territoires suite_s_m_s_politiques - Maire-Info

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territoires suite_s_m_s_politiques - Maire-Info
Territoires
Territoires
École, petite enfance, social : le retour
d’une intercommunalité syndicale ?
La loi Pélissard-Sueur a ouvert la possibilité de créer des syndicats pour
reprendre des compétences non assumées par les nouvelles intercommunalités.
Trois Coteaux dont l’ancêtre, le district, avait été lui-même précédé
d’un syndicat intercommunal pour
s’occuper de l’école il y a plus de
20 ans. Le maire de l’une de ces
communes, Claude Charpentier,
syndicat. Pour l’élu, cela coûterait à
sa commune 35 000 euros par
an. Un chiffrage que la direction
régionale des finances publiques a
vérifié avant de lui donner raison...
« Payer des impôts, c’est juste ! Mais
payer plus d’impôts parce
que nous changeons d’intercommunalité, c’est injuste ! », a-t-il écrit à la
ministre de la Décentralisation en décembre.
Le fait que les syndicats ne vivent que de la
contribution des communes ne bénéficient ni de dotation, ni de subvention, n’est pas
l’une des moindres difficultés.
Dans la Manche, la communauté de communes du Val de Sée
a fusionné en janvier 2013 deux
communautés de communes, dont
l’une dotée de la compétence scolaire, l’autre pas. « La création du syndicat à vocation scolaire nous a
enlevé une épine du pied, car sans
cela, je ne sais pas si l’on aurait réussi
à fusionner », assure Marie-Hélène
Fillatre, maire de Juvigny-le-Tertre.
Financièrement, « l’opération est
blanche pour le démarrage » car la
« L’on se serait évité bien
des soucis en imposant
la compétence scolaire
aux intercommunalités »
maire de Morangis, n’accepte pas
aujourd’hui ce « retour en arrière ».
« On a supprimé ce syndicat, on a
créé un district et élargi nos compétences, on a poussé plus loin avec la
communauté de communes, encore
plus loin en adhérant à la communauté de communes Épernay Pays
de Champagne au 1er janvier de
cette année pour, in fine, s’entendre
dire qu’il faut créer un syndicat car
les autres communes ne sont pas
d’accord pour que cette école intercommunale soit reprise dans le
nouvel EPCI ! » Le maire se refuse
d’ailleurs à adhérer à ce nouveau
La loi Pélissard-Sueur pour déroger à la loi de 1
En cas de fusion, extension ou création de nouvel EPCI,
si toutes les compétences ne sont pas reprises, elles
peuvent être restituées aux communes. Mais dans
certains cas, cette restitution n’est pas souhaitée par les
communes ou impossible, sauf à risquer l’arrêt de
certains services. C’est la loi dite Pélissard-Sueur du
 février 1 qui a ouvert la possibilité à des com-
28 MAIRES DE FRANCE FÉVRIER 2014
munes de créer des syndicats intercommunaux, malgré
la doctrine générale de rationalisation de ces syndicats
et l’interdiction d’en créer de nouveaux posée par la loi
du 1 décembre 1. Cette possibilité a été limitée aux
compétences scolaires, petite enfance et social. À
quelques semaines de la date anniversaire de cette loi,
aucun bilan n’était encore disponible auprès de la DGCL.
commission locale d’évaluation des
charges transférées a en effet statué
sur la compensation. Cela exigeait
un vote à l’unanimité. Compliqué,
mais obtenu. « Ce que ma commune
verse au SIVOS est donc compensé
par un versement de la communauté de communes », explique
l’élue. Mais à terme, cela lui coûtera,
car la réactualisation de cette compensation n’est pas prévue.
© Yann Mambert/Cit’images
C
omme la loi Pélissard-Sueur
du 29 février 2012 l’a prévu
(lire encadré), des communes peuvent créer des
syndicats pour reprendre la gestion de trois compétences – petite
enfance, scolaire, social – que leur
intercommunalité, issue de la révision de la carte intercommunale,
ne souhaite pas prendre en charge.
Certaines y ont été contraintes.
Dans nombre de cas, les élus
auraient préféré une autre option.
Difficile de mesurer aujourd’hui
si ce mouvement est important.
Ce que l’on observe à la lecture
de quelques arrêtés préfectoraux,
c’est que cette question s’est surtout posée pour la compétence
scolaire. Sans doute parce que cette
compétence avait souvent été prise
par de petites intercommunalités
très rurales, rejoignant de plus
grosses qui n’avaient pas franchi
ce pas, d’autres communes restant
farouchement attachées à la gestion communale de leur école.
