Séminaire EMAR du 17 novembre 2006 Contribution
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Séminaire EMAR du 17 novembre 2006 Contribution
Séminaire EMAR du 17 novembre 2006 Contribution méthodologique pour une analyse qualitative des flux conteneurisés : applications canadiennes Yann Alix (Professeur à l’Ecole de Management de Normandie) Compte-rendu rédigé par Gilles Costa (SPLOT) Elisabeth Gouvernal introduit la séance : Le conteneur est un objet en soi et à ce titre est comptabilisé en tant que tel. Mais qu’est-ce qui se trouve dans le conteneur ? Quels types de marchandises l’utilisent et pourquoi ? On peut penser que ces catégories généreront chacune des circuits logistiques différents, une valeur ajoutée portuaire différente, et à terme peuvent constituer un enjeu pour la compétitivité des produits participant au commerce international d’un pays, le Canada en l’occurrence. Autant de questions auxquelles Yann Alix se propose de répondre. Jacques Charlier complète cette introduction : parmi les produits contenus dans ces boîtes, il y en a un qui ne figure dans aucune nomenclature : l’air. En d’autres termes, cette analyse ne doit pas occulter le problème des retours à vide des conteneurs et de leur repositionnement, conséquence inévitable du déséquilibre des trafics. Yann Alix excuse Jean-François Pelletier, empêché, de son absence et remercie l’INRETS pour son invitation à ce séminaire. Il précise que ce travail méthodologique constitue une première approche. La méthodologie proposée est une première et il est indispensable de retravailler à partir d’une banque de données spécifique qu’il reste à constituer. Cette étude empirique concerne trois ports canadiens, Vancouver, Montréal et Saint-John. Mais c’est Vancouver qui, le premier, a compris tout l’intérêt qu’il pouvait retirer d’une étude qualitative des flux de marchandises transitant sur ses quais et pour cela a manifesté son intérêt pour des données statistiques adaptées. Le conteneur est un produit qui a fait l’objet de multiples analyses dans les littératures de diverses disciplines (géographie, droit, économie, gestion…), sans que ces travaux ne se soient réellement intéressés à la nature d’un contenu qui diffère selon le port. Le conteneur demeure le prisme à travers lequel ces études sont menées et qui à ce titre ignorent tout ce qui n’est pas conteneurisé. L’approche de Y.Alix. se propose d’aller au-delà et d’établir une passerelle entre les produits conteneurisés et ceux susceptibles de le devenir en s’intéressant au contenu des boîtes. Le conteneur, à l’origine de nouvelles approches sur l’intermodalité par filière et par produit, jusqu’ici recensées à la boîte, permettrait désormais de définir de nouvelles familles 1 de produits conteneurisables et ainsi d’influer sur les perspectives de développement de l’activité pour l’autorité portuaire, le chargeur ou l’armateur. I- Questionnement et problématique : La démarche retenue pour la recherche d’une meilleure connaissance du trafic conteneurisé se résume au triptyque suivant : - le processus de conteneurisation constaté au Canada ces dernières années mérite une attention particulière ; - (car) la conteneurisation peut être un facteur de potentialité stratégique de positionnement commercial, et en ce domaine le port est une source d’informations qualitatives perfectibles ; - (avec une ambition ultime) : l’analyse de la conteneurisation comme élément d’anticipations de marché, à Vancouver notamment. Les statistiques de trafic des ports canadiens mettent en évidence une croissance ininterrompue, avec quelques ralentissements ponctuels entre 1967 et 2002 (régression parabolique presque parfaite) : cette tendance n’est pas surprenante mais rend le phénomène de conteneurisation d’autant plus prégnant. La même constatation s’observe pour les ports de Montréal et de Vancouver avec un effet de rattrapage marqué du second, du au changement du centre de gravité de l’économie canadienne orientée désormais vers l’Est (à eux deux 90% du total conteneurisé des ports canadiens en 2005, contre 50% à la fin des années 70). Le cadre d’étude porte sur les 3 plus grands ports de l’Est du Canada, Montréal, Halifax et Saint-Jean, dont on analyse la croissance du trafic et dont les profils historiques de conteneurisation diffèrent : Montréal : poly-fonctionnalité du port non sacrifiée au profit du conteneur, Halifax : prolifération de la marchandise générale fortement conteneurisée (marché asiatique), Saint-Jean : le plus petit des 3, port vraquier essentiellement, qui a affronté une forte