Français-Philosophie
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Français-Philosophie
ENS Cachan, filière PSI Session 2011 Rapport sur l’épreuve de français-philosophie Sujet : Dans La Transparence du Mal, Jean Baudrillard évoque le bien en le présentant comme une « force condescendante et dépressive de la bonne volonté, qui ne rêve dans le monde que de rectitude, et se refuse à envisager la courbure du Mal, l’intelligence du Mal » (La Transparence du Mal, "Mais où est donc passé le Mal ?", Galilée, 1990, p. 92). Quelles réflexions vous inspire cette proposition à la lumière de votre lecture des œuvres au programme ? Bilan des copies Les dissertations ont été notées de 0 à 20. La moyenne de l’épreuve est de 9,88 et l’écarttype de 3,58. Les membres du jury ont pu apprécier la qualité du travail de nombreux candidats qui ont eu le souci de construire une réflexion prenant bien appui sur les données du sujet, sachant argumenter rigoureusement et étayer leur propos de références précises aux œuvres du programme. Ceci met une fois de plus clairement en évidence que des étudiants bien préparés sont en mesure de réussir une dissertation, parfois excellemment (plusieurs 20). D’autres n’ont malheureusement pas fait l’effort d’une bonne analyse de la citation et ont tenté de se replier sur des bribes de cours ou de corrigés au risque d’opérer un contresens fâcheux sur le sujet : le "bien" vu comme une nécessité atteignable par la négation du mal… ce que n’exprime absolument pas Jean Baudrillard. Nous ne saurions trop conseiller aux étudiants de s’interdire la confusion entre dissertation et récitation. L’effort qui leur est demandé est un effort de réflexion et de construction argumentée, lui-même ne pouvant prendre appui que sur le sujet, analysé avec précision. Beaucoup d’étudiants auraient ainsi pu améliorer leur réflexion en étant plus attentifs à la spécificité du sujet. Il ne s’agissait pas de répéter ce qui avait été mémorisé sur le thème du mal, ou sur les œuvres, mais de répondre avec rigueur au questionnement proposé par Baudrillard. Analyse et compréhension du sujet Jean Baudrillard met en opposition deux forces : celle du bien et celle du mal. Le bien et l’exercice de la "bonne volonté" se trouvent discrédités par les adjectifs "condescendante" (supériorité, mépris des "bons" à l’égard de la faiblesse) et "dépressive" (morosité, passivité, dépression, incapacité à agir). Le nom "rectitude" et les verbes "rêver", "se refuser à" soulignent l’enfermement dans un lien théorique, coupé de la réalité et bloqué sur des principes inopérants. A contrario, le mal, caractérisé par les noms "courbure" et "intelligence" renvoie à l’adaptabilité aux circonstances, au souci de pragmatisme, de réalisme. Le mot intelligence met en évidence l’existence d’une réflexion et d’un cheminement discursif à des fins malignes. L’analyse des propos de Baudrillard pouvait conduire au questionnement suivant : L’opposition axiologique entre les deux principes antagonistes du mal et du bien ne peut-elle pas être remise en question ? La notion de "force" ne peut-elle pas être utilisée pour faire jouer ensemble le "bien" et le "mal", passer de la force dépressive de la bonne volonté à la force dépressive de la mauvaise volonté, de la rectitude du bien à la rectitude du mal, de la courbure du mal à la courbure du bien ? Un tel questionnement pouvait conduire au plan suivant : 1ère partie : la force de la courbure du mal (mal rusé, courbe et pragmatique, intelligent). 2ème partie : la "force condescendante et dépressive de la bonne volonté" (rectitude des principes, éloignement de la réalité, un "bien" en mauvaise santé). 3ème partie : procéder à un retournement pour vivre une conversion à un "bien" en bonne santé (force dépressive de la mauvaise volonté, acquisition d’une rectitude souple, d’une courbure du bien). Les membres du jury ont eu le plaisir de constater que de nombreux candidats ont su utiliser à bon escient leurs connaissances de physiciens ("force", "rectitude", "courbure") pour opérer des retournements pertinents, ont souvent concilié pertinence du propos et précision de la langue. Ils ont su de surcroît confronter leurs arguments aux données des œuvres, l’intelligence et la finesse du propos allant de pair avec une lecture personnelle du programme. Erreurs relevées • Sur le plan du projet d’ensemble, elles tiennent principalement à une méconnaissance totale ou partielle des propos de Baudrillard ◦ Ne pas tenir compte des verbes "rêver" et "se refuser à envisager" ne peut que conduire à ne pas prendre conscience que la racine du problème est liée à celle de la représentation du mal et du bien. Quelle idée l’homme bon se fait-il du mal ? ◦ Ne pas comprendre les adjectifs "condescendant" et "dépressif" fausse le sujet. Il ne s’agissait pas de se contenter d’opposer le bien au mal ou pire, de croire que Baudrillard ne parlait que du bien. • Sur le plan de l’exploitation des œuvres, les maladresses relevées tiennent surtout à l’absence d’équilibre dans leur traitement. Conclusion La session 2011 est encourageante car elle a montré que des candidats bien préparés ont su répondre à un sujet exigeant : réflexion plus approfondie, meilleure connaissance des œuvres, écriture et orthographe soignées. Une plus grande attention à la spécificité du sujet proposé valoriserait ces qualités : bien comprendre le sens des termes de la citation, les confronter pour en tirer une problématique claire, énoncée dans l’introduction et développée de manière dynamique ensuite. Nous ne pouvons que conseiller aux futurs candidats de faire porter leurs efforts sur l’acquisition de ces qualités tout au long de l’année scolaire pour les mettre en œuvre le mieux possible au moment du concours.