Le ciel, l`enfer et le purgatoire « La lumière du ciel devient visible là
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Le ciel, l`enfer et le purgatoire « La lumière du ciel devient visible là
Le ciel, l’enfer et le purgatoire « La lumière du ciel devient visible là où brule, ne fût-ce qu’une infime flamme d’amour sincère. » (L. Boros, C. 32, 70) Voilà qui confirme le caractère divin de l’amour sincère, d’un amour qui n’est pas purement érotique cependant, car l’amour érotique qui n’est jamais vraiment « sincère ». C’est le plaisir qu’il aime et l’exaltation de la vie qui en découle. Mais l’autre amour, qu’Éros peut éveiller toutefois et même accompagner, est divin et il produit de la lumière, ou du moins il allume une sensibilité particulière à la lumière « du ciel ». L’amour qui est divin implique renoncement à soi, oubli de soi, pour accueillir un autre pleinement. On ne peut donc l’éprouver que si l’on accepte une purification des instincts vitaux, qui sont volonté de jouissance et volonté de puissance (Éros et Arès), mais aussi volonté de connaissance, curiosité. Certes, toute curiosité n’est pas mauvaise. Il y en a une à l’origine de la philosophie et de la science qui est d’origine spirituelle. Mais il y en a une, à l’œuvre dans la société de communication actuelle, qui est un pur divertissement et presque une perversion de l’esprit. Au moment de mourir, dit encore Boros, on ne possède que ce à quoi on a vraiment renoncé dans sa vie, que ce dont on s’est dessaisi librement. Chacun découvre alors clairement que toute son existence a été une rencontre avec Jésus-Christ, dans le secret, dans le mystère, puisqu’il est présent dans les êtres sans qu’ils le sachent. Si par hypothèse un homme a vécu dans un égoïsme parfait, pour son seul plaisir, pour son seul intérêt, pour sa seule exaltation, il verra peut-être le Christ, mais celui-ci ne le reconnaitra pas. Il devra mener dans l’au-delà une existence avec lui-même seulement, ou avec des égoïstes qui lui ressemblent. Et ce pourrait être l’enfer ça aussi : une existence qui ne finit pas, sans Dieu, avec soi-même seulement, avec sa petitesse, sa mesquinerie, sa bêtise. Réfléchissant sur ces trois grandes figures mythiques du Ciel, de l’Enfer et du Purgatoire, L. Boros nous dit qu’il faut les voir comme des processus. Je serai au Ciel si je suis reconnu par le Christ, autrement dit si j’ai fait vraiment l’expérience de l’amour authentique. Dans ce cas, il y aura eu vraiment une rencontre avec lui, présent incognito dans tous ceux que j’ai aimés. Pour pouvoir être aimé du Christ, il faudra avoir fait, dans cette expérience de l’amour, l’expérience pourrait-on dire connexe de la pauvreté. Comme Jésus lui-même. Il faudra avoir renoncé à soi, s’être fait petit. C’est alors seulement que Jésus pourra me remplir de sa beauté, de son être à lui, de sa divinité. Quant à celui qui arrive à la mort tout plein de lui-même, il ne pourra recevoir l’amour du Christ. Il était déjà en enfer sans le savoir, et il continuera d’y être, « Dieu étant trop grand seigneur, dit Boros, pour damner quelqu’un ». J’ajouterais que ces humains-là, qui sont au fond ses « ennemis », Dieu les aime au point de les laisser être comme ils le désirent : seuls avec eux-mêmes ! Dieu ne les détruit pas, ce qui serait exercer une vengeance. Dieu est aussi trop grand seigneur pour se venger sur les hommes. Voilà un argument très fort en faveur de l’enfer ! On ne va donc pas en enfer, on y reste après sa mort. Cependant on va au Ciel, car il faut avoir fait un certain cheminement, celui de la renonciation à son égoïsme vital et celui de l’ouverture aux autres. Or il peut se faire qu’après la mort nous ayons besoin d’un supplément de purification, ce qui est le Purgatoire, belle doctrine en laquelle il vaut mieux croire qu’à celle de la réincarnation dans des formes d’être moins parfaites, pour venir y expier ses péchés et apprendre l’ultime sagesse de l’amour pur (Agapè). Ainsi donc, au point de départ nous sommes tous en enfer, le Diable a la main haute sur nous, nous lui appartenons, dans la mesure où nous appartenons à la nature en collant à nos instincts. Cette association de la nature avec le Diable fait évidemment problème, car la Genèse enseigne que le monde créé par Dieu est bon. Mais ce même livre enseigne aussi que le Diable y est entré avant que les hommes n’y soient et ne pèchent en lui obéissant plutôt qu’à Dieu. Tout ce scénario proprement mythique suppose une faute antérieure des anges qui en a fait des diables. Peut-être faudrait-il revenir vers Origène pour imaginer la nature (ou même la planète Terre) comme étant un lieu où des créatures célestes qui ont péché, nommément des