Une approche globale de la personne malade

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Une approche globale de la personne malade
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Une approche globale de la personne malade
In le module intitulé : « Parcours de santé : Des pathologies à la personne malade ».
Vendredi 23 mars 2012
Introduction
On m’a demandé d’introduire le module intitulé « Parcours de santé : Des pathologies à la personne
malade » par une communication sur « L’approche globale de la personne malade »… Deux titres
proposés qui ne disent pas la même chose des référents qui sous-tendent le propos. Par quoi commencer ?
Le parcours de santé ? Que sous tend le concept de santé qui reste à définir tant il est « à remplir ». Nous
y reviendrons.
La maladie ? Elle nous renvoie à la médecine par les preuves dont on a déjà du vous parler dans la
troisième session de votre DU, issue de l’épistémologie médicale, qui va poser quelque problème pour la
mise en œuvre d’une approche globale. Nous y reviendrons,
La personne malade ? Mais alors que faisons-nous de la personne que nous ne pouvons réduire à sa
maladie...encore que ? Nous y reviendrons.
Comment penser l’approche globale et en quoi le réseau sous tend une approche globale de la personne
malade ou non, suivant les valeurs et les méthodes qui vont être employées?
En quoi l’approche globale apporte quelque chose au parcours de santé ?
Deux questionnements que je vais tenter de déployer avec vous ce matin.
La maladie n’est pas le tout de la personne malade et ce jusqu’aux ultimes moments de la vie comme nous
le constatons chaque jour dans la pratique palliative.
La personne malade n’est jamais définie par sa maladie et enfin, est-ce que la maladie est un indicateur
suffisant pour parler d’une personne malade ?
Vous imaginez bien ma réponse, qui semble de bon sens, mais qui, pourtant, ne va pas de soi dans un
système de santé basé sur les preuves.
Au fond, si on s’occupe (ou accompagne) globalement, il nous faut parler et seulement: d’une personne et
de sa santé et, éventuellement, si elle le souhaite, de sa maladie!
Comment est-on passé d’une personne, à une personne malade, à une maladie avec depuis les années
1980, marquées par l’apparition du SIDA et la mobilisation sans précédent dans le mon de la médecine,
des malades eux-mêmes, la notion d’une prise en charge globale de la personne malade …un peu
d’histoire.
Qu’est-ce qu’une maladie dans notre système de santé, dans notre société :
L’épistémologie médicale (La science médicale) repose de fait sur des prémices qui excluent d’emblée le
malade de la société. Et personne n’y échappe.
David. Odile
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Ignace-Philippe Semmelweiss (1818-1865) chirurgien et
obstétricien hongrois , sans aucun support théorique, en a été le précurseur, en a souffert et en est mort.
Jeune diplômé, il découvre les ravages que fait la fièvre puerpérale. Les parturientes lui apprennent que les
femmes redoutent de venir accoucher dans l’hôpital où il travaille, tant les risques de fièvre ou de mort
sont élevés. Dans ces conditions seules les femmes qui au dernier moment ne trouvaient pas d'autres
possibilités, se résignaient à y être admises.
- Semmelweis examine les statistiques d’avant 1840, époque où les étudiants en médecine ne fréquentaient
pas encore les hôpitaux et n'étudiaient l'anatomie que dans les livres et non par dissection. La létalité était
alors la même dans les deux services hospitaliers qui accueillaient des parturientes, c'est à dire faible pour
l'époque: 1,25% environ.
- Semmelweis observe une différence de létalité entre les deux services d'accouchements à l'hôpital, depuis
que les étudiants pratiquent des dissections à l'hôpital. Dans un service, la létalité pouvait atteindre 30%,
dans l'autre 1% à 2% seulement. Une seule différence entre les deux : Le premier était tenu par les
médecins et les étudiants en médecine, le second par les sages-femmes et les élèves sages-femmes. Il
oriente son observation sur cette différence et remarque que les médecins, les assistants et les étudiants en
médecine se déplacent des salles de dissection cadavériques vers les salles d'accouchements, sans
précaution particulière, exhalant des relents cadavériques au chevet des femmes en couches. Il en conclut
qu'il doit y avoir un agent invisible, causant la mort et que l'on devait éviter de transférer cet agent de la
salle d'autopsie à la salle d'accouchement.
