38 Les conditions de réussite sont- elles réunies chez les

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38 Les conditions de réussite sont- elles réunies chez les
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Les conditions de réussite sont- elles réunies chez les étudiants de langues étrangères des Universités
Anta Diop de Dakar et Gaston Berger de St- Louis?
Cheikh
Harisoa T. Rabiazamaholy
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Ecole Normale Supérieure
Résumé
La réussite universitaire dépend de facteurs aussi divers qu’importants. Lorsque les étudiants échouent, très souvent, on
accuse la pédagogie, la logistique et les infrastructures, l’organisation des études et de l’évaluation. On remet également
en cause l’admission automatique des jeunes bacheliers aux études supérieures (premier diplôme de l’enseignement
supérieur ou dernier diplôme de l’enseignement secondaire?). Certes, les études universitaires sont un droit inaliénable
de toute personne désireuse de s’épanouir intellectuellement et d’acquérir une certification universitaire. Mais au- delà
de cet épanouissement, beaucoup visent au moyen des études universitaires ou grâce aux études universitaires, une
ascension sociale (accès à une position sociale avantageuse) assortie d’une certaine aisance matérielle. C’est tout aussi
légitime que l’épanouissement intellectuel.
A l’heure actuelle où la réussite aux études secondaires devient une tendance générale, les universités nationales
africaines dont les capacités d’accueil sont, de toutes les manières, limitées sont confrontées à des problèmes liés à la
massification des étudiants. Il devient par exemple difficile d’assurer au grand nombre un suivi rapproché. On se
demande alors, s’il est défendable de laisser l’ensemble des jeunes bacheliers entamer des études supérieures, tout en
diminuant leurs chances de réussite.
Face à la massification des étudiants et dans un contexte général d’aspiration au développement national intégral, les
autorités sénégalaises, comme celles d’autres pays africains, ont entrepris dès la fin de la décennie 1970, d’orienter les
bacheliers en fonction des besoins du pays en cadres supérieurs, et en fonction de leurs résultats au baccalauréat. Il me
semble qu’au delà de l’analyse des résultats obtenus au baccalauréat, une étude minutieuse de la population estudiantine
pour une meilleure réussite à l’université est tout indiquée.
Basée sur des données recueillies par questionnaires, la présente enquête étudie les caractéristiques individuelles, les
intérêts et les objectifs des étudiants des départements des langues romanes, russe et allemande de la Faculté des Lettres
et Sciences Humaines de l’Université de Dakar et de la filière Langues Etrangères Appliquées de L’Unité d’Etudes, de
Formation et de Recherche (UEFR) de l’Université Gaston Berger de St- Louis.
Introduction
Au départ, cette étude avait pour ambition de s’intéresser aux quatre langues vivantes étrangères les plus courantes dans
le système éducatif sénégalais, notamment l’allemand, l’espagnol, le portugais et le russe. L’impossibilité, dans le
moment présent, de recueillir les questionnaires adressés aux étudiants de portugais limitera cette étude aux cas de
l’espagnol, du russe et de l’allemand, bien que ni le russe ni le portugais ne soient enseignés à L’Unité d’Etudes de
Formation et de Recherche de l’université Gaston Berger de St- Louis.
Les étudiants de premier cycle, première (DUEL I) et deuxième (DUEL II) années des départements de langues
romanes, de russe et d’allemand des deux universités de Dakar et de St-Louis, constituent la population de référence.
Les questionnaires ont été remis à l’ensemble de ces communautés qui comptaient 185 étudiants d’espagnol, 36
étudiants de russe et 68 étudiants d’allemand au moment de l’enquête.
Nous avons recueilli 132 des 169 questionnaires administré en DUEL I et 32 des 110 questionnaires administrés en
DUEL II. Le recueil de données a connu une forte mortalité en DUELL II et particulièrement au sein du département
d’Espagnol où nous avons recueilli 19 des 75 questionnaires administrés.
Pour rééquilibrer l’échantillon, nous avons retenu les 32 questionnaires recueillis en DUEL II, constitués de 8
questionnaires en allemand, de 19 questionnaires en espagnol et de 5 questionnaires en russe comme base de définition
de la taille de l’échantillon. Par la suite nous avons choisi, par randomisation1, 68 des 132 questionnaires restants en
DUEL I.
L’échantillon final qui servira à l’ensemble des traitements statistiques est constitué de 100 questionnaires dûment
remplis.
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En nous aidant du logiciel de statistiques SPSS.
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Une précision d’ordre conceptuel
On associe souvent la réussite universitaire à la capacité de l’étudiant de fournir la réponse attendue par l’examinateur,
et à l’obtention d’un score satisfaisant, aux yeux de ce dernier, aux épreuves de contrôle ou de sanction finale de
l’apprentissage. Parfois, elle est considérée comme le passage au niveau universitaire supérieur. Au sens propre, réussir
signifie tout simplement obtenir le résultat désiré. Dans le contexte sénégalais, et africain, qui nous concerne, la réussite
scolaire, et surtout universitaire, est associée à l’exercice d’une profession attrayante et à une certaine sécurité
financière.
C’est, à notre avis, une conception qui n’est pas entièrement erronée, dans la mesure où nous considérons que réussir
des études universitaires signifie acquérir des compétences2 telles, qu’on sera en mesure de négocier, de façon experte,
une occupation professionnelle dont on peut tirer un bénéfice nettement supérieur au capital engagé ; ce capital pouvant
être matériel et/ ou symbolique. Au niveau universitaire, le volume et la qualité du capital intellectuel, socio- culturel et
économique engagé du côté des apprenants, aussi bien que du côté des enseignants et des partenaires sociaux, sont si
importants que tous les intéressés s’attendent à d’excellents résultats.
Par la loi d’orientation 91–22 , du 30 Janvier 1991, de l’éducation nationale du Sénégal qui stipule, en son chapitre IV,
Article 16, que
“ l’enseignement supérieur vise à former des agents de développement dont le Sénégal et l’Afrique ont
besoin pour jouer un rôle significatif dans la création et le développement de la pensée et de la science
universelles”,
les pouvoirs publics sénégalais ont exprimé toutes leurs attentes envers cette partie du système éducatif. Ils précisent au
2°paragraphe de ce même article, aux quatrième, cinquième et sixième alinéas, en ces termes :
“ Il est ainsi chargé ;
- “ d’élaborer, de critiquer et de diffuser les nouvelles connaissances en se constituant comme lieu
d’interaction et de coopération entre le monde du travail et les centres de décisions économiques,
techniques, administratifs et scientifiques ; ”
- “ D’étudier et d’évaluer les voies d’une stratégie de développement endogène et autocentré, en
participant notamment à l’élaboration, l’application et l’évaluation des plans nationaux, sous
régionaux et régionaux de développement ;”
- “ d’instituer des modèles d’enseignement, de recherche et de formation qui lient la théorie à la
pratique dans le cadre des rapports équilibrés entre la réflexion et l’action ; ”
L’université sénégalaise doit donc former des concepteurs, des décideurs mais aussi des agents de liaison, servant de
relais entre les acteurs et le centre de réflexion et d’élaboration du savoir que doit être l’université.
Traditionnellement l’obtention des diplômes universitaires qui sanctionnent les études universitaires, dans le domaine
des langues vivantes étrangères, conduit à l’enseignement, l’interprétariat ou, dans une moindre mesure, aux affaires
étrangères. Nous estimons que les études universitaires devraient mener à d’autres types d’accomplissement
professionnel. L’hispanisant, le germaniste, ou le slaviste, en l’occurrence spécialiste du russe, au sortir de l’université,
devra donc être capable de se servir de son savoir comme moyen de développement national et d’action dans la vie
pratique. C’est en cela qu’il pourra faire fructifier et multiplier le capital investi en lui.