anges, tombent, s’incarnent et travaillent à se racheter pour pouvoir remonter là où elles étaient d’abord. Mais cette « métempsychose » retire aux hommes leur identité et du même coup leur liberté et leur responsabilité. À juste titre elle fut condamnée. Nous ne dirons pas que seul le baptême (l’entrée dans l’Église) permet d’échapper au diable, car une aspiration vers le bien, la vérité et la justice existe dans tout homme, comme inversement l’aspiration au mal continue d’exister dans tout baptisé. Cette aspiration ressentie par tous à l’endroit des grandes valeurs suppose la présence de Dieu dans le monde, voire son appel aux créatures intelligentes. Il s’agit pour chacun d’être fidèle à cet appel de Dieu, ce qui le met en fait sur le chemin du Royaume sans qu’il le sache. Dit autrement, c’est ce qui le fait membre de l’Église déjà. Cependant, pour celui qui connait le Christ et son Église, quelque chose de plus est demandé pour pouvoir entrer dans le Royaume : la conversion, le revirement et l’entrée dans son « corps » terrestre qui est l’Église, dont chaque chrétien est un membre. Ce faisant il se met à son école et apprend à devenir « pauvres », à faire pénitence, à redevenir des enfants, etc. Qu’est-ce que le Christ ? Un homme qui atteint une perfection divine, ou un Dieu qui devient humain dans un corps de chair ? Ce mystère-là habite la personne historique de Jésus. Qu’un homme s’élève à une pareille perfection n’est possible, s’il n’est pas Dieu, qu’avec l’aide de Dieu, une aide qu’il a accepté de recevoir pleinement. Une pareille ouverture à Dieu vient de Dieu ou rend Dieu, voilà ce que ses premiers disciples ont compris très clairement. Ils ont compris ensuite que s’attacher à lui – toujours vivant – était la voie royale vers le salut, vers une vie avec Dieu qui ne finit plus. Ainsi la mort se trouve vaincue et le chrétien s’arrache non à la nature, mais à son emprise, à sa domination sur sa personne. Il entre dans une autre sphère de réalité qui correspond surement à ce monde renouvelé, rénové, parfait que les anciens prophètes ont annoncé. Avec une pareille intuition, les premiers disciples firent démarrer une nouvelle et grande religion. La grande résurrection La résurrection, c’est connu, est le centre de la foi chrétienne. Elle en est aussi la marque et le symbole. Non seulement nous sommes appelés à ressusciter après notre mort pour vivre avec le Christ, mais par la conversion, qui nous lie à lui dès maintenant, nous accédons à une nouvelle forme de vie. Donc nous ressuscitons déjà d’une certaine façon. Entrer dans une nouvelle forme de vie est une sorte de résurrection. Cette métamorphose resterait néanmoins insatisfaisante si elle se limitait à l’humanité, ou à certains de ses membres seulement. C’est aussi le monde dans son ensemble qui est appelé à ressusciter. Le projet de Dieu, si l’on en croit saint Paul et l’Apocalypse, est global, son dessein est d’être glorifié par toutes ses créatures, des plus parfaites aux moins parfaites, pour le plus grand bonheur de ces mêmes créatures. Il faudra donc un monde nouveau, un monde harmonieux, d’où le mal est exclu. La résurrection de la chair devrait être envisagée dans le contexte plus large d’une rénovation du monde. Cette chair ne pourrait pas rayonner de la splendeur divine qu’elle reflèterait, dans un monde où la maladie, la mort, l’accident, le hasard continueraient de faire des ravages. Le mythe du Paradis terrestre appelle et exige cet autre mythe d’un monde nouveau, d’un Royaume des cieux à venir, d’une création réconciliée avec son créateur. Satan, l’auteur du mal sous toutes ses formes, et pas seulement du mal dont les hommes se rendent coupables, sera à la toute fin renversé. Telle est l’espérance chrétienne, qui prend naissance dans la foi. Celle-ci, accrochée à la résurrection du Christ, ne peut pas ne pas engendrer l’espérance d’un renouvèlement complet du monde, y compris physique. Tout doit renaitre, tout doit revivre, « toutes choses doivent être faites nouvelles », pour reprendre un des leitmotivs de la Bible. Un monde nouveau est en marche, il s’avance dans l’Histoire ; la venue du Christ, et surtout sa résurrection, en ont posé les bases. L’Église est le groupe de ceux qui croient à ce nouveau monde et qui travaillent à le faire advenir, dans les sociétés humaines. Comment ? En pratiquant l’amour pour tous, en déployant une charité universelle. Le Christ est vivant, et il a dit qu’il reviendra. Sans doute ce sera pour inaugurer ce monde nouveau totalement régénéré. La foi chrétienne va jusque là. Elle ne doit pas se contenter de la vision étroite et moralisatrice d’une vie individuelle simplement rénovée et prolongée dans