crise au cours des années 90, mais se rétablit depuis. II- Méthodologie Le périmètre de l’étude est bien défini : - Son contenu : une matrice origine/destination mettant en évidence les mouvements d’import/export, port par port, ce qui limite l’approche qualitative par zone - L’origine des données : les statistiques douanières canadiennes dont la nomenclature a fait l’objet de 3 changements et nécessitant de ce fait un protocole de comparaison pour une analyse de longue période. - La période d’analyse : entre 1985 (pas de donnée avant cette date) et 2000, par catégorie de trafic, sur les 3 ports, et par période quinquennale afin de lisser les changements de schéma de rotation. - La tonne métrique comme unité de référence, afin de disposer d’une analyse la plus fine possible. . Une fois ce cadre défini, une base de données relationnelle, unique, peut être construite. Son contenu émanant du milieu professionnel, il demeure difficile pour le chercheur de se l’approprier. Tout en respectant la cohérence statistique de l’ensemble, une 2 simplification de la classification par type de produit a permis d’appréhender la propension à la conteneurisation (nomenclature simplifiée en 8 classes, mais assurant un spectre qualitatif suffisamment diversifié). Ces données font l’objet d’une validation régulière : toute nouvelle donnée est comparée à d’autres informations du même type disponibles par ailleurs (statistiques canadiennes ou des ports lorsqu’elles sont accessibles). Les limites de cette méthode reflètent les lacunes des données : une nomenclature insuffisamment détaillée, la catégorie «general cargo» trop généraliste avec des déclarations en douane qui varient d’un port à l’autre et in fine des données qui demeurent évasives et ne permettant pas une analyse spatiale et logistique très fine : en ce domaine l’information demeure parcellaire et ne peut être intégrée à une base de données. III- Les résultats de l’analyse : Ces résultats sont fournis pour chacun des 3 ports, selon les 8 catégories de produits et selon 3 périodes quinquennales : 1986-90, 1991-95, 1996-2000. On constate une hétérogénéité du trafic à Montréal et Halifax qui n’existe pas à SaintJean, port spécialisé dans l’agro-alimentaire et les produits forestiers. Les évolutions différentes, pour un même type de produit d’un port à l’autre, sont les plus instructives, car leur mise en évidence permet de vérifier des hypothèses avancées, notamment celle d’un «cannibalisme» attractif entre ports et des taux de croissance respectifs décalés. Ce type d’analyse intéresse fortement les opérateurs concernés. Bien évidemment chaque port est doté d’un profil différent qui se déforme selon deux dynamiques : celle du temps, qu’il s’agisse des périodes quinquennales ou de la série chronologique toute entière, et celle du poids relatif de chaque catégorie de trafic, sachant que la croissance d’un port peut se faire au détriment d’un autre ou au contraire que les aires de marché demeurent durablement captives. L’analyse par origine/destination met en évidence le fait que certains ports sont fortement spécialisés dans leur avant-pays marins : par exemple Halifax sur l’Europe de l’Ouest et du Sud, Montréal sur l’Europe de l’Ouest et Saint-Jean sur l’Amérique Centrale et les Caraïbes. Alors que Halifax et Montréal s’orientent davantage vers la Méditerranée du fait de la croissance des trafics sur cette zone, les flux O/D sur Saint-Jean se pérennisent. En d’autres termes, on constate la présence de marchés segmentés qui sont le résultat de la concurrence que se livrent HLX et MTL d’une part, et d’une niche de conteneurisation pérenne sur SJ, probablement car elle n’est viable que sur ce port. Une zone peu présente : l’Afrique, notamment sur MTL. Afin d’identifier les logiques de confrontation entre ports, à l’importation comme à l’exportation, il est nécessaire d’étudier chaque flux par type de marchandise et par O/D. Certaines tendances se manifestent : - pour l’agro-alimentaire, MTL confirme sa présence sur les marchés historiques européens au détriment d’HLX, et SJ sur le marché latino-américain qui reste néanmoins très mobile ; - pour les produits métalliques : des parts de marché qui demeurent stables avec quelques évolutions plus erratiques sur une période et dont on aimerait connaître la cause ; - pour les produits forestiers : les producteurs sont les maîtres et opèrent une répartition spatiale et tacite du marché en fonction de la demande : MTL sur l’Europe, HLX sur les marchés asiatiques, SJ sur l’Amérique Latine. 