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Cas clinique
Tumeur myofibroblastique pulmonaire :
intérêt de la chirurgie première
M. Abdennadher1, M. Kolsi1, A. Khabir2, M. Abdelmalek1, T. Boudaoura2, I. Frikha1
Résumé
Introduction Les tumeurs myofibroblastiques ou pseudo inflammatoires pulmonaires sont rares. Bien que bénignes, elles peuvent être invasives et récidiver après exérèse.
Observation Nous rapportons le cas d’un enfant âgé de 14 ans,
porteur d’un nodule solitaire basal du poumon gauche révélé par
des hémoptysies de faible abondance. Le scanner thoracique
était en faveur d’une tumeur hypervascularisée. La fibroscopie
bronchique était normale, la biopsie transpariétale n’a pu être
réalisée du fait de sa localisation proximale. Une lobectomie fut
réalisée à travers une thoracotomie postéro latérale avec des
suites favorables. L’étude histopathologique a conclu à une
tumeur myofibroblastique.
Conclusion Le recours à la chirurgie de première intention est
indispensable pour confirmer le diagnostic d’une tumeur myofibroblastique pulmonaire. La résection complète est le seul
garant pour prévenir les récidives.
Mots-clés : Pseudotumeur • Hémoptysie • Nodule pulmonaire •
Chirurgie • Lobectomie.
1
Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire
CHU Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie.
2
Service d’anatomopathologie CHU Habib Bourguiba, Sfax,
Tunisie.
Correspondance : M. Abdennadher
Service de Chirurgie Cardiovasculaire et Thoracique,
CHU Habib Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie
[email protected]
Réception version princeps à la Revue : 18.05.2005.
Demande de réponse aux auteurs : 28.06.2005.
Réception de la réponse des auteurs : 11.07.2005.
Acceptation définitive : 13.07.2005.
Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 1043-7
Rev Mal Respir 2005 ; 22 : 1043-7
Doi : 10.1019/200530094
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 15/02/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
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M. Abdennadher et coll.
Introduction
Pulmonary myofibroblastoma :
the role of primary surgery
M. Abdennadher, M. Kolsi, A. Khabir, M. Abdelmalek,
T. Boudaoura, I. Frikha
Summary
Introduction Myofibroblastic tumours or pulmonary pseudotumours are rare and, though benign, they may become invasive
and recur after excision.
Case report We report the case of a child aged 14, presenting
with mild haemoptysis, who had a solitary nodule at the base of
the left lung. CT scanning suggested a hypervascular tumour.
Fibreoptic bronchoscopy was normal and it was not possible to
perform percutaneous biopsy on account of its proximal situation. A lobectomy was performed via a postero-lateral thoracotomy with a successful outcome. Histological examination
revealed a myofibroblastic tumour.
Conclusion Recourse to primary surgery is essential to confirm
the diagnosis of a myofibroblastic pulmonary tumour. Complete
resection is the only guarantee to prevent recurrence.
Key-words: Pseudotumour • Haemoptysis • Pulmonary nodule •
Surgery • Lobectomy.
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Les tumeurs myofibroblastiques sont rares, elles représentent moins de 1 % des masses pulmonaires [1]. Elles sont
connues sous plusieurs termes du fait de la variabilité de leur
composition cellulaire : elles peuvent être des pseudotumeurs
inflammatoires, xantogranulomateuses ou histiocytomes
fibreux. Les dernières études cytogénétiques suggèrent qu’il
s’agit bien d’un néoplasme et non pas de lésion réactionnelle
[2]. Ces tumeurs peuvent se présenter cliniquement et radiologiquement comme des tumeurs malignes. Leur diagnostic
de certitude est anatomopathologique, il repose essentiellement sur l’étude de la pièce opératoire. À travers cette observation, on a pu montrer l’intérêt de la chirurgie de résection
pulmonaire réglée comme moyen de confirmation diagnostique des pseudotumeurs inflammatoires et surtout comme
garant pour prévenir les récidives.
Observation
Patient MM âgé de 14 ans, sans antécédent pathologique particulier, présentant depuis 2 mois des hémoptysies récidivantes de faible abondance, sans
notion de toux, ni de douleurs thoraciques ou d’infection respiratoire. L’examen pleuro pulmonaire était normal. La radiographie du thorax a montré un
nodule pulmonaire solitaire basal gauche, homogène, bien limité, mesurant
3 cm de diamètre et sans bronchogramme aérien. (fig. 1). La sérologie hydatique s’est révélée négative et l’échographie abdominale était normale. Un scanner thoracique avec des coupes fines a conclu à un nodule parenchymateux
solitaire du Fowler gauche de 3,1 x 2 cm, bien circonscrit, arrondie à limites
nettes et qui se rehausse intensément et d’une façon homogène après injection du produit de contraste. Il n’existait pas d’autres anomalies pleurales,
médiastinale et vasculaire. (fig. 2 et 3). Une tumeur carcinoïde fut évoquée.
La biopsie sous scanner était jugée à haut risque de saignement vu le caractère
hyper vascularisé et la localisation para-hilaire du nodule. Une chirurgie de
première intension a été indiquée. L’intervention a consisté en une lobecto-
Fig. 1.
Radiographie du thorax montrant un nodule pulmonaire solitaire
basal gauche (flèche).
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Tumeur myofibroblastique pulmonaire
Fig. 2.
