animal si présent dans nos
paysages et notre imaginaire.
En s'intéressant au rôle et à l'impact de la filière taurine dans l'économie régionale,
le Conseil Economique et Social a, d'abord, voulu montrer son intérêt pour l'analyse d'un
sujet qui symbolise, si parfaitement, cette unité dans la diversité du LanguedocRoussillon, à laquelle l'Assemblée consultative est tant attachée.
Nul ne peut, en effet, ignorer, même si le phénomène trouve son expression la plus
achevée dans la partie orientale de la région, l'influence du taureau sur la vie
quotidienne, et les pratiques traditionnelles de la plupart des habitants d'ici, de Nîmes,
dans le Gard, à Céret dans les Pyrénées Orientales, en passant par Béziers, pour ne
citer que ces trois hauts lieux de la culture taurine. On pourra, certes, objecter que
certains des territoires qui composent la région ont échappé à l'emprise du taureau, que
le Languedoc-Roussillon n'est pas l'Andalousie, et ne saurait être confondu avec la
Camargue. Il n'en demeure pas moins vrai que l'influence, en matière taurine, de
l'Espagne du Sud et de la Provence sur notre région, est indiscutable et bien réelle.
Il est une deuxième raison qui a conduit les Commissions du Conseil Economique et
Social Régional à s'intéresser à ce sujet : c'est l'ampleur des enjeux et leur dimension
multiforme. L'ampleur des enjeux n'est, d'ailleurs, probablement, pas le terme qu'il
conviendrait d'employer, si l'on veut parler de la dimension économique du sujet, tant les
choses sont imprécises. Le présent rapport d'étape n'a, en effet, pas réellement permis il faudrait y consacrer beaucoup de temps - d'évaluer, avec exactitude, le poids
économique de la filière taurine.
Les sources d'information relatives aux aspects financiers du phénomène sont, en effet,
disparates et hétérogènes, les évaluations approximatives, et les propos des experts non
1
Directeur d'Etudes à l'Ecole pratique des Hautes Etudes.
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denués d'ambiguité. La transparence n'est pas,
cardinale.
dans
ces
milieux,
une
vertu
Mais l'intérêt des réflexions menées par les Conseillers Economiques et Sociaux sur le
sujet tient, également, au fait que le rapport a été l'occasion d'aborder la question de
l'impact de la filière taurine sous les angles les plus divers : agricoles et
environnementaux, puisqu'on sait le rôle, en cette matière, de l'élevage et de la
reproduction des taureaux ; économiques et touristiques - férias, fêtes votives ;
culturelles et identitaires - écrivains et artistes sont là pour en témoigner ; bref une
activité plurielle, polymorphe, profondément ancrée dans la région.
Troisième et dernière raison d'aborder ce sujet difficile : démystifier sans détruire les
mythes.
Tauromachie - du grec tauros - taureau - et makhê - combat : art de combattre les
taureaux. Ce mot est probablement un des termes de la langue française qui suscite le
plus de passion. Il est, en effet, considéré comme synonyme de pratique de la corrida
espagnole, alors même qu'il englobe, également, selon un universitaire spécialiste de
ces questions Frédéric SAUMADE, la tauromachie camarguaise (ou bouvine). Il a donc
paru indispensable, au delà des précisions sémantiques, d'évoquer, sous son double
aspect, cette pratique, cette culture tauromachique d'inspiration, à la fois, provençale et
andalouse.
Les Commissions ont tenté, avec l'aide d'experts, d'établir les parallèles et les
différences entre ces deux facettes d'une même réalité.
La démarche se veut pédagogique et consensuelle. Il ne s'agit, pour le Conseil
Economique et Social Régional, ni de débattre, de façon stérile, de ce qui est de l'ordre
de la passion, ni d'opposer la corrida des villes à la course camarguaise des champs,
mais d'engager, de façon lucide et raisonnée, une réflexion sur la filière taurine, sur le
couple cheval - taureau, et plus fondamentalement, de regarder, non derrière soi, mais
plus loin, de l'autre côté du miroir, partiellement brisé, de nos espérances et de nos
angoisses, ce que sera la culture du taureau au XXIème siècle.
PRESENTATION GENERALE
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Les réflexions engagées par les Commissions Industrie Tourisme, Agriculture Pêche et
Education Sports Culture ont été enrichies par l'audition de nombreux experts, dont la
liste est annexée ci-après.
Soucieuses de réalisme, les Commissions ont, en effet, souhaité, à l'origine, que soit
dressé un bref panorama de ce que sont tauromachie camarguaise et tauromachie
espagnole, Bouvine et Corrida.
De ce point de vue, les passionnantes comparaisons établies par un expert (2) entre les
tauromachies andalouses et camarguaises ont permis de ne pas limiter les réflexions à
la seule question de la mise à mort, ou de la non mise à mort, de l'animal.
La différence entre la pratique des courses camarguaises, dont la vedette est le taureau,
et celle des corridas, où il joue le rôle de victime expiatoire, est importante. On ne peut
cependant ignorer, pour reprendre les propos de ce spécialiste, que cette différenciation
entre bouvine et corrida, entre courses andalouses et camarguaises a aussi "pour
corollaire un dualisme au niveau des structures économiques propres à chaque
type d'élevage" (1).
On trouve ainsi, dans l'élevage Camarguais, des éleveurs disposant de petites propriétés
à caractère quasi familial, bénéficiant d'une main d'oeuvre peu nombreuse, et engagés
dans une stratégie de sélection du bétail ouverte. Tel n'est pas le cas en ce qui
concerne les élevages de taureaux de combat, en Espagne, qui sont souvent aux mains
de riches et aristocratiques propriétaires, disposant de personnel salarié en grand
nombre, et cherchant à préserver la pureté de la race de leurs taureaux par une
sélection fermée.
2
"Production des taureaux de combat, une économie de l'image et des identités locales" article
F. SAUMADE - Economie Méridionale.
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L'histoire, la culture, les tendances économiques expliquent ces différences
entre deux pratiques, aux logiques souvent non convergentes. Pourtant, parce qu'elles
sont à l'origine d'une passion que partagent nombre des habitants d'une grande partie du
Languedoc-Roussillon, course camarguaise et tauromachie espagnole sont, souvent,
perçues comme fédératrices plus que comme concurrentes.
Le public ne s'y trompe pas, et si des préférences s'expriment, rares sont ceux qui
vénèrent l'une de ces pratiques en haïssant l'autre.
Mais pour distinguer, et ensuite aimer, il faut, d'abord, connaître, d'où une
présentation en deux volets, consacrés, d'une part à la bouvine, d'autre part à la corrida,
dans ce modeste rapport d'étape.
A - LA BOUVINE
I - HISTORIQUE
1 - L'évolution du territoire camarguais
La Camargue est un écosystème, constitué d'une mosaïque d'unités écologiques
structurelles et fonctionnelles, largement interdépendantes, mais ayant leur spécifité
propre (la basse plaine littorale, les marais, les sansouires...). Les taureaux - ils étaient
environ 3 000 en 1860 - en sont un des éléments de base.
Jusqu'aux années 1840, la moyenne et la basse Camargue étaient restées, presque
intégralement, à l'état de nature. Les plus productifs des vastes espaces naturels furent
affectés à l'élevage du mouton, le reste étant destiné aux taureaux et aux chevaux.
Ces territoires couvraient plus de 30 000 hectares dans l'île de Camargue. En raison de
leur faible valeur pastorale, seuls des animaux peu domestiqués, frugaux et résistants
aux vents glacés de l'hiver et au soleil brûlant de l'été, pouvaient y survivre en tirant parti
des maigres ressources disponibles.
Or c'est, paradoxalement, au moment où l'essor de l'élevage de taureaux devient réalité
que vont s'opérer les grands bouleversements écologiques qui aboutiront, lentement,
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mais inexorablement, à la raréfaction des pâturages et à leur altération. On citera,
simplement, l'endiguement de l'Ile de Camargue en 1859, et, plus tard, l'extension des
marais salants, l'intensification de l'irrigation par les pompages au Rhône, l'extensification
des activités de loisir sur les espaces "sauvages", l'urbanisation, la mise en culture de
vastes territoires, avec, en particulier, la riziculture.
Il est, actuellement, très difficile de trouver les pâturages nécessaires à l'entretien des
taureaux. Les salines, la riziculture, l'urbanisation, la chasse ont, en effet, sensiblement
réduit les espaces disponibles pour l'élevage. Alain Tamisier, chargé de recherche au
CNRS, indique que "la Camargue, au cours des quarante dernières années, a perdu
40 000 hectares de milieu naturel..." Elle est devenue, pour près de 60 % de sa surface,
une terre d'exploitations agricoles, salinières et industrielles.
A titre indicatif, on rappellera qu'en 1984, sur les 145 000 ha du triangle "Arles, Grau du
roi, Fos", ne persistaient que 57 000 ha de milieux naturels, dont 15 000 d'étangs,
18 000 ha de marais, 13 000 ha de sansouires et 3 000 ha de pelouses (Tamisier 1987).
Aujourd'hui, en grande Camargue, il reste, tout au plus, une quinzaine de milliers
d'hectares pâturables.
2 - La Camargue : un écosystème fragile et unique
Les enjeux sont importants. On sait qu'en règle générale l'abandon des terres signifie, à
terme, la disparition de certains paysages, d'où l'absolue nécessité de développer - ou, à
tout le moins, de maintenir - les élevages extensifs de troupeaux de taureaux qui peuvent
contribuer à préserver la beauté des paysages camarguais.
A l'inverse, en cas de surpâturage, l'équilibre écologique entre la végétation et les
brouteurs est rompu. A la consommation excessive des plantes, s'ajoute l'effet
destructeur du piétinement. Dans ces situations extrêmes, les caractéristiques
spécifiques des taureaux élevés en Camargue pourraient, à long terme, s'en trouver
altérées.
Ainsi le fonctionnement harmonieux d'un écosystème résulte-t-il d'un équilibre entre les
éléments qui le composent. Un écosystème dans lequel la végétation est un élément
important a besoin de son contingent d'herbivores. Les animaux assurent, par broutage,
vigueur et diversité à la végétation, les déjections apportent matière organique, et par
effet mécanique, le taureau aère les territoires touffus. Il entraîne dans son sillage toute
une faune qui enrichit l'écosystème. De là s'est forgée l'intime complémentarité entre
l'élevage taurin et le sol de Camargue.
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Mais ce schéma théorique idéal est loin d'avoir été mis en application sur le terrain.
En effet, on constate, parallèlement à la réduction des pâturages, l'installation, à grands
frais, de nouveaux manadiers sur de petites surfaces. Cette situation engendre une
diminution de terres disponibles à la location, et un chargement hectare supérieur à ce
qu'il devrait être. "Pour entretenir un taureau, précise Pierre Heurteaux du CNRS, il faut
compter 5 hectares de type garrigue, et 8 à 10 hectares d'enganes (salicornes). On est
bien loin du compte en Camargue, avec un effectif de cinq mille têtes sur une quinzaine
de milliers d'hectares". Ces constats imposent, à l'évidence, que la profession s'organise
et veuille bien mettre en oeuvre des procédures d'autorégulation.