3 Ces observations suggèrent que les produits vont là où ils trouvent des service adaptés. En d’autres termes on serait en présence d’une logique inversée où le trafic se dirige là où il peut. Dans ce cas il appartient à l’autorité portuaire d’avoir une compétence suffisante pour apprécier, cas par cas, le type de cargaison concerné et de réagir en conséquence pour récupérer ce trafic. IV- Commentaire autour de ces premiers résultats d’analyse Un examen plus détaillé de ces résultats primaires met en exergue une segmentation spatiale selon la nature du produit, que la compétition portuaire accentue, et qui se concrétise par la présence de niches de marché. Sont cités : - l’exemple du port de SJ, qui malgré sa taille modeste parvient à fidéliser ses marchés latino-américains pour les produits alimentaires et forestiers, - le cas des trafics méditerranéens dont la croissance est l’occasion, pour les ports de MTL et HLX, de développer des stratégies de croissance par filière. Désormais, il semble que les chargeurs nord américains sont de plus en plus incités à formater leur transport maritime en fonction de logiques d’importation et d’exportation autour de réseaux logistiques complets et fléchés sur une entrée portuaire déterminée. En ce qui concerne les autorités portuaires, disposer de statistiques plus fines et notamment d’une connaissance plus qualitative des flux, peut constituer un argument supplémentaire pour défendre leurs intérêts de marché en terme de centralité des décisions et d’intermodalité. Selon Y.Alix, on voit émerger de nouveaux marchés conteneurisables, induisant des valeurs ajoutées différemment réparties, et associant l’intermodalité à des catégories de produits ou de filières, qui, jusqu’à présent n’étaient pas conteneurisables. Un des graphiques présentés montre que le trafic de conteneurs n’a pas le même rythme de croissance, ni la même densité, à Montréal et à Vancouver entre 1970 et 2002 : dans le premier cas la courbe a une allure assez marquée (saturation qui semble se manifester dès 1995), alors que dans le second cas la croissance se poursuit : visiblement à Vancouver il y a de la marge disponible pour les marchandises naturellement conteneurisables, mais aussi pour les néo-vracs, c’est-à-dire les vracs susceptibles d’être conteneurisés comme par exemple le sucre ou les céréales. A Vancouver, la pâte à papier et les produits forestiers sont les deux principaux types de marchandises conteneurisées exportées transitant par ses quais depuis 1996, alors qu’en 2000 ces mêmes marchandises quittaient toujours les ports de la côte est, mais non conteneurisées. Dans le port de Vancouver, l’essentiel du trafic émane du bassin est asiatique (Chine/Japon/Corée) et après 2000 on peut penser que l’on assistera à une explosion du marché chinois pour les produits forestiers compte tenu des besoins en bois d’œuvre dans ce pays. Par ailleurs, depuis une décennie, le Canada est en conflit avec les USA en raison des taxes élevées sur les exportations de produits forestiers, ce qui l’amène à chercher d’autres filières outre-mer, d’autant que des tonnes de bois en attente s’accumulent et que le déséquilibre des flux favorise des taux de fret durablement instables ? Toutes les conditions sont donc réunies pour mettre dans des boîtes, à un tarif très avantageux, des produits dont la demande et l’offre sont bien alignées et qui ne seraient normalement pas conteneurisables. C’est ce qui s’est passé avec le bois pour lequel les conditions de marché des lignes régulières ont favorisé un marché qui n’aurait pas existé dans des conditions normales. C’est aussi une opportunité pour le ferroviaire à la recherche de boîtes à destination des marchés asiatiques. 4 C’est dans cette perspective très favorable que prend place l’analyse des facteurs du développement du néo-vrac : - mise en route d’études qualitatives des flux de la part de l’autorité portuaire préalables à de nouveaux positionnements stratégiques, - mise en route d’études économiques et économétriques de la part d’universitaires comme de chargeurs, - des horizons nouveaux pour la conteneurisation, car la demande chinoise semble insatiable et que la banalisation de la conteneurisation préfigure l’intermodalité des céréales après celle du bois. V- Conclusion et perspectives d’études Dans un tel contexte, Y.Alix est naturellement amené à se demander si le port ne constitue pas un pilier essentiel à la promotion du transport intégré et, à ce titre, l’autorité portuaire un acteur privilégié parmi les partenaires de la chaîne de transport . De ce point de vue, Vancouver