Sapeurs-pompiers Des chiens et des hommes pour porter secours

Transcription

Sapeurs-pompiers Des chiens et des hommes pour porter secours
Proche de nous
16 h : le (faux) chercheur de champignons donne l’alerte : son ami
avec qui il était parti a disparu.
SAMEDI 12 NOVEMBRE 2011 34
Le lieutenant Claude Morgen du centre de secours de Dannemarie,
prend la direction des opérations et distribue les consignes.
16 h 14 : le début des recherches commence. Deux équipes
s’engagent dans la forêt, de part et d’autre du sentier.
Sapeurs-pompiers Des chiens et des hommes pour porter secours aux personnes disparues
Les pompiers membres
l’équipe cynotechnique
du Service
départemental
d’incendie et de
secours du Haut-Rhin,
accompagnés de trois
représentants de
la sécurité civile de
Brignoles (Var) ont
investi les bois sur les
hauteurs de Retzwiller
samedi dernier. Leur
mission : retrouver
un cueilleur de
champignons disparu.
16 h 14 : Moins d’un quart d’heure plus tard, le plan de bataille est
dressé, le territoire quadrillé et les
consignes passées. Deux équipes
composées d’un pompier et de
son chien attaquent les recherches. Chacun de son côté. Débute
alors une « chasse » à l’homme.
Truffe au sol, les chiens partent à
la recherche du promeneur égaré, selon une méthode de quadrillage bien établie.
16 h 24 : le coup de sifflet retentit.
Le marcheur a été retrouvé par
Arthur, un berger belge tervueren. Au final, il aura fallu moins
d’une demi-heure aux secouristes pour retrouver l’homme qui
s’était simplement assoupi dans
les feuilles mortes. Plus de peur
que de mal donc.
16 h : un promeneur donne
l’alerte. Gérard, son ami d’enfance avec qui il était parti cueillir des
champignons a disparu. « On
était parti chacun d’un côté, on se
parlait et puis tout d’un coup, je n’ai
plus rien entendu. J’ai eu beau l’appeler et le chercher, je ne l’ai pas
trouvé », explique le faux promeneur au lieutenant Claude Morgen, chef du centre de secours de
Dannemarie et membre de
l’équipe cynotechnique du Sdis
68 (Service départemental d’incendie et de secours).
Les rois du pétrole
Il s’agit là bien sûr d’un simple
exercice comme les pompiers de
l’équipe cynotechnique spécialisée dans la recherche à personnes à l’aide de chien (lire par
ailleurs) ont l’habitude d’en faire
deux à trois fois par an. Pour les
accompagner cette fois, trois
équipes de la sécurité civile de
Brignoles (Var) avaient également fait le déplacement dans le
cadre d’une formation itinérante.
Un week-end « commando » qui
Questage
ou pistage ?
L’équipe cynotechnique des pompiers du Haut-Rhin accompagné de trois représentants de la société
civile a pris ses quartiers dans la forêt de Retzwiller samedi dernier, le temps d’un exercice.
Photos Jérôme Gil
avait commencé la veille au plan
d’eau de Burnhaupt-le-Bas pour
une évacuation de site à la suite
d’une « rave party » fictive, et s’est
terminé le dimanche à SainteCroix-en-Plaine par une recherche de personnes ensevelies dans
les décombres.
Des entraînements volontairement poussés qui cumulent rythmes intenses et conditions de vie
précaires avec notamment couchage en bivouac. « Nous travaillons volontairement dans des
conditions difficiles et à un rythme
soutenu, de telle façon qu’ils sont
obligés de puiser un peu dans leur
réserve afin de voir comment ils réagissent dans de telles conditions, les
hommes comme les chiens. Comme
ça le jour où ils travaillent dans des
conditions non dégradées, ils seront
les rois du pétrole », explique le
caporal-chef Carmelo Tambuzzo,
responsable de l’équipe cynotechnique du Haut-Rhin qui supervisait les opérations.
L’occasion de montrer également, qu’en cas de disparition,
les pompiers sont aussi un recours possible. Et efficace.
Jérôme Gil
Il convient de distinguer
deux méthodes bien différentes lorsqu’on parle de recherche à la personne : le
pistage et le questage.