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En ce domaine, le Syndicat mixte de la petite Camargue Gardoise a pris
d'intéressantes initiatives, en mettant en place une charte de l'Environnement. Cette
charte est, avant tout, un outil de développement au service d'un projet global qui prend
en compte l'activité taurine. Elle prévoit des actions en faveur du développement du
tourisme avec, notamment, la création d'un pays d'accueil.
3 - Le taureau de Camargue
La présence de bovins de race foncée a
été relevée en Camargue, dès la plus
haute antiquité. Des ossements de bovins,
aux cornes en forme de lyre, mêlés à des
squelettes de chevaux, ont été retrouvés
aux environs d'Arles. Les historiens
s'accordent pour admettre que l'Aurochs,
constitue la souche de base de tout le
peuplement bovin de l'Ouest du bassin méditerranéen. L'ensemble des races italiennes,
françaises et espagnoles en serait issu. Il faut admettre toutefois, que les avis sur le sujet
sont assez divers.
Si le mélange des races, au cours des âges, semble être une évidence, il parait
raisonnable de penser que c'est l'action du sol, du milieu, des conditions de vie, et
de l'homme qui a été, dans une large mesure, à l'origine de la spécificité du
"taureau de Camargue" d'aujourd'hui.
Divers témoignages semblent, en effet, prouver qu'une standardisation de la race
camarguaise était, déjà, à l'oeuvre dès le XVIIIème siècle. Le choix de ce standard a été,
progressivement, défini par un petit groupe d'éleveurs qui se réunissaient au cours
d'opérations de regroupement. Après l'époque des "croisés espagnols" de la fin du
XIXème siècle, on considère qu'actuellement les deux races de taureaux Camargue et
Brave semblent être devenues, génétiquement, distinctes.
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4 - Le cheval camarguais
L'existence de l'élevage du cheval est attestée en Camargue, dès l'époque romaine,
alors qu'il faut attendre le Moyen Age pour être certain de la présence de celui du
taureau. Leurs existences sont étroitement liées, et on ne peut parler de l'un sans
évoquer l'autre.
Le cheval de Camargue était, initialement, utilisé pour des déplacements, parfois avec
petits attelages ("remonte secondaire") et, de façon plus ponctuelle, pour le dépiquage
du blé ou, par les maraîchers, pour le trait léger.
Entre 1945 et 1960, la motorisation de l'agriculture et la modernisation des moyens de
transport ont, progressivement, conduit à la suppression de la traction animale. Durant
cette période, on a dénombré une vingtaine d'élevages de chevaux de camargue (de 30
à 35 juments). Mais les débouchés économiques étaient rares (pénurie alimentaire).
Quant à la clientèle, constituée essentiellement par les cavaliers de la région, elle
préférait se procurer des chevaux bien dressés, en provenance du Maghreb, et vendus à
des prix dérisoires.
En 1964, une douzaine d'éleveurs réagirent, créant une association d'éleveurs de
chevaux de Camargue, chargée d'édicter des règles en terme de reproduction (période
de structuration), de façon à obtenir un cheval "standard".
Aujourd'hui, les éleveurs de chevaux de Camargue, au nombre de 75, sont
regroupés au sein de "l'Association des éleveurs de chevaux de race Camargue".
Vingt d'entre eux sont, également, éleveurs de taureaux.
En 1978, un arrêté ministériel a instauré une réglementation officielle de contrôle exercée
par les Haras Nationaux. Les juments étaient sélectionnées par une Commission, qui
écartait celles non conformes aux critères du cheval de selle. Des concours d'étalon
furent organisés.
Le 75 élevages existants comptent, aujourd'hui, entre 4 et 15 juments chacun. Le
nombre de juments répertoriés est de l'ordre de 600, et elles donnent naissance,
chaque année, à environ 500 poulains.
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Quatre juments et 20 hectares d'un seul tenant sont les critères minima pour
prétendre à la qualification d'élevage, la moyenne étant de 7 ou 8 animaux. Les chevaux
sont élevés dans le berceau de la race, aire géographique semblable aux critères de
l'AOC, dont les délimitations doivent être rectifiées en fonction de la réalité.
Les juments n'étant pas montées, se pose le problème de débouchés pour les femelles,
dont les prix sont peu élevés. Les juments se vendent à l'âge de 6 à 7 mois (tiré de la
mère) autour de 6 000 francs, alors que les mâles sont proposés à la vente plutôt vers
2 ans 1/2 à 3 ans, entre 15 000 F et 18 000 F non dressés, 20 000 F à 25 000 F lorsqu'ils
sont dressés.
Le prix d'un étalon varie, lui, entre 30 000 F/35 000 F, voire 40 000 F/50 000 F pour un
étalon de renommé (primé).
L'effectif des chevaux de Camargue de monte, dont la durée de vie est de 15 à
20 ans, est d'environ 5 000 à 6 000. Ils sont concentrés géographiquement, 75 % des
élevages de ces catégories de chevaux se situant dans les départements du Gard et de
l'Hérault, "en petite Camargue" ou "Camargue de l'Ouest".
Il existe, par ailleurs, deux pôles d'élevage hors de France : en Allemagne, où les
élevages ne sont pas regroupés, et en Italie, où ils sont localisés dans la région de
Venise, à Ferrare dans une zone de marais. Ces éleveurs disposent de leur propre
législation.
L'élevage du cheval de Camargue dans le berceau de race répond, en fait, d'abord au
souci de préserver et de maintenir des traditions fortement ancrées (les pratiques des
jeux taurins camarguais etc...).
La légende du Baron de Baroncelli, qui enterrait ses chevaux debout et sellés, illustre le
respect qu'on vouait à ces animaux. C'est, en réalité, leur attachement à cette spécificité,
à cette exception culturelle, qui a conduit les responsables de l'Association à élaborer un
dossier - en cours d'instruction aujourd'hui - pour que le cheval de Camargue soit
reconnu au plan européen et mondial.
La dimension économique de cet élevage ne saurait, pour autant, être négligée.
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Certes la viande de cheval de Camargue ne dispose d'aucun débouché. Mais l'élevage
de ce type d'animal contribue au maintien des métiers traditionnels, tels la sellerie (une
selle coûte entre 9 000 F et 14 000 F), la bourrellerie, le maréchal-ferrant (au nombre de
20), la prophylaxie, le vêtement, etc... Ces métiers, liés à l'activité équestre camarguaise,
se transmettent de génération en génération.
L'Association pour la promotion du cheval de Camargue concourt, elle aussi, à la
valorisation de cette activité, en véhiculant une image de marque forte, non contestée, et
exportable. Les chevaux participent à de nombreuses animations ou manifestations
hippiques, d'origine très ancienne, comme cette course de chevaux de Camargue,
organisée à Nîmes, en 1995, à l'instar de celle qui s'est déroulée sur le champ de course
d'Aimargues, en 1884, (cf article annexe 1). Mais cette association, composée d'éleveurs
bénévoles, manque de moyens pour son organisation, et souffre, notamment, du partage
administratif lié à sa présence à "cheval" sur 2 régions et 3 départements.
La création d'une structure de promotion qui associerait, de façon cohérente, les
deux Camargues, et permettrait de dégager une certaine synergie, serait donc tout
à fait souhaitable. Cette démarche fédérative pourrait prendre la forme d'une école ou
académie d'équitation camarguaise, à l'instar des écoles d'équitation de Saumur, ou
de Vienne en Autriche, où des écuyers professionnels et amateurs disposeraient d'un
lieu de préparation. Une telle initiative serait, tout à fait, porteuse en terme d'image et de
retombées économiques.
II - LA FILIERE DE PRODUCTION
L'objectif essentiel de l'élevage et de la production de taureaux de Camargue est la
course camarguaise. La filière viande n'en constitue qu'un débouché accessoire.
1 - Les caractéristiques du taureau de Camargue
Le taureau de Camargue se caractérise par un petit format (rarement plus de 1,30 m
pour les mâles et 1,20 m pour les femelles), par sa robe noire ou brune, et par ses
longues cornes portées en croissant ou en lyre. Son poids varie de 200 à 270 kg pour
les femelles, et de 300 à 450 kg pour les mâles.
Le taureau, aux caractéristiques génétiques de type camargue dominante, est réputé
bon marcheur, résistant à la chaleur humide, aux insectes et parasites. Il est capable
d'utiliser une végétation pauvre et arbustive (BOUQUIGNY 1985). "De petite taille, sa
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ration alimentaire est relativement modeste, et il est plus léger et moins dévastateur que
ses congénères croisés ou espagnols" (3).
2 - Les effectifs
Utiles à l'agriculture pour le charruage et le dépiquage, chevaux et taureaux étaient
nombreux au XVIème siècle. "L'île seule du terroir d'Arles nourrit plus de 4 000 juments
et non moins de 16 000 boeufs" indique Pierre Quiqueran de Beaujeu, Evêque de
Sénés, dans le plus ancien texte (1551), parlant de la race bovine de Camargue. Ce
chiffre qui paraît élevé, peut être sujet à caution, car par la suite, au cours du XIXème
siècle, les évaluations oscillent entre 1 500 et 3 000 têtes, ce qui paraît plus plausible.
De 1860 à 1940, l'effectif du bétail (toute race confondue) évoluera peu, pour se
stabiliser autour de 3 000 bêtes. Or, paradoxalement, alors que l'on assistait à une
intensification des défrichements, et donc à la réduction des terres pastorales, l'effectif
des bêtes à cornes n'a cessé d'augmenter, depuis 1945. "En 1948, on dénombrait 5 000
têtes de bétail pour 32 manades (NAUDOT 1948). Puis, l'exploitation touristique des
activités taurines va occasionner un nouvel accroissement du cheptel bovin, avec 8 500
bêtes (5 800 camargues et 2 700 croisés ou espagnols) pour 52 manades recensées en
1977 (BEAUNE 1977), et 12 000 pour 80 manades en 1985".
Actuellement, les effectifs sont de l'ordre de 14 000 animaux (source FFCC), soit
5 000 dans le Gard, 6 500 dans les Bouches-du-Rhône et 2 500 dans l'Hérault. Ce
cheptel se répartit entre 130 et 140 manades, dont au moins la moitié dispose d'un
effectif de plus de 100 bêtes.
Cet accroissement s'explique par le développement du tourisme camarguais, et des
activités ludiques liées au taureau. Certains manadiers sont, pour survivre, devenus des
"ferradiers". Ces activités de loisir nécessitent un cheptel nombreux, mais la
disproportion qui existe entre les surfaces pâturables et le nombre de taureaux pose de
sérieux problèmes (3). On est, actuellement, à la limite du surpâturage. Cette situation
risque, d'ailleurs, de banaliser le taureau de Camargue en faisant, progressivement,
disparaître toutes les qualités qui le caractérisent (combativité, robustesse...).