Il a l'idée intuitive, de faire pratiquer un lavage systématique des mains, de tous les étudiants, à l'aide d'une
solution de chlorure de calcium, bien que cette mesure ne corresponde à aucune exigence scientifique à
l'époque. A partir de 1847, il interdit aux étudiants en médecine de quitter les salles de dissection sans
s'être lavé les mains, ce qui entraîne immédiatement une baisse significative des taux de la mortalité qui
passe de 12% à 3%. Il étend ses formalités de désinfection à toute personne ayant été au contact d'un
malade, d'instruments de chirurgie ou de pansements, il ordonne l'isolement des femmes malades : la
mortalité
tombe
à
1%.
Semmelweis fait part de son observation à son Maître Klin, auquel il demande de se soumettre également
au lavage systématique des mains. Sans doute vexé, Klin révoque son assistant. Semmelweis s'éloigne alors
à Venise.
A son retour à Vienne il apprend la mort de son ami Kolletchka professeur d'anatomie, des suites d'une
piqûre anatomique. La nécropsie avait montré une suppuration des méninges, de la plèvre, du péritoine,
les mêmes observations qui avaient été faites sur les cadavres des femmes mortes de fièvre puerpérale,
observe immédiatement Semmelweis. "Puisque Kolletchka, pensa-t-il est mort des suites d'une piqûre
cadavérique, ce sont donc les exsudats prélevés sur les cadavres qu'on doit incriminer dans le phénomène
de contagion." A partir de là il est convaincu que la cause est identique et que les particules cadavériques
inoculées par la piqûre peuvent être aussi transportées par les mains des médecins chez les femmes
examinées. En dépit de sa brillante démonstration, il est à nouveau révoqué de l’hôpital où il travaille parce
que nombre de ses collègues, de l’ordre et des autorités ne veulent croire en l’invisible.
Rentré à Budapest, Semmelweis exerce pendant six ans à la maternité de Pest qui applique sa méthode et y
fait tomber la mortalité par fièvre puerpérale à 0,85 %. C'est à partir de ce moment qu'il commença la
rédaction de son ouvrage: - "L'Etiologie de la Fièvre Puerpérale" - qu'il mettra quatre ans à rédiger.
L’Académie de Médecine de Paris à laquelle il communiqua ses travaux ne lui répondra pas. Il reste
contesté, moqué, critiqué, traverse des périodes de dénuement extrême et perd peu à peu la raison. Interné
dans un asile de fous, il y meurt en 1865 d’une blessure mal lavée, tué par ces fameux microbes que lui seul
redoutait.
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Il avait ainsi découvert avant l'heure, ce que l'on appelle maintenant l'infection nosocomiale et l'infection
manuportée, de même que la fonction antiseptique d'un produit. Mais il faudra attendre Pasteur qui en
objectivant le tout fera école.
Aujourd’hui toujours, l’idée du diagnostic repose sur la correspondance anatomo-clinique qui affirme que
la maladie est dans le corps.
Pour l’objectiver, il est indispensable de voir dans le corps, de rendre visible la cause et de l’éradiquer.
La médecine relève du rationalisme cartésien : une cause a des effets.
La nouveauté introduite par la médecine anatomo-clinique, c’est de rapprocher les causes de la mort de ce
qui est visible dans le corps, ce qui va changer profondément la représentation de la mort et de la maladie.