semble être le parfait exemple de la « mise en boîte ». Bien évidemment ce phénomène n’est pas sans conséquence pour le positionnement stratégique du port sur un marché potentiel bien identifié qui implique la présence de toute une batterie d’outils commerciaux suffisamment rodés. Il influe également la conduite des politiques publiques qui se trouvent de plus en plus engagées dans des programmes de soutien en R&D ou en compétitivité des produits. Quant à l’opérateur maritime, il lui appartient désormais de rechercher pour ses produits une sortie optimale et de suggérer des filières conteneurisées qui s’orientent durablement vers la récupération des vracs. En ce domaine un outil performant de gestion reste à valoriser auprès des associations de chargeurs et de producteurs en combinant actions commerciales, déploiements de matériel performants (conteneurs frigorifiques) ou recherche de fret complémentaire (la tourbe par exemple). Des perspectives nouvelles d’analyses se manifestent, largement alimentés par les demandes sécuritaires américaines en statistiques plus détaillées sur la nature des cargaisons à l’importation, et par celle des autorités portuaires canadiennes pour valoriser leurs échanges conteneurisés avec l’Amérique Latine. Néanmoins, l’ampleur du champ géographique concerné et les spécificités du hubbing dans la zone Caraïbes risquent de biaiser les résultats. Par ailleurs les bases de données sont pour certaines filières davantage nord-américaines que canadiennes, si bien que l’harmonisation des données entre le Canada et les USA constitue une difficulté supplémentaire. Questions /Réponses : J.Charlier (professeur de géographie à l’Université Catholique de Louvain et à ParisIV) souligne la mise en évidence de l’ampleur du domaine d’étude dont cette présentation ne fournit qu’un premier aperçu. Il propose de scinder la discussion en deux volets consacrés respectivement au contenu de cette l’analyse menée en l’Amérique du Nord, et à l’intérêt que ce type de recherche peut susciter en Europe. 5 I- L’analyse nord américaine Marie Douet (IUT de Quimper) demande si la desserte de l’Europe du Sud comprend celle de la Mer Noire, et si le continent africain peut être desservi par hubbing par les ports de l’Europe du Sud? Réponse : La Mer Noire fait bien partie de la zone Sud-Europe. Dans la matrice O/D le port retenu est le premier port touché, une fois quitté le Canada ; le processus de transbordement biaise donc les résultats mais n’étant pas très développé avant 1996, cela perturbe peu les résultats, en revanche il en sera différemment après 2005. A la question d’E.Gouvernal qui demande pourquoi parler de biais à propos du phénomène de transbordement, on rappelle que les statistiques utilisées ne sont pas toutes homogènes : si dans la plupart des cas des données port à port ont pu être obtenues, dans certains cas l’analyste a du se contenter de statistiques par région impliquant des agrégations. Ce type d’information n’est pas fourni par les services des Douanes dont les statistiques font état de données finales par pays et non par port. Bien évidemment la présence de hubs, centres d’éclatement, brouille les pistes : du fait de la rupture de trafic, on connaît globalement ce qui rentre dans un pays de l’Europe du Sud, l’Espagne, mais on ignore tout sur le port du Sud concerné. Antoine Frémont de l’INRETS/Splot intervient à propos de la filière bois à Vancouver : sa montée en puissance n’est-elle pas le résultat de la présence de chargeurs peu organisés délégant leur pouvoir aux transitaires, ce qui permet à l’autorité portuaire de s’affirmer davantage ? Réponse : L’industrie forestière canadienne ne constitue pas un ensemble monolithique, mais le résultat du rapprochement entre producteurs privés et publics, acteurs nombreux et fortement dispersés, et les grands groupes canadiens qui assureront la massification des flux, négocient avec les Américains et qui sont en première ligne dans ces « états généraux de développement du conteneur ». Patrick Faurant du Port Autonome du Havre demande quelle est la part de l’autorité portuaire dans ce regain d’intérêt pour le processus de conteneurisation des flux ? Réponse : Il est difficile d’en désigner l’initiateur. Néanmoins, il semble, une fois confirmés certains signes favorables de l’évolution des flux, que le milieu universitaire se soit intéressé à ce thème, bien avant l’autorité portuaire. Il faut souligner que les armateurs arrivaient à Vancouver avec des cales à moitié vides : il y avait donc un alignement parfait d’une demande de bois