C’est désormais le sens que nous donnerons au concept de “ réussite dans l’enseignement supérieur ”.
Elaborer des stratégies de réussite à l’université, à l’adresse des étudiants des langues étrangères, consisterait donc à
aider ces étudiants à satisfaire les exigences de leur formation d’une part, et à développer et à utiliser, d’autre part, ces
mêmes stratégies et les compétences acquises, bien au- delà de leur contexte d’études très spécifique.
Ces stratégies devront prendre en compte les facteurs ou conditions susceptibles d’influencer les chances de réussite et
la qualité de celle-ci. Parmi ceux-ci , nous prendrons en considération des facteurs inhérents à l’étudiant, les conditions
matérielles, socioculturelles et socio-économiques dans lesquelles il vit.
L’analyse montrera que notre population est issue de couches socio-économiques très modestes et que nous vivons dans
un contexte de plurilinguisme collectif et individuel, où notre langue de travail, la langue officielle, est en réalité une
langue étrangère, parlée rarement en famille ou dans la rue.
La description de l’environnement socioculturel, socio-économique et sociolinguistique a pour fonction de susciter la
réflexion sur les chances de réussite des étudiants de langues étrangères, et sur les aides ou dispositions éventuelles qui
pourraient favoriser leur réussite.
2
C’est- à- dire un savoir – faire et un savoir- être soutenus par de solides connaissances universitaires.
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I.
Les caractéristiques individuelles
Nous ne retiendrons, pour décrire les caractéristiques individuelles des étudiants dans cette étude, que les facteurs les
plus susceptibles d’influencer l’apprentissage de la langue étrangère. Ce sont l’âge, les catégories socioprofessionnelles
et niveaux d’instruction des parents, le bénéfice d’une aide scolaire ou d’une bourse3 d’études, l’origine géographique et
le plurilinguisme de l’étudiant.
I. a. Quelques traits généraux
Dans l’échantillon final (Cf. supra p.2), l’ethnie dominante des pères et des mères est l’ethnie wolof avec une
participation respective de 32% et 28%. La deuxième place est occupée par l’ethnie sereer. La troisième place est
occupée par l’ethnie diola. La participation des autres ethnies, toutes confondues, dont la plus élevée s’élève à 7%, est
négligeable.
La répartition des parents de l’échantillon en fonction des ethnies diffère, ainsi, totalement de la répartition nationale
des populations, où l’ethnie wolof est l’ethnie numériquement dominante, suivie de loin par les ethnies peulh, puis
sereer. L’ethnie diola fait partie des ethnies minoritaires originaires du Sud.
Il y a, dans l’échantillon, une nette prépondérance des étudiants urbains (54%), bien que le Sénégal soit un pays
relativement4 peu urbanisé. Plus de la moitié de la population estudiantine vit dans les villes. Ce fait s’explique par la
concentration des établissements d’enseignement secondaire dans les grandes villes.
Les langues maternelles les plus représentées sont aussi celles des ethnies wolof, sereer et diola. Le taux du wolof varie
entre 35% chez l’étudiant, et 31% chez la mère.
Le wolof demeure cependant la principale langue commune pour 40% des familles, le sereer vient en deuxième position
suivi de près par le diola.
Le wolof deuxième langue commune de la famille est parlé par 31% des interrogés et le français par 15%.
Le français est encore parlé par 10% des étudiants comme troisième langue commune de la famille, 31% des étudiants
parlent une troisième langue, non précisée et différente des langues nationales.
Ces informations brutes montrent nettement que le français demeure une langue étrangère, ou tout au plus, une langue
minoritaire, malgré près de cinq cents ans de présence française sur le sol sénégalais. Selon les publications de
l’UNESCO publie, le français est maîtrisé en 1992 par 10% environ de la population sénégalaise. Or, cette langue,
classée langue seconde, est la langue de travail de l’école. On admet que tout élève du Secondaire la maîtrise assez pour
poursuivre ses études dans une université de langue française.
En réalité, l’utilisation du français comme langue de travail à l’école confronte l’apprenant à deux types de difficultés
d’ordre cognitif. Il est confronté d’une part, aux exigences cognitives liées à l’objet, au contenu de ses études , et
d’autre part, à la maîtrise du français langue d’enseignement. Par ailleurs, les tris croisés à plat de ces mêmes langues
montrent que l’étudiant sénégalais est plurilingue. Il utilise les langues autochtones exclusivement dans le milieu
familial ou dans le milieu informel des relations interpersonnelles. Dans cette constellation linguistique, la participation
du français au rapport linguistique est minime. L’ étudiant vit ainsi une diglossie élargie, au sens de J. A. Fishman
(1967)5.
Concernant le statut socioprofessionnel des parents, l’enquête montre que les universités de Dakar et de St-Louis sont
surtout fréquentées par des enfants de paysans, de pêcheurs traditionnels et dans une moindre mesure, d’artisans même
dans des disciplines souvent considérées comme domaines privilégiés des classes sociales favorisées. Bref, la
population estudiantine est issue, pour 33% des pères et 5% des mères, d’ascendants actifs dans le secteur primaire, de
familles nombreuses avec des enfants peu scolarisés. Le taux de participation des pères actifs dans les secteurs
secondaire (10%) et tertiaire (9%) est faible.
I. b. Quelques valeurs moyennes
Les valeurs moyennes suivantes sont calculées en fonction du niveau d’études des étudiants interrogés.
L’étudiant de DUEL I totalise 5,5 ans d’apprentissage de l’espagnol, du russe ou de l’allemand (au lieu des 5 ans
théoriquement requis pour atteindre ce niveau d’études). Il a effectué, en moyenne, un séjour de quinze à 20 jours à
l’étranger. Son score moyen déclaré est de 11,73/20. Dans sa famille, il y a 6 à 7 enfants dont 5 à 6 garçons ; parmi
3
L’aide scolaire est octroyée une seule fois dans l’année, alors que la bourse d’études est une allocation mensuelle.
Bien que le taux d’urbanisation soit le plus fort d’Afrique (39% ~ 29%,moyenne des autres pays) d’après le rapport du
recensement national de 1988.
5
C. Ferguson, 1959, élargie par J.A. Fishman, 1967, mais le livre de référence utilisé ici est la version allemande de
1975.
4
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ceux-ci, 3 fréquentent l’école ou l’université. Il y a aussi 4 à 5 filles, dont 3 fréquentent l’école ou l’université. Il y a un
équilibre apparent entre la quote–part des filles et des garçons scolarisés.
En DUEL II, il totalise en moyenne, 7,5 ans d’apprentissage de l’espagnol, du russe ou de l’allemand. Il a effectué un
séjour de 2 mois à l’étranger. Son score moyen déclaré est aussi de 10,53/20. Dans sa famille, il y a 8 enfants, dont 4
garçons ; tous les 4 fréquentent l’école ou l’université. Il y a 4 filles dont 3 fréquentent l’école ou l’université. Dans ce
groupe, la durée moyenne des études a accusé un cumul excédentaire de un an et demie (7,57 ans en DUEL II au lieu de
6 ans), tandis que l’effectif des filles scolarisées est inférieur à celui des garçons.
Dans les deux niveaux, il est rare que l’étudiant pratique l’espagnol, le russe ou l’allemand en dehors des lieux d’études.