un au-delà qui n’est pas un vrai monde. C’est la totalité de l’univers qui est d’ores et déjà en marche vers la Parousie, dans un grand processus d’enfantement cosmique. Dans ce contexte, le temps nous est donné comme l’existence, en cadeau, pour nous permettre de participer à cette aventure. Toutefois, tous n’entreront pas dans le Royaume, tous n’y seront pas transfigurés à la fin. Le Christ l’a dit et redit : il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, comme il y a des réprouvés, des boucs, de l’ivraie, des péchés qui ne se pardonnent pas, etc. On aimerait bien qu’il en soit autrement et que tout et tous soient finalement réconciliés avec Dieu – y compris Satan, s’il est plus qu’un symbole ! – et initiés à une vie de parfaite harmonie en Dieu. La foi chrétienne s’enracine dans la Bible. Mais ce gros livre présente une conception de Dieu qu’on ne trouve pas dans les autres traditions de l’humanité, ou dans les mythologies. De comporter du mythe n’est pas en soi mauvais, puisque nous ne pouvons pas éviter d’en adopter un certain nombre pour penser la totalité et assoir la foi. Il faut cependant découvrir que cette « mythologie »-là n’en est pas une parmi d’autres. D’abord, elle est jointe à des éléments historiques en abondance, et insérée dans une histoire du peuple juif bien réelle qui bifurque le jour de la Pentecôte et se continue pour une part dans l’histoire de l’Église deux fois millénaire. Ensuite, pour nous, Occidentaux, étant donné notre passé, notre culture, notre identité, la religion chrétienne est la meilleure, la plus signifiante. Mais cela ne devrait jamais entrainer comme conséquence que nous cherchions à l’imposer aux autres qui ne la connaissent pas. Il suffit, mais il importe aussi, de la leur proposer en comptant sur notre seule joie intime, notre ouverture d’esprit et notre tolérance pour témoigner de sa vérité. Job et le malheur Celui qui accorde encore sa foi au Dieu biblique, comme c’est le cas pour un grand nombre de croyants de nos jours, ne peut pas ne pas être dérangé par les grandes catastrophes naturelles ou sociales (tsunamis, tremblements de terre, guerres, génocides, etc.) qui frappent régulièrement l’humanité. L’idée d’une providence de Dieu, présenté par Jésus comme un « père » qui aime ses enfants, se trouve alors remise en question et bien des paroles de l’Évangile apparaissent complètement fausses. Par exemple, « tout ce que vous demanderez à mon père en mon nom, il vous l’accordera ». Cette idée d’un bon Père, assez proche de celle du Père Noël, auquel on l’assimile aisément dans la période des Fêtes, ne peut toutefois pas être séparée de celle du Dieu terrible, qui punit son peuple, souvent présente dans l’Ancien Testament. L’une et l’autre sont là et il faut les garder ensemble, comme d’ailleurs les deux « testaments » de la Bible. Yahvé (tel est le nom de ce Père) n’appartient pas à notre monde, et donc nous ne pouvons ni le connaitre pour ce qu’il est, ni encore moins connaitre ses pensées et ses plans sur le monde. Cela, qui est de la saine théologie, ne doit pas être oublié, malgré la double tentation, soit de le rapprocher de nous au point qu’il s’occupe en détail de tout ce qui nous concerne, soit de l’éloigner au point que tout peut nous arriver sans qu’il manifeste la moindre réaction. Dans le premier cas, ce n’est plus nous qui sommes faits à son image, mais l’inverse, et nous revenons au paganisme ; dans le second, ce Dieu nous devient étranger, d’aucun secours, et nous tombons dans un athéisme au moins pratique sinon théorique. Yahvé est donc un Dieu très mystérieux, car bien qu’inconnaissable, il s’est pourtant fait connaitre par des révélations qu’il a accordées à de nombreux « prophètes », les auteurs de la Bible et par eux à tout le peuple juif. Suivant la recommandation des prophètes, le croyant doit aimer Yahvé et le prier avec confiance ; il sera parfois exaucé, mais pas toujours. Il lui est demandé aussi de le craindre, d’une crainte qui n’est pas de la peur, évidemment, mais du respect. Il doit le craindre comme l’enfant craint son père. Celui-ci, même s’il est très bon, peut toujours punir l’enfant. Il doit même le faire parfois, sous peine d’être tenu pour coupable des crimes qu’il commettra plus tard faute d’avoir été bien élevé. Cela aussi est un enseignement biblique qu’il faut garder en tête. Ceux qui n’ont pas ou qui n’ont plus foi en Yahvé et remettent leur esprit entre les mains des philosophes et des hommes de science, diront qu’on n’a pas à se poser de questions sur le « pourquoi » des raz-de-marée ou des éruptions volcaniques. Ils sont dans l’ordre naturel des choses avec lequel nous devons faire, un point c’est tout. Quant