La répartition entre mâles et femelles est relativement bien équilibrée dans un élevage,
ce qui est exceptionnel en élevage bovin. Les mâles sont destinés aux jeux et
spectacles taurins sans mise à mort, après une longue sélection qui commence vers
3
"L'homme et le taureau" J.N. PELEN - C. MARTEL Editions Glenat.
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l'âge de 3 ans. C'est au cours des 5ème et 6ème années qu'elle devient plus sévère,
les animaux effectuant, alors, trois ou quatre courses dans l'année.
3 - L'aire d'élevage
L'aire d'élevage se situe entre le littoral méditerranéen, Montpellier, Tarascon et Fos-surmer (cf. carte annexée). L'élevage du taureau de Camargue s'effectue selon un mode
extensif. La zone de transhumance, pour l'hiver, se situe plus au nord, dans les garrigues
situées sur les Alpilles, et sur les premiers contreforts des Cévennes.
L'ensemble des informations quantitatives disponibles concerne les départements des
Bouches-du-Rhône, du Gard, de l'Hérault et du Vaucluse. Il n'en demeure pas moins que
les activités liées à l'exploitation sportive (course camarguaise) et ludique (défilés) sont,
essentiellement, concentrées dans le Gard, en petite Camargue.
4 - La filière agroalimentaire
a) L'abattage
Le but principal des élevages de taureaux braves et des taureaux camarguais reste nous l'avons dit - le spectacle taurin. Mais il faut savoir que 60 % à 70 % des bêtes dans
un élevage ne sont pas aptes à la course. C'est pourquoi l'abattage d'une partie du
troupeau, chaque année, est essentiel à l'équilibre financier des élevages, et tout
simplement à leur survie.
C'est ainsi que, tous les ans, le manadier renouvelle son troupeau à 50 % ; 30 à
60 animaux par manade, soit 3000 bovidés au total, sont tués, chaque année, dans deux
abattoirs (abattoir Roux et Salazar de Tarascon, et dans celui de Nîmes). Leur
production globale est de 600 tonnes de carcasses par an (200 kg pour un boeuf et
150 kg pour une vache).
La trésorerie dégagée par l'abattage dégage entre un tiers et la moitié du chiffre d'affaire
d'un élevage. Actuellement, le prix de la viande s'est fortement valorisé, en passant de
18 F à 29 F le kg, en raison, notamment, de la crise bovine liée à la vache folle.
b) L'AOC "Taureau de Camargue"
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Depuis la publication du décret du 03/12/96, la viande issue d'animaux provenant
d'élevage de taureaux de race camarguaise ou de taureaux de race brave peut être
valorisée à travers l'Appellation d'Origine Contrôlée "Taureau de Camargue". La
reconnaissance de cette AOC est l'aboutissement de quatre années de travail menées
conjointement par l'Association de Promotion de la viande bovine de Camargue, la
Fondation du Parc National Régional de Camargue, l'Union Bétail Viandes Alpes
Méditerranée et l'Antenne Régionale Sud Méditerranée de l'institut National des
Appellations d'Origine.
L'article 1er de ce décret stipule que "seules ont droit à l'Appellation d'Origine
Contrôlée "Taureau de Camargue" les viandes fraîches de bovins mâles ou
femelles, nés, élevés, abattus et découpés dans l'aire géographique" et qui
concerne les départements des Bouches-du-Rhône, du Gard et de l'Hérault
(cf. Annexe 2).
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Pour cela, les éleveurs doivent se
conformer à une réglementation
stricte :
- élevage dans une zone sèche et humide bien déterminée ;
- nécessité de pâturer, pendant 6 mois de l'année, en zone humide ;
- chargement à l'hectare inférieur à 1 UGB/1,5 ha de landes, parcours, prairies
;
- élevage en extensif réservé aux animaux de race Brave, de race Camargue
ou de croisements Camargue - Brave ;
- critères de sélection génétique correspondent aux us et coutumes, liés à la
vocation des jeux taurins, à l'exclusion de critères bouchers. Mais les animaux
qui ont participé à des jeux taurins sont exclus de l'AOC ;
- livre d'inventaire des cheptels tenu à jour ;
- abattage effectué sur la zone de production dans des conditions
extrêmement précises.
Cette reconnaissance devrait permettre, non d'accroître la quantité de viande à
commercialiser mais, de mieux promouvoir un produit naturel et de qualité, issu
d'élevages extensifs.
Afin d'éviter toute dérive consistant à commercialiser de la viande sous
l'appellation AOC sans que les règles de production n'aient été respectées, il serait
nécessaire de mettre en place un contrôle effectué par les services de la
répression des fraudes.
III - LES ACTEURS
La bouvine camarguaise, compose tout l'environnement du taureau. Elle prendra le
caractère qu'on lui connaît actuellement au cours de la décennie 1860, sous l'influence,
notamment, du développement des corridas et des divers spectacles taurins.
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1 - Manades et Manadiers
a) Les manades
Une dizaine de manades en 1860, quelques 52 en 1977, entre 130 et 140
actuellement avec en moyenne 130 taureaux disposant de 200 ha de pâture :
l'augmentation du nombre d'élevages est saisissante. Elle s'explique, pour partie, par
l'engouement de chacun, et des touristes en particulier, pour un retour aux sources, et la
recherche d'une authenticité typiquement locale.
Mais la rentabilité, si elle n'est pas le but essentiel, reste, néanmoins, un souci
permanent pour tout manadier qui veut conserver son élevage. Les terres incultes
rapportent très peu. Aussi cultive-t-on, de plus en plus, ce qui représente autant
d'herbages en moins pour les taureaux. En fait, nombre de manades rencontrent des
difficultés pour équilibrer charges et recettes, et ne développent que lentement leur
activité.
b) Les manadiers
Deux associations, l'Association des manadiers de Taureaux de Camargue, et
l'Association des éleveurs de Taureaux de race Camargue regroupent l'essentiel des
manadiers. Cette profession a vu le jour vers 1860, à partir d'un groupe d'une dizaine de
manades. Depuis la dernière guerre, on a assisté à une augmentation spectaculaire de
leurs effectifs. Ils étaient 55 en 1977 avec, d'ailleurs, seulement 24 gardians vivant
principalement de ce métier. La plupart d'entre eux sont exploitants agricoles, mais
exercent une activité complémentaire. 108 manadiers sont regroupés au sein de la
Fédération Française de la Course Camarguaise (FFCC).
Les manadiers sont réticents pour engager du personnel en raison de l'équilibre précaire
de leur budget et la lourdeur des charges sociales. Ainsi, sur la centaine de manades
existantes, une quinzaine seulement emploient 1 ou 2 salariés, soit au total environ
30 gardians salariés inscrits au sein de "l'Amicale des gardians salariés". La manade
LAFONT, à titre d'exemple, n'emploie aujourd'hui que deux gardians, alors qu'ils étaient
cinq au cours des années 50. De ce fait, la main d'oeuvre non salariée, avec les aides
familiaux et les gardians amateurs, est très importante.
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La bouvine est, à l'évidence, à l'orgine de la création d'un certain nombre d'emplois. Les
évaluations sont, cependant, rendues difficiles par le fait que de nombreux gardians ont
une activité salariée à temps partiel, et exercent un autre métier (dans l'agriculture etc...).
En fait le problème de la qualification professionnelle va se poser à terme dans ce
secteur.
Le manadier est un chef d'entreprise. Sa responsabilité est déterminante dans la
conduite de son élevage. C'est au printemps qu'il devra prendre une série de décisions
qui engagent l'avenir de son élevage, et la réputation de la manade, à travers la qualité
des cocardiers qui seront présentés. La sélection est rustique, empirique, sans base
scientifique. C'est en s'appuyant sur une somme d'observations collectées au fil des ans
que les éleveurs essaient de rassembler vaches et taureaux ayant un tempérament, des
aptitudes propices. Cette sélection consiste donc, très schématiquement, à choisir les
géniteurs, (vaches et étalons), à repérer et tester les cocardiers pour évaluer leur
robustesse, leur agressivité, leur combativité et leur endurance, ainsi que les jeunes
taureaux de 2 ans. A l'automne les bêtes improductives seront, alors, envoyées à
l'abattoir.
La nécessité de diversifier les sources de revenu pour assurer l'activité de leur manade,
a orienté les éleveurs vers l'organisation de courses, dont la trop grande multiplication,
aujourd'hui, risque, d'ailleurs, d'en dénaturer l'esprit.
Il est donc évident qu'une certaine discipline interne va devoir s'imposer, si l'on
veut assurer la promotion et le développement d'une authentique tradition, dont les
manadiers, hommes de passion, savent à quel point elle peut être fragilisée.
2 - Les gardians amateurs
Les gardians, bénévoles, sont un rouage essentiel et vital dans le fonctionnement d'une
manade. Sans leur action désintéressée, le monde de la bouvine n'aurait pas le
rayonnement qui est le sien aujourd'hui, d'autant que - et la chose n'est pas négligeable
sur le plan économique - à raison de 20 gardians amateurs en moyenne par manade, ce
groupe représente, à lui seul, quelques 2 000 acteurs de terrain qui possédent
environ 2 600 chevaux. Leur motivation, c'est l'amour du taureau et du cheval mais
aussi la fierté qu'ils éprouvent d'être au service d'une manade. Pratiquant l'équitation de
loisirs, ils possèdent un cheval, qu'ils peuvent, en contrepartie des services qu'ils rendent
au manadier, laisser paître sur ses près.
L'impact économique de cette population n'est pas négligeable, La dépense annuelle
nécessaire à l'achat de chevaux, harnachement, alimentation, sellerie, ferrures,
prestations vétérinaires s'élèverait, annuellement, à environ 22 M.F. (source FFCC).
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3 - Les clubs
Fin XIXème, début XXème, les clubs taurins apparaissent et se multiplient, en même
temps que la presse taurine. En 1897, la naissance d'un des premiers clubs taurins, celui
d'Arles, est enregistrée. A partir de cette époque, la course camarguaise évolue vers un
spectacle de plus en plus codifié, sous l'influence des sociétés taurines.
Le 10 octobre 1975, la Fédération Française de la Course Camarguaise (F.F.C.C.) a
été agréée et la "Course camarguaise" reconnue comme sport par le Secrétaire
d'Etat à la Jeunesse et aux Sports. C'est désormais la FFCC, en réunissant toutes les
parties prenantes de la course camarguaise qui devra résoudre les problèmes et
promouvoir la course.
Actuellement, le nombre de clubs taurins fédérés à la FFCC est de 230 avec
1 418 licenciés en 1996 (1 385 en 1995).
Constitués sous la forme d'associations loi 1901, ils organisent avec les comités des
fêtes locales, les courses et les animations taurines, généralement prévues à l'occasion
des fêtes votives. Ces clubs taurins sont donc le lieu d'élaboration et d'animation, dans
les villages, des manifestations festives liées au taureau.