En revanche, il est conscient de la portée internationale de la maîtrise d’une de ces langues, tant du point de vue des
contacts qu’il pourrait nouer, que du point de vue des études qu’il pourrait poursuivre à l’étranger.
Beaucoup sont attirés par la beauté de la langue et pensent la faire apprendre à leurs enfants, afin que ces derniers
puissent s’ouvrir à d’autres cultures. D’après les informations recueillies, les étudiants persévèrent dans l’apprentissage,
bien qu’ils considèrent leurs résultats comme insuffisants, voire faibles. La moyenne calculée sur les scores déclarés le
confirme.
Une forte majorité (45,5% à 75,2%) ne fréquente ni le club de langue de la Faculté, ni les différents centres culturels, et
encore moins les fondations représentées au Sénégal ou l’ambassade. 74,5% déclarent cependant avoir choisi librement
l’étude de la langue concernée depuis le lycée.
Ces résultats généraux donnent beaucoup à réfléchir. Pourquoi les étudiants vaquent- ils rarement à des activités parauniversitaires? Celles-ci pourraient les aider à obtenir de meilleurs résultats et à développer leurs capacités de contact et
de négociation. Ce manque d’engagement est en contradiction avec le choix volontaire déclaré. Il est aussi en
contradiction avec la volonté de faire apprendre cette langue à leurs enfants. Que se passe-t-il chez ces étudiants qui
reconnaissent leur médiocrité, qui nourrissent cependant de très hautes ambitions académiques (46% d’entre eux
aspirent à atteindre un niveau académique élevé, voire très élevé , allant de la Maîtrise au doctorat de 3ème Cycle ou au
doctorat d’état)?
I. 1. Le facteur “ âge ”.
Dans l’apprentissage d’une langue vivante étrangère, l’âge est un facteur important, dans la mesure où, plus l’âge
avance, plus la flexibilité des organes de la parole diminue. Par ailleurs, le jeune apprenant de langue étrangère
développe face à l’apprentissage une attitude tout à fait différente de celle d’un apprenant âgé, et vice versa. Un jeune
apprenant, par exemple, fixera plus vite un nouvel apprentissage, il se laissera plus facilement corriger et sera moins
gêné par le regard, le jugement de ses camarades de promotion. En revanche, l’apprenant plus âgé aura tendance à
mieux organiser son apprentissage, à être plus sensible aux critiques ; mais aussi à opposer plus de résistance aux
nouvelles acquisitions.
Au Sénégal, l’âge légal de première inscription à l’école est de 7 ans. Si l’élève poursuit un cursus scolaire normal, sans
redoublement de classe, il devrait atteindre la classe terminale des lycées à 19 ans et se présenter aux examens du
baccalauréat de l’enseignement secondaire à l’âge de 20 ans, et à 21 ans, s’il a redoublé une fois. Théoriquement,
l’étudiant sénégalais devrait accéder à la premières année de l’université à 20 ans ou 21 ans.
Cependant une première enquête, menée par nos soins dans les lycées et collèges, a montré que dès la classe de
troisième, l’âge moyen est supérieur de deux ans à l’âge théorique, qui est de 16-17 ans, dans cette classe. C’est ainsi
que 52,5% des élèves de troisième sont âgés de 18-19 ans6.
L’écart par rapport à l’âge théorique ne sera pas rattrapé, en terminale7, où 49,5% des élèves ont 21-22 ans en début
d’année scolaire et où l’étendue des âges, c’est- à- dire, la différence d’âge entre le plus jeune et le plus âgé de la classe,
qui est de 7 ans en troisième, est de neuf ans. L’écart se creuse en terminale. Il va sans dire que cette grande différence
d’âge fera cohabiter dans une même classe, des sujets dont les intérêts et les dispositions seront très divergents.
En Faculté où l’âge de l’apprenant n’est plus limité, l’étendue dans l’ensemble des deux niveaux est de 10 ans. La
répartition globale montre, cependant, que la grande majorité des étudiants (40,6%) sont dans les normes. L’analyse par
niveau conduit à des résultats plus différenciés.
L’écart s’est réduit en première année où l’étendue est de 7 ans et où le plus jeune étudiant a 18 ans. Il se situe ainsi en
deçà de l’âge théorique. En deuxième année où l‘étendue est de 8 ans, l‘écart entre le plus jeune étudiant et le plus âgé
se creuse à nouveau, il demeure cependant inférieur à celui de la classe terminale. Le plus jeune étudiant en deuxième
année de Faculté a 20 ans et se situe également en deçà de l‘âge théorique.
Les âges moyens arithmétiques sont respectivement 21,76 ans et 22,73 ans. (Il est de 18,15 ans en troisième). L’âge,
dans les deux années du premier cycle de l’université tend, ainsi, plus vers 22-23ans que vers l’âge théorique de 20–
21ans.
L’observation différenciée des deux niveaux universitaires permet de constater que 34,,3% des étudiants de DUEL I
et 40% des étudiants de DUEL II ont l’âge théorique, c’est-à-dire, l’âge que devraient avoir les étudiants qui n’ont
pas redoublé une seule classe durant la totalité de leur cursus scolaire et universitaire. En prenant comme référence les
6
7
. Seuls 28,5% des élèves de 3ème sont dans les normes et se présentent au BFEM à l’âge théorique de 16 – 17 ans
Seuls 24,5% des élèves de terminale sont dans les normes et se présentent au BAC à l’âge théorique de 19 – 20 ans.
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effectifs observés en classe de troisième et terminale, les valeurs obtenues dans l’ensemble du premier cycle des
Facultés nous permettent de calculer les rapport suivants, dont les résultats nous indiquent l’incidence du facteur âge sur
la réussite scolaire. Et nous commençons avec le rapport de la classe terminale à la classe de troisième :
Entre la classe terminale et la classe de troisième du lycée, le rapport est faible.
Il y a presque autant d’élèves ayant l’âge théorique dans ces deux classes. Le rapport des valeurs obtenues au premier
cycle des Facultés à la dernière année du lycée est déjà plus éloquent. En effet, nous avons le rapport suivant:
Ainsi, il y a une fois et demie plus d’apprenants qui ont l’âge théorique en premier cycle des Facultés qu’en fin de cycle
de l’enseignement secondaire. On remarque ainsi un accroissement de 150% des étudiants ayant l’âge théorique en
premier cycle des Facultés par rapport à la classe terminale. Que sont devenus les élèves les plus âgés?
Toujours selon l’enquête citée plus haut, le taux d’élèves frappés par la limite d’âge s’élevait à 65,9% dans
l’enseignement secondaire. En Faculté, à défaut de pouvoir parler de limite d’âge, nous dirons que le taux de ceux dont
l’âge a largement dépassé l’âge théorique, a baissé de près de 6 points entre le DUEL I et le DUELL II (de 55,9% à
50%). Malgré la tendance à la baisse, la proportion des étudiants âgés demeure forte.
Seuls quelques rares éléments se trouvent en-deçà de l’âge théorique d’accès à ces niveaux (7,2%).
Ces données suscitent beaucoup d’interrogations. D’où proviennent “ces vieux étudiants” qui constituent une large part
de la population? Parviendront-ils à terminer leurs études? Aspirent-ils, comme les jeunes bacheliers, à l’obtention de
leurs premiers diplômes universitaires? Sont-ils (re)venus parfaire une première formation, et à quelle fin?
