Monsieur SALEK OULD BABE - Tribunal de Commerce d`Abidjan

Transcription

Monsieur SALEK OULD BABE - Tribunal de Commerce d`Abidjan
KF/KAD/KS
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
--------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
--------------RG N° 1624/15
------------JUGEMENT CONTRADICTOIRE
Du 09/07/2015
----------------Affaire :
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 09 JUILLET 2015
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience
publique du neuf juillet deux mil quinze tenue au siège
dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ;
Messieurs KACOU BREDOUMOU FLORENT,
ALLAH KOUAME JEAN MARIE, FOLOU IGNACE,
SILUE DAODA, N’GUESSAN GILBERT et Madame
ESSO épouse ABANET, Assesseurs ;
Monsieur SALEK OULD BABE
(Maître Simon-Pierre BOGUI)
Contre
Monsieur CHEICKH OULD MAALIM
DECISION :
------CONTRADICTOIRE
Avec l’assistance de
GERTRUDE, Greffier ;
Maître
KOUTOU
AYA
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause
entre :
Monsieur SALEK OULD BABE, né en 1964, de
nationalité mauritanienne, demeurant à Yopougon
(Abidjan) ;
Déclare SALEK OULD BABE recevable en son
action ;
Demandeur représenté par Maître Simon-Pierre
BOGUI, Avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan, y
Dit SALEK OULD BABE bien fondé en son demeurant Abidjan-Cocody Boulevard de France
action ;
SICOGI 60, 04 BP 61 Abidjan 04, Tel : 22 44 79/22 44
75 92, comparaissant et concluant ;
Ordonne l’expulsion de CHEICKH OULD
MAALIM de la boutique sis à Yopougon banco
quartier maison blanche qu’il occupe tant de sa
personne, de ses biens que de tous occupants
de son chef ;
Condamne CHEICKH OULD MAALIM à payer
au demandeur la somme de 10.000.000 francs
CFA à titre de dommages et intérêts ;
Le condamne en outre aux dépens.
d’une part,
Et
Monsieur CHEICKH OULD MAALIM, de nationalité
mauritanienne, demeurant à Abidjan Yopougon Banco
ii, 06 BP 546 Abidjan 06, Cél : 09 33 87 51 en son
domicile ;
Défenderesse représentée par Maitre LAGO-ZAN,
Avocat à la Cour, comparaissant ;
d’autre part ;
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Enrôlée pour l’audience du jeudi 30 avril 2015, l’affaire
a été appelée et renvoyée au 07 mai 2015 pour la
poursuite de la tentative de conciliation. Le Tribunal a
constaté l’échec de la tentative de conciliation ;
Une instruction a alors été ordonnée, confiée au juge
KACOU Brédoumou Florent en qualité de juge
rapporteur et la cause renvoyée à l’audience publique
du 11 juin 2015. Cette mise en état a fait l’objet d’une
ordonnance de clôture n°1624/15 en date du 16 juin
2015.
A la date de renvoi, la cause a été mise en délibéré
pour le 09 juillet 2015.
Advenue cette audience, le tribunal a vidé son délibéré
comme suit :
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et
conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES
PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 23 avril 2015,
Monsieur SALEK OULD BABE a assigné Monsieur
CHEICKH OULD MAALIM à comparaître le 30 avril
2015 par devant le Tribunal de céans pour
s’entendre :
- Constater la voie de fait dont il est victime et
ordonner l’expulsion de Monsieur CHEICKH OULD
MAALIM des lieux qu’il occupe injustement tant de sa
personne, de ses biens que de tout occupant de son
chef ;
- Condamner Monsieur CHEICKH OULD MAALIM à
lui payer la somme totale de dix millions (10.000.000
2
FCFA) pour
confondues ;
toutes
causes
de
préjudices
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à
intervenir ;
A l’appui de son action, le demandeur explique que
le 15 octobre 2012, se rendant en Mauritanie, il a
confié la gestion de sa boutique située à Yopougon
Banco contenant des marchandises d’un montant de
5.500.000 francs CFA à Monsieur CHEICKH OULD
MAALIM ;
Il ajoute qu’ils avaient convenu de partager les
bénéfices à parts égales jusqu’à son retour ;
A son retour de voyage, indique-t-il, le défendeur a
refusé de faire les comptes au motif qu’il lui doit une
somme de 215.000 francs CFA qu’il a payée pour
régler sa dette ;
En dépit du paiement de cette somme, déclare-t-il, le
défendeur, prétendant être propriétaire de la
boutique, refuse de la lui restituer ;
Selon le demandeur, la présence du défendeur dans
la boutique ne se justifie pas, et son attitude s’analyse
en une véritable voie de fait dans la mesure où il ne
lui a jamais cédé son fonds de commerce ni fait une
donation entre vifs ;
Aussi sollicite-t-il son expulsion des lieux qu’il occupe
tant de sa personne, de ses biens que de tout
occupant de son chef ;
Par ailleurs, le demandeur soutient que la résistance
abusive du défendeur lui cause un énorme préjudice
matériel et financier en ce qu’en sa qualité de
commerçant, il est privé de sa seule source de
revenu et est obligé d’engager des frais pour se faire
réintégrer dans sa propre boutique ;
C’est la raison pour laquelle, il entend voir condamner
le défendeur à lui payer la somme de 10.000.000
francs CFA à titre de dommages et intérêts pour
toutes causes de préjudices confondues ;
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Pour résister à l’action, CHEICKH MAALIM plaide
l’irrecevabilité de l’action pour défaut d’intérêt à agir
du demandeur ;
En effet, il fait valoir qu’il occupe le local sis à
Yopougon Port-Bouët 2 depuis l’année 2011 où il
exploite une boutique qui lui appartient après avoir
payé une caution de 500.000 francs CFA au
propriétaire des lieux ;
Que dans ces conditions, le demandeur ne justifiant
aucun droit sur la boutique, celui-ci ne peut réclamer
son expulsion ni des dommages et intérêts ;
Partant son action doit être déclarée irrecevable pour
défaut d’intérêt à agir ;
Au fond, il soutient n’avoir jamais travaillé avec le
demandeur et conteste avoir signé un protocole
d’accord avec Monsieur SALEK OULD BABE comme
celui-ci le prétend ;
Il conclut que la demande est mal fondée et doit être
rejetée ;
SUR CE
En la forme
Sur le caractère de la décision
Le défendeur a été assigné à sa personne et a
conclu ; il y a lieu de statuer contradictoirement ;
Sur le taux du ressort
L’article 8 de la loi organique n° 424/14 du 14 Juillet
2014,
portant
création,
organisation
et
fonctionnement des juridictions de commerce
dispose que : « Les Tribunaux de commerce
statuent :
- en premier ressort sur toutes les demandes dont
l’intérêt
du litige excède un milliard ou est
indéterminé.