La finalité des clubs peut se résumer en trois points
- maintien et développement des traditions, et principalement des courses de
taureaux ;
- défense des spectacles taurins et des "aficiouna" ;
- information et divertissement des membres du club
On distingue trois types de clubs
- les clubs taurins organisateurs, soit les 2/3 des clubs taurins fédérés,
- les clubs à vocation culturelle (réunions, colloques, films, expositions,
sorties...),
- les clubs formateurs que sont les écoles taurines.
En 1996, sur les 704 courses enregistrées, les clubs en ont placé 455 sous leur
égide, soit près de 65 %. Ils assurent ainsi, un rôle essentiel dans la continuité, la
défense et la promotion des courses de taureaux.
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4 - Les raseteurs
Le raseteur est un sportif à part entière, dont la préparation physique doit être parfaite,
en raison de la nature de la course camarguaise (il s'agit d'un sport à hauts risques), et
de l'augmentation du nombre de courses durant la saison.
111 raseteurs sont recensés par la FFCC. A l'origine formés "sur le tas", ils peuvent,
aujourd'hui s'inscrire dans une école taurine. On peut citer parmi les plus célèbres : Rey,
Fidani, Volle, Soler, Castro, Chomel. Une "association des raseteurs", sorte de
syndicat fondé en 1966, défend les intérêts de ce groupe, et participe aux travaux
destinés à améliorer les conditions d'exercice de leur activité.
Il existe cinq niveaux de qualification de raseteur, pour pouvoir participer aux courses
d'un niveau graduellement croissant : Ecoles de raseteurs, courses de Protection
(raseteurs stagiaires), courses du Groupe 2, course de l'Avenir, et pour finir la course
des As (cf. Annexe 3).
Les raseteurs les plus renommés, dont les organisateurs des courses veulent s'attacher
les services, peuvent, généralement, négocier des primes fixes variant de 800 F à
6 000 F (voire 15 000 F). Elles viendront s'ajouter, à l'issue de la course, au montant des
primes enlevées (de 300 F à 3 000 F par raseteur).
Pour s'approprier les attributs (cocarde, glands, ficelles) que porte le cocardier (taureau),
le raseteur utilise le crochet provençal. Dans son travail en piste, il est aidé et conseillé
par un ou plusieurs tourneurs qui place le biòu (taureau) dans les meilleures conditions
pour l'aborder (le raseter). Souvent anciens raseteurs eux-mêmes, ils sont
actuellement, une trentaine, et perçoivent une rémunération de l'ordre de 20 % du
montant des primes enlevées par le raseteur.
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La dimension économique de la course camarguaise ayant tendance à s'affirmer
(spectacles de qualité exigées par le public, règles de plus en plus strictes, sélection des
animaux de plus en plus rigoureuse), les raseteurs vont, dans l'avenir, devoir faire, de
plus en plus, preuve de qualités professionnelles.
5 - Les cocardiers
On distingue parmi les taureaux qui participent aux courses :
- les cocardiers,
- les vaches cocardières,
- les taureaux jeunes,
- les étalons.
Estimés à plus d'une centaine actuellement, les cocardiers sont des taureaux,
généralement castrés, qui ont fait l'objet d'une stricte sélection préliminaire, destinée à
déterminer leurs aptitudes à la course camarguaise. Leur service en course dure de
5 à 10 ans, pour 4 à 12 sorties annuelles. Parmi les plus célèbres, on peut citer : le
Sanglier (1920), Vovo (1950), Goya (1970). Ils représentent environ 5 à 10 % de
l'élevage d'une manade comptant, en moyenne, de 130 bêtes.
L'évolution du nombre de cocardiers est, bien évidemment, liée à celle des manades, et
à l'accroissement du nombre de courses organisées ces dernières années : 717 en
1993, 762 en 1994, 786 en 1995, 765 en 1996.
Les courses sont une source de revenu nécessaire à l'équilibre financier de l'exploitation.
La location d'un cocardier peut se négocier entre 2 000 F et 30 000 F pour une
course, selon la valeur du taureau.
L'ambition de tout manadier est de voir émerger, au sein de sa manade, le cocardier de
valeur, capable de triompher dans les plus grandes arènes, face aux raseteurs les plus
prestigieux. Il existe un prix pour consacrer les mérites du meilleur cocardier de l'année,
c'est le Biòu d'or. Créé en 1954, il est, aujourd'hui, géré par le Provençal, Midi-Libre,
Pastis 51 et le Crédit Agricole. Ce trophée est la récompense suprême convoitée par les
manadiers.
IV - COURSE CAMARGUAISE ET JEUX TAURINS
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Le Languedoc-Roussillon dispose de 151 pistes et arènes dont 61 d'une capacité
moyenne de 1 300 places, essentiellement concentrées en Camargue et sa périphérie
(exclusion faite des arènes de Nîmes et de Palavas). Ces arènes appartiennent
généralement, aux municipalités, et sont mises à la disposition des clubs (cf. Annexe 4).
Elles constituent la scène du spectacle populaire que sont les courses et les jeux
taurins. Mais ce spectacle populaire, cette passion pour le taureau, ne se vivent pas
seulement dans l'arène, mais aussi à l'extérieur, dans les rues et ruelles de plus de
200 communes, réparties sur les quatre départements de la zone taurine. Chacune
d'elles organise, en moyenne, une dizaine de courses et défilés par an.
1 - La course camarguaise
a) Rappel historique
La course camarguaise a pour origine un jeu pratiqué par les valets de ferme avec les
taureaux destinés à l'abattoir. Le plus ancien témoignage remonte à 1402, et concerne
l'organisation d'une course donnée à Arles en l'honneur de Louis II, Comte de Provence.
C'est dans les années 1890 que les éleveurs de taureaux prirent conscience de
l'importance de la race du taureau "Camargue" qui, grâce à sa morphologie et à sa
combativité, le prédisposait à la course, plutôt qu'au travail ou à la production de viande.
A partir du XIXème siècle, la course camarguaise devient la finalité essentielle, mais non
exclusive, des éleveurs, car il n'était pas possible de vivre de cette seule activité. Cette
activité festive prit, ensuite, son essor. Le Marquis Folco de Baroncelli-Javon, aristocrate
d'origine Florentine, devenu manadier, a largement contribué à promouvoir la course
libre et les jeux taurins des XIXème et XXème siècle.
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b) La course camarguaise aujourd'hui
Autrefois simple divertissement, la course camarguaise possède, aujourd'hui, un
règlement strict, s'est dotée d'une fédération (la Fédération Française de Course
Camarguaise) (FFCC), et fonctionne avec des acteurs aux compétences
professionnelles souvent reconnues (manadiers, raseteurs, et tourneurs, clubs taurins,
organisateurs).
La course camarguaise, appelée également course à la cocarde, est une
manifestation tauromachique propre au Midi de la France (Basse Provence et
Languedoc Oriental), dans laquelle les raseteurs, équipés d'un crochet, tentent d'enlever
des attributs (cocarde, glands, ficelles) placés sur le frontal et les cornes d'un taureau ou
d'une vache.
Le succès de ces manifestations, qui comportent plusieurs catégories, va grandissant
auprès de la population touristique.
Il convient de distinguer les courses organisées dans le cadre du Trophée des As,
celles du Trophée de l'Avenir et les courses du Groupe II.
La saison 1994 en quelques chiffres
- 762 courses officiellement répertoriées (soit Bouches-du-Rhône 223,
Gard 361, Hérault 172, et Vaucluse 6).
- 112 raseteurs assistés de 37 tourneurs.
- Une royale se négocie entre 8 000 F à 50 000 F.
- La location d'un taureau : 2 000 F à 30 000 F.
- La prime fixe d'un raseteur : 800 F à 6 000 F.
- Le prix du Trophée des As : 25 000 F.
- Le prix du Trophée de l'Avenir : 8 000 F.
- Le prix du Groupe II : 8 000 F.
(source : article de presse)
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Source FFCC
EVOLUTION DU NOMBRE DE COURSES PAR CATEGORIE (95/96)
et DONNEES FINANCIERES POUR LA SAISON 1996
1995
Nombre
1996
Nombre
Coût de
location des
taureaux
Budget
moyen (4)
Nombre de
spectateurs
d'une course
moyens
Trophée des
as
124
124
20 000
48 500
600
Trophée de
225
208
10 000
24 500
400
Protection
174
163
2 000
7 000
200
Divers
264
270
3 000
14 000
(300)
Total
787
765
l'avenir
4
Budget : Frais d'affichage, location taureaux, primes raseteurs, frais médicaux.
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Source FFCC
Source FFCC
Si l'on estime à 400 personnes le nombre moyen de spectateurs assistant à une course,
pour un prix moyen de place de l'ordre de 35 F (25 F à 50 F suivant la course), on peut
considérer que les seules recettes de la billetterie, versées par 280 000 spectateurs,
s'élèvent globalement à quelque 9,7 M.F. Mais ces recettes ne suffisant pas pour
équilibrer les frais engagés pour l'organisation des courses, le complément financier est,
en général, obtenu grâce au bénévolat (organisation de lotos, tombolas, sorties au pré,
etc...).
L'activité bouvine est, aujourd'hui, en plein essor. Pourtant, paradoxalement, la
multiplication désordonnée des courses accentue le risque d'aggravation des déficits,
compte tenu du fait que le nombre de spectateurs stagne, depuis quelque temps. Il ne
faudrait pas que la course camarguaise soit victime de son succès.
Les acteurs de la course
- les raseteurs : 6 à 10 suivant le type de course,
- les taureaux : 6 à 8 taureaux (taureaux baptisés ou non, étalons, vachettes),
- les tourneurs : 2 à 5 suivant le type de course,
- les manadiers/gardians : 6 à 8 accompagnants pour préparer les taureaux,
- les organisateurs : les clubs, comités des fêtes, mairies, régies municipales,
etc...
- les spectateurs : de 200 à 300 personnes pour les petites courses, 3 000 à
4 000 personnes pour les courses de haut niveau, 10 000 à 12 000
personnes aux arènes d'Arles pour la "Cocarde d'or".
Les différents types de course camarguaise (cf. Annexes 5,6,7)
- Le trophée taurin regroupe :
- Trophée des as : compétition des meilleurs éléments.
- Trophée de l'avenir : jeunes cocardiers et raseteurs de moins de 25 ans.
- Groupe 2 : Protection, autres : (raseteurs stagiaires, évaluation des jeunes
taureaux).
- Le trophée des As et de l'Avenir fonctionne du mois de Mars à Novembre
comme un championnat sportif.
- Parallèlement sont proposés de petits trophées tels :
- la Palme d'Or à Beaucaire,
- la Cocarde d'Or,
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- le Trident d'Or,
- la Ficelle d'Argent,
- le Trophée des Maraîchers.
...
- Le palmarès établi dans le cadre de ces petits trophées, est pris en compte
pour le trophée taurin.
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Les différents types de course
camarguaise (cf. Annexes 5,6,7)
- Les principales courses (Mars à Novembre)
- la Royale : les six meilleurs taureaux d'un même élevage,
- le concours de manades : course composée de taureaux de plusieurs
élevages,
- la course de Taù : course de taureaux non castrés,
- la course de vaches cocardières : course de vaches exclusivement,
- la course de protection : course de taureaux jeunes avec raseteurs
débutants (stagiaires).