Plusieurs hypothèses peuvent être évoquées. On pourrait par exemple, penser à une sorte de sélection naturelle en
faveur des plus jeunes bacheliers. Parmi les facteurs influençant cette sélection naturelle pourraient figurer la flexibilité
et l’aptitude (promptitude) des plus jeunes candidats à satisfaire les exigences de l’examen du Baccalauréat ou alors,
l’entrée immédiate des plus âgés dans la vie active, ou encore, leur accès à une formation professionnalisante, soumise à
l’obtention du Baccalauréat et, peut-être, l’essoufflement et le renoncement à des études longues et difficiles.
On pourrait également avancer l’hypothèse de l’efficacité des services d’orientation de l’université, qui inscrivent, en
priorité, les plus jeunes bacheliers en Faculté.
Enfin, on pourrait avancer une troisième hypothèse du retour à l’université de sujets qui ont fait d’autres expériences,
travail, voyages, service militaire, stages, avant de reprendre leurs études.
I. 2. Les facteurs “origine sociale et géographique”
I. 2.1. L’origine sociale
De l’analyse de la répartition en fonction des catégories socioprofessionnelles des parents, nous retenons qu’en DUEL I
49% des pères sont actifs dans le domaine de l’agriculture et de la pêche traditionnelle. Les mères sont généralement
ménagères ou agricultrices; elles comptent pour 74,3% de la strate étudiée. Donc les occupations des parents relèvent
principalement du secteur primaire. Les fonctions supérieures et intermédiaires, susceptibles de servir de relais aux
classes sociales dominantes, sont présentes mais minoritaires8.
En DUEL II, 40,6% des pères et 65,7% des mères sont actifs dans le secteur primaire de l’agriculture, de la pêche
traditionnelle et du service envers autrui (gens de maison ou ménagères). Dans cette strate, quelques mères (1,5% de
l’échantillon) et une faible proportion (6%), des pères exerce une fonction supérieure.
La grande majorité des étudiants ne savent pas ou ne veulent pas déclarer le niveau d’instruction atteint par leurs
parents. Les taux de non réponse atteignent 40,6% , en ce qui concerne les pères, et 58,4%, en ce qui concerne les
mères. Le niveau d’instruction atteint par les parents le plus souvent déclaré est celui du CEPE9 (22,8% des pères et
18,8% des mères). Quelques rares parents ont atteint le niveau Bac (13,9% des pères et 4% des mères.).
Du tri à plat des catégories socioprofessionnelles et du niveau d’instruction on retient que 14,3 % de pères et 16,3% des
mères, qui travaillent dans l’agriculture, la pêche traditionnelle ou chez autrui, n’ont pas dépassé le niveau du Certificat
d’Etudes Primaires.
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12,2% des pères de l’échantillon exercent soit en médecine et pharmacie, soit dans l’enseignement secondaire.
BFEM : Brevet de Fin d’Etudes Moyennes
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En DUEL I, 21,6% des étudiants bénéficient d’une aide scolaire ou d’une bourse. Les sources sont en premier lieu le
gouvernement sénégalais , qui octroie les 16% . Les ambassades assurent une aide à hauteur de 2,7% de l’ensemble.
42,4% des étudiants de DUEL II bénéficient d’une aide financière, sous forme de bourse d’études ou d’aide scolaire.
Parmi ces derniers, 33,3% sont boursiers du gouvernement sénégalais. A l’unanimité, ils déclarent que ces aides sont
insuffisantes. Aucune question directe n’a été posée sur le montant de ces aides pour éviter de choquer les sentiments de
l’interrogé. En effet, en Afrique, on ne déclare pas ouvertement ses ressources financières à une tierce personne.
Selon les déclarations des étudiants, certaines aides sont accordées de manière automatique, quelques rares étudiants ont
avancé leurs bons résultats comme raison. Mais à la lecture du tri croisé de la profession des parents et de la variable
décrivant l’octroi d’une bourse, on s’aperçoit que celle-ci a surtout été accordée à ceux dont les parents sont actifs dans
le secteur primaire (pêcheurs traditionnels et cultivateurs, ménagères). La raison sociale est ainsi plus plausible que
l’automaticité.
I. 2. .2. L’origine géographique
Dans le secondaire, les apprenants urbains représentaient 69,3% de la population. En DUEL I, nous avons 37%
d’étudiants d’origine urbaine pour 29% d’étudiants d’origine rurale. En DUEL II, le taux d’étudiants ruraux se
rapproche encore plus de celui des étudiants urbains (14%~17%)
On assiste donc, à l’université, à un phénomène d’équilibration du rapport urbains ~ ruraux, au profit des ruraux. Ces
informations traduisent- elles véritablement l’accès en masse des étudiants ruraux à l’université, dans des disciplines
communément considérées comme disciplines de prédilection des étudiants citadins, issus de milieu sociofamilial
souvent plus aisé? Cet afflux est- il le résultat d’efforts incommensurables et la réalisation de désir intense d’ascension
sociale? Ou est-il seulement une des conséquences d’une politique culturelle de décentralisation des établissements
d’enseignement secondaire qui aura drainé les étudiants ruraux vers l’université? Ou traduit-il l’abandon des citadins
qui ont l’opportunité de petits travaux?
Il ressort, par ailleurs, du tri croisé des ethnies des parents et de la localité d’origine (ville ou village) d’une part, et
ethnies des parents et langue étudiée d’autre part, que :
- les wolof sont surtout des citadins10 et qu’ils apprennent de préférence l’allemand;
- les sereer sont plutôt ruraux et étudient le russe ou l’espagnol;
- les diola, quant à eux, ont tendance à apprendre l’espagnol et ils sont plutôt ruraux.
Une deuxième série d’hypothèses émerge de ces observations:
soit, mieux lotis que les étudiants ruraux, les étudiants urbains sont allés continuer leurs études à l’étranger,
soit, moins motivés, les étudiants urbains se retrouvent en minorité par rapport aux étudiants ruraux.
Cependant, nous ne devons pas laisser hors de considération la prolifération actuelle d’universités privées dans nos
pays, surtout au cours de la dernière décennie. Ces établissements d’enseignement supérieur trouvent un réel
engouement auprès des populations. Il est fort possible qu’ils aient absorbé la proportion de bacheliers urbains que nous
ne retrouvons pas à l’université. La cherté des frais d’études à ces universités porte à faire croire que ce sont, d’abord,
les étudiants urbains, issus d’un milieu sociofamilial de niveau de vie moyen à aisé, qui les fréquentent. Cependant,
nous ne devons pas laisser hors de considération la prolifération actuelle d’universités privées dans nos pays, surtout au
cours de la dernière décennie. Ces établissements d’enseignement supérieur trouvent un réel engouement auprès des
populations. Il est fort possible qu’ils aient absorbé la proportion de bacheliers urbains que nous ne retrouvons pas à
l’université. La cherté des frais d’études à ces universités porte à faire croire que ce sont, d’abord, les étudiants urbains,
issus d’un milieu socio-familial de niveau de vie moyen à aisé, qui les fréquentent. A titre d’exemple, des données
recueillies auprès de l‘Institut Africain de Management (IAM), une université privée fondée en 1996, concernant les
trois premières cohortes d‘étudiants montrent que sur un ensemble de 78 étudiants, 7 pères (10,8% compte tenu des
non-réponses) et 18 mères (28,1%) n‘ont pas fréquenté l‘école. En revanche, 13 pères (19,3%) et 27 mères (40,6%) ont
atteint les niveaux intermédiaires de la fin de l‘école primaire ou du premier cycle de l‘enseignement secondaire. Le
taux de parents ayant atteint l‘enseignement supérieur est assez important; en effet, 36 pères (43,5%) et 16 mères
(20,5%) auraient atteint d’assez hauts niveaux d’études.