L’évolution de la médecine à partir de Pasteur nous amène
aux modèles de la médecine occidentale d’aujourd’hui,
décrits par F. Laplantine [1986] que sont les :
- modèle nosographique : description et
classification des troubles et des maladies,
- modèle étiologique : recherche des causes
- modèle thérapeutique : recherche de traitement
Ces modèles posent les principes d’un modèle additif (on
est malade d’une cause qui entre dans le corps par effraction ou mutation que l’on va soigner par
soustraction soit un modèle exhorscistique. On est malade dedans, on guérit grâce à une intervention de
l’extérieur.
Dès lors, le soin à lui tout seul résoudrait tous les problèmes du malade.
Le soin guérit beaucoup de maladies mais le système de soins n’ouvre pas à la problématique de l’accès à la
santé et du recours aux soins. Trois dimensions manque à la médecine par les preuves pour une approche
globale de la personne, c'est-à-dire pour une reconnaissance de la santé comme fondement du rapport à la
maladie :
- Une dimension de l’être, du sujet,
- Une dimension de l’environnement social,
- Une dimension culturelle.
Trois dimensions dont la médecine par les preuves ne tient pas compte. On agit comme si on connaissait
toutes les causes (où qu’elles seront connues), causes qui expliqueraient ce qui se passe pour le malade.
Etre malade, Avoir une maladie…et la santé ?
Ce n’est que depuis la fin du 18ième siècle que la santé est définie par rapport à la maladie, que l’on définit la
bonne santé par l’absence de maladie.
La santé « c’est le silence des organes ; » disait Leriche né le 12 octobre 1879, un des premier médecin
« spécialiste » de la douleur.
Etre malade, avoir une maladie…et se sentir en bonne santé.
Appuyons nous sur deux auteurs pour réfléchir à cette question : Georges Devereux (1908-1985),
Physicien, Anthropologue et Psychanalyste, un des précurseur de l’ethnopsychiatrie et Dominique Camus
ethnologue et sociologue.
Le premier a comparé la nosographie psychiatrique occidentale à celle des Mohaves. (Indiens du Sud de la
Californie). Le deuxième a étudié les pratiques des jeteurs de sorts et sorciers en Bretagne.
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A l’issue de l’étude de G.Devereux, on aurait pu dire que la manière de voir la nosographie psychiatrique
est universelle à l’exception d’une maladie occidentale que l’on ne retrouve pas chez les Mohaves La
schizophrénie, et de symptômes interprétés comme maladie chez les uns et pas chez les autres, l’autisme.
La schizophrénie, maladie absente chez les Mohaves, est interprétée par G.Devereux, comme une maladie
due non pas à un trouble biochimique intrapsychique mais à une réaction à la difficulté d’adaptation à une
société hyper complexe, celle du monde moderne. La cause pour lui n’est pas d’origine organique mais
sociétale. Nous sommes des êtres divisés, non pas un mais composés de « petits bouts collés ensemble »
(éléments de maturation consécutifs) de manière plus ou moins fiables.
G.Devereux pose l’hypothèse que dans une société simple, un individu est capable de posséder tous les
processus quelle que soit la « réussite » de sa construction, de sa maturation psychique. Dans une société
complexe, les individus « fragiles » ne peuvent pas tout maîtriser et expriment des troubles interprétés sous
forme médicale et appelés schizophrénie.
G.Devereux observe chez les Mohaves tous les symptômes de l’autisme infantile et adulte alors même qu’il ne
retrouve aucune nosographie (description), ni aucune nosologie (Etude des caractéristiques des maladies
en vue de classer systématiquement ces dernières.) Il se demande pourquoi ces symptômes ne sont pas
décrits comme une maladie et constate que les enfants qui présentent ces symptômes deviennent plus
souvent que les autres des shamans au sein de cette société, c'est-à-dire des médecins.