Evolution des courses de taureaux "Baptisés"
1980 : 41 manades ont fourni 509 taureaux (chacun sortant entre 1
et 16 fois) pour 352 courses.
1985 : 54 manades ont fourni 613 taureaux (chacun sortant entre 1
et 12 fois) pour 353 courses.
1990 : 62 manades ont fourni 640 taureaux (chacun sortant entre 1
et 13 fois) pour 378 courses.
Source : article de presse
Le nombre de taureaux "baptisés" a fortement augmenté (509 à 640) comparativement
aux nombres de courses organisées (352 à 378). Cette situation entraîne, forcément,
une diminution moyenne du nombre de taureaux par course, et donc une diminution des
recettes par manade, en raison de la concurrence de plus en plus sévère qu'elles se font
entre elles (41 à 62).
2 - Les autres jeux taurins
L'éleveur de taureaux de Camargue n'est plus seulement fournisseur de bêtes de
courses. Il est devenu, par nécessité économique, organisateur de spectacles et
d'animations pour les touristes en quête de sensations, et pour tous les afeciouna. Cette
évolution a favorisé l'émergence de spectacles de rue qu'il a, nécessairement, fallu
réglementer afin d'éviter les dérapages et les accidents.
Parmi les divers jeux taurins on en citera quatre :
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La ferrade consiste à marquer au fer, généralement formé des initiales de la
manade, les jeunes taureaux nés au printemps précédent , les anoubles.
L'abrivado (d'abrivar : accélérer, lancer) se définit comme l'arrivée des taureaux pour la
course. Elle avait lieu, à l'origine, au moment du déplacement des manades de leur
pâturage d'hiver (garrigues) vers leur pâturage d'été.
La bandido (de bandir : élargir, lacher) départ des taureaux depuis les arènes vers les
pâturages. Elle avait lieu, à l'origine, lorsque la manade était transférée vers les
pâturages d'hiver.
Actuellement, abrivado et bandido, c'est-à-dire l'arrivée des taureaux pour la course, et
leur départ, une fois celle-ci achevée, simulent, en une seule journée, l'accomplissement
du cycle annuel de l'exploitation d'un troupeau.
L'encierro : manifestation d'origine espagnole ; désigne, aujourd'hui, un lâcher de
taureaux ou de vachettes dans un espace du village ou de la ville, clôturé par des
barrières.
Nombre de manifestations taurines (autres que les courses)
1996


Abrivados
Bandidos
plus de 2 000
Coût moyen


3 500 F
Ancierros
plus de 2 000
2 000 F
Ferrades
plus de 2 000
3 000 F
toros plus de 1 000
2 000 F
Courses
de
nuits,
piscines
Source FFCC
Les fêtes votives en pays de bouvine sont les moments privilégiés de libre
expression populaire et de défoulement. Elles sont, toutes, conçues autour d'un
schéma référentiel qui marque l'évènement de l'empreinte du taureau. Une journée de
fête votive se déroule, invariablement, de la façon suivante : déjeuner aux près, abrivado,
course, et bandido ou encierro. Apéritifs dansants, bals nocturnes, peñas, contribuent à
animer les différentes séquences de la journée.
V - VALORISATION ECONOMIQUE, TOURISTIQUE, CULTURELLE ET MEDIATIQUE
DE LA BOUVINE
1 - La dimension économique
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Les jeux taurins attirent de plus en plus de spectateurs qui sont autant de
consommateurs et clients pour les commerces locaux. Selon une étude récente, "sur les
trois départements que sont l'Hérault, le Gard et les Bouches du Rhône, en une saison
taurine on dénombre, environ, deux millions de spectateurs, ce qui correspond à la
population du Languedoc-Roussillon". La bouvine contribue, ainsi, au développement du
tourisme intérieur, en attirant nombre de vacanciers venus, durant l'été, séjourner sur le
littoral méditerranéen. Ainsi on estime que 40 % des touristes séjournant sur le territoire
camarguais se rendent, au moins une fois, à un spectacle taurin ou dans une manade.
L'apport de la filière taurine à l'économie locale et régionale est extrêmement difficile à
évaluer, dans la mesure où il s'agit, le plus souvent, d'une activité à caractère périodique
dont bénéficient quelques professions (cafés, hôtels, restaurants). Quant aux autres
secteurs, dont l'activité repose sur l'exploitation du taureau, et de son image, ils sont très
hétérogènes (sellerie, soins vétérinaires, couture...) mais on ne saurait, pour autant, les
négliger. A titre d'exemple on signalera que Souleïado, les Indiennes de Nîmes, les
Olivades sont les trois plus grosses entreprises fournisseuses de vêtements dans le style
camarguais.
Quelques indications (source FFCC) :
- l'activité générée par les courses camarguaises traditionnelles dans le secteur caférestauration s'élèverait entre 10 et 11 M.F.
- la dépense moyenne d'un aficiouna pour une saison taurine s'élèverait à 3 000 F. Les
30 000 Aficiouna dépenseraient donc au chaque année quelques 9 M.F.
L'impact économique du taureau et du cheval est, en fait, difficilement évaluable.
Selon la FFCC l'activité économique générée par la course camarguaise s'élèverait
à quelques 150 MF sur les deux régions (5).
5
Provence Alpes Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon.
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2 - Valorisation culturelle et artistique
La course camarguaise, et plus largement l'ensemble des activités liées au taureau,
jouent un rôle important dans le maintien et le développement de traditions ancestrales,
très ancrées dans les us et coûtumes locaux. Ces activités taurines ont contribué à
forger l'histoire de la Camargue et donc de son patrimoine. Il importe donc, de mieux les
faire connaître, de les valoriser, par exemple en favorisant une
concertation entre les éleveurs de taureaux et les éleveurs de chevaux,
faire évoluer, en les associant à des manifestations liées à d'autres
traditionnelles régionales : tambourin, joutes, et spectacles de
véritable
et de les
activités
chevaux
camarguais. Le développement est, en effet, une affaire d'imagination et d'innovation, et
il serait fort dommage que la réalité camarguaise devienne une survivance folklorique.
Mais la bouvine a également une fonction éducative importante. L'existence de six
écoles taurines dynamques dans l'Hérault (dont Mauguio, Vendargues, Pérols) et de
sept dans le Gard (dont St Gilles, Vauvert, Nîmes) en apporte la démonstration. L'école
taurine joue le rôle de conseillère, permet d'encadrer les jeunes, de leur donner les
bases techniques nécessaires à la pratique de l'art du raset, mais aussi de favoriser
l'épanouissement de la personnalité des futurs raseteurs.
En fait la course camarguaise joue un rôle social important, car elle est un
excellent facteur d'intégration, impliquant toutes les tranches d'âge et toutes les
classes sociales. Elle contribue activement au renforcement de la cohésion sociale en
Languedoc-Roussillon.
La bouvine est, également, pour de nombreux artistes locaux, source d'inspiration.
Aquarelles, photographies, huiles... rivalisent à travers expositions et vernissages, à
l'exemple de celle du CAILAR, au cours de laquelle plusieurs artistes contemporains (10
en 1997) se confrontent sur le thème de la course libre.
Force est, cependant, de constater que si l'image de la bouvine et de la Camargue est
très porteuse et très attractive, elle n'est, nullement, associée, par les touristes, à celle du
Languedoc-Roussillon, mais plutôt à celle de la Provence.
Peut être serait-il opportun que les structures chargées de la promotion de notre
région, de ses départements, et de ses villes utilisent davantage l'image, très
valorisante, de la Camargue.
3 - La médiatisation : presse et institutions
a) La presse
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La connaissance d'une culture passe, notamment, par celle des moyens de
communication et des systèmes de diffusion qui la véhiculent (l'homme et le taureau).
Le soutien de la presse est donc important pour le développement et l'affirmation de
cette tradition.
Les journaux et revues qui traitent de la bouvine sont :
- Les quotidiens : "La Marseillaise", "Midi-libre", "La Provence", qui assurent une
couverture complète des manifestations tauromachiques du Languedoc et de la
Provence.
L'activité de la course camarguaise est donc assez bien relayée, notamment par, le
quotidien régional Midi-libre. En pleine saison, une page entière lui est quotidiennement
consacrée (seul le Football bénéficie d'autant d'espace).
Mais la lecture de cette presse à grand tirage reste parfois incompréhensible pour un non
initié, car exclusivement destinée à l'afeciouna, intéressé par le compte rendu très
technique des courses de la veille.
- L'image, la photographie, que la presse spécialisée sait remarquablement utiliser à son
profit, fait, également, défaut dans la presse quotidienne, ce qui est fort regrettable. La
photo, support de l'information, soutient, en effet, le propos, l'illustre, l'explique, le
prolonge. Elle perpétue l'action et permet de transmettre l'intensité des grands moments
de la course.
- Les revues spécialisées, telles "l'Arène", "Terres camarguaises", et "La Fe di Biou"
nouveau mensuel conçu et réalisé par la Fédération Française de la course
camarguaise, évoluent dans un contexte difficile et insuffisam-ment organisé. Il convient,
par exemple, de signaler la disparition récente de "la Bouvino" et de "Camariguo".
Contrairement à ce qui se passe pour la corrida, l'information sur la course camarguaise
est quasiment inexistante dans la presse nationale.
- Deux serveurs télématiques sont à disposition sur le Minitel code 3615 Bouvine et sur
INTERNET par Espèces/Bovins/Camargue. Destinés aussi bien aux amateurs qu'aux
professionnels, ces serveurs fournissent le programme détaillé des courses, la
présentation des manades, les classements, les écoles taurines, etc...
b) Les institutions
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Le caractère exceptionnel et spécifique de la bouvine est un atout inestimable pour la
région. Sa promotion mérite d'être assurée, et certaines institutions y sont attachées. Le
Conseil général du Gard d'une part, le Conseil Général de l'Hérault, qui offre chaque
année des courses gratuites au cours d'une manifestation baptisée "Taureau d'O",
d'autre part, s'emploient à faire connaître et développer cette tradition, afin de rassembler
les hommes autour d'un même emblème : le taureau. La FFCC a, également, sollicité la
Région pour le financement d'une campagne de communication.
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B - LA TAUROMACHIE
I - HISTORIQUE
Au début, il y avait le Minotaure.
A la fois craint et admiré, ce monstre de la mythologie grècque, mi-homme mi-taureau,
est né des amours de l'épouse du Roi Minos, Pasiphaë, et d'un taureau blanc envoyé par
le Dieu de la mer, Poseïdon.
Thésée, Roi légendaire d'Athènes, fut-il le premier matador virtuel, et le labyrinthe, la
première arène ? On pourrait le penser.
Certains passages de la Bible font référence à des sacrifices de "taureaux braves".
L'origine des courses de taureaux remonterait, selon certains historiens, à la préhistoire
ou aux civilisations babylonienne, égéenne ou encore phénicienne.