chinoise à satisfaire sur une pléthore d’offres de fret dotée d’une structure ferroviaire adaptée pour amener ce bois de l’Est. En d’autres termes il y a eu présence d’un environnement très favorable que les universitaires ont su saisir, ce qui leur a permis de jouer un rôle déterminant dans ce processus. En effet, les universitaires ont mis en évidence ce potentiel de trafic grâce à une méthodologie adaptée sur la connaissance des flux. Ce travail leur a permis aussi de récolter des fonds de recherche, ce qui n’est pas négligeable non plus pour eux. 6 Yves Cousquer du Conseil Général des Ponts et Chaussées demande quels sont, parmi les acteurs de la chaîne de transport, ceux qui paraissent les mieux adaptés pour apprécier les déséquilibres des flux et par là des taux de fret ? Réponse : Le progrès des filières tendrait à montrer que la pérennité des flux ne serait plus liée à la volatilité des taux de fret ? mais de plus en plus à la performance de l’offre. En d’autres termes, le marché serait davantage maîtrisé par les partenaires liés à l’offre de transport qu’à l’offre de fret. A propos de l’orientation des arrières pays et de la concurrence que se livrent les ports pour accroître leur part de marché, Martin Soppé, de l’INRETS/Splot, s’interroge sur l’impact que la spécialisation par filière peut avoir sur les hinterlands portuaires. Réponse : Cette spécialisation a mis en évidence le fait que certains ports n’étaient pas tournés vers l’intérieur et se désintéressaient de leur marché naturel. C’est là une vraie difficulté que l’absence de données sur les flux terrestres permettant de remonter les filières, ne permet pas de lever. M.Douet s’interroge sur le trafic des céréales : qui les expédie, qui les reçoit ? Réponse : La banalisation de la conteneurisation concerne désormais aussi les céréales dont l’utilisation finale implique traçabilité et qualité. Les acteurs concernés sont les grands négociants qui ont pris conscience qu’ils fournissaient un produit basique, pour lequel le transport est un vecteur susceptible d’accroître la valeur ajoutée lors de sa commercialisation, et qu’ils pouvaient facturer ce surplus au destinateur final. Par exemple en le garantissant non OGN, ou en prémunissant le chargeur contre les vols. Ne comprends pas Selon E.Gouvernal, un problème est sous-jacent à celui de l’initiation de la conteneurisation des flux : celui de la maîtrise des importations et des exportations au niveau des incoterms. Quels sont les chargeurs qui en ont la maîtrise réelle, et donc où se situe la maîtrise de la chaîne ? Dispose-t-on d’éléments sur ce sujet ? Réponse : Pas directement. En revanche, les grands groupes intervenant dans la filière ont délibérément joué la carte de la qualité et un début de réponse peut être recherché dans cette direction. Selon M.Soppé, parler de « néo-vrac » fait implicitement référence à la notion de valeur ajoutée portuaire ; dans ce cas il demande si le port bénéficie de cet accroissement de valeur ajoutée. J.Charlier rappelle que cette notion de valeur ajoutée a fait le succès du port d’Anvers : ce sont les grands opérateurs de la manutention et de la logistique, et plus généralement les acteurs locaux, qui se sont emparés de l’idée et ont su en tirer le plus grand avantage contrairement aux autorités portuaires aux n’ont pas été en mesure de faire de l’intelligence économique suffisamment ciblée. C’est le lieu effectif de la conteneurisation qui désigne le bénéficiaire de la conteneurisation : pour les céréales c’est l’arrière pays, pour le bois c’est Vancouver. 7 Hipolito Martell du CIRTAI de l’Université du Havre questionne sur la filière Amérique Latine par SJ : s’agit-il de marchandises canadiennes ou européennes, et pour quelle destination ? Réponse : Ce sont essentiellement des flux résultant de la logique de niche évoquée plus haut complétés par des flux transfrontaliers nord-américains. Brian Slack, université Concordia Montréal, chercheur invité INRETS/ SPLOTprécise que c’est un armateur spécifique qui exploite cette niche ; il indique que ce port constitue, entre autre, une porte de sortie pour les marchandises vers Cuba du fait du blocus américain. II- Des indications pour les ports européens Cette analyse qualitative des flux conteneurisés au Canada a souligné l’intérêt de statistiques portuaires suffisamment fines dans la conduite d’une politique commerciale portuaire. Au vu des résultats, que faut-il préconiser, désormais, pour les états statistiques portuaires européens, interroge Y.Cousquer ? P.Faurant précise que les statistiques