Alors pourquoi, dans la société Mohave, les symptômes de l’autisme sont considérés comme un don
plutôt que comme une maladie ? Parce que l’étiologie est différente chez eux que chez nous et que la cause
(où le sens) donné à une observation change tout. Pour les indiens Mohaves, les causes de nombreux
troubles somatiques et psychiques se situent dans des problématiques de communication entre les défunts
et les vivants. S’il y a trouble dans la relation avec les défunts, il faut pouvoir les rassurer. Or, les
symptômes interprétés par nous comme des troubles psychiques graves, sont au contraire interprétés
comme la preuve d’une identité : Fermés sur eux-mêmes, plutôt muets, peu voire pas en lien avec les
vivants, les porteurs de ces symptômes sont des êtres à la fois vivants et à la fois morts, des êtres essentiels
donc puisqu’ils ont un pied de chaque côté. Ils sont les meilleurs médiateurs possibles entre les deux
mondes. Des médecins et non des malades.
Dans son livre sur les jeteurs de sort en Bretagne, Dominique Camus raconte l’histoire d’un garçon
boucher qui avait péniblement trouvé cette place dans une grande surface, tant il était considéré comme
attardé mental du fait de crises d’épilepsie depuis son plus jeune âge. Interpellé par un client qui lui dit que
la médecine se trompe et qu’au lieu d’être retardé et souffrant, il est capable de voir plus et autrement que
tous les autres, qui lui affirme qu’il est porteur d’un don, ce garçon boucher est devenu un guérisseur
renommé, savant dans le domaine des textes médicaux latins et dans la connaissance des plantes. Ici, le
symptôme grave lui aussi, devient un don de guérisseur qui de statut de malade défiscient transforme le
sujet en personne respectable et reconnue.
A quoi Georges Devereux, François Laplantine et Dominique Camus, entre autres, ont-il contribué ?
A prouver que savoir ce qu’est une maladie (ou pas) dépend du contexte épistémologique dans lequel on la
définit.
A considérer, à l’instar de G. Canguilhem, que le normal et le pathologique ne coule pas de source sûre
médicale… !
Même si un médecin est confronté à la nature biologique de l’être humain. Il soigne d’abord un être
humain, inséré dans une culture (et il reste en France de beaucoup de Cultures), et une histoire, avec son
idée de la santé et de la maladie, donc de la différence cette fois, entre un état normal et un état pathologique.
Mais comment définir ce qu’est un état normal par rapport à un état pathologique ? Doit-on considérer
que ce qui est « normal » n’est qu’une moyenne statistique de ce qui existe de fait ? Dans les années 1960
Georges Canguilhem publiait « Le Normal et le Pathologique », ouvrage majeur qui influença notamment
Michel Foucault auteur entre autre de La Naissance de la Clinique.
« Être malade c’est vraiment pour l’homme vivre une autre vie, même au sens biologique du terme… C’est bien
artificiellement que l’on disperse la maladie dans des symptômes ou qu’on l’abstrait de ses complications. Qu’est-ce qu’un
symptôme sans un contexte ou un arrière-plan ? Qu’est-ce qu’une complication indépendamment de ce qu’elle complique ?
Quand on qualifie de pathologique un symptôme ou un mécanisme fonctionnel isolé, on oublie que ce qui les rend tels, c'est
leur rapport d'insertion dans la totalité indivisible d'un comportement individuel ».
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L’OMS définit la santé « un complet état de bien-être physique, mental et social. »
L’OMS ne définit rien. Il ne fait que décrire les différentes composantes d’un état de santé mais que veut
dire être en bonne santé ?
Philippe Lecorps, professeur à l’Ecole Nationale de Santé Publique, en 1989, dans un article sur la
problématique de l’éducation pour la santé développe que le concept de santé est vide (car impossible à
définir de manière univoque, pour tous, en tout lieu et tout temps). Un concept appelé à être rempli par
chaque personne.