Les fêtes taurines n'auraient pas existé sans le taureau brave. L'origine de cette race
est l'aurochs, boeuf sauvage de grande taille, qui était répandu dans de nombreux pays.
Cet animal primitif a, peu à peu, disparu du paysage animalier européen. Seule
l'Espagne a réussi, en s'appuyant sur la tradition, à en maintenir, jusqu'à nos jours, la
descendance.
Les jeux du taureau ont connu de nombreuses évolutions. Les Romains, friands des jeux
du cirque, introduisirent les festivités tauromachiques, selon des modalités qui n'ont que
peu de lien avec les corridas organisées, aujourd'hui, en Espagne, dans le sud de la
France, et en Amérique latine. A cette époque les hommes avaient peu de chances
d'éviter une issue fatale. Le public, convié aux jeux romains, souhaitait que les combats
soient des plus féroces possibles.
D'une toute autre nature sont les spectacles modernes issus de la tradition espagnole.
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Les corridas intégrales, dites également corridas à l'espagnole, ont pour origine
les divertissements singuliers pratiqués par les employés des abattoirs de certaines villes
de la péninsule ibérique. Selon Bennassar (*) ceux-ci, dès le XVI siècle, se mirent à
combattre dans l'enceinte des abattoirs de Séville - en toute illégalité - les animaux
destinés à la boucherie.
Cette pratique réussit à s'étendre. Les autorités de l'époque tentèrent d'empêcher que
cette situation perdure, mais, finalement, le peuple eut gain de cause.
II - LA FILIERE DE PRODUCTION
LA RACE BRAVE
C'est en Espagne et au Portugal que cette race s'est
développée. J. CHIFFRE précise dans sa thèse (6) de doctorat
vétérinaire, intitulée "les races bovines camarguaises", que la
première introduction de reproducteurs espagnols dans le sud de
la France date de 1869 (7). Par la suite, des éleveurs de la Crau,
en particulier, tentèrent de reconvertir leurs élevages à la race
brave.
G. BEAUNE avait publié en 1977, pour le compte du parc naturel de Camargue, un
rapport intitulé "Etudes manades, ou la régression des zones humides du delta du
Rhône, ses conséquences sur les élevages traditionnels de taureaux". Selon lui, on
comptait dix neuf manades, comptant des animaux braves ou croisés sur les cinquante
deux répertoriées à la fin des années 1970. Il estimait à 2 700 le nombre de ces taureaux
issus de la race espagnole, sur un total existant évalué à 8 500 têtes.
Sur les 143 000 hectares que comptent la Crau, la Camargue et la petite Camargue
réunies, 20 000 hectares avaient, à cette époque, été réservés à ces troupeaux. Il
semble bien que cette surface se soit constamment réduite depuis, "sous la pression de
l'agriculture, de l'équipement, du tourisme et de l'industrie".
L'Institut National Agronomique Paris-Grignon estime aujourd'hui à 5 000 ou 6 000
têtes de bétail, réparties entre 30 élevages, la population actuelle de taureaux de
race brave.
*
Histoire de la Tauromachie - Editions Desjonqueres 1993.
Thèse en 1930 à Toulouse.
7 Initiative de Joseph YONNET - domaine de Faramand.
6
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Les taureaux de race brave sont différents des taureaux de Camargue.
Leur robe est, le plus souvent, noire. Leur cornage en lyre basse est dirigé vers l'avant,
et leur poids est plus élevé - de l'ordre de 200 à 400 kg pour les femelles, et 400 à 650
kg pour les mâles. Ils bénéficient, cependant en France, de la nouvelle appellation
d'origine contrôlée (8) "taureau de Camargue". Les élevages, pour avoir droit à cette
appellation, doivent, cependant, être situés dans une zone géographique délimitée par
les départements des Bouches-du-Rhône, du Gard et de l'Hérault. Un cahier des
charges précise les autres conditions à respecter pour pouvoir obtenir ce label très
recherché.
III - LES ACTEURS
1 - Les acteurs institutionnels
a) L'Union des Villes Taurines de France (U.V.T.F.) est une association de type 1901.
Créée en 1968, elle regroupait, à l'origine, une vingtaine de communes du sud de la
France. Son but, clairement affirmé dans l'article 1 de ses statuts (9) est "d'assurer la
défense et la sauvegarde des courses de taureaux avec mise à mort, et d'en
permettre la célébration correcte, en conservant à ce spectacle son caractère de
noblesse et d'équilibre, et, notamment, en empêchant que des abus ne soient commis
dans la présentation des taureaux de combat".
La présidence de l'Union des Villes Taurines de France est tournante. Elle est,
actuellement, assurée par le Maire de BEZIERS. Le siège social et le secrétariat
administratif de l'association sont fixés à NIMES.
8
9
Décret du 3 décembre 1996 et arrêté du 20 janvier 1997.
Cf en annexe.
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En 1997, soit dix neuf ans après sa création, l'U.V.T.F. rassemble quarante
deux communes, organisant des courses de taureaux avec mise à mort, dont dix sept
sont situées en Languedoc-Roussillon : sept dans le Gard (Alès, Beaucaire, Fourques, le
Grau du Roi, Nîmes, Saint-Gilles, Sommières), sept dans l'Hérault (Béziers, Lattes,
Lunel, Marsillargues, Palavas, Pérols, Saint-Génies-des-Mourgues), et trois dans les
Pyrénées-Orientales (Céret, Collioure et Millas).
Ces communes appliquent le "réglement taurin municipal". Constamment en évolution,
ce règlement - qui s'inspire largement du règlement taurin espagnol - a été révisé en
février 1996. Il a pour objet le contrôle de la préparation, de l'organisation et du
déroulement des spectacles taurins, ainsi que des opérations et activités s'y rattachant.
Ce règlement prévoit que doit, obligatoirement, être instituée, dans chacune des villes,
une Commission Taurine Extra-Municipale (C.T.E.M.) dont la mission est d'apporter à
l'administration municipale une aide technique. La C.T.E.M. a un pouvoir de contrôle
assez étendu : vérification avant la course, et surveillance des opérations : à la cavalerie
- aux piques - aux banderilles, mais également après la corrida, en particulier pour la
vérification des dépouilles des bêtes combattues.
Le règlement taurin de l'U.V.T.F. précise, également, les conditions de classement des
arènes en deux catégories distinctes. En Languedoc-Roussillon, Béziers et Nîmes
font partie de la première catégorie (équivalente à la 2ème catégorie en Espagne).
Les quinze autres communes de la région sont rangées dans la deuxième catégorie. Ce
réglement rend, également, obligatoire la présence sur les lieux d'une assistance : mise
en place d'une infirmerie fixe et d'un bloc opératoire mobile, de personnel médical...
b) L'Association des éleveurs français de taureaux braves
Les troupeaux de pure race ibérique sont rares en Languedoc-Roussillon. La première
introduction de taureaux braves dans le sud de la France, dûe à l'initiative du manadier
Joseph YONNET, date de 1869. Le processus de croisement avec la race Camargue,
engagé alors, eut, tout d'abord, pour résultat, de provoquer un regain d'intérêt, tant chez
les aficionados que chez les amateurs de la course libre.
Certains éleveurs camarguais poursuivirent le processus de croisement du bétail,
oubliant de maintenir une race pure de reproducteurs, ce qui entraina une certaine
dégénérescence du cheptel.
Au fil du temps, les bêtes issues de croisements successifs, perdirent leur combativité
naturelle, et devinrent impropres au spectacle taurin. Seuls les chevillards y trouvèrent
un intérêt.
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La prise de conscience de certains éleveurs allait changer la situation.
Une première tentative d'organisation de la profession, en 1920 à Arles, aboutit à la
création d'une "Union des éleveurs de taureaux de combat". Toutefois cette entité
avait pour inconvénient de regrouper, indifféremment, les éleveurs de taureaux d'origine
de race espagnole, les éleveurs de taureaux croisés, ou encore ceux de race Camargue.
En 1959, ces éleveurs décidèrent, dans un souci d'efficacité et de clarté, de se
différencier. C'est ainsi qu'un "Syndicat de Ganadéros Français" se mit en place,
regroupant, en son sein, uniquement les éleveurs de taureaux de race espagnole. Le
siège de ce syndicat était basé à Nîmes.
En 1968, le Syndicat des Ganadéros Français fut remplacé par "l'Association des
éleveurs de taureaux de race espagnole", puis en 1994 par "l'Association des éleveurs
français de taureaux braves".
Cette association rassemble, en 1997, trente trois éleveurs du sud de la France, dont
une minorité a son implantation en Languedoc-Roussillon.
Quatre d'entre eux, seulement, résident dans notre région : ganaderia cevenole, Robert
Margé, ganaderia du Sacamandre, et El Siete.
Un premier travail de recensement de la production de ces trente-trois élevages français
de taureaux braves (cf. Annexe 8) a été réalisé. Bien qu'incomplet, il permet d'évaluer
l'importance du cheptel, que l'on estime composé de 2 à 3 000 (10) bêtes, mais aussi
d'avoir connaissance de l'activité des éleveurs (participation des animaux aux courses,
année de création des élevages, nombre d'étalons...).
La Commission Nationale d'Amélioration Génétique a, le 10 janvier 1996, donné un avis
favorable à la constitution, par l'Association des éleveurs de taureaux braves, du livre
généalogique de la race brave. Le Ministère de l'Agriculture a confirmé cet avis, en lui
accordant l'agrément.
En 1998 ce livre sera définitivement constitué. Il garantira ainsi, officiellement, la pureté
de la race, ainsi que la validité des informations généalogiques concernant l'animal.
2 - Les professionnels français
10
Soit beaucoup moins que l'évaluation de l'I.N.S; Paris-Grignon s'élevant à 5 - 6000 têtes de bétail.
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Les professionnels français oeuvrant dans les spectacles taurins avec mise à mort, sont
peu nombreux, si on les compare à leurs homologues d'outre Pyrénées. Cette situation
découle, bien entendu, de l'évolution différente qu'a connu la tauromachie en France, en
Espagne ou au Portugal.
Si l'on excepte la période de la présence arabe en Espagne, durant laquelle les
spectacles taurins furent strictement interdits, la tradition des courses avec mise à mort a
été - du Moyen Age jusqu'à nos jours - préservée, sans interruption dans la péninsule
ibérique.
Cela n'a pas été le cas en France. Le professionnalisme français est un fait récent. Il
répond à un souci, légitime, des organisateurs de spectacles taurins, d'assurer aux
principaux acteurs des corridas un statut reconnu par tous.
On distingue sept métiers différents :
- les matadors d'alternative sur les cent cinquante en exercice, on en dénombre une
douzaine de nationalité Française. Actuellement, cinq matadors originaires du
Languedoc-Roussillon ou y vivant sont en activité :
Richard MILIAN
Denis LORE
Stéphane FERNANDEZ MECA
LUISITO (Ludovic LELONG)
MORENITO (Lionel ROUFF)
- Les novilleros en piquée : sept personnes.