aux fidèles, ils doivent s’incliner humblement devant cette « parole » ou ce « silence » de Dieu (un tsunami, un tremblement de terre, un écrasement d’avion, etc.), et dire qu’ils n’y comprennent rien, comme Job jadis ne comprenait rien au malheur qui l’accablait. Dieu avait autorisé Satan à le frapper pour tester sa foi. Ses amis vinrent le voir et lui dirent de se repentir, puisque Dieu sans doute le punissait de quelque péché. Job leur résista farouchement. Or Dieu, à la fin du poème – car c’est un poème – apparait en personne pour lui dire à peu près ceci : Ta révolte contre la « théologie » de tes amis est juste. C’est toi qui as raison et eux qui ont tort. Ils ont mal parlé de moi, ce qui est une grave faute. Aussi tu seras sauvé, mais eux ne le seront pas, à moins qu’ils ne m’offrent sept taureaux et sept béliers en holocauste et que toi-même tu ne me pries pour eux ! Sur le fond du problème, cessez toutes vos spéculations, contentez-vous de savoir que j’existe et que je gouverne le monde avec sagesse. En effet, malheur ou pas, croire que Dieu existe et gouverne le monde avec sagesse devrait suffire. Mais... La grâce et la réincarnation La grâce est une notion juive et chrétienne. Elle n’a de sens que si Dieu est transcendant, que si dans son être il est totalement indépendant du monde et des hommes, que s’il est le Tout Autre, le Tout Différent. Au contraire, si Dieu constitue le fond de toutes ses créatures, si celles-ci sont toutes des manifestations de Dieu, des expressions de Dieu, des parcelles de Dieu, alors la grâce n’est pas nécessaire, et même elle se retourne entièrement : c’est nous, hommes, qui faisons une grâce à Dieu en le reconnaissant, en partant à sa recherche. Qui des deux a besoin de l’autre ? Pour les juifs, c’est l’homme qui a besoin de Dieu, parce qu’il a reçu gratuitement tout ce qu’il est et ce qu’il a de Lui. La première et la plus fondamentale prière est de rendre grâce, de remercier Dieu. Pour l’autre dieu, hindou, spinoziste, plotinien, hégélien, c’est Dieu qui a besoin des hommes pour se répandre, s’épancher, distribuer sa richesse, atteindre à la plénitude de son être. La différence en pratique est peut-être ténue, car dans les deux cas il faut s’accorder à Dieu, à sa volonté, telle que nous la connaissons dans sa révélation, laquelle se fait chez Moïse, les prophètes, Jésus, ou bien chez les Sages, les inspirés, les initiés. Pourtant, dans le cas juif, notre rapport à Dieu en est un de personne à personne, et si notre vie doit connaitre un prolongement quelconque après la mort, c’est par l’effet d’une grâce de sa part. Par notre vie nous ne « méritons » rien du tout ; nous pouvons vivre toutefois en essayant de nous rendre dignes, autant que possible, de partager la vie divine ; ou plutôt, de ce qu’il voudra nous en faire connaitre. Par nos propres forces, nous ne pouvons conquérir rien dans l’au-delà. Nous sommes pleinement immergés dans le monde, pleinement mondains. Tout ce que nous faisons prend sens ici-bas, pour ici-bas d’abord. Cela satisfait toujours quelque intérêt. Et puis, nous ne sommes pas immortels. Cette idée d’âme immortelle vient des Grecs, reprise par eux de l’Orient indien ou perse. C’est là-bas que nous sommes vraiment immortels et que notre mort n’est qu’une mort dans une série d’autres et non pas vraiment « la » mort. En contexte biblique, la réincarnation n’a pas de signification. Le sens profond de cette grande théorie mythique, en effet, c’est de s’élever (ou plutôt de descendre) jusqu’à Dieu par ses propres forces, par ses propres moyens, c’est-à-dire par sa vertu, ses qualités morales ou certaines techniques très particulières : le yoga, le zen, la méditation transcendantale, etc. Le Bon larron, gagnant son salut éternel par une seule bonne parole vingt minutes avant sa mort, est impensable en Orient. C’est proprement scandaleux. Comme est scandaleuse la fête que le Père organise pour son Enfant prodigue dans la parabole rapportée dans l’Évangile de Luc. L’un et l’autre n’ont pas mérité vraiment ce qui leur arrive. Avec une logique profane ordinaire qui dérive de la raison, on peut parler d’ « injustice » par rapport à tous ceux qui ont vécu dans le bien et la morale toute leur vie, mais non avec la logique « divine », qui dérive du cœur. De toute façon, pour les chrétiens le salut n’est pas d’abord une question de justice. En effet, il y a quelque chose de plus important que la justice, c’est la bonne disposition du cœur, c’est l’aptitude à l’amour que nous manifestons, dès que nous ouvrons notre cœur à l’autre. Or le Bon larron s’ouvre enfin à l’amour, l’Enfant prodigue aussi, comme toute personne qui reconnait ses fautes et se repent. Alors