Philippe Lecorps raconte alors sa rencontre avec un paysan breton lors d’une enquête durant laquelle il lui
pose la question suivante : « Qu’est-ce que c’est pour vous la santé, vous sentez vous en bonne santé ? » Et
le paysan de dire : « Il nous a regardé avec un petit sourire malicieux, est allé au cellier chercher une
bouteille de rosé bien fraîche, a pris trois verres, nous a servis en silence, a bu son verre et s’est mis à
bougonner : « ben oui, je suis en bonne santé, ça va quoi ! « Il nous a fallu du temps pour comprendre que
ce paysan était en arrêt de longue maladie, qu’il avait les poumons perforés, une insuffisance respiratoire
gravissime, etc. Pourtant il se disait en bonne santé, c'est-à-dire qu’étant donné sa maladie, il se trouvait
assez bien loti. Il allait consulter son médecin une fois par mois, qui lui prescrivait des médicaments
nécessaires jusqu’à la visite suivante. Il avait un peu mal de temps en temps, mais il contrôlait ses plaintes
de peur que l’un ou l’autre de ses enfants ne le traîne chez le médecin dans l’intervalle des visites
habituelles, ce qu’il ne supportait pas. Dans son entourage, chacun sait qu’il est soigné et donc en tient
compte, nul ne vient l’importuner pour lui demander des coups de main pour les travaux des champs qui
seraient au dessus de ses forces; l’assistante sociale l’a aidé à constituer un dossier d’invalidité, il touche
régulièrement une pension qui le mat à l’abri du besoin. …la santé est un concept vide que chacun est
appelé à remplir de son existence corporelle, de son histoire personnelle, de sa position sociale et de sa
culture. »
Aucun être n’est atteint de la même manière par la même maladie, même la grippe ou la
tuberculose…nous savons que les personnes n’adhèrent pas qu’à un seul modèle. Nous le constatons
chaque jour. Les patients « divisés » se réfèrent à plusieurs modèles à la fois et font appel aux ressources
issues de ces différents modèles. Quand cela ne marche pas dans un, ils vont voir dans un autre.
Il existe différents modèles médicaux, ici ou ailleurs, plus ou moins efficaces les uns par rapports aux
autres et en concurrence.
Il n’y a que la médecine pour ne pas s’en apercevoir…nous ne pourrons jamais éliminer le fait que si des
gens ont tel ou tel rapport à telle ou telle thérapeutique, c’est que ça leur fait du bien. La médecine ne doit
pas oublier la réalité vécue par les gens, car ce sont bien les pratiques réelles des gens qui déterminent leur santé et donc
notre travail de coordinateur.
La coordination :
Après cet aperçu de l’histoire et de ce qui fonde le rapport des personnes à leur santé (qui ne coïncide pas
toujours avec le modèle anatomo-clinique) on peut penser que pour être pertinente et efficace (encore
faudrait-il définir ce que veut dire une coordination pertinente et efficace) , une coordination ne peut se
réduire à l’action d’organiser un parcours de santé, car aucune organisation ne correspondra à la dimension
de tous les sujets.
« Trop d’organisateurs et de théoriciens pensent qu’il suffit de réformes de structures pour résoudre le mode de fonctionnement
bureaucratique, comme une machine qu’il suffirait de régler sans qu’il soit nécessaire de vérifier ou de contrôler
l’environnement. La bureaucratisation signifie que le mode de fonctionnement acquiert progressivement son autonomie, les buts
sont oubliés, les moyens pris pour des fins, la technique fétichisée, objet de tous les soins. Les hommes sont considérés comme
des prolongements de la machine et traités principalement comme des marchandises. Mais non totalement, car pour n’être
qu’un exécutant, il faudrait qu’il y ait, de l’autre côté, un maître absolu. » [E.Enriquez. L’organisation en analyse. 1988]
Le réseau développe une pratique médicale qui repose sur des valeurs et sur des méthodes (coordination et
coopération).