- Les rejoneadores ou toreadors à cheval : huit personnes, dont Marie Sara.
- Les picadors : cinq personnes.
- Les banderilleros : quinze personnes.
- Les empresas (directeurs d'arènes, prestataires de service, programmeur, conseiller
technique...) : dix personnes.
- Les apodérados (ou impresarios) au nombre de huit.
Soit au total cinquante huit personnes dont l'occupation principale est directement liée
à l'organisation de corridas.
Quelques uns de ces matadors français ont été formés par le Centre Français de
Tauromachie, association loi 1901, agréée par le Ministère Jeunesse et Sports, et dirigée
par Christian LESUR. Cette structure, membre de la Fédération Internationale des
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Ecoles Taurines, accueille, chaque année, une cinquantaine d'élèves, leur donne une
formation, procède à des échanges avec les écoles taurines espagnoles et bénéficie de
l'aide financière des collectivités locales (Région, Département du Gard, Ville de Nîmes).
3 - Les autres partenaires
La tauromachie n'aurait pas acquis une telle notoriété sans le concours actif de
passionnés qui forment le "mundillo". On y trouve des aficionados de toutes origines
(journalistes, notables locaux etc...) qui se rassemblent périodiquement, au sein de clubs
taurins pour débattre des aspects les plus divers de la saison taurine ou temporada. Nés,
pour les plus anciens, au début du siècle, ces clubs portent généralement le nom d'un
matador célèbre.
Ils sont, à Nîmes, au nombre de soixante dix, mais les autres villes de tradition taurine en
comptent également plusieurs dizaines. Leur influence sur le choix des "cartels" lors des
férias est bien réelle. Certains d'entre eux sont structurés au plan national (Association
Nationale des Aficionados), et si tous ne font pas preuve de la même vitalité, le réseau
qu'ils constituent, les liens qu'ils entretiennent avec les professionels (éleveurs de
taureaux, matadors...) sont autant de signe de vitalité de l'aficion locale.
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IV - LA CORRIDA
Le premier traité de tauromachie fut l'oeuvre d'un Sévillan, José DELGADO "Pépé
HILLO" (11).
L'art tauromachique moderne obéit à une codification qui a largement évolué dans le
temps. C'est vers la fin du dix huitième siècle que les règles régissant, actuellement, les
spectacles taurins avec mise à mort, ont été pour la première fois appliquées (12).
1 - Une brève description
Les spectacles taurins font l'objet d'une classification, que les affiches officielles doivent
mentionner.
On distingue sept catégories de spectacles :
- "Corridas de toros"
- "Novilladas avec picadors"
- "Novilladas sans picadors"
- "Corridas de rejones" (Corridas équestres)
- "Becerrados"
- "Festivals"
- "Spectacles comico-taurins
dont on trouvera une brève description en annexe 9.
La plupart des corridas modernes font intervenir six taureaux. Elles se déroulent suivant
la règle des trois tiers ou "tercios".
Le premier "tercio" est celui des picadors, chargés d'affaiblir le taureau. Ceux-ci
disposaient, au XIX° siècle, de beaucoup de temps, principalement en raison du nombre
important de piques, ainsi que du remplacement des chevaux souvent bléssés à mort,
car ne disposant, alors, d'aucune protection (13).
11
La tauromaquia o Arte de torear (Cadix 1786).
Selon Bartholomé BENNASSAR, in "Histoire de la tauromachie, qui rapporte un récit de Richard TWISS,
membre de la Royal Society, décrivant la corrida du 25 Juillet 1772, organisée à Puerto de Santa Maria, et
à Cadix.
13 Actuellement, le carapaçon évite en grande partie ces inconvénients.
12
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Le deuxième "tercio" est celui des banderilles. Jusqu'au début du XX° siècle,
la plupart des toreros étaient également bandérilleros. Cette pratique s'est estompée. De
nos jours, ce sont des subalternes qui sont, le plus souvent, chargés de placer les
banderilles.
Le troisième "tercio" est celui où le toréro peut pleinement s'exprimer. Il intervient en
effectuant, au moins, une vingtaine de passes, parfois beaucoup plus. Le public, suivant
qu'il est averti ou non-connaisseur, réagit très differemment. L'estocade, de simple
formalité au début du vingtième siècle, a changé de nature. La "faéna de muleta" est
devenue, pour les puristes, le grand moment du spectacle, d'un spectacle à l'issue
duquel, tenant compte de la qualité du travail accompli par le matador et des réactions
du public, la présidence accorde - ou n'accorde pas - les récompenses attendues (tour
d'honneur, attribution d'une ou deux oreilles, voire la queue de l'animal).
Les règles de la corrida moderne ont connu, au fil des années, des modifications
substantielles. Une seule chose reste immuable : le danger de mort. Les toreros, comme
les peones en paient, régulièrement, le lourd tribut.
2 - Les aspects juridiques
"Tout au long de l'histoire, la réglementation des courses de taureaux en France a
toujours oscillé, suivant les périodes, entre prohibition et tolérance". Ces propos d'un
éminent universitaire (14) résume, parfaitement, les difficultés rencontrées, en France, en
matière de droit tauromachique, depuis le vote de la loi Grammont, les 2 et 9 juillet 1850,
loi qui sanctionne les mauvais traitements à animaux domestiques.
Non applicables aux courses de taureaux "lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut
être invoquée", ces textes, repris par le Code Pénal, ont fait l'objet de longs débats
juridiques autour de trois thèmes : tradition, locale, ininterrompue. Si la jurisprudence a
permis de lever quelques ambiguités - et donné l'occasion à des communes comme le
Grau du Roi d'organiser des corridas - bien des incertitudes subsistent encore, d'autant
que la législation européenne est, pour le moins, équivoque sur ce sujet. On soulignera
simplement, reprenant les propos d'un autre expert (15), que certains textes
communautaires, ayant trait, notamment, aux importations de bovins en Espagne,
"évoquent les animaux de corridas et reconnaissent donc l'exception tauromachique".
14
15
Rémi CABRILLAC Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier.
Jean-Michel LATTES Vice-Président Université de Toulouse.
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Le Parlement Européen, par l'intermédiaire de quelques uns de ses membres,
intervient régulièrement sur ces questions. Il est donc clair que le débat juridique est loin
d'être achevé.
V - VALORISATION ECONOMIQUE, TOURISTIQUE, CULTURELLE ET MEDIATIQUE
DE LA TAUROMACHIE
1 - Les férias
Les corridas, organisées, périodiquement, dans les principales villes de tradition taurine
du Languedoc-Roussillon, sont l'occasion, pour les municipalités de favoriser, durant
plusieurs jours, le développement de festivités intéressant toute la population. Ces
pratiques festives ont, récemment, fait l'objet - à Nîmes - d'une tentative d'évaluation de
leur impact économique.
a) La Féria de Nîmes : quelques indicateurs financiers
Mesurer les retombées de la Féria de Pentecôte, autrement que par des sondages et
des enquêtes (menées par exemple en 1988 par la SOFRES, à la demande de la ville),
c'est ce à quoi s'étaient engagés, en 1996, les édiles nîmois : le bilan financier de la
Féria de Pentecôte a été diffusé par voie de presse.
Au cours de cette temporada, qui se déroule durant la période de Pentecôte, huit
spectacles taurins avaient été organisés - une novillada, une corrida mixte, six corridas 69 419 personnes ont suivi ces spectacles, soit en moyenne un peu moins de neuf mille
par corrida. Comparé à 1995, le "cru" 96 est donc plus léger (16). La diminution de la
fréquentation, 1 500 personnes en moins par corrida en moyenne doit, toutefois, être
interprétée avec circonspection, car ce bilan ne tient aucun compte des quatre soirées
"cheval dans la fête" organisées, en 1996. Le prix moyen d'une entrée dans les arènes supérieur à 200 francs en 1996 - est élevé. La baisse de fréquentation, constatée l'an
dernier, est-elle une conséquence de la crise économique, ou bien, la qualité des
corridas est-elle, également, en cause ?
Le montant des recettes perçues s'est élevé à 17,4 Millions de francs, dont l'essentiel
soit 15,2 MF, provient des billets vendus à l'occasion des corridas.
16
En 1995, huit corridas avaient également été organisées à Nîmes. 82 787 spectateurs suivirent ces
spectacles, soit un peu plus de 10 000 personnes par corrida.
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Concernant les dépenses, le poste le plus important est celui des émoluments destinés
aux toreros - 8,2 MF environ - représentant, pratiquement deux tiers des dépenses
totales. L'acquisition des taureaux a été facturée à hauteur de 4 MF. Les prestations
diverses et les frais de fonctionnement des arênes se sont élevés à 1,3 MF soit un
montant global de dépenses de l'ordre de 17,6 Millions de francs.
Les corridas, à elles seules, ont permis de dégager, en 1996, un excédent budgétaire de
2,7 Millions de francs (17). Ces excédents parviennent, presque, à couvrir les frais
engagés par la ville de Nîmes pour l'ensemble des festivités qui se sont déroulées sur
cinq journées - du 23 au 27 mai et qui ont attiré, en moyenne, 260 000 visiteurs par jour.
En définitive le déficit supporté par la Ville de Nîmes s'est élevé, pour 1996, à
230 765 francs et apparait relativement peu important, au regard des retombées
économiques induites estimées à 150 millions de francs.
b) La Féria de Béziers
A la différence de ce qui se passe à Nîmes, la gestion des arènes de Béziers est privée.
Elle est assurée par Robert MARGE, dont l'équipe est installée dans l'ancienne maison
des mayorales (18), située à proximité des corales. Mais c'est la municipalité qui préside
la commission taurine.
La féria de Béziers, qui se déroule durant quatre jours, connait une vogue croissante. La
dernière en date s'est déroulée du 14 au 18 Août 1997. La presse (19) rapporte que
plusieurs centaines de milliers de personnes ont suivi ces festivités, qui se sont
achevées en apothéose, grâce, notamment, au matador Richard MILIAN triomphant face
à de redoutables taureaux de race Miura.
c) Les autres festivals tauromachiques
D'autres villes, telles Céret, Lunel, etc... organisent également des fêtes taurines. Mais le
bilan financier, tel qu'il a été dressé de façon détaillé à Nîmes, n'étant pas disponible, il
est hasardeux de vouloir mesurer l'impact de ces festivités sur l'économie locale.
17
Les autres recettes : Droits TV : 140 000 F ; Part cheval dans la fête : 610 000 F ; vente de viande ;
275 000 F ; sponsoring : 130 000 F, sans être négligeables, ne représentent que moins de la moitié de
l'excédent.
18 Les mayorales, c'est-à-dire les régisseurs.
19 Midi Libre du dimanche 17 Août 1997.
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Il est, cependant, clair que les retombées directes que provoque, sur l'économie locale,
l'organisation de férias et corridas, sont loin d'être négligeables.
2 - La presse Taurine et les nouveaux médias
Le règne d'Internet semble s'étendre aussi au monde de l'aficion. La toile d'araignée
mondiale renseigne les passionnés de corridas sur les événements passés et à venir,
mais diffuse, également, des études destinées à tout public (cf. Annexe 11) (20).