une nouvelle vie commence pour lui, une vie « avec Dieu », une vie qui peut très bien ne plus s’arrêter. Pourquoi faudrait-il renaitre en ce monde-ci ? La grande affaire dans le christianisme, comme dans le judaïsme, c’est l’ouverture du cœur, qui seule permet d’entrer en relation avec Dieu, ou de recevoir sa grâce. Or sans la grâce de Dieu, nous ne pouvons rien faire de vraiment bien, beau, vrai... Nous sommes amis de Dieu dès que nous ouvrons notre cœur pour permettre à sa grâce d’entrer. Le Royaume des cieux commence alors pour nous. D’avoir été un grand pécheur est souvent un avantage, puisque le repentir dans ce cas ouvre davantage le cœur. D’où la « brebis perdue », qui est plus précieuse que les 99 autres du troupeau. Nous sommes ici dans un univers mental où l’instant est capital, où il peut être un kairos, c’est-à-dire un moment clé, un instant divin, qui change le sens des évènements, qui introduit du neuf dans l’histoire. Le temps existe et à chaque moment notre destin éternel peut basculer. Pour l’autre Dieu, celui de la réincarnation, le temps n’existe pas vraiment ; ou alors, les rapports du chronos et du kairos ne sont pas les mêmes. Chronos prédomine, et on voit bien pourquoi : un être (humain ou non, peu importe) peut toujours se reprendre ! Rien n’est vraiment très grave, il y a d’autres vies et du temps en abondance. La fin du monde n’est ni prévue ni imaginée. De toute façon, il n’y a pas eu de commencement. De la folie des hommes et de Dieu Selon Fénelon, l’une des règles les plus importantes de la vie spirituelle est de s’enfermer dans l’instant présent. Ce qui exige l’attention et la capacité de concentration. Simone Weil pour sa part a déjà dit de l’attention pure qu’elle était « prière ». Quoi qu’il en soit, pour s’enfermer dans l’instant, il faut posséder la maitrise de son esprit. Celuici a une forte propension à aller habiter le passé et l’avenir ou à changer imaginairement de lieu. Il est mobile comme un oiseau. Le garder au nid pendant quelques heures relève de l’exploit olympique. Il se plait étrangement à se souvenir ou à rêver et à anticiper. Mais rester dans l’instant présent, tranquille, avec le silence souvent ou dans une occupation non excitante, exige une force et un calme qui sont la base même de toute vie spirituelle. Quelqu’un ne peut habiter l’instant qu’en se concentrant, se rassemblant autour d’un centre, d’une idée de soimême entièrement polarisée par celle d’une mission dans le monde qui constitue le sens de sa vie. Il faut aussi qu’il soit son propre ami pour se plaire dans cette situation, donc qu’il soit en paix avec lui-même. Cette « habitation » du présent n’est possible qu’à celui qui habite aussi un certain espace bien délimité ; autrement dit, qui ne bouge pas trop. Voyager oblige à habiter l’avenir. Ce peut être une bonne recette pour celui qui est obsédé par le remords, abattu par un échec ou perturbé par de graves ennuis, mais il y a là une certaine fuite qui témoigne d’une faiblesse de l’esprit. Toute personne qui ne sait pas encore qui elle est, bouge, comme font les enfants. Elle ne peut rester tranquille. Elle est inapte à la vie spirituelle, y compris à une vie intellectuelle féconde. Et cela va jusqu’à rendre impossible la vraie rencontre avec d’autres personnes. Or ici les conséquences sont dramatiques. En effet, l’humanité est structurée de telle sorte que l’individu ne trouve pas sa vérité en lui-même. Il y a une structure/autrui en lui qui l’oblige à entrer en communication avec les autres et à actualiser ses potentialités au contact de ses semblables. Dieu peut être un joueur potentiel. C’est un choix que chacun peut faire et qui rend possible la prière et un certain dialogue avec lui. Mais ce choix peut être refusé et il l’est très souvent. On pourrait dire aussi : pour tout homme Dieu existe, mais pour tel ou tel individu ce n’est pas toujours un Dieu qui parle et à qui il s’adresse. Pour plusieurs, comme pour Épicure jadis, Dieu (ou les dieux) ne s’intéresse pas aux hommes, et vouloir instaurer un dialogue avec lui revient à vouloir parler avec un être dont nous ignorons la langue, ou qui ne nous écouterait pas quoi qu’on dise. Or, au sujet de Dieu, Jésus nous a dit exactement le contraire : il est attentif à nous, on peut tout lui demander et même tout obtenir de lui. Mais il ne faudrait pas s’attendre à ce qu’il nous donne ce qui pourrait nous éloigner de lui, ou ce qui nous est destiné plus tard seulement, ou bien encore, ce qui pourrait, soit nous faire du tort gravement, soit faire du tort à quelqu’un d’autre. Nous ne voyons pas très loin, pour ce qui est des conséquences de nos actes ou des évènements qui nous touchent. Par