Intervention Mme Mevel Le Nair - journée de l`ONED du 22012016

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Intervention Mme Mevel Le Nair - journée de l`ONED du 22012016
Le pilotage de la protection de l’enfance : acteurs et outils
Journée d’étude de l’ONED
22 janvier 2016
Table ronde :
Le pilotage au niveau départemental : acteurs et outils
Brigitte Mevel Le Nair, directrice Enfance-Famille au conseil départemental du Finistère
ONED : Nous terminons le tour de cette table ronde en donnant la parole à Madame Brigitte Mevel
Le Nair, directrice enfance famille au conseil départemental du Finistère, qui va nous parler de la
philosophie et des valeurs qui guident le pilotage de la politique publique de protection de
l’enfance sur le territoire départemental. Elle évoquera également les acteurs de ce pilotage au
niveau du département, les outils dont dispose le conseil départemental pour conduire la politique
de protection de l’enfance et ce qu’il attend de ses partenaires dans son élaboration.
Brigitte Mevel Le Nair : Pour débuter mon intervention, j’aimerais m’intéresser aux mots utilisés
dans la présentation de cette journée. On utilise souvent les termes de coordination, d’articulation,
chef de file, etc. Je suis revenue de façon très pragmatique au bon vieux dictionnaire. J’ai comparé
plusieurs définitions du mot « pilotage ». On peut retrouver plusieurs sens au verbe « piloter » que
j’ai trouvés fort intéressant par rapport aux différents niveaux du pilotage de la protection de
l’enfance.
Un premier sens revient tout le temps, il s’agit de conduire, dans le sens d’ « être au commande ». Je
pense que c’est bien là la place, au niveau d’un département, du président du conseil départemental,
des élus, chefs de files reconnus de la protection de l’enfance. Je rejoins de ce fait ce que disait JeanPaul Bichwiller : la protection de l’enfance, ce n’est pas seulement l’aide sociale à l’enfance, mais cela
va bien au-delà, avec un rôle qui est à la fois un rôle de décision, mais aussi d’impulsion sur des
domaines qu’il ne maîtrise pas directement. Il s’agit donc de conduire une politique au sens large.
Un deuxième sens donné à ce verbe de piloter est administrer, gérer, dans le sens de mettre en
œuvre et organiser.
Enfin le troisième sens est celui de guider quelqu’un, le conseiller, l’orienter. C’est la question des
orientations et de la direction du sens que l’on donne aux choses. L’observatoire départemental de la
protection de l’enfance suit cet objectif : donner les orientations, donner du sens à la protection de
l’enfance et à ce qu’on peut mettre en place pour cette politique. On est donc en amont de la
décision, dans une vision plutôt stratégique et non pas organisationnelle.
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Dans le département du Finistère, la question de l’observatoire est ancienne et on a eu un temps
d’avance sur beaucoup de départements puisque dès 2006 cette question avait été posée. La
réflexion avait déjà été entamée un peu avant la loi de 2007. Dès 2008, cet observatoire était en
place. C’était une volonté forte des élus. Le cadre a très bien été défini dès le départ et rejoignait
largement celui de la loi de 2007. Cet observatoire réunit l’ensemble des acteurs du département et
possède une sorte de devise qui résume son activité et ses objectifs : « observer pour connaître,
connaître pour comprendre, comprendre pour agir ». On est bien là dans la connaissance des choses
pour pouvoir les analyser, les évaluer et donner, proposer des orientations et du sens à l’action. C’est
l’objectif.
Le souhait des élus, dès 2006, était de mettre en place cet observatoire spécifique au sein de la
direction de l’enfance et de la famille, et non pas au sein d’un observatoire social ou même plus large
comme il en existe d’autres dans le département.
Cet observatoire devait donc à la fois être un lieu d’observation, d’analyse, d’évaluation et de
propositions. En amont, se situe tout un travail de partage de données, d’analyse de ces données,
d’évaluation, d’avis et de propositions à émettre. Il s’agit donc d’un champ d’action extrêmement
large.
Au fil du temps ces différents champs ont évolué, se sont organisés, etc.