Scanner thoracique sans injection de produit de contraste : le nodule
siège au niveau du segment apical du lobe inférieur gauche.
mie inférieure du poumon gauche à travers une thoracotomie postéro latérale
passant dans le 5e espace intercostal. À l’étude anatomopathologique de la
pièce opératoire, le nodule était macroscopiquement bien limité, ferme, blanc
jaunâtre mesurant 2,5 cm de diamètre (fig. 4). Histologiquement, il s’agit
d’une prolifération de cellules fusiformes régulières, disposées en faisceaux
courts enchevêtrés, associées à des amas de cellules histiocytaires et d’un infiltrat lymphocytaire assez abondant (fig. 5). Le diagnostic retenu était celui
d’une tumeur myofibroblastique inflammatoire. Les suites opératoires ont été
marquées par la persistance d’un bullage par le drain thoracique qui s’est
arrêté au bout de 7 jours. Contrôlé à la consultation externe et avec un recul
de 8 mois, le patient était asymptomatique et a repris progressivement une
activité normale,
Discussion
Les pseudotumeurs inflammatoires sont des tumeurs
bénignes rares, de topographie très variable, de siège
ubiquitaire ; elles sont parfois multifocales, qualité qui doit
être recherchée chaque fois qu’un tel diagnostic est porté.
L’atteinte pulmonaire est la moins fréquemment décrite [3].
Elles sont possibles à tout âge, prédominent lors de la
deuxième décade. La localisation pulmonaire se voit surtout
chez l’enfant et c’est le cas de notre observation. Les deux
sexes sont atteints à égalité. Selon certains auteurs [4], l’étiologie de la pseudotumeur inflammatoire est une pneumonie
organisée ; d’autres suggèrent qu’elle est secondaire à une
infection virale, bactérienne ou fongique. Les patients peuvent être totalement asymptomatiques avec une découverte
fortuite de la tumeur à la radiographie du thorax, ou bien ils
peuvent présenter des manifestations cliniques qui sont très
variables : Il s’agit dans la majorité des cas d’une toux, fièvre,
douleur thoracique, dyspnée, hémoptysie ou des infections à
répétition, associées parfois à une perte de poids et une anorexie [3-4]. Le diagnostic peut être évoqué dans un contexte
de syndrome inflammatoire biologique marqué ce qui n’est
Fig. 3.
Scanner thoracique : le nodule se rehausse fortement par le produit
de contraste.
pas le cas dans notre observation. L’imagerie est non spécifique et le diagnostic des pseudotumeurs inflammatoires reste
un diagnostic d’élimination. Ces tumeurs se présentent à la
radiographie du thorax sous forme de nodule ou de masse
bien circonscrite, de localisation surtout lobaire inférieure et
périphérique [5]. Les calcifications et les cavitations sont
rares. En effet selon une étude faite sur 61 patients, la présentation radiologique était dominée par un nodule solitaire
périphérique dans 87 % des cas, plus rarement de nodules
multiples 5 %, de lésion centrale 6 %, de lésion pleurale, de
calcification 15 % ou cavitation 5 %. La biopsie transthoracique n’a pas de place dans le diagnostic de ce type de
tumeur : l’interprétation histologique des biopsies doit être
Fig. 4.
Pièce opératoire : Aspect macroscopique de la tumeur au sein du
lobe inférieur du poumon gauche.
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M. Abdennadher et coll.
a b
Fig. 5.
Photomicrographie montrant la prolifération de cellules fusiformes régulières, associées à des amas de cellules histiocytaires et d’un infiltrat
lymphocytaires assez abondant. (Coloration à l’hematoxylin-éosine, (fig. 5a : x 100, fig. 5b : x 400).
très prudente car un aspect de pseudotumeur inflammatoire
peut être observé en périphérie d’une tumeur mésenchymateuse maligne. La confirmation diagnostique repose sur
l’étude de la pièce opératoire [6]. La tumeur est souvent bien
limitée ayant un diamètre qui varie de 1 à 4 cm. À l’histologie, elle est formée par la prolifération de cellules fusiformes,
myofibroblastiques associées à un infiltrat lymphoplasmocytaire et histiocytaire. Le diagnostic différentiel avec un sarcome est difficile. Selon Matsubara, il existe 3 types
histologiques de pseudotumeur inflammatoire : la pneumonie organisée 44 %, l’histiocytome organisé 44 % et la prolifération lymphoplasmocytaire 12 %. Dans notre cas on a
une prolifération histiocytaire et lymphoplasmocytaire.
D’autres, Cerfolio et Allen [6], décrient 2 types : invasive et
non invasive. La chirurgie est le traitement de choix, la résection doit être complète parce qu’un résidu tumoral signifie
une récidive dans 60 % des cas [1]. La chirurgie peut consister en une segmentectomie, lobectomie voir même une
pneumonectomie. Les corticoïdes sont utilisés s’il y a contre
indication à la chirurgie [2, 7]. Ils entraînent une régression
de la taille de la tumeur.
Bien que la pseudotumeur inflammatoire soit considérée
comme une tumeur bénigne, elle peut présenter les caractéristiques d’une tumeur maligne [8]. Une surveillance ultérieure
de type cancérologique doit être instituée devant la possibilité
de récidive et de potentiel évolutif malin indéterminé. La
durée, le rythme et les modalités de cette surveillance ne sont
cependant pas codifiés.
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Conclusion
Les pseudotumeurs inflammatoires sont des tumeurs
rares, souvent asymptomatiques chez l’enfant. Sur le plan
radiologique, elles se présentent généralement sous forme de
nodule ou de masse solitaire. Le diagnostic préopératoire est
rarement établi. Le traitement de choix est la résection chirurgicale. La surveillance postopératoire est nécessaire, en effet,
ces tumeurs peuvent rarement se comporter comme des
tumeurs malignes, malgré qu’elles soient considérées comme
des tumeurs bénignes.
Références
1
2
3
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Matsubara O, Tan Liu NS, Kenney RM, Mark EJ : Inflammatory
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Tumeur myofibroblastique pulmonaire
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