- en premier et dernier ressort sur toutes les
demandes dont l’intérêt du litige n’excède pas un
milliard. »
4
En l’espèce, l’intérêt du litige est en partie
indéterminé ; il convient de statuer en premier
ressort ;
Sur la recevabilité
Le défendeur la conteste au motif que le demandeur
n’est pas propriétaire de la boutique et n’a donc pas
intérêt à agir. Cette question est liée au fond de la
cause.
Au fond
Sur la demande en expulsion
Pour solliciter l’expulsion de Monsieur CHEICKH
OULD MAALIM de la boutique sise à Yopougon PortBouët II qu’il occupe, Monsieur SALEK OULD BABE
produit un protocole d’accord daté du 15 octobre
2012 signé par les parties en présence de trois
témoins et légalisé le même jour à l’Ambassade de la
Mauritanie ;
« Monsieur SALEK OULD BABE né en 1964, de
nationalité Mauritanienne, demeurant à Yopougon et
Monsieur CHEICKH OULD MAALIM né en 1961, de
nationalité Mauritanienne demeurant à Yopougon il
est convenu ce qui suit :
Monsieur SALEK OULD BABE, devant effectuer un
voyage cède son magasin situé à Yopougon Banco
quartier maison blanche à Monsieur CHEICKH OULD
MAALIM. Le magasin est équipé de marchandises
diverses d’une valeur totale de cinq millions cinq cent
(5.500.000) francs CFA. Monsieur CHEICKH OULD
MAALIM doit gérer le magasin jusqu’au retour de
Monsieur SALEK OULD BABE, et le bénéfice
engendré de cette gérance doit être partagé en deux.
Une partie pour Monsieur CHEICKH OULD MAALIM
et l’autre part revient à Monsieur SALEK OULD
BABE. La part du dernier cité doit servir à augmenter
le capital jusqu’à ce qu’il revienne de son voyage »
Il ressort clairement dudit protocole d’accord que le
demandeur devant effectuer un voyage, a
provisoirement confié la boutique lui appartenant au
défendeur à charge de le lui rendre à son retour ;
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Dès lors celui-ci ne peut, en dehors de tout document
attestant que le fonds de commerce lui a été cédé,
prétendre en être propriétaire ;
En outre, il résulte des déclarations du chef de la
communauté mauritanienne de Yopougon contenues
dans le procès-verbal d’instruction que Monsieur
CHEICK OULD MAALIM s’était engagé à restituer
ladite boutique au demandeur ;
En l’espèce, il est donc constant que le défendeur
n’est titulaire d’aucun droit sur la boutique objet du
litige ; lequel appartient au demandeur qui a ainsi
qualité et intérêt à solliciter son expulsion ;
Dans ces conditions, il y a lieu de constater qu’il s’agit
d’une occupation manifestement illicite faisant du
défendeur un occupant sans titre ni droit ;
Dès lors pour mettre fin à ce trouble de jouissance
intolérable, il convient d’ordonner l’expulsion du
défendeur des lieux qu’il occupe tant de sa personne
de ses biens que de tous occupants de son chef ;
Sur la demande en paiement de dommages et
intérêts
Monsieur SALEK OULD BABE sollicite la
condamnation du défendeur à lui payer la somme de
10.000.000 francs CFA à titre de dommages et
intérêts ;
L’article 1382 du code civil dispose que « tout fait
quelconque de l’homme qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé, à le réparer » ;
Il résulte de l’analyse de cette disposition que la
responsabilité civile nécessite la réunion de trois
conditions cumulatives notamment une faute, un
préjudice et un lien de causalité ;
En l’espèce la faute commise par le défendeur résulte
de l’occupation illégale de la boutique du
demandeur ;
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Cette occupation a causé au demandeur un préjudice
certain en ce qu’en sa qualité de commerçant, celuici a été privé des revenus de sa boutique sur lesquels
il pouvait compter ;
Il y a donc lieu de dire la demande bien fondée et d’y
faire droit ;
Sur les dépens
Monsieur CHEICKH OULD MAALIM succombe, il
convient de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en
premier ressort ;
Déclare SALEK OULD BABE recevable en son
action ;
Dit SALEK OULD BABE bien fondé en son action ;
Ordonne l’expulsion de CHEICKH OULD MAALIM de
la boutique sis à Yopougon banco quartier maison
blanche qu’il occupe tant de sa personne, de ses
biens que de tous occupants de son chef ;
Condamne CHEICKH OULD MAALIM à payer au
demandeur la somme de 10.000.000 francs CFA à
titre de dommages et intérêts ;
Le condamne en outre aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour,
mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.
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