Le questage est la méthode
utilisée généralement par les
pompiers et leurs équipes cynotechniques. Il s’agit là
d’une méthode de recherche
« aléatoire », sur un secteur
déterminé. Le chien de questage qui n’est pas attaché à
son maître parcours, selon
une méthode de quadrillage
bien précise, un territoire
donné. Lorsque le chien repère une présence, il aboie
pour prévenir son maître qui
le suit à distance.
Quant au pistage, plus généralement dans la police ou la
gendarmerie, il consiste à
suivre une piste à partir
d’une odeur. Le chien est
alors tenu en laisse par son
maître. Une méthode qui implique deux préalables : avoir
une odeur et un point de départ.
« Les gens ont tendance à prévenir d’abord les gendarmes »
16 h 24 : Arthur, le berger belge tervueren vient de retrouver le
promeneur disparu.
Née au début des
années 80, l’équipe
cynotechnique
des sapeurs-pompiers
du Haut-Rhin qui
compte aujourd’hui
sept équipes sur
l’ensemble du
département (dont une
à Dannemarie), souffre
parfois d’un manque
de reconnaissance de
la part du grand public.
Le lieutenant Claude Morgen,
chef du centre de secours (CS) de
Dannemarie, était parmi les premiers à rejoindre l’équipe cynotechnique du Service
départemental d’incendie et de
secours (Sdis) 68 lorsqu’elle a été
créée au début des années 80.
« Elle a été créée en 1982 à la suite
de la disparition d’une personne
dans les Vosges. Un appel à candidature a alors été passé », se souvient-il.
16 h 30 : fin de l’opération.
Aujourd’hui, il compose, avec Enzo, son berger malinois, l’une des
sept équipes (six maîtres et sept
chiens) que compte actuellement
le département du Haut-Rhin.
« Une équipe, c’est un chien et son
maître », précise le caporal-chef
Carmelo Tambuzzo, responsable
de l’équipe cynotechnique du
Haut-Rhin depuis un an, qui a
également passé 22 ans à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Leur mission : rechercher des
victimes ou des personnes disparues en milieu naturel comme
sous des décombres.
Complémentarité
Ainsi, le 1er novembre dernier,
l’équipe cynotechnique a été mise en alerte à la suite de l’explosion suivie d’un incendie qui a
fait trois morts ce jour-là, rue de
Thann à Mulhouse. « On était
prêt à intervenir car il manquait
trois personnes sur les cinq recensées
mais on n’a pas eu à le faire car ils
ont finalement été localisés », rapporte le caporal-chef Tambuzzo.
Et parmi, les dizaines d’interventions effectuées chaque année,
celle de l’explosion de la rue de la
Martre qui avait fait 17 morts le
26 décembre 2004 à Mulhouse,
reste comme la plus marquante.
« Ils avaient passé près de 40 heures
sur place pour tenter de localiser les
corps », raconte le responsable de
l’équipe.
Un travail de longue haleine qui
Le caporal-chef Carmelo Tambuzzo est actuellement le responsable
de l’équipe cynotechnique du Haut-Rhin.
nécessite une formation poussée
et continue du chien et de son
maître. « Il faut ainsi entre 18 et 24
mois pour former un chien, et ce dès
l’âge de trois mois. Ils sont formés à
la recherche de personnes, qu’elles
soient ensevelies sous des décombres,
du bois, un manteau neigeux, à la
recherche de personnes disparues,
lorsqu’il y a une disparition inquiétante ou lors d’un accident de la
circulation lorsque les personnes
sont inconscientes ou décédées et
qu’on veut être sûr qu’il n’y avait pas
d’autres personnes dans le véhicule », résume le responsable. Les
chiens utilisés généralement
sont des bergers qu’ils soient malinois (4 sur les 7 de l’équipe
haut-rhinoise), allemands (2) ou
hollandais (1).
Mais bien qu’elle fête son 30e anniversaire l’an prochain, l’équipe
cynotechnique des pompiers ne
semble pas toujours (re) connue
à sa juste valeur. « Les gens ont
plutôt tendance à prévenir d’abord
les gendarmes mais ils ne pensent
pas forcément à appeler les pompiers. Il faut qu’ils sachent que les
pompiers sont aussi en mesure d’intervenir dans ce genre de situation,
notamment pour des recherches en
forêt ou sur de grandes étendues.
Nous sommes complémentaires »,
conclut le caporal-chef Tambuzzo.
J.G