Coordonner veut dire « Agencer les éléments d’un tout, en vue d’un objectif déterminé » ;
Collaborer : « Travailler avec d’autres personnes à une entreprise ou un projet » ;
Coopérer : « Travailler conjointement, agir en collaboration ;
Coopératif : « Qui participe, qui aide volontiers. » [Dictionnaire de la langue française.]
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On l’aura compris, imposer la coordination est possible mais n’assure aucunement de la collaboration ou
de la coopération qui pourtant, sont les moyens indispensables d’une coordination efficace, c'est-à-dire
centrée sur le vécu du sujet et de son entourage dans son rapport à la santé et à la maladie.
Coordonner, dans l’objectif de favoriser la coopération, c’est donc créer des espaces de circulation de la
parole dans lesquels les points de vue sont entendus, permettant d’identifier ce qui se croise dans ce qui se
dit et ce qui s’acte au lieu de se dire. …il s’agit, au fond, que les sujets puissent penser ce qu’ils font, de là
où ils le font, avec qui ils le font et comment ils le font. Mais attention, tous les individus impliqués : le
patient, son entourage et l’ensemble des professionnels du soins et du social qui l’accompagnent (ou qui le
soigne ou les deux à la fois…)
Coordonner, c’est maintenir en tension réflexive des professionnels, des patients et leur famille.
Le réseau est entendu ici en tant que pôle de compétences « où se lient l’action, les personnes (professionnels et
patients) et les institutions (Hôpital-SSIAD,…) sans subordination les uns aux autres » [ Paul Ricoeur- Soi-même
comme un autre. 1990], que ce soit
- de la subordination de valeurs. (toutes les valeurs en jeux dans le soin palliatif qui touchent aux
valeurs morales, religieuses, professionnelles, existentielles,…),
- de la subordination hiérarchique. (liée au système de santé, à son histoire et aux hommes qui le
compose) ou
- de la subordination de savoirs. (logique de l’expert supposé savoir contre logique de coopération).
Si l’on veut réussir à coordonner dans le respect des personnes et des enjeux médicaux, psychologiques et
sociaux, il est indispensable de favoriser des liens par des processus de coopération qui permettront que
chacun se reconnaisse « capable, vulnérable et solidairement co-responsable ». [P.Ricoeur.1990] autant dire tout
autre chose qu’une filière de soins.
Dans ces conditions, l’approche globale sera réelle, aura un sens pour le tout et la partie, relèvera d’une
méthode, fondée sur des enjeux et des savoir-faire réels, dégagée d’un totalitarisme pavé de bonnes
intentions.
Ceux qui coordonnent doivent s’atteler à lever la dichotomie tranchante instituée par la médecine basée
sur les preuves entre « ce qui soigne et ce qui fait soin » [P.Ben Soussan dans la préface du livre de J.Alric, La
mort ne s’approche pas…2011] !
La filière de soins est centrée sur la maladie.
Le parcours de santé et le mode de coordination dont on entend parler en ce moment relèvent d’une
organisation traditionnelle, qui, même au prix d’un management dit coopératif, ne fera rien d’autre que de
fixer à priori des objectifs aux acteurs en oubliant l’essentiel : la négociation sur le sens. Il en va de l’état de
la société que nous voulons construire et de ce qui fonde les rapports entre les hommes qui la compose.
Notre travail de coordination ne pourra se révéler fécond c'est-à-dire respectueux de la personne et de son
cheminement pour ce qui la concerne pleinement c'est-à-dire sa vie ( et même si certains choix sont
difficilement admissibles) que si nous autres, coordinateurs, réussissons à faire vivre ensemble les notions
de compétences cliniques et de prise en considération (ce qui est un autre paradigme que celui de la prise
en charge ou même de la prise en compte) de la personne et de son entourage, dans leur globalité.
« Nous ne faisons rien que bouger à peine, juste un pas de côté » dit le poète…puisse ce temps ensemble
produire ce petit quelque chose du déplacement. ! Merci de votre attention.
David. Odile
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