L’afflux d’étudiants ruraux et l’éventuel évitement de nos universités par les étudiants originaires des villes ne
manqueront pas de peser sur la qualité des produits des universités nationales.
I. 2. 3. Langues parlées
Les étudiants sont généralement plurilingues. Au plus, ils parlent déjà trois langues, dont deux chtonolectes, la lingua
franca (le wolof) et une autre, et la langue officielle(le français). Au moins, ils sont bilingues et parlent la langue
maternelle autochtone et la langue officielle.
Les premières11 langues dominantes des étudiants de DUEL I sont, dans l’ordre, le sereer et le wolof, puis le diola. Les
deuxièmes langues communes dominantes sont le Wolof et le Français et les troisièmes langues dominantes sont
d’autres langues non précisées et le Français.
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( ce classement est calculé en fonction de la distribution des ethnies des parents)
Il s’agit de la langue commune de la famille, et non de la langue maternelle de l’étudiant.
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En DUEL II, l’ordre est légèrement différent en ce qui concerne les premières langues, dans l’ordre nous avons le
Wolof, le Diola et le Sereer . Les deuxièmes langues sont les mêmes, c’est- à- dire, le Wolof et le Français et les
troisièmes langues sont le français et d’autres langues non précisées12 dans le dépouillement.
Le plurilinguisme dans lequel les étudiants baignent est un atout favorable pour la réussite dans les études de langues
vivantes étrangères ; car parler plusieurs langues entretient la flexibilité des organes de la parole, facilite la perception,
l’actualisation et la réalisation de phonèmes et l’acquisition de la syntaxe de la langue cible. Dans un cas de
monolinguisme, le capital linguistique de départ ne favorise pas l’acquisition rapide des composantes de la langue cible.
L’étude d’une nouvelle langue est d’autant facilitée que l’apprenant s’est habitué à l’analyse linguistique de ses langues
de départ. Grâce aux stratégies cognitives qu’il aura développées au cours des premiers apprentissages, il pourra mieux
organiser ses études.
Malheureusement, les stratégies cognitives développées par nos étudiants au cours de l’acquisition d’autres langues
autochtones ne sont pas directement transférables à leur situation d’études. Ayant acquis, de manière “naturelle”, sans la
médiation d’une langue de travail, des langues dont le code écrit ne fait pas prescription, nos étudiants se retrouvent
dans des situations d’apprentissage où ils vont devoir s’appuyer sur la correspondance entre le code écrit et le code
parlé, mais surtout sur le code écrit et sur les prescriptions des systèmes français, anglais, ou arabe pour acquérir le code
écrit de l’espagnol, de l’allemand ou du russe, pour ensuite passer à la réalisation du code parlé. Il va se produire au
cours de l’acquisition du système linguistique cible, des transferts ou des interférences, selon les cas, du ou des
systèmes de départ vers le système cible. Dans ce cas, il est à craindre que, offrant peu de modèles et d’opportunités
d’utilisation écrite, l’apport des systèmes linguistiques autochtones de départ ne soit limité à la facilitation restreinte de
l’acquisition du code oral13. Cible. L’acquisition et le développement des langues cibles dépendront en grande partie des
intérêts et objectifs immédiats, ou des projets de formation, des intérêts à moyen et long termes de l’étudiant.
II. Intérêts et Objectif
II. 1. Intérêts
Compte tenu de leur âge et de leur parcours, les étudiants qui nous arrivent en première année ont, en principe, atteint la
phase de l’adultisation intellectuelle, qui devrait se traduire par la stabilité émotionnelle et l’engagement cognitif
soutenu. Cet engagement cognitif devrait se traduire par des activités universitaires et para-universitaires qui favorisent
la maîtrise de la langue et le parachèvement des études dans un délai relativement court.
Pour les besoins de la présente étude, nous nous limiterons à quelques variables relatives à la pratique de la langue, à
l’engagement idéologique et cognitif , et au désir d’accomplissement professionnel et intellectuel.
En ce qui concerne la pratique active des langues, nous venons de souligner que les occasions de parler ces langues sont
plutôt rares. Mais l’analyse détaillée en fonction des langues et des niveaux universitaires fait apparaître des nuances
qui ne sont pas négligeables.
II. 1. 1. Pratique active
L’allemand et l’espagnol sont parlés au sein de la famille de quelques intéressés (5%). Les hispanisants (31% de
l’échantillon) ont plus de chance de pratiquer au hasard des rencontres, que les germanistes (10 cas ou 10%) ou les
étudiants de russe (13 cas ou 13%). En revanche, ces derniers semblent être les plus comme guides touristiques (17 cas
ou 17% pour 6% en allemand et 12% en espagnol).
En revanche, les autres langues sont utilisées fréquemment pour communiquer avec des amis, en général, dans le cadre
des études.
Il ressort de ces résultats que l’échange avec les amis, probablement des camarades de promotion, est, pour ainsi dire,
l’unique occasion de parler la langue étudiée.
II. 1. 2. Pratique passive
Les chiffres qui figurent dans les résultats suivants reprennent les valeurs dominantes de chaque tri croisé de la langue
étudiée avec chacun des indicateurs de la pratique passive. Ainsi, germanistes (13) et hispanisants (18) lisent
fréquemment des journaux, les étudiants de russe en lisent rarement (13). Hispanisants (27) et slavistes (14) lisent
rarement des magazines, tandis que les germanistes en lisent souvent (12). La lecture de romans occupent plus les
hispanisants ( 15 fréquemment et 12 régulièrement) que les autres étudiants. En revanche, les étudiants sont assez
12
nous avons inscrit “ autre ” quand il ne s’agit pas de l’une des langues du Sénégal.
Nous n’excluons pas la transposition directe de structures orales de la langue de départ, maternelle, ou primaire, ou
des langues de départ secondaires, vers les structures écrites des langues cibles. Il est par exemple, fort possible que du
”wolof parlé” soit ”transposé” (nous évitons les terminologies ”transferts et interférences” pour ne pas généraliser a
priori des productions linguistiques que nous n’analysons pas ici) sans transition par une langue acquise antérieurement,
en espagnol écrit.
13
45
régulièrement répartis autour de la variable “ auteurs classiques ”. C’est ainsi que 16 parmi les 30 étudiants germanistes
interrogés, 28 parmi les 43 étudiants hispanisants interrogés et 21 des 27 étudiants de russe lisent rarement à
fréquemment des auteurs classiques.
Les trois groupes d’étudiants semblent bénéficier rarement de séances cinématographiques. En effet, 10 germanistes, 12
slavistes et 13 hispanisants affirment regarder rarement un film. Les hispanisants semblent avoir plus d’opportunités
pour écouter la radio en espagnol; dans ce groupe, 19 étudiants affirment écouter la radio rarement et 10 autres
affirment l’écouter souvent. D’une manière générale, les étudiants assistent rarement à une conférence en langue.
Un grand nombre de germanistes affirment lire journaux et magazines en langue allemande (26 et 29 parmi les trente
germanistes interrogés). Une vingtaine lisent des romans ou écoutent la radio également en langue allemande. En
revanche, les auteurs classiques, les séances cinématographiques et les conférences comptent moins d’intéressés.