exemple, devenir riche, heureux, comblé de succès ou d’honneurs n’est pas quelque chose que nous puissions honnêtement demander à Dieu. Cependant, il se pourrait qu’il nous donne toujours, comme à Salomon lui demandant la sagesse, ce qui pourrait nous rapprocher de lui : le courage, la lucidité, la vérité, la sagesse justement, et tout ce qui est en harmonie avec ces mêmes choses. Et surtout l’humilité et la pauvreté. Par ailleurs, s’il faut l’imaginer comme un Père, il faut se souvenir qu’il a de nombreux « enfants » à satisfaire. Les destins de tous ces êtres s’entrecroisent et ceux-ci ne doivent pas aspirer à jouer un rôle dans le monde qui ne soit pas conforme à leur vocation, autrement dit à ce à quoi la sagesse de Dieu les destine. Toutefois, une chose est certaine pour tout chrétien : ce monde n’est pas absurde ni mené par des forces aveugles et anonymes. Par conséquent, il ne peut se faire que quelque chose de bien, de vrai, de juste, de beau, fait par un humain et introduit par lui dans le monde, ne fût-ce qu’un court instant, soit totalement perdu pour l’éternité. Cette même structure/autrui, qui ouvre les personnes les unes sur les autres, les ouvre aussi sur la supra personne qu’est Dieu. Dans ce cas, nous parlerons de transcendance chez l’être humain, laquelle reflète et répond à la transcendance même de Dieu à l’endroit du monde et des hommes. Une distinction pourrait nous éviter de la confusion ici : nous pouvons dire que l’homme est doté d’une « transascendance » et que Dieu, lui, possède une « transdescendance ». De toute façon, dans ce contexte, le monde n’est pas le tout ou l’être purement et simplement. Le Dieu de la Bible introduit un au-delà du monde, qui relativise ce dernier tout en y introduisant du mystère ; ou encore, il introduit une profondeur mystérieuse dans le monde, qu’il appartient à la raison d’apercevoir au moins et de respecter, si elle ne s’enfle pas jusqu’à imaginer que rien ne lui échappe de ce qui est et de ce qui vaut pour l’être humain. Ce mystère se retrouve en partie en l’homme même, car non seulement il peut comme les philosophes penser Dieu, le principe suprême donnant la clé de l’univers, mais il est sensible à Dieu et à d’éventuelles révélations qu’il a faites dans le monde et qu’on retrouve par exemple dans la Bible. Cependant ce ne sont pas tous les hommes qui sont sensibles à Dieu, ou qui sont sensibles au Dieu de la Bible ou au Dieu de Jésus et de l’Église chrétienne. Quelqu’un peut se soustraire à Dieu, à son mystère, et s’installer dans le monde comme dans le Tout. Dans ce cas, il acceptera sa propre mort comme une fin ultime. Un autre choix est celui de l’agnosticisme, du non-savoir au sujet de Dieu, du christianisme, de l’Église, etc. Ici en théorie tout reste ouvert, mais en pratique on revient au cosmicisme : l’individu vit comme s’il n’existait que le monde. Ou le cosmos. Accepter le mystère revient finalement à s’ouvrir à la foi, à insérer son aventure personnelle dans l’aventure de la Bible que continue, pour les chrétiens, celle de l’Église. Ce choix dorénavant doit être fait librement par chacun, les sociétés comme telles ne le font plus. L’aventure du christianisme ne comporte pas que du mystère, elle comporte du danger. Pensons au Jeune homme riche de l’Évangile : il refusa l’aventure que lui proposa Jésus de devenir son disciple, parce que cela exigeait de lui un trop grand sacrifice : se débarrasser de tous ses biens ! Se mettre du côté des petits, des exploités, des marginalisés, des « pauvres » ! Il fallait et il faut toujours une énorme confiance en Dieu pour faire un tel choix, les biens matériels étant précisément ce qui nous permet de rester maitres de notre vie et de notre âme. Cet homme eut sans doute peur de passer pour un fou dans sa famille, son village, devant ses amis, car c’est une vraie folie qui lui fut demandée, surtout dans un milieu juif où la possession de biens passait traditionnellement pour une bénédiction de Dieu. L’attitude sage, raisonnable, philosophique – celle de l’agnosticisme – s’oppose à cette folie de la foi chrétienne, qui apparemment répond à la folie même de Dieu, consentant à s’intéresser aux hommes et à leur donner le moyen de monter vers Lui… en descendant d’abord lui-même vers eux ! Renoncer au renoncement Nous ne serons jamais surs que l'aventure de notre vie ne va pas devenir une mésaventure. Au sujet du sens de l'histoire, avec lequel il faut s’accorder, il n'y a aucune certitude quant à sa direction. Avoir une certitude, comme naguère chez les marxistes, est le signe que nous nous trompons et que l'Histoire n'ira pas par là. Il reste qu'il faut autant que possible donner à sa vie un caractère public, en