Dès le départ, il s’agissait également de faire de l’observatoire un lieu de recherche afin de pouvoir
impulser des actions et des études, de valoriser des actions, pas simplement celles du département,
mais aussi celles qui pourraient être menées par nos partenaires.
Je pense que dans la philosophie qui a prévalu à cet observatoire, il y avait une position très claire.
L’observatoire n’est pas seulement un organe du département, c’est un organe du département au
sens large de « département-territoire ». C’est avant tout un lieu qui se doit d’être partenarial et de
rassembler l’ensemble des acteurs qui participent à la protection de l’enfance.
Nous avons une composition de l’observatoire large avec des collèges représentant les différentes
institutions ou domaines tels que cela est décrit dans la loi ; ce qui en fait un organe très riche.
Quarante partenaires participent à cet observatoire départemental et sont signataires de la charte de
fonctionnement. En outre, nous avons ouvert de façon plus récente un collège des représentants des
familles et des jeunes.
Il y a deux ans, cela nous est apparu absolument indispensable que les familles, c’est-à-dire « les
usagers » (c’est mal les nommer comme le disait Jean-Paul Bichwiller lors de son intervention), soient
non pas simplement des usagers, mais des participants, y compris à ce niveau de réflexion et
d’analyse d’observation. C’est possible. En protection de l’enfance, on dit souvent que cela doit être
très compliqué d’associer les usagers. Pourtant, c’est possible dans ce domaine comme dans
d’autres, même s’il faut prendre quelques précautions.
Cette idée d’ouvrir l’observatoire départemental aux familles, aux parents, aux représentants de ces
familles participe d’une démarche qui est beaucoup plus large dans le département et qui tient
vraiment à cœur de notre présidente et de nos élus ; c’est la démocratie participative. Ce n’est donc
pas une action isolée dans le département, mais on est bien dans quelque chose de beaucoup plus
large.
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Sur les outils de l’ODPE, nous disposons d’outils tout à fait habituels et d’autres plus particuliers que
je vais développer. La question des données objectives, des statistiques et de leur analyse est
partagée par tous et ce n’est pas le plus simple à réaliser. J’en parlerai dans un deuxième temps en
évoquant les freins.
Nous avons étendu la notion de démocratie participative en mettant en place des ateliers intitulés
« haut-parleurs ». Le principe est simple : mettre ensemble autour d’une thématique particulière,
choisie souvent localement en fonction des thématiques plus prégnantes, élus et professionnels,
mais pas seulement ceux du conseil départemental, des professionnels aussi des autres institutions
ou associations partenaires, ainsi que des familles, des jeunes adultes ou des mineurs concernés par
la protection de l’enfance. Ce n’est pas simple. Cela demande une organisation, une animation tout à
fait particulière. C’est ce que nous avons fait sur un mode très coopératif, et cela marche.
L’engagement du département sur ces ateliers « haut-parleurs » était de prendre en compte toutes
les propositions qui en sortiraient.
Après quelques années de mise en œuvre de cette démarche, avec plusieurs séquences d’ateliers
haut-parleurs tous les ans, nous avons énormément de propositions qui ont pu être reclassées, soit
dans plusieurs projets déjà à l’œuvre, soit dans de nouveaux projets. Par exemple, en matière
d’accompagnement des jeunes majeurs autour des questions de parrainage, mais aussi
d’accompagnement aux études avec un appui financier. Nous sommes extrêmement vigilants à ce
que ces propositions soient prises en compte autant que possible. En tous cas, nos élus ont
connaissance de l’ensemble de ces propositions. Ces ateliers permettent vraiment d’aller chercher
les besoins, les attentes, d’enrichir la réflexion par des confrontations d’idées et de positions.
Nous avons également mis en place des lieux de réflexion partagée autour de séances de formation,
de sensibilisation ou d’échanges sur une question traitée par un chercheur, une étude particulière.
Ces séances rassemblent des professionnels du conseil départemental qui le souhaitent ou d’autres
partenaires. L’analyse partagée est un élément très important au sein de l’observatoire et dans le
cadre de son comité de pilotage, son comité stratégique, de façon à pouvoir alimenter la réflexion et
donner les orientations.