II. 1. 3. Engagement idéologique et cognitif
Deux séries de variables ont servi à décrire l’engagement idéologique et cognitif. Il a été demandé aux étudiants de
s’exprimer sur la fréquentation du club de langue de leur département, du centre culturel respectif, des locuteurs natifs,
des fondations et ambassades relevant des pays dont la langue est originaire, et s’ils ont l’intention de faire apprendre la
langue à leurs enfants.
Presque la totalité des étudiants ne fréquente pas les centres culturels, les clubs de langues, les fondations et les
ambassades.
En DUEL I quelques rares étudiants font exception. Trois (3) étudiants germanistes fréquentent le centre culturel et 5 le
club de langue de la Faculté. Sept (7) étudiants de russe déclarent fréquenter l’ambassade de Russie.
En DUEL II, on note une légère évolution, mais elle concerne en grande partie les germanistes. Parmi ces derniers, 4
fréquentent le centre culturel allemand, 3 fréquentent le club d’allemand de la Faculté, 2 déclarent fréquenter
l’ambassade et deux autres, les fondations. Un seul étudiant de russe fréquente uniquement le centre culturel. Aucun
étudiant d’espagnol de DUEL II ne fréquente ces institutions.
En DUEL I, les contacts avec les locuteurs natifs sont plutôt rares. Seuls 15 germanistes, 3 hispanisants et 3 étudiants de
russe déclarent avoir des contacts avec les locuteurs natifs.
En DUEL II, les contacts sont déjà plus nombreux..
Chez les germanistes, on compte 8 déclarants. Quinze (15) hispanisants et 5 étudiants de russe déclarent avoir des
contacts avec les locuteurs natifs.
II. 2. Objectifs
II.2.1. Les désirs d’accomplissement.
Les désirs d’accomplissement professionnel sont très variés en DUEL I. Cette diversité témoigne de la richesse de leur
imagination et de la conscience des possibilités d’accomplissement professionnel offertes par une certification
universitaire.
Cependant, on assiste à une concentration des déclarations autour de la production littéraire (écrivain), de
l’enseignement, du journalisme et de l’interprétariat. Ces quatre secteurs sont suivis de loin par les occupations
professionnelles dans une compagnie aérienne, puis par les affaires étrangères.
L’éventail des désirs d’accomplissement professionnel est moins large en DUEL II, où certaines des modalités
déclarées ci-dessus n’ont reçu aucune voix. L’enseignement (11) et l’interprétariat (12) occupent toujours les premières
places. Les affaires étrangères viennent en 3ème position, suivies d’assez loin par le journalisme. Les compagnies
aériennes ont peu de candidats.
Si 25% des interrogés ont opté pour la prudence, soit en citant la réussite à leur première année universitaire comme
objectif, soit en avouant leur indécision, le désir d’accomplissement académique en général très fort. Il est concentré sur
les niveaux élevés à très élevés, de la Maîtrise au Doctorat d’Etat. En DUEL I, on compte 12 étudiants désireux
d’atteindre le Doctorat d’Etat parmi les 25 qui souhaitent obtenir une qualification universitaire. Aucun étudiant n’est
désireux de s’arrêter à la Licence.
Aucun étudiant de DUEL II ne veut s’arrêter à la Licence. 24 parmi les interrogés ont opté pur un niveau académique
situé entre la Maîtrise et le Doctorat d’Etat.
Par ailleurs, aucun étudiant ne veut se contenter de comprendre à l’écoute. Une large majorité14 veut pouvoir parler
couramment cette langue.
14
(6% de l’ensemble)
46
II. 2. 2. Perception des résultats
L’analyse détaillée de la perception d’eux-mêmes et de leurs capacités montre que les moyennes générales calculées en
introduction peuvent être trompeuses. En effet, 58 étudiants, dont 41 de DUEL I, estiment avoir obtenu des résultats
satisfaisants à bons. Parmi ceux-ci, neuf (9) sujets déclarent avoir d’excellents résultats. 53% de l’échantillon estiment
pouvoir les améliorer. Les scores moyens varient entre 10/20 et 13/20 en DUEL I où 23 sujets déclarent avoir atteint des
scores élevés (14/20 et plus).
En DUEL II, les scores déclarés sont concentrés autour des notes 10/20, 12/20 et 13/20. Aucun étudiant n’a déclaré une
note inférieure à 10/20 ni une note supérieure à 13/20
Quoiqu’il en soit, les résultats restent moyens. La déclaration des scores inférieurs à 10/20 témoigne du réalisme des
étudiants, et de leur intransigeance envers eux-mêmes.. Suffisent-ils pour prétendre à un niveau de certification
universitaire très élevé ? Les étudiants ont- ils développé des stratégies cognitives leur permettant de réguler l’utilisation
de leurs ressources en fonction des exigences du parcours, ce qui justifierait leur optimisme?
II. 3. synthèse
De la précédente analyse descriptive, nous retenons que :
a) 59,8% à 79,4% des étudiants ont dépassé l’âge théorique ;
b) Les étudiants sont issus de milieu socio-familial économiquement faible ;
c) On assiste à une équilibration de la répartition en ruraux ~ urbains
d) Dans la répartition par ethnie et par langue étudiée :
(a) les wolof sont surtout citadins, et apprennent l’allemand,
(b) les sereer sont surtout ruraux, et apprennent le russe ou l’espagnol,
(c) les diola sont surtout ruraux, et apprennent l’espagnol ;
e) Au mieux, les étudiants sont trilingues et parlent la lingua franca, une deuxième langue autochtone et la
langue officielle. Au moins, ils sont bilingues et parlent une langue autochtone et la langue officielle ;
f) La langue d’apprentissage est surtout pratiquée avec des camarades de promotion ;
g) Les scores déclarés sont de l’ordre de 10/20 à 13/20 ; mais les étudiants sont conscients des efforts qu’ils
doivent fournir pour réussir ;
h) Aucune sensibilité pour les affaires commerciales (business) n’a été notée ;
i) Les étudiants lisent en priorité des journaux et magazines, et dans une moindre mesure, de la littérature
classique ou moderne (probablement les œuvres au programme) ;
j) Ils ne fréquentent pas les centres culturels et les autres fondations représentées;
k) Ils ont très peu de contact avec les locuteurs natifs ;
En somme, les conditions d’études et d’accomplissement laissent à désirer.
Au vu d’une telle récapitulation, l’analyse des corrélations entre ces différents et nombreux facteurs influençant la
réussite s’impose.
II.
Effets des facteurs cités sur les résultats déclarés
Après avoir mis toutes les variables décrites ci-dessus en corrélation simple avec la variable notes “moyennes
obtenues”, variable-indicateur de la réussite académique, nous avons sélectionné les variables explicatives dont les
coefficients de corrélation de Pearson ont une valeur absolue au moins égale à 0.200 au seuil d’erreur tolérable α ≤
0,05. Nous avons ainsi retenu douze variables que nous récapitulons dans le tableau suivant.
Variables explicatives
Corrélation de Significance (α)
Pearson
Relation directe
Q141Profession envisagée
0,540
0,000
Q130 Recevez- vous une bourse/aide scolaire ?
0,288
0,003
Qu32 Pratique comme guide touristique
0,288
0,003
Q153 Niveau d’instruction du père
0,225
0,016
Q189Apprenez-vous aussi une langue morte comme le latin? 0,242
0,010
Relation inverse
Q157 quel degré d’instruction voulez-vous atteindre ?
-0,574
0,000
Qu23 Nombre d’années d’études
-0,482
0,000
Qu59 Etes-vous satisfait du professeur ?
-0,395
0,000
Q183 Fréquentez-vous le club de langue de la faculté ?