Un des serveurs français les plus connus dans le monde taurin est "TOROS DIGITAL".
C'est un prolongement de la revue "TOROS", créée en 1925, dont le siège social est
situé à l'Imprimerie Barnier à Nîmes (cf. Annexe ).
"TOROS DIGITAL" propose aux internautes intéressés par les courses taurines, diverses
rubriques régulièrement mises à jour, dont le menu est reproduit ci-après.
La rubrique intitulée "Présentation" reprend le premier éditorial publié dans "Biou y toros"
en 1925 ! On y découvre, également, une explicitation des principales raisons qui ont
20
Une étude intitulée "En relisant CORROCHANO" tirée du serveur "TOROS DIGITAL" diffusée pour les
jeunes aficionados.
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poussé les concepteurs de "TOROS DIGITAL"
téléinformatisée du vingtième siècle, (Voir en annexe).
à
entrer
dans
l'arène
Une fois convaincus par ces déclarations, les internautes
peuvent, suivant leur humeur, consulter l'ensemble des
rubriques proposées, visiter la "Galerie" des principaux
évènements taurins les plus récents (faéna de Julian LOPEZ,
dit "El Juli", à Nîmes en février 1997. (Voir ci-contre un
document photographique explicite) ou encore prendre
connaissance des reportages concernant, par exemple, les
corridas de Céret de juillet 1997.
On peut aussi, par l'intermédiaire de ce nouveau média, avoir accès à la "Boutique"
virtuelle, et se voir proposer à la vente des ouvrages tauromachiques tels :
- Toros à Nîmes, et Toros en Camargue, de Pierre DUPUY,
- Les toréros romantiques de Santiaguito,
- Delajes y encornadoras del toro de lidia,
- Entre campos y ruedos, de l'Association La Chica Yéré,
le tout agrémenté d'excellentes photographies.
Plus classiques sont les annuaires de la tauromachie publiés en version papier.
L'Annuaire de la tauromachie française, dont la première édition (21) date de 1992, a pour
objectif - selon son concepteur Jean-Paul DERUY - d'offrir aux spectateurs des corridas,
des "détails malins", réservés jusqu'ici aux seuls initiés, de telle féria ou de telle
chapelle... Cet annuaire est une mine de renseignements pour celui qui désire avoir, en
un seul document, un aperçu assez complet des activités intéressant le "mundillo".
On ne peut, enfin, ignorer le rôle pédagogique et informatif de certaines émissions de
télévision diffusées en France ("Face au toril" ; retransmission de corridas sur Canal
plus).
3 - La valorisation artistique et culturelle
Le mythe du Minotaure a ancré la référence crêtoise au plus profond de la pensée
créatrice et artistique du continent européen. L'art spontané, polymorphe, coloré et
chatoyant développé par les Crétois, durant leur période d'expansion économique,
notamment en mer Egée, reste, encore de nos jours, une référence.
21
Journal Corrida - Jean-Paul DERUY - E.N.D. Nîmes 1992.
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Dans le domaine culturel et artistique le taureau est roi. Les exemples ne manquent pas
de créateurs ayant choisi comme thème d'inspiration l'art tauromachique.
La survivance et la vitalité, toujours renouvelées, des jeux taurins dans le sud de la
France, en Espagne, au Portugal et en Amérique latine, ont favorisé cette tradition
récurrente.
Parmi les peintres les plus célèbres, on citera d'abord Pablo PICASSO, connu comme un
fervent aficionado. Il a consacré une partie de ses oeuvres à représenter le combat de
l'homme et du taureau. Certaines d'entre elles (dessins sur coupelles notamment) ont été
exposées à Céret (ou il a séjourné durant un certain temps) au cours de l'été 1997. C'est
durant cette période que se déroulent dans cette ville les festivités, dont le point d'orgue
est constitué par les trois corridas et la novillade, organisées par l'Association des
aficionados Céretans.
Le passage de Picasso à Arles, à partir de 1955, lui permit, une fois encore, d'exprimer
son immense talent en choisissant de peindre plusieurs tableaux de la ville et de ses
arènes.
Le non moins célèbre peintre Francisco GOYA a, dès le début du XIX siècle, immortalisé
la tauromachie. Bartholomé BENNASSAR évoque, dans son ouvrage "L'histoire de la
Tauromachie", le nom de nombreux artistes qui ont, témoigné d'un vif intérêt pour la
tauromachie. On pourra, par exemple, citer le graveur français Gustave DORE, de très
grands écrivains tels qu'Ernest HEMINGWAY, Fédérico GARCIA LORCA, Henry De
MONTHERLANT, Jean COCTEAU, de talentueux auteurs, tels Michel LEIRIS ou Miguel
DEL CASTILLO, le brillant photographe Lucien CLERGUE qui réalise "quelques unes de
ses plus belles oeuvres avec des têtes de taureaux morts ou avec la Cape de Curro
ROMERO", Fernando BOTERO, sculpteur et peintre qui expose actuellement à Madrid,
et dont l'une des oeuvres figure sur les affiches de la Féria de BEZIERS 1997, Christian
LACROIX, célèbre grand couturier etc...
Certains toreros ont voulu communiquer avec le grand public. C'est ainsi qu'Antonio
ORDONEZ prononce, parfois des conférences lors des cours d'été de l'Université
Menendez PELAYO à Séville, imité en cela par Luis Francisco ESPLA à l'Université d'été
de l'ESCORIAL.
La corrida ne laisse, bien sur, personne indifférent. Certains artistes ont ainsi, clairement,
exprimé leur désaccord, à propos de ce qu'ils considèrent comme un "spectacle
barbare", tel le chanteur Francis CABREL avec le titre "Corrida". Ces prises de position
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doivent être considérées comme une forme de participation à l'élan créatif que suscite
l'art controversé de la tauromachie.
Bien que l'expression artistique, relative aux spectacles taurins en général, et aux
corridas en particulier, soit particulièrement répandue, il serait hasardeux de vouloir
dresser un bilan des créations artistiques locales ou régionales que la corrida a pu
inspirer.
On se bornera, simplement, à rappeler qu'existe, à Nîmes, un fonds documentaire taurin,
crée il y a plus de quarante ans, et doté de plus de 3 500 documents des XIXème et
XXème siècle, en langue espagnole et en langue française.
Ce fonds multimédia, consacré aussi bien à la tauromachie espagnole que camarguaise
comprend ouvrages, encyclopédies, périodiques, estampes, affiches, vidéos. Il a été
récemment enrichi de pièces exceptionnelles ("La Tauromachie" de GOYA, "Le Miroir de
la tauromachie" de M. LEIRIS), et d'ouvrages de bibliophilie contemporaine.
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C - QUELQUES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS
Le présent rapport d'étape n'a guère permis de cerner, avec précision, ce que
représente, tant en terme d'incidences économiques et sociales directes, qu'en terme de
retombées découlant de l'image qu'elle véhicule, la filière taurine en LanguedocRoussillon. Les raisons en sont multiples : hétérogènéïté des sources d'information
statistique, manque de transparence de certains acteurs, difficultés méthodologiques
(comment mesurer la valeur ajoutée que procure une image).
Le sentiment prévaut, cependant, qu'au delà les évaluations avancées ça et là - le chiffre
d'affaires annuel généré par la course camarguaise avoisinerait 150 Millions de francs et,
celui de la seule Féria de Nîmes un montant équivalent - tauromachie espagnole et
course camarguaise représentent une activité importante sur le plan économique
et social. Il est, certes, difficile d'être précis en cette matière. Comment procéder à des
estimations - par exemple en nombre d'emplois - quand on sait que nombre de gardians
sont "amateurs", mais jouent, tout de même, un rôle central dans les emplois induits
(vétérinaires, selleries...), quand on sait que l'entretien, tant des arènes que des rues,
mobilisent, durant les férias, de nombreux personnels, municipaux ou non.
Il est, néanmoins, clair que les efforts engagés doivent être poursuivis pour que le
Languedoc-Roussillon continue à rester le haut lieu de la pratique et de la culture
taurine, d'inspiration aussi bien camarguaise qu'andalouse.
C'est la raison pour laquelle les Commissions ont avancé un certain nombre de
propositions qui peuvent être ainsi résumées, et qui pourront être complétées :
- Attribution, par l'Union des Villes Taurines, de labels de qualité aux communes
organisatrices de corridas qui respectent, réellement, le règlement taurin.
- Campagne de promotion destinée à davantage intégrer la Camargue dans l'image
du Languedoc-Roussillon, et création, par les Comités Régionaux de Tourisme des
deux régions, d'une charte de labéllisation pour l'accueil des touristes.
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- Création d'une Académie d'équitation camarguaise.
-
Soutien aux structures chargées d'organiser les activités tauromachiques et
d'assurer la formation des jeunes en ce domaine.
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D - CONCLUSION
"Si la tauromachie existe, c'est que le mythe et la nécessité la sous-tendent, engendrant
ses mises en forme rituelles, plus ou moins élaborées..." Ces propos, extraits d'un brillant
article publie par Jean Noël PELEN (22), revelent à quel point il est difficile de saisir la
réalité de cette pratique si répandue en Languedoc-Roussillon, d'en évaluer toutes les
composantes, d'en cerner toutes les dimensions.
Mythique, cette activité l'est, assurément, comme en témoignent les écrits consacrés à
l'origine du taureau, son rôle dans l'histoire des peuples et des religions, ou la génèse de
l'art tauromachique.
Mais les amateurs - aficionados et aféciouna - ne sauraient, pour autant, être confondus
avec ces hommes enchaînés dans une caverne platonicienne, qui ne voient du réel que
l'ombre portée. Certes la corrida est illusion - on qualifie la "muleta" de leurre -, et la
course camarguaise repose sur l'esquive. Mais le mythe ne saurait masquer la réalité parfois brutale - du combat entre l'homme et l'animal.
Cette réalité est, nous l'avons vu, multiforme et complexe. Le rapport d'étape s'est donc
borné à évoquer, sans l'approfondir, la dimension économique, touristique, agricole,
sociale, culturelle, écologique, intégratrice de la tauromachie camarguaise et de la
tauromachie espagnole, dans notre région. Peut être conviendra-t-il, d'ailleurs, de
poursuivre les réflexions dans telle ou telle direction.
Mais l'intérêt suscité, dès l'origine, par les propos des experts a révélé, non seulement,
combien cette question pouvait être profondément unificatrice dans un LanguedocRoussillon qui, parfois, se cherche, mais, aussi à quel point elle pouvait être un élément
porteur pour son devenir. Encore conviendrait-il que tous ceux - et ils sont nombreux qui entendent contribuer à maintenir, et développer, ces arts majeurs que sont la bouvine
et la corrida, acceptent de placer leur action sous le signe de la transparence et de la
qualité. Il s'agit, en effet, d'un enjeu essentiel.
22
"Sur quelques sens de la tauromachie ordinaire", article extrait de "L'homme et le taureau".
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