Dans la Marne, la compétence
scolaire avait soudé le destin des
six petites communes de l’ancienne
communauté de communes des
« Objectif : un transfert
d’ici deux à quatre ans »
Ce modèle du syndicat intercommunal (qui remonte à 1890…) revient
donc dans les territoires. Ce qui n’est
pas sans contradiction avec l’évolution vers une intercommunalité plus
intégrée, poussée par la loi de
décembre 2010. Mais Marie-Hélène
Fillatre veut voir dans ce désagrément, un avantage, car «notre SIVOS
présente finalement l’intérêt de
maintenir un lien entre les neuf communes de l’ancien EPCI autour de
l’école ». «On aurait pu imaginer que
Juvigny récupère la compétence scolaire et passe des conventions avec
les communes voisines, mais cela
n’aurait pas la même incidence sur
l’attachement de chacun à ce que les
enfants soient inscrits à cette école
plutôt qu’à une autre », ajoute l’élue.
C’est aussi pour une question
de dynamique et d’équilibre que,
dans le Bas-Rhin, trois communes
membres de la communauté de
communes du Val de Moder ont
créé leur syndicat à vocation scolaire en mai 2013. « Quand une
collectivité est intégrée à 75 %, on
ne peut pas nous taxer de ne pas
vouloir faire de l’intercommunalité », réagit Rémi Bertrand, le maire
d’Uberach, l’une de ces trois communes. « Notre objectif est d’ailleurs
bien de transférer cette compétence
à l’intercommunalité d’ici deux à
quatre ans. Mais quand on fait de
l’intercommunalité choisie, il faut
respecter les autres, et savoir
prendre le temps. Nous venons de
faire de lourds investissements dans
notre école, quand d’autres les ont
déjà fait chez elles », justifie l’élu.
L’imbroglio est à son paroxysme
du côté de la nouvelle communauté
de communes du Perche et Haut
Vendômois (41). Elle a fusionné au
1er janvier de cette année les communautés de communes du Haut
Vendômois et du Perche Vendômois.
Celle-ci avait la compétence scolaire.
L’autre non. Lors de leurs premiers
échanges, les élus ont bien sûr envisagé cette prise de compétence
par le nouvel EPCI, mais le Haut
Vendômois comptait pas moins de
cinq syndicats à vocation scolaire sur
son territoire... Trop compliqué pour
l’heure. Le projet reste aujourd’hui
dans les cartons. En attendant, il fallait donc restituer leur compétence
aux dix communes du Perche
Vendômois. Or, trois d’entre elles adhéraient déjà à deux autres SIVOS. Il a
été décidé de ne rien bouger, le nouvel EPCI se substituant à elles pour leur
participation à ces SIVOS. Le problème
restait entier pour les sept autres. C’est
la préfecture qui a suggéré la solution
d’un nouveau syndicat pour la gestion
de ce groupe scolaire et des transports
scolaires. Ces sept communes y adhèrent depuis septembre 2013, date de
son lancement.
Inégalité de traitement
Ces différents cas de figure témoignent donc de complexités. « L’on
se serait évité bien des soucis en
imposant la compétence scolaire
aux intercommunalités, ce qui me
parait la moindre des choses s’agissant d’un service à la population
et de l’avenir de nos territoires »,
estime Claude Charpentier.
Il existe aussi des cas où les intercommunalités n’ont pas encore
tranché la question. C’est le second
temps de la fusion des intercommunalités qui s’ouvre qui en décidera. Dans la nouvelle communauté
d’agglomération Valence Romans
Sud Rhône Alpes, les élus ont ainsi
préféré utiliser le délai possible de
deux ans pour harmoniser leurs
compétences et définir l’intérêt
communautaire, choisissant donc
d’exercer certaines compétences de
façon territorialisée (ou sectorisée)
d’ici là. Dans ce cas de figure, l’EPCI
gèrera donc la crèche multi-accueil
pour les seules communes qui
l’avaient déjà transférée à leur intercommunalité.
À la communauté d’agglomération Privas Centre Ardèche, les
élus ont pris la même option, mais
ils comptent bien ne pas attendre
deux ans. La communauté de communes Privas Rhône et Vallées, la
plus importante, avait une compétence enfance, tandis que la plus
petite, Eyrieux aux Serres, avait
La question s’est surtout posée pour
la compétence scolaire.
une compétence sociale plus étendue (petite enfance, enfance jeunesse, personnes âgées) et un CIAS
pour la porter. Olivier Levent, directeur du CIAS, est plutôt confiant
pour que la décision ne débouche
pas sur une rétrocession aux communes de leurs compétences, ce
qui poserait inévitablement la
question de la création ou non d’un
nouveau syndicat... Le travail a déjà
démarré sur les perspectives d’une
politique de développement social
étendue aux 35 communes. La
situation actuelle est complexe à
gérer (la communauté d’agglomération gère la compétence petite
enfance pour 25 communes, le
CIAS pour les 10 autres), mais surtout génératrice d’inégalité de traitement pour les habitants. Et ils
pourraient bien être amenés à se
plaindre d’une telle situation
auprès des élus.
Emmanuelle STROESSER
FÉVRIER 2014 MAIRES DE FRANCE 29