Discours de Mme Ségolène ROYAL Ouverture de la 1ère

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Discours de Mme Ségolène ROYAL Ouverture de la 1ère
Discours de Mme Ségolène ROYAL
Ouverture de la 1ère conférence internationale sur les risques liés
aux résidus de médicaments dans l’environnement
Cloître des Cordeliers, Paris
Monsieur le directeur général de la santé,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous dans ce premier grand
congrès international sur les risques liés aux résidus de
médicaments dans l’environnement.
Cette conférence a pour but de faire le point sur les
connaissances acquises depuis dix ans, en confrontant vos
résultats et vos avis sur le niveau de risque pouvant être établi à
ce jour en lien avec les traces de médicaments dans
l’environnement.
Cette rencontre est organisée par l’Académie nationale de
pharmacie, avec le soutien des ministères de l’environnement et de
la santé.
Je salue en particulier le Pr Yves Lévi (membre de l’Académie des
Technologies et de l’Académie nationale de Pharmacie,
correspondant de l’Académie nationale de Médecine, vice-Président
de l’Académie de l’eau) qui est à son initiative et dont je salue
l’engagement de tous les instants, ainsi que Claude Monneret,
Président de l’Académie nationale de Pharmacie.
Cette initiative correspond bien à l’objectif de préserver la qualité
des eaux et de la biodiversité.
Je me réjouis donc de vous voir aussi nombreux et que ce congrès
réunisse les meilleurs spécialistes, parmi lesquels des conférenciers
de niveau international :
- Docteur Ettore ZUCCATO, de l’institut de recherche
pharmacologique de Milan,
- Alistair BOXALL, Professeur des sciences de
l’environnement à l’université de York.
- le Professeur Klaus KÜMMERER, Directeur de l’institut de
de l’environnement et de chimie de l’université Leuphana à
Lüneburg en Allemagne.
- Le professeur Damia BARCELO CULLERÈS, docteur en
chimie analytique de l’université de Barcelone
- Le
professeur
Thomas
BACKHAUS,
professeur
d’écotoxicologie à l’Université de Gothenburg
- Shane SNYDER
- le Dr Maria Neira, directrice du département santé
publique, déterminants sociaux et environnementaux de la
santé de l’Organisation Mondiale de la Santé.
1° ) Le congrès traite des enjeux de la recherche sur la
problématique
des
résidus
de
médicaments
dans
l’environnement.
Ce n’est que depuis peu que s’est posée la question du devenir
de ces médicaments une fois utilisés.
La diffusion importante, et maintenant sur une durée assez longue,
dans l’environnement de résidus et de métabolites de ces
molécules, qu’ils soient issus de l’homme ou de l’animal, peut en
effet poser d’importants problèmes pour l’environnement et la
biodiversité et pour la santé publique.
Ainsi, des perturbations biologiques ont été observées sur des
animaux vivant dans des zones fortement contaminées, y
compris par les résidus de médicaments. Les résidus de
contraceptifs par exemple, extrêmement répandus et dont les
propriétés de perturbateurs endocriniens affectent la faune
sauvage, notamment aquatique, de manière alarmante.
Concernant plus spécifiquement l’évaluation du risque :
- le nombre de publications n’a cessé de s’amplifier depuis 10
ans ;
- de nouvelles procédures imposant la mesure de l’écotoxicité
ont été intégrées dans les dossiers d’autorisation de mise sur le
marché des médicaments,
- de grands programmes de recherche ont été financés notamment
par l’Union européenne ou les agences environnementales nord
américaines.
Rien que pour l’antibiorésistance, on estime ainsi que le phénomène
cause chaque année 12 500 décès en France.
Or, dans la démarche d’analyse des risques, certains éléments
sont encore méconnus :
- Les effets des mélanges avec les autres polluants ne sont
pas analysés et les impacts sur la faune et la flore sont
encore mal évalués.