-0,394
0,000
Q171 Avez-vous des contacts avec les locuteurs de cette -0,375
0,000
langue ?
Q184 Avez-vous accès à l’ambassade de ce pays?
-0,374
0,000
Q143 Encouragerez-vous vos enfants à apprendre une LVE ? -0,227
0,015
Degré
liberté
92
92
91
92
92
92
91
91
92
92
92
92
de
47
Parmi les facteurs qui ont une relation directe moyenne avec la réussite universitaire figure le désir d’accomplissement
professionnel dont le coefficient de corrélation de Pearson est le plus élevé (0,574). Les coefficients de corrélation des
autres variables de ce premier groupe sont peu élevés et ne permettent pas de distinguer nettement l’intensité de
l’influence de chacune d’elles sur la variable dépendante. Les variables Q130 (bourse d’études/aide scolaire) et Q189
(connaissance d’une langue classique) ont par exemple le même coefficient (0,288).
En revanche, le désir d’accomplissement académique vient en tête des variables explicatives qui sont liées à la variable
dépendante par une relation inverse. Les valeurs absolues des coefficients négatifs sont déjà plus élevées que celles des
coefficients positifs. A l’instar de ces derniers, les relations inverses ne permettent pas de distinguer nettement la part
d’influence de chaque facteur sélectionné.
Par la suite, pour vérifier les résultats obtenus ci-dessus, nous avons tenu à faire précéder l’analyse en régression
multiple des douze variables ainsi sélectionnées par une analyse en régression simple, en opposant successivement
chacune des quarante variables explicatives à la variable dépendante. Les résultats de l’analyse en régression simple
confirment ceux de la corrélation simple. En effet, l’analyse en régression simple fait ressortir une corrélation directe
entre la variable dépendante et les cinq variables explicatives suivantes: “la profession envisagée, le bénéfice d’une
bourse d’études ou d’une aide scolaire, la pratique active comme guide touristique, le niveau d’instruction du père et le
fait d’apprendre ou d’avoir appris une langue classique.
Elle a fait ressortir d’autre part, une corrélation inverse entre la variable dépendante, “notes moyennes obtenues” et les
sept autres variables explicatives: “degré d’instruction visé, nombre d’années consacrées aux études, satisfaction envers
le professeur, la fréquentation du club de langue, les contacts avec les locuteurs natifs, l’accès aux ambassades et le
désir de faire apprendre une LVE à ses propres enfants”. Le seuil d’erreur tolérable est α ≤ 0,05.
Enfin, nous avons soumis les douze variables sélectionnées par les deux traitements statistiques précédents à l’analyse
statistique en régression multiple “pas à pas”, pour sélectionner dans un ordre décroissant, celles qui sont le plus
étroitement liées à la réussite universitaire. Ce dernier traitement statistique a retenu, en quatre rotations, et dans l’ordre,
les quatre variables explicatives de la réussite universitaires suivantes :
1. (Q157), degré d’instruction visé, indicateur du désir d’accomplissement académique.
2. q171) contacts avec les locuteurs natifs.
3. (Q130) le bénéfice d’une bourse universitaire ou d’une aide scolaire
“Q141 profession envisagée”, indicateur du désir d’accomplissement professionnel,
L’apport intrinsèque des deux premières variables est négatif (β1 = -0,579) et (β2 = -0,272), bien qu’elles soient liées à
la variable dépendante par une corrélation directe. En revanche, L’apport intrinsèque des deux variables suivantes est
positif mais faible (β3 = 0,216) et (β4 = 0,241), elles sont également liées à la variable dépendante par une corrélation
directe.
La variable “désir d’accomplissement académique explique 33,5%, la .variance totale de la réussite universitaire, tandis
que les contacts avec les locuteurs natifs en expliquent 7%, le bénéfice d’une bourse d’études 4,2% et le désir
d’accomplissement professionnel 3,6%. L’ensemble des quatre variables explicatives ainsi sélectionnées explique
48,3% (R24= 0,483) de la variance totale de la réussite universitaire.
Le test statistique d’analyse de variance de Fisher est significatif et confirme les effets des quatre variables explicatives
retenues sur la réussite universitaire.
III.
Conclusion
L’analyse des données recueillies par cette enquête tend à affirmer que l’université nationale, c’est-à-dire publique, est
surtout fréquentée par de jeunes gens issus de couches sociales les plus modestes de la population, défavorisés par leur
âge avancé et par la modestie de leurs moyens.
Les travaux sur l’origine sociale des étudiants africains sont rares. Pour la plupart, ces travaux traitent de stratégies et de
politiques universitaires, du financement, de l’organisation des études, de la condition enseignante, voire de l’état des
bâtiments. Néanmoins, les travaux de Fernand Sanou montrent qu’environ 52% des étudiants de Ouagadougou, au
Burkina Faso, sont issus de couches sociales défavorisées. De même, des données recueillies par N. Sall au sein de la
Faculté des Sciences de l’Université de Dakar révèlent que 61% des étudiants sont issus couches sociales défavorisées
(paysans, ouvriers, métiers traditionnels, chauffeurs, commis, militaires), à ceux-là s’ajoutent 15,2% d’étudiants qu’on
classe difficilement ( enfants de retraité, de commerçant, de marabout…).
L’université publique est, de facto, une université populaire, non pas du fait de la nature des enseignements dispensés en
son sein, mais du fait de l’origine de ses utilisateurs.
Contre toute attente, il faudra veiller à éviter une “ghettoisation” de cette université, au sens de séparation ou de
spécification handicapante, et à y ramener les catégories sociales moyennes et supérieures.
Certes, les étudiants originaires des campagnes ne manquent ni de capacités, ni d’ambitions, mais leurs performances
seront souvent limitées à cause de difficultés matérielles généralement engendrées par la faiblesse de leurs ressources
financières. Sans distinction, et du simple fait de la séparation d’avec leurs parents, ils ont besoin du soutien financier
de l’état, sous forme de bourses d’études ou d’aides scolaires. Or, nos économies de pays en voie de développement ne
sont pas suffisamment fortes, pour supporter le coût de la formation de tous les jeunes issus de familles nécessiteuses
48
ou, simplement, séparés géographiquement de leurs parents. C’est là un problème difficile à résoudre, qu’on ne peut pas
occulter.
D’un autre point de vue, s’il est vrai que toute société se dote d’un système d’éducation dont l’objectif est sa propre
pérennisation, il est difficile d’appliquer ce principe au groupe social composé de parents sénégalais et de leurs enfants,
les étudiants de langues vivantes étrangères. En effet, la grande majorité des parents de nos interrogés sont paysans ou
pêcheurs traditionnels, dont le désir le plus profond ne sera pas de produire une classe d’enseignants ou d’interprètes, tel
qu’il ressort des désirs d’accomplissement professionnel des étudiants concernés, à un moment où les enseignants ne
sont plus recrutés par la fonction publique, et où beaucoup de jeunes diplômés, dans d’autres disciplines, sont voués au
chômage. Théoriquement, leur aspiration serait de reproduire la structure qu’ils connaissent le mieux: une communauté
de pêcheurs ou d’agriculteurs, peut-être mieux équipés et plus évolués.
En raison de la présence massive des enfants d’agriculteurs et de pêcheurs, on est tenté d’affirmer que les “héritiers” de
la classe paysanne ont conquis les départements de langue. On pourrait aussi affirmer que l’appareil de reproduction des
classes moyennes et supérieures a si bien fonctionné qu’il a drainé les classes sociales économiquement faibles mais
numériquement supérieures vers l’université, où elles-mêmes sont absentes, dans des disciplines d’ordinaire considérées
comme leur apanage.
