Résidus des médicaments dans l`eau potable. Revue IZA. 06
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Résidus des médicaments dans l`eau potable. Revue IZA. 06
Sécurité du travail et promotion de la santé Résidus des médicaments dans l’eau potable Anna Aznaour, [email protected] Les statistiques de vente de médicaments sont classées top secret en Suisse. Une partie de ces molécules chimiques se retrouvent dans l’eau que nous consommons. Leurs risques pour la santé et les plans d’action possibles ont été discutés lors du premier atelier sur les micropolluants organisé le 29 juin 2012 par la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’Université de Lausanne (Unil)*. Les organisateurs de l’atelier, Nathalie Chèvre et Suren Erkman, avec les intervenants De gauche à droite: Jürg Oliver Straub (F.Hoffmann-La Roche SA), Evelyne Touraud (Ecole des Mines d’Alès), Nathalie Chèvre (Unil), Suren Erkman (Unil), Didier Ortelli (CIPEL) En Suisse, deux ordonnances – l’ordonnance sur la protection des eaux (OEaux) et l’ordonnance sur les substances étrangères et les composants (OSEC) – définissent les exigences relatives à la qualité des eaux et aux concentrations maximales admissibles des substances chimiques. Or, la plupart des micropolluants, comme les médicaments, les cosmétiques, les produits de dégradation de matériaux, etc. ne sont réglementés dans aucune de ces deux ordonnances. Par conséquent, il y a un flou artistique bien nébuleux qui entoure les eaux du Léman, qui sont la source principale de l’eau potable pour les régions de son bassin. 6/12 Comment les médicaments se retrouvent dans l’environnement Les trois principales voies d’entrée des médicaments dans l’environnement sont: les sites de production, leur élimination incorrecte et l’excrétion des patients. Environ 2000 substances actives médicamenteuses sont consommées régulièrement par la population de notre pays (Chèvre et Erkman, 2011). Une partie de ces molécules est métabolisée par l’organisme et l’autre partie évacuée avec les urines et les selles par les toilettes. Puis elles sont acheminées, par les égouts, dans les stations d’épuration, d’où leurs résidus persistant au traitement sont rejetés dans les eaux des rivières et des lacs. L’influence avérée de ces substances sur l’environnement a été prouvée par les études, qui soulignent: ● l’impact du tributylétain (peinture antifouling) sur les invertébrés marins ; ● l’impact du diclofénac (anti-inflammatoire) sur les populations de vautours en Asie, décimées à 99% ; ● l’impact des hormones naturelles et synthétiques (pilule contraceptive) sur la féminisation des poissons mâles. Avec l’éthynylestradiol (hormone de synthèse contenue dans les pilules contraceptives), les anticancéreux et les immunosuppresseurs, les antibiotiques font partie des trois classes de médicaments les plus inquiétantes pour l’environnement. Administrés également aux aniwww.iza.ch Sécurité du travail et promotion de la santé Précautions sécuritaires à l’intention de la population Les modérateurs des sessions, les doctorants de Nathalie Chèvre et la coordinatrice de l’atelier. De gauche à droite: Dr Luca Rossi, Pierre-Jean Copin, Myriam Borgatta, Vincent Gregorio et Tali Nyffeler-Sadras maux, les résidus des antibiotiques sont détectés jusqu’au milieu du lac Léman, de même que dans les sols et les eaux souterraines. Malheureusement, les effets sur le long terme de ces micropolluants sur l’environnement et l’être humain sont, à ce jour, très peu étudiés. Le travail des stations d’épuration Les premières stations d’épuration des eaux sont entrées en activité en Suisse dans les années 60. Depuis, deux principaux moyens sont utilisés pour éliminer les micropolluants: l’ozonation et le charbon actif. La méthode d’ozonation consiste à utiliser des molécules d’ozone, qui sont très réactives et qui ont la propriété de casser les polluants organiques pour les rendre aisément décomposables. Toutefois, le désavantage de cette approche est que les produits de dégradation ainsi créés sont quelquefois plus toxiques que les substances d’origine et un filtre (souvent à sable) est utilisé, après l’ozonation, pour les retenir. Ce filtre, pour remplir sa fonction, doit être régénéré régulièrement. Quant à la seconde méthode, elle utilise le charbon actif, qui a des capacités d’absorption importantes et traite d’autres micropolluants que la méthode d’ozonation. L’exemple salutaire de l’industrie pharmaceutique suédoise La responsabilité des industries dans la propagation de la pollution médicamenwww.iza.ch teuse a été moult fois pointée par les chercheurs. L’industrie pharmaceutique suédoise a décidé d’adopter un comportement citoyen responsable axé sur la transparence et l’information. Pour commencer, elle s’est tout d’abord engagée auprès du Gouvernement à développer un système national volontaire de classification des produits pharmaceutiques. Les représentants officiels de la santé publique et des soins ainsi que les compagnies de commercialisation des médicaments ont été invités à participer à cette opération de taxinomie. Un groupe d’experts internationaux de référence a été créé pour suivre et soutenir le développement de ce nouveau système ainsi que pour fournir des données relatives aux risques et dangers sur l’environnement. Également, des délais ont été fixés pour la hiérarchisation de l’ensemble des classes de produits pharmaceutiques. Finalement, une agence extérieure a été mandatée pour vérifier toutes les données. L’objectif de toutes ces actions était la création d’un système de classification environnementale accessible à tous (www.janusinfo.se). Cela permettait aux soignants et aussi aux patients de choisir entre des médicaments ayant des propriétés thérapeutiques identiques mais des effets sur l’environnement différents. Par ailleurs, ce comportement incitait l’industrie pharmaceutique à développer de nouveaux médicaments ayant un impact environnemental moindre. Pour protéger la qualité de l’eau potable et préserver la santé de tous, il est important de: ● ne jamais jeter de médicaments périmés dans les toilettes, mais de les rapporter dans les pharmacies ; ● laisser couler l’eau du robinet pendant quelques minutes avant de la boire le matin ou après une longue absence. Cela permet d’évacuer le dépôt des métaux lourds qui s’accumulent dans les eaux stagnantes ; ● éviter de boire l’eau chaude du robinet riche en calcaire et peu recommandable au niveau bactérien ; ● ne pas hésiter, en cas de doute, à faire analyser l’eau potable de son ménage par les laboratoires cantonaux ou privés. En conclusion De nos jours, la chimie et les micropolluants sont partout. Ils sont le prix à payer pour le confort, la longévité et la technologie dont nous jouissons. Toutefois, leur alarmant impact environnemental confronte la société dans son ensemble et chaque citoyen individuellement à ses devoirs envers les générations futures. Afin d’éviter les dérives, une législation contraignante, une surveillance étatique accrue et des campagnes d’information publique devraient être mises en place. * Pour toute information ou inscription à cette série d’ateliers, contacter Tali Nyffeler-Sadras [email protected] Bibliographie Chèvre N. & Erkman S. (2011). Alerte aux micropolluants. Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne. Liens utiles Micropolluants dans les eaux usées urbaines www.bafu.admin.ch/publikationen/ publikation/01661/index.html?lang=fr Mikroverunreinigungen aus kommunalem Abwasser www.bafu.admin.ch/publikationen/publikation/01661/ 6/12