faire un objet ouvert aux autres hommes. Le repliement sur soi n'est acceptable que dans une phase préparatoire, afin de se concentrer, de ramasser ses forces pour produire une œuvre ensuite. Les hommes ont besoin les uns des autres, mais ils luttent aussi les uns contre les autres. Je ne peux pas m'exclure du combat, quitter le champ de bataille, sinon pour murir un fruit ou forger une arme. Mais je ne me bats ou ne m'engage que si j'ai foi dans une cause, ou dans un idéal que cette cause cherche à réaliser. La croyance et la foi sont des moteurs, et ce sont les seuls moteurs pour les tâches qui ne relèvent pas des nécessités fondamentales. Dans ce cas, les moteurs sont nos instincts et nos intérêts que la raison normalement nous fait connaitre. Par contre, nul ne fait donc quoi que ce soit de valable culturellement ou spirituellement sans une foi, et la question la plus importante est celle-ci : comment acquérir la foi ? ou bien, comment la maintenir vivante si nous l'avons déjà ? À cela voici une réponse possible, qui s'applique aussi dans le cas de l'amour : nettoyer la source, enlever les impuretés qui la souillent, et pour y arriver, peut-être, accepter la souffrance sans se révolter. Se l'imposer même parfois, sous forme de « sacrifices » ? Oui, mais comme un médicament, car cette solution est dangereuse. Il y a risque qu’elle devienne un mode de vie, une sorte de renoncement à la vie ou un masochisme qui se croit vertueux. Même s'il est probable que la vie comporte plus de souffrance que de joie – pour de nombreuses personnes c’est le cas – la plupart du temps, il faut lui tourner le dos pour se donner activement à une entreprise et utiliser positivement les forces qui sont à notre disposition. Ainsi la souffrance doit être combattue et si possible surmontée. « Sacrifier » doit être un moyen pour y arriver, un remède, non une béquille qui retirerait l’usage de ses jambes. Nul ne doit renoncer à son épanouissement et du même coup à une action efficace dans le monde. Le renoncement peut cacher de la lâcheté, la peur de la lutte. Nous n'avons pas le droit d'étouffer notre désir et d'empêcher la vie de fleurir. Le sacrifice est un acte grave, bien que pratiqué inconsciemment d’une manière courante. Si on y consent, il faut être sûr qu’il nous procure une valeur plus grande que celle dont il nous prive. La foi et la souffrance La douleur des Arméniens, victimes d'un génocide, ou celle des juifs, victimes de la Shoah, celle des prisonniers « politiques » russes dans les camps de concentration de l’ancienne URSS, etc. ne peuvent pas nous rester étrangères. Nous ne pouvons pas les ignorer et nous ne pouvons pas nous contenter de compatir avec leurs victimes seulement en silence ou en usant de bonnes paroles. Puisque le Dieu des Arméniens, des juifs, des Russes est aussi le nôtre, il nous faut changer notre image de Dieu, passer à un Dieu dont les plans sont incompréhensibles, les desseins concernant l'humanité obscurs, même avec l'étude attentive de la Bible. Par ailleurs, nous ne pouvons pas non plus nous passer d'un Dieu qui s'est fait homme et qui a souffert avec nous, un Dieu qui représente d'une manière apparemment absolue la justice et l'amour et qui, ouvrant la dimension de l'au-delà aux individus – mais non pas aux nations –nous permet d'espérer et nous oblige à l'action juste et bienveillante dès maintenant. Ce n'est pas d'avoir crié « Seigneur ! Seigneur ! » qui va nous faire entrer dans la Royaume, mais d'avoir distribué généreusement l’eau, la nourriture, le vêtement, l'attention, etc. Dieu n'est peut-être pas tout-puissant, ou bien alors, il se refuse à forcer notre volonté et notre liberté, et non seulement en tant qu'individus, mais en tant que peuples ou nations. Il se refuse également à jouer sur les lois de la nature, qui produisent des tremblements de terre, des éruptions volcaniques, des typhons, des inondations, sans oublier les maladies génétiques. S'il est probable, voire certain que le Père a souffert de voir mourir son Fils sur la croix, ce même Fils souffre certainement de voir souffrir les hommes, et non seulement ceux qui croient en lui et forment son Église, mais tous les autres aussi. Nous sommes faits à l'image de Dieu ; cela signifie que Dieu et nous, les hommes, nous nous ressemblons. Est-ce à dire que la souffrance ne fait pas partie des éléments communs à Dieu et nous ? Dans ce cas, la souffrance ne nous serait pas essentielle, elle serait un accident dans notre vie. Or, il ne semble pas qu'on puisse dire cela, même si la part de souffrance qui est dévolue à chacun est extrêmement variable. Dieu donc souffre lui aussi. Le Christ ressuscité souffre, il l'a dit à Paul sur le