Selon l’analyse de Bourdieu et Passeron (1964), la famille est le lieu de construction de l’habitus primaire, capital
culturel de classe, et l’école, celui où se joue l’efficacité de cet habitus en perpétuant les rapports sociaux, souvent de
domination. L’école ré attribuerait à chacun la place qui est normalement la sienne dans la société.
Vue sous le rapport enseignants ~ étudiants, cette fonction de reproduction de l’école, en ce qui nous concerne, au sein
des Facultés des Lettres et Sciences Humaines et leurs départements, est plausible. Il faut cependant préciser que la
plupart des enseignants des universités sénégalaises sont, eux- mêmes, issus de classes sociales défavorisées, rarement
instruites, n’ayant jamais fréquenté l’université.
Considérée sous le rapport étudiants ~ étudiants, la fonction de reproduction est moins évidente. Ces acteurs sont en
majorité issus de la même classe sociale. Le conflit de classe se réduira, au mieux, à un esprit de concurrence. Et
l’université va produire des décideurs ou agents socialement déracinés, dont les aspirations seraient de s’éloigner de la
‘place qui est normalement la leur’, la paysannerie, d’évincer des membres de leur classe sociale d’origine. Mais un
autre cas de figure est aussi envisageable. Mus par le même sentiment de solidarité, propre aux couches sociales
inférieures, ils vont s’entraider pour réussir ensemble et créer une nouvelle classe, ou un nouveau groupe social
intermédiaire, entre la paysannerie et les couches sociales moyennes, de toutes les manières minoritaires.
Il est surprenant qu’au delà des professions15 habituellement liées étroitement à la maîtrise des langues qui nous
intéressent, personne, parmi les apprenants, ne pense à l’instrumentalisation de ces langues, par exemple, à en faire une
étape intermédiaire conduisant à d’autres études. Les conceptions sont trop axées sur l’articulation études ~
professionnalisation immédiate dans l’enseignement et l’interprétariat, ou la production littéraire. Dans cette optique
professionnalisante, personne ne pense jumeler les études linguistiques au métier de marketer ou de gestionnaire
d’entreprise, ou même de chercheur universitaire (autre que dans le domaine des études linguistiques diplomantes). Et
chose encore plus surprenante, cette attitude est partagée par les étudiants de Langues Etrangères Appliquées (LEA).
A l’heure de la communication et de la vente par satellite (sur “net ou web”), il est devenu à la fois aisé et moins
coûteux de prospecter des marchés lointains, en temps réel, en dehors des zones d’influence du français et de l’anglais.
Il est aujourd’hui possible de promouvoir des produits russes ou espagnols ou de toute autre provenance, à partir de
Dakar, de même qu’il est devenu plus aisé de promouvoir des produits et des entreprises sénégalais, sans s’éloigner de
Dakar ou de toute autre ville centre commercial, à moindres coûts, grâce aux ‘autoroutes de l’information’.
Tout aussi surprenante est la désertion des centres culturels et fondations implantés ou représentés au Sénégal. Ce fait
présente deux aspects.
a) Le premier concerne la politique linguistique des deux pays, de départ et cible, Il ne semble pas y avoir une
articulation nette entre le besoin linguistique du Sénégal et l’enseignement des langues. On se demande alors, si la
politique linguistique qui régit cet enseignement est effectivement ancrée dans la politique générale de développement
tracée par le Sénégal, ou s’il est tout simplement le prolongement à peine remanié de la politique coloniale, dont la
principale visée était d’assurer un relais administratif et d’assimiler le colonisé. Cet enseignement est- il une simple
reprise de l’enseignement autrefois organisé et assuré par la coopération française? Dans le cadre d’une politique
linguistique bien réfléchie, cet enseignement pourrait, par la méthode contrastive (ou confrontative) contribuer à la
promotion des langues nationales.
D’un autre côté, les pays dont on enseigne la langue ne semblent pas accorder beaucoup d’intérêt à l’expansion de leur
langue et de leur culture et n’investissent pas dans cet enseignement, comme on l’aurait souhaité. C’est ainsi que les
informations ne circulent pas entre les centres culturels et les établissements scolaires.
Mieux encore, les centres culturels et fondations semblent avoir défini, au préalable, pour ne pas dire sélectionné, leur
public-cible. Par exemple, tout le monde n’est pas invité à toutes les manifestations, ni même aux activités
fondamentales de ces centres culturels et fondations, c’est-à-dire, à participer aux cours de langue.
E
enseignement, interprétariat, affaires étrangères…
49
Or, produit social, la langue est aussi un produit commercial. Au delà du capital socioculturel, elle représente un capital
économique que les acteurs économiques et les gardiens de la langue que sont les enseignants, les chercheurs, les chefs
religieux, pour n’en citer que quelques uns, peuvent faire multiplier et fructifier dans des milieux intra- et extrauniversitaires. Ce capital peut être multiplié dans les entreprises, particulièrement dans celles où on produit et fait
circuler différents media de lecture et de conversation (journaux, livres et dictionnaires en tout genre, autres productions
linguistiques). L’expansion de la langue peut ouvrir aux différentes industries de consommation un marché économique
très intéressant.
b) Le deuxième aspect concerne l’étudiant lui-même, dont les seules sources d’informations sont le cours lui-même, et
le professeur. Les centres culturels et autres fondations lui sont totalement étrangers. Les actions idéologiques en
direction des étudiants sont quasi inexistantes. Une action conjuguée des services d’orientation, des conseillers en
éducation, des centres culturels, fondations et ambassades d’une part, et les entreprises d’autre part, pourrait aider les
étudiants à découvrir des possibilités d’orientation jusque là insoupçonnées. Cette action peut, également, être
pérennisée au sein de l’établissement par la création d’une cellule permanente, de conseil et d’orientation, intégrée à la
vie de la faculté. Cette cellule aurait pour fonction d’aider discrètement les étudiants à se doter d’un plan de formation
qui les rendrait autonomes au sortir de l’université.
Car il est difficile de concevoir un étudiant, déjà défavorisé par ses origines socio-économiques et handicapé par
l’éloignement de ses références affectives, aller à la quête d’informations, d’orientation dans les milieux totalement
étrangers que constituent pour lui la ville, les centres culturels, les bibliothèques et autres centres d’informations.
Dans le meilleur des cas, il lui faudra un temps d’adaptation au nouveau milieu, avant d’aller à la quête d’informations
sur les possibilités d’application de sa formation. Or, le plan de formation individuel de chaque étudiant devrait être prêt
dès l’accès à la classe terminale des lycées pour être efficace. Cela implique une longue préparation et une richesse
d’informations accumulée au cours des années précédentes, qui faciliteront à la fois le choix de la carrière estudiantine,
la planification des études et de la carrière professionnelle.
Les services d’orientation des universités sont certes nécessaires, mais leur efficacité est limitée, pour n’avoir pas suivi
l’étudiant dès le lycée. En réalité, ils orientent des inconnus, au vu de leur livret scolaire et de leurs résultats au
baccalauréat; c’est- à- dire, à la lecture d’une image fixe et unidimensionnelle. En effet, ni le livret scolaire, ni les
résultats du baccalauréat ne peuvent donner des informations satisfaisantes sur les capacités réelles de l’apprenant. Il
leur manque tout l’aspect relationnel et les caractéristiques individuelles de chaque étudiant, des facteurs importants de
la réussite universitaire.
BIBLIOGRAPHIE
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