En ce sens, l’ODPE me semble être un élément fort du pilotage dans un département. Les modalités
de mise en œuvre peuvent bien sûr être différentes d’un département à l’autre.
Entre les objectifs que l’on se fixe et la réalité, il y a toujours un delta. Je vais citer quelques freins
que nous avons identifiés et qui constituent des difficultés pour aller aussi loin et aussi bien que l’on
souhaiterait.
Tout d’abord, évoquons la question de l’analyse des données, les statistiques. Les chiffres sont
intéressants dans un département pour obtenir une évolution, une comparaison d’année en année.
Cela permet d’avoir une vision de ce qui s’est passé et d’essayer d’être un peu prospectif. De plus, ils
permettent un partage à un niveau beaucoup plus large, la région. Au niveau national, c’est aussi très
important et je pense que c’est tout le travail de l’ONED. Ce dernier s’y emploie de plus en plus, mais
cela ne peut fonctionner que si tous les départements peuvent effectivement renseigner de la même
façon.
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C’est de ce point de vue, je pense, que le cadrage national est absolument indispensable. Nous avons
constaté cela autour de la question des statistiques sur les informations préoccupantes et les
données des CRIP. Il faut déjà s’entendre sur ce qu’on met derrière chaque item et bien
comptabiliser les mêmes réalités.
Un autre frein est le portage de cet ODPE et l’implication de l’ensemble des partenaires. Le portage
aujourd‘hui est du ressort du conseil départemental. A mon sens, il est dans l’ensemble trop souvent
vécu par nos partenaires comme étant un service du département alors qu’on aurait le souhait d’en
faire une plateforme très partenariale au niveau du territoire départemental, et non pas uniquement
au niveau de la collectivité. C’est bien évidemment un service au sein de la direction de l’enfance. Ce
sont des personnels du département en petit nombre qui assurent l’animation.
Le portage doit être partagé si l’on veut qu’il soit vraiment opérant dans l’optique que nous nous
sommes fixée. L’implication des partenaires dépend de leur disponibilité à tous. Madame Fergane a
cité la problématique des magistrats. Leur difficulté à pouvoir être présents dans un certain nombre
d’instances, y compris l’observatoire, est pour le département un frein réel.
D’autres partenaires ont aussi cette difficulté. Je ne sais pas s’il s’agit également d’un problème de
disponibilité ou plutôt d’une difficulté de positionnement. Je pense en particulier aux différents
services de l’État qui sont plus ou moins présents selon les services dans ces instances, notamment
au niveau du comité de pilotage. Il me semble que l’un des rôles au niveau national de l’État serait de
donner une impulsion beaucoup plus forte qu‘aujourd’hui me semble-t-il sur la participation de ses
propres services à ce type de démarches.
Je crois aussi qu’en matière de protection de l’enfance, il faudrait une impulsion très forte pour qu’il
y ait de réelles coordinations au niveau de l’ensemble des services, y compris des services de l’État,
sur cette question. On en est encore un peu loin aujourd’hui.
Il existe d’autres outils dans un département pour le pilotage plus stratégique et pour les
orientations d’une politique départementale. Nous avons cité le schéma bien évidemment qui est un
élément fort permettant de décliner toutes ces orientations et de créer réellement un pilotage et
une dynamique.
Monsieur Fayemi a évoqué des outils de coordination. En effet, ceux-ci sont indispensables si on veut
pouvoir travailler correctement avec l’ensemble des partenaires. Il faut que l’on définisse ensemble
ce que l’on fait, pourquoi on le fait et comment on le fait. Tout ce qui peut être de l’ordre des
protocoles, des chartes partenariales, des conventions sont autant d’outils de niveau départemental
à développer à mon sens. Mais le département et les services du conseil départemental ne doivent
pas être les seuls à animer et dynamiser ces outils. Ce ne sera plus de la concertation et de la
construction s’il n’y a pas ce partage réel, c’est-à-dire une implication réelle de tous ces partenaires.
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