chemin de Damas : « Pourquoi me persécutes-tu ? » Et il a dit aussi, dans l’Évangile, qu'il était présent dans tous ceux qui souffrent ; comment pourrait-il être présent dans ceux qui souffrent sans souffrir lui aussi ? Il nous faut tenir à cette idée de la souffrance de Dieu, malgré le paradoxe d’un Être pur qui est forcément un Acte pur. Or la souffrance est passion. En principe, c'est Jésus seulement qui pourrait souffrir, non les autres personnes de la Trinité, et dans la mesure seulement où Jésus se trouve encore présent dans le monde. Or, l’Ancien Testament témoigne abondamment de la présence de sentiments chez le Père : son désir, sa déception, sa colère, etc. Certes on peut imaginer que ces sentiments sont feints pour impressionner son peuple, et par exemple faire peur aux méchants. Ce Dieu-là, croyons-nous, comme son opposé le Dieu tout-puissant et impassible, doit être relégué au second plan, sans que nous puissions le faire disparaitre complètement, car la crédibilité de la Bible en serait affectée sérieusement. Dieu se tait très souvent, quand on aimerait qu'il « parle » ou se manifeste, et il ne répond pas toujours aux prières, contrairement à nombre d'affirmations explicites des Évangiles. Jésus mentirait-il ? Il est difficile de l'affirmer, car nous ignorons l'avenir : certaines souffrances se révèlent parfois nécessaires pour l'obtention de plaisirs futurs. De plus, nous ignorons ce qui suivra la mort et quelle sera la place dans le Royaume à venir de tous ceux qui auront beaucoup souffert. Il est néanmoins évident qu'on ne peut pas prendre à la lettre des formules comme : « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera » ou « Frappez et l'on vous ouvrira ». De plus, le Christ n'est pas le Messie que les juifs attendaient, car il ne les a pas débarrassés de l’oppresseur romain et il n'a pas instauré le Royaume de Dieu sur terre. Il n’a pas changé un ordre du monde qui laisse une large place à la souffrance et à l'injustice. Il est venu cependant nous dire, dans les Béatitudes, qu'il ne fallait pas nous laisser abattre par ces dernières, et qu'il ne fallait pas non plus les tenir pour normales. Autrement dit, les croire produites par un « Dieu du mal » aussi puissant que lui, comme dans la mythologie mazdéenne. Son exemple est là pour nous faire comprendre qu'il vaut mieux mourir sur une croix avec la justice, que dans un palais au milieu des délices avec l'injustice qu'on a commise, fait commettre à d'autres ou laisser commettre par d'autres. Ceci est un témoignage très lourd dans l'histoire, bien que non unique. Socrate en a fourni un autre, moins lourd tout de même. Nous ne sommes pas ici en train de dire que Jésus n'est pas Dieu, cela détruirait le christianisme. Nous voulons dire seulement qu'il faut changer notre représentation de la Trinité. Le Christ n'est pas venu une fois pour toutes, il y a deux-mille ans, pour accomplir une tâche qui serait terminée : la Rédemption de l'humanité. Il continue d'exister parmi nous et de souffrir avec nous, ce qui nous conduit à penser que sa mission – la Rédemption – n'est pas achevée. Il travaille à conduire l'humanité – et avec elle probablement toute la création – à son état d'achèvement, c'est-à-dire au Royaume de Dieu, qui opèrera le renouvèlement complet de cette création. De ce Royaume, nous n'avons eu il y a deux-mille ans que des prémices, mais quelque chose d'important manque encore pour que Dieu l'inaugure définitivement. Entretemps, les hommes, comme toutes les créatures du cosmos, souffrent et peinent. La plupart, ne connaissent pas le Christ, ou ne veulent pas le reconnaitre pour Dieu, pour Seigneur, ils ne savent pas où toute cette grande aventure de la vie conduit. Les chrétiens le savent et, de ce fait, souffrent peut-être un peu moins : des promesses, celles des Béatitudes notamment, leur ont été faites ! Finalement, nous sommes devant la souffrance et la mort comme devant Dieu lui-même. Elles et Lui sont dans leurs profondeurs incompréhensibles. Nous sommes avec la souffrance, la mort, et l'injustice qui les accompagnent partout, devant une impasse. Rejeter Dieu en même temps qu'on cherche à rejeter ces dernières, ou qu'on travaille à les vaincre – et on doit le faire d'une certaine façon pour continuer à vivre, pour garder ou retrouver le gout de la vie – n'est pas « la » solution. En rejetant la foi, on perdrait aussi l'espérance et une certaine forme d'amour au moins, qui s'appelle « charité » (un acte fait pour l'amour de Dieu !), et qui est aussi précieuse à la vie que la liberté et la vérité. On peut d'ailleurs penser que vérité, liberté et charité forment une autre Trinité, fondatrice de la plus authentique humanité.