européennes sont basées sur la NST (68) utilisée par tous les ports européens, sauf ceux du Royaume-Uni ; c’est Eurostat qui gère cette base dotée de 24 positions. La difficulté essentielle, en ce qui nous concerne, réside dans la distinction entre la notion de produit NST et celle de conditionnement : en croisant les fichiers correspondants on est sensé obtenir une image fidèle de la conteneurisation en France, en revanche on ignore tout de ce qui est transbordé. Stéphane Questroey, du Port Autonome de Dunkerque confirme la bonne connaissance des trafics conteneurs dans les ports français, excepté dans le Nord. Selon Jacques Charlier, certains consultants proposent des statistiques relatives aux hinterlands portuaires, surtout sur le range Nord ; leurs commanditaires sont les grands armements opérant dans la région et de ce fait le contenu des informations issues de leurs échantillons demeure fortement biaisé. P.Faurant cite « Global Insight » qui gère une base de données mondiale et européenne par produit et par conditionnement. A.Frémont recentre le débat sur une vision plus claire des origines/destinations en Europe, indépendamment de la nature des produits et s’interroge sur le problème de la massification sur certaines routes maritimes. Selon lui, ces problèmes sont liés car pour mener une politique sur les flux portuaires encore faut-il disposer d’informations suffisantes en ce domaine. E.Gouvernal évoque à ce propos l’enquête Echo qui concerne les exportations françaises: l’objectif de cette enquête est de reconstituer le lien entre la demande et l’offre de transport en parcourant tout le cheminement physique et organisationnel effectué par un envoi jusqu’à sa destination finale. Elle identifie donc les ports de passage.., Sous réserve des difficultés de redressement statistique qu’une exploitation régionale implique, elle peut etre utilisée pour ce type de recherche. Une première analyse a permis de mettre en évidence une notion d’hinterland portuaire pour certaines catégories de produits, voire par type de conditionnement, et par région d’origine : par exemple l’hinterland du port de Marseille est beaucoup plus large pour le Maghreb pour les catégories de trafics ciblées sur cette région que pour l’Asie et l’Amérique., La région lyonnaise passera par Marseille pour l’Asie alors que pour des exportations sur l’Amérique du Nord, le transit portuaire se fera plutôt par le Havre ou Anvers. 8 Selon J.Charlier, lorsque l’on évoque la notion d’hinterland, il s’agit d’un espace aux limites floues car un arrière pays se définit, pour une grande part, selon l’origine outre-mer de la marchandise : il cite l’exemple de Vancouver dont l’arrière pays recouvre l’ensemble du Canada pour les liaisons trans-pacifiques, et se limite à sa région métropolitaine pour les liaisons transatlantiques par Suez. A propos des flux d’importation, E.Gouvernal regrette que le développement des plates-formes de fret ou de distribution n’ait pas été évoqué car, selon elle, c’est un moyen de fidéliser des filières maritimes. En ce domaine les autorités portuaires ont un rôle de premier plan à assumer par une politique de réserve foncière adéquate qui faciliterait la croissance de la valeur ajoutée dont le port bénéficierait. Cela fait partie de la mission d’initiation et de régulation de l’opérateur public distincte du rôle d’investisseur financier de l’opérateur privé Y.Alix confirme : il évoque le cas du port de Dakar dont la plate-forme de fret a avantageusement été utilisée par Bolloré dont les compétences logistiques ont permis d’ouvrir un nouveau corridor et de tirer profit des difficultés actuelles du port d’Abidjan en mobilisant et sensibilisant les armateurs et chargeurs opérant dans la région. C’est l’autorité portuaire qui en a été l’initiatrice et qui a su relever le défi en fédérant tout un groupe de partenaires potentiels. Conclusion : J.Charlier se propose de conclure le débat en l’orientant sur un autre aspect, à ne pas négliger et lié à la mondialisation, celui de l’impact macro-économique de l’extension de la conteneurisation à de nouvelles catégories de marchandises, qui selon lui risque à terme de n’être favorable qu’à l’économie des pays émergents. En effet, en cherchant à tout prix à remplir des boîtes à moitié vides, ne détériorons-nous pas inexorablement les termes des échanges au détriment des anciens pays industriels, en rendant les produits asiatiques plus compétitifs, puisque le conteneur leur permet d’arriver en Europe toujours plus vite et meilleurs marché ? Mais c’est un autre débat. 9