- Les relations dose-effet ne sont pas assez établies aux
doses rencontrées dans l’environnement.
En
matière
d’antibiorésistance,
nous
manquons
de
connaissances sur les nombreux mécanismes d'acquisition de
la résistance par les bactéries présentes dans les eaux usées
urbaines ou hospitalières.
En matière de gestion du risque, des hôpitaux ont choisi de traiter
leurs effluents liquides avant rejet et la Suisse a initié une politique
de traitement à l’aval de certaines stations d’épuration
positionnées sur des cours d’eau fragiles pour éliminer ces
molécules.
2°) Je voudrais vous donner maintenant quelques exemples
d’actions.
a) J’ai décidé de lancer le « plan national micropolluants » pour
la période 2016 - 2021.
Il a été élaboré par mes services en collaboration avec les
autres ministères concernés, l’ONEMA, les agences de l’eau et
les organismes de recherche et développement pour la période
2016-2021 pour réduire les émissions de polluants et préserver
ainsi la qualité des eaux et la biodiversité.
Ce nouveau plan propose 39 actions.
L’action numérotée 31 vise à : « travailler sur la disponibilité et le
partage de données permettant de connaître le danger et
l’exposition pour les résidus de médicaments humains et
vétérinaires dans les eaux ».
En effet, aucune base de données fiable n’existe à ce jour sur les
propriétés physico-chimiques, toxicologiques et écotoxicologiques
des médicaments.
Une centralisation de ces données permettrait de prioriser de
manière plus efficace les molécules quant à leur risque de se
retrouver dans les eaux ou à dépasser des seuils.
Plus largement, le plan national micropolluants vise trois objectifs
principaux :
•
réduire dès maintenant les émissions de micropolluants
présents dans les eaux et les milieux aquatiques, dont le risque
est connu. On doit limiter les émissions et rejets de micropolluants
provenant des différentes sources identifiées (notamment les
établissements de soin et les activités agricoles dont l’élevage) et
sensibiliser le plus grand nombre au risque de pollution des eaux ;
•
consolider les connaissances pour adapter la lutte contre la
pollution des eaux et préserver la biodiversité.
b) Nous avons déjà lancé des actions qui préludent ce plan.
13 projets visant à lutter contre les micropolluants dans les eaux
urbaines ont été retenus lors de l’appel à projets "Innovation et
changements de pratiques : micropolluants des eaux urbaines"
en 2014 par l’ONEMA, les Agences de l’Eau et le Ministère de
l’Environnement, en partenariat avec le Ministère de la Santé.
Ces projets s’attachent à proposer des solutions et des pratiques
innovantes contre les pollutions déversées dans les réseaux
d’assainissement urbains. Ils peuvent cibler des résidus de
médicaments ou d’autres micropolluants, comme ceux contenus
dans les cosmétiques, les désinfectants, les produits domestiques,
ou issus de revêtements urbains.
C’est le cas du projet SIPIBEL-RILACT du centre hospitalier Alpes
Léman, à Bellecombe en Haute-Savoie, qui permet d’identifier la
présence de résidus de médicaments et de produits de diagnostics
dans les milieux aquatiques, contribuer à caractériser les risques
sanitaires et environnementaux et identifier des solutions de
traitement.
c) J’ai saisi L’ANSES d’une expertise en vue d’objectiver les
connaissances relatives aux mécanismes participant au
développement de l’antibiorésistance dans l’environnement et de
définir de nouvelles actions de réduction du risque pour ce qui
concerne l’interface entre médecine humaine, vétérinaire et
environnement.
d) Je vais financer par ailleurs une revue systématique destinée à faire
un état des lieux de la connaissance sur la contamination des
milieux en antibiotiques, biocides et bactéries résistantes.
e) Je souhaite enfin qu’il y ait un appel à projets de recherche dédié à
la thématique « antibiorésistance et environnement » dans le cadre
du Programme National de Recherche en Environnement Santé
Travail de l’Anses.